Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est clair que la réforme va détériorer les conditions de vie d’un très grand nombre de seniors et susciter une forte anxiété chez une partie de nos concitoyens qui, alors qu’ils espéraient prendre rapidement leur retraite, vont sombrer dans la pauvreté ou la précarité.
Ce sont les plus modestes qui vont être touchés, en particulier les fameux ouvriers dont on aurait tant besoin pour réindustrialiser notre pays. Ce n’est pas en leur aménageant une fin de vie difficile qu’on revalorisera leur métier !
La question des seniors est importante, indépendamment de votre réforme des retraites, laquelle ne pourra que dégrader la situation. On ne peut traiter cette question indépendamment de celle du rapport des Français au travail.
Nous sommes le pays de l’Union européenne, et il ne s’agit pas ici de vos statistiques sur les cotisations sociales ou sur les dépenses publiques, qui recense le plus de salariés ne se sentant pas reconnus, pris en compte, écoutés, valorisés dans leur entreprise. La crise est majeure !
Vous pouvez toujours dire que les Français n’ont plus d’appétence pour le travail, mais si l’organisation du travail, le management des entreprises, la manière dont les organisations syndicales et les salariés sont pris en compte est mauvaise, l’appétence pour le travail est évidemment limitée. Dans un environnement si peu attentif à l’humain, aux démarches collectives, les gens finissent par être trop souvent jetés comme un Kleenex à la fin de leur carrière professionnelle.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote sur l’article.
Mme Monique Lubin. Nous voterons nous aussi contre cet article, mais avec tout de même beaucoup de regrets.
Nous considérons depuis le début que cet index est un gadget, je n’y reviens pas. J’avoue que je ne comprends pas très bien pourquoi aucun de nos amendements, dont certains étaient le résultat d’heures de travail en commun avec le rapporteur, n’a trouvé grâce aux yeux de la commission.
Au moment de voter sur l’article, il faut rappeler l’incongruité qui consiste à nous annoncer le dépôt d’un projet de loi relatif au travail après le vote, encore éventuel, du présent PLFRSS. C’est assez curieux.
Quelles que soient les mesures qui ont été proposées et votées jusqu’à présent, force est de constater, et c’est la conclusion à laquelle nous étions parvenus au terme de nos travaux avec René-Paul Savary, que rien n’a jamais fonctionné pour favoriser l’emploi des seniors : ni la coercition, ni l’encouragement, ni les primes, ni les réductions d’impôts. Rien du tout !
Dans la culture française, au-delà de 50 ans ou 55 ans, on n’est vraiment plus bon à rien. Comme l’a dit Laurence Cohen, la presse a publié dernièrement des témoignages très intéressants : c’est catastrophique d’être une femme de plus de 50 ans sur le marché du travail.
Indépendamment de tout ce que nous pourrions inventer, je pense qu’il faut négocier avec les entreprises de façon quasi quotidienne et inventer un nouveau paradigme.
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Nous voterons contre cet article pour plusieurs raisons. La question de l’index ne peut pas être dissociée de la loi dans son ensemble. Je vous le redis, et je pense que cela va malheureusement se vérifier, reculer de deux ans l’âge du départ à la retraite va mettre davantage de seniors en difficulté et les faire basculer dans la précarité.
Notre collègue René-Paul Savary a évoqué la réforme de 2010 et ses effets en 2011. Je ne conteste pas les chiffres qu’il a donnés, qui sont vrais, mais il a omis de dire que des mesures spécifiques ont été prises en 2011 comme la suppression des dispositifs de cessation anticipée d’activité et des dispenses de recherche d’emploi, ce qui explique le relèvement du taux d’activité des seniors. Autant tout dire quand on se parle !
Monsieur le ministre, qu’allez-vous dire aux travailleurs, alors que vous avez supprimé tous les critères de pénibilité depuis 2017 ? Que l’index va avoir des effets rétroactifs ? Non ! Six années ont été perdues. Pour notre part, nous étions favorables à des départs anticipés avant l’âge de 60 ans, et pourquoi pas de manière mécanique.
Pourquoi le Parlement n’évaluerait-il pas tous les critères de pénibilité ? Beaucoup ont été évoqués ici. On a parlé des métiers extrêmement pénibles physiquement, mais les cadres aussi souffrent de maladies nouvelles liées au stress, à l’intensité du travail. Ils font des burn-out, etc. Nous aurions pu réfléchir à de nouveaux critères de pénibilité, mais on se l’est interdit avec cet index.
Enfin, je reviendrai sur la constitutionnalité de l’index. Franchement, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur, que vient faire un index seniors dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ?
Mme le président. Il faut conclure !
M. Pascal Savoldelli. Ce dispositif aurait eu toute sa place soit dans un projet de loi dédié, soit dans un texte sur le travail.
Mme le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Vous l’avez compris, les orateurs précédents l’ont souligné, nous nous sommes efforcés en toute conscience d’enrichir le dispositif, qui n’a pourtant pas sa place dans ce texte.
Le groupe socialiste et les autres groupes de gauche ont fait un certain nombre de suggestions. Nous avons déposé des amendements à titre individuel ou au nom du groupe et tenté de faire adopter certaines mesures.
J’ai pour ma part fait constater qu’il y avait désormais moins de médecins du travail et moins d’inspecteurs pour vérifier les conditions de travail et l’ergonomie dans les entreprises. J’ai également interpellé sur les questions de prévention, sur les risques psychosociaux et l’amélioration continue de la qualité de vie au sein de l’entreprise.
Vous avez fait comme si nous n’avions rien proposé. Pourtant, il n’y avait rien d’incohérent de notre part à vouloir enrichir le texte, même si nous étions contre. Bien au contraire !
Et parce que nous aimons les travailleurs, parce que nous voulons impliquer les partenaires sociaux, parce que la population nous regarde, parce qu’il y a beaucoup de personnes en souffrance dans les entreprises, nous avons tenté de trouver les meilleures solutions possible.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre cet article, comme l’ensemble du groupe socialiste. Ce que vous proposez à ceux qui nous regardent, à tous les travailleurs, particulièrement les femmes, est dramatique.
Depuis le mois de janvier, j’ai interpellé à plusieurs reprises M. le ministre lors des questions au Gouvernement, en particulier sur les problèmes des femmes, qui vont encore payer un lourd tribut à cette réforme.
Enfin, monsieur le ministre, je trouve insultant pour le Parlement de voir que certains de vos collaborateurs passent leur temps à rigoler au banc du Gouvernement. (M. le ministre manifeste son étonnement.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Est-il paradoxal de déposer des amendements visant à supprimer l’index seniors puis à discuter de ce dispositif ? Absolument pas, je tiens à le redire.
Si nous avons demandé la suppression de cet index, c’est parce qu’il s’agit d’un cavalier social, qui risque d’ailleurs fort d’être supprimé. Cet index n’est qu’un alibi, son inscription dans le texte est prématurée.
De nombreux amendements que nous avons défendus émanent des organisations syndicales. Cela montre bien que ces organisations sont en train de discuter de cet index dans un cadre plus large. D’autres émanent de notre groupe. Nous les avons déposés parce que vous avez maintenu ce dispositif. Notre discussion n’est pas inutile en ce qu’elle préfigure celle que nous aurons lorsque nous examinerons un autre texte dans lequel cet index aura toute sa place. Nous avons travaillé de façon sérieuse et simplement pris de l’avance.
Certes, les syndicats voulaient que l’on discute de l’annexe 2, puisqu’elle est maintenue, mais quand je vois le sort que vous avez réservé à tous les amendements issus de toutes les organisations syndicales de salariés, je doute de votre sincérité !
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. En réponse à Raymonde Poncet Monge, j’indique que la commission n’a pas refusé, par mon intermédiaire, de rejeter ces amendements d’un revers de main.
Nous partageons les propositions que vous faites. Nous disons simplement qu’il revient aux partenaires sociaux de fixer les indicateurs, par accord de branche. C’est la branche qui décidera s’ils doivent être évolutifs, ce qui est très important. Peut-être, à l’instar de ce qui se fait en matière de gestion prévisionnelle, faudra-t-il les revoir tous les quatre ans, ou plus ou moins fréquemment selon les branches. Les consultations relèveront des partenaires sociaux.
Vos amendements sont donc tout à fait pertinents, mais ils auront davantage leur place dans la loi sur le travail.
Mme Raymonde Poncet Monge. Tout à fait. Nous sommes d’accord !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Il était important que l’on conclue en étant bons amis ! (Sourires.)
Par ailleurs, nous partageons vos préoccupations concernant les mères de famille. C’est la raison pour laquelle nous proposerons une surcote pour celles qui parviennent à taux plein avant l’âge légal de départ à la retraite. C’est un élément important, qui réduira la différence de pension entre les hommes et les femmes.
La pénibilité sera examinée à l’article 9. Il est incontestable qu’elle doit être mieux prise en compte. Dix critères de pénibilité seront bien retenus puisque nous avons réintroduit l’exposition à des agents chimiques dangereux. Il est vrai que l’on traite différemment, et c’est complexe, les critères de pénibilité et les risques ergonomiques, car on privilégie les mesures de prévention plutôt que la réparation.
Nous pourrons nous retrouver sur ces dispositions, si toutefois nous parvenons à aller jusqu’à l’article 9 !
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 174 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 244 |
Contre | 96 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 258 amendements aujourd’hui ; il en reste 3011.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, lundi 6 mars 2023 :
À dix heures, quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 368, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le lundi 6 mars 2023, à zéro heure cinquante.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER