compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Martine Filleul,
M. Jacques Grosperrin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles de la Haute Assemblée : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
situation de l’enseignement primaire et secondaire
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, le Gouvernement, non content de mettre le pays dans la rue et, bientôt, à l’arrêt à cause de la réforme des retraites, suscite un nouveau vent de colère, cette fois contre la suppression de postes et de classes dans l’éducation nationale.
Parents, élèves et enseignants ont découvert en janvier dernier une carte scolaire actant sans concertation 1 000 suppressions de postes en primaire et 500 dans le secondaire. Les mobilisations se multiplient un peu partout.
À la rentrée dernière, vous peiniez, monsieur le ministre, à mettre un enseignant devant chaque classe, allant jusqu’à recruter à la va-vite, fin août, au travers de job dating, des enseignants précaires. Six mois plus tard, vous nous assurez qu’il y a trop d’enseignants et de classes en France : pouvez-vous expliquer ce tour de passe-passe ?
Dans de nombreux départements, les établissements en réseaux d’éducation prioritaire (REP) et en REP+ sont les premiers touchés.
À Paris, c’est une véritable saignée : 337 postes et 240 classes supprimées ! Cela fait suite, qui plus est, au scandale de la fermeture de sept lycées professionnels parisiens, décidée par Valérie Pécresse avec l’aval de votre ministère.
Le problème n’est pas limité à la capitale. Les banlieues comme les zones rurales sont durement frappées. Entendez-vous l’appel des maires ruraux, lesquels demandent un moratoire immédiat sur les fermetures de classes et d’écoles ?
Monsieur le ministre, pendant la crise de la covid-19, le Gouvernement nous expliquait que le temps éducatif devait être protégé comme la prunelle de nos yeux… Aujourd’hui, vous jetez cela aux oubliettes. L’éducation nationale redevient une cible prioritaire des coupes budgétaires.
Les mêmes dogmatismes budgétaires ont fabriqué les pénuries de soignants et les déserts médicaux dont nous souffrons actuellement partout dans le pays. Allez-vous, monsieur le ministre, créer les pénuries et les déserts éducatifs de demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Laurent, j’ai déjà eu l’occasion de dire dans cet hémicycle que nous allons perdre environ 500 000 élèves dans les cinq années à venir. La situation est plus aiguë encore à Paris, puisque la baisse de la natalité se combine au déménagement hors de la ville de nombreuses familles, notamment celles qui ont de jeunes enfants.
M. Laurent Duplomb. Merci, Anne Hidalgo ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pap Ndiaye, ministre. Quelle est la réalité de la situation à Paris ? Permettez-moi de mettre en avant trois données.
La première est une diminution du nombre d’élèves de 20 % ces dix dernières années. Cette baisse continuera dans les cinq années à venir.
La deuxième est le nombre d’élèves moyen par classe à Paris : il s’élève à 19,8, contre 21,7 à l’échelon national.
La troisième est le fait que Paris bénéficie du maillage d’écoles le plus dense de France. Son réseau de transports est sans équivalent sur le territoire français.
Nos critères pour assurer la répartition des postes sur le territoire sont simples : équité et universalité. Ma responsabilité est bien celle de l’équité territoriale et celle-ci amène à faire des choix, pour que le service public d’éducation soit préservé sur le territoire français et pour que nos professeurs soient mieux rémunérés. En effet, la hausse du budget de l’éducation nationale est de 6,5 % cette année ; pour mémoire, elle était de 2 % en moyenne annuelle entre 2012 et 2017.
Par conséquent, monsieur Laurent, il ne s’agit pas d’opposer les territoires les uns aux autres. Nous devons considérer avec justesse l’ensemble des situations…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et la ruralité ?
M. Pap Ndiaye, ministre. … et prendre de la hauteur pour assurer à tous les meilleures conditions d’éducation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, vous dites qu’il ne faut pas opposer les territoires. Pourtant, c’est exactement ce que vous venez de faire !
Pour vous, la calculette fonctionne toujours dans le même sens : vous utilisez en permanence l’argument de la démographie, mais vous ne la prenez en compte qu’à la baisse, jamais à la hausse.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Laurent. Vous devriez revoir vos calculs, car, dans de nombreux territoires, la colère va continuer à monter à ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
état des transports franciliens dans la perspective des jeux olympiques et paralympiques de paris
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) approchent ; la question des transports en Île-de-France sera centrale. Pour les milliers de Franciliens qui l’empruntent, le réseau est aujourd’hui surchargé, ce qui constitue une véritable « galère » au quotidien, entre retards, suppressions ou encore trains bondés. Certains usagers posent même la question de notre capacité à accueillir cet événement !
Cette semaine, vous avez visité le chantier Éole, grand projet de prolongement du RER E vers l’ouest parisien. Je me félicite que l’État puisse accompagner la région d’Île-de-France pour de tels travaux, mais, à l’heure actuelle, il ne peut pas tout faire. Je tiens à rappeler que la compétence en matière de transports relève avant tout des régions.
Au-delà des jeux Olympiques, c’est l’ensemble du financement des transports en Île-de-France qu’il faudrait repenser. Dès 2024, c’est-à-dire demain, 600 millions d’euros manqueront à l’appel pour financer le fonctionnement des nouvelles lignes actuellement en chantier. Le réseau francilien va en effet doubler d’ici à 2030, pour des besoins en financement estimés à 1,3 milliard d’euros.
Il y a trois ans, la chambre régionale des comptes tirait déjà la sonnette d’alarme au sujet de la gestion inadaptée et déséquilibrée d’Île-de-France Mobilités. (Mme Sophie Primas et M. Christian Cambon protestent.) L’endettement de cet opérateur, après avoir été multiplié par sept entre 2013 et 2018, a encore augmenté de 64 % pour la seule année 2022.
En décembre dernier, face aux difficultés accumulées, l’État est de nouveau venu au secours d’Île-de-France Mobilités, en abondant son budget de 200 millions d’euros. Malgré cela, Île-de-France Mobilités a décidé d’augmenter le prix du passe Navigo pour un service qui continue de se dégrader, notamment pour les RER B et D. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il y a quelques semaines s’est tenue une conférence sur le financement des transports franciliens. Monsieur le ministre, quelles pistes y ont été retenues pour trouver une solution de long terme (Mme Sophie Primas proteste.), permettant aux transports franciliens à la fois d’être financés, d’accueillir correctement des millions de visiteurs et de permettre aux Franciliens qui travaillent d’avoir des transports à l’heure, suffisants et de qualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Iacovelli, vous posez tout d’abord une question spécifique aux jeux Olympiques et Paralympiques. Nous avons décidé de mettre en place au niveau de l’État un comité stratégique des mobilités JOP Paris 2024, instance que je préside avec Mme Amélie Oudéa-Castéra.
Ce comité vise à regrouper toutes les six semaines l’ensemble des acteurs concernés, y compris, bien entendu, la région d’Île-de-France, pour faire avancer nos chantiers, notamment les grands projets d’infrastructures qui devront être prêts pour les jeux et bénéficier, évidemment, aux Franciliens bien au-delà de cet événement.
C’est le cas notamment du chantier Éole. Je me félicite que, collectivement, nous ayons trouvé un accord de financement sur les surcoûts rencontrés pour assurer le fonctionnement d’une première branche de la ligne prolongée dès le printemps prochain. Cet accord sur ce projet financé pour moitié par l’État est consensuel.
Nous devons travailler sur la question des transports franciliens en conservant un tel état d’esprit. Vous avez souligné, monsieur le sénateur, que ces transports rencontraient un certain nombre de difficultés de financement.
Je veux rappeler d’où nous partons. Un contrat de plan État-région se terminait en 2020 ; dans le plan actuel, l’État finance en Île-de-France 40 % des besoins en transports. C’est un taux inédit en France.
Pendant la crise de la covid-19, nous avons autorisé un versement de 2 milliards d’euros d’avances remboursables à la région d’Île-de-France. C’était nécessaire ; là aussi, il n’y a eu aucun équivalent en France. L’importance de ce geste mérite d’être rappelée.
Le Parlement a adopté dans le budget pour 2023 quelque 200 millions d’euros d’aides exceptionnelles que j’avais proposées pour l’Île-de-France. C’est aussi sans comparaison aucune en France.
Il faut à présent que nous trouvions une méthode et un accord durables pour financer les transports en Île-de-France. C’est la raison pour laquelle Valérie Pécresse (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et moi-même avons coprésidé les assises du financement des transports franciliens 2024-2030. Cette initiative me semble bonne.
Nous nous sommes mis d’accord sur des pistes, évoquées à la fin du mois de janvier dernier.
À mon sens, il faut nous en tenir à cette méthode, loin des polémiques ou des micros tendus, afin de partager dès le mois d’avril prochain un diagnostic sur les besoins et les sources de financement des transports et afin d’apporter avant l’été, c’est-à-dire avant la présentation du budget qui sera soumis au Parlement, des solutions précises pour assurer dans la durée le financement de l’exploitation des lignes du Grand Paris Express, objet, lui aussi, d’un effort sans précédent de la part de l’État.
Je crois que c’est dans cet esprit de responsabilité que nous devons désormais avancer ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
nationalisation d’edf
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, mes chers collègues, madame la Première ministre, jeudi dernier, l’Assemblée nationale s’est prononcée, par 205 voix pour et 1 contre, en faveur de la proposition de loi du groupe socialiste visant à la nationalisation du groupe EDF. Elle s’est également prononcée en faveur de l’incessibilité du capital d’EDF détenu par l’État.
Par conséquent, EDF ne pourrait plus être démantelée ou être livrée au marché à la découpe. En outre, parce que les filets de sécurité que vous avez mis en place, madame la Première ministre, sont très insuffisants pour sauver les entreprises, notamment les entreprises artisanales comme les boulangeries, le texte leur permettrait à toutes d’accéder aux tarifs régulés.
Courageusement, les députés de la majorité gouvernementale ont quitté l’hémicycle au moment du vote sur ce texte, ce qui en dit long sur leur respect de la démocratie parlementaire…
Plus profondément encore, madame la Première ministre, cette attitude est le reflet de l’impensé politique du Gouvernement s’agissant de son projet industriel pour EDF comme de ses objectifs concrets de réforme du marché de l’électricité dans l’intérêt général des Français et de toutes nos entreprises.
Madame la Première ministre, si ce texte, à présent déposé sur le bureau du Sénat, ne vous convient pas, quelles sont vos propositions de substitution pour EDF ? Comment entendez-vous répondre immédiatement aux difficultés de nombreuses d’entreprises dont l’existence est en jeu et dont les dirigeants, avec leurs salariés, se trouvent dans un grand désarroi ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Franck Montaugé, je vais vous dire le fond de ma pensée au sujet de ce texte (Ah ! sur les travées des groupes SER et CRCE.) : je ne vois pas ce qu’il apporte, mais je vois très bien ce qu’il coûte, à savoir 18 milliards d’euros.
Je ne vois pas ce qu’il apporte, parce que nous avons engagé la prise de participation d’EDF par l’État à hauteur de 100 % ; au moment où je vous parle, nous détenons 96 % des titres. Je ne vois donc pas à quoi il sert de faire un texte de loi pour nationaliser EDF, alors que l’État détiendra 100 % des titres d’ici à quelques semaines !
Vous allez me répondre en citant le projet Hercule et en répétant que nous voulons démanteler EDF… Dans quelle langue faudra-t-il dire que le projet Hercule est mort et enterré et que nous voulons préserver l’unité d’EDF ? (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Pourquoi voudrions-nous reprendre les titres d’EDF et contrôler à 100 % cette entreprise si c’est pour la démanteler ensuite ? Cela n’aurait absolument aucun sens ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE. – M. Xavier Iacovelli applaudit.) Je veux que les choses soient claires et entendues : nous voulons en faire un grand service public.
J’en viens aux 18 milliards d’euros que coûterait l’application de ce texte.
Imaginons que l’on étende, comme le vise cette proposition de loi, l’ensemble des tarifs régulés d’électricité, non seulement aux petites et très petites entreprises, mais aussi aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire, c’est-à-dire à presque tout le tissu économique français. Monsieur le sénateur, croyez-vous sérieusement que toutes les entreprises françaises ont besoin que 18 milliards d’euros d’argent public du contribuable soient mis à contribution pour les soutenir face à la crise de l’électricité ?
Je pense que c’est tout simplement un gigantesque gaspillage d’argent public ! (Mme Céline Brulin proteste.)
M. Éric Kerrouche. C’est déjà le cas avec les 60 milliards d’euros d’aide des entreprises !
M. Bruno Le Maire, ministre. Vous dites toujours que nous en faisons trop pour les entreprises. Eh bien, là, je puis vous dire que ce serait infiniment trop !
Nous allons prendre le contrôle à 100 % d’EDF. Nous allons demander à l’entreprise de remettre en état les réacteurs nucléaires qui doivent l’être et de s’engager totalement sur la construction de six nouveaux EPR (réacteurs pressurisés européens), et nous allons maintenir l’unité du groupe (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.). Voilà la feuille de route qui a été attribuée au nouveau président d’EDF.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. À l’inverse, je vous rejoins sur la réforme du marché européen de l’énergie. Nous livrons cette bataille avec Mme la Première ministre et nous la gagnerons, pour que nos compatriotes paient leur énergie au prix de l’électricité d’origine nucléaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, vous n’avez pas vraiment répondu à la question de l’organisation de l’entreprise EDF. Depuis des mois, les ministres chargés du dossier nous bercent de paroles lénifiantes et aucune mesure un tant soit peu efficace ne se profile en France et en Europe.
Ce qui est ici en question, c’est la capacité du Président de la République et de votre gouvernement à peser sur la réforme du marché de l’électricité dans l’Union européenne.
L’entreprise nationale EDF doit être au cœur de la reconquête de la souveraineté économique française. Le groupe socialiste du Sénat soutiendra la proposition de loi déposée par Philippe Brun. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
impact de la réforme des retraites sur le bénévolat et participation des collectivités territoriales au financement de la réforme
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative.
Le projet de réforme des retraites, dont l’examen a commencé à l’Assemblée nationale, inquiète aussi les élus locaux et le monde associatif. Parce que cela ne relève pas de votre délégation, je ne vous interrogerai pas sur l’augmentation de la cotisation à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), que vous souhaitez imposer aux employeurs territoriaux à compter de 2024 et à laquelle ils s’opposent fermement.
En revanche, parmi les sujets qui semblent des angles morts de votre réforme, il y a les effets que peut avoir le recul proposé de l’âge légal de départ à la retraite sur l’engagement politique et associatif local. En effet, la retraite est l’occasion pour bon nombre de personnes de franchir le pas d’une candidature à l’élection municipale de leur village ou d’être administrateur et bénévole d’une association culturelle, sportive ou sociale.
Selon une étude réalisée notamment par la caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) des Hauts-de-France, 35 % des retraités engagés dans une association ne l’étaient pas avant leur départ à la retraite. Du côté de l’engagement politique, à la suite des élections municipales de 2020, le nombre de maires de plus de 60 ans a atteint 55 %.
En somme, être retraité, c’est endosser un rôle non négligeable dans la cohésion sociale de notre pays, qui plus est lorsque l’on sait que ce sont les profils les plus assidus dans leurs missions bénévoles et fonctions électives, du fait de leur disponibilité.
Malgré tout, nous devons considérer que cette situation est fragile, car les difficultés de renouvellement des équipes sont déjà perceptibles, en raison d’un statut de l’élu local et de droits des bénévoles inadaptés à notre époque.
Aussi, avez-vous anticipé et évalué les conséquences de votre réforme sur la dynamique de l’engagement ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Sebastien Pla applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Guylène Pantel, je vous remercie de votre question.
Vous m’interrogez sur la prise en compte du bénévolat dans la réforme des retraites. Il est vrai que l’engagement associatif constitue l’une des pierres angulaires de la cohésion de notre société. L’engagement bénévole, notamment pour les responsables d’associations, exige du temps et de l’énergie. Alors, oui, réfléchissons à la manière de valoriser et d’encourager cet engagement.
La prise en compte pour les cotisations retraite pose toutefois un certain nombre de questions. Concernant la valorisation des bénévoles, la plupart d’entre eux acquièrent déjà des droits à la retraite au titre de leur activité principale. De plus, le financement de trimestres de retraite peut rapidement devenir une charge difficile à assumer pour les associations qui sont concernées.
Plus généralement, il nous appartient de veiller au caractère contributif et à l’équilibre de notre système de retraite. C’est la raison pour laquelle les modalités d’acquisition de droits à la retraite pour les bénévoles doivent faire l’objet d’une analyse approfondie, pour en assurer la bonne mise en œuvre.
Nous espérons que les débats en cours à l’Assemblée nationale permettront d’aborder ce sujet au travers des différents amendements qui sont déposés à l’article 7. Je pense en particulier à un amendement du groupe Renaissance, qui vise à évaluer l’opportunité d’accorder des droits supplémentaires à la retraite aux responsables associatifs.
Par ailleurs, sans avoir posé de question à ce sujet, vous avez abordé le financement de la réforme par les collectivités territoriales.
Effectivement, la CNRACL devrait avoir un déficit important, de l’ordre de 8 milliards d’euros en 2030 avant réforme. C’est d’abord l’effet de la démographie, comme vous le savez. C’est pourquoi le projet de réforme des retraites prévoit que les employeurs contribueront légèrement davantage, leur taux de cotisation passant de 30,65 % à 31,65 % l’année suivante.
Cette hausse d’un point reste largement inférieure au taux de cotisation implicite dans la fonction publique d’État, qui est de l’ordre de 74 %.
Néanmoins, je vous confirme que l’État sera aux côtés des collectivités pour les accompagner et pour assurer une compensation. Mme la Première ministre a répondu par écrit à David Lisnard, le président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), pour préciser ce point…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Olivier Véran, ministre délégué. … et pour annoncer qu’une concertation aurait lieu avec les ministres concernés.
sûreté nucléaire
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Daniel Breuiller. Ma question s’adressait à Mme Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique.
Madame la ministre, pour le nucléaire, rien n’est donc impossible ! L’EPR (réacteur pressurisé européen) de Flamanville est un échec opérationnel et financier selon la Cour des comptes, mais peu importe, le Président de la République engage la France dans la construction de six nouveaux EPR.
« Le débat public sur les EPR 2 est en cours […], la concertation publique sur le mix énergétique n’a pas encore lieu », relevait mon collègue Daniel Salmon ici même, mais qu’importe, une loi d’accélération du nucléaire est adoptée, modifiant le mix énergétique avant que celui-ci ne soit débattu au fond.
Lundi dernier, nouveau fait du prince, les salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ont appris le démantèlement de leur institution, pourtant reconnue internationalement. La surprise fut totale, créant sidération et inquiétude chez ces 1 700 salariés.
L’IRSN n’a jamais failli dans ses missions au bénéfice de la sûreté. Le choix d’une organisation duale, distinguant, d’une part, l’indépendance de l’expertise et de la recherche, assurée par l’IRSN, d’autre part, le contrôle et la décision, assurés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s’est révélé efficace et garante de cette sûreté. C’est un garde-fou institutionnel mis en place après la catastrophe de Tchernobyl et dont l’utilité a été prouvée après Fukushima.
Alors que vous relancez un programme nucléaire d’ampleur, il nous paraît essentiel de ne pas casser une organisation qui a fait la preuve de son efficacité. Pourquoi voulez-vous démanteler l’IRSN ? Est-ce une demande de l’exploitant, dès lors que les exigences de sûreté réclamées par l’Institut, qui ne répondent, je le rappelle, qu’aux seules considérations scientifiques, lui paraissent trop élevées ?
Madame la ministre, vous n’avez jamais évoqué l’hypothèse de cette suppression lors de nos débats récents sur l’accélération du nucléaire.
Quels reproches formulez-vous à l’encontre de l’IRSN et de ses agents, alors que toutes les évaluations de leurs activités sont positives ? Où sont les études d’impact au sujet d’une telle mesure ? Pourquoi écarter la représentation nationale de ces choix essentiels ?
Pour accélérer le nucléaire, vous n’avez pas à affaiblir les exigences de sûreté. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mmes Esther Benbassa et Laurence Cohen applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Breuiller, je souhaite tout d’abord excuser ma collègue ministre de la transition énergétique, qui est retenue au Parlement européen, justement pour défendre le nucléaire bas-carbone. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)
Vous le savez, le Gouvernement mène actuellement une politique énergétique dont l’objectif est à la fois de sécuriser nos approvisionnements et de garantir des prix compétitifs favorables au pouvoir d’achat des Français, le tout en participant à la lutte contre le dérèglement climatique.