M. Vincent Capo-Canellas. Il est également défendu, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 26 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Malhuret, Verzelen, Guerriau et Grand, Mme Paoli-Gagin et MM. Chasseing, Menonville, Médevielle, Decool et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Remplacer les mots :
six semaines
par les mots :
un mois
La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Cet amendement, déposé par Emmanuel Capus, vise à réduire le délai de six semaines à un mois, car un délai exprimé en semaines introduirait de la confusion dans les procédures.
Mme le président. L’amendement n° 56, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéas 29 à 31
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le présent amendement vise à supprimer la disposition qui prive la personne susceptible d’être expulsée d’un délai de deux mois suivant le commandement à payer, lorsque le juge constate que celle-ci serait « de mauvaise foi ».
Nous comprenons l’intention des auteurs de cette disposition de distinguer les personnes en situation de détresse sociale et dans l’incapacité de payer leur loyer et les autres locataires.
Néanmoins, le caractère flou de l’expression locataire « de mauvaise foi » nous inquiète en raison des abus auxquels elle pourrait donner lieu. Qu’est-ce qu’un locataire « de mauvaise foi », si cela n’est pas défini dans la loi ?
Comme l’indique le Secours catholique, le caractère imprécis de cette expression comporte un risque d’arbitraire, si le juge est insuffisamment informé de la situation de la personne. Ainsi, rien dans cette expression n’interdirait au juge de considérer des personnes qui subissent une situation de grande précarité comme étant « de mauvaise foi ».
C’est donc pour éviter de créer une insécurité juridique que nous proposons de supprimer cette disposition.
Mme le président. L’amendement n° 48, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
4° L’article L. 412-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés » sont remplacés par les mots : « de la décision de la commission de médiation prévue à l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation qui reconnaît l’occupant prioritaire et devant se voir attribuer un logement ou un hébergement en urgence, jusqu’à ce que ce relogement ou cet hébergement » ;
b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à suspendre l’expulsion des personnes reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable et devant être logées en urgence.
Bien que la reconnaissance au titre du Dalo n’annule pas un jugement d’expulsion, elle porte obligation de relogement. La menace d’expulsion est souvent trop tardivement considérée comme effective. Les recours au titre du droit au logement opposable sont donc pris en compte après intervention de la force publique, ce qui laisse de nombreuses familles et prioritaires Dalo à la rue, sans proposition de relogement.
La procédure, telle qu’elle est encadrée par la loi, doit aboutir au logement ou au relogement des personnes reconnues prioritaires par la loi instituant le droit au logement opposable. La responsabilité de l’État de concourir aux expulsions au nom du droit de propriété doit être conciliée avec l’obligation résultant du droit au logement et ne peut décemment pas aboutir à mettre des personnes et des familles à la rue.
Nous proposons donc d’accorder un sursis sur les expulsions aux personnes prioritaires au titre du droit au logement opposable tant qu’une solution de relogement n’a pas été trouvée.
Mme le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 37
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le dernier alinéa de l’article L. 412-6 est supprimé.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement tend à supprimer la possibilité d’expulsion lors de la trêve hivernale pour d’autres lieux que le domicile.
Selon l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels, 64 % des 1 330 expulsions ont eu lieu en 2021 en pleine trêve hivernale.
Le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées le rappelle : c’est non pas par choix, mais par nécessité que les personnes sans logement choisissent d’occuper des terrains ou des immeubles inhabités.
Le constat du phénomène du mal-logement et du sans-abrisme est sans appel : en France, 623 personnes sont mortes dans la rue en 2021 ; 300 000 personnes sont sans domicile fixe, dont 1 700 enfants. Le 115 refuse chaque soir un hébergement à plus de 6 000 personnes, dont 1 700 enfants. Ce phénomène touche des familles, des retraités, etc.
Face à l’incapacité de l’État à proposer des solutions de relogement, y compris des logements d’urgence, à des familles précaires, nous demandons que ne soient plus effectuées d’expulsion pendant la trêve hivernale.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. L’amendement n° 70 vise à revenir sur les réductions de délais de la procédure contentieuse locative et sur les critères de qualification du squat.
Cet amendement est contraire à la position de la commission et, pour toutes les raisons que nous avons déjà évoquées lors de la discussion générale et de l’examen des amendements précédents, elle émet un avis défavorable.
De même, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié.
La lenteur de la procédure précontentieuse et contentieuse en cas d’impayés locatifs a été reconnue, ou à défaut non déniée, par l’ensemble des personnes que le rapporteur pour avis des affaires économiques et moi-même avons interrogées.
Cette procédure, on le sait, peut parfois prendre jusqu’à trois ans, selon les juges des contentieux de la protection, qui sont a priori des interlocuteurs objectifs sur ce sujet. Cette procédure doit donc être rendue plus rapide, ce qui est l’objet de l’article 5 de ce texte.
Néanmoins, les auditions que nous avons menées ont démontré que le délai précontentieux, entre la délivrance du commandement de payer et l’assignation en justice, était utile, puisqu’il permettait de résoudre deux tiers des difficultés.
C’est pourquoi, lors de l’examen du texte en commission des lois, nous avons fixé ce délai à six semaines, contre un mois dans le texte de l’Assemblée nationale et deux mois dans le droit en vigueur. Ce délai, j’y insiste, est compatible avec le délai de cinq semaines que l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) estime elle-même nécessaire pour engager l’accompagnement social des locataires.
Cette solution me semble être un bon compromis entre le souci de célérité de la procédure d’expulsion en cas d’impayés et le souhait de maintenir les rapports locatifs, lorsque le locataire est encore en mesure de s’acquitter de son loyer. Elle a en outre le mérite d’être cohérente avec le délai identique de six semaines que le texte prévoit déjà entre l’assignation en justice et l’audience.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 81. Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et moi-même avons essayé de trouver un juste équilibre entre l’amélioration de la procédure contentieuse, indubitablement trop longue puisqu’elle peut atteindre trois ans, et une meilleure prise en charge des locataires en difficultés par les services sociaux et les Ccapex.
C’est pourquoi, lors de l’examen en commission, nous avons renforcé le rôle et les prérogatives des Ccapex. Nous avons également rendu l’accompagnement social plus précoce et l’avons centré sur les locataires qui rencontrent le plus de difficultés.
En parallèle, nous laissons plus de temps aux services sociaux pour réaliser le diagnostic social et financier et ainsi identifier les difficultés des locataires : ils disposeront, je l’ai déjà indiqué, de trois mois, contre deux mois actuellement, et ils pourront l’entamer dès le commandement de payer.
Dans ces conditions, nous avons considéré que la réduction du délai entre l’assignation en justice et l’audience était non seulement acceptable, mais souhaitable pour éviter que les procédures ne s’allongent au détriment des bailleurs comme des locataires défaillants, qui resteraient soumis à une procédure contentieuse longue, laquelle les maintiendrait dans l’incertitude quant à leurs perspectives d’hébergement.
J’ajoute enfin que le délai de six semaines entre l’assignation en justice et l’audience est cohérent avec le délai de six semaines entre la remise du commandement de payer et l’assignation.
Pour répondre à nos collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires, dont l’amendement n° 26 rectifié ter vise à réduire ce délai à un mois, j’indique qu’un délai de six semaines nous semble être le bon, l’Anil nous ayant indiqué, je le redis, qu’un délai minimal de cinq semaines était nécessaire pour engager les procédures d’accompagnement social des locataires. L’avis est donc défavorable sur cet amendement.
Enfin, j’émets également un avis défavorable sur les amendements identiques nos 5 rectifié bis, 9 rectifié et 21 rectifié ter, ainsi que sur les amendements nos 56, 48 et 45 rectifié.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 70.
Sur les amendements nos 18 rectifié bis, 28 rectifié et 53, qui sont identiques à l’amendement n° 88 rectifié du Gouvernement, j’émets évidemment un avis favorable.
Le texte permet d’entamer le diagnostic social et financier avant l’audience et prévoit un délai de trois mois pour son élaboration. Nous saluons ces avancées, qu’il n’y a pas de raison de modifier. Nous émettons donc un avis défavorable sur l’amendement n° 81.
Le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable sur les amendements identiques nos 5 rectifié bis, 9 rectifié et 21 rectifié ter, ainsi que sur les amendements nos 26 rectifié ter, 56, 48 et 45 rectifié.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je constate que le Gouvernement essaie au moins d’en revenir au délai de deux mois plutôt que de prendre à son compte celui de six semaines.
À l’intention de nos collègues du groupe Les Républicains, je précise que l’Anil peut toujours dire qu’un délai de cinq semaines est suffisant en moyenne, mais force est de constater que, dans certains départements, c’est la croix et la bannière pour obtenir le moindre accord du fonds de solidarité pour le logement (FSL), en raison de l’embouteillage des services. Or cet accord est souvent nécessaire dans le cadre d’un plan d’apurement.
Je sais d’expérience que c’est souvent au dernier moment, au cours de la dernière quinzaine, que l’on parvient à une solution.
Honnêtement, comme l’a dit M. Benarroche, les deux semaines en question ne représentent pas grand-chose et n’allongent pas considérablement l’ensemble de la procédure, qui peut durer – c’est l’exemple cité par le rapporteur – trois ans.
D’ailleurs, il convient de s’interroger sur la durée globale de la procédure. Pourquoi dure-t-elle parfois jusqu’à trois ans ? C’est non pas parce que le propriétaire ou le locataire est de mauvaise foi, mais bien parce que la justice ne se donne pas les moyens de régler les problèmes.
Pourquoi vouloir aujourd’hui rendre la procédure plus rapide et mettre la pression sur les parties au lieu de permettre à la justice de fonctionner correctement ? On devient fous ! On essaie de régler les problèmes dans la loi, mais je vous fiche mon billet que les procédures continueront d’être longues ! Il suffit pour cela qu’une audience soit reportée, par exemple.
La question se pose de savoir pourquoi nous encombrons les tribunaux avec des litiges que l’on pourrait résoudre, en mettant en place une autre organisation.
Je ne plaiderai pas une nouvelle fois pour la garantie universelle des loyers (GUL), mais franchement, elle permettrait de régler bien des problèmes.
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Mon explication de vote portera sur les amendements identiques nos 18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié.
J’ai bien compris vos arguments, monsieur le rapporteur, sur la cohérence des délais. Ce sont des arguments que je conçois volontiers, mais permettez-moi de vous dire, mon cher collègue, que le plus important, c’est l’efficacité.
Il me semble très dangereux de passer d’un délai de deux mois, qui permet de résoudre les problèmes dans deux tiers des cas, à un délai de six semaines, car tout porte à croire qu’il ne permettra pas d’en résoudre autant, faute de temps. Bien au contraire, un délai plus court risque de conduire à un déséquilibre et, comme l’a très bien dit Marie-Noëlle Lienemann à l’instant, d’accroître la judiciarisation.
Il me semble qu’il s’agit là d’un argument de poids ayant sa place dans une réflexion cohérente !
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Reichardt, rapporteur. Comme j’ai été interpellé, je rappelle que le but de la commission était de parvenir à un juste équilibre entre le souci de rendre la procédure plus rapide et la volonté de trouver un accord entre le bailleur et le locataire.
Certes, nous réduisons le délai à six semaines, mais les Ccapex pourront être saisies plus tôt et le DSF pourra être entamé dès le lendemain du commandement de payer. Cela signifie que nous proposons en fait d’augmenter le temps dont disposeront les services sociaux pour réaliser le DSF. Ils auront désormais deux fois six semaines pour le faire, soit trois mois au total, contre deux actuellement.
De ce fait, le juge disposera des DSF lors de l’audience non plus dans 30 % des cas, comme aujourd’hui, mais dans un plus grand nombre – je ne peux naturellement pas dire combien exactement –, voire dans la totalité d’entre eux.
Voilà ce que j’essaie de vous faire comprendre : on réduit certes le délai, mais, in fine, les services sociaux auront plus de temps pour réaliser les DSF. (Mme Marie-Noëlle Lienemann le conteste.)
M. Guy Benarroche. Ce sera pareil en fait !
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 rectifié bis, 28 rectifié, 53 et 88 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Marc Laménie. Je retire l’amendement n° 5 rectifié bis.
Mme le président. L’amendement n° 5 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié et 21 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme Létard, M. Henno, Mmes Morin-Desailly, Gatel, N. Goulet, Dindar et Billon, M. Longeot, Mme Herzog, M. Canévet, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Moga, Duffourg et de Belenet, Mmes Doineau et Perrot, MM. J.M. Arnaud et Cigolotti, Mme Jacquemet, M. P. Martin et Mme Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Après le mot :
coordonnées
insérer les mots :
téléphoniques et électroniques
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Pour une meilleure réactivité et afin de permettre d’entrer en contact avec la personne concernée par un autre moyen que l’envoi d’un courrier, il paraît pertinent de communiquer les coordonnées téléphoniques et l’adresse e-mail.
C’est pourquoi cet amendement vise à ce que, dans le respect des personnes concernées, cette transmission de coordonnées soit indiquée dès la rédaction du bail. Cela permettrait à la personne d’être au fait de sa situation, dès lors qu’elle rencontrerait un problème de paiement.
Cette transparence peut faciliter l’entrée en relation des intervenants sociaux et juridiques avec le locataire et favoriser ainsi la relation d’aide. Cette rédaction permet de préciser le contenu de la transmission.
Ce souhait figurait déjà dans l’objet d’un amendement défendu par Mme Estrosi Sassone en tant que rapporteur pour avis.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Cette précision a paru utile à la commission. Elle faisait partie des recommandations du rapport Démoulin, publié en 2021, qui constatait qu’il était difficile de joindre les locataires pour les informer de leurs droits et leur proposer un accompagnement social.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 93, présenté par M. Reichardt, au nom, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Remplacer le mot :
sixième
par le mot :
septième
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Reichardt, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur légistique.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Après l’article 5
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 50 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 72 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La saisine de la commission de médiation départementale par le demandeur, après la délivrance du jugement d’expulsion et lorsqu’il est devenu exécutoire, suspend les effets du commandement de quitter les lieux jusqu’à la réception par le demandeur de la décision de la commission. »
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 50.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à suspendre les effets du commandement de quitter les lieux, lorsque le ménage ou la personne qui fait l’objet d’un jugement d’expulsion saisit la commission de médiation départementale.
Les prioritaires Dalo concernés par des commandements de quitter les lieux peuvent faire un recours auprès de la commission de médiation départementale. En 2018, plus de 55 000 recours ont été déposés devant les huit commissions de médiation d’Île-de-France et le nombre de recours est en augmentation.
La commission de médiation départementale contribue considérablement à lutter contre la précarité locative. Suspendre la procédure d’expulsion donnerait de meilleures chances à une mise en œuvre effective du Dalo.
Cet amendement est issu d’une proposition de l’association Droit au logement.
Mme le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 72.
M. Gérard Lahellec. Cet amendement, qui tend à suspendre les effets du commandement de quitter les lieux tant qu’une reconnaissance de priorité Dalo n’est pas établie, a été fort bien défendu par M. Benarroche.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Il est défavorable. L’accompagnement social des locataires en difficulté ne doit pas commencer à l’issue de la décision judiciaire, mais dès les premiers impayés. C’est le sens des amendements que nous avons portés, Dominique Estrosi Sassone et moi-même, lors de l’examen du texte en commission.
Mes chers collègues, vos amendements risqueraient non seulement de ralentir une procédure d’expulsion locative déjà très longue, puisqu’elle peut durer jusqu’à trois ans, mais aussi d’engorger les commissions de médiation par le signal qu’ils enverraient.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. L’État est tenu de prêter son concours à l’exécution d’une décision de justice. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces amendements.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 et 72.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 55, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, il est inséré un article L. 412-… ainsi rédigé :
« Art. L. 412-…. – Aucun concours de la force publique ne peut être accordé par la procédure d’expulsion locative lorsque des mineurs sont présents dans le logement et que la famille n’a pas obtenu de proposition de relogement adaptée à ses besoins et à ses capacités. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet d’interdire toute expulsion locative, lorsque des personnes mineures sont présentes dans le logement et que la famille n’a pas obtenu de proposition de relogement – il faut que les deux conditions soient remplies.
Cette mesure a pour objet de lutter contre les expulsions de familles. La France compte 4,1 millions de personnes mal logées, dont 600 000 enfants, selon le rapport de 2021 sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre – et je ne pense pas que ces chiffres aient diminué en 2022.
Ce sont autant d’enfants qui vivent dans la rue ou qui sont hébergés chez des tiers, à l’hôtel, dans des squats ou dans des structures d’hébergement collectives, toutes situations mettant en péril leur intégrité physique et morale.
La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), le collectif des Associations unies et le collectif Jamais sans toit ont alerté sur le fait que le nombre d’enfants scolarisés qui dorment dans la rue a augmenté de 86 % en 2022 par rapport à l’année 2021.
Certaines familles arrêtent de payer le loyer pour protester contre les conditions insalubres dans lesquelles elles vivent. De nombreux cas ont été médiatisés, où des moisissures empêchent les enfants de respirer ; c’est parfois un balcon, voire le plafond, qui menace de s’effondrer.
Nous souhaitons donc interdire toute expulsion locative, lorsque des mineurs sont présents dans les lieux et qu’aucune solution de relogement n’a été proposée pour la famille.
M. Guy Benarroche. Volontiers, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 52, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° du I de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La clause de résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ne peut produire aucun effet si le bailleur ne respecte pas les obligations d’encadrement du loyer prévu par les dispositions mentionnées au I de l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dans les zones mentionnées au premier alinéa de l’article 17 de la présente loi. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à suspendre les effets de la clause de résiliation de plein droit du contrat de location, lorsque le bailleur ne respecte pas l’encadrement des loyers dans les zones tendues.
Le législateur a introduit à l’article 140 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, une disposition permettant d’encadrer les loyers dans les zones dites tendues. Certains bailleurs se placent en infraction de ce point de vue, en fixant des loyers trop élevés. Comment permettre à un bailleur étant lui-même en infraction de résilier le contrat de location, parce que le locataire ne paie pas le loyer ?
Lorsque le propriétaire ne respecte pas les règles d’encadrement des loyers, il ne doit pas pouvoir faire jouer la clause de résolution du bail et demander l’expulsion de son locataire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. L’objectif de l’amendement n° 55 est louable et je ne pense pas me tromper en affirmant qu’ici nous le partageons tous. Néanmoins, je ne pourrai pas émettre un avis favorable sur cet amendement tel qu’il est rédigé.
Je rappelle tout d’abord que les demandes de concours de la force publique ne sont pas une compétence liée du préfet. Celui-ci dispose d’un délai de deux mois pendant lequel il s’informe, auprès des services sociaux et des services de police, de la situation économique et sociale et, bien entendu, de la composition du foyer des personnes à expulser. Aucun texte ne limite son pouvoir d’appréciation. Tout au plus est-il précisé, à l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, que le bailleur a droit à une indemnité, si le préfet lui refuse le concours de la force publique.
Il n’est ainsi pas rare que les demandes de concours de la force publique soient refusées. D’après les chiffres de la Cour des comptes, en 2019, les préfets ont instruit 52 860 demandes de concours de la force publique, parmi lesquels 35 208 ont été accordés, les 17 652 demandes restantes ayant été refusées, explicitement ou implicitement.
Supprimer le pouvoir d’appréciation du préfet, qui prend déjà en compte les conséquences sociales qu’aurait une expulsion avec le concours de la force publique, permettrait à des parents de mauvaise foi – il en existe peut-être – de se maintenir de façon indéfinie sans droit ni titre dans un logement, sans qu’aucune solution d’expulsion soit possible.
En outre, l’amendement mentionne le relogement des familles, alors qu’il pourrait s’agir de groupes d’occupants illicites, mêlant des adultes et des mineurs sans qu’un lien familial ne les lie véritablement. Dans ce cas, si nous adoptions cet amendement, un tel groupe pourrait se maintenir indéfiniment dans le logement malgré la décision judiciaire d’expulsion.
Je rappelle enfin que le juge peut déjà accorder des délais différant l’expulsion, en prenant en compte la situation de famille – cela est prévu par le code des procédures civiles d’exécution.
Même avis défavorable sur l’amendement n° 52, car la mesure qu’il comporte paraît disproportionnée, mais aussi susceptible de provoquer une explosion des contentieux. En cas de contentieux locatif, le juge peut d’ores et déjà vérifier d’office les éléments constitutifs de la dette locative, ainsi que le caractère décent du logement.