Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Non, c’est complètement faux. Si ces amendements avaient été considérés comme recevables précédemment, c’était par erreur !
M. Yan Chantrel. Des collègues l’ont indiqué et je l’ai constaté moi-même : certains de mes amendements qui étaient recevables lors de textes antérieurs ne le sont plus aujourd’hui. Cela démontre combien vous avancez main dans la main.
Votre volonté est donc bien de nous empêcher de débattre sur le fond, à partir de nos amendements. Le prétexte invoqué pour justifier ces décisions est le suivant : nos amendements ne porteraient pas sur l’application d’une loi de financement de la sécurité sociale. Madame la présidente Deroche, si tel est le cas, c’est l’ensemble de ce texte qu’il faut déclarer irrecevable, tant il ne correspond pas, précisément, à une loi de financement de la sécurité sociale.
Le Gouvernement serait bien inspiré de faire preuve d’un peu de courage et de s’en remettre à une loi ordinaire afin de laisser le temps au débat.
M. le président. Il faut conclure !
M. Yan Chantrel. Je me doute que vous craignez le référendum, car vous savez que vous le perdriez, d’autant plus que vous n’avez pas reçu mandat pour mener cette réforme, contrairement à vos déclarations. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Yan Chantrel. Nous avons seulement opéré un barrage républicain. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Éliane Assassi. Du calme, nous ne sommes pas à la ferme !
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, sur l’article.
Mme Viviane Artigalas. Cet article liminaire montre combien l’impératif d’équilibre des comptes publics vous occupe. Pour notre part, il ne nous semble pas souhaitable d’aborder une réforme des retraites sous le seul aspect financier, au risque d’adresser un très mauvais message à nos concitoyens.
La retraite, c’est le résultat d’une vie de travail pour une grande majorité de nos compatriotes, qui aspirent alors à une meilleure qualité de vie.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Viviane Artigalas. Vous justifiez votre réforme par un déficit qui serait dû à la démographie. Certes, celle-ci joue un rôle, mais ce qui assèche le financement des retraites, ce sont aussi les exonérations de charges sociales, la réduction du nombre de fonctionnaires ainsi que le niveau de leur rémunération. Tout cela doit être pris en compte.
Ensuite, le COR a indiqué qu’avec une contribution de l’État à hauteur de 2 % du PIB, le retour à l’équilibre se ferait en 2050. Ce déficit me semble donc tout à fait supportable, tant la retraite est un acquis important pour nos concitoyens. On met bien beaucoup d’argent ailleurs, l’État doit prendre ses responsabilités.
En outre, comme d’habitude s’agissant de vos textes, vous ne mesurez absolument pas leur impact sur d’autres sujets. Or j’aimerais connaître les coûts induits de certains dispositifs de cette réforme sur les finances publiques, sur le chômage, sur le revenu de solidarité active (RSA) ou sur la santé publique. Il faut évaluer tout cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet article liminaire vise à entériner une réforme paramétrique des retraites qui répondrait, selon le Gouvernement, à un impératif d’équilibre des comptes publics. Il présente des agrégats qui doivent être comparés, toujours selon vous, à ceux d’une loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Pourtant, une telle loi n’a pas été votée par le Parlement : le Gouvernement a préféré s’abstenir de la lui soumettre, par peur de la voir rejetée.
Le Gouvernement est donc sans règle ni boussole concernant sa stratégie de finances publiques, mais il supporte des déficits publics, qu’il a creusés par des cadeaux fiscaux aux entreprises et aux plus aisés d’entre nos concitoyens.
Vous n’avez pas de vision de long terme, vous vous ménagez un chemin budgétaire en coupant dans notre protection sociale et vous prétendez aujourd’hui utiliser la réforme des retraites pour combler ces déficits.
Ainsi, vous donnez des gages à l’Union européenne, mais ce problème de finances publiques ne concerne pas le système de retraite, lequel souffre d’un manque de recettes sur lequel vous refusez de vous pencher.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, qui ne se réfère à aucune loi de programmation des finances publiques, contrairement à ce que laisse croire sa rédaction. Il ne sert qu’à sous-tendre une stratégie de sauve-qui-peut désordonnée du Gouvernement, qui entend ainsi sacrifier une partie de notre système de retraite au nom d’un objectif qui ne le concerne pourtant pas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je souhaite répondre à quelques interpellations.
S’agissant du déficit, tout d’abord, j’ai entendu l’intervention de M. Savoldelli. Ses propositions reviennent à déplacer le déficit du système de retraite vers d’autres branches de la sécurité sociale. Ce n’est évidemment pas notre objectif : nous entendons réduire ces déficits en réformant notre système, et non les déplacer.
En 2002, il fallait payer chaque mois 12 millions de pensions ; ce sera 30 millions en 2030. Il a donc doublé en une génération parce que – c’est une bonne nouvelle ! – nous vivons plus longtemps.
Pour autant, si le nombre d’actifs a augmenté durant cette période, il n’a pas doublé. Il faut donc prendre des mesures pour équilibrer le système ; à défaut, nous ne pourrions plus payer les pensions.
Mmes Cathy Apourceau-Poly et Marie-Pierre de La Gontrie. Et les gains de productivité ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. J’ai bien compris que la ligne de la gauche était d’augmenter les impôts. Cela a le mérite de la clarté.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. On n’a jamais dit ça !
M. Pierre Laurent. Les impôts des plus riches !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ah non ! Nous en avons beaucoup discuté à l’Assemblée nationale, il ne s’agissait pas des plus riches, sauf à considérer qu’un retraité qui touche 1 500 euros par mois en fait partie ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Nous discuterons de ce sujet à l’occasion de l’examen de vos amendements et vous constaterez que, parfois, un amendement qui vise à taxer les très riches touche en réalité les Français de la classe moyenne. Le diable est dans les détails !
Mme Monique Lubin. Et dans le ruissellement…
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ensuite, j’ai eu le sentiment que certains intervenants considéraient que 13,5 milliards d’euros de déficit, ce n’était pas grand-chose. Ce n’est pourtant pas une paille !
M. David Assouline. Comparez cela aux 50 milliards d’euros annuels d’exonérations !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. De fait, 13,5 milliards d’euros, c’est deux fois le budget du ministère de la justice, c’est l’équivalent de ce que nous dépensons pour les aides personnelles au logement (APL). C’est tout de même important.
J’ai entendu certains d’entre vous indiquer que ce déficit pourrait être beaucoup plus élevé. C’est vrai. Permettez-moi de tirer le fil de ce discours, qui tend finalement à valider et à soutenir la stratégie économique de ce gouvernement et de notre majorité. Le déficit n’est pas plus important parce que nous avons créé 1,5 million d’emplois depuis cinq ans, ce qui a apporté 25 milliards d’euros de cotisations sociales en plus à notre système de retraite. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Vous approuvez donc nos mesures : création de la flat tax, suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, allégements de cotisations, baisse de l’impôt sur les sociétés. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Émilienne Poumirol. Ce n’est pas cela qui crée de l’emploi !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Tout cela a permis à l’activité économique de se développer, conduisant à 1,5 million de créations d’emplois supplémentaires et donc à des recettes en plus pour notre modèle social.
M. Pascal Savoldelli. Si vous avez raison sur tout, pourquoi utiliser le 49.3 ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Enfin, madame Poncet Monge, je vous remercie d’être intervenue au sujet des mesures sociales.
Mme Raymonde Poncet Monge. Des mesures d’accompagnement social !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Vous avez toutefois affirmé que le maintien de l’âge de départ à 62 ans pour invalidité n’en était pas une, car cela correspond à l’état actuel de la loi. Pourtant, le code de la sécurité sociale dispose actuellement que l’âge de départ pour invalidité est le même que l’âge de départ légal. À chaque fois que ce dernier a été reculé – y compris en 2010, lors de la réforme Woerth –, l’âge de départ pour invalidité l’a été également.
Or, avec ce texte, nous créons un âge de départ anticipé pour invalidité, qui emporte un coût de 3 milliards d’euros.
Je vous remercie d’avoir mis en avant les mesures sociales que contient cette réforme, car j’en ai profité pour compulser le budget affecté à de telles mesures dans les réformes précédentes : celui-ci atteignait 1,5 milliard d’euros dans la réforme Woerth de 2010 et 4 milliards d’euros dans la réforme Touraine de 2014 – au demeurant excellente. (Sourires.) Notre texte leur consacre 6 milliards d’euros, soit plus que les deux précédentes réformes confondues.
Ce chiffre dit l’ampleur des mesures d’accompagnement que nous prenons pour répartir l’effort de la manière la plus juste possible. Nous aurons l’occasion d’en parler dans les jours à venir.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous le direz à ceux qui manifesteront mardi !
M. Pierre Laurent. Et aux syndicats !
M. David Assouline. De toute façon, les Français ne comprennent rien.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Un mot avant de répondre à Christophe-André Frassa sur les Français de l’étranger.
Comme Mme la rapporteure générale et moi-même l’avons souligné hier, cette réforme des retraites a pour cadre un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour une seule raison : les mesures que nous proposons ont un impact sur les comptes sociaux. Cela légitime notre dispositif et le choix de ce véhicule législatif. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est faux !
M. Olivier Dussopt, ministre. Pour ce qui concerne l’avis du Conseil d’État, j’ai déjà indiqué que celui-ci n’en rendait pas sur un projet de loi de finances ou sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais préparait une note de synthèse.
M. David Assouline. Donnez-la-nous !
M. Olivier Dussopt, ministre. J’ai rappelé, monsieur le sénateur Assouline, dans quelles conditions celle-ci était consultable par certains parlementaires, au titre de leur fonction de contrôle. C’est la règle, elle peut être respectée.
Ceux d’entre vous qui sont investis de telles fonctions sont libres de se rapprocher du secrétariat général du Gouvernement pour la consulter dans les conditions habituelles.
M. Daniel Breuiller. Ça, c’est de la transparence !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ne vous inquiétez pas, nous allons venir !
M. Olivier Dussopt, ministre. Monsieur le sénateur Frassa, vous m’avez fort justement interrogé – ou plutôt interpellé – sur trois points : la difficulté que pose l’absence de convention de coopération fiscale, et singulièrement sociale, entre la France et certains pays de résidence de Français installés à l’étranger ; la contrainte de choix d’un pays pour opérer une forme de transfert des droits ; enfin, les problèmes liés au salaire de référence.
Aucune des dispositions susceptibles de répondre à ces trois questions ne peut prendre place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, rectificative ou non, car elles relèvent toutes de conventions de coopération entre la France et les États concernés.
Le chantier est titanesque : il y a autant de conventions à prévoir que de pays de résidence, mais j’ai eu l’occasion de dire à certains parlementaires élus des Français de l’étranger que nous devons l’ouvrir. Plus nous le ferons de manière collective, avec les deux chambres et les différentes forces politiques, mieux cela sera.
Pour autant, cet horizon n’est pas très proche, puisque cela nécessite la discussion de conventions internationales, puis l’adoption de textes de ratification. Rendez-vous est pris pour avancer sur ces sujets.
Amendements identiques de suppression de l’article
M. le président. Je suis saisi de soixante-deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié bis est présenté par Mme Assassi.
L’amendement n° 126 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 127 est présenté par M. Gontard.
L’amendement n° 128 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Labbé, Parigi et Salmon.
L’amendement n° 279 est présenté par M. Féraud.
L’amendement n° 311 est présenté par M. Pla.
L’amendement n° 341 est présenté par Mme Briquet.
L’amendement n° 365 est présenté par Mme Féret.
L’amendement n° 448 est présenté par M. Fichet.
L’amendement n° 483 est présenté par M. Chantrel.
L’amendement n° 517 est présenté par M. Gillé.
L’amendement n° 566 est présenté par Mme de La Gontrie.
L’amendement n° 578 est présenté par M. Redon-Sarrazy.
L’amendement n° 665 est présenté par Mme Le Houerou.
L’amendement n° 695 est présenté par Mme Blatrix Contat.
L’amendement n° 725 est présenté par M. M. Vallet.
L’amendement n° 807 est présenté par M. Jacquin.
L’amendement n° 820 est présenté par M. Lozach.
L’amendement n° 860 est présenté par M. Durain.
L’amendement n° 895 est présenté par M. Lurel.
L’amendement n° 929 est présenté par Mme Artigalas.
L’amendement n° 940 est présenté par M. Cardon.
L’amendement n° 979 est présenté par M. Raynal.
L’amendement n° 1007 est présenté par M. Stanzione.
L’amendement n° 1028 est présenté par Mme G. Jourda.
L’amendement n° 1058 est présenté par M. Houllegatte.
L’amendement n° 1074 est présenté par M. Tissot.
L’amendement n° 1095 est présenté par M. Éblé.
L’amendement n° 1145 rectifié bis est présenté par Mme Lubin.
L’amendement n° 1204 est présenté par M. Mérillou.
L’amendement n° 1237 est présenté par Mme Jasmin.
L’amendement n° 1267 est présenté par M. Montaugé.
L’amendement n° 1313 est présenté par Mme Préville.
L’amendement n° 1337 est présenté par M. Marie.
L’amendement n° 1370 est présenté par M. Bourgi.
L’amendement n° 1403 est présenté par M. Sueur.
L’amendement n° 1433 est présenté par M. Kerrouche.
L’amendement n° 1501 est présenté par Mme M. Filleul.
L’amendement n° 1540 est présenté par Mme Monier.
L’amendement n° 1578 est présenté par M. Assouline.
L’amendement n° 1589 est présenté par M. J. Bigot.
L’amendement n° 1619 est présenté par Mme Poumirol.
L’amendement n° 1649 est présenté par Mme Meunier.
L’amendement n° 1661 est présenté par Mme Bonnefoy.
L’amendement n° 1690 est présenté par M. Leconte.
L’amendement n° 1746 est présenté par M. Todeschini.
L’amendement n° 1816 est présenté par M. Kanner.
L’amendement n° 1868 est présenté par M. Cozic.
L’amendement n° 1898 est présenté par M. P. Joly.
L’amendement n° 1944 rectifié ter est présenté par M. E. Blanc, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli et Saury, Mmes V. Boyer et Belrhiti, MM. Genet, Pellevat, Frassa, Bascher, Houpert et Segouin, Mme de Cidrac, MM. Bonne et Sautarel, Mme Estrosi Sassone, MM. Cuypers, Rojouan et Piednoir et Mmes Boulay-Espéronnier et Bonfanti-Dossat.
L’amendement n° 1989 est présenté par Mme Rossignol.
L’amendement n° 2030 rectifié est présenté par MM. Bilhac, Artano, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 2068 est présenté par M. Jeansannetas.
L’amendement n° 2232 rectifié est présenté par Mme Apourceau-Poly.
L’amendement n° 2234 est présenté par M. Bocquet.
L’amendement n° 2235 est présenté par Mme Brulin.
L’amendement n° 2236 est présenté par Mme Cohen.
L’amendement n° 2238 est présenté par M. Gay.
L’amendement n° 2239 est présenté par M. Lahellec.
L’amendement n° 2240 est présenté par M. P. Laurent.
L’amendement n° 2243 est présenté par M. Savoldelli.
L’amendement n° 2256 est présenté par Mme Espagnac.
Ces soixante-deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.
Mme Éliane Assassi. L’article liminaire de ce texte prévoit un solde public de l’ensemble des administrations pour 2023 en déficit de 0,8 %, soit le chiffre même qui a été adopté dans la loi de financement de la sécurité sociale en décembre dernier. Ce n’est pas vieux !
Selon l’exposé des motifs de l’article, « la prévision retenue est quasi identique à la prévision sous-jacente à la loi de finances pour 2023. En effet, elle n’en diffère qu’au titre de la réforme des retraites, dont l’impact pour 2023 est faible et proche du montant provisionné lors du PLF ».
Dès lors, cet article renforce notre argumentation critiquant l’utilisation d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, puisque les effets de la réforme pour 2023 sont quasi nuls : son impact sur les finances publiques cette année est estimé à seulement 400 millions d’euros, sur un budget total de la sécurité sociale de 722 milliards d’euros, soit une évolution de l’ordre de 0,05 %. Rien du tout.
À titre de comparaison, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a rectifié les comptes de 2022 pour intégrer un écart de 19 milliards d’euros par rapport aux prévisions. Nous pouvons donc considérer que les différences entre les prévisions votées pour 2023 et les résultats réalisés seront beaucoup plus importantes que ce qui justifie cette loi de financement rectificative, soit 400 millions d’euros.
La vérité est ailleurs : le Gouvernement a fait le choix de ce véhicule législatif avec d’autres objectifs que ceux pour lesquels celui-ci a été conçu. Par opportunisme politique, il s’agit pour lui de conserver la possibilité d’avoir recours, à l’avenir, à l’article 49.3 de la Constitution et d’imposer des débats resserrés afin d’éviter une mobilisation sociale,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Éliane Assassi.… laquelle perdure pourtant, et sera manifestement très importante le 7 mars prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 126.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je tiens au préalable à répondre à M. Attal que je m’inquiète que la maîtrise des comptes publics lui soit confiée…
Monsieur Attal, vous nommez « mesures sociales » le maintien des droits, alors que sur le plan financier, ce maintien n’est pas un coût supplémentaire. Il ne participe certes pas des gains permis par la réforme, mais il n’est pas un coût. La réalité est que vos mesures coûteront 3 milliards d’euros, contre 18 milliards d’euros d’économies.
J’en viens au présent amendement.
Au cours du premier mandat d’Emmanuel Macron, les nouvelles baisses d’impôt qui ont été consenties, principalement aux grandes entreprises et aux contribuables les plus fortunés – suppression de l’impôt sur la fortune, instauration de la flat tax –, ont, selon Bercy, amputé le budget général de l’État de 50 milliards d’euros par an.
Par la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont les recettes annuelles, liées au chiffre d’affaires des grands groupes, s’élèvent à plus de 12 milliards d’euros, le Gouvernement fait le choix de creuser encore le déficit, ce qui justifiera, ensuite, la demande par la Commission européenne d’une politique d’austérité en matière de dépenses publiques.
Il en est de même pour le faible déficit du système de retraite sur le budget de la sécurité sociale. Celui-ci résulte non pas d’un déficit démographique non anticipé, mais du démantèlement depuis 2010 du fonds de réserve pour les retraites, du tarissement délibéré des ressources et des politiques austéritaires menées, à commencer par celles qui concernent la fonction publique – baisse du nombre des fonctionnaires et gel du point d’indice passés et programmés.
C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons la suppression de l’article liminaire, symbole de la vision étriquée des objectifs financiers de votre gouvernement au profit de cette contre-réforme des retraites, messieurs les ministres.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 127.
M. Guillaume Gontard. Par cet amendement de suppression de l’article liminaire, c’est tout l’équilibre budgétaire que nous réfutons.
Les déficits prévus pour 2023 résultent non pas d’un déséquilibre démographique, mais bien de la succession de choix budgétaires : pérennisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sous la forme d’exonérations de cotisations sur les bas salaires, gel du point d’indice de la fonction publique, et, plus largement, politique malthusienne en termes d’emplois publics, imputation de la dette covid sur les comptes sociaux plutôt que sur le budget de l’État, etc.
Ce déficit des caisses de retraite est d’abord votre bilan, puisqu’il est le résultat de vos choix budgétaires. Mais il est également le résultat des choix de votre coalition de droite, au travers notamment de la réforme Fillon.
Le gouvernement Jospin s’était pourtant montré prévoyant, puisqu’en 1999, il avait institué le fonds de réserve pour les retraites, qui aurait dû être doté en 2020 de 65 milliards d’euros, précisément pour faire face à la diminution du ratio actifs-travailleurs sans pénaliser les travailleurs.
Rappelons que ce ratio est temporaire, car nous sommes dans une période de « bosse » démographique due à l’arrivée massive à la retraite de la génération du baby-boom.
Ces réserves du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) devaient permettre de combler les déficits des caisses de retraite pour toute la décennie 2020-2030, mais les multiples sources de financement du FRR ont été rabotées par la réforme des retraites de 2010 de MM. Woerth et Fillon.
Aujourd’hui, nous payons cette incurie. Nous payons votre dogmatisme anti-impôt, messieurs les ministres. Nous payons la vision économique éculée des droites.
Il n’est dès lors pas étonnant de constater que les majorités présidentielle et sénatoriale sont main dans la main sur ce dossier. Elles sont coresponsables de la situation actuelle, et pour réparer leurs erreurs, c’est toutes les Françaises et tous les Français qu’elles veulent faire payer par cet impôt de deux ans sur la vie.
Supprimons donc cet article, mes chers collègues. Nous proposerons tout au long de la première partie de ce débat des solutions de recettes alternatives pour rééquilibrer nos caisses de retraite, et nous démontrerons par A plus B que bien d’autres solutions sont sur la table.
Messieurs les ministres, ayez au moins la décence, pour la suite de nos débats, d’avouer que cette réforme est un choix, une option que vous retenez, et nullement une nécessité. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour présenter l’amendement n° 128.
M. Daniel Breuiller. Je souhaite tout d’abord remercier la présidente Deroche de ces explications détaillées sur les irrecevabilités. Celles-ci soulignent que le choix du Gouvernement d’imposer à ce débat le cadre d’un projet de loi rectificative de financement de la sécurité sociale est une ruse de procédure qui ne nous permettra pas de débattre de sujets essentiels, par exemple l’index senior.
Je n’ai ensuite pas vos compétences ni vos connaissances, monsieur le ministre, et j’ai effectivement confondu, hier, la note de synthèse du Conseil d’État avec un avis. Mais, pour bien connaître les Français, je puis vous dire que le secret en matière financière sème toujours le doute et fait le lit du déni de la démocratie.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Daniel Breuiller. Je vous demande donc de nouveau de rendre publique la note de synthèse du Conseil d’État plutôt que d’en réserver l’accès aux seuls parlementaires qui peuvent déjà la consulter. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
J’en viens enfin au présent article liminaire.
Pour 400 millions d’euros de mouvement, nous allons prendre deux ans de la vie de nos concitoyens. Ne pouvions-nous pas attendre soit un projet de loi de finances, soit un texte ordinaire, comme cela aurait été nécessaire ?
Il convient d’autant plus de supprimer cet article liminaire qu’il ne prend pas en compte toutes les hypothèses – une nouvelle crise covid, des canicules, etc. – comme le ferait une véritable réforme paramétrique, puisque c’est une telle réforme que vous souhaitez, monsieur le ministre Attal.
Je tiens toutefois à vous dire que deux ans de la vie des gens, ce n’est pas un paramètre : c’est une question fondamentale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 279.
M. Rémi Féraud. Bien qu’il semble assez modeste, cet article liminaire dit beaucoup en creux.
L’évolution très marginale des montants budgétaires montre d’abord que le choix du véhicule législatif – cela a été dit – vise à limiter le temps de débat.
Vous pouvez pointer tel ou tel amendement de l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, mais cet article liminaire ne porte ensuite aucune ressource financière nouvelle, ni sur les revenus du capital, ni sur les plus riches, ni sur les grandes entreprises, notamment sur les superprofits.
En revanche, une ligne budgétaire manque à cet article liminaire : il s’agit de l’impôt nouveau, de trois mois de vie, dont nos compatriotes qui sont nés dans le dernier tiers de l’année 1961 seront redevables dès 2023.
Cette réforme est particulièrement brutale pour tous les travailleurs qui sont nés dans les années 1960, à commencer par ceux qui sont nés à partir du 1er septembre 1961.
Cette ligne doit être ajoutée à votre tableau.
Un problème de légitimité se pose de surcroît. Cette réforme comptable s’inscrit dans une trajectoire des finances publiques qui n’a aucune légitimité démocratique puisqu’elle n’a pas été votée par le Parlement.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 comportait en effet cette affirmation sibylline : « La soutenabilité de notre trajectoire reposera […] sur les réformes structurelles engagées. »
La réforme structurelle que vous nous présentez aujourd’hui ne s’appuie pas sur le vote du Parlement, monsieur le ministre. Vous mettez donc la charrue avant les bœufs ! Faites d’abord adopter une loi de programmation des finances publiques ; nous débattrons ensuite des lois financières pour les années qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE.)