compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
M. Loïc Hervé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat, ainsi que sur notre site internet.
Je vous appelle à veiller au cours de nos échanges au respect des uns et des autres, ainsi qu’à celui du temps de parole.
guerre en ukraine
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. Claude Malhuret. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Chaque jour en Ukraine, des femmes et des enfants meurent dans les décombres de leurs immeubles pulvérisés. Chaque jour, des soldats tombent, parce que manquent les armes pour résister à Wagner et à ses vagues d’assaut de traîne-misère envoyés au massacre.
À Ramstein, il y a quelques jours, les Européens échouaient à s’accorder sur la livraison de chars lourds. Cette immense déception a cédé la place aujourd’hui même à un immense soulagement : les Allemands, pressés par l’Europe de l’Est et du Nord, ont donné leur accord à la livraison de Leopard 2.
La France est désormais mise devant ses responsabilités. Après l’Angleterre, la Pologne, les pays Baltes et, maintenant, l’Allemagne, va-t-elle fournir les armements capables de changer l’issue de la guerre, à savoir des chars et une défense sol-air efficace ?
Le Président de la République expliquait que ces armements ne devaient pas être « escalatoires ». La décision allemande dissipe cet argument peu pertinent. On ne peut dire aux Ukrainiens qu’on les soutiendra jusqu’à la victoire finale et, en même temps, que l’on ne veut pas d’escalade : par définition, la victoire nécessite une escalade !
Depuis un an, nous laissons à Poutine le monopole de l’escalade. C’est lui qui fixe les lignes rouges et nous qui craignons de les franchir, alors que, à chaque franchissement, ses menaces ne sont suivies d’aucun effet, la Russie étant déjà au maximum de ses capacités.
Quant au chantage à l’arme atomique, il est balayé depuis que, à Samarcande, Xi et Modi ont interdit à un Poutine pétrifié de s’en servir. Il ne peut plus être l’excuse de nos indécisions.
Au bout d’un an de guerre, nous savons que, si le coût du soutien à l’Ukraine est élevé, celui-ci de ne pas chasser la Russie le serait bien plus. Le but de Poutine est non pas la seule destruction de l’Ukraine, mais la fin de l’ordre européen démocratique. Il s’agit d’aider l’Ukraine non plus à se défendre, mais à gagner.
Madame la Première ministre, au-delà des efforts déjà accomplis, le gouvernement français compte-t-il se joindre à nos alliés et livrer l’armement lourd indispensable ? Quand compte-t-il le faire ? Chaque jour de retard est un jour de deuil en Ukraine. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur Claude Malhuret, cela fait désormais onze mois que la Russie a lancé une offensive injustifiable, inacceptable et brutale sur le territoire ukrainien. Cela fait onze mois de bombardements, de morts et de drames insupportables pour le peuple ukrainien. Cela fait onze mois que l’Ukraine résiste de manière héroïque, onze mois que la France lui apporte un soutien sans faille.
Comme l’a répété le Président de la République il y a quelques jours, nous serons au rendez-vous pour aider l’Ukraine « jusqu’à la victoire ». Depuis bientôt un an, ce pays peut compter sur l’aide militaire internationale. Aux côtés de ses partenaires, la France y prend une part importante : nous sommes l’un des premiers contributeurs par la livraison d’équipements et de munitions, ainsi que par la formation de centaines de soldats ukrainiens.
Les matériels que nous livrons font la différence sur le terrain ; les Ukrainiens le soulignent eux-mêmes régulièrement. Je pense aux canons Caesar, au système de lance-roquettes unitaires, au système de défense antiaérienne Crotale livré en fin d’année.
Nous entendons les demandes du président et du gouvernement ukrainiens. Rien n’est exclu, et nous sommes mobilisés pour les soutenir dans la durée. Nous voulons une action coordonnée avec nos partenaires internationaux, qui réponde au mieux aux besoins de l’Ukraine pour assurer sa défense.
Pour notre aide militaire, nous voulons respecter trois principes.
Le premier, comme l’a indiqué le Président de la République, est que notre aide ne doit pas provoquer d’escalade. Personne n’aurait à y gagner, surtout pas l’Ukraine.
Le deuxième est que notre aide doit être utile et efficace rapidement. Cela implique notamment que les forces ukrainiennes soient en mesure d’être formées pour utiliser les équipements et qu’elles puissent en assurer le maintien en conditions opérationnelles.
Le troisième est que nous ne devons pas et ne voulons pas affaiblir significativement nos propres capacités de défense, en particulier les plus critiques.
Je salue la décision de l’Allemagne au sujet des chars lourds : elle permettra de renforcer les capacités militaires ukrainiennes en matière de véhicules de combat blindés. Nous avons été particulièrement réactifs face aux demandes de l’Ukraine dans ce domaine ; au début du mois de janvier dernier, le Président de la République a lancé une dynamique en annonçant la livraison de chars légers AMX-10 RC. La décision allemande renforce et amplifie le soutien engagé.
En ce qui concerne les chars Leclerc, nous poursuivons l’analyse avec le ministre des armées. La question de l’aide à l’Ukraine ne se limite pas à tel ou tel équipement. Chaque pays dispose de domaines d’excellence, comme la défense aérienne et l’artillerie pour la France ; il est important de bien nous coordonner.
Enfin, j’ajoute que nous avons créé un fonds spécial de soutien de 200 millions d’euros pour permettre à l’Ukraine d’acheter directement auprès de nos industriels le matériel dont elle a le plus besoin. Nous sommes également actifs à l’échelon européen, en prenant toute notre part à la Facilité européenne pour la paix.
Monsieur Malhuret, vous le savez, et j’ai eu l’occasion de le rappeler lors du débat qui s’est tenu ici même le 26 octobre dernier, notre soutien à l’Ukraine dépasse le seul cadre militaire. Il est aussi humanitaire et diplomatique. Il passe par les sanctions sans précédent de l’Union européenne contre la Russie. Et, bien sûr, il concerne la reconstruction du pays.
Nous agissons en lien constant avec nos partenaires européens et nos alliés. Nous agissons avec détermination et constance. Nous serons aux côtés de l’Ukraine jusqu’au bout, je puis vous l’assurer. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Pierre Médevielle applaudit également.)
zone à faibles émissions de la métropole du grand paris
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
« Les classes moyennes ne croient plus et n’écoutent plus ceux qui les dépossèdent » : c’est en ces termes si justes que le géographe Christophe Guilluy s’exprimait cette semaine dans un grand quotidien. C’est une illustration parfaite du ressenti des Français face à la mise en place forcée des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
Notre groupe, ici au Sénat, l’a rappelé il y a quelques jours, lors d’un débat que nous avons souhaité organiser après la mise en place chaotique des ZFE, du Grand Paris à Toulouse en passant par Strasbourg, Nice ou Toulon. Nous y avons défendu une vision équilibrée entre le tout-voiture, que nous récusons, et le jusqu’au-boutisme environnemental, qui voudrait supprimer tous les véhicules.
Les Français sont-ils informés que 40 % d’entre eux vont devoir, dans les prochaines années, amener leur véhicule à la casse ? Non !
L’industrie automobile française, et je dis bien française, est-elle prête à cette transformation vers le tout-électrique ? D’après M. Tavares, non !
L’avitaillement est-il suffisant et les répercussions de la crise énergétique sont-elles intégrées au coût et au déploiement des bornes électriques ? Non !
La logistique urbaine est-elle organisée pour nos petits artisans et leurs véhicules utilitaires ? Non !
Les contrôles sont-ils efficaces et efficients ? (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Non !
Enfin, l’offre de transports en commun est-elle suffisante et ponctuelle, et irrigue-t-elle l’ensemble de notre pays ? (Non ! sur les mêmes travées.) Non !
Les ZFE telles que vous les avez mises en place sont un capharnaüm. (Oui ! sur les mêmes travées.) Tout est fait à l’envers !
Madame la Première ministre, avez-vous conscience que ces ZFE pourraient être l’étincelle annonçant de nouveaux blocages ? Allez-vous mettre fin à cette marche forcée en sens inverse ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Alain Cazabonne et Olivier Cigolotti applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, y a-t-il ici des gens qui pensent que la question des décès par la pollution atmosphérique est secondaire ? (Non ! sur des travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, GEST et SER.)
Y a-t-il ici des gens qui contestent la nécessité de lutter contre le dérèglement climatique ? (Non ! sur les mêmes travées.)
Y a-t-il ici des gens qui considèrent qu’il faut faire confiance aux élus locaux quand on met en place des politiques ? (Oui ! sur les mêmes travées.)
Eh bien, monsieur Tabarot, vous avez dressé la feuille de route qui est la nôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Non, vous faites tout le contraire !
M. Christophe Béchu, ministre. S’agit-il d’une invention française ? Non ! Les zones à faibles émissions existent dans quatorze pays d’Europe. La première ZFE a été mise en place en 1996 en Suède.
M. Marc-Philippe Daubresse. Et les centrales à charbon allemandes ?
M. Christophe Béchu, ministre. Ce dispositif touche-t-il 40 % des automobilistes ? Non ! Il concerne les agglomérations qui sont en dépassement de seuil à la suite d’une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne et par le Conseil d’État.
Monsieur le sénateur, je n’ai aucun doute sur le fait que vous voulez rassurer nos concitoyens et faire en sorte que nous prenions les bonnes décisions. Je vous demande simplement d’entendre ce qu’est l’état actuel du droit.
En l’état actuel du droit, aucun calendrier n’est fixé par l’État pour réglementer les véhicules professionnels. En l’état actuel du droit, les seuils de restrictions dépendent des dépassements de la pollution de l’air.
À la minute où nous nous parlons, contrairement à ce que certains affirment, aucun calendrier restrictif ne vise tout le pays ni même quarante-trois agglomérations. Le seul calendrier restrictif fixé par la loi est la sortie de la circulation, en cas de dépassement de seuils, des Crit’Air 5 au 1er janvier 2023, des Crit’Air 4 au 1er janvier 2024 et des Crit’Air 3 au 1er janvier 2025.
Combien avons-nous à l’heure actuelle d’agglomérations en dépassement de seuils ? Moins de dix ! Les autres ont toute latitude pour mettre en place des mesures permettant d’atteindre les objectifs : l’obligation concerne les résultats, pas les moyens.
Les critiques que vous avez émises dans cet hémicycle étaient à la fois plus nuancées et plus constructives – je m’en réjouis – que votre question, du fait du caractère condensé de cette dernière. Elles nous ont conduits à mettre en place un groupe de travail.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Les métropoles de Toulouse et de Strasbourg y sont associées, pour faire en sorte que nous trouvions des solutions. Tel est l’état d’esprit du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous êtes totalement hors sol !
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Madame la Première ministre, je regrette votre absence de réponse, car c’est vous qui avez souhaité naguère ces ZFE, en tant que ministre chargée des transports. Écoutez, de grâce ! Accompagnez nos concitoyens, pour que ces zones ne constituent pas un sacrifice de plus pour les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
apaisement du débat sur les retraites
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. Stéphane Demilly. Ma question s’adresse directement à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, et indirectement à tous ceux qui aiment la démocratie. (Exclamations.)
Les semaines passent et arrive un projet de loi que personne ne peut ignorer, tant il est médiatisé, tant il déchaîne les passions et tant, il est vrai, il aura d’incidences sur la vie future de nos concitoyens.
Je parle naturellement de la réforme des retraites. Certains la soutiendront sans réserve, d’autres l’amenderont pour la rendre plus conforme à leurs convictions, d’autres enfin la combattront fermement. Les avis divergent, parfois au sein d’un même groupe parlementaire.
Pourtant, là n’est pas l’objet de mon intervention, car nous aurons naturellement l’occasion de revenir sur le sujet en février prochain, lors de l’examen du projet de loi. Je souhaite plutôt vous parler de la forme et du climat qui prévalent sur ces futurs échanges.
La semaine dernière, un important responsable syndical a déclaré qu’il allait « s’occuper » des élus qui soutiendraient ce texte, en organisant des coupures de courant qui les cibleraient directement… Je trouve ces propos terriblement scandaleux !
Dans une démocratie, on peut et on doit débattre des orientations politiques. On peut les soutenir, on peut les critiquer, on peut, naturellement, manifester. En revanche, menacer un élu, parfois même dans sa vie privée, pour ses prises de position n’est pas tolérable !
En démocratie, c’est la force des arguments qui compte et non les arguments de force ! La réflexion, l’écoute, la sérénité et, finalement, le jugement ne doivent pas être à la merci de quelque forme que ce soit d’intimidation, de pression ou de menace. Sur toutes les travées de cet hémicycle, on devrait dénoncer ces méthodes barbares.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous ramener de la sérénité et de la lucidité dans ce débat budgétaire et sociétal, dont tout le monde gagnerait à ce qu’il soit bien plus apaisé et constructif ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur Demilly, à vrai dire, je souscris à tout ce que vous avez dit. Je crois d’ailleurs que nous sommes nombreux ici, au banc du Gouvernement, mais aussi sur les travées du Sénat, à partager votre indignation.
Le débat sur les retraites est ouvert. Il peut en effet être vif, agité ou passionné. Je n’ai aucun doute sur le fait que, à l’Assemblée nationale comme au sein de la Haute Assemblée, nous échangerons des idées.
Comme la Première ministre, je souhaite que les débats soient les plus constructifs et les plus ouverts possible. Nous sommes convaincus que la capacité à mener jusqu’au bout une discussion de bonne qualité passe par l’affirmation à la fois de convictions et de priorités. Les nôtres touchent à l’équilibre du système, à la protection des plus fragiles et à la mise en œuvre de mesures justes, afin que la réforme pérennise les retraites dans leur ensemble.
Dans le cadre de ce débat, des mouvements sociaux sont organisés. Les organisations syndicales sont légitimes pour appeler à des grèves ou à des mobilisations, surtout lorsque les choses se passent bien, comme dans les cortèges de la semaine dernière. Toutefois, à l’occasion de ce débat – nous l’avons dit aussi –, nous ne souhaitons pas de blocages, qui seraient pénalisants pour l’ensemble des Français, et nous n’acceptons aucune menace.
Les propos que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, ne sont pas acceptables. Un certain nombre d’actions envisagées, si elles étaient réalisées, relèveraient du délit plus que de l’action politique ou militante. Pour notre part, nous maintiendrons cette ligne : clarté et affirmation de convictions, mais aussi souci permanent de veiller à ce qu’aucun acte inacceptable ne soit commis.
Au-delà de votre question, monsieur le sénateur, et au-delà de la réforme des retraites, ces menaces inacceptables proférées à l’encontre d’élus pour les convictions qu’ils expriment et pour les positions qu’ils prennent s’inscrivent dans le contexte de l’augmentation des faits de violences envers les élus.
Votre intervention me permet – je parle sous le contrôle du ministre de l’intérieur – de signaler que, aujourd’hui même, au Journal officiel, a été publiée la loi qui autorise les associations d’élus et les assemblées parlementaires à se porter partie civile aux côtés des élus victimes de violences. C’est un progrès dans la protection des élus français, il faut le souligner. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
sort des femmes dans la réforme des retraites (i)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
« Évidemment, si vous reportez l’âge légal [à 64 ans], elles sont un peu [plus] pénalisées. […] Sur ce point-là, elles sont un peu plus impactées que les hommes. » Est-ce un syndicaliste ou un opposant à votre réforme des retraites qui a tenu ces propos, monsieur le ministre ? Non ! La réalité des conséquences de votre réforme des retraites est reconnue par le ministre Riester…
Vous ne pouvez pas dire que ce sont des mensonges ! Avec votre réforme, les femmes vont devoir en moyenne travailler sept mois de plus pour partir à la retraite, contre cinq mois supplémentaires pour les hommes. Cette réforme, profondément injuste pour l’ensemble des salariés, l’est encore plus pour les femmes. (Marques d’approbation sur les travées du groupe SER.)
Votre réforme va donc aggraver les inégalités entre les femmes et les hommes. Commencez plutôt par imposer l’égalité salariale entre les sexes, pour dégager 6 milliards d’euros de cotisations de retraite supplémentaires !
Je pense à ces ouvrières et à ces ouvriers de la marée à Boulogne-sur-Mer, au travail dès deux heures du matin, ou à celles et à ceux des industries agroalimentaires, debout derrière leur chaîne toute la journée, qui ont commencé leur carrière tôt. Ces travailleurs vont cumuler tous les aspects négatifs de votre réforme.
Je pense aux aides à domicile, aux soignantes, aux infirmières, aux femmes de ménage et aux caissières, que vous applaudissiez durant la crise sanitaire et qui, si elles appartiennent à la génération de 1972, devront travailler neuf mois supplémentaires.
À l’issue du conseil des ministres, vous avez reconnu, monsieur le ministre, que le recul de l’âge légal serait plus défavorable aux femmes qu’aux hommes dans un premier temps. Par vos propres aveux, vous établissez l’injustice de votre texte. Nous vous demandons de le retirer et d’organiser un véritable débat dans le pays. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Daniel Breuiller applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, je reviendrai en quelques mots sur les faits que vous évoquez et sur la lecture qui peut parfois être faite de l’étude d’impact accompagnant le projet de loi de réforme des retraites. Je rappellerai à cette occasion quelques évidences, qui méritent d’être versées au débat.
L’âge d’ouverture des droits sera-t-il différent entre les hommes et les femmes ? Non !
La durée de cotisation requise entre les hommes et les femmes sera-t-elle différente ? Évidemment non !
Quelles sont les conséquences de la réforme que nous défendons ? Un rapprochement de l’âge effectif de départ – je ne parle pas de l’âge légal – s’opère entre les hommes et les femmes. Pourtant, vous l’avez certainement noté, madame la sénatrice, à la lecture de ce rapport d’évaluation,…
M. Pascal Savoldelli. Vous avez refusé l’étude d’impact !
M. Olivier Dussopt, ministre. … en 2030, les femmes continueront de partir à la retraite en étant plus jeunes que les hommes.
Pourquoi ? Parce que nous maintenons l’intégralité de ce que nous appelons les droits familiaux (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.), à savoir les quatre trimestres automatiquement attribués aux femmes dans le régime général, à l’occasion d’une maternité, ou les deux trimestres dans le régime de la fonction publique. Vous savez d’ailleurs que les quatre trimestres du régime général peuvent être répartis librement entre les membres du couple.
Vous avez aussi lu dans ce même rapport d’évaluation, madame la sénatrice, que les mesures que nous prenons, en matière d’éligibilité à la retraite minimale garantie comme en matière d’éligibilité au départ anticipé au bénéfice des carrières longues, sont favorables aux femmes : nous intégrons les trimestres cotisés de la part des parents au foyer au titre de l’assurance vieillesse dans les trimestres requis.
Sous l’autorité de la Première ministre, nous avons veillé scrupuleusement, dans chacune des décisions que nous avions à prendre, à protéger les plus fragiles.
Tous les exemples que vous avez cités, tous les métiers que vous avez évoqués font partie de ceux qui seront mieux protégés et mieux accompagnés, tant par les dispositifs de pénibilité que par le nouveau dispositif de prise en compte des carrières longues pour ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans. Je suis sûr que, dans le débat, nous trouverons des convergences sur ces points-là. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, vous avez refusé de réaliser une étude d’impact. Vous êtes aujourd’hui incapable de nous donner le nombre de Françaises et de Français qui bénéficieraient des 1 200 euros brut…
Monsieur le ministre, il y a dix ans, vous étiez le grand défenseur de la retraite à 60 ans. Vous avez changé d’avis entre-temps, mais ce n’est pas étonnant de votre part. (Marques de désapprobation sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
annonces du président de la république sur le budget des armées
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Ludovic Haye. Ma question s’adresse à M. le ministre des armées.
Monsieur le ministre, le 20 janvier dernier à Mont-de-Marsan, lors de la présentation de ses vœux aux armées, le Président de la République a indiqué que la France allouerait à ces dernières un budget plus important au cours de la période 2024-2030.
Articulée autour de quatre pivots, à savoir notre cœur de souveraineté, la haute intensité, la protection de nos intérêts et nos partenariats renouvelés, la prochaine loi de programmation militaire (LPM) attribuera 413 milliards d’euros aux forces armées, soit 118 milliards d’euros de plus que la loi de programmation militaire actuelle, même s’il convient de tenir compte de la présente situation inflationniste.
Le Président de la République a rappelé le contexte particulier de menaces dans lequel nous sommes, ainsi que l’émergence de formes de conflictualité nouvelles.
Cet effort important rassure notre communauté militaire, nos décideurs et nos élus, mais traduit également la volonté du Président de la République de faire de la France un pays plus souverain, plus entreprenant et plus agile. Cet effort nous permettra indubitablement d’avoir une guerre d’avance. Le Parlement y veillera !
Notre souveraineté passera non seulement par le renfort de notre dissuasion et par nos postures permanentes, mais aussi par la résilience nationale. Il est vrai qu’il nous faut agir partout, plus vite et plus fort.
Cette LPM, placée sous le signe de la transformation, fera suite à une loi de programmation marquée par un effort significatif en matière de réparation. Elle exigera une vraie capacité d’adaptation, car, comme vous le savez, de nombreuses infrastructures dépendent totalement du matériel qu’elles accompagnent.
Je pense notamment aux bases aériennes exclusivement équipées d’avions de type Mirage ou d’établissements relevant du service industriel de l’aéronautique (SIAé), qui conservent des hélicoptères d’anciennes générations, de type Gazelle ou Puma, et qui peinent à se projeter dans l’avenir.
Monsieur le ministre, dans un contexte où la souveraineté est redevenue un axe de réflexion de tout premier plan, comment pensez-vous concilier cette politique forte de transformation avec le développement dans nos territoires des infrastructures militaires et de notre industrie de défense ?
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Ludovic Haye. Comment souhaitez-vous associer les territoires à cet effort inédit, sans commune mesure depuis la présidence du général de Gaulle ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Monsieur le sénateur, le ministère des armées est un grand ministère territorial, et pour cause : il est présent partout. De fait, dresser en deux minutes la liste des conséquences de la loi de programmation militaire est très difficile ; je vais essayer d’indiquer seulement quelques grandes lignes.
Un premier axe est la réparation continue des infrastructures. Nous le savons très bien, de nombreux régiments, de nombreuses bases navales et de nombreuses bases aériennes sont encore dans un état absolument déplorable, du fait de décisions parfois prises il y a très longtemps. Cette réparation prendra du temps ; il faut le dire avec humilité.
Un second axe est la réparation continue des services de soutien. C’est particulièrement vrai pour le commissariat des armées, mais aussi pour le service de santé des armées – je sais que ce sujet est suivi par les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Là encore, il est clair que le soutien a aussi été abîmé. La réparation prendra du temps, dans des contextes difficiles.
Par conséquent, il va sans dire que la transformation dont nous parlons sera moins spectaculaire dans les territoires que par le passé. Puisque l’on ne ferme aucun régiment, aucune base aérienne ou aucun laboratoire de la direction générale de l’armement (DGA), la transformation sera, par définition, interne et à bas bruit.
C’est vrai aussi sur le terrain technologique. Vous en parliez en citant le programme Scorpion et les Rafale. Des sauts technologiques importants transformeront forcément la vie des unités.
C’est vrai également pour les métiers nouveaux : le cyber, le spatial, les fonds marins… Nous aurons l’occasion d’y revenir dans cet hémicycle.
C’est vrai pour la transformation des ressources humaines du ministère. En effet, un pivot sera forcément atteint, notamment lié aux réserves, du fait du nouveau ratio des réservistes. Cette transformation entraînera d’importantes conséquences pour les régiments de l’armée de terre, singulièrement dans le Grand Est. Nous serons amenés à y revenir.
C’est vrai enfin pour le pyramidage entre les sous-officiers et la troupe, puisque les fonctions nouvelles qu’amène ce saut de technologie exigent beaucoup plus de savoir-faire, ou du moins une montée en compétences.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aurai l’occasion de revenir sur l’ensemble de ces sujets. Je pourrais en citer d’autres : les répercussions en matière d’emploi sur la base industrielle et technologique de défense (BITD) aux quatre coins de l’Hexagone ; une feuille de route pour l’outre-mer, que le Président de la République détaillera lui-même ; enfin, la relation avec les collectivités territoriales, que je souhaite parvenir à systématiser, notamment pour le plan Famille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
sort des femmes dans la réforme des retraites (ii)