M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
La question des ruptures conventionnelles collectives est un outil plutôt reconnu par les partenaires sociaux, qui intervient surtout dans une situation caractérisée par des difficultés pour l’entreprise. Ce dispositif permet d’accompagner, d’une certaine manière, des départs volontaires.
Si nous devons en reparler, c’est plutôt dans un autre cadre que celui des retraites. J’ajoute que la recherche de financement, qui est présentée comme l’argument principal de l’amendement que vous déposez, n’est pas un motif opérant.
Indépendamment des questions d’âge, nous avons à peu près 500 000 ruptures conventionnelles individuelles, contre 10 000 dans un cadre collectif. Si nous appliquions la majoration que vous proposez aux seules ruptures conventionnelles collectives concernant les salariés de plus de 50 ans, le produit financier serait de 4 millions à 5 millions d’euros au maximum, ce qui n’est pas en rapport avec ce que nous envisageons d’économiser avec la réforme. Il y aurait de surcroît un effet négatif, puisque nous altérerions l’un des outils de gestion des entreprises en cas de difficultés pour accompagner des départs sur la base du volontariat avec une indemnité, de préférence à un PSE.
M. le président. Monsieur le rapporteur, quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. La commission partage l’avis défavorable du Gouvernement.
Rendez-vous lors de l’examen du projet de loi Travail.
M. le président. L’amendement n° 3096 rectifié, présenté par Mmes Blatrix Contat et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou et Jasmin, M. Jomier, Mmes Poumirol, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Cardon et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Durain et Leconte, Mme Monier, MM. Temal, Tissot, Lurel, Féraud et Marie, Mme de La Gontrie, MM. Raynal et Stanzione, Mme Carlotti, M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, MM. Jacquin, Assouline et Mérillou, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Devinaz, Mmes S. Robert et Briquet, MM. Houllegatte et Lozach, Mme Van Heghe, M. Magner, Mme Bonnefoy, MM. Roger, Montaugé, Cozic et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il est majoré à 100 % pour les ruptures conventionnelles des salariés âgés de plus de 50 ans.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Les articles que nous venons d’examiner sont censés contribuer à améliorer le taux d’emploi des seniors. Nous ne pouvons que partager cet objectif, tant pour notre système productif que pour les travailleurs eux-mêmes. Toutefois, nous avons souvent dit combien la méthode retenue était inadaptée, voire inefficace.
L’article 2, qui institue notamment une contribution sur les ruptures conventionnelles, nous semble aller dans le bon sens. Cet amendement a pour objectif de renchérir encore le coût des ruptures conventionnelles des seniors. En effet, comme l’a indiqué M. le rapporteur, bien que l’âge légal de départ à la retraite soit actuellement fixé à 62 ans, dans les faits, de nombreux seniors quittent leur emploi plus tôt. Une étude de l’Unédic a d’ailleurs démontré qu’il y avait un pic de ruptures conventionnelles lorsque les travailleurs atteignaient l’âge de 59 ans, c’est-à-dire en général deux ans avant le départ à la retraite.
Derrière ces ruptures conventionnelles se dissimulent de véritables licenciements, souvent subis par des travailleurs dont la seule faute, selon leur employeur, est de coûter trop cher du fait de leur ancienneté. Ce raisonnement purement financier, qui est celui de nombreuses entreprises, est humainement indigne et économiquement inefficace.
L’amendement tend à renchérir considérablement le coût pour l’employeur de ces prétendues ruptures conventionnelles. Il faut mettre fin à ces pratiques choquantes par lesquelles, moyennant un chèque, le travailleur jugé trop âgé est prié de quitter discrètement son emploi.
Par ailleurs, avec votre réforme de l’assurance chômage, ces travailleurs seniors risquent de se retrouver en fin de droits avant de pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite. Il y a donc là un réel risque de trappe à pauvreté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Vous avez la main lourde, ma chère collègue ! Relever la contribution de 30 % à 100 % en cas de rupture à 50 ans pourrait inciter l’employeur à anticiper et à agir juste avant, à 49,9 ans.
Alors que votre objectif est de maintenir les seniors dans l’emploi, le dispositif que vous proposez conduit à sortir les salariés de l’emploi avant même qu’ils soient seniors. Ce n’est pas très constructif !
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, que vous pouvez aussi bien sûr retirer… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 2113, présenté par M. Savary et Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après le mot :
applicable
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
aux indemnités versées à l’occasion des ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er septembre 2023.
La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. L’article harmonise les contributions de l’employeur sur les indemnités versées en cas de rupture conventionnelle.
Il dispose notamment : « Le présent article est applicable aux cotisations et aux contributions dues au titre des périodes d’emploi courant à compter du 1er octobre 2023. » Pour notre part, nous préférons la date du 1er septembre, par cohérence avec l’entrée en vigueur de l’effort supplémentaire demandé à nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L’article 2 bis est adopté.)
Après l’article 2 bis
M. le président. L’amendement n° 2353, présenté par MM. Canévet, Duffourg et Prince, Mmes Guidez, de La Provôté et Billon, M. Le Nay, Mme Morin-Desailly et M. Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le chapitre 7 du titre III du livre 1 est abrogé.
2° Le titre IV du livre II est ainsi rédigé :
« Titre IV
« Ressources
« Chapitre unique
« Art. L. 241-1. – I. – La couverture de l’ensemble des dépenses prises en charge par les organismes mentionnées au titre III du présent livre est assurée par une micro-taxe sociale sur les mouvements des paiements scripturaux, collectée et perçue intégralement par ces organismes.
« II. – L’assiette de cette micro-taxe sociale inclut : les paiements scripturaux et électroniques.
« III. – Le taux de la micro-taxe sociale est fixé à 1 %. »
II – La section II du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est abrogée.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 2362 rectifié, qui est un amendement de repli.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 2362 rectifié, présenté par MM. Canévet, Duffourg et Prince, Mmes Guidez, de La Provôté et Billon, M. Le Nay, Mme Morin-Desailly et M. Bilhac, ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa de l’article L. 131-8 est supprimé ;
2° La section 1 du chapitre 1er du titre IV du livre II est ainsi rédigée :
« Section 1
« Maladie, maternité, invalidité, décès
« Art L. 241-2. – I. – La couverture de l’ensemble des dépenses afférentes à la prise en charge des frais de santé mentionnés à l’article L. 160-1, des prestations mentionnées aux titres II à IV et VI du livre III, des frais de gestion et des autres charges de la branche maladie est assurée par une micro-taxe sociale sur les mouvements des paiements scripturaux, collectée et perçue intégralement par ces organismes.
« II. – L’assiette de cette micro-taxe sociale inclut : les paiements scripturaux et électroniques.
« III. – Le taux de la micro-taxe sociale est fixé à 0,5 %. »
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Canévet. Nous avons beaucoup débattu au cours de ce débat du coût des cotisations sociales, lequel est particulièrement important.
Selon certains, toute augmentation des cotisations sociales permettrait d’abonder les caisses des organismes de sécurité sociale. D’autres, en revanche, considèrent que ces cotisations altèrent la compétitivité de nos entreprises, qui est déjà fragile. J’en veux pour preuve l’évolution de notre commerce extérieur.
Notre pays est confronté à un véritable problème, particulièrement pénalisant, de coût du travail, qui rejoint celui de la capacité des employeurs à augmenter les salaires de leurs collaborateurs. À chaque fois qu’un employeur augmente le salaire de ses collaborateurs, il doit multiplier ce coût par deux tant les charges sociales sont élevées.
La première solution que je vous propose, au travers de l’amendement n° 2353, consiste à supprimer la totalité des charges sociales sur les salaires, afin de permettre aux employeurs d’augmenter considérablement les salaires, en tout cas de disposer d’une plus grande marge de manœuvre et de financer d’une autre manière la protection sociale de leurs salariés.
La seconde solution, prévue à l’amendement n° 2362 rectifié, consiste à ne supprimer que la partie relative à l’assurance maladie en conservant les branches famille, vieillesse, etc. Cette mesure entraînera d’emblée une réduction très significative des cotisations sociales.
Comment financer ces mesures ? En instaurant une taxe sur les paiements scripturaux, lesquels représentent en France 36 000 milliards d’euros : une taxe de 1 %, ou de 0,5 % sur ces paiements, selon l’amendement qui sera retenu, permettra de couvrir la totalité des besoins pour ce qui concerne la branche maladie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Voilà des amendements qui décoiffent ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe UC.)
Mme Françoise Gatel. Vive la Bretagne ! (Sourires.)
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ces microtaxes sont intéressantes : à chaque transaction, au moindre achat, sans que l’on se rende compte de rien, on paye une petite taxe qui passe inaperçue. Pour autant, au bout du compte, la personne qui réalise de nombreuses transactions acquitte beaucoup de taxes… Néanmoins, cette solution mérite d’être étudiée.
Peut-on bouleverser le système social au détour de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ? Je crains que le Conseil constitutionnel ne retoque le dispositif avec des arguments plus étayés que ceux dont il usera sur l’index seniors… (Sourires sur les travées du groupe UC.)
Je ne voudrais pas qu’il y ait de méprise : il n’y aura aucune répercussion sur l’année 2023… Je pense qu’il s’agit d’amendements d’appel. Nous prendrons des décisions à cet égard lorsque la réflexion sera un peu plus élaborée.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. J’ai le souvenir qu’à l’automne, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, le groupe UC a souhaité « un big-bang de la fiscalité immobilière ». En l’occurrence, monsieur le sénateur, vous proposez un big-bang de la fiscalité de notre système de retraite…
Je suis toujours favorable à ce que soient menées des réflexions prospectives et à ce que l’on réinterroge le système. En l’occurrence, votre proposition nous fait sortir du système de retraite par répartition, dans lequel ceux qui travaillent financent la pension des retraités, puisqu’il s’agit d’instaurer une microtaxe sur tous les paiements scripturaux, c’est-à-dire d’un bout à l’autre de la chaîne.
Les services de la direction de la sécurité sociale se sont arraché les cheveux durant de longues heures pour appréhender les impacts de votre amendement : une telle mesure aurait pour conséquence d’augmenter les prélèvements obligatoires. En effet, selon l’étude qui a été faite, mais qui mérite d’être approfondie, vous souhaitez remplacer 320 milliards d’euros de cotisations par 350 milliards d’euros prélevés via les microtaxes, lesquelles viendraient s’ajouter à la TVA.
Sur qui pèseraient ces prélèvements obligatoires supplémentaires ? Sur ce point, l’incertitude n’est pas encore levée.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’ouvrir ce débat, car il est toujours intéressant de réinterroger le système. Pour autant, nous ne souhaitons pas sortir du système par répartition. Par ailleurs, encore une fois, nous manquons d’une étude d’impact sur les implications de cet amendement.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je remercie également Michel Canévet d’avoir lancé ce débat.
Lorsque j’étais rapporteur général de la commission des affaires sociales, j’ai rencontré, à sa demande, des personnes qui nous avaient fait connaître cette possibilité. Si nous n’avons alors demandé l’avis ni du Conseil d’État ni du Conseil constitutionnel sur cette question, Michel Canévet et moi-même avons toutefois sollicité celui de la Banque de France, puisqu’il s’agit de paiements scripturaux, sans obtenir de réponse.
Monsieur le ministre, je souhaite que l’on creuse cette question. Il s’agit en effet d’amendements d’appel, certes un peu provocateurs, mais intéressants. Je sais bien que des banquiers bretons en sont à l’origine et vous allez me dire : c’est la Bretagne… (Sourires.) Justement, le Breton est têtu !
Mme Françoise Gatel. Et innovant !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. À Michel Canévet de dire s’il maintient ses amendements…
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Il est vrai que le premier amendement a pour conséquence d’augmenter un peu les prélèvements obligatoires, mais j’ai cru comprendre que nous avions encore quelques déficits à résorber… Trouver des recettes supplémentaires serait donc utile pour rétablir l’équilibre de l’ensemble de nos comptes publics. Vous ne pourrez que partager ce point de vue, monsieur le ministre !
Mon second amendement ne met pas fin au système par répartition, auquel nous sommes tous attachés, puisque ne sont concernées que les cotisations relatives à l’assurance maladie ; les autres cotisations, en particulier celles qui sont relatives au système de retraite, perdurent.
J’ai souvent entendu dire ici que les questions financières occupaient beaucoup trop notre société. Ce n’est pas tout de le dire ! Puisque c’est un problème, essayons de supprimer la fiscalité sur le travail pour l’orienter plutôt vers l’ensemble des mouvements financiers. Nos concitoyens y trouveraient leur compte, parce que leur rémunération nette, donc leur pouvoir d’achat, seraient nettement améliorés ; par les temps qui courent, c’est appréciable !
Par ailleurs, les mouvements spéculatifs participeront ainsi beaucoup plus au financement de la protection sociale.
Le débat mérite d’avoir lieu. C’est pourquoi j’ai souhaité qu’il soit mis sur la table dès aujourd’hui.
Je maintiens mes deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le COR n’a cessé de le répéter : le système de retraite souffre d’un problème de recettes, pas de dépenses.
Ses principales recettes proviennent des cotisations sociales : celles-ci représentaient 90 % des recettes en 1990, contre seulement 55 % en 2021, selon la Drees – et l’on sait pourquoi !
Tout est censé être compensé. Cependant, d’une part, tout ne l’est pas, d’autre part, ce qui l’est représente une perte pour les comptes de l’État, laquelle sera compensée par des réformes structurelles pour lutter contre le déficit grandissant.
Les politiques d’exonérations de cotisations représentent un manque à gagner de 74 milliards d’euros, soit sept fois le déficit du système de retraite.
L’auteur de ces amendements argue que les prélèvements obligatoires pèsent sur le coût du travail. Pourtant, le Conseil d’analyse économique (CAE) recommandait, en 2019, d’en finir avec les exonérations de cotisations au-delà de 1,6 Smic, précisément parce qu’elles sont inutiles.
Par ailleurs, cet amendement va très loin puisqu’il vise à remplacer toutes les cotisations sociales par une taxe de 1 % sur les paiements scripturaux, c’est-à-dire, entre autres, les virements : vous asséchez toutes les sources de financement de la sécurité sociale, en prétendant que le coût sera neutre, à hauteur de 350 milliards d’euros, cela est tout à fait discutable, ou du moins reste à démontrer, et ne résout de toute façon pas notre problème de recettes.
Nous avons besoin non pas de remplacer notre système de cotisations par une taxe, mais d’augmenter les ressources, ce qui doit passer par un dégel du point d’indice des fonctionnaires, une augmentation des salaires, une augmentation des cotisations, notamment sur les hauts salaires, et un meilleur partage des richesses.
La question des superprofits se pose également. Puisque vous voulez de nouvelles taxes, en voici une : selon l’Institut d’études politiques, une simple taxe fixée à 33 % des bénéfices, lorsque ceux-ci excèdent 20 % de la moyenne des années 2018 à 2021, rapporterait 7 milliards d’euros.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. Au-delà des questions comptables, ce serait une mesure de justice !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. En réponse à MM. Vanlerenberghe et Canévet, je tiens à m’engager à étudier de manière plus approfondie ce sujet, qui m’intéresse, notamment les impacts juridiques et financiers d’une telle mesure.
À vue d’œil, cela entraînerait un transfert des cotisations patronales sur le consommateur, à hauteur de 30 milliards d’euros. Cela justifie que l’on y travaille ; j’y suis très ouvert, car il est toujours bon de réinterroger notre modèle.
M. Michel Canévet. Je retire les amendements, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos 2353 et 2362 rectifié sont retirés.
Article 2 ter (nouveau)
Le premier alinéa de l’article L. 242-5 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce décret peut prévoir que les modalités de calcul du taux de cotisation permettent la mutualisation entre les entreprises des coûts liés aux maladies professionnelles dont l’effet est différé dans le temps, dans l’objectif de favoriser l’emploi des salariés âgés. »
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 2 ter, introduit à l’Assemblée nationale, mutualise entre les entreprises les coûts liés aux maladies professionnelles, dont l’effet est différé dans le temps.
Selon notre groupe, le malus de la branche AT-MP est censé favoriser une meilleure prise en compte des conditions de travail des salariés dans les entreprises. À ce titre, je rappelle que, s’agissant des critères de pénibilité, qui déterminent la sinistralité des entreprises, il y a malheureusement des inégalités entre les salariés ; je pense notamment à celles qui existent entre les femmes et les hommes.
La délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes a lancé un travail en ce sens, dont les premières auditions ont confirmé que les femmes étaient plus exposées aux risques musculo-squelettiques que les hommes. En effet, les femmes représentent 60 % des victimes de ces troubles, les ouvrières étant les premières touchées.
De plus, le manque d’ergonomie de l’environnement de travail, la multiplication des contrats précaires, des temps partiels subis et des horaires décalés, ainsi qu’une vie personnelle dense produisent un cocktail explosif. Cela explique que nombre de femmes souffrent particulièrement sur leur lieu de travail. Pourtant, la pénibilité féminine reste sous-estimée, comme l’a démontré avec brio la sociologue Caroline de Pauw.
La représentation de la pénibilité correspond encore davantage, dans l’imaginaire collectif, à l’image du mineur de fond qu’à celle de la caissière ou de l’aide à domicile. En effet, pendant très longtemps, pour la médecine, le corps standard était celui d’un homme.
Nous souhaitons que la santé au travail de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses soit mieux prise en compte par l’ensemble des entreprises. Pour ces raisons, nous considérons que la mutualisation du malus participe à la déresponsabilisation des entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article, introduit à l’Assemblée nationale, pose une question importante. Il peut être utile pour faciliter l’embauche de travailleurs ayant exercé dans plusieurs entreprises et lever un frein – notamment lorsqu’un salarié est victime d’une maladie professionnelle dans la dernière entreprise qui l’a embauché, laquelle n’est pas responsable de cette maladie.
Encore faut-il que l’exposition aux facteurs de pénibilité ne se poursuive pas au sein de la nouvelle entreprise… De fait, si l’indemnité dépend de l’ancienneté, le taux AT-MP touche l’entreprise qui licencie.
Le problème est réel, d’autant que la fragilité du travailleur liée à ces expositions passées fait de moins en moins l’objet d’une détection et d’une prévention par la médecine du travail, que vous avez méthodiquement privée de ses moyens. Aussi ne sera-t-elle pas en mesure, lors de la visite d’embauche dans la nouvelle entreprise, de veiller à l’adaptation du poste pour ce travailleur déjà exposé aux facteurs de pénibilité.
Un travailleur a de plus en plus de risques d’avoir subi au cours de son parcours professionnel une exposition à des risques, accrus par l’intensification du travail. J’ai cité précédemment l’étude de la Dares sur ce sujet.
Vous évoquez souvent, lorsque l’on évoque la mortalité au travail, l’existence de méthodologies différentes selon les pays européens. Certes, mais cela n’explique pas tout !
La France est l’un des seuls pays d’Europe où le nombre d’accidents mortels au travail, c’est-à-dire liés à des maladies professionnelles, a augmenté, passant de 557 à 585.
Cet article ne doit pas servir aux entreprises pour s’exonérer de leurs engagements et de leurs obligations en termes de protection et de préservation de la santé des salariés. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. Par ailleurs, il ne suffira pas à lever les freins à l’embauche des seniors.
Nous soutiendrons cet article.
M. Didier Rambaud. Le temps de parole n’est jamais respecté : c’est insupportable !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.
M. Jean-Claude Tissot. L’article 2 ter, qui prévoit la mutualisation entre les entreprises des coûts liés aux maladies professionnelles dont l’effet est différé dans le temps, est le bienvenu. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra une mesure qui est une partie de la réponse à l’enjeu de l’emploi des seniors.
L’extension du dispositif pour le régime des salariés agricoles est également une proposition opportune émanant des rapporteurs, car il s’agit malheureusement de professions qui sont particulièrement affectées par les accidents du travail et les maladies professionnelles. Ces travailleurs ont souvent connu plusieurs employeurs, avec des parcours pas toujours linéaires. Il était donc important que cette mutualisation s’applique également pour les régimes des salariés agricoles.
De manière plus générale, il est indispensable – nous aurons peut-être ce débat lors de la future loi d’orientation agricole – de mieux prendre en compte la pénibilité de ces métiers.
Du fait d’horaires très variables, du travail le week-end, les jours fériés et la nuit, de l’utilisation de machines de plus en plus complexes et de l’exposition aux produits phytosanitaires, les agriculteurs et les salariés agricoles sont particulièrement soumis à cette pénibilité et à ces risques, qui peuvent conduire à de très graves accidents du travail. Les troubles musculo-squelettiques constituent même la première cause des maladies professionnelles reconnues en agriculture : 93,3 % en 2016 selon la Mutualité sociale agricole (MSA).
En 2017, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a conduit une étude sur la pénibilité des métiers agricoles, laquelle a mené au renforcement des critères pour l’accès des salariés agricoles au compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP). Malheureusement, le retour en arrière sur ces critères de pénibilité, lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, aura été préjudiciable pour les salariés agricoles.
Par conséquent, l’article 2 ter est une bonne initiative pour l’emploi des seniors, notamment dans les milieux agricoles. Cette mesure doit toutefois s’accompagner d’une meilleure prise en compte de la pénibilité, que nous vous proposerons à l’article 9, mes chers collègues. (Mme Victoire Jasmin applaudit.)