Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Courageusement, elles se battent chaque jour, au péril de leur vie, pour dénoncer des régimes qui nient leur existence, qui veulent les rendre invisibles et qui les empêchent d’accéder à la culture, à l’école, au savoir et donc à leur émancipation, allant jusqu’à empoisonner des centaines d’écolières en Iran !
Leur force et leur courage nous obligent à l’action.
À l’image de ce qu’était l’apartheid racial en Afrique du Sud, ces femmes sont victimes d’un véritable apartheid sexuel.
En 1973, les Nations unies adoptaient le texte de la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid, qui a permis de prendre des mesures à l’échelle internationale en vue d’éliminer et de réprimer le crime d’apartheid.
En ce cinquantième anniversaire de cette convention, la France s’honorerait en portant une initiative auprès des Nations unies pour étendre cette convention à l’apartheid sexuel, en proposant d’inclure ce type de discrimination à l’article II définissant le terme « apartheid ».
Cette proposition, lancée par la Ligue du droit international des femmes, est soutenue par de nombreux juristes et intellectuels, parmi lesquels Shirin Ebadi, Iranienne et prix Nobel de la paix.
La France, pays des droits de l’homme, pays des Lettres persanes, aura-t-elle l’ambition et le courage de porter cette demande aux Nations unies, en y associant ses partenaires européens ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice, oui, bien sûr, nous pensons aujourd’hui, en cette Journée internationale des droits des femmes, à toutes les femmes qui sont opprimées un peu partout dans le monde.
La France est d’ailleurs l’un des rares pays à s’être doté d’une diplomatie féministe, que porte avec conviction Catherine Colonna, notamment à l’occasion du Forum génération Égalité de 2021, au cours duquel il a été décidé de consacrer 40 milliards de dollars à l’égalité femmes-hommes à travers le monde.
Avec Catherine Colonna, une de nos priorités est d’universaliser la convention d’Istanbul, qui est un des textes fondateurs des droits des femmes, puisqu’il reconnaît la violence structurelle des sociétés à l’égard des femmes. Les pays qui ont ratifié cette convention doivent prendre des mesures d’éducation, de prévention et de sanction pour protéger les femmes et les enfants. Nous avons l’ambition de porter haut et fort cette convention internationale.
Par ailleurs, nous avons lancé en 2019 un fonds de soutien aux organisations féministes dans le monde, le FSOF. J’ai rencontré un certain nombre de représentantes de ces organisations : elles sont toutes très satisfaites de l’aide qui leur est apportée.
J’ajouterai que la France, qui est le pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est aussi le pays des droits des femmes. (M. Gérard Longuet s’exclame.) Lorsqu’elle inscrira au sommet de son édifice juridique, c’est-à-dire dans la Constitution, le droit à l’interruption volontaire de grossesse, peut-être sera-t-elle aussi un phare pour toutes les femmes du monde et leur enverra-t-elle un signe d’espoir. (M. André Reichardt proteste.)
Nous pensons bien sûr à toutes ces femmes, et notre mobilisation est totale pour les droits des femmes dans le monde entier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Rachid Temal. Et la réponse à la question ?
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Madame la ministre, j’attendais un oui ou un non à ma question, rien d’autre !
Nous ne pouvons pas laisser, par notre inaction – car c’est bien de cela qu’il s’agit –, régner un tel climat de terreur envers ces femmes et ces jeunes filles à travers le monde.
Les courageuses Iraniennes et Afghanes, et toutes les femmes opprimées, combattantes de la liberté, modèles de résistance, nous donnent une leçon.
Elles ont besoin de preuves tangibles de notre soutien. Ne les décevons pas ! Ne brisons pas leur rêve ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
lutte contre les féminicides
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme Annick Billon. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en cette journée symbolique du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, ma question s’adresse à Mme la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Avant-hier, un homme a été placé en garde à vue à Poitiers : il est suspecté d’avoir défenestré sa femme.
Trois jours auparavant, en Gironde, un homme poignardait la sienne.
Depuis le 1er janvier dernier, vingt-six femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint.
Pourtant, le Président de la République a déclaré depuis 2017 l’égalité entre les femmes et les hommes grande cause nationale ; pourtant, le Grenelle des violences conjugales s’est tenu en 2019 ; pourtant, le budget consacré à l’égalité a sensiblement progressé ; pourtant, le Parlement a adopté pas moins de quatre lois.
Les chiffres sont là : quelque 130 femmes ont été tuées en 2017 et 106 en 2022. Les personnels chargés de traiter ces affaires restent insuffisamment formés. De fait, des drames auraient pu être évités si les procédures légales avaient été respectées : une plainte pour violences conjugales doit être immédiatement transmise au procureur.
Madame la ministre, vous avez récemment présenté le dispositif qui doit permettre d’aider les femmes en situation de danger à s’extraire des griffes de leur conjoint violent avant qu’il ne soit trop tard. Permettez-moi de regretter le manque d’ambition du calendrier de ce « pack nouveau départ ». Un premier test de trois mois doit être mené dans le Val-d’Oise avant d’être étendu à quatre autres territoires, dont seulement un rural et un ultramarin. La généralisation du pack au niveau national n’est envisagée que d’ici à 2025 ou à 2026.
Si le Gouvernement est convaincu par ce dispositif, pourquoi attendre aussi longtemps pour le généraliser ? Pourquoi ne pas accélérer son déploiement ? Pourquoi risquer la vie d’au moins 300 femmes ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – MM. Hussein Bourgi et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Merci, madame la sénatrice, chère Annick Billon, pour votre question.
Tout d’abord, permettez-moi d’exprimer une pensée pour toutes ces victimes. Les féminicides sont bien trop nombreux.
Depuis 2017, vous l’avez rappelé, beaucoup a été fait, que ce soit en matière de protection des victimes ou d’outils de protection : déploiement massif de plus de 3 000 téléphones grave danger, bracelet anti-rapprochement, augmentation considérable, de plus de 80 %, des places d’hébergement d’urgence, formation massive de 150 000 policiers et gendarmes.
Nous avons avancé et nous irons encore plus loin. La Première ministre a annoncé dès le début du mois de septembre 2022 le lancement du nouveau dispositif qu’est le « pack nouveau départ » afin d’aider les victimes à quitter leur conjoint, c’est-à-dire à s’extraire des griffes de ce bourreau. En effet, il est difficile de partir quand on a été pendant des années humiliée, dévalorisée et harcelée. L’objectif de ce pack est de pouvoir accorder aux victimes un certain nombre d’aides matérielles dont elles ont besoin : allocation, aide au retour à l’emploi ou à la formation, aide pour la garde d’enfant, accompagnement psychologique et, si besoin, hébergement d’urgence.
L’intérêt de ce dispositif est qu’il peut être accordé sur demande de tout signalant, c’est-à-dire potentiellement un travailleur social, un médecin, un avocat, un soignant ou une association. Ce signalant peut saisir un référent unique à la caisse d’allocations familiales ou à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) dans les zones rurales. Il donnera ainsi droit à toutes ces aides de manière prioritaire.
L’expérimentation durera douze semaines dans le premier territoire, le Val-d’Oise. Ensuite, vous l’indiquiez, quatre autres territoires suivront pour une expérimentation d’un an au total. Il faut non pas fabriquer une usine à gaz,…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. … mais répondre le mieux possible aux besoins des victimes. Pour cela, il faut un peu de temps. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
conséquences de la réforme des retraites sur la retraite des femmes
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, mes chers collègues, en affirmant que les femmes seront les grandes gagnantes de la réforme des retraites, le Gouvernement instrumentalise leur cause.
En réalité, cette réforme est dirigée contre les femmes. Elle ne corrige en rien les inégalités salariales de 28 % et les inégalités de pension de 40 %. Votre étude d’impact révèle que les femmes devront reporter l’âge auquel elles prennent leur retraite bien plus tard que les hommes.
Vous le savez et vous le saviez donc depuis le début. Cela ne vous empêche pas de continuer à tenter de nous vendre le contraire.
Il faut dire que la majorité sénatoriale vous aide bien. Quel triste et scandaleux spectacle donné hier avec l’utilisation de l’article 38 du règlement du Sénat, qui a bâillonné l’opposition avec l’accord des droites unies : Les Républicains, les centristes et les macronistes ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Max Brisson. C’est le règlement !
Mme Laurence Cohen. Votre réforme est bien une réforme de droite, monsieur Dussopt !
Alors ma question est simple : en ce 8 mars 2023, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, sortirez-vous enfin du déni et renoncerez-vous à votre réforme qui a mis hier encore des millions de femmes et d’hommes dans la rue ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Laurence Cohen, nous sommes – vous l’avez dit – le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, et vous interrogez le Gouvernement sur le contenu de la réforme des retraites en ce qui les concerne précisément.
Mme la Première ministre l’a mis en avant tout à l’heure : nous avons voulu et avons fait en sorte que la réforme que nous défendons apporte des améliorations, de plusieurs ordres, à leur situation.
Vous savez et nous savons tous que la revalorisation des plus petites pensions est envisagée de manière qu’elle soit plus bénéfique aux femmes qu’aux hommes.
M. Victorin Lurel. Et dans les outre-mer ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Pourquoi sera-t-elle plus bénéfique aux femmes ? Parce que, à l’heure actuelle, malheureusement, elles ont dans notre pays les plus petites retraites ; j’y reviendrai.
De la même manière, pour calculer l’éligibilité au départ anticipé à la retraite des carrières longues ou l’éligibilité au minimum de pension, nous retenons pour les parents au foyer un certain nombre de trimestres cotisés au titre de l’assurance vieillesse.
De la même manière, nous sommes ouverts à des amendements – ils n’ont pas pu être examinés à l’Assemblée nationale, mais ils sont déposés au Sénat – permettant de prendre en compte, pour relever le niveau de retraite des femmes, les indemnités journalières versées avant 2012. Nous sommes également ouverts à des amendements permettant d’améliorer, au sens plus large, la situation des parents confrontés à des situations très sensibles. Je pense notamment au devenir du calcul des pensions de retraite en cas de perte d’un enfant pour les familles qui ont plus de trois enfants.
Votre assemblée est saisie d’un certain nombre de propositions, notamment celle que défend le président Retailleau (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)…
M. Olivier Dussopt, ministre. … visant à surcoter les trimestres acquis par les femmes une fois qu’elles ont atteint la durée d’affiliation requise et avant l’âge d’ouverture des droits. Je peux vous assurer qu’il faut considérer cette proposition équilibrée avec la plus grande ouverture d’esprit possible.
Madame la sénatrice, vous avez rappelé que nous sommes le 8 mars. Puisque vous avez gardé du temps pour me répondre, peut-être pourrons-nous convenir en cette Journée internationale des droits des femmes que la vraie inégalité de pension naît non pas de notre système de retraite, mais des inégalités professionnelles. Nous devons porter tous nos efforts sur le chantier de l’égalité professionnelle tout au long de la vie pour que les pensions soient les mêmes entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Avec vous, monsieur le ministre, le 8 mars, c’est la journée du recul des droits des femmes ! (Protestations sur les travées du groupe RDPI.) Vous nous avez affirmé des contrevérités. Je suis en accord avec une seule chose : il faudrait, en effet, une grande loi Travail.
L’égalité entre les femmes et les hommes consiste à mettre fin aux inégalités salariales, à revaloriser les métiers féminisés – aides-soignantes, auxiliaires de vie, métiers du soin et du lien, agents de propreté, lesquels ont manifesté ce matin devant le Sénat –, mais aussi à compter comme des taux pleins les cotisations des emplois à temps partiel et à augmenter le taux d’emploi des femmes. Cela serait autant d’argent pour les caisses de sécurité sociale, permettant de renflouer le prétendu déficit justifiant ce projet régressif.
Voilà ce que serait une réforme de justice et d’égalité pour les femmes, une réforme féministe ! En ce 8 mars, les femmes sont dans la rue pour le crier. Le peuple est encore dans la rue, que cela vous plaise ou non. Toutes et tous diront non aux deux ans de vie que vous voulez leur voler ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Teva Rohfritsch et Michel Canévet applaudissent également.)
Mme Nadège Havet. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de la mer.
« La place de l’Océan dans l’agenda politique international » n’est pas « à la mesure de son rôle dans les équilibres […] planétaires » : le Président de la République dressait ce constat il y a un an, à Brest, en conclusion du premier sommet mondial qui était consacré à la question. Ce sommet, un rassemblement inédit des dirigeants mondiaux, était organisé dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, traduisant une volonté de faire avancer les dossiers.
À cette occasion avait été lancée une coalition de près de cinquante États affirmant un objectif : parvenir, enfin, après des années de négociations, à un texte contraignant sur la gouvernance de la haute mer pour mieux protéger cet espace. C’est désormais chose faite.
Après celui de décembre dernier, un deuxième accord de la plus haute importance a été conclu ce 4 mars à New York, sous l’égide de l’ONU. Il vient acter la mise en place d’un futur traité international relatif à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer. Les mesures qui y figurent ont été jugées essentielles pour nos écosystèmes, notamment la création d’aires marines protégées, désormais entérinée.
Je profite de cette prise de parole pour saluer une nouvelle fois les travaux menés par nos collègues Teva Rohfritsch et Michel Canévet sur les fonds marins. (Marques d’impatience sur les travées du groupe SER. – M. Rachid Temal mime la brasse.)
Le groupe RDPI tient à saluer cette avancée majeure pour la protection de nos océans, puits de carbone essentiels à la régulation climatique et à la lutte contre le réchauffement. Nous saluons le rôle actif joué par la France dans cette recherche d’un accord mondial.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous détailler les avancées contenues dans ce traité essentiel et les actions qu’il reste à mener pour la mise en œuvre concrète de cet instrument international juridiquement contraignant ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la mer.
M. Hervé Berville, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer. Madame la sénatrice Nadège Havet, je me permets d’abord de vous remercier pour votre engagement dans la préservation des océans,…
M. Rachid Temal. Et aussi pour la question !
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. … et de saluer celui de votre groupe et du sénateur Teva Rohfritsch.
Vous l’avez indiqué, dans la nuit de samedi à dimanche, les États membres des Nations unies ont conclu un accord sur la protection de la biodiversité marine en haute mer, soit un espace situé à 370 kilomètres des côtes.
Ce n’est pas le fruit du hasard : il y a plus d’un an, le Président de la République et l’Union européenne ont relancé les négociations sur ce texte, enlisées depuis quinze ans. Ce traité représente un tournant majeur pour la protection des océans, puisqu’il est juridiquement contraignant et vise à préserver un espace qui couvre 45 % de la surface de la planète.
Il est décisif pour au moins trois raisons.
La première raison est que ce traité contraint les États à mener des études d’impact environnemental pour toute nouvelle activité en haute mer.
La deuxième raison est qu’il ouvre la voie à la création très concrète d’aires marines protégées en haute mer.
La troisième raison, montrant à quel point ce traité est historique, est que, pour la première fois dans l’histoire des négociations environnementales, les décisions ne seront plus prises par consensus, lequel permettrait des blocages par certains États, mais à la majorité, évitant cet écueil afin d’établir, partout, des aires marines protégées.
Quelles seront les prochaines étapes ?
M. Rachid Temal. La grève des marins-pêcheurs !
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. En premier lieu, pour entrer en vigueur, il faudra que soixante États ratifient le traité. Notre objectif est que ce soit le cas d’ici à la conférence des Nations unies sur les océans qui se tiendra en France en 2025, à Nice.
En second lieu, il faut poursuivre le combat pour la protection des océans. La France continuera notamment à mobiliser pour l’interdiction de l’exploitation minière des grands fonds marins, un combat essentiel.
Nous ne pourrons pas gagner la course contre la montre climatique si nous ne protégeons pas les océans et la haute mer. C’est tout l’intérêt de ce traité conclu par les États membres des Nations unies. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
place de la france en afrique
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Joyandet. Madame la Première ministre, la France, libératrice du Mali, est chassée d’Afrique – Centrafrique, Burkina Faso, etc. – presque sans préavis.
La France, grande puissance diplomatique dont le langage doit être normalement universel et qui se doit de parler à tout le monde, se fâche avec ses partenaires. Nous avons même réussi à nous fâcher simultanément – il faut le faire ! – avec le Maroc et l’Algérie !
L’échec diplomatique est cuisant, et il est dramatique pour l’avenir. Je comptais vous demander quelle était votre politique pour l’Afrique, mais le Président de la République a déclaré le 27 février dernier : « Il n’y a plus de politique africaine de la France. » Est-ce vrai ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je connais, monsieur Joyandet, votre intérêt pour l’Afrique. Or, depuis quelque temps, voyez-vous, l’Afrique a changé, la France aussi. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Les ministres aussi, on en changera bientôt !
Mme Catherine Colonna, ministre. L’Afrique a changé depuis un certain temps, mais je suis sûre que l’ancien secrétaire d’État que vous êtes s’en est aperçu…
L’Afrique est, pour les décennies qui viennent, une terre de croissance, d’opportunités et de création. Le Président de la République a pu le constater, par exemple, lors de son déplacement la semaine dernière auprès des entrepreneurs et des artistes réunis à l’institut français de Kinshasa.
De plus, l’Afrique a changé, monsieur le sénateur, parce qu’elle n’entend plus se faire dicter par l’extérieur ce qui est bon pour elle. Les pays africains défendent leurs intérêts, avec raison, comme nous le faisons tous.
La France aussi a changé. Nous voulons sortir des visions datées. L’Afrique, ou plutôt les pays africains – vous le savez, il y a plusieurs Afrique –, ne sont pas spectateurs d’une concurrence entre puissances. Nous avons sur ce continent des partenaires et des défis communs, mais également des atouts à faire valoir : nos liens humains, nos diasporas, nos entrepreneurs, nos universités, nos réseaux culturels et le dynamisme de nos jeunesses.
La France a aussi changé parce qu’elle met en place des outils pour développer ces nouveaux partenariats. Nous savons qu’il nous faut lutter davantage contre la désinformation et les manipulations de l’information. Nous savons également quelles forces sont à l’œuvre, avançant leur stratégie qui n’est certainement pas en faveur de la paix, ni de la stabilité, ni de la prospérité des pays considérés.
En additionnant toutes nos actions, nous resterons un partenaire actif de ce continent, dans notre intérêt, dans celui de nos peuples et dans l’intérêt de l’Europe également.
M. Jacques Grosperrin. Laborieux !
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour la réplique.
M. Alain Joyandet. Si les choses ont changé, la France doit reprendre son destin en main, en Afrique comme ailleurs. Nous refusons, à la suite de la déclaration franco-américaine de novembre 2022, un éventuel copilotage de nos bases en Afrique avec nos alliés des États-Unis d’Amérique. La France est suffisamment grande pour développer seule une vraie politique en Afrique.
Madame la ministre, vous avez des moyens à votre disposition. Vous savez que nous disposons de bases prépositionnées en Afrique. Les accords sur ces bases ont été renégociés en 2010 ; ils sont vivants et utiles. Inutile de vouloir tout casser ! Les déclarations que nous avons entendues sont particulièrement inquiétantes.
Vous avez un corps diplomatique qu’il faudrait protéger et non casser. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.) Il est exceptionnel ! Avec ce corps, nous avons défini une ligne claire et intelligente pour l’Afrique : ni ingérence ni dédain. Nous ne laisserons pas tomber les pays du continent, mais, en même temps, nous ne sommes pas des colonialistes. Nous devons combattre cette idée : le Président de la République ne doit pas laisser dire que la France est un État néocolonialiste. (Mme Catherine Conconne s’exclame.) Il y va de l’honneur de la France et de notre image : nous ne devons plus être humiliés.
M. le président. Il faut conclure.
M. Alain Joyandet. Sur tous ces sujets, madame la ministre, le Sénat peut vous aider, notamment la commission des affaires étrangères et son président, Christian Cambon.
M. le président. Il faut conclure !
M. Alain Joyandet. Nous vous demandons un débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
impact de la réforme des retraites sur les femmes
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Monique Lubin. « Cette réforme protège les femmes qui ont commencé à travailler tôt, les femmes qui sont dans des métiers difficiles, les femmes qui ont dû interrompre leur carrière » : ce sont vos propos, madame la Première ministre ; vous venez, d’ailleurs, de les réitérer.
Aujourd’hui, j’ai une pensée pour les femmes que je connais dans mon département des Landes, où l’industrie agroalimentaire est très présente. Plus particulièrement, je pense à cette femme ayant témoigné, lors d’un important mouvement de grève dans une entreprise de transformation agroalimentaire, qu’elle se levait à quatre heures du matin pour aller travailler sur une chaîne d’éviscération de volailles à plusieurs kilomètres de chez elle pour un salaire à peine supérieur au Smic après de nombreuses années d’ancienneté.
Vous le voyez, madame la Première ministre, tous les critères que vous avez cités sont réunis dans son cas. J’aimerais que vous m’expliquiez comment cette loi améliorera la future retraite de cette salariée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)
M. Jean-Marc Todeschini. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Lubin, si j’ai bien compris votre question, vous avez pris l’exemple d’une femme travaillant dans une industrie agroalimentaire sur une chaîne de préparation de volailles, un travail qui est donc très physique. Si j’ai bien compris également, ce travail est posté et les départs pour s’y rendre ont lieu extrêmement tôt. Vous voulez savoir ce qui, dans notre projet de loi, permettra d’aider cette femme.
Dans notre projet de loi, au titre de la pénibilité, nous améliorons le compte professionnel de la prévention et nous diminuons de cinquante à trente le nombre de nuits de travail posté permettant d’obtenir des points au titre de la pénibilité. Si cette femme est exposée simultanément, d’une part, à des températures extrêmement basses, comme cela peut être le cas dans l’industrie agroalimentaire, et, d’autre part, à de la manutention présentant un aspect particulièrement pénible ou à des travaux de nuit, elle pourra aussi obtenir plus de points.
Si vous adoptez cet article 9, grâce à notre projet de loi, la branche professionnelle à laquelle appartient cette femme sera tenue, et même obligée, de négocier un accord de prévention de la pénibilité que nous cofinancerons à hauteur de 1 milliard d’euros. Les postures pénibles, les vibrations, le port de charges lourdes seront pris en compte et lui permettront à la fois de bénéficier de prévention, de formation à la reconversion, d’un suivi médical renforcé et, si malheureusement l’usure professionnelle faisait son œuvre, de la possibilité d’un départ anticipé.