Mme Éliane Assassi. Je ne suis pas certaine que cela passe… (Rires.)
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Reichardt, rapporteur. Avis défavorable, sans surprise : nous ne partageons pas le jugement très négatif que portent nos collègues du groupe écologiste sur cette proposition de loi, qui a été singulièrement améliorée et enrichie par nos débats. Son titre correspond bien, dorénavant, à son contenu et nous souhaitons le maintenir tel quel.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je remercie de nouveau notre rapporteur André Reichardt. Je suis très heureuse d’avoir travaillé de concert avec lui. Nous avons effectué plusieurs auditions en commun, dans un calendrier particulièrement contraint, et je pense que nous avons atteint nos objectifs.
Avec ce texte, nous avons souhaité renforcer la lutte contre le squat et contre l’usage dilatoire des procédures par des locataires de mauvaise foi.
Nous avons néanmoins voulu assurer une claire distinction entre les squatteurs et les locataires en difficulté, distinction qui n’existait pas dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale – monsieur le ministre, je crois que vous en êtes conscient. (M. le ministre le confirme.)
En ce qui concerne la lutte contre le squat, nous avons réintégré plusieurs mesures que le Sénat avait adoptées en janvier 2021 dans une proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat, que j’avais déposée. Du temps a été perdu, monsieur le ministre : si cette proposition de loi avait été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, ces mesures seraient déjà en application. Pour autant, j’espère qu’elles le seront désormais rapidement.
Mme le président. Veuillez conclure, chère collègue !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Nous avons aussi voulu favoriser le développement du logement intercalaire et, enfin, débloquer la prévention précoce des impayés de loyer.
Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Tout au long de nos échanges, il nous a été expliqué qu’il était inadmissible de rentrer chez soi et de trouver quelqu’un qui s’y était installé. C’est vrai, mais les lois en vigueur sanctionnent déjà ce type de comportement ! C’est d’ailleurs ce motif qui a justifié, durant l’année 2021, 170 concours de la force publique, concours qui sont délivrés en quarante-huit heures.
Vous l’aurez remarqué : aucun de nos amendements ne proposait de revenir sur ces dispositions. Elles permettent déjà l’intervention de la police et la condamnation à des peines de prison.
Nous regrettons que le mal ne soit pas traité à la racine et que, par exemple, les logements vides ne fassent jamais l’objet de réquisitions, alors que la loi le permet.
Ce que nous regrettons encore davantage, c’est que ces quelques situations de squat – 170 donc – servent de prétexte pour légiférer, alors que les 300 000 personnes sans domicile sont encore dans l’attente de l’ombre d’une loi.
Les impayés qui conduisent à la suppression d’un bail sont d’abord causés, je le répète, par l’absence d’une politique publique ambitieuse en matière de logement.
Rien n’est fait pour limiter le prix des loyers, dont la part augmente considérablement dans le budget des ménages, pris en étau entre la hausse des prix et la baisse du pouvoir d’achat.
Selon le 28e rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France qui a été présenté hier, 5,7 millions de personnes fournissent un effort financier excessif pour se loger.
Monsieur le ministre, mardi soir, vous vous êtes satisfait d’une augmentation de 1 % du nombre de places en hébergement, quand le nombre de personnes sans domicile a de son côté augmenté de 10 % !
Nous restons donc dans ce même rapport d’un à dix, au même titre que l’on compte dix logements vacants pour une personne sans domicile fixe. Il faudrait donc faire dix fois plus, mais encore faudrait-il s’attaquer réellement aux inégalités d’accès au logement !
Avec ce texte, vous voulez condamner à des amendes supplémentaires celles et ceux à qui vous n’avez pas réussi à garantir un logement digne et accessible.
Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Éliane Assassi. Rappelons que 2,3 millions de personnes attendent un logement social encore aujourd’hui dans notre pays.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Reichardt, rapporteur. Permettez-moi de remercier à mon tour la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques pour la qualité de nos échanges.
Je remercie également le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, et l’ensemble de mes collègues qui ont participé à nos travaux, ainsi que, plus globalement, toutes celles et tous ceux qui ont contribué à l’amélioration de ce texte – et je n’hésite pas à dire qu’il en avait besoin.
Je voudrais saluer la qualité de nos débats et la civilité des interventions des uns et des autres.
Enfin, nous nous félicitons, monsieur le ministre, du fait que ce texte va continuer son parcours parlementaire. (M. le ministre acquiesce.) Nous pourrons alors, à n’en pas douter, l’améliorer encore ; en raison du court laps de temps dont nous disposions pour travailler, nous n’avons pas pu approfondir tous les sujets comme nous le souhaitions.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Comme vous, tous les matins et tous les soirs, je croise de nombreuses personnes qui sont à la rue. À un moment, sans doute, ces personnes ont eu un logement, puis les vicissitudes de la vie les ont amenées là où elles sont aujourd’hui.
La question à se poser est de savoir si ce texte est de nature ou non à diminuer le nombre de personnes à la rue. Je n’en suis pas certain ; je pense même clairement le contraire, son but étant d’abord d’accélérer les expulsions.
On nous a beaucoup parlé d’équilibre.
Certes, la commission a tenté de rendre la proposition de loi légèrement moins implacable et déséquilibrée en faveur des bailleurs. Certes, une distinction a été opérée entre les squatteurs et les locataires qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer.
Je prends acte de ces avancées, mais au fond, ce texte ne va pas dans le bon sens : il tend surtout à rigidifier et à judiciariser.
Pourtant, l’arsenal juridique existe déjà. Il faut faire en sorte d’appliquer les décisions de justice. Il faut que le préfet aille au bout des procédures, mais aussi qu’il puisse reloger les personnes qui en ont besoin.
La situation est critique et cette proposition de loi ne fera que l’aggraver. Aussi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera-t-il contre.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je félicite à mon tour la commission et les rapporteurs pour le travail qu’ils ont effectué, en particulier pour la distinction qui a été clairement établie entre les squatteurs et les locataires.
Je suis de très près le dossier des squatteurs depuis seize ans et je vous répète, monsieur le ministre, comme je l’ai dit à tous vos prédécesseurs, qu’une disposition législative existe.
Je veux parler du fameux article 38 – certes examiné en pleine nuit – de la loi dite Dalo du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable. Si la justice et les préfets avaient appliqué cette disposition, nous ne serions peut-être pas contraints de légiférer de nouveau pour préciser les choses.
Plusieurs ministres m’ont répondu qu’ils allaient vérifier ce point et faire en sorte que la loi s’applique. Or je vous assure que, depuis seize ans, j’en ai vu des commissaires et des préfets qui ignoraient les dispositions de cet article 38 de la loi Dalo !
Pour que la loi soit efficace, il faut qu’elle soit appliquée. Je rejoins sur ce point Daniel Salmon : si elle l’était, peut-être n’aurions-nous pas besoin de légiférer de nouveau.
Mme le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. À mon tour de féliciter nos deux rapporteurs, qui ont vu arriver sur le bureau du Sénat et dans les commissions un texte que le groupe Union Centriste n’aurait sans doute pas voté en l’état.
Pour ma part, je ne l’aurais certainement pas voté, tant la façon dont étaient traités les squatteurs et les locataires défaillants était absolument inacceptable.
Le rééquilibrage que vous avez permis, madame, monsieur les rapporteurs, était indispensable. Il nous conduit d’ailleurs à voter en faveur de ce texte qui, par ailleurs, a été nourri et enrichi par des dispositions venant de la proposition de loi que Dominique Estrosi Sassone avait déposée au Sénat. J’ajoute que, si cette proposition avait été reprise par l’Assemblée nationale, nous aurions avancé plus rapidement.
En tout cas, le travail important réalisé par le Sénat apporte des outils utiles à la gestion et à la prévention des impayés de loyer.
La première des solutions serait évidemment de ne pas laisser ces familles en difficulté s’embarquer dans un tel engrenage. Il est absolument essentiel de réduire les délais, d’être plus efficace en amont et de favoriser les échanges entre tous les acteurs de la gestion des impayés de loyer.
Les amendements adoptés, qui proviennent de tous les groupes politiques, mais aussi du Gouvernement, ont permis d’enrichir le travail des rapporteurs.
Chacun pourra, avec sa propre sensibilité et même si nos votes sont différents, reconnaître que le Sénat a fait œuvre utile.
Aujourd’hui sortira de cette assemblée un texte qui permettra d’améliorer la gestion des relations entre les propriétaires et les locataires. Surtout il opère une distinction, qui est nécessaire, entre les squatteurs, d’un côté, et les locataires fragiles, de l’autre.
Le Sénat a donc joué son rôle !
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne reviendrai pas sur le caractère injuste de cette proposition de loi ni sur le fait que de telles dispositions fragiliseront davantage la situation de nombre de nos concitoyens.
Je suis convaincue que rien ne sera réglé. Une fois que, par décision de justice, vous aurez mis fin à un squat – je ne parle pas ici des squats de domiciles occupés –, quinze jours plus tard, ce sera rebelote ! Il réapparaîtra avec d’autres personnes. Il faut donc traiter ces sujets autrement, faute de quoi rien ne sera réglé.
Puisque le garde des sceaux a entendu nous donner avant-hier une grande leçon, j’aimerais qu’il adresse une circulaire aux procureurs pour qu’ils arrêtent de classer sans suite les litiges mettant en cause des propriétaires qui se conduisent de manière incorrecte – la quasi-totalité de ces litiges est classée sans suite !
Les locataires engagent-ils une procédure pour logement indécent ? Classée sans suite ! Une plainte contre des propriétaires qui font des travaux dans les cages d’escalier pour rendre invivable le logement et virer les gens ? Classée sans suite !
Je connais dix organismes HLM qui ont déposé plainte auprès du procureur de la République, précisément parce que les réseaux de squatteurs que nous voulons combattre s’étaient installés illégalement. Ces plaintes ont été classées sans suite !
Plutôt que de faire de grandes déclarations, le garde des sceaux devrait publier une circulaire visant à rectifier ces situations et à affirmer haut et fort que le droit au logement est fondamental et que les classements sans suite que je viens de citer doivent cesser.
Il ne sert à rien de légiférer, si c’est pour constater ensuite que, les lois n’étant pas appliquées, on doit encore les durcir… Je regrette ce type d’attitude.
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 123 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 252 |
Contre | 91 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué. Je salue à mon tour le travail des commissions, en particulier celui des deux rapporteurs, Mme la sénatrice Estrosi Sassone et M. le sénateur Reichardt. Je remercie également l’ensemble des sénateurs et des sénatrices qui ont participé à nos débats.
Le travail de qualité réalisé au Sénat a concouru – j’en suis convaincu – à améliorer ce texte et à le rendre plus équilibré encore. Nous poursuivrons ces enrichissements en deuxième lecture !
10
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 7 février 2023 :
À quatorze heures trente :
Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, exprimant le soutien du Sénat à l’Ukraine, condamnant la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l’aide fournie à l’Ukraine, présentée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues (texte n° 201 rectifié, 2022-2023) ;
Débat sur le thème « Automobile : tout électrique 2035, est-ce réalisable ? » ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (texte de la commission n° 268, 2022-2023) ;
Débat sur les conclusions du rapport « Commerce extérieur : l’urgence d’une stratégie publique pour nos entreprises ».
Le soir :
Débat sur les conclusions du rapport « Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme France ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mmes Catherine Deroche, Pascale Gruny, MM. Laurent Duplomb, Hervé Maurey, Didier Marie, Mmes Corinne Féret, Nicole Duranton ;
Suppléants : Mme Chantal Deseyne, MM. Cyril Pellevat, Jean-François Rapin, Michel Canévet, Mme Monique Lubin, M. Stéphane Artano, Mme Cathy Apourceau-Poly.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER