M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà arrivés à la fin du processus d’examen de la proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, que j’ai souhaitée, avec l’aide de mon groupe, soumettre au Parlement. Comme l’ont souligné Mme la rapporteure et Laurence Rossignol, cela s’est fait dans un délai record de quatre mois à peine, ce qui est extraordinaire pour ce type d’exercice. C’est forcément avec un sentiment particulier et une émotion certaine et sincère que je prends la parole pour exprimer ce mélange de satisfaction, de joie et de fierté qui s’empare de moi à ce moment de nos débats.
Ainsi, une initiative de terrain, qui s’est construite grâce à un travail nourri par les professionnels de mon territoire, a trouvé sa traduction législative grâce à l’expertise et l’expérience des personnels du Sénat et a abouti, au travers d’échanges, à un texte adapté à la réalité quotidienne que vivent les professionnels dans leur action auprès des victimes de violences – ces violences dont souffrent, trop souvent, leurs enfants également.
Ce texte, je l’espère, nous l’espérons tous, contribuera à changer la vie et le destin des trop nombreuses victimes sous emprise grâce à une aide financière qui devra être simple d’accès et dont le montant et les modalités devront, madame la ministre, au travers du décret dont vous avez la grande responsabilité, être à la hauteur des besoins.
Cette aide universelle pourra prendre la forme d’une aide non remboursable ou d’un prêt remboursable, partiellement ou en totalité.
Vous en avez changé les termes, madame la ministre, en remplaçant la notion de prêt bénéficiant d’une remise totale ou d’une réduction par celles d’un don, d’une aide non remboursable et d’un prêt sans intérêt. Le but, vous en conviendrez, reste le même : un soutien financier ambitieux, accessible, rapide, lisible, facile d’utilisation pour les professionnels et permettant de libérer de l’emprise financière de leur bourreau celles et ceux qui en sont les victimes, le tout sur l’ensemble de la période nécessaire pour rétablir les droits de ceux qui les ont perdus, durant laquelle les financements d’urgence faisaient défaut.
Il n’est pas de classe, de génération, de situation socioprofessionnelle qui soit épargnée par cette triste réalité des violences au sein du couple. L’universalité était donc essentielle à nos yeux. Peut-on exclure du dispositif une femme salariée, mais privée de ses propres ressources, une jeune de moins de 25 ans qui n’a pas le droit au revenu de solidarité active (RSA) ou encore une personne retraitée ? Non ! La dimension universelle et rapide de ce dispositif, tel qu’il est imaginé, visant à n’exclure aucune victime quelle que soit sa réalité, était indispensable.
Je remercie Mmes la rapporteure et la présidente de la commission des affaires sociales de l’écoute attentive de la commission, ainsi que, bien évidemment, nos collègues qui se sont investis pour nourrir les débats de leurs amendements. Leur attention et les avancées qu’ils ont proposées n’ont fait que renforcer encore la portée de ce texte.
Notre unanimité en première lecture a été inspirante. Je pense qu’elle a permis au Gouvernement, madame la ministre, de se départir de sa position initiale, qui était plutôt réservée, et de vous donner la possibilité d’aller plus loin.
L’Assemblée nationale, dont on peut remercier la présidente, a su créer les conditions d’un examen transpartisan et d’un vote unanime, après des modifications apportées par les rapporteurs – je salue ma collègue députée du Nord, la rapporteure Béatrice Descamps. Les différents groupes de l’Assemblée nationale, comme vous l’avez relevé, madame Cohen, ont eux aussi contribué à nourrir ce texte, y réintégrant des dispositions parfois différentes des propositions du Gouvernement. Il en est ainsi de l’accompagnement social et professionnel, des droits sociaux liés, indispensables, d’une transmission de la demande simplifiée à la CAF et au département.
Madame la ministre, je vous remercie aussi, bien évidemment, d’avoir maintenu la possibilité de se retourner contre l’auteur des violences pour le remboursement ou encore d’avoir levé le gage pour rendre recevable, au titre de l’article 40 de la Constitution, la familialisation. Je n’oublie pas la possibilité donnée à la Mutualité sociale agricole (MSA) de gérer ses propres ressortissants.
Unanimité au Sénat et à l’Assemblée nationale : voilà qui montre que, même dans des périodes de tensions, l’intérêt général et l’importance donnée aux sujets tels que celui qui nous réunit transcendent les courants et montrent le sens des responsabilités du Parlement. C’est un bel exemple dans les moments que nous vivons.
La loi doit protéger les plus fragiles d’entre nous. Ce principe essentiel m’a toujours guidée et, si vous êtes là à cet instant, si vous tenez ces propos, mes chers collègues, c’est bien parce que vous y tenez autant que moi. De cela, je vous remercie.
Merci à vous tous, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de donner leur sens à l’engagement politique et à l’action publique. Ce que nous accomplissons aujourd’hui constitue une véritable avancée. C’est pour cela que nous avons toujours été, toutes et tous, mobilisés et déterminés à faire avancer la cause des plus vulnérables. Il y va du destin de notre pays, sans laisser personne au bord de la route. Nous pouvons en être collectivement très fiers. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quatre mois après l’adoption de cette proposition de loi à l’unanimité, nous nous retrouvons pour examiner le texte en deuxième lecture, après son adoption à l’Assemblée nationale – à l’unanimité également, mais avec plusieurs modifications. Si celles-ci ont fait craindre un report dans l’application de la mesure, elles ont néanmoins permis d’améliorer le texte, notamment grâce à l’engagement du Gouvernement, sorti de sa réserve initiale.
Sur un sujet aussi majeur que les violences conjugales, nous pouvons saluer le travail consensuel accompli au sein du Parlement et de l’exécutif. Quand il s’agit d’aider les victimes à s’extirper des mains de leur bourreau, nous sommes heureusement capables de travailler en bonne intelligence.
Près de 300 000 personnes sont victimes chaque année de violences conjugales en France et 72 % d’entre elles sont des femmes. Or il est établi que la précarité financière retarde, voire empêche le départ du domicile conjugal. On le sait, cette précarité touche davantage les femmes. En complément des aides déjà existantes – téléphone grave danger, bracelet anti-rapprochement et toutes les mesures du Grenelle des violences conjugales –, cette proposition de loi s’attaque donc spécifiquement à la question de la dépendance financière, qui demeure un frein majeur pour nombre de victimes.
Conservant l’esprit initial du texte, le dispositif adopté par l’Assemblée nationale se décline en un prêt à taux zéro et une aide non remboursable, modulés en fonction des besoins de la victime et de sa situation économique et sociale. La présence d’enfants à charge pourra notamment permettre l’octroi d’un montant supplémentaire, qui devrait aider à les sortir de ce climat de violences dont ils sont aussi les victimes.
Dans le cas d’un prêt, sur décision de justice, le remboursement pourra être mis à la charge de l’auteur des violences, ce qui libérera de fait la victime de sa créance.
Cette aide est toutefois conditionnée à un dépôt de plainte ou à un signalement au procureur de la République. Les commissariats et les unités de gendarmerie pourront enregistrer et transmettre la demande d’aide, sans y être obligés. Seule demeure l’obligation d’informer la victime de l’existence de cette aide, ce qui semble, en effet, plus conforme aux rôles et aux missions des forces de l’ordre.
Hormis les articles qui sollicitent des demandes de rapport, auxquelles nous sommes généralement, au Sénat et au groupe du RDSE, très réticents, nous regrettons l’inscription d’une demande de loi de programmation pluriannuelle sur la trajectoire des finances publiques en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Cela n’a qu’une portée symbolique, puisque le Gouvernement n’est pas tenu de déposer un tel projet de loi. Gardons-nous de créer de faux espoirs en la matière.
Enfin, si la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale correspond à la volonté générale des auteurs de la proposition de loi de créer une aide universelle, la suppression de la condition de régularité de séjour et de stabilité de résidence en France me paraît en réalité peu opérationnelle. Chaque victime doit bien sûr pouvoir être aidée, mais je doute que les personnes en situation irrégulière se rendent au commissariat pour porter plainte – je crois que nous devrions nous concentrer sur des aides plus adaptées à leur réalité.
Pour conclure, cette proposition de loi offre une aide supplémentaire dans cette période de latence que constitue le départ – parfois brutal – du domicile pour répondre au sujet très complexe de la dépendance financière, qui ajoute à la vulnérabilité et repousse l’indispensable mise à l’abri. Si ce nouveau droit peut convaincre ne serait-ce qu’une seule victime de partir, peut-être aurons-nous sauvé une vie de plus. Le groupe du RDSE votera donc, comme en première lecture, cette proposition de loi d’une seule voix. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, elles avaient 19, 30, 51 ou 90 ans. La plupart étaient des mères de famille. Dans certains cas, leurs enfants ont été témoins de cette barbarie, voire ont été tués à leur tour. Certaines étaient enceintes. Parfois, elles ont été brûlées vives, poignardées, étranglées ou abattues d’un coup de fusil.
Ces meurtres ont été perpétrés sur tout le territoire français, essentiellement par des hommes, qui étaient parfois, et même souvent, déjà connus des services de police et de la justice pour des faits de violences conjugales. Ainsi, en 2022, 147 femmes ont été tuées par leur conjoint ou par leur ex-conjoint. Je souligne que 18 hommes ont également été tués par leur conjoint ou par leur conjointe. Un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours en moyenne, d’après l’Unicef, et près de 400 000 enfants en France vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent.
Derrière ces chiffres, il y a une réalité, celle d’une souffrance insupportable et inacceptable. Plus que jamais, nous avons besoin de l’implication de tous.
C’est pourquoi, le 20 octobre dernier, le Sénat a adopté, à l’unanimité, la proposition de loi créant une aide d’urgence en faveur des victimes de violences conjugales, déposée par notre collègue Valérie Létard. Je la remercie de son travail : enfin une mesure tangible ! Enfin une mesure tangible qui allie Sénat, proximité et conseils départementaux. C’est ce que nous attendons de la Haute Assemblée et c’est ce que les femmes attendent aussi : quelque chose de concret, de rapide et d’efficace.
Moins de quatre mois plus tard, le texte nous revient après avoir recueilli le vote, là aussi unanime, de l’Assemblée nationale.
La lutte contre ces violences, notamment faites aux femmes, est un combat universel, qui concerne toute la société. Ce combat me tient particulièrement à cœur, comme à vous tous, mes chers collègues, ici présents. En effet, en tant que parlementaire, je me suis engagée pour les victimes il y a maintenant près de dix ans, notamment aux côtés de l’avocate Nathalie Tomasini et du juge Édouard Durand, que je veux saluer.
Je sais qu’un certain nombre d’entre vous tentent aussi de faire évoluer notre législation. Je pense notamment à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, avec sa dynamique présidente Annick Billon, que je salue pour son investissement et pour l’énergie qu’elle consacre à cette cause.
Malheureusement, ce combat n’avance jamais assez vite. Cela fait longtemps que nous demandons une grande loi sur les violences conjugales, plutôt que d’examiner les choses de façon tronçonnée ; or voilà plusieurs années que nous devons nous contenter d’une succession de propositions de loi, et ce malgré le Grenelle des violences conjugales de 2019.
Comment ne pas évoquer la grande loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, à l’examen de laquelle Valérie Létard et moi-même avions d’ailleurs participé ? Cette proposition de loi, coécrite par Guy Geoffroy, qui en était aussi le rapporteur, a notamment créé l’ordonnance de protection, l’expérimentation du bracelet électronique et le téléphone grave danger. Je pense aussi aux lois du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, qui comprennent en particulier des mesures pour améliorer l’accès au logement des victimes de violences conjugales et modifient le régime de l’ordonnance de protection prise par le juge aux affaires familiales, sans oublier les dispositions qui facilitent la suspension et le retrait de l’autorité parentale du parent violent.
Ce sont autant de mesures que je réclame depuis des années et qui ont été systématiquement rejetées par les différents gouvernements sous Hollande et Macron, madame la ministre, avant d’être inscrites quelques années plus tard. D’ailleurs, dans quelques semaines, nous aurons de nouveau à examiner un texte sur ce sujet.
Je crois, madame la ministre, que ces grandes causes méritent que nous dépassions définitivement nos clivages politiques. Il serait temps !
De plus, rappelons-le, l’analyse des appels au 3919 révèle une aggravation, ces dernières années, des viols conjugaux, des menaces de mort et des tentatives de féminicide. En 2019, plus de 2 100 auteurs de violences s’en étaient déjà rendus coupables par le passé.
Aussi le texte de notre collègue Valérie Létard crée-t-il une aide financière d’urgence aux victimes de violences conjugales. Elle peut être versée sous forme d’un prêt sans intérêt, comme le prévoyait le texte issu des travaux du Sénat, mais aussi être un don. Le dispositif responsabilise le conjoint auteur de violences, car il sera chargé du remboursement de l’aide à l’issue des procédures. Cette avancée considérable est primordiale, puisqu’elle rend concrète la culpabilisation.
Bien sûr, ce texte ne résorbera pas toutes les failles, mais il institue un pas important. Je rappelle qu’un rapport de 2019 de l’inspection générale de la justice (IGJ) sur les homicides conjugaux indique que, si 41 % des victimes avaient alerté les forces de sécurité, 82 % des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire – à l’époque, c’est différent désormais – n’avaient donné lieu à aucune investigation, tandis que 80 % des plaintes avaient abouti à un classement sans suite. C’est pourquoi il importe d’observer, dans chaque commissariat et lieu d’accueil, comment les choses évoluent.
Ainsi, nous ne le disons pas assez, avant d’envisager d’autres réformes, il est nécessaire et vital d’appliquer les lois existantes et d’en vérifier l’effectivité. Je prendrai un seul exemple : la loi de 2019 sur les violences conjugales a permis la mise en place d’un comité de pilotage chargé de suivre le déroulement des différentes expérimentations. Ce comité, dont je suis membre et qui comprend deux députés et deux sénateurs, ne s’est réuni que deux fois en quatre ans.
M. le président. Il faut conclure, chère collègue…
Mme Valérie Boyer. Mes chers collègues, la parole, la loi et la justice ont le pouvoir et même la responsabilité de protéger ces victimes. C’est pourquoi j’espère que nous adopterons à l’unanimité cette très belle proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelques mois, au mois d’octobre dernier, le Sénat approuvait à l’unanimité la proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. Cette initiative sénatoriale constitue à mes yeux un cas d’école : elle vise à intégrer dans la loi des pratiques qui ont fait leurs preuves sur le terrain.
C’est bien sûr le cas dans le Nord et je remercie Valérie Létard de son travail : l’expérimentation menée dans l’arrondissement de Valenciennes est déjà couronnée de succès, si tant est que l’on puisse parler de succès dans la lutte contre les violences conjugales.
Dans mon département de la Seine-et-Marne, la CAF a également mis en place un système d’aides complémentaires aux victimes de violences conjugales. De toute évidence, ce mécanisme fonctionne. Les acteurs de terrain s’en sont emparés, nous ne pouvons l’ignorer. C’est pourquoi je tiens encore une fois à remercier Valérie Létard de son initiative, qui répond précisément aux problématiques du terrain. Les acteurs du social qui agissent pour la protection des victimes ont montré leur appétence et leur intérêt pour ce type de mécanisme.
Comme lors de la première lecture, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte, afin de permettre la mise en œuvre rapide de ce dispositif. Je me réjouis que l’Assemblée nationale ait également adopté ce texte et que le Gouvernement ait choisi de le soutenir. Cet appui est décisif, parce qu’il témoigne de la volonté partagée de voir ce dispositif compléter toutes les actions déjà mises en place par l’exécutif.
L’examen à l’Assemblée nationale a permis de corriger les quelques lacunes du texte, ce que nous n’avions malheureusement pas pu faire en première lecture à cause de l’article 40 de la Constitution. C’est le cas pour l’intégration des MSA au dispositif, qui est désormais acquise.
Ainsi, ce texte met en place des outils nouveaux et je me réjouis qu’il fasse l’objet d’un consensus politique large. Cependant, ce sujet délicat ne doit pas servir de véhicule législatif pour d’autres combats que celui qui est mené pour la protection des victimes de violences conjugales.
C’est pourquoi j’avais déposé un amendement, que j’ai retiré avant la séance, visant à modifier à la marge la rédaction de l’article 1er ter, lequel instaure une loi de programmation pour lutter contre les violences faites aux femmes. En effet, si notre groupe est plutôt favorable au principe d’une telle loi, qui permettrait de mettre en cohérence les objectifs et les moyens mobilisés à cette fin et nous donnerait l’opportunité d’en débattre de façon régulière et sérieuse, il regrette que la rédaction proposée par l’Assemblée nationale ne soit pas aussi appropriée que celle du texte initial. En effet, celui-ci prenait soin de ne pas distinguer entre hommes et femmes, pour s’intéresser à toutes les victimes. Cette modification sémantique est importante, car elle introduit un biais idéologique dans ce texte. (Mme Laurence Rossignol marque son scepticisme.)
Je crois que notre travail doit rester guidé par le bon sens et par la volonté d’aider toutes les victimes de violences conjugales, qu’elles soient des femmes ou des hommes. Même s’il est établi que l’immense majorité des violences conjugales sont commises par des hommes contre des femmes, les violences n’en sont pas moins graves lorsqu’elles ne sont pas commises contre des femmes. Je pense là aux hommes qui subissent des violences de la part de leur conjointe ou de leur conjoint – cela peut arriver.
En conclusion, je crois que cette proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales est essentielle et répond aux préoccupations actuelles de notre société. J’espère que nous pourrons encore améliorer le texte, même si le plus important est que sa mise en œuvre sur le terrain soit la plus rapide possible. C’est ce que les victimes attendent. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. « Sous leurs coups, sous leurs abus, une femme meurt tous les trois jours en France. De cela, nous devons tous nous sentir responsables. » Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est ce qu’a constaté Emmanuel Macron le 25 novembre 2017 quand il promettait de faire de l’élimination – l’élimination ! – des violences faites aux femmes la grande cause de son premier quinquennat.
Certes, des actes – malheureusement si peu ! – ont suivi cette annonce et, quoi que l’on en dise, une chose est claire : l’objectif d’éliminer les violences faites aux femmes n’a pas été atteint. Ainsi, 213 000 femmes sont victimes de violences conjugales en France chaque année et 147 féminicides ont eu lieu en 2022, soit 25 % de plus qu’en 2021. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, c’est un fait implacable : les féminicides n’ont pas baissé ; au contraire, ils ont augmenté. (Mme la ministre déléguée fait une moue dubitative.)
C’est aussi pour cela que les parlementaires ont pris le relais. Il est d’ailleurs significatif que nous débattions aujourd’hui d’une proposition de loi, et non d’un projet de loi. Je salue donc, de nouveau, la proposition de loi de Valérie Létard, que je remercie d’avoir déposé ce texte, étape importante dans le combat contre les violences faites aux femmes par leur conjoint ou ex-conjoint.
Mes chers collègues, je peux vous en assurer : le groupe GEST soutient ce texte et, comme en première lecture, votera en sa faveur.
Celui-ci est important, parce qu’il a pour objet de lever le grand obstacle à la mise en sécurité des victimes de violences conjugales qu’est la barrière économique. En effet, le revenu des femmes est en moyenne de 22 % inférieur à celui des hommes, même si nous sommes plus diplômées. Dans les couples hétérosexuels, l’écart est encore plus grand, les hommes y gagnant en moyenne 47 % de plus que leur conjointe. Dans cette inégalité se loge le mécanisme de la dépendance, lié à l’absence d’autonomie financière, qui est encore plus effrayante lorsque des enfants sont en jeu ; il s’agit donc d’un blocage majeur au départ des femmes victimes de violence.
Par ailleurs, au-delà des inégalités de revenu, il existe, dans de nombreux cas de violences conjugales, des violences économiques, c’est-à-dire une stratégie de mise en place d’une emprise financière sur la victime par l’absence d’accès au compte et de pouvoir décisionnel financier ou encore par le contrôle des dépenses. Ces mécanismes se mettent souvent en place lorsque les conjoints violents soupçonnent l’éventualité d’un départ.
Nous avons que ce moment, autour de la rupture et du départ, de l’annonce de la séparation ou de la survenue de sa crainte chez le conjoint violent, est le plus dangereux pour la victime de violence. C’est à cet instant qu’elle risque le plus la mort. Les féministes ont collé ce slogan sur les murs : « Elle le quitte, il la tue. »
En prévoyant des aides financières pour les femmes victimes de violences conjugales, la proposition de loi vise justement à trouver une réponse à ces situations dramatiques. Dans la première version du texte, la participation financière n’était proposée que sous forme de prêt aux femmes victimes de violences ; elle pouvait donc constituer une dette à rembourser. Dès la première lecture, j’ai souligné, avec les membres de mon groupe et comme l’ont d’ailleurs fait mes collègues écologistes à l’Assemblée nationale, que l’on ne pouvait pas s’y limiter.
Comme nous l’avons proposé en première lecture et grâce à la mobilisation de nos collègues à l’Assemblée ainsi qu’à la volonté et au soutien de la ministre, qui a bien voulu lever le gage et rendre recevables un certain nombre d’avancées favorables, le texte prévoit désormais une aide financière d’urgence aux victimes de violences conjugales, qui peut prendre la forme d’un prêt ou d’une prestation non remboursable. Je salue cette avancée. Je me félicite aussi du fait que, désormais, le montant de l’aide puisse être modulé selon l’évaluation des besoins de la personne et que le remboursement puisse être imputé à l’auteur des violences.
Enfin, je rappelle que ce texte ne peut être qu’une première brique, car notre horizon politique doit être la diminution des cas de violences proprement dits. Pour cela, nous en revenons toujours à la même chose, nous demandons 2 milliards d’euros contre les violences de genre. Moins de 1 % du PIB pour protéger 50 % de la population, c’est que nous continuerons de demander pour la prévention, pour la formation, pour la mise à l’abri et pour que le décompte macabre des féminicides cesse de nous hanter. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE et RDSE. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce matin en deuxième lecture et que nous nous apprêtons à adopter définitivement tend à créer une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. En tout premier lieu, je veux ici saluer votre engagement, madame Valérie Létard, vous qui êtes à l’initiative de cette proposition de loi. Le groupe RDPI se prononcera, comme il l’a fait en première lecture, en faveur de ce dispositif pertinent et déjà expérimenté dans votre département. Cette approbation est d’autant plus assurée que le dispositif répond désormais à certaines des interrogations dont nous avions fait part et sur lesquelles je reviendrai dans un instant.
Cette proposition de loi prévoit un soutien financier, dont les conditions d’octroi ont été précisées ici au mois d’octobre dernier. Il est rendu accessible, rapidement, dans un moment d’urgence. Il doit permettre aux victimes souffrantes d’être accompagnées lorsqu’elles prennent la décision difficile de quitter l’environnement violent.
Cette prise de décision, nous le savons, peut être retardée, voire empêchée, notamment en raison d’une dépendance financière. Il faut éviter cela absolument. C’est pourquoi cette nouvelle aide prendra la forme d’un prêt à taux zéro, versé en trois mensualités.
Les versements se feront soit par la CAF, soit par les caisses de la MSA, dans un délai de principe de trois à cinq jours ouvrés après la demande. Le texte prévoit l’application de cette loi dans les départements et régions d’outre-mer, ce dont nous nous félicitons.
Enfin, comme nous l’avions souligné, la notion de prêt pouvait être source d’insécurité pour les personnes les plus précaires. Les modifications apportées à l’Assemblée nationale ont permis de répondre à notre inquiétude en prévoyant que cette aide pourrait être non remboursable en fonction de la situation financière et sociale et, le cas échéant, de la présence d’enfants. C’est une belle avancée.
Je rappelle ici des chiffres glaçants, qu’il faut regarder en face : 122 féminicides au sein du couple ont été recensés en 2021 et près de 160 000 plaintes pour violences conjugales enregistrées en 2020 – peut-être le double, en réalité.
Si la règle première, en droit civil et pénal, est de sortir l’auteur des violences du domicile conjugal, et non la victime, dans les faits, c’est celle-ci qui va d’abord s’en aller, nous le savons. Il faut le prendre en compte.
Cette avance financière doit aussi, pour jouer tout son rôle, aller de pair avec un accompagnement social et professionnel. Cela est prévu. De plus, elle doit être connue et accessible. C’est pourquoi l’article 2 prévoit que l’officier ou l’agent de police judiciaire qui reçoit une plainte devra en informer la victime. Il devra également enregistrer la demande et la transmettre à la CAF compétente, ainsi qu’au conseil départemental, chef de file de l’action sociale. Il sera important de pouvoir évaluer le fonctionnement de cette modalité d’accompagnement – cela est également prévu.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera bien évidemment ce texte.
Je conclus en rappelant une autre information essentielle : le 3919 est le numéro national d’écoute téléphonique et d’orientation à destination des femmes victimes de violence, mais aussi de leur entourage et des témoins. Le 3919 est anonyme et gratuit. Le 3919, ce numéro encore et toujours… (Applaudissements.)