compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa,

M. Daniel Gremillet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.

Mme Laurence Rossignol. Ce rappel au règlement se fonde sur les articles 8 du préambule de 1946 et 55 de la Constitution. Il concerne l’exercice du droit de grève en France.

Monsieur le ministre, vous appliquez la règle du trentième indivisible, selon laquelle les fonctionnaires d’État se voient retirer une journée de salaire pour deux heures de grève. Cette règle ne concerne que les fonctionnaires d’État et ne s’applique pas aux agents de la fonction publique hospitalière non plus qu’à ceux de la fonction publique territoriale.

Le Conseil de l’Europe a été chargé d’examiner sa compatibilité avec le droit de grève tel qu’il est garanti par la Charte sociale européenne. La décision qu’il a rendue voilà quelques jours est très claire : la règle du trentième indivisible viole le paragraphe 4 de l’article 6 de ladite Charte.

Monsieur le ministre, comptez-vous mettre fin à cette pratique discriminatoire entre les différents fonctionnaires qui pénalise les agents de la fonction publique qui font usage de leur droit de grève ?

Cette question est particulièrement importante à la veille d’un mouvement social contre votre réforme qui s’annonce très suivi, dans le contexte particulier d’une inflation élevée et de pressions fortes sur le pouvoir d’achat. Je comprends bien l’intérêt vicieux que l’on pourrait trouver à compter sur les difficultés financières des fonctionnaires pour espérer que ceux-ci renoncent à exercer demain leur droit de grève, mais je n’imagine pas que le Gouvernement puisse se livrer à un calcul aussi sordide.

Il serait donc bon que vous annonciez dès aujourd’hui aux fonctionnaires que ceux d’entre eux qui feront grève pendant quelques heures demain ne se verront pas retirer la totalité de leur journée de travail, mais seulement leurs heures de grève.

M. le président. Ma chère collègue, acte vous est donné de votre rappel au règlement.

3

Article 2 (suite) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Après l’article 2 (début)

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (projet n° 368, rapport n° 375, avis n° 373).

Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus, au sein de la première partie, aux amendements portant articles additionnels après l’article 2.

PREMIÈRE PARTIE (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2023

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Après l’article 2 (interruption de la discussion)

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 2112 rectifié, présenté par M. Savary et Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre III du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section… ainsi rédigée :

« Section

« Contrat de fin de carrière

« Art. L. 1223-10. – Un salarié âgé d’au moins soixante ans peut conclure avec un employeur un contrat pour la fin de sa carrière.

« Le contrat est conclu pour une durée indéterminée. Par dérogation à l’article L. 1237-5, l’employeur peut mettre à la retraite le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale.

« Le contrat est établi par écrit. Les activités concernées, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat et les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite accordées au salarié sont fixées par une convention de branche ou un accord de branche étendu. À défaut d’accord, ces modalités sont fixées par décret.

« La contribution mentionnée à l’article L. 137-12 du code de la sécurité sociale n’est pas due par l’employeur qui met à la retraite le salarié dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article.

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »

II. – La section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-… ainsi rédigé :

« Art. L. 241-…. – Les rémunérations versées au salarié employé dans le cadre du contrat prévu à l’article L. 1223-10 du code du travail sont exonérées des cotisations dues au titre du 1° de l’article L. 241-6 du présent code. »

III. – Le présent article entre en vigueur le 1er septembre 2023.

Le Gouvernement engage, dès la publication de la présente loi, une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’élaboration du décret mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1223-10 du code du travail.

IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour lassurance vieillesse. Nous entrons immédiatement dans le vif du sujet en ce qui concerne notre stratégie d’emploi des seniors.

L’Unédic consacre 2,4 milliards d’euros aux chômeurs de plus de 60 ans, un chiffre qui appelle notre attention tant il indique que les outils actuels dédiés à l’emploi des seniors ne sont pas suffisants.

C’est la raison pour laquelle, sur proposition de nombre de partenaires sociaux, nous entendons créer ce CDI senior. Il s’agit d’un CDI différent, d’un contrat entre le salarié et son employeur permettant de définir les conditions et la durée de travail pour aller jusqu’à la date de départ à la retraite à taux plein du salarié, que celui-ci ait accumulé suffisamment de trimestres ou qu’il ait atteint l’âge d’annulation de la décote.

Ce dispositif se distingue de ce qui existe actuellement. Les CDI classiques peuvent toujours être utilisés, mais le taux de chômage particulièrement élevé aux alentours de la soixantaine nous conduit à nous doter d’outils nouveaux.

Pour inciter les employeurs à favoriser ce contrat négocié avec les salariés concernés plutôt qu’un CDI classique, nous l’accompagnons d’une exonération de cotisations d’allocations familiales ; le salarié trouve quant à lui son intérêt dans l’adaptation des conditions de travail en fonction de son âge ou des phénomènes d’usure dont il est susceptible de souffrir.

Il me semble important d’inscrire dès à présent ce CDI dans la loi. Je vous demande de soutenir ce dispositif afin qu’il donne lieu, ensuite, à des négociations entre les partenaires sociaux qui s’en saisiront.

M. le président. Sur cet amendement, je suis saisi de sept sous-amendements.

Le sous-amendement n° 4741, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 2112, alinéa 5

Remplacer les mots :

de fin de carrière

par les mots

dernière embauche

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Nous comprenons l’objectif de cette proposition de notre rapporteur, mais notre appréciation diverge de la sienne sur certains aspects de ce contrat. Nous aurons l’occasion d’en débattre avec lui et il nous apportera ses réponses.

Par ce sous-amendement, nous proposons seulement de remplacer les mots « de fin de carrière » par « dernière embauche ». Cela peut paraître anodin, mais ce n’est pas le cas. Nous sommes ainsi gênés par la possibilité offerte à l’employeur, dans le dispositif qui nous est soumis, de mettre fin au contrat de travail dès que le salarié atteint le moment de valider sa retraite.

Sous couvert d’une proposition que je sais sincère, ce dispositif nous semble conférer aux employeurs un outil supplémentaire pour recruter des gens tout en les conservant le moins longtemps possible.

M. le président. Le sous-amendement n° 3387 rectifié, présenté par Mme Loisier, MM. Hingray, S. Demilly et Mizzon, Mmes Vérien, Sollogoub et Dindar, MM. Canévet et Le Nay, Mme Gacquerre, M. Maurey, Mme Guidez et M. Duffourg, est ainsi libellé :

Amendement n° 2112, alinéa 6

Remplacer le mot :

soixante

par le mot :

cinquante-cinq

La parole est à M. Alain Duffourg.

M. Alain Duffourg. Ce sous-amendement vise à fixer l’âge d’éligibilité au dispositif à 55 ans plutôt qu’à 60 ans.

M. le président. Le sous-amendement n° 2343, présenté par M. Henno et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Amendement n° 2112

I. – Alinéa 6

Remplacer le mot :

soixante

par le mot :

cinquante-sept

II. – Alinéa 12

1° Remplacer les mots :

sont exonérées des cotisations

par les mots :

font l’objet d’une exonération des cotisations

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette exonération est de 25 % pour les salariés âgés de 57 ans, de 50 % pour les salariés âgés de 58 ans, de 75 % pour les salariés âgés de 59 ans et de 100 % pour les salariés âgés d’au moins 60 ans.

III. – Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. »

La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Si vous le permettez, monsieur le président, je vais présenter également le sous-amendement n° 2342.

M. le président. J’appelle donc en discussion le sous-amendement n° 2342, présenté par M. Henno et les membres du groupe Union Centriste, et ainsi libellé :

Amendement n° 2112, alinéa 6

Remplacer le mot :

soixante

par le mot :

cinquante-sept

Vous pouvez poursuivre, mon cher collègue.

M. Olivier Henno. Nous sommes tous d’accord pour considérer que l’emploi des seniors est un défi pour notre société. Il s’agit, en outre, d’un problème à résoudre pour équilibrer notre système de répartition en termes économiques et financiers. Il ne serait surtout pas moralement acceptable que les entreprises en fassent une variable d’ajustement.

Notre interrogation concerne la barre d’âge. Dans l’argumentation que vous souteniez hier, monsieur le rapporteur, vous évoquiez les salariés âgés de 55 ans à 64 ans, voire de 57 ans à 64 ans. La limite pertinente est-elle vraiment 60 ans ? Ne pourrait-on la fixer à 57 ans, assortie d’exonérations progressives en fonction de l’âge – 25 %, 50 %, 75 % puis 100 % ?

L’idée de ce CDI senior nous semble donc tout à fait pertinente, mais nous souhaitons, par ces sous-amendements, ouvrir le débat sur la borne de départ.

M. le président. Le sous-amendement n° 4742, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 2112, alinéa 7, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Nous sommes opposés à ce contrat « dernière embauche » en ce qu’il pourrait aboutir à la mise à la retraite d’office avant l’âge de 70 ans, qui s’applique au reste des salariés.

M. le président. Le sous-amendement n° 4743, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 2112, alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Ce sous-amendement important s’attache à la question des exonérations de cotisations sociales. Nous en avons souvent discuté dans cet hémicycle, en particulier à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’avais moi-même déposé un amendement visant à supprimer une exonération de cotisations d’allocations familiales pour les salariés rémunérés plus de 1,6 fois le Smic.

Le Conseil d’analyse économique (CAE) avait pointé que cette exonération était sans effet sur l’emploi, donc inutile, sauf à offrir des exonérations pour offrir des exonérations. Le débat dans l’hémicycle avait été intéressant et s’était conclu par un vote par assis et levé, signe que la réflexion sur ce sujet s’étend au-delà de nos travées.

Ce contrat senior s’accompagne d’une nouvelle disposition de ce type, concernant cette fois-ci les cotisations d’allocations familiales. Celle-ci fait écho à ce qui avait été voté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les médecins, que l’on entendait encourager à poursuivre leur activité en les exonérant de cotisations sociales. Ces mesures n’ont pas de sens. Le travail produit des cotisations,…

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Et de la richesse !

M. Bernard Jomier.… qu’il convient de maintenir pour financer notre système de protection sociale, sauf à adopter une idéologie de l’exonération quoi qu’il en coûte.

Si l’on défend un système de juste répartition fondé sur la cotisation, il faut maintenir intégralement cette dernière pour tous ceux qui sont éligibles à ce contrat.

M. le président. Le sous-amendement n° 4744, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 2112, alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Ce sous-amendement vise à supprimer les alinéas 11 et 12, qui portent sur les allocations familiales. Ce sujet revient régulièrement, de manière feutrée, dans nos débats en commission des affaires sociales comme dans l’hémicycle, concernant la politique familiale.

Je considère, pour ma part, que les questions démographiques constituent de vrais sujets. Je n’ai d’ailleurs toujours pas compris quelle politique suivait le Gouvernement à ce titre, ni à l’égard de la transition démographique, c’est-à-dire de l’augmentation du nombre de personnes âgées, ni en matière de politique familiale. Qu’entend offrir ce gouvernement à toutes les familles pour améliorer les conditions d’accueil des jeunes enfants ?

À mon sens, nous sommes face à une ambiguïté, sinon à une contradiction : mes chers collègues de droite, vous êtes souvent très offensifs sur les allocations familiales, sur la mise en place d’une politique nataliste – ce n’est pas exactement mon sujet ! – et sur les moyens que nous devrions y consacrer. Or, malgré cela, vous êtes prêts à supprimer, dans le cadre de ce contrat « dernière embauche », une part des cotisations d’allocations familiales qui pèsent sur les employeurs.

Par ce sous-amendement, mes chers collègues, je vous invite à mettre en cohérence la proposition que vous faites pour accroître l’emploi des seniors avec votre vision de la politique familiale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements ?

M. René-Paul Savary, rapporteur. Nous n’avons pas évoqué le coût de cette mesure. Monsieur le ministre, il ne saurait y avoir d’histoires d’argent entre nous (M. le ministre Dussopt sourit et M. le ministre délégué Attal acquiesce.), mais vous l’avez vous-même estimé à 800 millions d’euros. Vous anticipez un effet d’aubaine qui conduirait les employeurs à confondre CDI classique et CDI senior, alors même qu’il s’agit de dispositifs distincts. Je confirme ce chiffre, mais à mon sens, le CDI senior diffère du contrat classique.

En outre, plus l’estimation du coût des exonérations est élevée, plus le bénéfice de ce contrat pour l’ensemble de la société est important. Si leur coût était prohibitif, alors que les cotisations d’allocations familiales représentent entre 3 % et 5 % des 40 % de cotisations patronales, et que le budget de l’État ou de la sécurité sociale devait ainsi perdre des sommes importantes, cela signifierait qu’il en gagnerait en parallèle entre 35 % et 37 % grâce au reste des cotisations. C’est « tout bénef » !

De plus, un senior employé dans le cadre particulier de ce CDI, avec un accompagnement, n’est pas au chômage ; on économise ainsi les coûts élevés que cela emporterait.

L’intérêt de la société, des comptes de l’État comme ceux de la sécurité sociale, commande donc que ce dispositif fonctionne. Nous en avons déjà essayé beaucoup qui n’ont pas toujours donné les résultats escomptés.

Si nous voulons imposer une vision différente de l’emploi des seniors, nous devons nous doter d’outils nouveaux, raison pour laquelle j’ouvre cette piste. Il reviendra ensuite aux partenaires sociaux de définir les branches intéressées. Celles qui ne le seront pas n’adopteront pas ce contrat ; celles qui le seront fixeront les conditions de négociation, entre le salarié et l’employeur, de cet accompagnement jusqu’à l’âge légal.

Je vous invite à considérer ce dispositif comme un contrat de chantier. La construction d’un collègue, par exemple, dure trois, cinq ou sept ans : on embauche alors des personnes sous le régime du CDI de chantier, qui dure jusqu’à la fin des travaux. Il en va de même ici, la fin du contrat correspondant à la fin de carrière.

J’en viens aux sous-amendements.

Mme Lubin propose d’appeler ce dispositif « contrat dernière embauche ». La commission a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement, mais si cet intitulé peut nous rassembler, je n’ai aucun état d’âme à ce sujet : il s’agit bien de cela. À mon sens, les partenaires sociaux choisiront la qualification qui leur conviendra. Quoi qu’il en soit, ce dispositif nous semble important, car il satisfait la préoccupation que nous avions exprimée dans notre rapport sur l’emploi des seniors.

M. Olivier Henno nous suggère de déterminer un âge différent. Le ministre des comptes publics s’inquiète déjà du coût de la mesure telle que je l’ai proposée, je n’ai donc pas osé envisager d’en abaisser la limite à 57 ans.

Une fois encore, les partenaires sociaux nous indiqueront, dans les différentes branches, l’âge qui leur semble pertinent. Le Parlement ne saurait définir tous ces ajustements, lesquels relèvent d’une négociation par branche. Peut-être peut-on ainsi imaginer un âge différent selon la branche, en fonction du type de métier et de l’usure ou de la pénibilité ? Nous aurons l’occasion d’y revenir.

L’avis est donc défavorable sur les sous-amendements nos 3387 rectifié, 2343 et 2342.

En effet, madame Lubin, l’âge de 70 ans est le seuil actuel à partir duquel l’employeur peut demander une rupture unilatérale du contrat pour mise à la retraite, selon des conditions spécifiques de cotisations et de forfait social adaptées aux prestations concernées.

Si l’employeur souhaite se séparer d’un employé âgé de moins de 70 ans, le dispositif de licenciement classique ou de rupture conventionnelle s’applique.

Quand un salarié veut partir à la retraite, il lui suffit de l’annoncer ; mais s’il ne le veut pas, l’entreprise est contrainte de le garder jusqu’à 70 ans. Il faut reconnaître qu’il s’agit d’un frein à l’embauche des seniors de 60 ans : beaucoup d’entreprises hésitent à embaucher dans cette catégorie, que l’on peut comprendre. C’est la raison pour laquelle un contrat spécifique incitatif est nécessaire.

Une prise de conscience collective concernant la longévité des seniors est nécessaire : ceux-ci vont travailler un peu plus longtemps. Forgeons donc des outils pour y contribuer, afin d’éviter de les pousser vers le chômage et, trop souvent, vers la précarité.

Pour ce qui concerne les exonérations, nous n’en sommes pas fans. (M. Fabien Gay rit.) Madame Rossignol, nous affirmons notre attachement à la branche famille à travers la surcotisation que nous proposerons pour les mères de famille, qui bénéficieront d’une majoration pour atteindre le taux plein un an avant l’âge légal.

Nous subissons ici la contrainte du projet de loi de financement de la sécurité sociale : j’avais moi-même proposé une exonération des cotisations chômage. Dès lors qu’un contrat engage un employeur à conserver son salarié jusqu’à la retraite, ce dernier ne passera pas par la case chômage.

En conséquence, il serait à mon sens légitime de prévoir une exonération des cotisations chômage. Les partenaires sociaux décideront de cette mesure, ou vous pourrez l’introduire dans le cadre d’une loi sur le travail, mais nous ne pouvons pas le faire dans celui d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), lequel n’inclut pas les comptes de l’Unédic.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Malgré nos demandes répétées !

M. René-Paul Savary, rapporteur. Cela nous aurait en effet permis de voir les choses différemment.

Mes chers collègues, nous pouvons nous autoriser ces exonérations dès lors que l’assiette des cotisations est suffisamment importante. La France ne produit pas assez, c’est la difficulté à laquelle nous faisons face et qui explique le déficit de notre balance commerciale. Il convient donc d’élargir la base de cotisation. Cette réforme va dans ce sens ; dès lors, les exonérations prennent une autre dimension.

La commission est donc défavorable aux sous-amendements nos 4742, 4743 et 4744.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes venus à deux, avec mon collègue ministre délégué aux comptes publics, pour tenter de résister aux assauts et de monsieur le rapporteur et de la commission des affaires sociales ! (Sourires.)

Si vous le permettez, monsieur le président, je répondrai sur les aspects qui relèvent du code du travail et mon collègue éclairera ensuite le Sénat concernant le coût de ce contrat.

M. le président. Il est toujours bienvenu d’éclairer le Sénat !

M. Olivier Dussopt, ministre. Je peux à ce stade partager avec vous quelques interrogations, des attentes et une crainte.

Nous nous interrogeons tout d’abord sur la conformité de ce contrat avec le principe d’égalité et sur le risque, dès lors que l’on crée des bornes d’âge pour accéder à un contrat de travail spécifique, de donner lieu à des effets de seuil, à des effets d’aubaine et à des distorsions.

Ensuite, nous souhaitons examiner la possibilité de cibler cet outil plutôt vers les demandeurs d’emploi que vers l’ensemble des seniors, afin de prévenir toute forme d’effet d’aubaine.

Enfin, nous entendons veiller à ce que la différence entre le CDI de droit commun et ce nouvel instrument susceptible de s’adresser aux seniors soit particulièrement marquée.

Pour autant, je donne bien volontiers acte à M. le rapporteur des modifications de rédaction qu’il a opérées, après discussions, notamment pour renvoyer à une concertation avec les partenaires sociaux.

J’en viens aux attentes du Gouvernement.

Nous considérons qu’il serait intéressant de conférer à cette mesure une nature expérimentale, dans un premier temps.

En outre, il nous semble que ce CDI propre aux seniors relève de l’article L. 1 du code du travail, que M. le président du Sénat connaît bien, et qui impose le renvoi à une concertation interprofessionnelle. Notre appréciation quant à la rédaction de cet amendement s’écarte de celle de M. le rapporteur à ce sujet : le Gouvernement considère qu’il y aurait lieu de renvoyer la totalité des paramètres de définition du nouveau contrat à un décret faisant suite à une concertation interprofessionnelle, alors que la rédaction de l’amendement prévoit une écriture plus précise, sans toutefois exonérer le Gouvernement d’une telle obligation.

Tels sont les points que j’entendais relever : des interrogations, le fait que nous donnons acte à la commission des modifications positives, enfin, deux attentes s’agissant du caractère expérimental de la mesure et de son articulation avec l’article L. 1 du code du travail.

J’ai cependant bien à l’esprit que, lorsque cet article concernant l’obligation de concertation interprofessionnelle a été intégré au code du travail – en 2003 ou en 2004 –, il avait été explicitement prévu que cette obligation ne concerne ni les propositions de loi ni les amendements. Pour autant, l’esprit du texte prévaut et il est utile de mener une concertation interprofessionnelle sur ces sujets.

Au vu de la rédaction proposée à cet instant au Sénat, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement. Je conserve toutefois l’espoir que, durant les débats de cette semaine, puis dans la prolongation du débat parlementaire, nous parvenions à trouver un terrain d’entente.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de mettre ce sujet sur la table. Nous cherchons tous à réduire le chômage des seniors et il est toujours intéressant de discuter des pistes avancées en ce sens.

Pour autant, je suis habituellement sceptique envers des propositions d’allégements de cotisations ciblées sur un âge donné. Il n’en existe d’ailleurs pas actuellement.

M. Jean-François Husson. Quid des mesures visant les jeunes ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il existe des allégements de cotisations liées à un type de contrat ou à une rémunération. On évoque des allégements concernant les jeunes, mais ceux-ci s’attachent au Smic, lequel concerne de facto surtout des jeunes. Nous ne disposons pas d’allégements de cotisations liés à un âge en raison du risque de susciter des effets de seuil.

Si vous annonciez un allégement de cotisations pour l’employeur pour l’embauche d’un salarié à partir de 60 ans, que se passerait-il pour ceux qui sont âgés de 58 ans ou de 59 ans et qui se présenteraient dans une entreprise en vue d’un recrutement ? Ils se verraient répondre que leur embauche coûterait plus cher que s’ils avaient 60 ans et qu’ils doivent donc attendre un an ou deux…

Les personnes au chômage de plus 60 ans bénéficieront de cette mesure, mais le problème sera déplacé vers ceux qui ont tout juste moins de 60 ans et dont l’embauche ne donnerait pas droit à l’exonération.

Ensuite, l’adoption de cet amendement emporterait un coût important en raison de l’effet d’aubaine qui en résulterait : actuellement, 100 000 CDI par an en moyenne sont signés avec des personnes de plus de 60 ans ; si tous ces contrats étaient signés par le biais de ce nouveau dispositif, cela coûterait 800 millions d’euros à la branche famille, laquelle se retrouverait alors déficitaire dès l’année 2025.