M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, il va sans dire que, pour notre groupe, garantir le droit au logement relève du devoir de l’État. Pourtant, la politique du logement a été reléguée, sinon abandonnée, par les derniers gouvernements successifs, et pas seulement le vôtre.
Les dernières lois sur le logement, notamment la loi Élan – je ne siégeais pas encore au Sénat au moment de son adoption –, ont mis en difficulté les bailleurs sociaux et, de ce fait, impacté le logement social et le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Elles n’ont pas permis de faire du droit au logement une norme, un droit, une réalité pour tous nos citoyens et citoyennes. Le rapport de la Fondation Abbé Pierre est alarmant, et nous voyons tous, dans nos départements, se multiplier les demandeurs de logement : dans le Val-de-Marne, département que je représente, il y en a des dizaines de milliers. Le bilan triennal de l’application de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) sera publié prochainement, monsieur le ministre. Dans le Val-de-Marne, près d’un quart des communes ne respectent pas cette loi.
Bref, le logement est l’une des grandes questions qui se posent à nous. Sur la loi NOTRe, nous n’avons pas tous été d’accord. Mon groupe a voté contre, et un amendement du 20 janvier 2015 déposé par mon ami Christian Favier, Mmes Assassi et Cukierman et l’ensemble du groupe visait à faire en sorte que la garantie du droit au logement décent et indépendant demeure une compétence l’État. L’examen de ce texte nous donne l’occasion de réaffirmer que cela doit bien être la compétence de l’État.
Nous pensions initialement nous abstenir, car nous estimons que la région ne constitue pas le périmètre adéquat. Elle toucherait la THRS, mais ne serait pas obligée d’en affecter le produit au logement ! L’intention était louable, en somme, mais les modalités proposées ne semblaient pas efficaces.
Mais un amendement vise à renvoyer aux communes la question de la décorrélation entre taxe d’habitation et taxe foncière sur les propriétés bâties. Cela change tout ! Nous pensons que la commune et le département sont les deux leviers essentiels, aux côtés de l’État, pour traiter la question du logement.
Comme quoi, le débat parlementaire peut être passionnant ! Alors que nous comptions nous abstenir – certes, nous aurions voté pour l’article 2 –, avec cet amendement, nous voterons pour l’ensemble du texte de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi présentée par notre collègue Ronan Dantec. Je commence par saluer la qualité du travail réalisé par le rapporteur Jean-Baptiste Blanc.
La problématique du logement n’est pas nouvelle et occupe une grande partie de nos travaux. Le fait d’être logé, et surtout logé dans des conditions décentes, est non seulement un élément structurant à titre individuel, mais aussi un facteur de cohésion majeur pour notre pays, qui fait face à un manque de logements, avec un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande.
Dans les zones touristiques, le développement des résidences secondaires accroît encore les tensions. Je le vois dans les Hautes-Alpes, où la déconnexion entre le prix de l’immobilier et la réalité du marché entraîne des difficultés grandissantes pour les jeunes, mais aussi pour les élus : le maire d’une des communes de la station de Serre Chevalier ne peut pas accéder à la propriété dans sa propre commune !
Dans ce contexte, la facilité est de débattre, comme nous le faisons souvent, du recours au levier fiscal. La présente proposition de loi ne déroge pas à cette règle en ce qui concerne les résidences secondaires.
Depuis le 1er janvier 2023, à la suite de la suppression, regrettable, de la taxe d’habitation pour les résidences principales, la THRS s’applique de manière générale à des locaux qui, sans être occupés en tant que résidence principale, sont meublés et propres à l’habitation. Cela les distingue aussi bien des résidences principales que des logements vacants.
Il serait, me semble-t-il, utile que notre assemblée se penche un jour sur les conditions d’accompagnement fiscal de ces résidences meublées. L’une des idées proposées par des élus de la montagne serait de veiller à ce que les multipropriétaires de logements meublés soient dans l’obligation de louer une partie de leur patrimoine en résidence principale, afin d’obtenir un effet de levier sans pour autant pénaliser l’attractivité des résidences secondaires dans nos zones touristiques.
L’exposé des motifs du texte précise qu’il s’agit d’un « outil de reconquête de l’habitat en France ». Belle ambition ! Cette volonté politique, à laquelle notre groupe souscrit naturellement, est louable. Toutefois, les deux articles de cette proposition de loi ne semblent pas apporter une réponse adéquate à un problème dont l’étendue ne saurait se limiter aux résidences secondaires.
Tout d’abord – cela a été rappelé –, il est proposé de créer deux taxes additionnelles à la taxe d’habitation, dont l’une serait instituée au profit de la région. L’objectif serait d’accroître les marges de manœuvre du conseil régional dans la conduite de sa politique d’aménagement du territoire, notamment pour les EPF locaux et régionaux.
L’échelon régional n’est pourtant pas le plus pertinent sur la question du logement ; nous le vivons tous au regard de nos expériences municipales passées ou actuelles. Bien que les conseils régionaux disposent de la compétence pour promouvoir le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, ils n’ont que peu investi – en tout cas, sur mon territoire – ce champ, qui relève historiquement du niveau communal et intercommunal. D’ailleurs, une grande partie des régions ne sont pas particulièrement désireuses d’instaurer une nouvelle fiscalité en la matière, comme l’a rappelé M. le rapporteur.
Le caractère facultatif de cette taxe additionnelle pose donc un problème : si certaines régions l’appliquaient et que d’autres y renonçaient, on assisterait à une concurrence fiscale difficile à évaluer, mais risquant d’accentuer les disparités entre territoires.
C’est pourquoi la taxation des résidences secondaires doit s’apprécier en fonction des territoires et des circonstances locales. Au sein même de mon département, il y a des communes avec peu ou pas de résidences secondaires, quand d’autres, plus touristiques, ont un taux de résidences secondaires dépassant 70 %.
Je rappelle aussi que la THRS demeure une source de revenus pour le bloc communal. C’est particulièrement vrai depuis que les communes situées dans les zones géographiques définies par l’article 232 du code général des impôts ont la possibilité de majorer la part leur revenant d’un pourcentage compris entre 5 % et 60 %. J’apprécie sur ce point les propos rassurants de M. le ministre, qui a dit tout à l’heure que, dès 2024, cette taxe pourrait être effectivement mobilisée, sous réserve que les délibérations aient été prises par les collectivités avant le mois d’octobre 2023.
Sur cette possibilité de majoration, un autre élément, mis en exergue par le rapporteur, a également retenu mon attention : le risque d’inconstitutionnalité des mesures proposées. Dans l’hypothèse où le conseil régional et l’EPF fixeraient les taux des deux taxes prévues par la présente proposition au taux maximum de 25 %, le taux de taxe d’habitation résultant de l’application de la proposition de loi serait au total de 86 % de la valeur locative. Dans une telle situation, le juge, constitutionnel ou administratif, pourrait considérer cette imposition comme confiscatoire, en violation du principe d’égalité devant les charges publiques.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi, mais appelle de ses vœux un traitement global de la problématique du logement. Accès à la propriété, lits froids, lits chauds, construction de logements sociaux… les sujets ne manquent pas !
Le futur examen de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de ZAN au cœur des territoires sera certainement l’occasion d’aborder en profondeur ces dossiers, du point de vue fiscal comme réglementaire. Il est en effet indispensable de reterritorialiser les objectifs de réduction de l’artificialisation nette des sols. Certaines associations proposent par ailleurs de conserver dans les zones les plus rurales un droit minimal de constructibilité par commune.
Monsieur le ministre, j’espère que le Gouvernement entendra ces propositions, pour élaborer une politique d’aménagement du territoire et de développement des logements équilibrée entre zones rurales et zones urbaines. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage le constat sur lequel se fonde cette proposition de loi présentée par Ronan Dantec. Il est en effet primordial d’agir pour aider les collectivités locales à contenir les excès de la transformation accélérée de l’habitat dans certaines zones tendues.
Au Pays basque, par exemple, les résidences secondaires représentent désormais 15 % du nombre total des logements, et près de la moitié dans certaines communes du littoral. Quelque 900 résidences secondaires apparaissent chaque année, dont 600 étaient auparavant habitées de manière permanente. Cela produit une récente et spectaculaire raréfaction de l’offre de logements en location durable et une dangereuse crise du logement, aux ramifications politiques préoccupantes.
Cette croissance exponentielle des résidences secondaires s’appuie sur celle des locations saisonnières, qui permettent aux acheteurs des premières d’intégrer le rapport des secondes dans leur montage financier.
Les conséquences sont alarmantes : flambée des prix de l’immobilier, envolée des loyers à l’année et multiplication des locations précaires – souvent illégales – sur dix mois, pour libérer les logements aux beaux jours. Cette spirale infernale éloigne les ménages toujours plus des centres urbains. Ses premières victimes sont les jeunes, les personnes les plus fragiles, les plus isolés, les étudiants, les apprentis, les familles modestes.
Dans ce contexte, les vingt et une communes basques classées en zone tendue ont, depuis plusieurs années déjà, mis en place la procédure de changement d’usage, et la majoration maximale de 60 % du taux de la THRS est partout appliquée, indépendamment des sensibilités politiques des municipalités. Cela n’a pas suffi. Voilà pourquoi la communauté d’agglomération du Pays basque expérimentera dès le 1er mars un système de compensation obligeant, pour tout bien mis sur le marché de location saisonnière, à mettre un bien nouveau sur le marché à l’année. La mesure est drastique. Résorbera-t-elle pour autant la crise du logement ? Je ne le crois pas.
Cette crise est bien plus globale et complexe. Elle pousse les élus de tous bords à chercher des solutions.
La proposition de loi que nous examinons prévoit de taxer, au profit des régions et des EPFL. Certes, il est toujours alléchant de créer une taxe additionnelle et d’en attribuer le produit aux collectivités territoriales. Je ne doute pas qu’elles en feront bon usage et je reconnais que ce texte pose le sujet.
Mais raisonnons-nous. Si l’issue de cette crise passait uniquement par la création de taxes supplémentaires, celle-ci aurait été aisément résolue. Bien sûr, monsieur le rapporteur, le besoin de recettes existe. Mais je suis convaincu que la réponse passe d’abord par la production de logements locatifs aidés et l’accession sociale à la propriété. Or, et particulièrement dans ces territoires, au-delà de la raréfaction du foncier et de la hausse de son prix, la production de logements devient insoutenable pour les bailleurs sociaux. Ceux-ci sont en effet affaiblis à la fois par l’augmentation du coût des matériaux de construction et par la réduction de leurs fonds propres. À force de leur avoir fait les poches, ils sont désormais confrontés à l’inflation sans avoir la capacité d’assurer l’équilibre des opérations.
Dans ces territoires, nous devons chercher un nouveau modèle de financement du logement social. Cela nous renvoie au sujet des zonages et des plafonds d’accès au bail réel solidaire et au bail réel immobilier. Il faut apporter une réponse à la frange des classes moyennes qui ne peut plus accéder à la propriété et qui se trouve peu à peu évincée de ces territoires.
Nous devons aussi nous pencher sur les avantages fiscaux dont bénéficient encore les locations saisonnières par rapport aux locations à l’année, et que le Gouvernement a conservés, malgré nos votes dans cette assemblée, par l’usage du 49.3. La limite du nombre de jours de location saisonnière autorisés pour les résidences principales ou secondaires est également un sujet à explorer. La procédure de changement d’usage ne devrait plus être une simple formalité, mais s’appuyer sur un véritable agrément, pour donner la main aux maires en leur permettant d’exercer un réel contrôle.
Toutes ces pistes renvoient à la responsabilité de l’État qui, dans ces territoires, devrait être animateur et stratège, et non prescripteur permanent de normes et censeur impitoyable. C’est à lui de rétablir les conditions qui permettront de relancer la construction, de créer une offre équilibrée de logements locatifs et d’accession sociale à la propriété, afin de restaurer des parcours résidentiels aujourd’hui figés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement
Article 1er
I. – Le VII du chapitre Ier du titre II bis de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi rétabli :
« VII : Taxe régionale additionnelle sur les logements meublés non affectés à l’habitation principale
« Art. 1599 quinquies C. – Le conseil régional peut, par une délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 A bis, instaurer une taxe additionnelle à la taxe d’habitation due au titre des résidences secondaires et autres logements meublés non affectés à l’habitation principale situés dans les zones géographiques mentionnées au I de l’article 232.
« Le taux de la taxe additionnelle, applicable à l’assiette de la taxe d’habitation déterminée en application de l’article 1409, est compris entre 0 et 25 %.
« Le II de l’article 1407 ter, les articles 1408, 1413 et 1414, le II de l’article 1639 A et le VI de l’article 1639 A bis sont applicables. »
II. – L’article L. 4331-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un 12° ainsi rédigé :
« 12° La taxe régionale additionnelle sur les logements meublés non affectés à l’habitation principale. »
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Briquet, M. Féraud, Mme Artigalas, MM. Kanner, Raynal, Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le 1° du b du 1 du I de l’article 1636 B sexies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « et le taux de taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale » sont supprimés ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « peuvent » est remplacé par le mot : « peut » et le mot : « augmentés » est remplacé par le mot : « augmenté » ;
3° Au dernier alinéa, le mot : « doivent » est remplacé par le mot : « doit » et le mot « diminués » est remplacé par le mot : « diminué » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux de taxe d’habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l’habitation principale ne peut être augmenté dans une proportion supérieure à 25 % de la moyenne des taux constatés dans la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au cours des six années précédentes. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Comme cela a été évoqué tout à l’heure, cet amendement vise à réécrire intégralement l’article 1er de la proposition de loi pour proposer un dispositif ayant un objet similaire, mais qui serait sans conteste plus efficace. Les interventions que nous venons d’entendre montrent qu’il convainc assez largement sur ces travées. Il tend à modifier l’article 1636 B sexies du code général des impôts, afin de décorréler la THRS et la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Dans un souci de consensus sénatorial, nous avons repris la version présentée par le M. Bas lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, version qui avait été adoptée par notre assemblée.
La corrélation entre la THRS et la TFPB n’est pas sans incidences néfastes pour les communes touristiques. En adoptant cet amendement, nous permettrions aux communes d’agir plus librement sur le montant de la THRS, tout en contribuant à mettre la prise de décision plus en adéquation avec les besoins locaux. Pour beaucoup, dont nous-mêmes, l’échelon régional n’est effectivement pas le plus pertinent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je suis interrogatif, car cet amendement est un peu étranger à l’article 1er de la proposition de loi. Ce dernier évoque bien la création d’une taxe additionnelle à la THRS, mais c’est aux fins de financer de l’ingénierie dans le cadre de la politique du logement, notamment s’agissant du ZAN. Ici, il s’agit de renforcer le bloc communal, ce qui n’a rien à voir.
La question est très légitime, mais il me semble prématuré de la traiter, eu égard aux travaux actuels du Sénat : une proposition de loi relative au ZAB y sera en effet examinée au mois de mars ; ce sera l’occasion de discuter de nombreuses politiques publiques. De plus, notre commission des finances, dont je salue le président, lancera dans les prochaines semaines une mission de contrôle sur les EPF pour déterminer si ceux-ci sont suffisamment armés pour appréhender tous ces sujets. Enfin, si son format n’est pas encore fixé, il y aura une suite à la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du zéro artificialisation nette. Le rapport a déjà été adopté par la commission des finances, qui a saisi le Conseil des prélèvements obligatoires. Celui-ci nous a fait des propositions, que nous allons devoir examiner.
Pour reprendre les mots de Ronan Dantec, à nouvelle mission, nouveau financement ! Nous sommes tous d’accord sur l’objectif. Il va falloir inventer une fiscalité locale verte pour appréhender le foncier et le ZAN.
Cette proposition de loi est donc prématurée.
J’ajoute deux arguments. Le premier est la hausse potentielle de la fiscalité locale. Le second concerne les dispositions qui ont été adoptées au sein de la loi de finances – M. le ministre l’a rappelé –, dont l’article 73 a étendu le périmètre d’application de la taxe sur les logements vacants, et l’article 74 en a augmenté le taux, le faisant passer de 12,5 % à 17 % la première année et de 25 % à 34 % la deuxième.
Tout cela va dans le sens du présent amendement. Il serait bienvenu de nous laisser le temps de voir si ces mesures ont l’effet attendu.
Par conséquent, en l’état, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je rappelle que cette proposition de loi vise à renforcer l’action des collectivités territoriales en matière de politique du logement. Elle ne porte pas sur les résidences secondaires, même si beaucoup d’interventions se sont concentrées sur ce sujet. L’amendement de Mme Briquet correspond donc bien au libellé de la loi.
Nous avons mis les régions dans la boucle, parce que la loi NOTRe leur a donné une compétence en la matière. Il est vrai qu’elles l’utilisent de manière différente et que l’arrivée des mégarégions – celles-ci n’étaient pas prévues par la loi NOTRe – rend les choses plus difficiles sur le terrain. Sur ce point, nous allons payer longuement les errements de Manuel Valls… Clairement, les régions vont devoir intervenir de plus en plus sur la question du logement. Sans aménagement du territoire, sans équilibre de l’emploi, nous n’y arriverons pas. Le sens de l’histoire est donc que les régions, avec toute leur puissance économique, s’occupent de plus en plus de cette question.
C’est le sens de notre amendement. Il est faux de dire que les régions n’en veulent pas. Certaines n’en veulent pas. Mais nous avions bien prévu un dispositif optionnel. Oui, nous restons des régionalistes ! C’est une différence d’analyse politique avec nos camarades communistes. Le tour de la région viendra ; j’en suis convaincu.
Avec cet amendement, il s’agit simplement de rétablir ce que le Sénat a déjà voté très largement. M. le rapporteur essaie de trouver un argumentaire pour que le dispositif ne revienne pas sur l’initiative d’un groupe de la minorité.
Mais je pense que nous devons adopter cet amendement. La question de la décorrélation est absolument centrale. Le 49.3, non démocratique, a empêché que notre proposition, pourtant votée par le Sénat, soit discutée.
M. le président. Il faut conclure.
M. Ronan Dantec. Nous passons donc, dans l’urgence, par une proposition de loi. Nous espérons retrouver le même consensus que lors du débat initial.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac. Je soutiens totalement cet amendement. Réécrire cet article est une bonne manière d’apporter une réponse consensuelle et efficace à un problème qui frappe de plein fouet de nombreux départements, des Pyrénées-Atlantiques à la Bretagne en passant par la Corse.
Lors de l’examen du budget, notre assemblée s’était accordée sur l’épineuse question de la décorrélation des deux taxes. Nous avions adopté, sur l’initiative de Philippe Bas, un amendement visant à permettre, à compter de 2023, une déliaison entre le taux de la THRS et celui de la TFPB, afin de donner davantage de marges de manœuvre aux communes souhaitant utiliser ce levier fiscal pour lutter contre le phénomène de sous-occupation des logements.
Monsieur le rapporteur, je fais partie de la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du ZAN, mais je crois qu’il y a urgence. Les communes sont en attente de décisions rapides de notre part.
Le Gouvernement a préféré supprimer cette disposition du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l’article 49.3 de la Constitution. C’était une erreur, car la décorrélation que prévoit aujourd’hui le code général des impôts a une incidence majeure pour les communes touristiques. Leur fort potentiel touristique entraîne une conversion massive de nombreux logements en résidences secondaires. Les conséquences pour ces communes sont bien connues et implacables : inflation des coûts de logement et exode de la population locale, en particulier de jeunes ménages n’ayant pas les moyens de s’y installer.
Il nous faut donc être efficaces et pragmatiques.
La décorrélation entre la THRS et la TFPB est une solution efficace pour lutter contre la multiplication des résidences secondaires au détriment des résidences principales et contribuer à la revitalisation des communes concernées. C’est une solution pragmatique, car elle évite tout effet d’aubaine. Le dispositif proposé encadre cependant la décorrélation.
L’adoption du présent amendement donnerait à nos communes la possibilité d’agir plus librement sur le montant de la THRS en fonction des besoins locaux.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Mon intervention sera complémentaire de celle de Frédérique Espagnac.
Je comprends, cher Jean-Baptiste Blanc, une partie de vos réserves, mais seulement une partie.
Vous nous dites que c’est prématuré. Vous parlez comme Gabriel Attal lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2023. Il y a urgence ! Je ne peux pas revenir dans mon territoire en disant que c’est prématuré, que nous allons mettre en place un groupe de travail… Je ne souhaite pas porter ce type de discours, car la crise est prégnante et peut avoir demain des répercussions sociales et politiques extrêmement graves.
J’étais en colère lorsque le Gouvernement, après le 49.3, a fait disparaître mes amendements, pourtant votés largement par cette assemblée, ainsi que celui de Philippe Bas. Peu importe que l’on appelle cet amendement Briquet-Bas ou Bas-Briquet – M. Bas pourrait réclamer des droits d’auteur –, je l’ai défendu lors de l’examen du projet de loi de finances, et je le voterai. Cette décorrélation à la marge n’est pas confiscatoire. Elle est nécessaire. Donnons aux communes les moyens d’agir face à une situation de crise. Toutes les mesures prises à cet effet seront bonnes : c’est un ensemble, monsieur le ministre. Ne refusons pas tout, car cela fait longtemps que l’on attend un dispositif global ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Briquet. J’ai bien entendu M. le rapporteur, dont je salue la qualité du rapport, ainsi que le travail effectué dans le cadre de la mise en œuvre du ZAN.
Cependant, moi non plus, je ne pense pas que la décorrélation soit une réponse prématurée. De nombreuses communes la réclament. Elle n’obère en réalité aucune évolution future. Un tel argument est un non-sens.
Le dispositif pourrait s’appliquer pleinement et rendrait grandement service à nombre de collectivités.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. En Bretagne aussi, nous sommes confrontés au problème de l’accès au logement, qui s’aggrave et pose de grandes difficultés. Il est donc vraiment temps d’agir.
Les dispositions prévues dans la loi de finances pour 2023 ne seront applicables qu’en 2024. Et encore : elles ne concerneront que les quelque 4 000 communes qui auront été identifiées, selon des critères que j’ignore, comme étant des zones tendues. Or nous le constatons clairement : les zones tendues sont un peu partout en Bretagne.
Il est urgent d’agir. Il faut des leviers fiscaux tels que ceux qui ont été prévus dans la loi de finances pour 2023.
Monsieur le ministre, la réalité des difficultés étant plus générale qu’on ne le pense, j’aimerais que nous élargissions l’approche.
Dans cet esprit, décorréler le taux des taxes est absolument nécessaire : d’une part, il faut laisser de la liberté aux élus locaux pour gérer leur stratégie fiscale ; d’autre part, il faut leur donner des outils pour dégager les moyens permettant d’apporter des réponses au problème du logement.
Cet amendement va tout à fait dans ce sens. C’est pourquoi je le voterai.