M. Bruno Sido. C’est dissuasif !
M. Jérôme Durain. Au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous sommes conscients, à l’inverse du président Macron, que, parfois, la politique s’invite dans le sport. Nous ne pouvons donc pas accepter les dispositifs proposés, qui nous paraissent inutilement durcis.
Quant au chapitre IV consacré aux dispositions diverses, reconnaissons qu’il a abouti à des discussions parfois cavalières, alors même que plusieurs de nos amendements, qui étaient pour leur part en lien direct avec la réussite des jeux Olympiques, ont été jugés irrecevables. Les transports en commun parisiens, la taxe de séjour dans les hôtels de luxe des villes hôtes, le travail le dimanche dans les communes concernées par les Jeux, l’affectation de renforts humains pour assurer la sécurité sont autant de sujets dont nous n’avons pas pu débattre, alors qu’ils auraient enrichi utilement nos débats.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est entré dans la discussion parlementaire de manière constructive, souhaitant, je le répète, la réussite des Jeux ; nous la souhaitons toujours. Cependant, tant le texte déposé par le Gouvernement que la discussion, en commission et dans l’hémicycle, n’ont pas levé tous nos doutes. Des inquiétudes légitimes, notamment autour de l’article 7, ont suscité énormément de crispations.
Le bilan est donc mitigé. Face à l’accumulation d’expérimentations que nous jugeons mal encadrées et pas assez restreintes, nous faisons le choix, à ce stade de l’examen du texte, de l’abstention, mais il s’agit d’une abstention exigeante.
La réussite de Paris 2024 ne justifie pas d’accepter les reculs présents ici et là dans ce texte. Nous suivrons avec vigilance la suite des travaux parlementaires, en espérant notamment être rassurés sur les moyens mis à disposition de ces Jeux et sur la préservation de l’agenda culturel de 2024. Nous souhaitons surtout que les expérimentations envisagées dans ce texte soient davantage encadrées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, nous avons exprimé de fortes réserves sur un texte qui a davantage pour objet la sécurité que le sport.
Face à des enjeux réels de sécurité, mais aussi de rayonnement international, vous avez subrepticement introduit un florilège de dispositions attentatoires aux libertés et aux droits fondamentaux.
Le problème est bien que ces dispositions sont vouées à être pérennisées. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a tiré la sonnette d’alarme ; pourtant, le Gouvernement a décidé de rester sourd. Nous rappelons que l’exception doit demeurer temporaire ; nous regrettons qu’elle soit, au travers de ce projet de loi, banalisée, entrant finalement dans le droit commun.
Nous refusons d’adhérer à la vision que vous nous proposez des JOP. Sous prétexte de sécuriser l’événement, ce texte ouvre une boîte de Pandore, en portant atteinte aux droits les plus fondamentaux. Avec les nouvelles technologies que vous proposez d’utiliser, l’heure est au détricotage du règlement général sur la protection des données (RGPD) ; nous passons un cap !
Nous sommes devant un laboratoire juridique et sécuritaire que nous rejetons fermement. La question « jusqu’où pouvons-nous aller dans l’atteinte aux libertés individuelles ? » semble être le moteur des expérimentations que vous nous proposez. Les droits fondamentaux sont niés par la vidéosurveillance algorithmique. Nos fortes réserves n’ont pas été prises en considération.
Cela est bien regrettable. La France était jusqu’ici à la pointe dans les domaines couverts par le RGPD. Les droits fondamentaux ne doivent pas s’effacer au profit d’expérimentations sécuritaires.
N’oublions pas que l’utilisation de l’intelligence artificielle est pour l’heure dépourvue de cadre légal, même si un règlement européen est en cours d’élaboration.
N’oublions pas non plus que l’expérimentation ne nous garantit aucun résultat. Comme son nom l’indique, elle revient à tester, à faire des essais, sans connaître l’efficacité du dispositif.
Le droit au respect de la vie privée est ici balayé d’un simple revers de la main. Je suis au regret de vous dire qu’on ne balaie pas ainsi les droits fondamentaux ! En procédant de la sorte, vous entachez la popularité des jeux Olympiques de 2024, cette magnifique compétition porteuse de valeurs universelles.
C’est pourquoi nous nous sommes opposés à votre durcissement sécuritaire tous azimuts, y compris dans le cadre des manifestations sportives. Nous vous avons proposé de mieux proportionner certaines mesures, comme le pointage ; nous vous avons aussi montré méthodiquement comment le tout répressif, notamment en matière d’engins pyrotechniques, en plus d’être inopérant va finalement à l’encontre du but poursuivi, à savoir la sécurité des supporters.
Pour nous, le sport et ses manifestations constituent des moments festifs et de joie spontanée, une communion populaire à l’état pur.
Or votre penchant sécuritaire dans l’encadrement des manifestations sportives, directement inspiré de la gestion des coupes du monde en Russie ou au Qatar, ne fera que saper un élan populaire spontané pour un événement sportif majeur.
De plus, comme nous l’avions dénoncé dans notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, le recours aux agents de sécurité privée pour encadrer ces JO ne sera pas à la hauteur des enjeux. La sécurité privée ne doit pas être confondue avec la sécurité étatique, au risque de se solder par un cuisant échec tel que celui essuyé par les JO de Londres en 2012. Une telle délégation n’honorera ni l’événement ni les professions de la sécurité publique.
Par ailleurs, ce texte aurait dû traduire un engagement du Gouvernement pour une politique volontariste en faveur du sport. La question de l’héritage économique et social des Jeux fut, au mieux, survolée durant les débats, pour ne pas dire totalement évacuée.
Et pourtant, quel meilleur moment que les Jeux pour casser les barrières sociales et territoriales, ainsi que celles liées aux handicaps !
Le sport, madame la ministre, tant au niveau professionnel qu’amateur, représente un enjeu culturel. Si les Jeux mettent à l’honneur nos athlètes de haut niveau et à travers eux nos fédérations sportives, ne pas réfléchir à l’après en matière d’accessibilité de la pratique sportive pour tous et toutes est du gâchis.
Enfin, au sujet de l’accueil des Jeux, notre groupe a soulevé la question de l’anticipation des besoins en matière d’accès aux soins hospitaliers du fait de la présence de milliers de supporters du monde entier.
L’État doit anticiper l’afflux de patients que nous connaîtrons dans les hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, dont 15 % des lits sont actuellement fermés par manque de personnel paramédical. Les besoins supplémentaires en lits d’hôpitaux et en personnel doivent immédiatement donner lieu à des mesures, notamment des recrutements, pour garantir un niveau d’accès aux soins satisfaisant pour les patients franciliens.
Si ces besoins ne sont pas suffisamment anticipés, l’agence régionale de santé devra déclencher le plan blanc pour mobiliser l’ensemble des personnels hospitaliers. Cela entraînera de facto la suspension de leurs congés, comme cela est d’ailleurs prévu pour les forces de l’ordre.
N’oublions pas que l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques va également avoir de fortes répercussions sur la vie des fonctionnaires, mais également sur celle des salariés, auxquels il sera demandé de travailler les dimanches autour des sites de compétition.
Pourtant, l’évaluation de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, ayant déréglementé le travail le dimanche dans les zones commerciales, les zones touristiques, les zones touristiques internationales et les gares, a démontré que l’ouverture du travail le dimanche n’a entraîné aucune hausse de l’emploi ou de l’activité. La remise en cause du repos dominical des salariés est un geste d’antijeu pour les droits sociaux !
Pour conclure, le groupe CRCE considère que ce projet de loi, libéral et sécuritaire, ne respecte pas le juste équilibre entre sécurité et protection des libertés et droits fondamentaux. Il n’honore pas les jeux Olympiques et leur esprit de fraternité en ce qu’il contient de graves atteintes aux libertés publiques.
Ainsi, vous ne serez pas surprise, madame la ministre : le groupe CRCE votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Raymonde Poncet Monge et Martine Filleul applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Catherine Deroche applaudit également.)
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un premier projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques avait été adopté en 2018. Il comprenait déjà des mesures visant à répondre aux contraintes de l’organisation d’un événement d’une telle ampleur. À moins de deux ans des Jeux, il était nécessaire d’adopter plusieurs mesures complémentaires, notamment en matière de dopage, de sécurité et de santé.
Le groupe Union Centriste est favorable à l’adoption de ce texte qui a été perfectionné, d’une part, par le travail de la commission des lois et des deux commissions saisies pour avis, à savoir celles des affaires sociales et de la culture, et, d’autre part, par celui mené dans cet hémicycle.
À l’article 4, la rapporteure Agnès Canayer a eu la subtilité de nous proposer un compromis prenant en compte la nécessité d’une mise en conformité pérenne du droit français avec le code mondial antidopage, tout en conservant la prudence nécessaire en matière d’examen des caractéristiques génétiques.
Le Sénat a fait œuvre constructive concernant l’article 7 sur la vidéoprotection qualifiée d’« augmentée ». Le dispositif a été consolidé en commission par l’introduction de garanties supplémentaires à tous les moments du développement et du déploiement de ces dispositifs, puis dans l’hémicycle grâce à l’adoption de deux amendements de nos collègues Jérôme Durain et Philippe Tabarot qui visent à plus de transparence, en exigeant des fournisseurs une déclaration d’intérêts et en élargissant le champ des personnes concernées par une enquête au moment du recrutement.
Lors de la discussion générale, je me suis réjoui que le Gouvernement et la commission des lois aient eu l’intelligence de ne prévoir le recours à l’intelligence artificielle qu’à titre expérimental, de manière limitée dans le temps et l’espace et dans un cadre restreint, sans utilisation de données biométriques. Cela ne porte aucune atteinte aux droits fondamentaux : les données personnelles sont protégées, puisqu’elles ne sont ni traitées, ni stockées, ni collectées.
Néanmoins, conformément à la proposition n° 22 du rapport d’information La reconnaissance biométrique dans l’espace public : 30 propositions pour écarter le risque d’une société de surveillance que Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse et moi-même avons élaboré conjointement, cela ne nous dispense pas de créer, au-delà des jeux Olympiques, un cadre juridique expérimental pour recourir à la reconnaissance biométrique sur la voie publique en temps réel sur la base d’une menace préalablement identifiée.
Il nous faudra déposer une proposition de loi afin de permettre un débat serein, démocratique et apaisé – enfin ! – sur ces questions d’avenir. Il est nécessaire de nous protéger face au développement d’usages qui sont, pour l’instant, non régulés.
Je tiens également à saluer le travail du rapporteur pour avis Claude Kern. Il a permis d’intégrer au texte le principe de l’obligation de recourir à des titres d’accès infalsifiables afin de mieux lutter contre les fraudes liées à la diffusion de faux billets. Désormais, les billets devront être nominatifs, dématérialisés et infalsifiables pour les manifestations sportives de grande ampleur, dont la jauge sera fixée par décret en Conseil d’État.
Une autre avancée apportée sur l’initiative de la commission de la culture, qu’il me semble important de signaler, est la remise d’un rapport par la Cour des comptes à l’issue des jeux Olympiques et Paralympiques. Ce rapport, qui devra être remis au Parlement dès le mois d’octobre 2025, portera sur l’organisation, le coût et l’héritage de cet événement ; il devra également retracer l’ensemble des dépenses engagées par l’État et les collectivités – nous devons cette transparence à nos concitoyens.
Pour conclure, je salue l’amendement proposé par la rapporteure Agnès Canayer, adopté en séance, qui a pour objet l’application expresse du projet de loi dans les territoires ultramarins, sans renvoyer à une ordonnance. Je sais notre collègue de Polynésie Lana Tetuanui particulièrement attentive sur ces sujets.
Pour toutes ces raisons qui ont permis d’améliorer sensiblement la qualité de votre projet de loi, madame la ministre, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Parfait !
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après un premier texte sur l’organisation des jeux Olympiques que nous avions examiné il y a quelques années, nous débattons aujourd’hui d’un second. J’espère que ce projet de loi sera le dernier et que les choses seront ainsi bouclées.
Ce texte n’est pas fondamental, mais, par ses ajouts, il introduit dans le droit un certain nombre de dispositions à caractère plus ou moins expérimental relatives aux problèmes posés spécifiquement par les jeux Olympiques. Ces mesures supplémentaires viennent compléter l’arsenal juridique existant.
Je voudrais insister simplement sur la question de la sécurité. Si nous estimons que certaines dispositions à caractère sécuritaire doivent être prises pour les jeux Olympiques, j’estime qu’il est cohérent qu’elles ne s’appliquent pas seulement pour cet événement. Personnellement, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’elles aient un caractère un peu plus large que les Jeux stricto sensu.
C’est particulièrement le cas de la vidéosurveillance. Ce texte apporte un petit complément pour renforcer la sécurité. Pourtant, il n’a pas été nécessaire d’attendre l’organisation des jeux Olympiques pour s’apercevoir des problèmes récurrents dans les stades…
Cela étant, un aspect est trop souvent oublié : les jeux Olympiques ne se passeront pas seulement à Paris. Une sorte de décentralisation dans d’autres villes aura lieu, soit pour l’entraînement soit pour la tenue de certaines épreuves.
Un problème se pose pour ces villes, qui sont parfois petites, tout en se situant en bordure d’une agglomération. Il est question d’installer de la vidéosurveillance, de réaliser à cette fin des investissements, mais il est évident que l’enjeu pour Paris et sa région n’est pas forcément le même que pour les petites et moyennes communes de province. Ces dernières peuvent être confrontées à des difficultés pour installer ce genre d’équipement.
Il est important d’examiner la question du financement de ces équipements de vidéosurveillance. À un moment donné, leur installation va représenter des dépenses pour les communes. Ces dépenses étant réalisées pour les jeux Olympiques, et présentant ainsi un caractère national, il est important…
M. le président. Il faut conclure.
M. Jean Louis Masson. … que les régions puissent les subventionner. (Marques d’impatience sur différentes travées.) Malheureusement, ces dernières n’en ont pas, à l’heure actuelle, le droit.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à mon collègue Bernard Fialaire intervenu au nom de notre groupe lors la discussion générale, je ne suis plus un grand sportif… (Applaudissements et sourires.)
M. Roger Karoutchi. Mais si !
M. Jean-Claude Requier. … même si je l’ai été quelque peu naguère !
Mais je continue à suivre avec assiduité les performances des sportifs français et je profite de cette occasion pour saluer le parcours de nos handballeurs durant le championnat du monde qui s’achevait ce week-end à Stockholm, un parcours suivant de près l’épopée de nos footballeurs en décembre dernier.
Malheureusement, nous prenons trop l’habitude de perdre les finales ! Espérons donc qu’Antoine Dupont et ses coéquipiers du XV de France sortiront vainqueurs à l’automne prochain (Applaudissements.) et qu’une pluie de médailles s’abattra pour les jeux Olympiques !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je me réjouis que notre pays accueille les jeux Olympiques et Paralympiques, même si, d’un point de vue strictement sportif, j’ai quelques regrets en ce qui concerne les choix opérés par le Comité international olympique (CIO), notamment au sujet des nouvelles disciplines. Le skateboard plutôt que le karaté ? Le breakdance plutôt que la pétanque ? (Applaudissements et sourires.) Je n’aurais pas caché ma satisfaction si cela avait été l’inverse, mais sans doute est-ce une question de génération (Nouveaux sourires.), l’actuelle étant plutôt banlieue que ruralité !
Toujours est-il que chacun a conscience du défi que représente l’organisation d’un tel événement pour notre pays. Il est impératif que Paris et la France l’accueillent sans accroc.
L’accueil doit d’abord être sans accroc sportif. C’est une nécessité qui vaut sur le plan des soins, avec l’installation d’un centre de santé dans le village olympique et paralympique, mais également du point de vue de la lutte contre le dopage.
De nouvelles techniques d’analyse seraient donc autorisées à l’occasion des Jeux – c’est une bonne chose. Nous considérons que les dispositifs proposés sont relativement équilibrés et que leur pérennisation, visée par le texte du Sénat, n’a pas à être redoutée.
L’accueil doit également être sans accroc pour la sécurité des personnes. Je ne vais pas relancer les débats relatifs aux articles de ce projet de loi ; toutefois, l’un d’eux attire particulièrement l’attention. Comme bon nombre de sénateurs dans cet hémicycle, les membres de mon groupe ont des craintes quant aux dispositions de l’article 7.
La peur d’une société sous surveillance automatisée, à la mode orwellienne, est souvent agitée de manière excessive, mais parfois l’épouvantail se justifie. C’est le cas ici : en même temps que les algorithmes et autres intelligences artificielles s’affirment, représentant un espoir de plus de sécurité, l’humain s’efface et son discernement avec lui.
Le projet présenté est mesuré. Il apporte même une satisfaction : il n’y est pas question de reconnaissance faciale. Toutefois, nous ne connaissons que trop bien cette méthode des petits pas. Nous savons comment les choses progressent par paliers. L’introduction de cette intelligence artificielle risque d’être une première marche jusqu’au jour où, sous couvert d’un nouvel événement que les algorithmes seuls n’auraient pas pu prévoir, il faudra aller au-delà.
Seulement, je ne crois pas que ces dispositifs auraient permis d’éviter les drames qui ont eu lieu dans notre pays. Je pense à l’assassinat de Samuel Paty, aux attentats de Charlie Hebdo ou à la nuit du 13 novembre 2015. Un algorithme n’aurait pas plus empêché, au mois de mai dernier lors du match au Stade de France, l’« enchaînement de causes imprévisibles », pour reprendre les mots de la préfecture de police.
Plus encore, j’ai le sentiment profond que le fait de présenter l’innovation technologique comme une solution évidente demeure une chimère potentiellement dangereuse. On me rétorquera peut-être que, comme pour le choix entre le breakdance et la pétanque, ce n’est qu’affaire de générations, auquel cas j’espère sincèrement que vous aurez raison. Accordez-moi toutefois le privilège de douter.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que même si nous voterons en faveur de ce texte, nous le ferons avec une certaine retenue. Le groupe du RDSE rappelle souvent son attachement aux libertés ; nous savons quelles sont nos limites !
Nous avons d’ailleurs déposé une série d’amendements visant à durcir les conditions d’usage par l’administration du mécanisme de surveillance algorithmique. Nous regrettons que ces amendements n’aient pas rencontré d’accueil favorable.
Néanmoins, nous ne sommes pas obtus. Si nos amendements n’ont pas convaincu, d’autres ont été retenus et participeront à mieux garantir les droits et libertés de nos concitoyens.
Au regard de tous ces éléments, cet article 7 remodelé offre davantage de satisfaction que sa rédaction initiale, malgré les réserves que je viens d’évoquer.
Pour changer de sujet, ce projet de loi introduit la possibilité de mettre en place des scanners corporels à l’entrée des enceintes dans lesquelles est organisée une manifestation sportive, récréative ou culturelle. Nous sommes satisfaits du travail du Sénat qui a su, là aussi, améliorer le dispositif initial, notamment avec l’adoption en commission de l’amendement de notre collègue Maryse Carrère.
Je dirai également un mot du volet pénal de ce projet. Le texte initial qui nous était soumis renforçait les sanctions contre les violences commises à l’occasion des manifestations sportives. Notre assemblée s’est positionnée en faveur de davantage de fermeté. J’y trouve mon compte ! Je ne crois pas qu’il faille admettre de souplesse particulière, notamment au regard de la nature médiatique et systémique des violences dans le sport, en particulier dans les stades.
Enfin, pour achever mon propos, je veux dire notre satisfaction quant à l’adoption de l’amendement de notre collègue Nathalie Delattre, que le groupe du RDSE soutenait largement. Elle a partagé sa crainte de voir disparaître des plages, à l’issue des jeux Olympiques, le corps des maîtres-nageurs sauveteurs qui appartiennent aux compagnies républicaines de sécurité (CRS). La position du Gouvernement sur cette question nous rassure : nous retrouverons les CRS maîtres-nageurs sur les plages en 2025.
Ainsi, pour toutes ces raisons, vous comprendrez que la grande majorité du groupe du RDSE votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, et Bruno Retailleau et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rapporteur de ce texte, je m’exprimerai aujourd’hui en tant que membre de mon groupe.
L’organisation des Jeux présentera des défis considérables, tant sur le plan de la sécurité ou de l’organisation des compétitions que de la lutte contre le dopage.
Les Jeux de Paris 2024, après plus d’un siècle d’attente, devraient rassembler près de 13,5 millions de spectateurs et 4 milliards de téléspectateurs. Ils se tiendront sur trente-sept sites à travers la France, des berges de la Seine aux rivages du Pacifique en Polynésie française.
Ce projet de loi nous parvient quelques mois à peine après les événements de la finale de la Ligue des champions au Stade de France, le 28 mai 2022. Ces événements avaient conduit les commissions des lois et de la culture à y consacrer une série d’auditions, sous l’égide de leurs présidents François-Noël Buffet et Laurent Lafon. Le rapport qu’ils rédigèrent alors comprenait un ensemble de réflexions et de préconisations utiles, qui ont grandement contribué à guider nos travaux actuels.
C’est donc avec une conscience des enjeux et un esprit de responsabilité que nous avons abordé le texte déposé par le Gouvernement.
Ce texte comprenait trois pans principaux : le premier concernait les problématiques de santé et de dopage ; le second, les questions de sécurité ; et le dernier, un certain nombre d’autres ajustements variés.
Premièrement, sur la question du dopage, il nous fut initialement proposé de déroger à la législation française pendant la durée des Jeux, afin de nous conformer aux exigences du CIO en matière de lutte contre le dopage, c’est-à-dire de nous aligner sur le code mondial antidopage.
Après avoir soigneusement étudié la question, nous avons privilégié une mise en conformité plus durable du droit français aux normes internationales, entourée des garanties appropriées à la nature des examens des caractéristiques génétiques dont il est ici question.
Grâce à cela, la France sera en conformité avec le droit international pour de futurs événements sportifs. Après tout, ces Jeux n’ont pas vocation à être la dernière compétition internationale à se tenir dans notre pays, sans même penser à d’éventuels Jeux au siècle prochain…
Toujours dans le domaine du dopage, nous avons également fait en sorte de conforter les dispositions spécifiques à la Polynésie française, en bonne intelligence sénatoriale avec la collectivité de Polynésie et le Gouvernement.
Le deuxième pan du texte, qui fut plus discuté, est consacré à la question de la sécurité. Il s’agit d’un enjeu majeur, d’autant que certains événements, tels que la cérémonie d’ouverture organisée le long de la Seine, nécessiteront un déploiement inédit de nos forces de police et de gendarmerie afin d’en garantir le bon déroulement.
Or l’expérience récente du Stade de France doit nous servir de piqûre de rappel, pour prévenir toute menace. Il nous faut être exigeants et au rendez-vous. C’est pour cette raison que nous avons retenu l’utilisation de traitements algorithmiques pour les images des caméras.
L’expérimentation de ce dispositif de vidéoprotection « intelligente » pourrait constituer un atout indéniable dans l’identification et la neutralisation rapide de risques, liés aussi bien au terrorisme qu’aux mouvements de foule inopinés.
Naturellement, comme nos débats tout au long des travaux autour de ce texte l’ont montré, l’emploi de telles technologies a pu engendrer des inquiétudes que nous comprenons. Dans leur rapport, nos collègues Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain s’étaient d’ailleurs abondamment penchés sur les tenants et aboutissants de ces technologies.
Pour cette raison, nous avons perfectionné le dispositif, en affinant son objet, en améliorant l’information du public et en entourant de garanties supplémentaires l’usage des données collectées. Dans ces conditions, l’expérimentation de la vidéoprotection « intelligente » devrait simultanément permettre de contribuer à la sécurité des Jeux, tout en évaluant en situation réelle les mérites de cette technologie.
Notre démarche fut similaire pour d’autres dispositifs, tels que le recours aux scanners à ondes millimétriques ou la mise en conformité avec le droit européen de la protection des données personnelles.
Par ailleurs, les travaux menés avec la commission de la culture sur les outils de lutte contre les entrées frauduleuses ou les violences avec récidive dans les enceintes sportives ont également permis un renforcement considérable du texte initial.
Une question importante a également retenu notre attention dès les auditions, même si elle demeurait nécessairement peu présente dans le texte lui-même, celle des coûts et de l’héritage. La candidature parisienne se voulait l’une des plus sobres et des plus écologiques de l’histoire récente, grâce à l’usage d’infrastructures existantes et à la mise en place d’un héritage « durable et utile », selon les mots de Mme la ministre des sports.
Il s’agit effectivement d’un impératif, si nous souhaitons conserver l’adhésion des Français à l’organisation des Jeux.
C’est pour assurer la transparence démocratique que nous avons prévu la remise par la Cour des comptes d’un rapport sur le coût et l’héritage des Jeux.
En outre, et cela relevait presque autant de la rigueur juridique que de l’esprit olympique et paralympique, nous avons souhaité élargir la possibilité d’obtenir de nouvelles autorisations de stationnement pour les taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite.
Nos travaux ont donc permis de grandement consolider le texte initial, en le rendant juridiquement plus solide et plus cohérent, mais aussi plus protecteur sur le plan des libertés individuelles.
Si cette tâche est effectivement ardue, nous ne pouvons qu’encourager tous les acteurs des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, en leur rappelant les paroles du baron Pierre de Coubertin : « Chaque difficulté rencontrée doit être l’occasion d’un nouveau progrès. »
542 : c’est le nombre de jours qui nous séparent de la grande fête universelle du sport. Soyons au rendez-vous ! Vous l’aurez compris, notre groupe votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)