M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Lors de la discussion générale, j’ai fait un lapsus très significatif, en parlant de « décolérer » au lieu de « décorréler ». (Sourires.)
Mais c’est sûrement parce que, comme beaucoup d’entre nous sur ces travées, j’étais un peu en colère de voir que les amendements Bas ou Briquet et même Breuiller – j’avais déposé un amendement équivalent – avaient été rejetés du fait du recours par le Gouvernement de l’article 49.3 de la Constitution. C’est – hélas ! – souvent le cas pour les mesures venant soutenir les collectivités territoriales.
Au-delà de ce lapsus, s’il y a effectivement un peu de colère, il y a surtout une nécessité de décorréler.
En adoptant cet amendement, nous enverrions une nouvelle fois au Gouvernement le signal qu’il est nécessaire et urgent d’agir, de faire le premier pas et de reprendre les dispositions votées le Sénat en loi de finances.
Cher Jean-Baptiste Blanc, il n’est pas prématuré de faire un premier pas. Certes, et nous en convenons, ce ne serait pas à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés dans nos territoires ; il est bien évident que la présente proposition de loi ne réglera pas en totalité le problème dont nous avons tous souligné la gravité. Mais mieux vaut un premier pas que le stand-by.
Je voterai évidemment cet amendement. Je nous invite à voter dans le même sens que lors de l’examen du projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous prenons tous conscience, chacun avec nos mots, de la portée et de la limite de la proposition de loi.
Soyons honnêtes. Ce texte ne résoudra pas, grâce à 7 500 logements, le problème des 93 000 logements manquants dans mon département sur l’exercice 2021.
J’évoquais tout à l’heure les communes carencées. Dans quatre communes, l’État est contraint d’exercer son droit de préemption pour créer 131 logements. Gardons mesure et humilité !
Mais cet amendement n’est pas un cavalier. Il tend à réaffecter des moyens à un autre échelon de collectivité : on passe de la région à la commune. J’ai donc plutôt tendance à le soutenir.
Sur la question des « travaux prématurés », j’ai du mal à suivre. Aucun travail n’est prématuré dès lors qu’il fait l’objet d’un débat dans l’hémicycle. Par nature, ce que nous débattons et décidons ici fait déjà loi. C’est donc utile. L’argument n’est pas recevable.
Je le dis d’emblée, si cet amendement est adopté, ce que je souhaite vivement, notre groupe votera pour la proposition de loi. Dans le cas contraire, on en reviendrait au texte initial, qui prévoit une affectation des taxes à la région, et notre groupe serait amené à s’abstenir.
Vous le voyez, nous participons à ce débat dans un esprit constructif.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Je ne crois pas du tout que ce soit prématuré.
Depuis mon élection au Sénat, en 2017, j’ai été en quelque sorte, par mes amendements, un lanceur d’alerte sur la crise du logement et sur le développement excessif des résidences secondaires et des meublés touristiques dans les zones très touristiques, en l’occurrence à Paris.
On m’a répondu avec un peu d’indifférence, en considérant qu’il s’agissait d’un problème purement parisien. Sauf que cela s’est étendu aujourd’hui à toutes les autres zones touristiques – je pense à la façade atlantique, à la Bretagne, aux Pyrénées-Atlantiques ou encore à la Corse – et continuera de s’étendre.
En réponse à la crise du logement, on ne peut avoir des outils qui soient systématiquement en retard. Il s’agit non pas de stigmatiser les résidences secondaires, mais d’empêcher que leur développement ne devienne un véritable problème pour l’accès au logement des habitants et, au-delà, pour le développement et la stabilité elle-même du territoire.
Ne refusons jamais un outil qui permet d’aller plus loin. Max Brisson et Frédérique Espagnac avaient proposé à l’automne dernier des mesures ciblant les meublés touristiques qui n’avaient pas été retenus dans la version du projet de loi de finances pour 2023 issue du déclenchement de la procédure de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Je le regrette. Les outils que nous votons sont à ce point insuffisants eu égard à l’ampleur de la crise du logement que nous ne pouvons absolument pas nous en priver. Nous devons également montrer notre volontarisme et notre détermination à régler ce problème, qui continuera de s’aggraver.
La crise du logement est un grand danger qui guette de nombreux territoires, et plus seulement les métropoles très attractives, les cœurs de métropole ou la seule de Paris.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. La France est championne en matière de taux de résidences secondaires.
Si le problème n’est pas là, en soi – de nombreux Français aspirent en effet à acquérir une résidence secondaire –, le constat partagé sur toutes les travées est que la situation du logement n’est pas satisfaisante.
Socialement, il est profondément injuste de voir de jeunes actifs contraints d’effectuer des migrations quotidiennes pour se rendre sur leur lieu de travail. Je pense à la Bretagne et aux zones littorales en particulier, mais c’est une réalité en bien d’autres endroits.
La situation est en outre économiquement néfaste pour les entreprises, qui doivent se lancer dans des recherches difficiles, afin de loger leurs salariés. Elle est écologiquement non soutenable, avec toutes ces migrations pendulaires, qui conduisent à un gâchis d’énergie et à de nombreuses pollutions.
Le constat est donc partagé de tous. Une fois de plus, le Sénat peut se grandir en adoptant une position transpartisane sur un amendement qui a déjà été voté.
Nous sommes là clairement dans une démarche d’autonomie fiscale, défendue sur toutes les travées. Nous nous devons de donner un signal, dans nos régions, dans nos départements, en réponse à ce problème qui se généralise et touche désormais des régions auparavant épargnées. Je pense par exemple, dans mon département, à la commune de Paimpont, qui, bien qu’éloignée du littoral, n’en est pas moins soumise à une telle pression.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Nous apprécions tous le tour de passe-passe des membres du groupe socialiste pour nous mettre prétendument en défaut.
Je rappelle que les mesures à caractère fiscal relèvent de la loi de finances. Or, à vous entendre, chers collègues, cet amendement permettrait de résoudre d’un bloc les problèmes du logement, de la fiscalité locale et de l’autonomie fiscale des collectivités.
Lors de l’examen de la loi de finances pour 2023, nous avons adressé des messages au Gouvernement, qui nous a invités à participer à moult groupes de travail. Nous sommes aujourd’hui le 2 février et aucune invitation ne nous est parvenue.
M. Ronan Dantec. C’est vrai !
Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, nous vous avons notamment interpellé sur la fiscalité locale. Le Gouvernement ne s’attaque pas du tout au problème, dans la mesure où le texte retenu après application de l’article 49.3 de la Constitution prévoit de reporter de deux ans le début de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation.
L’injustice dont nous parlons au sujet des résidences secondaires frappe en réalité tous les Français, et concerne la résidence principale. En effet, les valeurs locatives sont aujourd’hui totalement décorrélées de la valeur vénale et de la valeur d’usage des biens.
Au lieu de voter cet amendement, qui porte sur un problème mineur sans nécessairement contribuer à le résoudre, mieux vaudrait attaquer de front le champ de la fiscalité locale, dans toutes les dimensions qui ont été abordées aujourd’hui.
Nous ne changeons pas de pied aujourd’hui. Nous ne sommes pas du tout dans le même contexte. Nous maintenons qu’il y a urgence à s’attaquer au sujet de la fiscalité locale dans sa globalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Arnaud. Ce débat est des plus passionnants. Je constate que l’amendement d’Isabelle Briquet bénéficie du large soutien de territoires disposant massivement de résidences secondaires, qu’il s’agisse de territoires de montagne ou du littoral.
Nous ne pouvons pas être insensibles à la possibilité, pour les collectivités locales, d’asseoir leur fiscalité sur les résidences secondaires de manière détachée de la fiscalité reposant sur les résidences principales. À ce titre, une majorité des membres du groupe Union Centriste voteront l’amendement n° 1.
Si le texte se résume essentiellement à ce dispositif, qui est en effet, de mon point de vue, un appel à un débat plus large que lancerait le Gouvernement, avec une participation active du Sénat, en vue de préparer la prochaine loi de finances, il peut être un signal fort.
S’il s’agit en revanche, comme le proposait le texte initial, de maintenir une régionalisation d’une partie de la fiscalité sur les résidences secondaires, nous ne pourrons voter la globalité du texte.
Nous envoyons donc un signal d’ouverture à la discussion sur ce sujet, qui, en matière de fiscalité, doit être associé à d’autres.
Dans mon intervention liminaire, j’ai appelé moi-même à une fiscalité qui oblige les multipropriétaires de résidences secondaires à mettre une partie de leurs propriétés sur le marché de la location des résidences permanentes. Cette question doit être abordée en profondeur.
Pour l’heure, nous envoyons un signe aux territoires en tension.
Nous voterons donc majoritairement l’amendement n° 1, tout en rejetant le texte si la dimension régionale devait être confirmée. Au Sénat, nous défendons plutôt une dimension locale, départementale, communale et intercommunale.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour explication de vote.
Mme Sylvie Vermeillet. J’associe Denise Saint-Pé à mon explication de vote.
J’avais voté un amendement identique dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 ; je voterai donc également celui qui nous est proposé.
L’urgence est de protéger les résidences primaires. Dans certains territoires, le mal est fait : les taux de taxe d’habitation pour les résidences secondaires ont déjà augmenté et, mécaniquement, la taxe foncière a un effet au quotidien sur les habitants.
Pour 2023, la hausse des valeurs locatives sera telle que la taxe foncière va exploser. Ces éléments se cumulant, le coût pour les résidences primaires sera insupportable.
Il y a donc urgence à décorréler les taux des taxes pour protéger les habitants des résidences primaires dans nos territoires.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je rejoins Christine Lavarde. Cet amendement tend à réécrire la fiscalité locale.
Je comprends le sentiment de nécessité, la frustration et l’urgence qui ont guidé ses auteurs. Nous allons, je le répète, nous atteler à la tâche sur cette question dès les prochaines semaines.
La corrélation est tout de même un des principes généraux du droit de la fiscalité locale. Faut-il l’évacuer en une matinée, sans étude d’impact, sans recul, sans visite de terrain ni contrôle ? (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme Frédérique Espagnac. Nous avons déjà voté cette mesure !
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je ne fais que poser quelques questions et faire part de mes doutes quant aux réponses.
M. Max Brisson. Dans ce cas, il ne fallait pas voter l’amendement Bas !
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Par ailleurs, cette proposition de loi, qui concernait initialement les régions, donne lieu finalement à un amendement sur le bloc communal et nous discuterons dans un instant des EPFL.
Les régions sont-elles en demande ? Régions de France a bien indiqué que ce n’était pas le cas. Je vous invite également à réfléchir – nous en discuterons de nouveau à l’occasion de l’examen de la proposition de loi sur le ZAN – à la force que nous voulons donner au Sraddet, qui s’imposera progressivement comme le seul document présidant aux politiques publiques.
En clair, les régions seront chefs de file dans un certain nombre de domaines. Est-ce vraiment ce que vous désirez ? Le Sraddet doit-il avoir un caractère contraignant, y compris en matière de politique publique du logement ? Je vous invite à prendre du recul sur le sujet.
Cher Ronan Dantec, les EPFL sont-ils en demande ? Je les ai de nouveau interrogées ce matin. Ils ne sont pas aussi unanimes que cela. (M. Ronan Dantec s’exclame.)
Les EPFL du littoral sont, certes, très demandeurs, mais pas les autres. Les autres souhaitent intervenir dans la mission de contrôle qui débutera dans les prochains jours. Nous aurons l’occasion d’évaluer réellement la mesure en question.
Le bloc communal souhaite-t-il vraiment la décorrélation ? Je ne le sais pas. Avons-nous interrogé ses représentants ? Non. Avons-nous réalisé une étude d’impact ? Non.
Mme Frédérique Espagnac. Nous avons déjà voté la mesure !
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je ne minimise pas le sujet. Je dis simplement que nous devons prendre légèrement plus de temps. Il s’agit non pas de créer un énième groupe de travail, mais de prendre quelques jours ou quelques semaines supplémentaires pour travailler sur le sujet plus sérieusement.
Croyez bien que, en tant que rapporteur de ce texte et du texte sur le ZAN, j’ai parfaitement conscience de l’urgence à réinventer une fiscalité locale verte. Je suis le premier à le dire.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je m’étonne des propos qui viennent d’être tenus. Tout d’abord, ce texte n’a pas pour objet la fiscalité régionale. Ensuite, nous discutons de l’amendement n° 1, qui, précisément, réécrit en partie le texte en tenant compte d’une urgence absolue.
Monsieur le rapporteur, vous dites ignorer ce que peut penser le bloc communal de la décorrélation. Nous sommes tout de même les représentants des territoires ! Je défie quiconque ici de m’expliquer qu’il ne s’agit pas d’une demande forte de l’ensemble des territoires. Ce serait à n’y plus rien comprendre.
Le phénomène est prégnant dans les zones touristiques, mais pas uniquement. En Isère, département que je représente, la question se pose avec acuité dans les stations de ski, mais également dans les zones rurales et très rurales de montagne. Comment vivre dans ces territoires ? Comment permettre aux jeunes d’accéder à un logement à des prix qui ne flambent pas ?
Il est évident que la décorrélation correspond à une demande très forte des élus. Au-delà se pose la question de l’autonomie financière, dont on a privé et dont on continue de priver les collectivités et les communes.
Je ne comprendrais pas que notre assemblée rejette cet amendement, qui consiste bien en une réécriture. J’espère qu’elle votera le texte.
Il y a urgence. Nous devons envoyer un signal fort au Gouvernement. Ne serait-ce que pour cette raison, il faut soutenir cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Franck Riester, ministre délégué. Ce débat, que vous avez déjà eu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, est intéressant.
Si le Gouvernement suit la question avec attention, je rappelle malgré tout que la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales augmente de fait la différence de fiscalité entre les résidences principales et les résidences secondaires.
Par ailleurs, la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires est décorrélée, jusqu’à 60 %, de toute augmentation d’impôts locaux.
M. Max Brisson. Dans les zones tendues !
M. Franck Riester, ministre délégué. Oui, ce sont les zones dont nous parlons.
Enfin, nous sommes tout à fait disposés – la loi de finances pour 2023 le prévoit – à revoir la cartographie, en concertation avec les associations d’élus.
Un décret sera publié le plus rapidement possible pour permettre aux collectivités locales et aux communes d’augmenter leurs taxes, pour celles qui seraient concernées par la nouvelle carte, avant le 1er octobre 2023 pour une fiscalité 2024.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je me situe un peu à contre-courant, car je suis peu favorable à la décorrélation. D’ailleurs, je n’ai pas voté, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, l’amendement présenté par Philippe Bas ; je ne parle évidemment pas de son amendement d’hier. (Sourires.)
En effet, comment les choses se passent-elles dans les communes ? Les conseillers municipaux des communes rurales sont des élus du territoire, sur lequel ils ont en général leur résidence principale. Les propriétaires des résidences secondaires sont rarement élus au conseil municipal.
Dès lors, la tentation pourrait être de décider de ne pas augmenter la taxe sur le foncier bâti, mais d’augmenter la taxe d’habitation pour les résidences secondaires.
C’est la raison pour laquelle je suis assez réservé sur la mesure. Il faudrait à tout le moins l’encadrer si l’on veut éviter des dérives.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 120 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 165 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er n’est pas adopté.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Briquet, M. Féraud, Mme Artigalas, MM. Kanner et Raynal, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du I de l’article 1407 ter du code général des impôts, les mots : « Dans les communes classées dans les zones géographiques mentionnées au premier alinéa du I de l’article 232, » sont supprimés et le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 100 % ».
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. La part des ménages propriétaires de leur résidence principale, soit 58 %, ne progresse plus depuis 2010.
Dans le même temps, le nombre de résidences secondaires et de logements occasionnels augmente plus vite que l’ensemble du parc. Cette hausse s’est encore accentuée ces cinq dernières années.
En ne traitant pas le sujet, on laisse s’installer un sentiment d’abandon, d’injustice et une incompréhension profonde, particulièrement chez les jeunes générations.
L’amendement de notre groupe répond à la problématique soulevée par les auteurs de la présente proposition de loi. Il vise à étendre la possibilité de majorer le plafond de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires à toutes les communes qui le souhaitent, et pas seulement à celles qui sont situées en zones tendues.
Cela permettra d’ouvrir cette possibilité dans des zones moins denses, mais qui sont néanmoins concernées par le phénomène des résidences secondaires. C’est notamment le cas de certains territoires ruraux, au détriment des populations qui y vivent.
Une telle mesure va également dans le sens du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, en leur laissant le choix de majorer ou non cette taxe. Faisons confiance aux maires !
Nous proposons de permettre de majorer le plafond de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires jusqu’à 100 %, au lieu de 60 % actuellement.
Cette recommandation a été faite par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans son rapport La fiscalité dans la perspective du ZAN, publié le 25 octobre 2022.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Cet amendement revient de manière récurrente à l’occasion de chaque projet de loi de finances. Il tend à rendre possible une majoration jusqu’à 100 %. La part communale de la taxe d’habitation, qui s’élève aujourd’hui à 60 %, pourrait ainsi être doublée.
Cette majoration de THRS est une façon de contourner la règle de liaison des taux entre les différentes impositions locales, de sorte que la taxation pèserait de manière déséquilibrée selon les catégories de contribuables et d’une manière peu justifiée, au regard des nécessités de l’action publique.
J’ai lu, moi aussi, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Il propose effectivement d’élargir le périmètre de la taxe sur les logements vacants et de la majoration de la THRS tout en les limitant aux zones tendues.
La proposition du CPO a été mise en œuvre, par ailleurs, dans la loi de finances.
Pour rappel, la position de la commission, exprimée la semaine dernière, est d’étudier d’abord comment s’applique l’extension du zonage proposé par la loi de finances, sans procéder à des augmentations de fiscalité, dont l’effet est difficilement mesurable.
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
Après l’article 1607 bis du code général des impôts, il est inséré un article 1607 ter A ainsi rédigé :
« Art. 1607 ter A – Il est institué, au profit des établissements mentionnés au premier alinéa de l’article 1607 bis, une taxe additionnelle à la taxe d’habitation due au titre des résidences secondaires et autres logements meublés non affectés à l’habitation principale situés dans les zones géographiques mentionnées au I de l’article 232.
« Le taux de la taxe additionnelle, applicable à l’assiette de la taxe d’habitation déterminée en application de l’article 1409, est compris entre 0 et 25 %. Il est arrêté dans les conditions mentionnées aux deuxième à quatrième alinéas de l’article 1607 bis pour le produit de la taxe spéciale d’équipement.
« Le II de l’article 1407 ter et les articles 1408, 1413 et 1414 sont applicables.
« Les cotisations sont établies et recouvrées, les réclamations sont présentées et jugées comme en matière de contributions directes.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Briquet, M. Féraud, Mme Artigalas, MM. Kanner, Raynal, Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
situés dans les zones géographiques mentionnées au I de l’article 232
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Cet amendement de notre groupe tend à élargir le dispositif optionnel proposé à l’ensemble des territoires de l’Hexagone et dans les outre-mer, quand sa rédaction actuelle le limite à un nombre réduit de communes, dont la liste n’est, par ailleurs, à ce jour pas connue, dans l’attente d’un décret d’application.
La perspective d’ouvrir une possibilité de taxation au bénéfice des établissements publics fonciers est intéressante aux yeux des auteurs du présent amendement. Il convient cependant d’en accroître la portée pour permettre une réelle effectivité de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Par cet amendement, il est proposé d’étendre la nouvelle surtaxe aux zones non denses.
Cela ne corrigerait pas l’une des difficultés majeures posées par l’article 2 : l’inégalité de traitement entre les contribuables, puisque la taxation serait différente selon que le logement est situé dans un périmètre d’un établissement public foncier local ou d’État. Je m’attendais à ce que des amendements aient pour objet de corriger ce point. Ce n’est pas le cas.
En outre, l’adoption de l’amendement aurait pour effet de créer une taxe dans les zones non denses, alors que la situation des résidences secondaires n’y est pas du tout la même. Dans bien des endroits, les résidences secondaires sont plutôt vues comme des sources d’attractivité.
La question est très complexe. Nous sommes tous conscients de la nécessité d’en débattre et d’agir, afin de trouver notamment les moyens d’entretenir le patrimoine bâti.
Or cette taxe serait décidée non pas par la commune, mais par un EPF qui pourrait ainsi aller à l’encontre des choix de politique du logement de la commune.
En cohérence avec la position de la commission, qui est défavorable à l’ensemble de la proposition de loi, je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Une des raisons pour lesquelles nous sommes restés sur les zones tendues tient à ce principe de constitutionnalité, même s’il n’y a plus rien de confiscatoire : le taux n’est plus que de 25 %, et le dispositif est, je le rappelle, optionnel.
Nous sommes donc restés sur les zones tendues, où la question se pose totalement et où il n’y aura pas de problème constitutionnel, puisque l’État lui-même reconnaît les difficultés dans ces zones.
Par ailleurs, je m’étonne des propos de M. le rapporteur selon lesquels les EPFL ne seraient pas tous d’accord. Vous avez pourtant tous reçu un courrier du réseau des EPFL soutenant cette proposition.
Les EPF locaux sont aujourd’hui très demandés par les communes et les intercommunalités, en Loire-Atlantique comme un peu partout dans notre pays. Or ils ne peuvent répondre à cette demande importante, dont l’ampleur va encore augmenter avec le ZAN. Il y a consensus sur ce point.
C’est pourquoi nous nous en sommes tenus aux EPF locaux, où ce sont les élus locaux qui prennent les décisions, et personne d’autre ! C’est bien le bloc communal qui décide. Le sujet est donc vraiment l’autonomie fiscale des communes.
Enfin, comme le disait Max Brisson, il faut tout de même que ces établissements aient des recettes ! Aussi, au vu de ces besoins, soit on augmente le taux de la totalité des taxes concernées – taxe foncière, taxe d’habitation sur les résidences secondaires et contribution foncière des entreprises –, soit on limite cette augmentation à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
Tel est bien le choix qui est sur la table : soit augmenter la fiscalité pour tout le monde, en particulier la fiscalité économique, soit l’augmenter uniquement, dans les zones tendues, sur les résidences secondaires, qui participent à la déstabilisation du marché.
Telle est bien la logique de cet article, qui est soutenu par les EPF locaux. Dans tous les cas, la décision serait prise à l’échelle du bloc communal, par les élus locaux. Je ne vois donc pas de raison pour que notre assemblée le rejette.