Sommaire

Présidence de Mme Laurence Rossignol

Secrétaires :

Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

1. Procès-verbal

2. Modification de l’ordre du jour

3. Compétences de la collectivité de Saint-Barthélemy. – Adoption d’une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Micheline Jacques, auteur de la proposition de loi organique

Mme Valérie Boyer, rapporteure de la commission des lois

M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé

M. Victorin Lurel

Mme Éliane Assassi

M. Philippe Folliot

M. Stéphane Artano

M. Mathieu Darnaud

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

Mme Nadège Havet

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

Clôture de la discussion générale.

Article 1er – Adoption.

Articles 2 et 3 (supprimés)

Vote sur l’ensemble

Mme Catherine Conconne

Mme Micheline Jacques

Mme Lana Tetuanui

Mme Victoire Jasmin

M. Victorin Lurel

Adoption, par scrutin public n° 250, de la proposition de loi organique dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

4. Objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission spéciale

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Mme Cécile Cukierman

Mme Françoise Gatel

M. Éric Gold

M. Philippe Bas

M. Emmanuel Capus

M. Ronan Dantec

M. Bernard Buis

M. Christian Redon-Sarrazy

Mme Sonia de La Provôté

M. Jean-Marc Boyer

Mme Frédérique Espagnac

M. Bruno Sido

M. Christophe Béchu, ministre

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance

Avant l’article 1er

Amendements identiques nos 6 rectifié de Mme Nathalie Goulet et 230 rectifié de M. Alain Joyandet. – Retrait de l’amendement n° 230 rectifié et rejet de l’amendement n° 6 rectifié.

Amendement n° 39 de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.

Amendement n° 38 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.

Amendement n° 185 de M. Ronan Dantec. – Retrait.

Article 1er

M. Stéphane Demilly

M. Franck Menonville

M. Olivier Paccaud

Mme Angèle Préville

M. Alain Marc

M. Philippe Folliot

M. Éric Kerrouche

M. Philippe Bonnecarrère

M. Jean-Marc Boyer

M. Stéphane Sautarel

Mme Elsa Schalck

M. Patrice Joly

M. Daniel Gremillet

M. Bernard Delcros

M. Didier Rambaud

M. Ronan Dantec

M. Mathieu Darnaud

M. Cédric Vial

M. Fabien Genet

M. Daniel Breuiller

M. Guillaume Gontard

M. Daniel Salmon

Mme Cécile Cukierman

M. Jean-Marie Mizzon

M. Serge Mérillou

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Michel Canévet

M. Jean-Michel Arnaud

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Christophe Béchu, ministre

Amendement n° 186 de M. Ronan Dantec. – Rejet.

Amendement n° 231 de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.

Amendement n° 187 de M. Ronan Dantec. – Rejet.

Amendement n° 261 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 157 rectifié de M. Laurent Somon. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendements identiques nos 46 rectifié bis de M. Laurent Burgoa, 51 rectifié ter de Mme Dominique Estrosi Sassone et 139 rectifié quinquies de M. Michel Canévet. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 199 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.

Amendement n° 17 de Mme Frédérique Espagnac. – Retrait.

Article 2

Amendement n° 159 du Gouvernement

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

Amendement n° 159 du Gouvernement (suite). – Rejet.

Amendement n° 188 de M. Ronan Dantec. – Rejet.

Amendements identiques nos 7 rectifié bis de M. Étienne Blanc et 189 de M. Ronan Dantec. – Retrait de l’amendement n° 189 et rejet de l’amendement n° 7 rectifié bis.

Amendement n° 250 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 2

Amendement n° 114 rectifié bis de M. Paul Toussaint Parigi. – Retrait.

Article 3

Amendement n° 61 rectifié bis de M. Christian Bilhac. – Rejet.

Amendements identiques nos 168 rectifié de Mme Nathalie Delattre, 171 de Mme Frédérique Espagnac, 200 rectifié bis de Mme Nadine Bellurot et 236 rectifié de M. Pierre-Jean Verzelen. – Rejet des amendements nos 168 rectifié, 171 et 200 rectifié bis, l’amendement n° 236 rectifié n’étant pas soutenu.

Amendement n° 76 rectifié de M. Cédric Vial. – Retrait.

Amendement n° 190 de M. Ronan Dantec. – Rejet.

Amendements identiques nos 10 rectifié ter de Mme Françoise Gatel et 101 rectifié de Mme Cécile Cukierman. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 203 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. – Retrait.

Amendements identiques nos 5 rectifié bis de Mme Françoise Gatel, 125 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy et 167 rectifié bis de Mme Laure Darcos. – Adoption des trois amendements.

Amendement n° 59 rectifié bis de M. Max Brisson. – Adoption.

Amendement n° 8 rectifié bis de M. Étienne Blanc. – Retrait.

Amendement n° 53 rectifié ter de Mme Daphné Ract-Madoux. – Adoption.

Amendement n° 214 rectifié de Mme Amel Gacquerre. – Rejet.

Amendement n° 248 rectifié de M. François Bonhomme. – Retrait.

Amendement n° 221 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. – Rejet.

Amendements identiques nos 34 rectifié bis de M. Jean-François Longeot, 37 rectifié bis de Mme Martine Berthet et 105 rectifié bis de M. Fabien Genet. – Retrait des trois amendements.

Amendement n° 124 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Rejet.

Amendement n° 144 rectifié de Mme Angèle Préville. – Rejet.

Amendement n° 113 rectifié de M. Fabien Genet. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 4

Mme Béatrice Gosselin

Amendement n° 181 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 109 rectifié bis de M. Fabien Genet. – Retrait.

Amendement n° 24 rectifié de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.

Amendement n° 62 rectifié bis de M. Christian Bilhac. – Rejet.

Amendement n° 63 rectifié bis de M. Christian Bilhac. – Rejet.

Amendement n° 41 rectifié bis de M. Jean-François Longeot. – Rejet.

Amendement n° 110 rectifié de M. Fabien Genet. – Retrait.

Amendement n° 205 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. – Retrait.

Amendement n° 111 rectifié de M. Fabien Genet. – Retrait.

Amendement n° 192 de M. Ronan Dantec. – Rejet.

Amendements identiques nos 215 rectifié bis de M. Didier Rambaud et 228 rectifié de M. Jean-Marc Boyer. – Retrait de l’amendement n° 215 rectifié bis et rejet de l’amendement n° 228 rectifié.

Amendement n° 94 de Mme Nathalie Goulet. – Non soutenu.

Amendement n° 211 de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendement n° 212 de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendement n° 131 rectifié de M. Stéphane Demilly. – Rejet.

Amendement n° 108 rectifié de M. Fabien Genet. – Rejet.

Amendements identiques nos 40 rectifié de M. François Bonhomme, 42 rectifié bis de M. Alain Cadec, 70 rectifié bis de Mme Brigitte Micouleau, 99 de Mme Cécile Cukierman, 106 rectifié bis de M. Fabien Genet, 133 rectifié ter de M. Stéphane Demilly et 204 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. – Adoption des sept amendements.

Amendement n° 3 rectifié quinquies de Mme Sylviane Noël. – Rejet.

Amendement n° 191 de M. Ronan Dantec. – Rejet.

Amendement n° 28 rectifié bis de M. Jean-Michel Arnaud. – Adoption.

Amendement n° 132 rectifié de M. Stéphane Demilly. – Rejet.

Amendements identiques nos 52 rectifié ter de M. Étienne Blanc, 170 rectifié quinquies de Mme Agnès Canayer et 180 rectifié bis de M. Didier Mandelli ; sous-amendement n° 262 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Retrait du sous-amendement et adoption des trois amendements.

Amendement n° 224 rectifié ter de M. Bernard Delcros. – Retrait.

Amendement n° 151 rectifié bis de M. Étienne Blanc. – Retrait.

Amendement n° 243 rectifié de M. Olivier Paccaud. – Rejet.

Amendement n° 154 rectifié bis de M. Laurent Somon. – Rejet.

Amendement n° 36 rectifié de Mme Martine Berthet. – Retrait.

Amendement n° 119 rectifié de M. Cédric Vial. – Retrait.

Amendement n° 120 rectifié de M. Cédric Vial. – Adoption.

Amendement n° 246 rectifié de M. François Bonhomme. – Rejet.

Amendement n° 247 rectifié de M. François Bonhomme. – Rejet.

Amendement n° 249 rectifié de M. François Bonhomme. – Rejet.

Amendement n° 216 rectifié bis de M. Didier Rambaud. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

M. Joël Guerriau.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, compte tenu du nombre d’amendements à examiner sur la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, et en accord avec le Gouvernement et la commission spéciale, nous pourrions ouvrir la nuit de la séance de ce jour et inscrire la suite de l’examen de ce texte à l’ordre du jour du jeudi 16 mars, à l’issue de l’espace réservé au groupe RDSE et le soir.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l'exercice de compétences de l'État
Discussion générale (suite)

Compétences de la collectivité de Saint-Barthélemy

Adoption d’une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l’exercice de compétences de l’État, présentée par Mme Micheline Jacques (proposition n° 51, texte de la commission n° 405, rapport n° 404).

Conformément à l’article L.O. 6213-3 du code général des collectivités territoriales, le Sénat a consulté le conseil territorial de Saint-Barthélemy sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Micheline Jacques, auteur de la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l'exercice de compétences de l'État
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 6 rect.

Mme Micheline Jacques, auteur de la proposition de loi organique. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi organique vise à doter la collectivité de Saint-Barthélemy de la faculté de participer à l’adaptation des règles destinées à favoriser la continuité des soins dans l’île. Il s’agit d’un sujet épineux qui préoccupe la population.

Je tiens à remercier les rapporteurs Valérie Boyer et Alain Milon de leur implication et de l’intérêt qu’ils ont manifesté pour ce texte.

Le dispositif initial visait à permettre à la collectivité de Saint-Barthélemy de participer à la compétence de l’État en matière de sécurité sociale. En effet, bien que la santé soit l’objectif autour duquel se cristallise le texte, le véritable enjeu est celui du financement. Il s’agit d’assurer la continuité des soins à Saint-Barthélemy en tenant compte de l’insularité du territoire et des surcoûts liés à la petite taille de l’île et à son économie.

La proposition de loi organique s’inscrit dans le cadre de l’article 74 de la Constitution, qui permet aux collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie de participer aux compétences conservées par l’État. De la sorte, les réalités locales sont mieux prises en compte dans des domaines dont l’État doit continuer à garantir la cohésion.

Ce texte s’inscrit en outre dans la continuité de l’objectif de maîtrise de sa destinée qui a présidé à l’érection de Saint-Barthélemy en collectivité d’outre-mer. La collectivité a ainsi toujours été à l’initiative de mesures d’adaptation aux réalités du terrain, tout en ayant une relation très harmonieuse avec l’État.

Mon prédécesseur Michel Magras, ancien président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, avait lui-même porté en 2015 la demande d’une plus grande implication de la collectivité dans la définition de la politique de protection sociale, en déposant deux propositions de loi, l’une organique et l’autre ordinaire. La même année avait été créée la caisse de prévoyance sociale (CPS) de Saint-Barthélemy, sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir.

La nouvelle majorité n’a, du reste, pas fait exception à ce principe, en créant une commission ad hoc diagnostic territorial de l’offre de soins, un domaine qu’incarne avec une implication et une énergie sans faille la première vice-présidente.

Aucune collectivité d’outre-mer n’a jusqu’à présent participé à la compétence de l’État en matière de sécurité sociale. Une fois de plus, Saint-Barthélemy propose d’innover, comme elle l’a fait déjà pour plusieurs dispositifs. Elle est ainsi la seule collectivité à avoir renoncé au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Et les missions du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) et de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) sont assurées par des services de la collectivité, en lieu et place d’un établissement public et d’un groupement d’intérêt public (GIP).

Ce texte n’a pas la prétention d’être révolutionnaire. Il tend simplement à utiliser les outils d’adaptation offerts par le statut de collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie. Il est la traduction d’une demande qui n’est pas nouvelle. En effet, depuis plusieurs années, les élus ont alerté les gouvernements sur la dégradation de l’offre de soins, en particulier hospitalière. Cette dégradation a connu une accélération ces derniers mois.

Le coût de la vie, en particulier le niveau vertigineux des loyers, combiné aux difficultés du quotidien sur un territoire de 21 kilomètres carrés, contraint la mise en œuvre des politiques publiques. Fidéliser les médecins hospitaliers pour permettre un fonctionnement continu de l’hôpital requiert de tenir compte d’un tel contexte.

L’île est dotée d’un établissement de proximité, l’hôpital de Bruyn. Pour les cas les plus graves, elle est dépendante des évacuations sanitaires vers les centres hospitaliers de Saint-Martin – cela représente 80 % des évacuations –, de la Guadeloupe ou de la Martinique. Les évacuations sont prises en charge par le budget de l’hôpital. La piste est trop courte pour permettre à des aéronefs de plus de vingt places d’atterrir, et les évacuations ne peuvent être effectuées sur des lignes régulières. Leur coût pèse donc sur les dépenses hospitalières.

Ainsi, en 2022, 194 évacuations ont été réalisées, pour un coût de 600 000 euros pour l’hôpital, alors que la dotation est de 420 000 euros. L’impossibilité d’atterrir de nuit est l’autre contrainte des évacuations sanitaires. Lorsque l’hôpital fonctionne en sous-effectifs, au-delà d’un certain nombre d’évacuations sanitaires, il n’y a plus de médecin urgentiste présent. Il s’agit donc de disposer sur place des ressources médicales chaque fois que cela est possible.

C’est non pas la taille de la population, mais les besoins et les risques qui doivent être les critères de définition de l’offre de soins. Je veux ici rassurer le Sénat et le Gouvernement. L’attachement au principe de solidarité n’est pas remis en cause. En effet, la présente proposition de loi organique ne vise en aucun cas à lier capacités contributives et dépenses de santé, mais à les ajuster aux besoins réels. La population de Saint-Barthélemy est en droit d’attendre une offre de santé aussi large que possible sur un petit territoire insulaire. Surtout, depuis dix ans, le projet politique s’est bâti sur l’existence d’un « excédent » des comptes territoriaux que jamais personne n’a pris la peine d’infirmer, alors que les élus s’en prévalaient.

Le budget de l’hôpital affiche une dépense de 251 000 euros annuels pour loger des personnels. En déficit d’attractivité, celui-ci recrute difficilement des intérimaires, peu impliqués. Avec la probable adoption de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite proposition de loi Rist, des contraintes supplémentaires s’appliqueront à ces recrutements. Durant plusieurs années, l’hôpital de Bruyn a fonctionné, disons-le, selon une organisation propre aux médecins de l’île. Le retour légitime aux règles de droit commun de fonctionnement d’un établissement hospitalier a conduit au départ de la quasi-totalité des médecins hospitaliers basés à Saint-Barthélemy.

La réalité de l’île, c’est aussi que le laboratoire de biologie médicale n’est plus aux normes, notamment d’accessibilité, et a besoin de s’agrandir. Mais il ne peut pas supporter un loyer multiplié par trois.

La CPS est en réalité un démembrement de la Mutualité sociale agricole (MSA) Poitou, qui a permis de proposer un service de proximité jusque-là inexistant. Saint-Barthélemy doit pouvoir, comme les autres collectivités d’outre-mer qui le souhaitent, disposer de sa caisse propre, même non autonome.

Par ailleurs, l’absence de personnalité morale de la CPS soulève deux questions majeures : d’une part, celle de la fiscalité des pensions de retraite du régime général, d’autre part, celle de l’efficacité du recouvrement distant des cotisations, comme en attestent les chiffres. En effet, nous avons découvert que les impayés de cotisations représentaient plus de 97 millions d’euros. Pour une île comme Saint-Barthélemy, et au regard de son niveau d’activité économique, c’est inadmissible !

À la suite du diagnostic établi par la majorité actuelle, plusieurs pistes ont été lancées : le partage de la compétence santé par le biais d’une agence territoriale de la santé ; la construction d’un pôle hospitalier qui regrouperait l’hôpital, des logements, le laboratoire et une maison de santé accueillant ponctuellement des spécialistes ; la nomination d’un coordinateur de santé.

La réglementation de la santé stricto sensu ne pose pas de difficultés à Saint-Barthélemy. C’est l’organisation et le financement des soins, en particulier hospitaliers, qui doivent être mieux adaptés pour prendre en compte des réalités incompressibles de l’île, comme le coût de la vie et les contraintes de l’insularité.

Le projet, ambitieux à l’échelle de l’île, de construction d’un hôpital est à l’étude. Mais, j’en suis convaincue, la structure n’est pas le problème, pas plus qu’elle n’est la solution. La restructuration de l’offre hospitalière doit être pensée en tenant compte de l’achèvement prochain d’un hôpital de dernière génération en Guadeloupe. L’idée de développer le tourisme médical de luxe a également été évoquée au cours des travaux préparatoires, mais elle est inadaptée à la clientèle de Saint-Barthélemy.

Je ne peux pas m’empêcher d’évoquer la querelle qui oppose la collectivité à la direction hospitalière s’agissant de la propriété du foncier. Le terrain sur lequel est construit l’hôpital de Bruyn a une dimension patrimoniale collective pour les habitants de Saint-Barthélemy, où l’État est arrivé tardivement.

L’ancien président Bruno Magras avait proposé que les 4,7 millions alloués par le Ségur de la santé soient plutôt affectés au fonctionnement de l’hôpital, véritable nœud du problème, et que le financement des investissements soit laissé aux soins de la collectivité. Dans son sillage, les nouveaux élus sont prêts à réaliser les investissements nécessaires pour rénover le bâtiment, mais ils estiment que la collectivité ne peut investir tant que le foncier ne lui aura pas été transmis. C’est une demande que je relaie et que je soutiens.

La collectivité s’est régulièrement impliquée dans l’amélioration des soins. Le président Bruno Magras a fait le choix stratégique d’orienter la générosité vers l’achat d’équipements médicaux plutôt que vers d’autres postes de dépenses. Ainsi, un scanner a été offert et l’hôpital a pu faire l’acquisition d’un mammographe. La collectivité a fait construire un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dont elle a mis la buanderie et la cuisine à la disposition de l’hôpital. Ces mesures ont permis d’alléger les charges de fonctionnement de ce dernier et ont fait faire des économies à la sécurité sociale, qui éviter de payer le coût d’un aller-retour à Saint-Martin pour chaque examen.

La collectivité, bien que prête à faciliter le logement des personnels hospitaliers et enseignants, ne dispose pas aujourd’hui d’un parc de logements suffisant. Les constructions ne pourront pas être achevées avant deux, voire trois ans.

Le Sénat a bien compris ma démarche, comme en témoigne le rapport pour avis d’Alain Milon : « La présente proposition de loi organique (PPLO) propose une avancée équilibrée par ce qui s’apparente à un “droit de proposition” de la collectivité. » Avec une pertinence qui ne surprendra personne, les rapporteurs ont apporté des modifications au dispositif initial pour parvenir à un équilibre qui crée aussi les conditions de l’indispensable prise en compte de la volonté locale par l’État. L’expérimentation sur une durée de cinq ans laissera le temps d’évaluer l’intérêt de cette nouvelle faculté offerte à la collectivité : la majorité actuelle ou, le cas échéant, la prochaine pourra s’en saisir.

Je terminerai mon propos avec cet extrait du rapport de Michel Magras sur la différenciation : « L’État doit désormais accompagner les collectivités ultramarines pour nourrir leurs capacités propres d’expertise et leur garantir une véritable autonomie qu’elles peuvent mettre au service de leur développement endogène. Cela vaut dans tous les domaines. » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Valérie Boyer, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chère Micheline Jacques, la proposition de loi organique que nous examinons aujourd’hui entend répondre à un problème qui mérite toute notre attention : les inacceptables difficultés que rencontrent au quotidien nos compatriotes de Saint-Barthélemy dans l’accès à une offre de soins complète et adaptée aux particularités de leur insularité.

L’île de Saint-Barthélemy, située à 25 kilomètres au sud-est de Saint-Martin, 230 kilomètres du nord-ouest de la Guadeloupe « continentale » et 6 500 kilomètres de Paris, est très dépendante des territoires voisins de Saint-Martin et de la Guadeloupe pour la prise en charge des cas graves ou complexes.

Le problème est pourtant connu de longue date. Les élus locaux, et particulièrement les sénateurs de Saint-Barthélemy – je pense à notre ancien collègue Michel Magras, qui a été cité, et à Micheline Jacques, qui lui a succédé –, ont régulièrement alerté sur le manque d’adaptation des règles nationales aux réalités locales et sur la dégradation de l’offre soins préjudiciable aux habitants de l’île.

Lors des auditions que j’ai menées avec Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, nous avons pu constater que les difficultés rencontrées par les habitants et les personnels soignants persistaient aujourd’hui encore et étaient de quatre ordres.

Premièrement, certaines prestations et certains actes pourtant indispensables pour le fonctionnement quotidien d’un hôpital ne sont aujourd’hui pas réalisés sur l’île ; je pense en particulier au dépôt de sang.

Deuxièmement, les services de soins font face à des difficultés techniques et opérationnelles qui nuisent à la prise en charge optimale des assurés de Saint-Barthélemy. Ainsi, faute d’éclairage des pistes des aérodromes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, les évacuations sanitaires ne peuvent pas avoir lieu la nuit.

Troisièmement, des obstacles réglementaires empêchent la pleine adaptation de l’offre de soins au territoire, malgré les demandes répétées des élus et des acteurs locaux de la santé. En effet, en application d’une disposition réglementaire nationale, la pharmacie de l’hôpital Irénée de Bruyn ne peut être gérée aujourd’hui que par un pharmacien universitaire, alors que l’établissement ne dispose que de dix lits… Faute d’adaptation de cette règle aux réalités locales, l’activité de la pharmacie hospitalière est aujourd’hui menacée.

Quatrièmement, les services de soins peinent aujourd’hui à fidéliser les praticiens hospitaliers sur le territoire, en raison, d’une part, des contraintes d’exercice sur celui-ci, d’autre part, du coût exorbitant des logements pour ces personnels. Ce point a été évoqué par Micheline Jacques.

La proposition de loi organique apporte une première solution pragmatique et équilibrée à cet ensemble de difficultés en prévoyant de confier à la collectivité de Saint-Barthélemy un pouvoir de proposition dans les domaines de l’assurance maladie et du financement des établissements et services de santé qui relèvent de la compétence de l’État.

Reposant sur une approche « ascendante », que je sais chère à notre assemblée, ce texte atteint un point d’équilibre satisfaisant entre l’exigence d’adaptation, trop longtemps attendue, des normes aux réalités locales et la nécessité de conserver un cadre garant des grands principes de la sécurité sociale sur l’ensemble du territoire national.

Lors de son examen en commission des lois, nous avons retravaillé la proposition de loi organique, afin de recourir à l’expérimentation pour cette modification, certes limitée, mais novatrice, du partage des compétences en matière de santé entre l’État et la collectivité de Saint-Barthélemy.

D’une durée de cinq ans, une telle expérimentation permettra de mesurer les effets de ces dispositions et de les évaluer avant d’en envisager la pérennisation. Les outils doivent être pleinement mobilisés tant ils permettent une réelle différenciation des normes, particulièrement pour des territoires comme les outre-mer qui doivent trouver, dans notre cadre juridique, les moyens concrets d’une adaptation des normes nationales à leurs réalités si spécifiques.

Aussi, il importe que la collectivité puisse disposer de nouvelles procédures organiques pour renforcer la prise en compte par l’État des spécificités de l’île sans pour autant battre en brèche le principe d’une compétence étatique en la matière. C’est pourquoi nous avons, à l’occasion du travail en commission, souhaité renforcer les garanties applicables en la matière aux initiatives qui seraient prises par la collectivité.

À ce stade de mon propos, je me dois néanmoins, mes chers collègues, d’être franche : si cette proposition de loi marque une première avancée salutaire, elle ne pourra pas régler à elle seule l’ensemble des difficultés rencontrées sur l’île en matière d’offre de soins.

Je déplore malheureusement l’inertie de l’État sur ce sujet particulier. À titre d’exemple, à la suite de l’expérimentation concluante visant à accorder aux directeurs généraux d’agences régionales de santé (ARS) un pouvoir de dérogation pour adapter certaines normes aux réalités locales de leur territoire lancée en 2017, le Gouvernement s’est engagé au mois de novembre 2021 à la pérenniser en généralisant ces dispositions à l’ensemble du territoire national.

Comment expliquer que le Gouvernement n’ait toujours pas pris le décret qui avait été pourtant annoncé, alors même que l’ensemble des élus et des acteurs locaux de la santé auditionnés en ont souligné l’importance pour améliorer l’offre de soins de Saint-Barthélemy et ont insisté sur leur souhait de s’en saisir sans plus attendre ?

Madame la ministre, l’État doit se montrer à la hauteur des enjeux et jouer pleinement le rôle qui lui incombe en la matière : vous pouvez compter sur notre vigilance. J’espère qu’une date de parution du décret nous sera donnée.

Pour finir, et c’est un point sur lequel je souhaite insister tout particulièrement, nous avons dû mener nos travaux sans disposer, d’une part, des conclusions d’un rapport demandé par le Parlement voilà plus d’un an sur l’organisation du système de santé et de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy, d’autre part, des chiffres de la consommation de soins par les assurés de Saint-Barthélemy, que le Gouvernement s’obstine à ne pas publier.

Cela n’est ni compréhensible ni acceptable par les législateurs que nous sommes, et illustre le peu de considération porté par le Gouvernement à notre endroit. Lorsque nous demandons des chiffres, la moindre des choses serait de nous les donner ! Sinon, comment pouvons-nous jouer notre rôle ?

Indépendamment de ces remarques de méthode, la présente proposition de loi est nécessaire. Je souhaite remercier Micheline Jacques, auteur de la proposition de loi, et Alain Milon, rapporteur pour avis, avec qui j’ai eu le plaisir de travailler, comme nous l’avions déjà fait par le passé.

Cette proposition de loi, qui a été négociée, est équilibrée et consensuelle. Elle me semble à même d’emporter, sur un sujet d’une particulière importance, une large adhésion aujourd’hui. J’espère que le Gouvernement accompagnera favorablement et soutiendra ce texte, imaginé et rédigé, après consultations, par notre collègue Micheline Jacques pour le territoire ultramarin de Saint-Barthélemy.

J’ai confiance, mes chers collègues, dans le fait que ce texte équilibré recueillera votre assentiment. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Saint-Barthélemy n’est pas ce que l’on désigne parfois sous la dénomination un peu malheureuse de « désert médical ». Néanmoins, des lacunes persistantes ont été identifiées en matière de santé.

Ainsi, certaines spécialités médicales ne sont pas représentées sur l’île – je pense à la cardiologie – ou sont d’un accès limité. Surtout, l’offre hospitalière est fragile, puisque l’hôpital, qui compte dix lits de médecine de courte durée et qui est le seul établissement de santé de l’île, peine à pourvoir les postes ouverts et à recruter, notamment des urgentistes, en nombre suffisant. D’ailleurs, c’est malheureusement le cas un peu partout en ce moment.

C’est au demeurant l’une des préoccupations de notre collègue auteure du texte, qui alerte sur les ruptures dans la continuité des soins. L’attractivité médicale est, comme ailleurs en France, une préoccupation majeure, alors que le coût des logements sur l’île est assurément incompatible avec les rémunérations proposées ou les moyens de l’hôpital.

Au-delà de l’offre présente, c’est bien davantage l’offre manquante sur laquelle les élus ont régulièrement interpellé le Gouvernement. Ils continuent de le faire aujourd’hui.

Alors que le territoire est dépendant de Saint-Martin et de la Guadeloupe pour la prise en charge des patients dans les cas les plus graves, et particulièrement les urgences, les évacuations sanitaires, les fameuses Evasan, cristallisent pour partie des revendications maintenant anciennes. Ces évacuations, au nombre de 183 en 2022, doivent se faire par voie aérienne et sont parfois compromises. Les pistes des aéroports de Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont impossibles à utiliser de nuit, et l’envoi d’un hélicoptère de la Guadeloupe réduit les moyens de celle-ci pendant plusieurs heures. Une étude est annoncée sur la question, mais le problème est identifié depuis vingt ans…

Ces différentes questions, à l’instar d’autres problématiques d’inadaptation du droit commun à la configuration de l’île de Saint-Barthélemy, tardent à trouver des réponses. Je pense ici à la prise en charge des Evasan au regard des lignes régulières disponibles, mais aussi, par exemple, à la question du dépôt de sang sur le territoire, que Valérie Boyer a évoquée. Ces problèmes pourraient pour partie trouver une solution grâce aux services de l’État. Ainsi, un décret en Conseil d’État a été maintes fois évoqué, mais n’a toujours pas été publié.

Je rappelle que la commission des affaires sociales avait, à la suite de la mission à Mayotte en 2022, appelé à donner aux directeurs généraux d’agences régionales de santé outre-mer des pouvoirs de dérogations accrus pour adapter le droit aux réalités ultramarines. Encore faut-il que les textes réglementaires suivent et répondent aux demandes des services sur place.

Or on constate trop souvent une inertie des gouvernements pour apporter des solutions concrètes aux problèmes posés par l’insularité ou l’éloignement de ces territoires. À titre d’exemple, le rapport prévu par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, sur l’organisation des soins outre-mer, en particulier à Saint-Barthélemy, n’a pas été produit à ce jour, soit plus de six mois après l’échéance prévue !

La proposition de notre collègue Micheline Jacques est présentée comme un moyen d’apporter des solutions à des problèmes structurels qui appellent des réponses urgentes et durables. Par cette participation à une compétence de l’État, il est ainsi organisé ce que nous pourrions qualifier de « droit de proposition » formel de la collectivité à l’adresse de l’État, en laissant à ce dernier la pleine compétence.

J’insiste sur ce point, auquel la commission des affaires sociales est très attachée : la santé et la sécurité sociale demeurent et doivent demeurer des compétences de l’État. Il n’y a ici aucun transfert ou partage proposé. J’ai d’ailleurs insisté en commission sur le fait que de telles revendications ne sauraient être recevables au motif que certains territoires seraient hypothétiquement des « contributeurs nets » de la sécurité sociale. S’il est nécessaire que les territoires puissent intervenir et proposer des adaptations locales au droit commun, c’est à l’État d’assumer ses responsabilités.

Pour une île comme Saint-Barthélemy, un tel principe est d’autant plus fondamental que l’offre de soins ne peut se concevoir qu’en cohérence avec celle qui est disponible à Saint-Martin ou en Guadeloupe, où – je le rappelle – un nouveau centre hospitalier universitaire (CHU) est en construction.

C’est en ayant à cœur d’accompagner l’amélioration nécessaire du système de santé de Saint-Barthélemy par la garantie de la cohérence de l’offre de soins à l’échelle régionale et la continuité de la prise en charge des patients que la commission des affaires sociales et la commission des lois vous invitent, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi, sous réserve d’une transformation du dispositif envisagé en une expérimentation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée examine cet après-midi une proposition de loi visant à permettre à la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy de participer à l’exercice de compétences de l’État.

Votre chambre est bel et bien la représentante et le porte-voix, si vous me permettez cette expression, de tous les territoires dans leur diversité. Le débat qui nous occupe aujourd’hui y a donc toute sa pertinence. Il permettra, je l’espère, de lever les incompréhensions qui pourraient persister et d’apporter des réponses aux interrogations soulevées. C’est en tout cas ma volonté et celle du Gouvernement.

Cette initiative sénatoriale s’inscrit, parmi les travaux de la Haute Assemblée, dans une histoire : celle d’une préoccupation légitime des parlementaires que vous êtes face aux difficultés et inquiétudes de nos compatriotes ultramarins. C’est toute l’action de Michel Magras qui se poursuit. Cette proposition de loi de la sénatrice Micheline Jacques en est l’illustration.

Avant d’en venir au texte, j’aimerais aborder plusieurs points qui ont été évoqués lors des débats en commission.

Vous avez regretté le manque d’adaptation des règles nationales aux réalités locales et une dégradation de l’offre de soins. Au-delà, votre commission a déploré un engagement financier insuffisant de l’État et la persistance de difficultés rencontrées par les habitants et les personnels soignants.

Je souhaiterais attirer l’attention de votre assemblée sur plusieurs points.

Le rapport de la commission souligne les difficultés des services de soins en matière d’évacuations sanitaires, faute d’éclairage des pistes des aérodromes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, ce qui entraînerait une perte de chance pour les patients.

Je puis d’ores et déjà vous dire que l’aéroport de Saint-Martin Grand-Case est en train d’être équipé sous l’égide du préfet pour permettre des atterrissages de nuit dans le courant de 2023.

Par ailleurs, une étude en cours vise à examiner les possibilités de recours à un hélicoptère pour assurer les trajets entre les deux îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin et améliorer le marché des Evasan actuellement en vigueur. Les conclusions en seront connues au mois de mai prochain, ce qui permettra d’avancer avec l’ensemble des acteurs concernés et de résoudre cette difficulté réelle que vous évoquez.

A également été soulignée la difficulté de réaliser certaines prestations et certains actes, comme le dépôt de sang, alors qu’ils sont indispensables au travail quotidien des personnels soignants et à la qualité des soins.

Face à ces problèmes du quotidien rencontrés par nos concitoyens, il nous faut trouver des solutions concrètes et apporter de la souplesse.

La parution d’un décret en Conseil d’État permettra l’adaptation des modalités de fonctionnement de l’offre de soins aux spécificités locales grâce au futur pouvoir de dérogation du directeur général de l’ARS.

C’est également dans ce cadre que certains obstacles réglementaires auxquels vous avez fait référence, comme la pharmacie à usage intérieur du CHU de Bruyn ou le fonctionnement des urgences sur l’île, pourront être levés.

Je m’inscris en faux contre le supposé manque de considération du Gouvernement s’agissant de la situation de l’île. Il faut le rappeler, face à la tragédie qu’a constituée l’ouragan Irma en 2017, la collectivité de Saint-Barthélemy et celle de Saint-Martin ont pleinement bénéficié de la solidarité de l’État et de la sécurité sociale. L’enveloppe globale consacrée au soutien face aux conséquences de l’ouragan a représenté près de 500 millions d’euros pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, soit 11 000 euros par habitant.

En outre, l’État a soutenu les entreprises en facilitant le déclenchement du dispositif d’activité partielle et en proposant un moratoire sur les charges sociales patronales. Lors de la crise du covid, il a également pris toute sa part dans le soutien aux entreprises du territoire, versant près de 1,4 million d’euros d’aides au paiement des cotisations.

Vous le voyez, face à aux difficultés, l’État est au rendez-vous et – je peux vous l’assurer, madame la rapporteure – compte continuer en ce sens.

Je veux également revenir sur la situation globale de l’offre de soins à Saint-Barthélemy et évoquer les supposés excédents des comptes de la caisse de prévoyance sociale locale, comme le laisse entendre l’exposé des motifs de cette proposition de loi.

Il faut le rappeler, les flux de cotisations et de prestations versés sont centralisés au niveau des caisses nationales de sécurité sociale, en particulier de l’Urssaf Caisse nationale (ex-Acoss) et de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), puisque le principe de solidarité s’applique. Il n’existe donc pas d’autonomie financière des caisses locales, celles-ci ne pouvant pas décider librement de l’allocation de leurs recettes tirées des cotisations.

La CCMSA du Poitou retrace dans un outil spécifique les recettes et les dépenses relatives à sa gestion de la sécurité sociale pour Saint-Barthélemy. La CPS de l’île elle-même n’indique pas toutes les dépenses de santé ; celles des établissements sociaux et médico-sociaux ou certains types d’aides apportées aux professionnels de santé échappent en particulier à son champ de compétence. Ainsi, le financement du centre hospitalier de Bruyn et des Evasan, qui s’élève à 8,5 millions d’euros, est presque entièrement abondé au travers de dotations de l’ARS. De même, la CPS ne prend pas en charge toutes les recettes, car elle ne gère pas tous les cotisants de l’île en raison de la complexité de certains dispositifs. En outre, ses dépenses de gestion et d’autres, comme celles qui sont liées aux échanges de données, ne sont pas prises en compte.

Permettez-moi d’illustrer mon propos par quelques chiffres.

Le montant des prestations concernant la branche maladie versées à Saint-Barthélemy s’élève en 2021 à 18,15 millions d’euros. Dans le même temps, les cotisations maladie et la contribution sociale généralisée (CSG) dues avoisinent les 19 millions d’euros. Ce dernier chiffre est à mettre en regard avec les dettes de cotisations restées impayées auprès de la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de Guadeloupe, qui s’élèvent à 66 millions d’euros. Cette situation budgétaire complexe trouve son explication dans la multiplicité des plans de soutien liés aux différentes crises climatiques et sanitaires auxquelles a été confrontée l’île de Saint-Barthélemy. Loin de moi la volonté d’insister sur ces éléments chiffrés, mais il était nécessaire de rappeler que Saint-Barthélemy a bénéficié et bénéficiera encore, si le besoin s’en faisait sentir, de la plénitude de la solidarité nationale.

Vous évoquez légitimement la remise d’un rapport sur l’organisation du système de santé et de la sécurité sociale sur place. Je peux d’ores et déjà vous annoncer qu’il sera transmis au Parlement d’ici au mois d’avril.

M. Mathieu Darnaud. Déjà ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Ce sera l’occasion de préciser les données chiffrées, sur lesquelles le dialogue a peut-être manqué de clarté ces dernières années.

Le Gouvernement ne partage donc ni le postulat à l’origine de cette proposition de loi ni la volonté d’autonomisation de la sécurité sociale qui en découle, même dans le cadre d’une expérimentation, comme cela est envisagé par la commission. Une telle démarche se heurte à nos principes de solidarité et d’égalité entre les citoyens, qui fondent notre système de sécurité sociale. La situation appelle néanmoins des réponses concrètes et rapides aux besoins d’accès aux soins des habitants de Saint-Barthélemy.

Le Gouvernement souhaite le rappeler, différents outils offrent déjà à la collectivité territoriale la possibilité d’intervenir pour améliorer l’offre de soins sans qu’il soit nécessaire de recourir à une compétence partagée. Je pense à sa participation au conseil de surveillance de l’ARS Guadeloupe, dans laquelle est inclus Saint-Barthélemy, et à l’élaboration du futur projet régional de santé d’ici à la fin de l’année 2023. Je songe également à la faculté pour les collectivités territoriales, depuis la loi 3DS, de participer volontairement au financement du programme d’investissement des établissements de santé.

Répondrons-nous ensemble avant tout au travers d’évolutions institutionnelles aux avancées très concrètes dont Saint-Barthélemy a besoin pour améliorer l’accès aux soins ? Le Gouvernement est déjà pleinement engagé dans des travaux – ils sont nombreux – en faveur de l’accès aux soins à Saint-Barthélemy.

Je n’en citerai que deux. Une étude a été lancée au sujet de l’éventuelle mise en place à Saint-Barthélemy d’un centre de périnatalité de proximité, afin de sécuriser la prise en charge avant transfert des parturientes à Saint-Martin. Un projet de restructuration du centre hospitalier de Bruyn, pour améliorer le fonctionnement de ses services, est également à l’étude avec 4,7 millions d’euros de crédits issus du Ségur de la santé. Cette structure de proximité est appréciée des habitants. Il faut accompagner sa modernisation et l’efficacité des soins qui y sont prodigués. Est-il dès lors réellement nécessaire de construire un nouvel hôpital ?

Au-delà de ces constats, je conclurai mon propos en soulignant que la santé constitue un axe majeur de la méthode de refondation voulue par le Président de la République. Après une première phase territoriale, qui s’est achevée au mois de décembre dernier, la nouvelle étape du Conseil national de la refondation (CNR) santé a bel et bien vocation à entrer dans le cœur des solutions. François Braun et moi-même aurons l’occasion de revenir sur sa déclinaison pour construire des solutions adaptées. Au cœur de la philosophie d’application du CNR, le droit de dérogation aux normes réglementaires constitue ainsi un levier d’action puissant, à même d’apporter des réponses aux besoins de santé spécifiques de Saint-Barthélemy comme de l’ensemble des territoires.

Le comité interministériel pour les outre-mer (Ciom) qui se tiendra le 19 mai prochain sera également un rendez-vous essentiel pour apporter des réponses concrètes et fortes aux besoins de santé du territoire. Nous travaillerons avec le ministère des outre-mer et l’auteur de cette initiative pour construire ensemble des solutions pérennes. (Mme Nicole Duranton applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Victorin Lurel. Madame la présidente, mes chers collègues, je vous l’avoue, après avoir entendu les propos de Mme la ministre, qui ont remis en cause tous mes a priori favorables, je suis un peu gêné pour commencer mon discours.

J’ai entendu égrener un ensemble de chiffres impliquant l’inexistence de la différenciation du point de vue de la comptabilité, faute d’autonomie, avec une impossibilité de connaître exactement les résultats au sein des différentes caisses. Toutefois, j’ai également cru comprendre que la branche maladie serait légèrement excédentaire à Saint-Barthélemy : 19 millions d’euros de recettes contre 18 millions de dépenses. Mais il faut ajouter une dette de 70 millions d’euros.

Malgré cette dette, une collectivité, refusant de se défausser, demande pour la première fois, au nom du principe – si j’ose dire – presque sacré de solidarité nationale, à financer à la place de l’État. Et vous refusez, madame la ministre ! C’est assez étonnant.

Pour ma part, j’étais tout à fait satisfait – je ne suis pas le seul ici – de l’excellent travail réalisé par la commission des affaires sociales, qui était saisie pour avis, pour trouver le bon périmètre et les réponses pertinentes. Pourtant, en face, le Gouvernement vient nous assurer qu’il a toujours agi, promettant de mettre en place une liaison par hélicoptère. Voilà vingt ans que je suis parlementaire, dont dix ans comme député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, et voilà vingt ans que j’entends la même chose !

Cette proposition de loi a l’air de satisfaire tout le monde sauf le Gouvernement, malgré l’excellent travail de la commission. Puisque notre rapporteure a été franche, je le serai aussi. Comme je l’ai précisé à Micheline Jacques, nous connaissions les difficultés posées par le texte, qui a été réécrit, et bien réécrit.

L’idée d’une expérimentation me laisse un peu dubitatif. Comment généraliser ensuite ? La collectivité de Saint-Martin demandera-t-elle à bénéficier de la même chose, surtout après l’expérience de la Polynésie française, qui a dû se tourner vers l’État pour lui faire assurer la gestion de la crise covid, reconnaissant qu’elle n’avait pas les moyens de ses compétences ? Et quid des autres territoires qui bénéficient d’une autonomie, même s’il s’agit d’autonomies à géométrie variable ?

Comment généraliser une expérimentation ayant seulement vocation à rester cantonnée à Saint-Barthélemy ? Envisagez-vous une généralisation dans le temps, par exemple pour cinq ans, afin de voir s’il convient ensuite de pérenniser ou non ? Ce sera déjà une déformation de l’esprit de l’expérimentation. Je suis un peu sceptique.

La commission a fait preuve de prudence. Compte tenu des incertitudes liées au caractère monosectoriel de l’économie concernée, il est difficile de savoir si la collectivité sera capable de dégager des excédents à l’avenir. Saint-Barthélemy souhaite remplir une fonction qui n’est pas la sienne, la santé étant une compétence exclusive, quasi régalienne, de l’État. Elle demande à cofinancer sans partager la responsabilité. Ce serait un pouvoir de proposition et de cofinancement.

Comment atteindre un tel objectif ? La proposition de loi organique a circonscrit les compétences au seul périmètre de l’assurance maladie, dont les comptes sont tout juste équilibrés. La formulation première élargissait les compétences à toute la CPS, une caisse qui porte ce nom tout en étant seulement, disons-le clairement, une CPS croupion. En effet, elle se réduit à un comité de suivi adossé à la CCMSA Poitou et ne tient même pas de comptabilité analytique.

Se pose un problème de compréhension de la loi organique. Nous croyons en la différenciation. C’est ce qu’a rappelé avec quelque ardeur, en lettres de feu, le président Larcher lors de son récent déplacement en Guadeloupe et en Martinique. Et cette différenciation, vous la refusez, madame la ministre.

Pourtant, l’organisation territoriale et des professions de santé relève de votre compétence ! Cela dit, je ne vous cacherai pas que j’ai été étonné de ne pas voir le ministre délégué chargé des outre-mer dans cet hémicycle. Certes, vous le représentez, car cette proposition de loi organique s’inscrit dans le champ de vos compétences. Mais si c’est pour vous entendre dire ce que vous avez dit…

Nous pensons tous, me semble-t-il, que la proposition de loi organique est un bon texte. C’est un texte prudent, qui a été pesé et soupesé, équilibré. Pour être plus franc encore, peut-être les élus de Saint-Barthélemy caressent-ils d’autres projets. Peut-être veulent-ils étendre davantage leurs compétences au niveau des GHT ?

Il n’en demeure pas moins que le texte élaboré par la commission est de nature à faire émerger un consensus solide. De fait, une expérimentation vise bien à observer si une délégation est solide, pertinente et efficace. Or vous récusez tout.

Je ne vois pas ce que vous proposez à la place. Pour avoir réalisé des appels un peu partout, je pense savoir que vous attendez pour vous prononcer la réunion du Ciom, en disant qu’il est urgent d’attendre. Hâtons-nous lentement : festina lente !

La réunion du Ciom était prévue pour le mois d’avril prochain. Créé en 2009, ce comité doit normalement être dirigé par le Président de la République ou, à défaut, par la Première ministre. Attendre la réunion du Ciom pour observer s’il y a consensus sur cette proposition n’apportera rien au texte. Sa formulation est déjà la plus prudente et équilibrée, de nature à rassurer l’État.

Par ailleurs, ce texte aura peut-être vocation à essaimer, à imprégner et à imprimer, inspirant d’autres territoires, mais pas dans le sens que vous imaginez.

J’attendais une vraie réponse de l’État. Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je vous indique que nous voterons en faveur de cette proposition de loi, parce que nous estimons qu’elle est fondée, pertinente, bien écrite, prudente et qu’elle répond aux besoins urgents de Saint-Barthélemy. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Georges Patient applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour débattre d’un sujet important : l’accès aux soins et à la santé. Les années qui viennent de s’écouler ont été marquées par une pandémie, au cours de laquelle les limites de notre politique de santé ont été démontrées, notamment en outre-mer. Nous estimons que cette proposition de loi organique de notre collègue Micheline Jacques permettra d’assurer l’égalité dans l’accès aux soins.

À observer et à lire des rapports sur la situation, l’offre de soins est un problème récurrent : elle ne correspond pas toujours aux demandes des habitants de la collectivité de Saint-Barthélemy. En effet, ces derniers n’étant pas responsables du manque d’infrastructures sur leur île, les élus territoriaux ont souvent témoigné auprès des pouvoirs publics leur insatisfaction face à une offre qui ne prend pas en compte toutes les réalités de la collectivité. Les communes et leurs élus ont besoin d’un accompagnement fort dans la mise en place de politiques visant à assurer leur mission première de service public.

Plusieurs difficultés se font ressentir. Les évacuations sanitaires ne sont pas systématiques, puisqu’il n’y a pas de possibilité d’évacuer les patients la nuit, les atterrissages étant interdits. Il faut entendre ce que vient de dire notre collègue M. Lurel sur le sujet. De plus, les prises en charge de ces évacuations sont limitées : si l’on souhaite que l’assurance maladie finance ces déplacements, il faut que les lignes d’évacuation soient régulières. Cela amène donc à faire des choix, ce qui signifie que l’accès aux soins n’est pas garanti pour toutes et tous.

Actuellement, le seul hôpital disposant de plusieurs spécialités est situé en Guadeloupe. Il a connu un incendie terrible en 2017, et sa réhabilitation sera achevée en 2024 seulement. L’hôpital de Saint-Barthélemy est aussi confronté à un manque de personnel s’expliquant par la cherté de la vie sur l’île. De fait, le prix des loyers augmente sans que cela soit le cas du pouvoir d’achat ; cela se ressent d’autant plus fortement dans les collectivités d’outre-mer.

Madame la ministre, le salaire des personnels soignants n’est pas compatible avec le prix des loyers. En France métropolitaine comme en outre-mer, le manque de moyens pour l’hôpital est flagrant. De ce fait, l’accès aux soins n’est pas garanti pour toutes et tous. Le personnel soignant souffre de la non-revalorisation de son statut et de la non-augmentation des salaires alors que ces hommes et ces femmes ne comptent pas leurs heures. La fermeture de lits est toujours d’actualité, et les services sont toujours en tension.

La passivité constante du Gouvernement doit cesser. Lorsque le Parlement demande des rapports pour éclaircir des situations et nourrir des travaux, vous ne répondez pas. Lors de la crise sanitaire et du confinement, les habitants ont vécu les limites de cette passivité. C’était très dur pour eux de ne pas pouvoir être évacués alors que leur santé en dépendait.

Cette proposition de loi organique représente un premier pas pour permettre une meilleure offre de soins qui, surtout, puisse répondre aux réalités de l’île de Saint-Barthélemy. L’État doit donner les moyens nécessaires à l’accès aux soins et à la santé. La santé est l’une de ses prérogatives ; il doit pouvoir prendre en compte les dysfonctionnements et les défaillances vécus au niveau des collectivités.

En outre, le présent texte est un moyen de mettre en musique des méthodes horizontales de travail et d’échanges, tant demandées par les acteurs locaux, plutôt que des approches toujours imposées par le haut, sans concertation au préalable.

Le caractère expérimental du texte adopté en commission est effectivement prudent. Il permettra d’adapter les actions par rapport aux résultats. De ce fait, l’évaluation qui sera effectuée par l’État et la collectivité de Saint-Barthélemy sera un moment fort et important pour les deux. Nous espérons surtout que les habitants de l’île pourront bénéficier d’une offre de soins adaptée et que l’hôpital trouvera l’attractivité nécessaire pour assurer sa mission de service public.

Nous serons attentifs à la mise en place de cette proposition. Nous resterons les fervents défenseurs de l’égalité, ce qui est aussi valable pour l’accès aux soins. Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera pour cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Georges Patient applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Micheline Jacques applaudit également.)

M. Philippe Folliot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chère Micheline Jacques, c’est Christophe Colomb qui a découvert Saint-Barthélemy ; il l’a d’ailleurs renommée en l’honneur de son frère Bartolomeo.

Trois dates ont marqué l’histoire de l’île. En 1784, Louis XVI décidait de la donner à la Suède. En 1878, soit près d’un siècle plus tard, elle redevenait française à la suite d’un terrible cyclone qui l’avait, déjà, dévastée. En 2007, ce qui était alors une commune du département de la Guadeloupe devenait une collectivité d’outre-mer. À partir de là, Saint-Barthélemy a pu mieux prendre en main son destin.

Parmi les caractéristiques de l’île, la monoactivité qu’est le tourisme a des conséquences sur la santé, sujet dont nous débattons aujourd’hui. De fait, la population de 9 000 habitants atteint les 15 000 personnes l’été avec les saisonniers, sans compter les touristes. Il est donc nécessaire de disposer d’installations sanitaires adaptées à une telle situation.

Le texte que vous défendez, chers collègues, se situe dans le droit fil des travaux de votre prédécesseur Michel Magras, que je salue ici. Il est tout à fait à propos, à plusieurs titres.

En premier lieu, je salue son caractère expérimental et la volonté de la collectivité d’assumer aux côtés de l’État certaines responsabilités particulièrement importantes pour la population, en l’occurrence celles qui sont liées à la santé. Quoi qu’on en dise, sans le socle d’un service de santé efficace et adapté, toute perspective de développement économique et social d’un territoire est annihilée. En ce sens, que la collectivité veuille prendre ses responsabilités en la matière aux côtés de l’État est un élément important.

En second lieu, comme cela a été dit, ce texte est éminemment bien construit. Les rapporteurs ont souligné cette finesse : durée limitée, rapports par étape… Ses dispositions permettront de répondre de la meilleure façon qui soit aux besoins exprimés par la collectivité et par ses habitants.

Pour autant, l’offre de santé ne peut pas reposer que sur Saint-Barthélemy. Nous sommes obligés de parler géographie : distante de 25 kilomètres de Saint-Martin, de 240 kilomètres environ de la Guadeloupe, l’île est soumise à la tyrannie des distances, si vous me permettez l’expression. Il faut tenir compte de ce cadre et de cette spécificité en matière d’offre de soins. Si tout ce qui a trait à la bobologie et aux premiers soins peut être traité sur place, il est nécessaire de pouvoir évacuer les patients vers d’autres hôpitaux, plus particulièrement vers le CHU de la Guadeloupe.

Les évacuations sanitaires ont été mentionnées par plusieurs collègues. Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire, il me paraît essentiel de préciser que les questions relatives à une approche spécifique pour nos départements et nos collectivités d’outre-mer revêtent dans ce cadre-là leur plus particulière singularité.

Je m’explique. Certes, comme M. Lurel l’a rappelé fort à propos, avoir un hélicoptère est une nécessité ; tout le monde en conviendra. Mais il serait peut-être judicieux d’adopter une approche qui ne soit pas fondée uniquement sur ce seul aspect. Il pourrait être intéressant, en lien avec l’État, les différentes administrations, la collectivité de Saint-Barthélemy et celle de Saint-Martin, de mettre à disposition un hélicoptère qui serait basé sur place, mais totalement polyvalent. Il devrait pouvoir servir pour les évacuations sanitaires, ainsi que les opérations de douane, de gendarmerie et de protection civile. Cet outil pourrait offrir un service local. Toutefois, déposséder la Guadeloupe de son hélicoptère d’évacuation sanitaire poserait des difficultés à cette dernière.

Il est nécessaire que les administrations puissent, de manière singulière, travailler ensemble pour apporter des solutions originales et spécifiques, en lien avec les collectivités. Cette piste me semble tout à fait intéressante. Cela permettrait de répondre aux besoins sanitaires, à commencer par les évacuations d’urgence, mais également à d’autres problématiques : lutte contre le narcotrafic, sécurité publique…

Pour conclure, comme les uns et les autres l’ont dit et répété, ce texte est bien construit, équilibré et permet de répondre à un besoin des populations de Saint-Barthélemy. Il est aussi exemplaire dans l’expérimentation ainsi proposée. Le groupe Union Centriste est très attaché à cette dimension. Dans ce domaine comme dans d’autres, il est clair qu’une approche uniforme à l’échelon national est totalement inadaptée, et plus encore pour les outre-mer. Avec ambition et conviction, les membres du groupe Union Centriste voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Mathieu Darnaud applaudit également.)

M. Stéphane Artano. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « ma conviction est que les statuts uniformes ont vécu et que chaque collectivité d’outre-mer doit pouvoir désormais, si elle le souhaite, évoluer vers un statut différencié, en quelque sorte un statut sur mesure ». Ces quelques mots du discours du président Jacques Chirac, le 11 mars 2000 à Madiana, en Martinique, font encore écho.

À l’instar de Victorin Lurel, je ne lirai pas l’allocution que j’avais préparée. Madame la ministre, finalement, vous nous aidez beaucoup : vous venez de nous donner raison. À entendre votre position – j’entends bien qu’elle n’est pas personnelle –, vous allez dans le sens des travaux qui sont actuellement menés par le groupe de travail sur la décentralisation dirigé par le président Larcher. Nous voyons à quel point l’État central fait preuve de rigidité.

Pour avoir participé à la dernière audition, très révélatrice, le démembrement d’une compétence entre État et collectivité, s’il peut se concevoir intellectuellement, est compliqué. Nous l’avons constaté s’agissant des liens entre Saint-Barthélemy, la direction de la sécurité sociale et la direction générale de l’offre des soins. Des points de blocage et des difficultés peuvent déjà être identifiés.

Je salue le travail de nos deux rapporteurs, qui ont pu aller jusqu’au bout de la démarche et trouver un équilibre dans le cadre des auditions – Victorin Lurel l’a rappelé –, avec l’auteur de la proposition. Cet équilibre, c’est l’expérimentation.

Il est étonnant que ce qui est possible dans certains territoires ne le soit pas dans d’autres. À Saint-Pierre-et-Miquelon, où nous n’avons pas la compétence du transport maritime en fret, nous venons de signer une convention avec le Gouvernement pour mener une expérimentation visant à faire en sorte que notre collectivité se l’approprie, sur une durée limitée.

Voilà pourquoi j’estime que le Gouvernement nous rend service sur ce texte : je ne comprends pas pourquoi ce qui est valable pour une collectivité mentionnée à l’article 74 de la Constitution ne l’est pas pour une autre dans le même cas.

La proposition des rapporteurs et de l’auteur relève du bon sens, car elle vise à mener une expérimentation dans le secteur de la santé et de la sécurité sociale, un domaine où les difficultés posées par le partage de compétences peuvent se comprendre ; j’entends les réserves évoquées par Victorin Lurel sur la multiplication ou, du moins, l’élargissement de l’expérimentation dans un second temps.

Je rends hommage à Micheline Jacques, qui a eu le mérite de vouloir faire bouger les choses. Charge au législateur et aux acteurs locaux de prendre leurs responsabilités dans les années qui viennent pour voir de quelle manière cette expérimentation peut vivre.

Je souhaite que le Sénat puisse se rallier non seulement à cette proposition de loi organique, mais aussi à la position de la commission.

De mon point de vue, ce texte est l’expression stricte de ce que nous demandons tous dans nos territoires : une approche de l’État différenciée, tenant compte des réalités de nos territoires, qu’ils se situent en outre-mer, dans l’Hexagone, dans les zones de montagne ou, de manière plus générale, dans des zones rurales.

Finalement, cette proposition de loi de Micheline Jacques ouvre la voie aux travaux menés par le Sénat, qui aboutiront, comme en 2020, à des propositions concrètes. Le président du Sénat l’a rappelé lors de son déplacement en Guadeloupe et en Martinique, il faut plus de différenciation et de décentralisation, mais aussi un État plus fort dans les territoires.

Or la position du Gouvernement vient fragiliser cette saine et légitime ambition. Selon moi, quand les collectivités sont poussées à ce niveau de demande, c’est que les choses ne fonctionnent pas. Comme je le disais à Victorin Lurel, on parlera sans doute encore de cet hélicoptère dans une quinzaine d’années, parce que ce n’est pas si simple que cela à régler.

Sinon, les élus ne se seraient pas posé la question, madame la ministre, et Micheline Jacques n’aurait pas déposé cette proposition de loi organique. Nous ne sommes pas ici pour légiférer à tort et à travers ni pour nous faire plaisir en nous tapant sur la poitrine. Nous sommes ici pour régler des problèmes de nos concitoyens. Or il existe une vraie difficulté sur ce territoire, qui fait écho à une demande ancienne récurrente.

Le groupe RDSE dans son ensemble soutiendra bien évidemment cette proposition de loi organique modifiée avec l’assentiment des rapporteurs, qui ont trouvé, me semble-t-il, un point d’équilibre.

J’espère évidemment que nous trouverons également un équilibre dans le cadre de la navette parlementaire, si le texte est examiné par l’Assemblée nationale. Peut-être l’avis du Gouvernement évoluera-t-il. Au demeurant, j’aurais aimé connaître l’avis du ministre chargé des outre-mer, qui me semble fragilisé par une telle position. M. Carenco défend en effet l’ambition du Président de la République, qui s’est affirmé le 7 septembre dernier pour une approche différenciée en outre-mer, alors que Mme la ministre défend aujourd’hui une approche jacobine.

Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER. – M. Yves Bouloux applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Mathieu Darnaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours savoureux de goûter aux ascenseurs émotionnels que ce gouvernement nous permet de vivre. J’utilise le mot à dessein. Toutes les prises de position à la tribune, comme les travaux préparatoires – nous avons eu l’occasion d’en parler avec l’auteur de ce texte, Mme Micheline Jacques, que je tiens à saluer – nous laissaient penser que l’équilibre revendiqué et le bien-fondé de ce texte conduiraient le Gouvernement à émettre un avis favorable.

Malheureusement, cet élan d’espérance n’a eu d’égal qu’une déception, comme c’est trop souvent le cas.

Celles et ceux qui viennent de s’exprimer à cette tribune ont démontré à la fois le caractère équilibré, l’intelligence du recours à l’expérimentation, ainsi, comme l’a souligné M. le rapporteur pour avis Alain Milon, que la nécessité de donner des gages et, surtout, de permettre une continuité des soins, en répondant à de nombreuses problématiques, à commencer par celle des évacuations sanitaires.

Au fond, madame la ministre, j’ai parfois le sentiment de revivre ce que nous avons vécu à l’occasion de l’examen du projet de loi 3DS, auquel certains ont fait référence, avec un gouvernement toujours très allant pour demander aux collectivités de participer aux investissements. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait, confiants dans la parole de l’État. Mais celui-ci peine à partager les compétences. Cela a en particulier été le cas lorsqu’il s’est agi de faire des présidents de région les coprésidents des ARS.

En réalité, c’est : « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ». C’est assez triste ! Au-delà de ce texte, vous envoyez – nombre de collègues l’ont dit – un bien mauvais signal.

Je veux à mon tour rendre hommage aux initiateurs de ce texte. J’ai déjà évoqué Micheline Jacques et Michel Magras, qui a inspiré de nombreuses réflexions s’agissant de l’outre-mer. Je pense aussi à la première vice-présidente de la collectivité de Saint-Barthélemy, Hélène Bernier, qui a participé à ces travaux.

La seule justification qui vaille est de répondre aux aspirations très concrètes des habitantes et des habitants de Saint-Barthélemy, en permettant à la collectivité de participer. Quand j’entends vos propos, madame la ministre, j’ai l’impression que vous évoquez une autonomisation. Vous avez le sentiment que Saint-Barthélemy s’apprête à larguer les amarres, en gérant à elle seule la compétence.

Or ce n’est absolument pas le cas ! Nous avons simplement une collectivité qui dit vouloir partager l’effort et être au rendez-vous des attentes. Surtout, elle veut s’inscrire – sur ce point, je fais miens les propos tenus par nos collègues Victorin Lurel ou Stéphane Artano – dans un principe de différenciation.

Permettez-moi de revenir sur le texte 3DS. C’est bien beau que l’État nous invite à une plus grande différenciation. Mais quand l’occasion vous est donnée, madame la ministre, vous tournez le dos à cette différentiation. Encore une fois, c’est : « Faites ce que l’État dit, mais ne faites pas ce que l’État fait. » C’est bien regrettable !

Au fond, on le sait, la tentation est grande de renvoyer tout cela aux travaux du Ciom. Mais qu’attendre de ces derniers – sinon de vains espoirs –, alors que l’occasion vous est donnée de prendre la balle au bond et de saisir l’esprit d’initiative incarné par le texte de notre collègue Micheline Jacques et par la collectivité ? C’est un vrai sujet.

Notre groupe s’interroge sur la volonté réelle – nous avons déjà évoqué ce point dans le cadre de textes précédents, comme celui dont j’ai été le rapporteur avec Françoise Gatel – de travailler sur l’expérimentation, d’ouvrir le champ des possibles et de faire en sorte que des initiatives comme celles-ci soient possibles.

Malheureusement, notre espoir sera encore déçu aujourd’hui. Bien évidemment, nous voterons avec conviction ce texte, considérant qu’il permet de tracer un sillon. À cet égard, je regrette que M. le ministre chargé des outre-mer n’ait pas livré son avis. Je regrette aussi que le rapport voté dans le cadre du texte 3DS n’ait pas été rendu. Certes, j’ai compris que nous aurions tardivement les réponses à nos interrogations.

Madame la ministre, il y a aujourd’hui urgence à agir et à répondre aux aspirations des territoires, notamment celui de Saint-Barthélemy, qui fait preuve depuis longtemps d’un esprit d’initiative. Cela ne doit pas rester sans réponse de votre part.

Comme je l’ai indiqué, nous voterons avec conviction ce texte équilibré, qui permet de répondre de façon pragmatique aux interrogations des habitants et d’ouvrir la réflexion sur la question de la différenciation.

Je veux encore une fois rendre hommage à Michel Magras, ancien président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, qui a ouvert la voie sur le sujet grâce à des propositions inspirantes. Espérons que notre assemblée, qui a été souvent précurseur en la matière, le soit encore. J’ai noté, dans la tonalité des intervenants qui se sont succédé, une volonté de soutenir le texte. Madame la ministre, puissent ces interventions vous permettre de faire évoluer le plus rapidement possible votre avis.

Quoi qu’il en soit, vous l’aurez compris, nous voterons cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les problématiques de désertification médicale et d’accès aux soins ne concernent pas uniquement le territoire métropolitain.

En effet, en matière d’offre de soins, nos compatriotes de Saint-Barthélemy sont confrontés à d’importantes difficultés, aux formes très variées, en raison de l’isolement et de l’insularité de leur territoire.

De nombreux exemples illustrent la situation. Lorsque la prise en charge des cas graves nécessite des évacuations sanitaires vers Saint-Martin ou la Guadeloupe, celles-ci ne peuvent s’effectuer qu’en journée, en raison de l’absence d’éclairage des pistes. En outre, on déplore la présence d’un seul hélicoptère pour la zone et l’impossibilité de procéder à des rapatriements par bateau, compte tenu des distances.

Je souhaite évoquer le personnel hospitalier. Il est fait appel à des contractuels, les services de soins ne parvenant pas à fidéliser les praticiens du fait du prix très élevé des logements et des contraintes d’exercice.

Or il est indispensable que nos compatriotes de Saint-Barthélemy puissent accéder à une offre de soins de qualité et adaptée aux particularités du territoire !

C’est pourquoi je me réjouis de l’initiative de notre collègue Micheline Jacques, qui, par cette proposition de loi organique, tente de remédier à de telles difficultés.

L’article 1er confie au conseil territorial un pouvoir de proposition dans les domaines de la sécurité sociale et du financement des établissements de santé relevant de la compétence de l’État.

L’article 2 défini la procédure de participation de la collectivité à ces compétences.

L’article 3 prévoit la définition d’un objectif annuel de dépenses de financement des surcoûts des établissements médicaux et médico-sociaux et des évacuations sanitaires.

Je tiens à saluer l’esprit consensuel qui a prévalu lors de l’examen en commission. Les modifications qui ont été apportées vont dans le bon sens.

Je partage la position de la commission, pour laquelle il serait pertinent que ce dispositif soit expérimenté pendant cinq ans avant d’envisager sa pérennisation.

Alors que la proposition de loi prévoyait d’imposer au conseil territorial la définition d’un objectif annuel de dépenses pour la couverture des surcoûts des établissements de santé liés à l’insularité et à l’éloignement, je suis satisfait que la commission ait supprimé une telle disposition, car elle faisait peser une contrainte nouvelle sur une collectivité ne possédant ni les moyens ni les compétences pour procéder à une telle évaluation.

Avant de conclure, je souhaite saluer le travail accompli par la rapporteure Valérie Boyer et son implication sur un sujet d’importance pour la collectivité de Saint-Barthélemy et pour nos compatriotes ultramarins.

Madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi présente un intérêt indéniable, bien qu’elle ne puisse pas résoudre à elle seule tous les problèmes d’accès aux soins. Elle constitue un premier pas salutaire vers une meilleure prise en considération par l’État des spécificités et des nécessaires adaptations de l’offre de soins à Saint-Barthélemy.

Aussi le groupe Les Indépendants votera-t-il à l’unanimité ce texte, qui répond au besoin urgent d’une véritable différenciation territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons nous pencher sur une problématique récurrente d’organisation territoriale, à laquelle le Sénat est toujours particulièrement attentif.

La problématique mise en avant par l’auteure de la proposition de loi et étayée par les travaux des rapporteurs est celle du manque de moyens pour les collectivités territoriales pour agir sur des compétences étatiques. En l’occurrence, il s’agit de confier à la collectivité de Saint-Barthélemy un pouvoir de proposition dans les domaines de la sécurité sociale et du financement des établissements de santé qui relèvent de la compétence de l’État.

L’offre de soins locale de Saint-Barthélemy est très restreinte, et s’appuie fortement sur la Guadeloupe et Saint-Martin.

La situation n’est, certes, pas nouvelle, mais la pandémie a permis de mettre en avant le rôle et la réactivité qu’ont pu développer les collectivités locales dans le domaine de la santé.

À Saint-Barthélemy, la situation locale ne permet pas la prise en charge des cas graves ou complexes et conduit à de nombreuses évacuations sanitaires, en particulier vers Saint-Martin. Nos commissions ont rappelé l’aspect indispensable de ces évacuations sanitaires, mais aussi les difficultés qu’elles présentent.

Ces difficultés sont tout d’abord matérielles ; je pense aux conditions de l’aéroport de Saint-Martin, qui ne permettent pas d’atterrissage de nuit faute d’éclairage, aux contraintes liées à l’utilisation d’un l’hélicoptère basé en Guadeloupe.

Mais elles sont aussi financières, puisque ces évacuations sont souvent réalisées par des sociétés privées, à défaut d’être assurées par des lignes régulières et représentent à peu près 600 000 euros par an, pour environ 200 rotations.

Deux autres sujets mis en avant par l’auteure de la proposition de loi et par Mme la rapporteure : d’une part, l’absence à ce jour de reconstruction de l’hôpital cinq ans après le passage de l’ouragan Irma, ce qui ne permet pas d’améliorer l’attractivité des conditions d’exercice des soignants, déjà entravées par le coût de la vie sur l’île ; d’autre part, les problématiques induites par la gouvernance de l’ARS, qui laisse peu de place à la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy.

Ces difficultés ne sont pas nouvelles. Nous avions déjà eu par le passé des propositions de modifications pour un régime propre à Saint-Barthélemy.

La version initiale de cette proposition de loi écartait la possible ouverture de la participation à l’exercice de la compétence de l’État en matière de santé, car requérant des « compétences techniques dont Saint-Barthélemy est dépourvue et qui représentent un coût exorbitant ».

L’auteure, que je salue, avait souligné le besoin impérieux que la santé reste « un domaine qui doit être mis à l’abri des aléas politiques ». Pour autant, le besoin d’une plus forte participation de la collectivité avait donné lieu à la rédaction de trois amendements visant à une plus grande autonomisation du système à Saint-Barthélemy.

Toutefois, après les discussions qui se sont tenues dans nos deux commissions, plusieurs points ont été soulevés.

La direction de la sécurité sociale a mis en avant une « mauvaise appréciation de la situation financière dès lors que la situation de la caisse ne reflète pas celle d’un régime de sécurité sociale autonome et omet une part substantielle des financements dont bénéficie le système de santé de l’île », établissant que la solidarité nationale s’exerce bien aussi au profit de l’île.

Les deux rapporteurs ont pu insister à juste titre sur ce principe de solidarité au cœur de notre système de sécurité sociale, principe fondamental inscrit dans le texte de la commission.

Aussi, au lieu d’une réforme statutaire initialement proposée, la commission s’est dirigée vers une expérimentation de l’exercice de ce pouvoir de proposition par la collectivité.

La durée de cette expérimentation de cinq ans laisse le temps à la mise en œuvre des dispositions et aux ajustements nécessaires. Un rapport devra être rendu dans les six mois suivant la fin de l’expérimentation.

Au passage, madame la ministre, comme mes collègues Alain Milon et Valérie Boyer l’ont rappelé, les rares rapports demandés par notre assemblée au Gouvernement pourraient éclairer nos débats si vous y donniez suite… Certes, j’ai bien compris que nous disposerions du rapport, sinon au mois de juin, du moins un jour ou l’autre.

L’inertie en matière de décrets ne contribue pas à améliorer les choses. Les travaux et la nécessaire réflexion de notre assemblée sur une organisation territoriale plus décentralisée pourraient prendre plus de sens si nous disposions des rapports et décrets plus rapidement.

L’encadrement de ce nouveau pouvoir permet de poursuivre la réflexion sur l’offre de soins à Saint-Martin et en Guadeloupe. C’est la raison pour laquelle sera soumis pour avis à l’ARS compétente « tout projet d’acte du conseil territorial, afin d’assurer la compatibilité d’une telle proposition avec l’organisation existante et régionalisée de l’offre de soins ».

Enfin, les travaux ont restreint le champ des compétences susceptibles de faire l’objet de propositions du conseil territorial à la seule assurance maladie et au financement des établissements et des services de santé « en vue de garantir la continuité des soins et l’adaptation aux particularités et besoins spécifiques de l’offre de soins liés à l’insularité et à l’éloignement ».

Cette notion de continuité des soins est la question fondamentale sur laquelle nos concitoyens et nos élus locaux nous interrogent toujours, et à juste titre.

Notre groupe, attaché à l’engagement local, à l’expertise des élus et à l’expérimentation votera pour cette proposition de loi, tout en rappelant que, sans engagement fort et rapide de l’État, toute démarche locale sera vaine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier notre collègue Micheline Jacques et son groupe d’avoir demandé l’inscription de cette proposition de loi organique à l’ordre du jour de notre assemblée.

L’examen de ce texte permet de mettre en lumière certains des défis auxquels fait face la collectivité de Saint-Barthélemy. Ces défis sont accentués par son isolement géographique et sa faible population. Comme dans les autres territoires ultramarins, les questions de santé sont au cœur des préoccupations des habitants et des élus. Les orateurs qui m’ont précédée à cette tribune l’ont tous rappelé, les difficultés sont nombreuses : pénurie de soignants liée à un manque d’attractivité de l’île ; difficultés d’accès aux médecins spécialistes ; obligation de procéder à de nombreuses évacuations sanitaires, parfois dans des conditions difficiles ; impossibilité de constituer un stock de sang ; impossibilité pour l’hôpital de recruter un pharmacien d’officine ; infrastructures hospitalières partiellement détruites par l’ouragan Irma.

Afin de remédier à ces difficultés, notre collègue de Saint-Barthélemy propose de recourir à l’article 74 de la Constitution, aux termes duquel la loi organique peut déterminer les conditions dans lesquelles une collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie « peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques ».

Ce dispositif permet d’ores et déjà à Saint-Barthélemy de participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qui relèvent de l’État en matière pénale. Il est proposé d’étendre cette possibilité en matière de sécurité sociale et de financement des établissements de santé.

Voilà un peu plus de sept ans, une initiative similaire avait été prise par le Parlement. En effet, l’article 6 de la loi organique du 17 novembre 2015 portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy prévoyait la possibilité pour l’État d’habiliter, par décret en Conseil d’État et pour une durée maximale de trois ans, le conseil territorial de Saint-Barthélemy à adopter des actes dans le domaine de la sécurité sociale.

Cet article avait été censuré par le Conseil constitutionnel en raison d’une incompétence négative. Contrairement au dispositif adopté en 2015, celui qui est prévu par la présente proposition de loi apparaît conforme à la Constitution, dans la mesure où la fixation des règles entourant la participation de la collectivité aux compétences de l’État n’est pas renvoyée au pouvoir réglementaire.

La solidité juridique du dispositif proposé est d’autant plus forte que la commission des lois a restreint le champ des compétences pouvant faire l’objet de propositions du conseil territorial à la seule assurance maladie.

Les améliorations apportées au dispositif initial sont d’autant plus opportunes que le Gouvernement a fait de la santé sur l’île une « priorité ». Grâce à une aide importante de l’État, les évacuations sanitaires ont pu être maintenues. Lors d’un récent déplacement à Saint-Barthélemy, le ministre chargé des outre-mer, Jean-François Carenco, a demandé au préfet délégué de « s’investir fortement sur ce sujet afin d’aboutir rapidement à une solution ». La collectivité et la préfecture ont ainsi engagé des travaux communs. Parmi les pistes explorées figure l’investissement dans un avion ou un hélicoptère.

Pour ce qui concerne l’hôpital, Saint-Barthélemy a obtenu une enveloppe de 4,7 millions d’euros dans le cadre du Ségur de la santé. Cette enveloppe permettra la réalisation d’aménagements, dont l’agrandissement du service des urgences. La récente arrivée de nouveaux médecins sur l’île est également bienvenue.

Par ailleurs, il semble que des obstacles réglementaires pourraient être levés par un décret en Conseil d’État.

Ce débat nous donne l’occasion d’inviter le Gouvernement à publier ce décret dans les meilleurs délais, de même que le rapport prévu par la loi dite 3DS sur la situation sanitaire de Saint-Barthélemy. Enfin, nous devrons veiller à écarter tout risque de remise en cause du principe de solidarité nationale, sur lequel repose la sécurité sociale.

Un transfert de compétences, sous le contrôle de l’État et sous la forme d’une expérimentation, paraît tout à fait opportun. Aussi, les membres du groupe RDPI voteront pour. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle qu’il s’agit bien de la position du Gouvernement ; c’est donc bien également celle du ministre chargé des outre-mer.

À l’instar de Mme Assassi, j’estime que le sujet est important. Nous ne nions aucune difficulté, et nous partageons le constat. Simplement, nous ne souhaitons pas faire prendre le risque à la collectivité de Saint-Barthélemy, via une telle modification de la CPS, de ne plus bénéficier de la solidarité que représente la sécurité sociale, au fondement de notre pacte républicain.

Selon nous, cette réponse institutionnelle ne permettra pas d’apporter des réponses structurelles.

D’abord, la loi 3DS permet aux collectivités d’intervenir, notamment dans le cadre du logement. Le Président de la République nous a demandé de travailler sur le pacte territorial, que nous proposons à toutes les collectivités et donc aussi à celle de Saint-Barthélemy. Ce pacte repose sur la volonté – je vous le dis en tant que ministre chargée de l’organisation territoriale – de travailler avec les territoires et à partir des territoires. Il sera proposé à toutes les collectivités d’ici à la fin de l’année.

Je le redis, le décret visant à accorder des dérogations aux ARS, que vous avez tous évoqué, paraîtra à la fin du mois de mars. Et le rapport mentionné par M. Guy Benarroche sera publié au mois d’avril prochain.

Le préfet a été mandaté par M. Jean-François Carenco pour prendre rapidement et sérieusement en compte les problèmes d’atterrissage liés à l’éclairage de la piste de l’aéroport de Saint-Martin et les difficultés d’utilisation de l’hélicoptère. Il s’agit en effet d’un enjeu majeur.

Je le répète, nous partageons tout ce que vous avez dit. Nous ne nions pas les difficultés. Simplement, nous n’avons pas la même lecture de la modification que vous souhaitez introduire dans le cadre de la CPS, celle-ci constituant la déclinaison de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy. Nous souhaitons conserver les bienfaits de la sécurité sociale, à savoir la solidarité.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi organique visant à permettre à saint-barthélemy de participer à l’exercice de compétences de l’état

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l'exercice de compétences de l'État
Articles 2 et 3

Article 1er

I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, la collectivité de Saint-Barthélemy est habilitée à adopter des actes dans les domaines de l’assurance maladie et du financement des établissements et des services de santé en vue de garantir la continuité des soins et l’adaptation aux particularités et aux besoins spécifiques liés à l’insularité et à l’éloignement.

Ces actes respectent les principes définis par la législation relative à la sécurité sociale et ne peuvent pas remettre en cause les principes de solidarité nationale, d’égalité de traitement et de non-discrimination. Ils assurent la continuité de la prise en charge des actes et des prestations pour l’ensemble des assurés. Ils ne peuvent présenter un caractère individuel.

II. – Dans le cadre de cette expérimentation, le projet d’acte mentionné au premier alinéa du I est transmis par le président du conseil territorial au ministre chargé de l’outre-mer, qui en accuse réception sans délai et, le cas échéant, aux autres ministres intéressés, qui proposent au Premier ministre, dans un délai de deux mois, un projet de décret tendant soit à l’approbation totale ou partielle du texte, soit au refus d’approbation.

Le décret qui porte refus d’approbation est motivé. Il est notifié au président du conseil territorial.

Le projet d’acte ne peut être adopté par le conseil territorial que dans les mêmes termes.

Lorsqu’ils portent sur un acte intervenant dans le domaine de la loi, les décrets prévus au présent II ne peuvent entrer en vigueur avant leur ratification par la loi.

Les actes prévus au présent article peuvent être modifiés, selon le cas, par une loi ou une ordonnance ou par un décret qui comporte une mention expresse d’application à Saint-Barthélemy.

III. – Préalablement à sa transmission au ministre chargé de l’outre-mer dans les conditions prévues au premier alinéa du II, le conseil territorial consulte l’agence régionale de santé territorialement compétente sur le projet d’acte.

IV. – Une démarche d’évaluation des résultats de l’expérimentation est engagée conjointement par l’État et la collectivité, au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, afin d’apprécier l’opportunité d’un octroi définitif au conseil territorial d’un pouvoir de proposition dans les domaines de l’assurance maladie et de financement des établissements et des services de santé. Elle donne lieu à un rapport qui évalue notamment les effets de l’expérimentation sur l’offre de soins, l’organisation du système de santé et de l’assurance maladie à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et en Guadeloupe ainsi que les éventuels surcoûts liés à l’insularité et à l’éloignement à Saint-Barthélemy.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 6 rect.
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l'exercice de compétences de l'État
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles 2 et 3

(Supprimés)

Vote sur l’ensemble

Articles 2 et 3
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l'exercice de compétences de l'État
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je soutiens totalement et de tout mon cœur ma collègue Micheline Jacques et son initiative.

Un Martiniquais célèbre a déclaré que les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises sont les Martiniquais. J’ai envie d’appliquer cette maxime à Saint-Barth. On peut être Français, mais également extrêmement imprégné des réalités de son pays et souhaiter le mieux pour ses compatriotes. Ma collègue vient d’en faire la démonstration !

Il faut savoir, madame la ministre, qu’il n’y a aucune incompatibilité entre égalité des droits et droit à l’initiative. Le Gouvernement et l’univers tout entier doivent s’habituer à la révolution culturelle consistant à reconnaître que les peuples, en particulier les peuples de ladite outre-mer, ont le droit d’avoir le regard le plus précis, le plus pertinent et le plus légitime sur leur réalité, tout en demeurant dans l’espace français et européen.

Il y a quelque chose qui m’a beaucoup gêné dans ce que j’ai pu entendre de la part du Gouvernement : l’énumération presque impertinente de ce qui a pu être réalisé dans nos territoires pendant la crise du covid. C’était déplacé et hors sujet. Oui, madame, face à la crise du covid, nos territoires, comme tous les territoires français, ont bénéficié de la solidarité nationale. Sinon, à quoi bon battre pavillon français ? Reproche-t-on à un Auvergnat, un Breton, un Normand ou un Marseillais d’avoir reçu ce qu’on a regroupé sous le chapitre du « quoi qu’il en coûte » ? Non ! Mais, à nous, il faut toujours le rappeler ! Comme si nous devions presque nous excuser, habillés en robe de bure, d’avoir bénéficié d’une solidarité pertinente et légitime !

Évitons ces attitudes. Elles font ressurgir ce qu’Aimé Césaire appelait le « vieil homme ». Tuons ce vieil homme ! Supprimons-le ! Et, plus que jamais, inscrivons-nous directement dans une démarche que j’appelle de mes vœux, celle d’un pays progressiste, ouvert à la différence, aux particularités, à la spécificité, qui ne se recroqueville pas sur lui-même dans une forme de nombrilisme pouvant être mortel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques.

Mme Micheline Jacques. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, au terme de l’examen de ce texte, je veux redire ma gratitude aux rapporteurs Valérie Boyer et Alain Milon. Mes remerciements vont également à tous les orateurs des groupes qui ont apporté leur soutien à ma proposition de loi organique. Je leur sais gré de l’intérêt qu’ils ont manifesté pour Saint-Barthélemy.

En revanche, madame la ministre, je regrette que nous n’ayons pas pu réfléchir ensemble. Pour preuve, la transmission la semaine dernière, comme je l’ai souligné dans la discussion générale, des chiffres de la sécurité sociale. Cela fait plus de dix ans pourtant que nous nous en prévalons et que le ministère de la santé est parfaitement informé. Comment ne pas avoir le sentiment d’une défiance ?

Saint-Barthélemy a toujours entretenu une relation harmonieuse avec l’État. Cette proposition de loi n’est pas contre l’État. J’attends la publication du rapport prévu par la loi 3DS.

Je remercie votre cabinet, qui m’a reçue ce matin, de sa grande disponibilité. Une fois de plus, je ne peux que regretter que cet échange particulièrement poussé et riche n’ait pas eu lieu plus tôt, sachant que le texte est déposé depuis le 14 octobre. Je rappelle qu’il n’y a aucune volonté d’autonomisation. Le texte porte seulement sur l’organisation, en écho au statut.

Le Ségur de la santé prévoyait 4,7 millions d’euros pour reconstruire l’hôpital détruit en partie par l’ouragan Irma. Or cet hôpital n’a toujours pas été reconstruit six ans après le passage de la tempête.

Force est de constater que la médecine coûte plus cher à Saint-Barthélemy : son financement doit donc être adapté pour garantir un accès continu et universel.

En ma qualité de corapporteur de la délégation aux outre-mer sur la différenciation, je relève que ce débat prouve, s’il en était besoin, aux départements d’outre-mer l’attachement de l’État à la solidarité nationale, par le biais de la sécurité sociale. Je souhaite que le Sénat adopte ce texte. Celui-ci soulève également la question de la manière dont l’État conçoit la mise en œuvre des politiques publiques outre-mer, en lien avec les collectivités. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui.

Mme Lana Tetuanui. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai une pensée toute particulière à l’égard de l’ancien président de la délégation sénatoriale aux outre-mer Michel Magras, élu de Saint-Barthélemy, également à l’initiative du texte que nous allons adopter aujourd’hui. Je remercie notre collègue Micheline Jacques d’avoir remis le sujet au vote aujourd’hui à travers cette proposition de loi organique.

Madame la ministre, tout ce que nous réclamons ici – en disant cela, je crois pouvoir m’exprimer au nom de tous mes collègues ultramarins –, c’est simplement le droit à la différenciation : soit l’État nous fait confiance, soit il ne nous fait plus confiance !

Nous regrettons qu’aucune disposition relative aux outre-mer n’ait été inscrite dans le texte sur les retraites. Je ne peux que me réjouir aujourd’hui de ce que nous allons voter pour Saint-Barthélemy.

Je souhaite profiter de l’occasion qui m’est offerte pour inviter mes collègues de Saint-Barthélemy à venir constater comment le système fonctionne en Polynésie. Tous les fonctionnaires d’État sont affiliés à la sécurité sociale. Je puis vous garantir qu’il est plus facile d’être affilié à la caisse de prévoyance sociale qu’à la sécurité sociale, surtout pour les évacuations sanitaires en métropole ou la prise en charge en matière de santé. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC. – Mme Micheline Jacques applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Je félicite notre collègue Micheline Jacques de son initiative.

Les 8 et 9 mars derniers a eu lieu en Guadeloupe la seizième conférence de coopération régionale Antilles-Guyane. Les interventions de l’ARS de Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy et de l’ARS de Martinique ont permis de comprendre que nous étions tous complémentaires et interdépendants, surtout dans les situations critiques. Il est donc important que nous puissions être solidaires ; en temps de crise, nous sommes repliés sur nous-mêmes.

Voilà pourquoi nous devons continuer dans la voie de cette solidarité. Le CHU de Guadeloupe, malgré ses difficultés, notamment budgétaires, restera le lieu où les évacuations sanitaires continueront de se faire. Nous sommes toujours solidaires. En tant que sénatrice, mais également en tant que professionnelle de santé, je ne peux que continuer à vous dire que vous pouvez compter sur nous et sur la Guadeloupe ! (Mmes Micheline Jacques et Annick Petrus applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Madame la ministre, j’avoue n’avoir toujours pas compris le fond de la différence qui nous sépare. (Mme la ministre déléguée sexclame.) Quel en est véritablement le motif ?

Je félicite Micheline Jacques, qui va plus loin que Michel Magras et fait preuve de davantage de prudence. Michel Magras avait déposé un texte, que nous avions tous soutenu, malgré quelques censures ici ou là. Micheline Jacques va plus loin et en coresponsabilité, sans pour autant chercher à dessaisir l’État d’une compétence ni aller vers l’autonomisation. Le texte est prudent, d’autant que cela implique la caisse de la collectivité. J’avoue avoir du mal à comprendre la divergence avec le Gouvernement.

Mme la ministre nous annonce qu’un décret sera très bientôt pris, mais cela fait déjà quelques longues années qu’on nous promet un décret portant parité de rémunération des praticiens hospitaliers et des contractuels ; à Saint-Barthélemy, la surrémunération est non pas de 40 %, mais de 20 %. À chaque fois qu’on interroge le directeur de l’ARS sur la date de publication du décret, il nous répond : « Très bientôt ». Mais cela fait trois ans que celui-ci est à signature ! Nous aimerions donc bien que ce décret essentiel pour lutter contre les problèmes de recrutement – c’est le cas à Saint-Barthélemy – et favoriser l’attractivité du secteur soit publié !

En tout état de cause, nous voterons avec enthousiasme ce texte. Aujourd’hui, l’État fait l’unanimité aujourd’hui contre lui !

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l’exercice de compétences de l’État.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 250 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 343

Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l'exercice de compétences de l'État
 

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Discussion générale (suite)

Objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission spéciale, de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, présentée par M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Valérie Létard et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 205, texte de la commission spéciale n° 416, rapport n° 415).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article additionnel avant l'article 1er - Amendements n° 6 rectifié, n° 230 rectifié et n° 39

Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où débute cette discussion générale, je souhaiterais vous lire quelques phrases : « En matière d’artificialisation des sols, le Gouvernement propose des objectifs ambitieux, mais se trompe sur la méthode. Il propose un dispositif extrêmement centralisé, peu en prise avec la réalité du territoire français, qui se caractérise par des dynamiques d’artificialisation très différentes. Il est à craindre que la compétence régionale ne donne davantage de poids aux revendications des métropoles et des zones urbanisées, au détriment des territoires ruraux. En outre, la notion d’artificialisation nette n’est aujourd’hui ni définie ni mesurée par les collectivités ou par l’État. Enfin, la loi fixe des délais absolument irréalistes. »

Ces mots ne m’appartiennent pas : ce sont ceux de la commission des affaires économiques voilà déjà presque deux ans, au moment où notre assemblée avait examiné le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit Climat et résilience. Il est frappant de constater qu’avant même l’adoption de cette loi-fleuve, en l’absence d’étude d’impact fournie par le Gouvernement, nous avions déjà pointé du doigt les problématiques qui nous réunissent aujourd’hui.

Ce n’est un secret pour personne que la mise en œuvre du « zéro artificialisation nette » (ZAN) est aujourd’hui extrêmement compliquée : à la fois par des problèmes d’ordre presque technique, comme en ce qui concerne la nomenclature des sols artificialisés, mais aussi par d’autres problèmes éminemment politiques, comme le degré de contrainte du document régional ou les équilibres entre territoires.

Je pense que ces problèmes proviennent, au moins en partie, d’une concertation insuffisante avec les élus au moment de la loi Climat et résilience, puis d’un certain défaut d’écoute de la part du Gouvernement. Le Sénat avait déjà proposé certaines évolutions dès l’examen de la loi en 2021, comme une territorialisation plus poussée ou un décalage du calendrier de révision des documents d’urbanisme : elles avaient pourtant été rejetées dans la suite de la navette.

Il nous a donc fallu remettre la loi Climat et résilience sur le métier, d’abord dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS) pour prévoir des délais supplémentaires devant l’impossibilité des conférences des schémas de cohérence territoriale (Scot) à tenir le calendrier fixé par la loi. Puis, il a fallu que les décrets d’application soient attaqués devant le Conseil d’État pour que le Gouvernement admette l’inapplicabilité de la nomenclature des sols artificialisés et les carences du décret relatif aux schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).

Le chemin qui nous amène ici, dans l’hémicycle, pour examiner ce texte, a donc été long. Il y a désormais consensus sur le fait qu’il faut modifier la loi, et je pense que nous, sénateurs et sénatrices, avons fait un travail important pour mettre le sujet en haut de l’agenda, comme nous l’enjoignaient les élus locaux.

Je veux à ce titre saluer le travail important de notre rapporteur Jean-Baptiste Blanc, au sein des murs du Palais comme en dehors, sur le terrain, pour expliquer, éclaircir, améliorer la loi sur le ZAN. Je remercie aussi l’ensemble de nos collègues issus de toutes les travées qui ont participé à la mission conjointe de contrôle créée par le Sénat au mois de septembre dernier. Celle-ci a abouti au dépôt de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Dès l’examen de la loi Climat et résilience, nous avions adopté une approche collective, avec le rapport d’information Objectif de zéro artificialisation nette à lépreuve des territoires de MM. Blanc et Redon-Sarrazy et de Mme Loisier.

Nous nous sommes tous retrouvés au mois de septembre dernier autour de cette mission au format inhabituel, qui témoigne de la manière dont le ZAN envahit aujourd’hui toutes les politiques publiques, tous nos débats de commission, tous nos territoires.

Le texte qui a émergé des travaux de la mission vise à répondre de manière très concrète aux difficultés d’application du ZAN. Il s’est nourri de nos dizaines d’auditions et d’un travail approfondi sur les données. Je regrette à ce titre que nous n’ayons pas disposé de ces données précises dès l’examen de la loi, car elles auraient pu nous éclairer plus précisément sur les choix que nous opérions.

Cet enjeu de transparence et d’étude de l’impact des textes est fondamental : je tiens à le dire ici devant vous, monsieur le ministre. Cette transparence sera aussi essentielle pour la suite de l’application du ZAN ; je pense notamment au traitement des grands projets ou encore à la collecte des données d’artificialisation.

Je le disais, le chemin qui a mené à cette proposition de loi a été long. Malgré certaines annonces au cours des derniers mois, c’est le Sénat qui a dû prendre l’initiative de déposer un texte pour faire bouger les lignes législatives. Nous avons perdu un temps précieux, même s’il a finalement contribué à faire mûrir les réflexions de part et d’autre.

Je salue néanmoins le ministre Christophe Béchu et la ministre Faure, qui ont accepté le dialogue engagé par le Sénat, autour de ce sujet complexe, dont ils ont hérité du gouvernement précédent. Je remercie aussi le Gouvernement d’avoir demandé le recours à la procédure accélérée sur ce texte, ce qui nous permettra, en cas d’accord, d’apporter plus rapidement les réponses qu’attendent les élus locaux. Ces derniers se retrouvent actuellement dans une situation intermédiaire difficile à vivre.

Je voudrais dire un mot plus général de la philosophie du texte présenté par la mission conjointe de contrôle, que nous examinerons aujourd’hui.

D’abord, c’est un texte qui vise à apporter davantage de pragmatisme et d’efficacité. Les imprécisions et le formalisme de la loi Climat et résilience compliquent énormément la tâche des élus locaux, qui sont finalement les seuls à porter la responsabilité pratique de l’atteinte des objectifs, sans pour autant en avoir les outils. Il faut donc nous assurer que ce que la loi met en place est effectivement applicable et que l’on ne crée pas un monstre administratif ni des situations absurdes.

C’est aussi la raison pour laquelle nous plaidons pour davantage de temps, car toutes les personnes auditionnées nous ont dit clairement que la qualité de la réflexion en amont permettra d’aller plus vite et plus efficacement ensuite. Cela justifie enfin d’offrir de nouveaux outils juridiques pour que les élus aient effectivement la maîtrise concrète de l’artificialisation, comme le sursis à statuer ou le droit de préemption spécifiques au ZAN.

Ensuite, c’est un texte qui vise à éviter la création de nouvelles inégalités. Le dispositif de territorialisation, si absolument nécessaire, peut présenter certains risques, notamment celui que les grandes métropoles, comme les communes urbaines, captent une grande partie des enveloppes futures d’artificialisation. C’est un enjeu fondamental : il faut permettre à chaque territoire, urbain comme rural, de réaliser son potentiel. Si le ZAN est perçu comme une nouvelle inégalité, comme une mise sous cloche des territoires ruraux au profit de la consommation des zones urbaines, comme organisant le sous-développement de certains territoires, il échouera. Il faudra aussi prendre en compte les conséquences sociales du ZAN,…

Mme Françoise Gatel. C’est vrai !

Mme Valérie Létard. … que l’on pressent, mais qui ne sont pas encore tangibles. Le ZAN entraînera une redistribution de la richesse et des patrimoines. Attention à ne pas créer des « gilets jaunes du ZAN » !

Les collectivités seront en première ligne pour gérer les conséquences concrètes. C’est la raison pour laquelle nous proposons les mécanismes de part réservée et de surface minimale de développement communale, conçues comme de vraies garanties au profit des territoires, notamment ruraux.

Il faut aussi que le système que nous mettons en place pour les trente prochaines années soit assez souple pour évoluer, pour prendre en compte l’imprévu et le nécessaire. Logique décennale ne veut pas dire immobilisme. Il faut pouvoir accueillir les grands projets de demain, s’adapter aux évolutions démographiques ou économiques, adapter les approches. L’architecture du ZAN est aujourd’hui rigide ; il nous faut y apporter de la souplesse.

C’est l’objet des dispositifs comme la part réservée prévue par le texte et l’intention derrière notre proposition d’une gouvernance plus large qui puisse suivre et adapter les trajectoires.

Le chemin a été long, et il n’est pas terminé. Vous savez, monsieur le ministre, que le Gouvernement a du pain sur la planche pour aller au bout du sujet du ZAN, sans hypocrisie et sans idées préconçues. Je suis sûre qu’ensemble, nous y arriverons !

Il faudra – c’est indéniable – rebattre les cartes de la fiscalité de l’aménagement et du logement. Il faudra dégager de nouvelles ressources pour que les collectivités territoriales aient les moyens concrets de piloter leur artificialisation, de renaturer, de traiter les friches. Un fonds vert n’y suffira pas : ce sont des ressources durables d’ingénierie, de fiscalité locale qu’il faut mobiliser. Je n’évoquerai pas les constats très francs de la Cour des comptes concernant les moyens de l’État déconcentré : nous savons tous ici que, malgré les bonnes volontés locales, les collectivités sont bien souvent très seules face à leurs obligations. Nous souhaitons que l’État prenne ses responsabilités pour que la décentralisation n’en ait pas que le nom.

Le chemin est encore long, mais j’espère que nos discussions aujourd’hui permettront de faire aboutir bientôt ce texte, qui sera un grand pas vers une application plus efficace et plus apaisée du ZAN, au cœur de nos territoires. Je remercie encore une fois l’ensemble de nos collègues de la commission spéciale, quelles que soient les travées, de leur confiance et de leur esprit constructif. Je salue le rapporteur Jean-Baptiste Blanc pour son écoute et sa compétence.

Monsieur le ministre, nous ouvrons en cet instant un chemin. Il faut que nous aboutissions, dans l’intérêt des territoires. Je suis certaine que nous y arriverons, une fois de plus ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et CRCE. – Mme Frédérique Espagnac et M. Christian Redon-Sarrazy applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur de la commission spéciale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une nouvelle expression s’est imposée dans le débat public : zéro artificialisation nette.

Sous une apparence assez technique, voire technocratique, ce terme recouvre une réalité qui s’impose d’ores et déjà aux territoires et qui affectera peu à peu les modes de vie de nos concitoyens. Nous avons approuvé cet objectif voilà deux ans dans la loi Climat et résilience, et nous ne le remettons pas en cause aujourd’hui, car l’enjeu du changement climatique est plus que jamais actuel.

Toutefois, nous sommes à l’écoute des habitants et des élus. Or depuis des mois nous alertons sur les difficultés pratiques auxquelles ces derniers font face dans la mise en œuvre des dispositions de la loi Climat et résilience.

C’est la raison pour laquelle la commission spéciale vous présente aujourd’hui un texte issu de dix-huit mois de réflexion collective depuis l’entrée en vigueur de la loi Climat et résilience. Il a été rédigé par une mission qui réunissait quatre commissions permanentes et qui a travaillé au-delà des clivages politiques traditionnels.

Notre commission spéciale a poursuivi le travail dans des délais contraints, et est parvenue au texte que nous examinons aujourd’hui, en rendant ses dispositions plus opérationnelles sans en modifier l’esprit général.

C’est donc un travail de fond qui a été mené, dans la tradition d’écoute qui est la marque de fabrique du Sénat. Je veux en remercier une nouvelle fois l’ensemble des membres de la commission spéciale, sur toutes les travées de cet hémicycle, à commencer par Mme Valérie Létard, dont le travail essentiel a une nouvelle fois grandement favorisé l’atteinte d’un très large consensus.

Pourtant, le texte que nous examinons aujourd’hui a été parfois présenté de manière un peu caricaturale.

Non, il ne tend pas à remettre en cause les dates cibles de 2031 et 2050 fixées par la loi Climat et résilience. Il vise seulement à ajuster les dates intermédiaires d’ici à 2031, afin de rendre plus opérationnel le calendrier de modification des documents d’urbanisme.

Non, la définition des « grands projets » retenue par la proposition de loi ne conduit pas à un abandon des ambitions de réduction de l’artificialisation. Au contraire, il s’agit de responsabiliser les acteurs : non seulement les régions, mais aussi l’État lui-même. La proposition de « mutualisation », à l’inverse, dilue la responsabilité en la faisant peser sur des régions qui ne sont pas à l’origine de ces projets et qui ne bénéficient pas de leurs retombées.

Le texte présenté par la commission spéciale n’est pas seulement une mesure de justice pour les régions. En créant une incitation à réduire l’artificialisation des grands projets, je crois qu’il renforce les chances d’atteindre réellement les objectifs de sobriété foncière.

Non, la garantie du « droit à l’hectare » n’ajoute pas 35 000 hectares à l’artificialisation des sols en France ! C’est sans doute le chiffre le plus contestable qui a été avancé. D’abord, ce « droit » reste comptabilisé dans l’enveloppe régionale. Il ne porte donc pas du tout atteinte aux objectifs de 2031 et de 2050. Il s’agit seulement d’une répartition différente des droits à construire.

En outre, la garantie rurale, comme toute garantie, n’est activée qu’en cas de nécessité. C’est seulement pour une minorité de communes, les plus rurales en général, qu’elle aura un effet. Il s’agit de communes qui n’ont pas forcément eu beaucoup de projets depuis 2011, mais qui, précisément pour cette raison, pourraient en avoir quelques-uns dans les années à venir.

Au total, ce sont 9 200 hectares environ qu’il faudra répartir différemment entre les communes, soit 7,5 % du total. Je suis prêt à parier que cette garantie rurale aura en réalité un effet positif sur l’atteinte des objectifs ZAN, car elle ne sera pas consommée par toutes les communes.

Ces mesures ont un point commun : faciliter la mise en œuvre des objectifs ZAN. C’est bien ce qui est inscrit dans l’intitulé de la proposition de loi, où il est par ailleurs précisé qu’il s’agit d’un objectif « au cœur des territoires ».

Car il n’y a rien de plus « territorial » que la mise en œuvre des objectifs de sobriété foncière. Rien ne sera fait sans les élus. Rien non plus ne devrait être fait contre eux, tout simplement parce qu’ils représentent les habitants et sont les mieux à même d’apprécier l’ensemble des besoins d’un territoire.

C’est pourquoi le texte tend à leur apporter des outils indispensables. Je pense à la conférence régionale de gouvernance du ZAN. De nombreuses communes avaient ressenti que leur parole n’avait pas pu être entendue dans le fonctionnement actuel des conférences des Scot. La commission spéciale en a amélioré le fonctionnement, afin de répondre à certaines des objections qui avaient été faites. L’examen en séance permettra d’améliorer encore le dispositif.

Je pense aussi et surtout aux outils juridiques apportés par la proposition de loi : sursis à statuer, droit de préemption et motif de refus d’autorisation d’urbanisme spécifiques aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols. La création ou le renforcement de ces outils ont été largement salués lors des auditions que nous avons conduites.

L’accès aux données est également un enjeu essentiel : les élus constatent, dans bien des territoires, que celles qui sont fournies par l’État sont insuffisantes, et il est important qu’ils puissent utiliser celles qui proviennent des observatoires locaux.

Je pense enfin à la prise en compte des spécificités de certains territoires, par exemple ceux soumis au recul du trait de côte, ainsi qu’à la prise en compte des efforts passés de sobriété foncière.

Les débats restent réels sur certains sujets. J’en distinguerai deux.

Sur la nomenclature des espaces artificialisés, nous avons approuvé la souplesse apportée par le texte, qui permet aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de délimiter dans leurs documents d’urbanisme des périmètres au sein desquels l’artificialisation des surfaces herbacées n’est pas décomptée, car les appréciations varient selon les lieux.

Dernier point, et non des moindres : l’articulation entre les Sraddet et les documents d’urbanisme. Le Sraddet n’est pas un document d’urbanisme. Nous pensons nécessaire d’indiquer explicitement qu’il s’applique dans un rapport de prise en compte et non de compatibilité. L’acceptabilité des objectifs ZAN dans les territoires passe, encore une fois, par la responsabilisation de l’ensemble des acteurs, en particulier ceux à qui la loi attribue la compétence en urbanisme, et non par la verticalité.

Bien que la politique de sobriété foncière soit imposée et pilotée à l’échelon national et à l’échelon régional, les élus locaux sont en première ligne. Ils n’ont pas bénéficié d’un soutien suffisant, malgré la nouveauté et la complexité des enjeux. C’est à nous de leur donner les moyens et les outils pour mettre en œuvre cette politique.

La mise en œuvre de la loi Climat et résilience doit respecter les compétences et l’intelligence de nos collectivités. Elle ne peut nous imposer d’organiser leur sous-développement. L’objectif est bien de concilier la sobriété foncière avec le développement harmonieux.

Le Gouvernement nous a d’ores et déjà écoutés sur plusieurs points. Il a reconnu que l’artificialisation induite par les « grands projets » ne pouvait pas être comptabilisée intégralement sur les droits à construire de la région dans laquelle ils sont implantés. Il a admis une évolution du calendrier et la nécessité de préserver des possibilités de construire minimales dans les communes rurales. Il faut reconnaître et saluer ces avancées, mais – disons-le, monsieur le ministre – ce n’est pas encore assez. Je sais que vous avez identifié les enjeux posés par le ZAN dans les territoires, mais nous essaierons de vous convaincre que les réponses que vous proposez sont encore insuffisantes.

Cette proposition de loi a vocation à poursuivre sa navette jusqu’au bout. Avec ce texte, le Sénat donne l’occasion d’ajuster les conditions de mise en œuvre de la loi Climat et résilience, ce que le Gouvernement a bien compris en déclarant la procédure accélérée. Nous vous encourageons à favoriser à présent l’inscription de ce texte la plus rapide possible à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

En effet, il faut aller vite. Ce texte s’inscrit dans un double calendrier : celui de la révision des Sraddet, qui doit s’achever pour le mois d’avril 2024, et celui de la mise en œuvre de l’objectif de réduction de 50 % de la consommation d’espaces entre 2021 et 2031. Il est essentiel de rendre la loi lisible, opérationnelle et adaptée aux réalités de nos collectivités. Voilà bien l’objet du texte présenté aujourd’hui par la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Joël Bigot applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue le travail de Valérie Létard et de Jean-Baptiste Blanc.

Je vous indique d’emblée l’état d’esprit qui est le mien en montant à cette tribune et, plus largement, en discutant avec vous des plus de 210 amendements déposés sur ce texte : je souhaite trouver un chemin d’entente et une solution.

Vous l’avez rappelé, le dispositif du ZAN a été adopté dans le cadre de la loi Climat et résilience, texte de 305 articles. Il a soulevé une forme d’enthousiasme, tout le monde se félicitant de ce que la France prenne à bras-le-corps le sujet de l’étalement urbain. Cependant, sa mise en œuvre a aussi suscité des incompréhensions.

M. François Bonhomme. C’est sûr !

M. Christophe Béchu, ministre. Dès mon arrivée, au mois de juillet, j’ai eu des occasions d’échanger avec vous, et, très tôt, dès le mois de septembre, j’ai donné mon assentiment pour qu’une proposition de loi sénatoriale nous permette d’avancer sur le sujet.

Nous y sommes ! La discussion s’engage. J’ai entendu que l’objectif était de voter un texte non pas pour envoyer un message, mais pour permettre de modifier ou préciser la loi. À ce stade, j’ai identifié les sujets sur lesquels il sera facile d’avancer et ceux sur lesquels je pressens un certain nombre de difficultés, notamment dans la perspective d’une commission mixte paritaire.

Je salue les propos, à la fois écrits et oraux, qui montrent que personne ne discute la nécessité de lutter contre l’artificialisation. Je n’ai pas besoin de revenir devant vous sur le dérèglement climatique ou sur l’urgence d’atténuer notre empreinte environnementale.

Je rappelle juste qu’un sol artificialisé ne stocke plus de CO2, qu’il est un espace stérile pour la biodiversité et qu’il participe massivement au dérèglement du cycle de l’eau en empêchant la recharge des nappes phréatiques et en accélérant les écoulements.

L’artificialisation s’est débridée au cours du dernier demi-siècle et elle s’est totalement décorrélée de la progression de la population. Elle a ainsi été trois fois plus rapide dans cette période qu’au cours des siècles précédents.

Dans ces conditions, la perspective de diviser par deux la consommation d’espaces naturels sur la décennie en cours revient d’abord à prolonger une baisse déjà observée, après le pic atteint dans les années 1980. Nous sommes ainsi passés de 60 000 hectares par année à 30 000 hectares au début de la décennie précédente. Si l’on prend une moyenne annuelle de 25 000 hectares sur les dix dernières années, l’objectif est donc d’arriver à 12 500 hectares par an jusqu’en 2031.

Ensuite, il nous restera du temps pour atteindre la marche d’après, à savoir le ZAN. Je signale au passage que l’on passe parfois plus de temps à discuter de l’après-2050 que de ce qui se passera dans l’intervalle, entre 2031 et 2050. Pourtant, les enjeux me semblent autrement plus importants à court terme ou moyen terme.

Au moment où nous entamons ce débat, je veux aussi vous rappeler qu’il y a en Europe une demi-douzaine de pays qui sont engagés dans des procédures de ce type. C’est ainsi le cas de l’Allemagne, de la Suisse, de l’Espagne, de l’Italie, du Royaume-Uni ou encore des Pays-Bas. Globalement, ces États ont la même philosophie : diminuer d’abord l’artificialisation puis tendre vers un zéro artificialisation nette, dans un contexte où la souveraineté alimentaire de l’Europe et sa réindustrialisation imposent malgré tout de continuer à accueillir des projets qui restent nécessaires, y compris dans une perspective de transition écologique.

L’esprit de responsabilité et le souci de dialogue sont constants au Sénat, et ce texte en porte la marque. Aussi, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à son élaboration. Il témoigne de la convergence de nos objectifs.

Certaines des dispositions de cette proposition de loi ont notre assentiment total.

C’est le cas de la prise en compte de la renaturation avant 2031 et de la mise en place de nouveaux outils pour les communes pour mieux maîtriser les projets avant 2031. Je pense à l’extension du droit de préemption ou à la mise en place de périmètres de sursis à statuer.

C’est aussi le cas de la communication aux communes des données dont elles ont besoin pour mesurer l’artificialisation.

C’est enfin le cas de la possibilité offerte aux communes littorales d’anticiper le recul du trait de côte dans la recomposition urbaine qu’il induit.

Ces ajustements de bon sens nous semblent indispensables, d’autant qu’ils préservent l’esprit du dispositif et qu’ils garantissent la possibilité de tenir nos objectifs.

Comme vous le savez, les principales attentes exprimées par les collectivités portent sur deux sujets particuliers : la prise en compte des grands projets nationaux et la création d’un mécanisme de garantie de développement pour les communes rurales.

Ce sont deux objectifs partagés : reste à trouver le chemin pour les atteindre.

Nous sommes convaincus qu’il y a matière à compter à part les grands projets d’infrastructures d’État, mais nous devons déterminer s’ils doivent seulement faire l’objet d’un décompte à part à l’échelon national ou si nous devons considérer qu’il ne s’agit pas d’artificialisation.

Il va de soi que si nous les sortons de la trajectoire, il devient compliqué d’être crédible sur notre objectif, alors que nous n’avons pas d’étude d’impact sur ce que serait l’ouverture de la porte à ces grands projets d’envergure nationale.

Mme Sophie Primas. Cela ne vous a pas toujours dérangé !

M. Christophe Béchu, ministre. Dans le même sens, je suis ouvert à une prise en compte spécifique des territoires ruraux, comme cela a été évoqué par la Première ministre lors du congrès des maires de France. Cela devrait favoriser la revitalisation des territoires ruraux.

Il faut en revanche que nous nous entendions sur les critères. Vous le savez, je préfère raisonner en surface plutôt qu’en attribuant un hectare pour tout le monde. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Le sujet le plus complexe concerne le décret dit Sraddet.

Mme Sophie Primas. C’est clair !

M. Christophe Béchu, ministre. Si ce document de planification n’a pas de caractère prescriptif, la quasi-totalité de nos échanges devraient déboucher sur une visée courtoise des objectifs, sans mécanisme juridique contraignant nous permettant de tenir la trajectoire.

Je ne m’étendrai pas sur le décret dit Nomenclature. Le travail de réécriture avec les associations de collectivités est quasiment terminé, selon le calendrier qui avait été indiqué : remise du travail réalisé par la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau) au mois de novembre, puis nouveau décret pour le printemps.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui est soumis à votre examen comprend de nombreuses dispositions bénéfiques qui doivent nous permettre une meilleure mise en œuvre de la trajectoire ZAN et une meilleure appropriation par tous les acteurs. Cependant, certaines de ses dispositions, tout comme les amendements qui vont nourrir le débat, présentent, à mon sens, un risque trop important de vider de leur substance les engagements auxquels nous proclamons pourtant notre attachement.

Finalement, ce qui est en jeu, c’est ce qu’est une trajectoire de sobriété foncière, mais aussi ce qu’elle n’est pas.

Mettre en œuvre le ZAN, c’est bon pour lutter contre le dérèglement climatique et préserver la biodiversité. Je vous rappelle qu’un hectare d’étalement urbain économisé, c’est de 190 tonnes à 290 tonnes de CO2 qui ne sont pas émises, la non-artificialisation permettant leur stockage.

J’y insiste, mettre en œuvre le ZAN, ce n’est pas choisir l’environnement contre le développement. On ne va pas arrêter de construire.

M. Christophe Béchu, ministre. Il y a 170 000 hectares de friches dans ce pays, dont près de 50 000 hectares en zone tendue. Nous avons par ailleurs 1,1 million de logements vacants.

La priorité est d’organiser une sobriété foncière, dans le prolongement de ce que les élus locaux ont d’ores et déjà commencé, si j’en crois les chiffres de l’artificialisation. Il s’agit de l’articuler avec les besoins de la transition écologique, d’accueillir des infrastructures qui nous permettent d’accompagner notre décarbonation et de réindustrialiser notre pays. Dans le même temps, nous devons faire en sorte de pouvoir loger nos concitoyens, au moment où certains parmi ceux pour qui nous construisons ce texte se montrent réticents à signer des permis de construire, ce qui explique en partie le recul des mises en chantier sur le territoire.

C’est dire combien les discussions que nous allons avoir sont essentielles. Elles sont attendues sur le terrain par des élus qui veulent des précisions. Le maintien de notre objectif de trajectoire doit se conjuguer avec le souci permanent de rechercher un point d’équilibre pour aboutir à un texte rapidement. C’est l’état d’esprit qui me guidera tout au long de nos échanges. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE.)

Mme Catherine Deroche. On n’est pas arrivé !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera assez général, mais j’aurai bien évidemment des interventions plus spécifiques lors de l’examen des amendements.

Si nous sommes là, c’est parce que, comme le dit Aristote, l’homme est « animal politique », parce que nous « faisons société ». Voilà maintenant des millénaires, l’homme s’est sédentarisé et a décidé d’aménager son territoire sans que ce soit le territoire qui s’impose à lui.

Mes chers collègues, ne nous trompons pas de débat. Oui, il y a des enjeux environnementaux qui s’imposent à nous. Nous devons préserver le climat pour pouvoir continuer de vivre sur la planète. Cependant, ne laissons pas penser qu’il y aurait des élus qui ne seraient pas conscients de leurs responsabilités au regard de l’environnement de leur commune et de la préservation de leurs espaces communaux.

Bien au contraire, il y a aujourd’hui des milliers et des milliers d’élus locaux qui ont, au quotidien, la volonté de préserver leur territoire communal, même s’ils sont parfois soumis à des pressions contradictoires : contradictions environnementale, sociale, agricole, industrielle. Pour autant, ils cherchent toujours à projeter leur territoire vers demain.

Dans mon département comme dans d’autres, si l’on ne fait rien, ce que j’appelle le syndrome de « la belle au bois dormant » menace beaucoup de villages. Devant l’injonction à ne rien faire, finalement, on n’aide ni la flore, ni la faune, ni la préservation de la ressource en eau. À force de se refermer, des villages deviennent hostiles, y compris à la vie humaine.

À l’inverse, certains élus ont le souci, sans aller jusqu’à fermer leur territoire sur lui-même, de préserver des espaces naturels, ici un parc naturel, ici une zone humide.

En miroir des objectifs de réduction de l’artificialisation affichés par la loi Climat et résilience, il demeure des impératifs tout aussi fondamentaux pour l’espèce humaine. Je veux parler des impératifs socio-économiques, dont nous devons également tenir compte.

Il y a tout d’abord l’enjeu de l’autonomie alimentaire

Oui, nous devons continuer de soutenir l’installation agricole, de développer dans notre pays une agriculture au service de toutes et de tous, une agriculture qui n’accroît pas le marqueur de différenciation sociale entre les Françaises et les Français et qui permette à toutes et tous d’être nourris correctement.

Pour cela, monsieur le ministre, l’État doit demeurer particulièrement engagé aux côtés des collectivités. Il doit revenir sur des politiques qui ont laissé, année après année, des entreprises fermer en laissant des hectares de friches à la charge des collectivités, sans qu’elles y puissent grand-chose, faute de moyens financiers et en ingénierie.

Il doit s’engager également pour réduire le nombre de logements vacants

Il y a besoin, dans cette France des sous-préfectures, dont on a beaucoup parlé ces derniers jours, de continuer d’accueillir des commerces, des entreprises, des habitants, de pérenniser des services publics, pour pouvoir aménager le village et la ville de demain.

Construire ne veut pas dire forcément artificialiser. Aussi, nous aurons besoin, en parallèle de cette proposition de loi, d’une véritable action forte pour pouvoir requalifier et réemployer les espaces fonciers existants. Il est trop facile de dire qu’il faut reconstruire la ville sur la ville. Encore faut-il en donner les moyens aux élus locaux.

Monsieur le ministre, 67 % des intercommunalités déclarent avoir refusé des projets d’implantation économique ou subi des déménagements d’entreprise par manque de foncier. C’est le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) qui le dit.

Bien évidemment, ce ne sera pas n’importe comment ni à n’importe quel prix, mais je crois qu’à travers cette proposition de loi, nous avons la possibilité de redonner à nos élus locaux un peu de souplesse, de visibilité et de capacité à aménager notre territoire en faisant dans la dentelle.

Pour ces raisons, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons-le clairement, nul ne conteste la nécessité de la sobriété foncière pour préserver notre agriculture et notre environnement. La diminution significative de l’artificialisation, passée de 60 000 hectares à 20 000 hectares depuis les années 2000, prouve à cet égard la conscience et le sens des responsabilités des élus locaux.

Néanmoins, les dispositions actuelles de mise en œuvre du ZAN montrent parfaitement comment une bonne intention peut se transformer en absurdité, voire en impasse, et ce pour plusieurs raisons.

Il y a d’abord cette prédisposition dans notre pays à penser en silo. Nous partons d’une bonne intention, mais nous arrivons in fine à nous contredire : on finit ainsi par opposer logement et réindustrialisation au ZAN.

Nous sommes ensuite victimes de la dérive réglementaire, qui contrevient à l’esprit du législateur. Y a-t-il un meilleur exemple que les décrets d’application du ZAN ?

Il y a par ailleurs la vacuité de l’étude d’impact, mise en évidence par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN).

C’est enfin l’impensé de l’équilibre territorial et du droit à l’espérance et à un avenir pour tous les territoires.

Je vous sais gré, monsieur le ministre, de partager notre envie de sortir de cette impasse et de reconnaître la démarche très constructive de la mission de contrôle conduite par nos collègues Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc, dont je tiens à saluer la qualité du travail.

Plus précisément, je parlerai de deux amendements et j’évoquerai un souhait.

Le premier amendement porte sur la nécessaire prise en compte de la diversité de nos territoires et de la libre administration des collectivités, en donnant droit à un accord local sur la gouvernance du ZAN.

Le second amendement porte sur l’exigence de réactivité et de réalisme. Il est dangereux de figer les choses à un instant T, car il peut arriver qu’un projet d’intérêt général, conforme aux enjeux environnementaux et de souveraineté, apparaisse après la répartition initiale des droits à artificialisation. Le pouvoir réglementaire local du préfet, auquel le Sénat tient particulièrement, doit alors pouvoir en tenir compte, après consultation de l’instance de gouvernance régionale du ZAN.

Comme promis, je conclurai par un souhait : puissions-nous tirer les leçons du passé en légiférant de manière moins hasardeuse et plus vertueuse, sur la base d’études d’impact et du principe d’évaluation. Ce sera l’objet des états généraux de la simplification, ce jeudi, au Sénat, auxquels nous aurons le grand plaisir de vous accueillir, monsieur le ministre. Comme chacun peut le supputer, le groupe UC votera ce texte, qui servira tout à la fois la vertu et le bon sens.

Puisque Portalis veille sur nous, je rappelle que la loi est faite pour les hommes et les femmes, qui, en revanche, ne sont pas faits pour des lois mal faites. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, moins de deux ans après la promulgation de la loi Climat et résilience, qui a créé les objectifs du zéro artificialisation nette des sols, nous voilà déjà quasi contraints d’en modifier les paramètres. La complexité et l’opacité du dispositif ont entraîné tant d’incompréhension et de frustration qu’il était indispensable d’opérer certains ajustements, sous peine de voir ces mesures essentielles rater leur cible.

En réalité, la frustration est bien plus ancienne : depuis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), certains EPCI ont atteint une taille si grande que certains maires de communes rurales se sentent exclus de la politique d’aménagement du territoire. Aussi, c’est de simplicité et de souplesse que nous avons besoin, pour que chaque élu local soit en mesure de s’approprier ces outils, qui permettront de développer chaque territoire dans le respect des objectifs de transition écologique que le pays s’est fixés.

L’artificialisation est aujourd’hui la première cause de l’érosion de la biodiversité en France. En quarante ans, elle a progressé de 70 %, quand la population n’a augmenté que de 19 %. Ainsi, 30 000 hectares d’espaces naturels sont consommés chaque année, majoritairement au profit du logement.

Les conséquences néfastes de cette artificialisation sont bien connues : altération durable des fonctions écologiques du sol, augmentation des risques naturels par le ruissellement, atteinte au potentiel de production agricole et de stockage de carbone et, dans le cas de l’étalement urbain, augmentation des émissions de gaz à effet de serre dues à la dépendance à la voiture individuelle.

L’alerte rouge climatique a été lancée, et la France y a répondu en se fixant des objectifs ambitieux. Mais que faire des objectifs s’ils ne s’accompagnent pas de mesures applicables ?

L’ambition est de réduire par deux d’ici à 2031 le rythme de consommation d’espaces naturels, et d’atteindre, d’ici à 2050, le « zéro artificialisation nette » des sols, c’est-à-dire que, pour chaque parcelle urbanisée, nous devrons rendre une parcelle équivalente à la nature.

Les sénateurs ont souscrit à ces objectifs en 2021, tout en posant deux principes fondamentaux : un lien souple entre documents d’urbanisme régionaux et locaux ; une différenciation locale plutôt qu’une application uniforme et purement mathématique.

Force est de constater que les décrets d’application ne répondent pas à ces exigences et que persiste un manque de visibilité et d’accompagnement, alors même que les documents de planification régionaux doivent être modifiés d’ici à 2024.

Représentants des élus locaux, nous ne pouvions pas rester inactifs devant les difficultés et les inquiétudes soulevées.

Cette proposition de loi tente d’y répondre.

Nous approuvons le report d’un an pour la déclinaison des objectifs au sein des documents de planification et d’urbanisme. Le calendrier n’était pas tenable en l’état, notamment parce qu’il manque encore de nombreux outils d’information à la main des collectivités, à commencer par l’essentiel : l’accès aux données relatives à la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Nous partageons la volonté des auteurs de la proposition de loi d’assouplir la hiérarchie des normes entre les documents d’urbanisme et de planification. Dans le cadre des Scot, des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) et des cartes communales, les élus locaux devront s’efforcer de prendre en compte les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols fixés par les documents régionaux. Il ne s’agit plus d’exiger une compatibilité.

Nous soutenons le principe d’une surface minimale d’un hectare urbanisable par commune jusqu’à 2031. Il garantit aux communes rurales la capacité de se développer et de répondre à leurs besoins locaux, notamment en services publics.

L’article 4 porte sur la comptabilisation des grands projets de construction au sein d’une enveloppe nationale. Il était urgent de répondre à cette problématique, faute de quoi nous risquions de priver de droits à construire des régions accueillant un projet d’envergure nationale ou européenne. Cependant, nous maintenons notre proposition d’intégrer tous les bâtiments et services publics à cette enveloppe nationale pour favoriser la solidarité entre les territoires. En effet, la définition des projets devant se situer sur l’enveloppe nationale, régionale ou supra-communale pourrait virer au casse-tête.

Enfin, si nous comprenons l’intérêt d’améliorer le dialogue territorial, il est illusoire de croire que les nouvelles conférences régionales, composées de cinquante-six membres, et qui n’ont qu’un droit de proposition des projets, régleront le problème de la prise en compte des besoins des territoires ruraux. Aussi, l’article 3 ne nous paraît pas nécessaire.

Le groupe RDSE votera ce texte, mais souhaite avant tout faire passer un message de lisibilité et de simplification pour les élus locaux. Il n’est pas normal que, même pour nous, qui sommes habitués à voter des lois parfois ardues, le sujet des ZAN demeure aussi complexe.

Comme souvent, nous appelons de surcroît à trouver des sources de financement plus dynamiques pour les communes, sans quoi leur développement continuera à se jouer sur l’arrivée de nouveaux habitants, ce qui implique la construction de nouveaux logements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. Philippe Bas. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il me paraît essentiel aujourd’hui d’intégrer l’objectif du zéro artificialisation nette à une politique de développement durable. Qu’est-ce qu’une politique de développement durable ? C’est une politique qui ne se contente pas de la protection de l’environnement, mais qui, comme nous y invite l’article 6 de la Charte de l’environnement, concilie protection de l’environnement, développement économique et progrès social. Nous en sommes encore loin.

Si, comme le montrent les premières interventions à cette tribune, il y a un accord général sur la nécessaire sobriété en matière de consommation foncière pour protéger la biodiversité, pour défendre l’agriculture, pour maintenir nos paysages, pour éviter la saturation des grandes métropoles et des territoires qui en sont l’arrière-pays, s’il est également indispensable de donner la priorité à la réaffectation des logements vacants et au redéploiement des friches, il est aussi nécessaire de tenir compte des exigences du développement de nos territoires ruraux dans la mise en œuvre de l’objectif.

Or, jusqu’à maintenant, le processus qui a été engagé menace de déséquilibres profonds, par son caractère exagérément étatique, la mise en application de cette planification.

Aujourd’hui, il faut que nous réussissions, avec ce texte qui fait l’objet d’un très large consensus, de la gauche à la droite en passant par le centre, à trouver les voies et moyens d’une approche plus consensuelle de cette difficulté, qui se pose à tous les élus de notre pays.

La planification ne doit plus être descendante. Elle doit reposer sur l’initiative des élus locaux. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas que le schéma régional s’impose comme un document d’urbanisme supérieur à tous les autres. Il doit simplement exister en tant que recommandation.

Les pouvoirs des maires en matière d’urbanisme, c’est l’essentiel de la grande décentralisation de 1982. Il importe que l’État ne récupère pas les pouvoirs qu’il a laissés aux communes.

Surtout, il est essentiel que nous parvenions à lever les obstacles mis au rééquilibrage du territoire national et que nous fassions en sorte qu’une nouvelle politique de l’aménagement du territoire et du développement local puisse être mise en œuvre sans être entravée par l’objectif du ZAN. Depuis la crise sanitaire, nous constatons dans tous nos territoires une forte demande de migration venant des territoires métropolitains. L’expérience du confinement, mais aussi le développement de nouvelles formes de travail, notamment le télétravail, donne envie à nombre de nos concitoyens du monde urbain ou périurbain de s’essayer à un nouveau mode de vie.

Allons-nous laisser passer cette chance de mettre en œuvre une nouvelle politique d’aménagement du territoire qui corresponde au souhait profond des Français ? Allons-nous interdire à nos bourgs ruraux de se développer, alors que la demande existe et que leur développement ne contredit en rien les nécessités de la protection de la biodiversité et de l’environnement ? Cette chance, il nous faut absolument la saisir.

Je veux rendre hommage au travail de notre commission spéciale, de sa présidente et de son rapporteur, qui ont réussi à rapprocher les points de vue pour rédiger un texte qui me paraît particulièrement équilibré. Il ne laisse de côté aucune des exigences qui doivent s’appliquer au traitement de cet objectif du ZAN.

Je le disais tout à l’heure, le Sraddet ne doit pas s’imposer aux documents d’urbanisme, et le calendrier de son élaboration doit permettre la concertation. Ensuite, le décompte des projets nationaux et régionaux doit pouvoir se faire dans de bonnes conditions. En outre, les droits minimums à construire dans les bourgs ruraux – le fameux droit à l’hectare – doivent être respectés. Par ailleurs, la prise en compte des espaces submergés par le recul du trait de côte doit se faire dans le respect des droits à construire dans les communes littorales. Enfin, il est important de continuer à assouplir l’objectif du ZAN pour les bâtiments agricoles. Des amendements particulièrement pertinents ont été présentés pour obtenir ces résultats.

Mes chers collègues, j’espère que le Sénat saura manifester une volonté puissante, volonté que l’Assemblée nationale comme le Gouvernement devront prendre en compte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’artificialisation des sols doit faire l’objet d’une attention particulière dans notre pays. Ce n’est plus un sujet de controverse. Nous nous sommes fixé, collectivement, des règles de réduction dans ce domaine, qui font l’unanimité – nous le disons depuis le début de cette discussion.

Nous nous apprêtons à rendre aujourd’hui ces règles davantage applicables et mieux adaptées à la réalité des territoires. C’est tout simplement du bon sens, pour répondre aux inquiétudes qui nous remontent du terrain.

Je me réjouis que ce débat se déroule ici, dans cette enceinte qui connaît si bien le rythme de nos territoires, leurs particularités, leur histoire et ce dont ils sont capables – une enceinte que vous connaissez également très bien, monsieur le ministre.

Nos transitions, quelles qu’elles soient, viendront du terrain et de son dynamisme, des femmes et des hommes qui y créent et des élus qui les accompagnent. Nous sommes, ici, les représentants de ces élus et de ces territoires.

Je salue votre travail et votre engagement, monsieur le ministre. Vous avez su être à l’écoute dès que vous avez hérité du dossier, et ce n’était pas un dossier facile.

Suspension des décrets, proposition de réécriture, débats et éclaircissements lors des échanges, notamment avec la mission d’information, puis avec la commission spéciale, enfin – Mme la présidente de la commission spéciale l’a rappelé –, choix de la procédure accélérée pour ce texte sénatorial : cette proposition de loi est effectivement le véhicule législatif privilégié pour faire évoluer positivement la réglementation.

Le sujet, on l’a compris, est éminemment complexe. Nous sommes sur une véritable ligne de crête. D’une part, les objectifs de sobriété doivent être respectés. D’autre part, nous devons les adapter aux réalités. Tel était l’objectif que nous avions, mon collègue Joël Guerriau et moi-même, au sein de la commission spéciale, où nous représentions le groupe Les Indépendants.

Je me félicite des discussions concrètes qui ont été les nôtres, ainsi que du travail exigeant du rapporteur Jean-Baptiste Blanc, des membres de la commission spéciale et de sa présidente, Valérie Létard.

Évoquer le ZAN, c’est laisser s’exprimer des visions souvent différentes, parfois contradictoires, mais dont l’esprit converge toujours vers la protection et la réussite de nos territoires. Nos efforts se sont tournés vers le respect des caractéristiques de ceux-ci et de leurs évolutions prochaines. Nous avons souhaité prendre en compte les efforts déjà fournis par beaucoup d’entre eux, notamment les plus ruraux.

La protection de l’environnement ne peut évidemment pas se faire au détriment des territoires ruraux.

Je voudrais citer trois sujets parmi tant d’autres.

Le premier sujet concerne la comptabilisation des projets d’ampleur et d’intérêt au sein des objectifs du ZAN. Notre réindustrialisation passera par ces projets.

Le deuxième sujet est la surface minimale de développement communal (SMDC).

Entre le droit à l’hectare et le 1 % rural, un terrain d’entente pourrait être trouvé au travers de l’amendement que j’ai déposé avec Alain Marc et qui tend à fixer la taille de cette surface à un hectare pour les communes dont l’artificialisation est inférieure à 3 % – je rappelle que la moyenne nationale s’établit à 7,9 %. Une voie médiane prévoyant un juste équilibre serait donc un bon consensus, que – je n’en doute pas – nous parviendrons à atteindre, sur cette base ou sur une autre.

Le troisième sujet est la renaturation et la désartificialisation des zones exposées au recul du trait de côte.

De Guérande à Saint-Jean-de-Luz, du fait du changement climatique, c’est un sujet auquel nous allons être confrontés de manière récurrente. Nous devons prévoir les aménagements nécessaires et poser un cadre précis.

Mes chers collègues, je suis persuadé que nous garderons collectivement chevillé au corps l’intérêt des Français et que nous ajusterons nos objectifs pour rendre notre transition à la fois possible et équilibrée. C’est en tout cas l’état d’esprit du groupe Les Indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a déjà été souligné, le rythme d’artificialisation de nos espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) est absolument insupportable. Il remet en cause notre autonomie alimentaire, la biodiversité de nos territoires et nos capacités de stockage du carbone.

Forte de ce constat, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) avait fait de l’objectif du zéro artificialisation nette l’une de ses propositions les plus fortes.

Nous le savons, l’engagement du Président de la République de reprendre « sans filtre » les propositions de la convention n’a vraiment pas été tenu, ce qui a suscité chez les 150 citoyens tirés au sort une immense déception.

Néanmoins, une mesure forte est passée à travers les mailles d’un tamis politique et technocratique pourtant particulièrement serré : l’objectif du zéro artificialisation nette en 2050, inscrit dans la loi Climat et résilience présentée par Barbara Pompili.

Cet objectif est ambitieux, car il rompt avec bien des logiques de développement.

Il rompt avec la course à l’installation de surfaces commerciales et de nouveaux habitants, dont les conséquences sont particulièrement visibles dans nos territoires, entre les lotissements s’étalant dans les périphéries des bourgs et les zones commerciales de nos entrées de villes.

Il est juste de dire que, avant même la loi ZAN, une prise de conscience était déjà à l’œuvre sur le caractère intenable de ce modèle de développement, ainsi que sur la nécessité de réduire la consommation des Enaf. Par exemple, dans bien des territoires, la taille des jardins des lotissements s’était déjà fortement réduite.

La loi Climat et résilience a le mérite d’accélérer le rythme pour atteindre les objectifs que nous nous sommes collectivement fixés. Pour notre part, nous soutenons donc clairement l’objectif du ZAN.

Cet objectif a, c’est vrai, inquiété les élus locaux, et le Sénat s’en fait l’écho. De fait, certaines difficultés réelles n’étaient pas résolues par le caractère quelque peu mécanique de l’application des objectifs initiaux. Ainsi, l’objectif de –50 % entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie passée devait s’appliquer à tous les territoires, quels que soient les efforts déjà effectués par les plus responsables d’entre eux.

Un éclaircissement était également nécessaire dans la prise en compte des grands projets nationaux qui ne pouvaient être intégrés dans le décompte local. La création d’une commission spéciale au Sénat pour répondre à ces questions et aboutir à une proposition de loi était donc légitime, et je souligne l’importance du travail mené par sa présidente et son rapporteur.

Le groupe écologiste approuve plusieurs points de ce texte, mais – et c’est un très gros « mais » ! – il ne peut pour autant soutenir d’autres propositions importantes qui en font partie.

Trois mesures nous semblent particulièrement problématiques et rejoignent les préoccupations de M. le ministre.

Tout d’abord, si nous soutenons la création d’un compte spécial pour les projets d’envergure nationale, il n’est pas possible de passer ceux-ci purement et simplement par pertes et profits sans les réaffecter aux enveloppes régionales, suivant une règle à préciser. Ce serait, sinon, remettre simplement en cause l’idée même du ZAN ; à ce stade, ce point n’est pas éclairci. Il reviendra aussi à l’État de préciser comment il s’applique à lui-même l’objectif de réduction de la consommation de terres naturelles, agricoles et forestières.

Ensuite, si nous soutenons les processus de renforcement en amont de la concertation, avec une conférence inter-Scot, ou ZAN, renforcée, nous ne pouvons remettre en cause le rapport de compatibilité dans le fascicule réglementaire entre Sraddet, Scot et PLU, sauf à prendre le risque que les élus de certains territoires ne rejouent le match en aval, ce qui conduirait à une multiplication des contentieux et à un ralentissement évident de la mise en œuvre du ZAN.

Enfin, l’ajout des terrains « herbacés » des particuliers dans la nomenclature après 2031 constitue une véritable aberration, qui pourrait permettre la construction au cours de la période 2031-2050 de lotissements ayant des parcelles de jardins plus grandes que dans la présente décennie, où la comptabilisation se fait sur la base de la consommation des Enaf. C’est, j’y insiste, aberrant !

Ce point, qui est pour nous un grand sujet de préoccupation, découle aussi d’un changement de méthode dont nous aurions pu nous passer en restant sur une logique de préservation des Enaf jusqu’en 2050.

Nous déposerons un amendement en ce sens, qui visera, pour pallier une véritable faiblesse de cette proposition de loi, à préciser les consommations maximales de foncier entre 2031 et 2041, ainsi qu’entre 2041 et 2050, avec une décélération progressive qui nous conduira au zéro artificialisation en 2050.

Si ces trois points devaient rester tels quels dans la proposition de loi, nous ne pourrions pas la voter, même si elle ne remet pas en cause, je le souligne, l’objectif du ZAN en 2050, qui est un enjeu environnemental majeur. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cinquante ans, nous avons davantage artificialisé dans notre pays qu’en cinq cents ans. Concrètement, entre 20 000 et 30 000 hectares sont artificialisés chaque année en France.

L’artificialisation augmente quasiment quatre fois plus vite que la population, ce qui a des répercussions directes sur la qualité de vie de nos concitoyens, mais aussi sur l’environnement. Ce phénomène est préjudiciable à la biodiversité et au climat.

Parmi les vices de l’artificialisation des sols, on rappellera, par exemple, qu’un sol artificialisé n’absorbe plus ni le CO2 ni l’eau de pluie. Le danger est réel : en cas de fortes intempéries, les phénomènes de ruissellement et d’inondation sont amplifiés. Les nappes phréatiques se renouvellent plus difficilement du fait de cette imperméabilisation des sols, et les fortes pluies emportent tout sur leur passage.

Il nous faut également veiller au développement durable de notre agriculture et à notre souveraineté alimentaire. Nous défendons tous le développement d’une agriculture nationale, garante de notre indépendance alimentaire. Pour cela, il faut agir !

Voté dans le cadre du projet de loi Climat et résilience et traduisant la feuille de route européenne, l’objectif du zéro artificialisation nette est ambitieux et à la mesure de l’urgence.

Pour l’atteindre, la réduction de moitié du rythme de la consommation d’espaces dans les dix prochaines années nous paraît une mesure de bon sens. Mais elle doit se faire dans la concertation, avec pragmatisme, souplesse et en lien direct avec les élus de nos territoires. Tel est l’objet de cette proposition de loi sénatoriale, fruit de consultations et de travaux expertisés par notre assemblée depuis la promulgation de la loi Climat et résilience.

La présente proposition de loi permet de prendre en compte un certain nombre d’évolutions et les préoccupations des élus locaux. Car, je vous rejoins en cela, mes chers collègues : quand il s’agit de légiférer, il faut trouver la juste mesure, afin de ne pas imposer à quiconque un effort qu’il ne serait pas en mesure d’atteindre.

Je tiens tout de même à rappeler que la loi Climat et résilience avait fait l’objet d’un important accord en commission mixte paritaire. Et je n’oublie pas que ceux qui appellent aujourd’hui à revenir sur le compromis trouvé dans ladite loi se réjouissaient, hier, d’avoir abouti à une rédaction équilibrée…

En cela, le ZAN représente toute la complexité du défi de la transition écologique. Tout le monde s’accorde sur le constat et la nécessité d’agir, mais personne ou presque sur les moyens d’y parvenir. La clé réside dans la juste mesure des objectifs que nous nous fixons et dans une gouvernance suffisamment souple et proche du terrain pour accompagner le changement et ajuster les efforts aux moyens de chacun, sans pour autant perdre le cap !

Je le dis ici avec force, il nous faut modifier la proposition de loi sur le ZAN. Nous avons entendu les inquiétudes des élus locaux au cours des auditions que nous avons menées au sein de la mission de contrôle. Lors de son audition, M. le ministre a également rejoint notre volonté d’agir, faisant d’ailleurs la part belle à notre travail sénatorial.

Mon groupe, le RDPI, partage un grand nombre des préconisations de ce texte. Nous avons toutefois quelques interrogations sur l’article 7 relatif à la garantie rurale.

Favorables au principe d’une garantie rurale, nous restons toutefois dubitatifs quant à l’attribution, de manière arbitraire, d’un hectare à toutes les communes sans prendre en compte les réalités locales.

C’est une bien curieuse manière de répartir l’effort au plus près des territoires ! Je le vois bien chez moi, dans la Drôme, que ce soit pour la commune de Rochefourchat, qui compte un seul habitant, celle de La Bâtie-des-Fonds, qui en compte deux, ou bien ma commune de cinquante habitants, Lesches-en-Diois. À quoi rimerait donc une telle proposition ?

En l’état, nous sommes donc globalement favorables à une grande partie des mesures visant à répondre aux interrogations des maires. Je pense, par exemple, à la prise en compte des projets d’envergure nationale, qui seraient décomptés des autres projets. N’oublions pas, d’ailleurs, que les délais fixés dans la loi Climat et résilience ont déjà commencé à courir depuis deux ans.

Je rappelle également que nous considérons comme essentiel de disposer d’un document d’urbanisme contraignant. Il doit subsister un lien de comptabilité entre le Sraddet et le Scot : c’est nécessaire si nous voulons respecter nos objectifs de réduction de l’artificialisation.

Mes chers collègues, attention à ne pas perdre de vue notre cap et à ne pas abandonner aujourd’hui nos préoccupations d’hier. Je partage l’esprit et l’ambition de cette proposition de loi, mais je m’étonne des propositions de certains de nos collègues, qui reviendraient à balayer purement et simplement nos engagements.

Je me souviens de ce que l’un de vous déclarait à ce sujet lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience : « Oui, il y a des impacts ! Oui, il y a des résistances ! Oui, il y a des enjeux économiques et sociaux ! Oui, il y a des adaptations complexes ! Mais c’est un mal nécessaire, une dette que nous détenons envers les générations futures. » Que diriez-vous aujourd’hui ?

Une autre de nos collègues nous reprochait au contraire des « renoncements », nous accusant de « briser les promesses et de ne pas nous donner les moyens de répondre à la feuille de route initiale ».

Un autre, enfin, affirmait : « L’examen sénatorial de la loi Climat et résilience devait avoir une seule finalité : le rehaussement de son ambition. »

Attention donc à ne pas balayer d’un revers de main ces belles déclarations et à procéder aux ajustements nécessaires sans perdre de vue l’ambition initiale.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons les mesures d’adaptation des objectifs du ZAN aux réalités territoriales et les assouplissements bienvenus au service des élus locaux. Mais nous resterons vigilants quant au respect des grands objectifs que je viens de rappeler.

Notre groupe ajustera son vote en fonction du sort des amendements discutés en séance et des évolutions du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Daniel Breuiller applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de la déclinaison de l’objectif du zéro artificialisation nette dans les territoires est sans doute le sujet qui, depuis la promulgation de la loi Climat et Résilience, constitue la principale préoccupation de nos élus, quels que soient leur département et leur sensibilité politique.

Leur inquiétude a trait aux quatre points suivants.

Premièrement, quels sont les outils pour freiner les projets très consommateurs d’espace et respecter le calendrier imposé ?

Deuxièmement, comment répartir l’effort de réduction de l’artificialisation d’un territoire à l’autre ?

Troisièmement, comment associer les collectivités du bloc communal aux décisions structurantes qui seront prises à l’échelle régionale ?

Quatrièmement, quelle place auront les grands projets d’avenir dans le modèle du ZAN ?

En résumé, comment réussir à articuler des objectifs légitimes de sobriété foncière avec le développement des territoires ?

Les zones plus rurales craignent en effet de devenir la « variable d’ajustement » des zones plus attractives et d’être empêchées dans leurs projets de développement. Sobriété et développement peuvent apparaître comme une injonction paradoxale.

À cet égard, je tiens à souligner que le groupe socialiste n’a jamais remis en cause l’objectif du ZAN, comme d’ailleurs la plupart des maires et des élus. En témoignent les résultats de l’enquête qui avait été conduite par la commission des affaires économiques.

Pour autant, il faut entendre les craintes des élus, et nous estimons que la différenciation locale demeure, en l’espèce, un enjeu essentiel. Pour y répondre, nous demandons simplement au Gouvernement de la lisibilité, une concertation ascendante, une égalité de traitement entre les territoires, une implication de l’État pour les grands projets d’intérêt général et des moyens d’accompagnement.

En réalité, nous suivons attentivement cette question depuis les travaux préparatoires du projet de loi Climat et résilience, il y a deux ans.

Au mois de mai 2021, un groupe de travail spécifiquement consacré à ce texte avait été créé sur l’initiative de la commission des affaires économiques. À partir de la trentaine d’auditions menées auprès d’acteurs de l’aménagement du territoire, notre rapport avait posé trois principes permettant d’articuler une politique ambitieuse de lutte contre l’artificialisation : territorialiser, articuler et accompagner.

La conclusion de ce rapport n’a pas été suivie d’effet, pas plus que les réserves formulées par les acteurs locaux. Il nous faut donc rappeler que ce sont les deux décrets d’application publiés au printemps de 2022 qui ont contribué à la levée de boucliers des élus locaux contre l’objectif du ZAN.

Le Sénat y a répondu en proposant dans un premier temps une consultation en ligne des élus locaux. Le constat qui en fut tiré était simple : le cadre du ZAN est perfectible ; il doit être précisé et complété.

Pour ce faire, la mission conjointe de contrôle créée en septembre 2022, sur l’initiative de quatre commissions permanentes du Sénat, a réalisé un cycle d’auditions qui ont débouché sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Celle-ci contient 13 articles, articulés autour de quatre axes : le dialogue territorial et la gouvernance ; l’accompagnement des projets structurants de demain ; la prise en compte des spécificités des territoires ; la préparation de la transition vers le ZAN.

Les sénateurs socialistes ont proposé plusieurs enrichissements essentiels, qui ont été retenus par la commission.

Première avancée : le maintien de l’objectif de sobriété foncière, tel qu’il avait été adopté dans la loi Climat et résilience. L’article 4 prévoit désormais que l’artificialisation des sols résultant des projets d’intérêt national fasse l’objet d’une comptabilisation séparée et d’une trajectoire spécifique d’atteinte des objectifs du ZAN, placée sous la responsabilité de l’État.

Un rapport du Gouvernement présentera, tous les trois ans, l’état d’avancement des projets, et surtout les actions de réduction du rythme de cette artificialisation que l’État entend mettre en œuvre pour respecter ses propres engagements : utilisation des friches lui appartenant ; financement ou actions de renaturation. Nous avons aussi obtenu une comptabilisation séparée de l’artificialisation des projets d’envergure régionale au sein du Sraddet.

Seconde avancée : la réappropriation des friches, qui sont autant de terrains disponibles pouvant être réinvestis ou renaturés.

Compte tenu de l’importance des enjeux de territorialisation et de mutualisation, les territoires pourront désormais bénéficier, en toute transparence, d’un état exhaustif et documenté du stock disponible, des détails sur la localisation des terrains par département, sur leur nature et leur statut juridique, ainsi que d’une estimation des coûts des opérations de renaturation.

Lors de l’examen du texte en séance publique, nous souhaitons formuler des propositions sur la réhabilitation du bâti existant, car celle-ci répond, à la fois, aux objectifs du ZAN et aux besoins de logements ou de nouvelles activités dans les territoires ruraux. Un amendement visera à prévoir des dispositions spécifiques pour les bâtiments agricoles.

De même, nous proposerons un amendement tendant à insérer un article additionnel en vue de pondérer l’artificialisation issue de projets de construction ou d’aménagement pour des opérations destinées à la réalisation de programmes comportant majoritairement des logements sociaux.

Monsieur le ministre, quelques points devront être résolus durant nos débats : les modalités de mise en œuvre de la garantie rurale ; le choix entre rapport de compatibilité et rapport de prise en compte pour les règles du fascicule du Sraddet ; enfin, dans une moindre mesure, la qualification des pelouses et jardins en terrains artificialisés ou non.

Il nous faudra alors aborder la nécessaire suite qui s’imposera après le vote de cette loi, à savoir les questions de la fiscalité et du financement, qui sont, comme toujours, les sujets qui fâchent le plus.

Je salue, monsieur le ministre, votre volonté de laisser au Sénat la primauté des améliorations à apporter pour une application raisonnée du ZAN.

Cette question concerne évidemment en premier lieu les territoires et leurs élus. J’espère donc que nos débats et la commission mixte paritaire qui suivra seront rapidement conclusifs ! Nous aurons obtenu l’essentiel : que nos maires disposent enfin de clés d’application pour tenir cet objectif. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Michel Dagbert applaudit également.)

Mme Sonia de La Provôté. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer le travail réalisé sur cette proposition de loi par Mme la présidente Valérie Létard, M. le rapporteur et les membres de la commission spéciale, qui ont surtout cherché à rendre le fameux ZAN acceptable par tous les territoires.

Cette proposition de loi porte l’équité au-delà des dogmatismes, avec réalisme et pragmatisme.

Si la sobriété foncière est un objectif nécessaire pour affronter le défi de l’urgence climatique, sa mise en œuvre nécessite un travail sur le terrain, où la voix de chaque territoire doit être entendue et chaque discussion rendue possible, comme résultat de la prise en compte des solidarités territoriales.

Cette proposition de loi favorise donc le dialogue territorial renforçant la gouvernance décentralisée. Elle accompagne les projets structurants de demain, prend mieux en compte les spécificités des territoires et prévoit des outils techniques et réglementaires facilitateurs.

L’équité par la solidarité territoriale, consentie et discutée entre tous, c’est la clé de la réussite de l’objectif de sobriété foncière.

Dans l’article de la loi Climat et résilience portant sur le ZAN reviennent souvent les termes « décliner » et « déclinaison » : la logique est bien centralisée et descendante.

Les élus de terrain que nous sommes ou que nous avons été savent, comme le savent ceux au nom desquels nous nous exprimons, que ce que la loi décline, l’État l’impose. Les quelques décrets, déjà trop vite parus, en sont la parfaite illustration.

Or l’application du ZAN à l’ensemble du territoire et des politiques publiques conduit les élus locaux à subir des injonctions contradictoires permanentes.

En plus du ZAN, il faut garantir l’accès aux services publics et parapublics essentiels, assurer notre souveraineté industrielle, alimentaire et sanitaire, obéir aux obligations en matière de logement social, permettre le maintien des espaces publics et le développement indispensable à la qualité de vie, ou encore, par exemple, favoriser la biodiversité au travers des trames vertes…

Chacun de ces objectifs traîne son cortège de normes et de contraintes, toutes prioritaires. Il devient impossible d’y répondre systématiquement.

Face à la technicité de ces injonctions contradictoires et à la multiplicité des acteurs, les élus locaux ne peuvent qu’être désemparés. Il est donc urgent de leur donner les voies et moyens qui aident à l’arbitrage et au choix et qui simplifient leur tâche.

Ainsi l’objectif de nos travaux et des amendements que portera le groupe Union Centriste est-il de permettre que la mise en œuvre du ZAN se fasse par un consensus territorial, garant d’équité et d’équilibre entre zones rurales et urbaines.

Pour cela, la proposition de loi favorise tout d’abord le dialogue territorial autour du ZAN et renforce l’association des collectivités, qui décident ensemble et échangent avec l’État sur les objectifs.

Pour cela aussi, la proposition de loi répartit les consommations foncières en fonction des responsabilités et de la réalité des besoins.

Pour cela encore, la proposition de loi prend mieux en compte les spécificités territoriales, notamment les territoires ruraux, les territoires qui sont frappés par l’érosion côtière ou les zones montagneuses. Car le ZAN, ici, est aussi et surtout une affaire de différenciation.

Pour cela également, la proposition de loi vise à prévoir les outils locaux à la main des collectivités pour faciliter la transition vers le ZAN. Notre groupe proposera ainsi de consolider la chaîne maillée de l’ingénierie territoriale sur la sobriété foncière, en renforçant les outils opérationnels d’observation, de mesure et de planification, ainsi que de gestion foncière.

Mme Sonia de La Provôté. Pour cela, enfin, la proposition de loi insiste sur les besoins en matière de maîtrise et de requalification des friches, qui constituent une véritable décennie gratuite d’artificialisation dans le compte du ZAN, mais qui sont terriblement coûteuses et complexes à utiliser.

Vous l’avez compris, monsieur le ministre, cette proposition de loi prévoit la mise en œuvre plus démocratique, concertée partout et par tous, d’un objectif, certes louable, mais qui s’impose et qui, en l’état, oppose et divise. En effet, le ZAN ne doit pas aggraver les fractures territoriales déjà si présentes dans notre pays, terreau des refus et des colères.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, en attendant un second volet qui portera sur les outils fiscaux et financiers du ZAN. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Guillaume Chevrollier et Bruno Sido applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marc Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à saluer le travail remarquable de la présidente et du rapporteur de la commission spéciale, Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc, ainsi que l’écoute attentive de M. le ministre.

Il me paraît important de mettre en exergue quelques chiffres : 80 % des communes rurales connaissent une croissance démographique ; 22 millions de Français, soit un habitant sur trois, vivent dans les communes rurales ; 2 millions de néoruraux se sont installés dans des communes de moins de 2 000 habitants ces vingt dernières années.

Les zones rurales accueillent ainsi plus de 100 000 habitants par an. C’est dire l’importance pour nos communes rurales de disposer de surfaces disponibles pour accueillir ces habitants.

Sans remettre en cause la légitimité de la loi Climat et résilience, il convient de rappeler que son application sur le terrain est très contestée, vous le savez, notamment pour ce qui concerne le ZAN. Ce n’est pas la « zanitude » chez les élus ruraux… (Sourires.)

Mes chers collègues, ne lâchons pas le légitime combat pour nos communes. Battons-nous pour une ruralité vivante ! La mise en œuvre du ZAN implique un calendrier qui doit laisser du temps à la concertation et à la discussion entre les différentes collectivités locales.

J’ai eu le plaisir de participer aux nombreuses auditions menées par la mission ZAN depuis septembre 2022. Elles ont révélé que la réflexion devait s’organiser dans une démarche ascendante, de la commune vers le national, et non l’inverse. Ce sont les besoins et la volonté des élus du terrain, des maires, de la plus petite commune à la plus grande, qui doivent primer et être pris en considération.

Il est donc primordial d’avoir une gouvernance décentralisée pour piloter le ZAN.

C’est la condition essentielle pour une acceptabilité du ZAN à l’échelle locale, pour une ruralité vivante qui tienne compte des spécificités des territoires ruraux et de montagne dans la territorialisation des objectifs du ZAN et qui s’assure qu’aucune commune ne sera sacrifiée sur l’autel du ZAN, surtout les communes rurales ayant consommé peu de foncier par le passé.

Mes chers collègues, battons-nous aussi pour un droit au projet et au développement !

Sortir les grands projets nationaux de l’enveloppe du ZAN est une impérieuse nécessité. Le développement des entreprises renouvelables doit également être comptabilisé hors ZAN. Nous ne pouvons favoriser et imposer dans la loi le développement des entreprises photovoltaïques, la géothermie, voire l’éolien, et par ailleurs pénaliser les collectivités au travers de leurs droits à urbaniser : ce serait pour elles la double peine.

Que l’État s’applique à lui-même ce qu’il veut imposer à nos communes !

Il en est de même pour les projets d’envergure régionale et départementale. Les petites communes rurales et de montagne n’ont pas à subir les projets de développement très consommateurs de foncier, au détriment de leurs projets communaux. Il est impératif de trouver un équilibre entre la volonté de développement des territoires et la préservation des impératifs environnementaux.

Les communes rurales ont aussi le droit d’avoir des projets et de les développer, pour assurer le renouvellement de leur population et le maintien des services publics.

Si, demain, le maire d’une commune de 300, 500 ou 1 000 habitants ne peut plus attribuer de permis de construire, alors c’est la fin de la vie de nos territoires et la fin de leur développement !

M. Jean-Marc Boyer. Nous connaissons tous dans nos territoires des refus d’autorisation d’urbanisme ou de permis de construire pour discontinuité de l’habitat bâti, séparation d’une parcelle par une voie communale ou encore incompatibilité avec une activité agricole.

Tous ces arguments et ces normes s’opposent aux porteurs de projets, mais aussi aux maires.

Mes chers collègues, battons-nous pour la liberté d’agir des maires ! Afin de la préserver, je défends la proposition selon laquelle une surface minimale de développement ne saurait être inférieure à un hectare. Cette garantie rurale est essentielle pour donner aux maires une marge d’action, quand on sait qu’une commune sur deux compte moins de 500 habitants.

Après la marche forcée de la loi NOTRe, les maires ruraux se sentent déshabillés de leur mission et de leur capacité d’action. Le ZAN ne doit pas amplifier ce découragement, mais au contraire renforcer le rôle des petites communes et valoriser l’action du maire. En ce sens, ce dernier doit rester le seul décideur des permis de construire sur sa commune. Cela paraît évident, mais cela va mieux en le disant.

Monsieur le ministre, nous savons compter sur votre écoute des territoires. Le ZAN ne sera une réussite que si ces trois volontés sont affichées : pour une ruralité vivante, pour un droit au projet et pour la liberté d’agir du maire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Christian Bilhac et Philippe Folliot applaudissent également.)

M. Philippe Bas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Frédérique Espagnac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, équité, efficacité et apaisement : c’est par ce triptyque que l’on peut résumer l’esprit qui a guidé nos travaux jusqu’au texte que nous examinons aujourd’hui, fruit d’un travail sénatorial transpartisan que je tiens à saluer.

Équité, parce que la lutte contre l’artificialisation des sols concerne le pays tout entier, dans la diversité de nos départements, et parce que la conciliation entre la sobriété foncière et le développement territorial est un enjeu collectif. Il convient donc que l’effort à mener soit également réparti sur l’ensemble du territoire, sans discrimination ni désavantage.

Cela signifie, par exemple, reconnaître les réductions déjà engagées par les collectivités dans le cadre des objectifs précédemment fixés. Ce texte contient des propositions dans ce sens.

Efficacité, car la demande principale des élus et des collectivités, dont nous sommes ici les porte-voix, est d’être bien informés pour pouvoir bien avancer. Les élus comprendront d’autant mieux l’objectif du ZAN qu’ils y seront réellement associés et qu’un temps suffisant leur sera accordé pour s’approprier sa mise en place et modifier les documents d’urbanisme.

En l’espèce, les chiffres sont clairs : les trois quarts des élus interrogés en juillet 2022 admettaient être insuffisamment informés sur le ZAN. Laisser un an de plus au dialogue territorial, c’est l’assurance d’une plus juste compréhension, d’une plus juste appropriation et donc d’une meilleure application du dispositif.

Pour cela, il faut des outils précis et maniables. Je citerai pêle-mêle la conférence régionale de gouvernance, le droit de proposition des communes et EPCI pour la mutualisation de projets, le droit de préemption ou encore l’obtention de données fiables sur l’artificialisation.

Je pense aussi à l’inclusion, dans la liste des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur, de ceux qui relèvent d’une concession de service public, notamment de l’État.

Apaisement, enfin, pour que l’acceptabilité de la lutte contre l’artificialisation par l’ensemble des acteurs locaux soit la plus large possible. En cela, la logique décentralisatrice qui traverse le texte est un marqueur important, de même que la prise en considération des spécificités des territoires.

À ce titre, je voudrais brièvement insister sur trois enjeux : la garantie rurale, les spécificités des zones de montagne et littorales et la situation des exploitations agricoles.

Les discussions engagées depuis plusieurs mois ont permis d’aboutir à la création d’une garantie rurale offrant aux petites communes des perspectives de développement.

Assurer à chaque commune une surface minimale de développement d’un hectare est une réponse concrète aux besoins des élus d’y voir plus clair dans l’effort de réduction de l’artificialisation des sols.

Cette garantie est particulièrement nécessaire pour les communes rurales qui s’appuient sur le règlement national d’urbanisme ou sur leur carte communale. Elle est une condition essentielle pour leur avenir, pour y maintenir nos jeunes ou les attirer pour préserver notamment nos écoles.

Ainsi, priver de la garantie rurale les communes hors règlement national d’urbanisme (RNU), comme vous le proposez, monsieur le ministre, reviendrait notamment à exclure 821 communes de montagne de ce dispositif.

C’est intenable et ce serait une répartition territoriale inéquitable, alors que j’évoquais justement l’équité comme principe fondateur de ce texte.

Nous ne voulons pas vivre dans des réserves, monsieur le ministre ! À ce sujet, il me paraît nécessaire de faire encore plus pour les communes de montagne, en tenant compte de leur singularité pour assurer leur développement.

Outre la surface minimale de développement communal, je pense aux pistes de ski notamment, dont le décompte comme espaces artificialisés semble inadéquat.

Mme Frédérique Espagnac. Je terminerai en évoquant la situation des exploitations agricoles.

Nous souhaitons que le changement de destination des bâtiments agricoles sans création de surface nouvelle ne soit pas considéré comme une nouvelle artificialisation. L’objectif est bien de favoriser la réhabilitation du bâti existant pour répondre à des besoins de logement ou pour de nouvelles activités dans les territoires ruraux.

Par ailleurs, il est essentiel qu’une surface occupée par les constructions, installations et aménagements nécessaires à une exploitation agricole ne soit pas comptabilisée dans la surface artificialisée.

Les enjeux du changement climatique, du bien-être animal et de l’attractivité de la profession impliquent que de nouvelles structures puissent voir le jour sans que cette mesure pénalise nos agriculteurs.

Équité, efficacité, apaisement : je souhaite que nous poursuivions nos débats dans cet élan, au service de nos communes et de leurs élus, qui attendent de nous un esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Jean-Michel Arnaud et Alain Joyandet applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons tous l’objectif de sobriété foncière et de protection des sols, notamment agricoles, face à l’urbanisation galopante et à la perte d’espaces naturels, dans lesquels s’exprime la biodiversité.

C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité instaurer l’objectif du zéro artificialisation nette dans la loi Climat et résilience de 2021. Pourtant, bien que cette loi ait été votée voilà à peine plus d’un an, nous devons déjà revenir sur ses dispositions.

En effet, si l’intention du Gouvernement semblait louable, il faut regarder la réalité en face : cette loi est une véritable catastrophe pour l’ensemble des départements et communes ruraux. Il est nécessaire de la rendre plus équitable pour tous les territoires, villes et villages.

Comble de cette loi Climat et résilience, les collectivités sont aujourd’hui soumises à un calendrier et à des règles du jeu intenables, qu’il nous faut modifier très vite. En effet, depuis plusieurs mois, monsieur le ministre, vous avez multiplié les annonces relatives au ZAN et vous avez admis que son cadre devait évoluer. Mme la Première ministre a même demandé au préfet de « lever le crayon ».

Vous avez dit vouloir prendre en compte nos échos du terrain et traduire avec justesse la vision du Sénat. C’est ce qu’a fait d’une façon tout à fait remarquable la commission spéciale.

Oui, monsieur le ministre, il y a une très forte inquiétude de la part des élus locaux, ruraux en particulier, et surtout une très forte attente envers le Sénat pour modifier cette loi. J’espère que cette proposition de loi pourra y répondre.

Je m’attarderai plus longuement sur le troisième axe de la proposition de loi sénatoriale, qui vise à mieux prendre en compte les spécificités de chaque territoire. À cause de cette loi qu’il faut modifier, les maires se sentent, à juste titre, complètement dépossédés de l’un des seuls outils qui restent à leur disposition : l’aménagement de leur commune.

Ils ressentent un véritable sentiment d’injustice en constatant que cette politique du ZAN s’applique à tous les territoires, urbains comme ruraux, de manière uniforme.

Les élus ruraux ont tout simplement peur d’être sacrifiés dans la répartition du ZAN. Ils ont peur d’être encore une fois les grands perdants et ils craignent qu’on ne leur enlève leur droit de construire.

Avec l’application stricte de la loi, les grandes perdantes seront encore les communes rurales. Après la fermeture des commerces et du dernier service public, vous ôtez aux territoires ruraux leur droit de construire, donc de voir arriver de nouvelles familles ou de s’implanter une entreprise. De plus, 50 % de zéro, pour beaucoup de communes, cela fait toujours zéro… C’est mathématique !

Cette situation posera d’inévitables problèmes d’aménagement du territoire. Que fera le maire d’une commune rurale ? Devra-t-il choisir entre la construction d’une habitation ou d’une exploitation agricole ? D’un côté, il y a la volonté gouvernementale de favoriser les « Petites villes de demain ». De l’autre, au contraire, vous les freinez avec le ZAN.

Le Sénat a formulé une proposition simple à l’article 7 : toutes les communes pourraient disposer d’une enveloppe minimale, et la loi fixerait ce minimum à un hectare, ce qui serait une garantie pour les petites communes rurales.

Pour ma part, je serais favorable à ce que nous allions un peu plus loin que le rapporteur, en proposant que le ZAN ne soit pas appliqué dans les territoires hyperruraux. Certains cantons de Haute-Marne comptent en effet moins d’habitants que le Sahara ! La liste de ces territoires serait fixée par décret.

Ainsi, en matière d’aménagement, une plus grande différenciation entre les territoires me semble souhaitable. Surtout, cette loi ne doit pas pénaliser nos communes rurales et hyperrurales.

Cette question de la sobriété et de l’aménagement foncier pouvait être l’occasion de conduire une véritable politique d’aménagement du territoire et de développement durable. Il n’en est rien, et je le regrette. Aujourd’hui, il est urgent d’avoir une telle politique, ambitieuse, pour les territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Joël Bigot, Jean-Pierre Corbisez, Yves Détraigne, Alain Marc et Franck Menonville applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, si la discussion s’arrêtait là, nous pourrions croire que nous sommes d’accord. En effet, nous nous sommes attachés pour l’essentiel, dans les prises de parole successives, à convenir que nous nous entendions sur les principes.

Nous devons à présent vérifier, dans le détail de chaque mesure – c’est tout l’enjeu de la discussion des amendements à venir –, jusqu’où nous allons. Je répondrai en quelques mots aux différents orateurs qui se sont exprimés.

La question sociale, qu’a évoquée Cécile Cukierman, est bien entendu cruciale.

À Sonia de la Provôté, je répondrai que les injonctions contradictoires ne sont pas nouvelles. Quand on est maire – je l’ai été –, on fait face en permanence, même en l’absence de nouveaux textes, à des injonctions contradictoires. Ces dernières viennent parfois des riverains eux-mêmes, qui réagissent différemment à des projets d’équipements ou de services publics en fonction de leur destination ou de la distance qui les sépare de leur propre habitation.

Ainsi, bien que nous partagions tous l’objectif du recyclage, même un container enterré pour récolter du verre peut faire l’objet d’âpres discussions : tout le monde est d’accord pour l’installer, mais pas à côté de chez lui !

De ce point de vue, la nécessité d’une garantie rurale fait consensus. Mais je souhaite tout de même préciser qu’il y a plusieurs ruralités dans ce pays.

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Christophe Béchu, ministre. Un quart des communes ont vu leur population baisser et, dans le même temps, l’artificialisation de leur territoire augmenter. À l’autre bout du spectre, 800 communes n’ont pas construit un mètre carré en plus de dix ans et le territoire rural dans son ensemble n’est pas, non plus que le territoire urbain, le plus grand consommateur de sols.

Quand on observe les chiffres et la dynamique de population, on constate que la consommation s’est en fait concentrée sur les territoires périurbains. La manière dont nous écrirons certaines dispositions aura donc son importance.

Je n’ai pas précisé les sujets que nous considérions comme des irritants. Ainsi, l’article 9, qui prévoit que les pelouses pourraient cesser d’être artificialisées et devenir des réservoirs d’artificialisation est évidemment une ligne rouge absolue. Aucun accord ne pourrait être trouvé sur ce point avec l’Assemblée nationale, compte tenu de la manière dont cet article transformerait, partout, les modalités de calcul de l’artificialisation.

S’agissant des bâtiments agricoles en zone A, les attentes de la sénatrice Frédérique Espagnac sont en quelque sorte déjà satisfaites par les modalités de calcul actuelles.

Sur certains de ces sujets, nous pourrons discuter dans le détail. Je vous le répète, je souhaite que nous fassions œuvre utile, c’est-à-dire que nous parvenions ici, au Sénat, à un texte qui soit non seulement facile d’accès pour les territoires, mais également suffisamment opérationnel pour modifier la loi à l’issue de la navette parlementaire.

En effet, toutes les critiques qui ont pu être exprimées concernent non pas un projet du Gouvernement, mais un texte qui a été voté, qui a force de loi, un texte sur lequel vous travaillez depuis plusieurs mois et à propos duquel, voilà moins d’un an, je réfléchissais en qualité de maire à la façon de l’appliquer sur mon territoire et d’en partager la contrainte dans mon intercommunalité.

Nous aurons dans un instant l’occasion de prolonger ces discussions.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires

Chapitre Ier

Favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 38

Avant l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 6 rectifié est présenté par Mme N. Goulet, MM. Delahaye et de Belenet et Mme Herzog.

L’amendement n° 230 rectifié est présenté par M. Joyandet, Mme Dumont, M. Le Rudulier, Mme Goy-Chavent, MM. Sido, Longuet, Chatillon, Favreau et Reichardt, Mme Puissat, M. Bouchet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Chasseing et Houpert, Mme Noël et M. B. Fournier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre V de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est abrogé.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. Qui légifère mal s’expose à légiférer deux fois.

La discussion générale en a été le reflet : le terrain considère que la législation sur le ZAN est plus qu’un irritant. Les procédures sont enchevêtrées, les acronymes improbables et les différences flagrantes entre les communes les plus rurales et les autres.

Dans un département rural comme le mien, la construction d’un contournement d’une ville moyenne nous interdira de construire le moindre clapier pendant dix ans ! Tout cela n’est pas raisonnable. Les maires sont tout à fait irrités et complètement dépourvus, mais également très mobilisés.

Monsieur le ministre, comment voulez-vous que nous assurions le maintien d’une population en milieu rural si, dans le même temps, nous n’avons pas de droit de construire ? L’hectare sur dix ans, peut-être, mais en attendant il faut survivre !

Ce texte est une rustine, et nous devons faire mieux. Personne ne nie la nécessité de la maîtrise du sol et de la construction, c’est une évidence. Il y a cependant mieux à faire.

Alors que les décrets d’application vont au-delà de la loi et que l’étude d’impact a été complètement carencée, je suis assez favorable à l’idée d’Alain Lambert de pouvoir attaquer les études d’impact quand elles confinent au dol.

Finalement, l’étude d’impact de cette loi ne disait rien des effets précis que cette dernière aurait sur nos territoires, notamment les plus ruraux, à savoir une disparité entre les communes plus importantes et les bourgs ruraux et une impossibilité de construire pour les communes.

Enfin, monsieur le ministre, ce texte est totalement illisible.

Je salue le travail important qu’ont réalisé nos collègues pour aboutir à la rustine qui nous est ici proposée, mais je vous propose plus simplement, pour ma part, d’abroger les dispositifs du ZAN dans la loi Climat et résilience. Par prudence et par flair, d’ailleurs, je n’avais pas voté ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour présenter l’amendement n° 230 rectifié.

M. Alain Joyandet. Entre 2009 et 2018, l’artificialisation moyenne en France a progressé de 0,5 %. Plus précisément, l’évolution est de +1 % en Île-de-France et de –0,2 % en Haute-Saône, dans mon département.

Or il faudrait réduire tous ces chiffres de moitié d’ici à 2030, selon une décision prise à Paris d’une manière totalement unilatérale ?

Permettez-moi, monsieur le ministre, de replacer les choses dans leur contexte général. La fusion des régions, la fusion des intercommunalités, la disparition d’intercommunalités, les Sraddet prescriptifs, les Scot, les tout-puissants architectes des Bâtiments de France (ABF), les transferts de compétences dans tous les sens à tous les échelons : nous passons notre temps à appliquer de nouveaux textes qui changent, alors même qu’ils ne sont pas encore véritablement en application.

Tout cela représente un coût absolument exorbitant pour nos collectivités. À chaque élection, nous prenons l’engagement de simplifier la vie des Français et de nos élus. Et à chaque mandature, on en rajoute et on continue à complexifier !

Résultat, nos élus locaux n’en peuvent plus, nos concitoyens ne comprennent pas les refus de permis de construire ou d’autorisation à la suite de demandes diverses et variées, et nos entreprises du monde rural, déjà très peu nombreuses, risquent de nous quitter.

Pour une fois, mes chers collègues, osons la simplification. Je rejoins les propos qu’a tenus à l’instant Mme Goulet : supprimons, une fois n’est pas coutume, un texte dont nous n’avons pas besoin. Donnons de la liberté à nos élus locaux, dans la grande responsabilité qui est la leur.

Tout le monde est attaché à la qualité de nos campagnes, au monde rural et à l’écologie ! Nous aimons nos territoires, mais, monsieur le ministre, nous avons simplement envie de pouvoir continuer à y vivre, donc à y avoir des enfants, des entreprises et des emplois. Laissez-nous un peu de liberté dans la vie et faites-nous confiance pour assumer la responsabilité qui a toujours été la nôtre.

Tel est le sens de cet amendement de suppression.

Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’application du chapitre III du titre V de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est suspendue jusqu’à l’entrée en vigueur de la présente loi.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un aménagement, d’une victoire de l’optimisme sur l’expérience, comme disait Henry VIII à son sixième mariage… (Sourires.)

Cet amendement tend à suspendre les dispositifs prévus par la loi Climat et résilience jusqu’à l’entrée en vigueur de la présente loi, que nous n’allons pas manquer de voter.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendements n° 6 rectifié, n° 230 rectifié et n° 39
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 185

Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifiée :

1° L’article 192 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Le présent article est applicable au plus tôt au 1er janvier 2030 » ;

2° L’article 194 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa du III, les mots : « à la date de la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « au 1er janvier 2031 » ;

b) Le IV est ainsi modifié :

- aux deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas, les mots : « dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « au plus tôt au 1er janvier 2031 » ;

- au septième alinéa, les mots : « la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « le 1er janvier 2031 » ;

- au dixième alinéa, les mots : « à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « au 1er janvier 2035 » ;

- aux onzième et treizième alinéas, les mots : « dans un délai de six ans à compter de la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « au plus tard au 1er janvier 2036 » ;

- au seizième alinéa, les mots : « la promulgation de la présente loi » sont remplacés par les mots : « le 1er janvier 2036 » et les mots : « à la date de la promulgation de la présente loi » sont remplacé par les mots : « au 1er janvier 2036 » ;

c) À la première phrase du premier alinéa, au troisième alinéa du V et à la première phrase du VI, le mot : « ans » est remplacé par le mot : « mois ».

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 38 est retiré.

Quel est l’avis de la commission spéciale sur les amendements restant en discussion ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Nous avons tous entendu les cris de colère que les uns et les autres ont relayés au cours de cette séance.

Depuis le début, les élus sont tout à fait irrités. Néanmoins, le mot « abrogation » n’a jamais été prononcé dans les assemblées de maires. Ce que les élus demandent, partout, c’est du temps, de la liberté, des aménagements, des garde-fous, de la souplesse et des moyens.

C’est dans ce cadre qu’une mission conjointe de contrôle a été créée, puis qu’une commission spéciale intergroupes et intercommissions s’est réunie pour formuler des propositions qui respectent la trajectoire engagée, mais en changeant de méthode.

Cette méthode se veut plus ascendante. Elle donne davantage de droits à nos élus, à commencer par un droit de proposition. Nous voulons maintenant mettre à disposition de nouveaux outils.

Voilà le cadre qui a été fixé par la commission spéciale et dans lequel nous souhaitons continuer de nous inscrire.

Vous avez dit vous-même que vous croyiez à la sobriété foncière. Nous partageons donc cet objectif. La liberté chère à Alain Joyandet sera défendue. Dans quelques instants, il sera question du schéma prescripteur qu’est le Sraddet. Nous demanderons dans le cadre de son élaboration la prise en compte des demandes des élus, et l’on peut y voir une forme de liberté. Voilà les quelques outils et principes que nous comptons défendre.

Aussi, l’avis de la commission ne peut qu’être défavorable sur ces différents amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Malgré l’amitié que je porte à Nathalie Goulet et Alain Joyandet, dont les arguments – pouvoir élever des enfants, accueillir des entreprises et développer nos territoires – sont assez efficaces, permettez-moi de remettre quelques instants les choses à leur place.

Cinq terrains de football par heure : c’est ce que nous consommons dans ce pays. Ma conviction la plus absolue, c’est que la défense de notre qualité de vie passe aussi par la défense de nos paysages et de nos espaces agricoles.

Le texte de loi actuel ne demande pas des efforts aveugles : vous avez décidé de passer sous silence le fait que, pour atteindre l’objectif de diviser par deux les trajectoires de chaque collectivité, il sera fait confiance aux conseils régionaux.

Le texte de la loi Climat et résilience a été rédigé précisément de telle sorte qu’il y ait dans le processus, non pas des fonctionnaires, mais des élus, dont la tâche serait de répartir l’effort selon les territoires.

Tel a été le sens de vos débats, et c’est pour ces raisons que vous n’avez pas repris telles quelles les propositions de la convention citoyenne.

Je puis entendre bien des choses. Ce texte est améliorable, mais l’abrogation ou la suspension de ses dispositions reviendrait à nier la réalité d’une érosion de la biodiversité qui, à terme, menace aussi la qualité de vie dans les espaces que l’on prétend défendre.

Je veux donc croire que, parce que vous pensez sincèrement qu’il faut permettre à nos territoires de continuer à se développer, vous soutenez davantage ces amendements pour animer ce début de discussion que pour véritablement obtenir l’abrogation desdites dispositions.

L’avis du Gouvernement est donc évidemment défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le rapporteur, si l’on avait interrogé les maires sur une possibilité d’abrogation en vue de réécrire une loi dans de meilleures conditions, je ne suis pas certaine qu’ils ne l’auraient pas demandée ! Ils y ont même sans doute pensé. Mais on ne leur a pas proposé d’abroger ces dispositions, qui sont totalement illisibles.

Par ailleurs, monsieur le ministre, l’élaboration du Sraddet à l’échelle régionale a pour effet, vous le comprenez bien, que l’Orne est défavorisée par rapport à Cherbourg ou Le Havre quand il s’agit d’obtenir des superficies constructibles.

Je maintiens donc cet amendement. Selon moi, il est préférable de légiférer sur un texte nouveau, qui prendrait mieux en considération les problèmes des territoires les plus ruraux et qui garantirait l’équilibre, plutôt que de poser des rustines.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.

M. Fabien Genet. Il est important, à l’entame de l’examen de ce texte, de relayer la voix des territoires. À défaut, on pourrait croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, alors que tel n’est pas le cas.

En effet, il faut le répéter, cette véritable révolution des esprits que constitue le ZAN suscite de nombreux doutes et même de l’inquiétude. Nous sommes tous interpellés par les élus locaux.

En Saône-et-Loire, nombreux sont ceux qui me demandent comment l’on peut au Sénat, la même semaine, tenir un colloque sur la simplification administrative et ne pas mettre celle-ci en pratique en supprimant le ZAN… Il s’agit en effet d’une usine à gaz dont les effets se font déjà sentir sur le terrain, notamment lorsque nous préparons des PLUi.

D’autres élus, monsieur le ministre, se demandent pourquoi ne pas faire le pari de la liberté locale et de l’esprit de responsabilité des élus territoriaux.

S’il convient d’inscrire dans la loi la nécessité de faire preuve de sobriété foncière et de limiter l’artificialisation, il n’est nul besoin pour cela de passer par ce corset rigide, susceptible d’être appliqué avec brutalité en vertu d’un certain centralisme régional, qui pourrait s’exercer sous l’influence des territoires les plus riches, dynamiques et peuplés, au détriment des territoires en déclin ou ruraux.

Par exemple, Anne-Catherine Loisier et moi-même l’avons constaté, dans notre région, les premières discussions font apparaître que la métropole dijonnaise capte des pourcentages plus élevés que les territoires ruraux. Les préoccupations sont donc fondées.

M. Fabien Genet. Naturellement, la grandeur du Sénat nous invite à trouver des compromis. Au-delà des messages que nous pouvons faire passer, il faut bien sûr apporter des solutions : c’est ce que Jean-Baptiste Blanc et la commission ont recherché.

Toutefois, il me semblait important, au travers de ces amendements, de relayer ces inquiétudes, qui sont bien réelles.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je ne voterai pas ces amendements, car ils tendent à supprimer des dispositions très fortes de la loi. D’autres amendements nous permettront de défendre pleinement nos territoires ruraux, ce qui est d’ailleurs l’objet même de cette proposition de loi, ou tout du moins d’une grande partie des dispositions qu’elle comporte.

Toutefois, monsieur le ministre, je vous prie de ne pas nous opposer, tout au long du débat, le fait que le Sénat a voté la loi Climat et résilience, car le vote d’un texte est un tout. Cela ne signifie pas que nous n’ayons pas eu des désaccords profonds avec certaines dispositions de cette loi. L’objet même de notre travail de cette après-midi est d’ailleurs de corriger celles-ci, d’autant plus que le Gouvernement en a fait un usage abusif, notamment en renforçant les pouvoirs de la région.

Nous ne considérons pas que la région est une collectivité pertinente pour régir la planification urbaine. La loi de décentralisation de 1982 a confié cette compétence aux communes et aux maires, et nous voulons nous en tenir au respect des libertés locales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Michel Arnaud applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.

M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, vous ne me convaincrez certainement pas en me demandant de faire confiance à la région pour organiser le territoire de mon secteur rural – je parle bien de ma région, que je connais bien, et non des autres.

La Haute-Saône est un petit département de 230 000 habitants, qui ne compte pas le moindre kilomètre d’autoroute, mais qui accueille plusieurs entreprises ultraperformantes et exportatrices. Notre participation à la balance commerciale nationale est positive de 425 millions d’euros par an – ce n’est pas si mal pour un petit département rural !

Toutefois, si vous nous déniez la possibilité de donner 200 ou 300 mètres carrés à ces entreprises pour qu’elles se développent, quel avenir un territoire comme le nôtre peut-il avoir ?

Par ailleurs, je ne vous fais pas confiance – pas à vous, personnellement, monsieur le ministre, mais à votre administration –, car les décrets ne correspondent pas toujours aux textes que nous votons. (Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Gérard Longuet acquiescent.) Sur les ZAN, nous avons été obligés de nous adresser au Conseil constitutionnel. Et comme on dit chez nous, « chat échaudé… » – vous connaissez la suite !

Il faut véritablement mettre un coup d’arrêt aux contraintes pesant sur nos territoires qui sont sans doute les plus dynamiques. Aussi, quand vous nous dites qu’il faut contraindre les grands secteurs urbains, je le comprends, mais je ne veux de contrainte pour personne. N’opposons pas le monde rural au secteur urbain, car nous avons besoin de tout le monde.

Monsieur le ministre, proposez-nous un texte équitable, crédible et applicable. Et examinez bien les décrets qui suivront le vote de cette loi avant de les signer ! Car nous n’y retrouvons pas ce que nous votons dans cet hémicycle.

Nous sommes plusieurs à vouloir simplement supprimer ces dispositions, mais, par respect pour le travail de la commission spéciale – bravo, madame la présidente et monsieur le rapporteur ! –, je veux croire que nous aboutirons à des mesures équitables pour nos territoires et pour l’avenir de notre pays, qui a besoin d’une osmose entre la ruralité et les territoires urbains.

Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 230 rectifié est retiré.

La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Je préciserai ou compléterai les propos de Philipe Bas. En effet, des communes, intercommunalités ou départements craignent une forme de mise en concurrence.

Par exemple, dans la région des Hauts-de-France, sur les 400 000 hectares consommés, 100 000 le sont pour le foncier économique. Lorsque l’on rapporte la surface définie dans le Sraddet à la population, il y a de quoi s’inquiéter, même si je sais que le président de la région est attentif à l’équilibre territorial.

Je vous rappelle que, selon la loi NOTRe, les départements ont la responsabilité de la solidarité sociale et de la solidarité territoriale, afin que chaque territoire puisse se développer et améliorer son attractivité. Je ne suis pas certain qu’en déléguant cette compétence aux conseils régionaux au travers des Sraddet, les départements et l’ensemble des intercommunalités puissent se développer comme ils le souhaitent. (M. François Bonhomme applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 38
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 185, présenté par MM. Dantec, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le rythme de l’artificialisation des sols entre la dixième et la vingtième année suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale, depuis cette promulgation, soit inférieure à 75 % de celle observée sur les dix années précédant la promulgation de la présente loi. Le rythme de l’artificialisation des sols entre la vingtième et la trentième année suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, depuis cette promulgation, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à 87 % de celle observée sur les dix années précédant la promulgation de la présente loi. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre préliminaire :

Dispositions de programmation

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cet amendement vise à combler un manque évident de la loi Climat et résilience : l’objectif de –50 % d’artificialisation nouvelle est très clair pour ce qui concerne la prochaine décennie, bien que sa mise en œuvre soit sujette à débat, nous y reviendrons, mais qu’en sera-t-il pour les suivantes ?

Il est question d’une trajectoire qui nous mène à zéro artificialisation en 2050. Or, si nous avons réduit de moitié l’artificialisation en 2031, il n’y a aucun chiffre pour la suite.

Cet amendement vise donc à définir une trajectoire par rapport à la période de référence : –50 % en 2031, –75 % dix ans plus tard et –87 % en 2051. Comme la loi doit permettre une certaine souplesse, les territoires qui ne consommeront pas l’intégralité de l’enveloppe au cours de la première décennie pourront reporter la part non consommée sur la suivante, à condition de respecter l’objectif de –75 % à la fin de la décennie.

En effet, il me semble important que l’État précise comment il voit les vingt ans qui suivront la première décennie – c’est véritablement un angle mort de la loi.

Par ailleurs, je regrette profondément – nous avons eu l’occasion d’en parler en commission spéciale – que nous n’appliquions pas la définition des Enaf à l’ensemble de la période, qui permet de distinguer l’attache urbaine d’un côté et les espaces naturels de l’autre. Cela aurait profondément simplifié la loi et l’aurait rendue plus lisible.

Aussi, les dispositions de cet amendement se fondent sur le présupposé que l’on maintiendrait au cours de l’ensemble de la période la définition des Enaf, avec une trajectoire de baisse régulière.

Cet amendement me semble de bon sens. J’aimerais un jour comprendre pourquoi l’État n’a pas choisi de conserver les Enaf jusqu’en 2050 !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Mon cher collègue, cette proposition de loi vise à apporter de la souplesse. Nous comprenons parfaitement l’urgence climatique et votre volonté de cranter des trajectoires ambitieuses, mais nous cherchons à lever des contraintes, non à en ajouter.

Par ailleurs, nous souhaitons dire que les élus font déjà preuve de sobriété foncière depuis longtemps et que l’on peut leur faire confiance pour s’inscrire d’eux-mêmes dans la trajectoire.

Aussi, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement aborde la période 2031-2050 avec humilité. Nous ne sommes pas encore en 2031 ! Ce n’est que lorsque nous nous approcherons de cette date que nous pourrons observer comment le texte que nous aurons voté aura été appliqué et faire valoir une éventuelle clause de rendez-vous.

Avant de déterminer les trajectoires de la période qui suit, il conviendra de tirer les leçons de la période écoulée, ainsi que d’examiner où nous en sommes et quels sont les besoins.

Honnêtement, si nous en étions au vote initial d’un texte, nous pourrions définir des trajectoires. Mais nous sommes en train de réviser des dispositions pour lesquelles nous sommes parfois allés un peu vite… Ainsi, je me garderais d’ajouter des trajectoires précises entre 2031-2050 avant d’avoir constaté à quoi la première décennie aura abouti.

Le Gouvernement demande donc lui aussi le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. J’entends les arguments qui viennent d’être avancés, mais ils ne répondent qu’à l’une de mes deux questions, celle qui porte sur la trajectoire.

Mon autre interrogation est la suivante : pourquoi donc est-on sorti de la définition des Enaf pour les vingt ans qui suivent ?

Cette question, qui se posera de nouveau lorsque nous discuterons de l’article 9, est très importante. L’objet de cet amendement était également d’ouvrir le débat sur les Enaf durant la période 2031-2050. Il s’agissait donc en quelque sorte d’un amendement d’appel.

Aussi, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 185 est retiré.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 185
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 46 rectifié bis, n° 51 rectfié ter et n° 139 rectifié quinquies

Article 1er

I. – Le IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifié :

1° À la dernière phrase des 1°, 2°, 3° et 4°, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « quarante-deux » ;

2° Au 6°, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six » ;

3° Au premier alinéa du 7° et au 8°, le mot : « six » est remplacé par le mot : « sept ».

II. – Le chapitre Ier du titre V du livre II de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article L. 4251-7 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque l’évolution du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires intervient en application du 1° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et vise à intégrer au document des objectifs et des trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols dans le délai fixé par le même 1°, le projet est approuvé par arrêté du représentant de l’État dans la région dans un délai d’un mois. La phrase précédente s’applique également lorsque ladite évolution du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires vise simultanément à intégrer les objectifs mentionnés à l’article L. 141-5-1 du code de l’énergie en application des VI à VII de l’article 83 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée, les objectifs mentionnés à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales en application du IV de l’article 219 de la loi précitée, ou la stratégie mentionnée au quatrième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales en application de l’article 37 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. » ;

2° Le troisième alinéa du I de l’article L. 4251-9 est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Lorsque l’évolution du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires intervient en application du 1° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et vise à intégrer au document des objectifs et trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols dans le délai fixé par le même 1°, la mise à disposition du public par voie électronique est réalisée simultanément à la soumission pour avis du projet de schéma aux personnes et aux organismes prévus à l’article L. 4251-6 du présent code. Dès leur transmission, ces avis sont rendus publics par voie électronique, dans des conditions précisées par décret. La phrase précédente s’applique également lorsque ladite évolution du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires vise simultanément à intégrer les objectifs mentionnés à l’article L. 141-5-1 du code de l’énergie en application des VI à VII de l’article 83 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée, les objectifs mentionnés à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales en application du IV de l’article 219 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, ou la stratégie mentionnée au quatrième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales en application de l’article 37 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. »

III (nouveau). – Le livre Ier du code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article L. 143-38 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque l’évolution du schéma de cohérence territoriale intervient en application du 5° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et vise à intégrer au document des objectifs et trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols dans le délai fixé par le 6° du même IV, la mise à disposition du public peut être réalisée par voie électronique simultanément à la soumission pour avis du projet de modification aux personnes publiques associées prévues aux articles L. 132-7 et L. 132-8 du présent code. Dès leur transmission, ces avis sont rendus publics par voie électronique, dans des conditions précisées par décret. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 153-47 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque l’évolution du plan local d’urbanisme intervient en application du 5° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée et vise à intégrer au document des objectifs et des trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols dans le délai fixé par le 7° du même IV, la mise à disposition du public peut être réalisée par voie électronique simultanément à la soumission pour avis du projet de modification aux personnes publiques associées prévues aux articles L. 132-7 et L. 132-9 du présent code. Dès leur transmission, ces avis sont rendus publics par voie électronique, dans des conditions précisées par décret. »

IV (nouveau). – L’article L. 132-14 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La commission de conciliation se réunit, à la demande de tout établissement mentionné à l’article L. 143-1, établissement public de coopération intercommunale ou commune compétente en matière de document d’urbanisme, dans le cadre de l’évolution d’un document d’urbanisme visant à y intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols en application du 5° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. »

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly, sur l’article.

M. Stéphane Demilly. Je salue tout d’abord les auteurs de cette proposition de loi, qui apportent des réponses à des questions majeures relatives au droit à construire, au développement économique et à l’aménagement du territoire.

Il y aurait beaucoup à dire sur l’objectif ZAN, mais, le temps étant compté, j’aborderai rapidement deux points.

Tout d’abord, j’évoquerai une problématique spécifique aux milieux ruraux : la sédentarité des populations caractéristique de nos territoires. La restriction du nombre de permis de construire délivrés implique la fin de la construction de nouveaux pavillons, ce qui décourage l’arrivée dans les villages de jeunes couples avec enfants et entraîne un amenuisement des effectifs scolaires dans ces communes, donc, à terme, des fermetures de classes et d’écoles.

C’est un sujet de base, que j’ai d’ailleurs abordé avec le recteur de l’académie d’Amiens, car il me semble que cette évolution du ZAN aura sur la démographie scolaire un impact évident, qui n’a pas été suffisamment étudié. Il faut l’avoir en tête et, autant que faire se peut, l’anticiper.

Ensuite, j’évoquerai les grands projets nationaux, et même internationaux, comme le canal Seine-Nord.

Ce projet de 107 kilomètres, qui connectera la liaison fluviale Seine-Escaut – 20 000 kilomètres de voies européennes –, entraînera la création de milliers d’emplois lors des travaux et de milliers d’autres à terme, grâce au développement des plateformes multimodales. Les 1 036 hectares de consommation nette de cette infrastructure ne doivent évidemment pas être inclus dans le calcul ZAN, et surtout pas à l’échelon régional.

En ce sens, l’article 4 de cette proposition de loi est un moindre mal, puisqu’il prévoit de comptabiliser séparément au sein d’une enveloppe nationale ces grands projets. Il eût été selon moi plus judicieux de les exclure complètement du calcul ZAN national, mais faute de grives, on mange des merles.

Je compte donc sur vous, mes chers collègues, pour que la version finale du texte ne pénalise pas les régions qui accueillent de grands projets vertueux sur le plan environnemental, comme le canal Seine-Nord, cette infrastructure si attendue dans le continent européen. (Mme Amel Gacquerre et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, sur l’article.

M. Franck Menonville. Tout d’abord, permettez-moi de saluer le travail des auteurs de cette proposition de loi.

Il était important de revoir ce dispositif, qui est mal adapté à nos territoires ruraux. Nous partageons bien évidemment l’objectif qui le sous-tend, à savoir réduire la consommation de l’espace dans notre pays – au reste, nul ne le conteste –, mais il est nécessaire de l’appliquer de manière différenciée, davantage territorialisée et mieux adaptée aux territoires ruraux.

Les règles doivent répondre à la diversité des territoires et des besoins, afin d’assurer la revitalisation de nos territoires ruraux. En effet, une application uniforme de l’objectif de réduction de –50 % à l’horizon de 2031 à toutes les communes signifierait que près de la moitié d’entre elles disposeraient d’une enveloppe d’artificialisation quasi nulle pour la période 2021-2031.

Force est de constater que ce sont les communes qui ont le moins artificialisé qui se verraient imposer les contraintes les plus fortes, ce qui freinerait ainsi leur développement. À l’inverse, celles qui ont fortement artificialisé disposeraient d’enveloppes toujours importantes. Il s’agit d’une question majeure, qui a déjà été évoquée par Bruno Sido.

Par ailleurs, j’évoquerai également les grands travaux, les grands chantiers d’intérêt national dans les départements de la Haute-Marne et de la Meuse, en particulier le projet Cigéo de stockage de déchets nucléaires. Si nous comptabilisons celui-ci à l’échelle du département, nous empêchons toute possibilité de construction et de développement sur le territoire ! Ainsi, l’intégration et la mutualisation proposées par les auteurs de ce texte de loi vont dans le bon sens.

Enfin, je rappelle que la crise sanitaire a fait émerger de nouveaux besoins dans nos territoires ruraux et une nouvelle vision de la ruralité qu’il nous faut conforter.

Aussi, nous devons donner aux territoires ruraux les capacités de répondre aux attentes de leurs habitants. Nous devons inverser la spirale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jacques Le Nay applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.

M. Olivier Paccaud. Permettez-moi à mon tour de saluer la qualité du travail de notre rapporteur et de la présidente de la commission spéciale.

Dans la lignée des interventions de certains de mes collègues, j’estime que, si l’enfer est pavé de bonnes intentions, le ZAN en est un cas d’école, d’autant plus que les politiques publiques sont pétries de la porcelaine de leurs contradictions.

Ainsi, alors que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) – nous n’en avons pas dit un mot – nous a fait déverser des milliards d’euros pour démolir des tours et aérer des quartiers, il est question avec le ZAN de densification et de verticalité…

Alors que l’on parlait jadis d’aménagement du territoire, l’expression a disparu du vocabulaire gouvernemental et même de l’architecture ministérielle : nous avons une ministre de la cohésion des territoires, mais d’aménagement, point. Veut-on faire de la ruralité une réserve de Peaux-Rouges ? Veut-on transformer nos campagnes en conservatoires de la vie rurale ou en écomusées ?

La version du ZAN issue des décrets gouvernementaux est une espèce de monument technocratique bâti avec des parpaings de malthusianisme et de décroissance, sans aucun bon sens. Il est donc grand temps de réécrire le dispositif à l’encre de la lucidité et de la proximité : c’est, je l’espère, ce qui sera fait avec cette proposition de loi.

Nous sommes tous favorables à la sobriété foncière, mais pas au zéro – j’insiste sur le mot – artificialisation nette. La formule claque comme un diktat, comme une condamnation à une mort lente par asphyxie de nos campagnes.

À défaut de vouloir, à l’instar d’Apollinaire, rallumer les étoiles, je souhaite que les 30 000 lucioles qui illuminent la France ne s’éteignent pas, car le grand brasier des métropoles ne suffira pas à éclairer et réchauffer tout le pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.

Mme Angèle Préville. Réduire l’artificialisation est une nécessité. Les dix dernières années n’ont pas été vertueuses, au contraire : l’équivalent d’un département a été artificialisé.

Pour lutter contre le dérèglement climatique et préserver la biodiversité – c’est bien de cela qu’il s’agit –, nous devons réduire le rythme d’artificialisation et bien mieux cadrer notre développement, lui aussi nécessaire, ne serait-ce que parce que la population française augmente.

Cela étant, les décrets d’application de la loi Climat et résilience, pris l’été dernier, ont non seulement été vécus comme particulièrement sévères, voire brutaux, mais ils ont eu des conséquences draconiennes pour certaines communes rurales, notamment dans mon département.

D’une certaine manière, la confusion règne, le maître mot ayant été cette fameuse division par deux de l’artificialisation nouvelle d’ici à 2030, sans tenir compte des spécificités de chaque territoire, c’est-à-dire de la différenciation.

Pourtant, il semble évident que, dans certaines situations, les besoins sont plus importants, par exemple pour une commune pourvue d’une école, pour une autre, particulièrement attractive, comptant un grand nombre de constructions récentes, donc en fort développement, ou encore pour une troisième qui accueille une entreprise florissante. Or ces communes ont vu leur droit à construire drastiquement diminué. C’est à n’y rien comprendre !

Les élus, s’ils ne désespèrent pas, s’interrogent sur leur rôle. Cette proposition de loi apporte des solutions concrètes que vous devez entendre, monsieur le ministre.

Néanmoins, il faudra reconnaître la particularité de chaque territoire, sous peine de passer à côté des aspirations légitimes des élus, qui sont pleinement conscients des enjeux et qui adhèrent unanimement à cet objectif.

Nous pouvons et devons leur faire confiance. Chacun dans cet hémicycle les rencontre régulièrement ; aussi pouvons-nous convenir que nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous devons construire le dispositif avec intelligence, de manière à associer les élus, car ils sont responsables.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, sur l’article.

M. Alain Marc. Nous avons le souci que ce fameux ZAN ne soit pas une machine à broyer la ruralité et à empêcher son développement. Pour ce faire, nous devons nous appuyer sur des données fiables.

Pour affirmer, tous les dix ans, qu’un petit département s’est artificialisé, il convient de se fonder sur des données non contestables. Or, quand on examine les chiffres par commune de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), on s’aperçoit que le critère retenu est le parcellaire cadastral, et non l’artificialisation réelle.

Aussi, il est primordial de nous doter d’un réel outil de mesure pour évaluer l’artificialisation, pour nos territoires, mais aussi et surtout pour la ruralité. À l’heure actuelle, ce dernier n’existe pas. Alors que nous disposons d’outils satellitaires pour mesurer les parcelles agricoles au titre de la politique agricole commune (PAC), nous en sommes dépourvus pour mesurer réellement l’artificialisation. C’est tout de même étrange !

Le ZAN doit se fonder sur des outils de mesures fiables et incontestables, car nous avons pu constater, après une vérification très fine sur le parc naturel régional des Grands Causses, que les évaluations réalisées par l’État étaient souvent très supérieures à la réalité. On part ainsi d’un postulat complètement erroné. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.

M. Philippe Folliot. Bien entendu, nous partageons tous, monsieur le ministre, l’objectif de sobriété qui a été fixé dans la loi Climat et résilience. Je fais partie de ceux qui n’ont pas voté ce texte, parce que je subodorais certains effets, que nous voyons d’ailleurs poindre au travers des décrets d’application. Ceux-ci ont heurté nombre d’élus.

Vous le savez, monsieur le ministre, tout cela est très injuste pour certains territoires. Je vous en citerai deux exemples, dans mon département du Tarn.

Après moult tergiversations de l’État, une autoroute, l’A69, va enfin voir le jour entre Castres et Toulouse – les travaux commencent en ce moment. Comment expliquer aux élus que, maintenant que cette artère va irriguer le territoire, ils seront totalement bloqués dans l’accompagnement, pourtant nécessaire, des nouvelles perspectives de développement local ?

Par ailleurs, comment expliquer aux élus des coteaux du Gaillacois ou du Carmausin, du Cordais et du Causse ou des monts de Lacaune qu’ils n’auront pas la capacité de répondre aux besoins de leurs populations, alors qu’ils ont été particulièrement vertueux jusqu’à présent en artificialisant peu ou pas ?

À cet égard, la loi Climat et résilience est particulièrement injuste, en cela qu’elle pénalise les bons élèves. Comme l’ont dit certains de mes collègues, la moitié de zéro est égale à zéro !

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Folliot. J’ajouterai, quelques jours après le magnifique résultat obtenu à Londres par l’équipe de France de rugby, qu’une petite municipalité qui voudrait à l’avenir construire un terrain de rugby ne pourra pas le faire, car cela constituerait une artificialisation des sols.

Mme la présidente. C’est fini !

M. Philippe Folliot. Aussi, j’espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement saura écouter la voix des élus et des territoires ruraux. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)

Mme la présidente. Il faudrait aussi que les orateurs écoutent la voix de la présidente ! (Sourires.)

La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l’article.

M. Éric Kerrouche. La question du ZAN traverse l’ensemble de nos communes et, d’une certaine façon, on peut désormais définir l’urbanisme de la même manière que Gide définissait l’art : il « naît de contraintes, vit de lutte et meurt de liberté ». En l’espèce, sur le sujet du ZAN, il est évident que cette proposition de loi apporte de nombreux progrès.

Tout n’est certes pas résolu, notamment la question de la période de référence – certains ne seront pas placés dans les mêmes conditions que les autres – ou celle de la différenciation des territoires qui n’ont pas la même trajectoire. Mais il y a des améliorations, singulièrement à cet article 1er, qui permet d’adapter les étapes de la procédure de modification du Sraddet. En effet, le calendrier issu de la loi Climat et résilience n’était pas satisfaisant.

Philippe Bas a beau avoir déclaré que la région n’avait pas de compétences particulières en matière d’urbanisme, il n’en demeure pas moins que, depuis la création de l’établissement public régional en 1972, elle a celle, qui est essentielle, de la planification.

Il s’agit d’un rôle important, mais il fallait qu’un temps suffisant puisse être consacré au dialogue territorial pour élaborer un document qui est plus que complexe, car il est pluriannuel et structure les décennies à venir. Ce travail est d’autant plus difficile que les règles de comptabilisation de l’artificialisation définies dans les décrets, dont la publication a été tardive, sont floues.

De plus, l’enquête que j’ai réalisée avec le groupe d’étude en novembre 2022 a montré que moins de la moitié des élus locaux s’estimaient suffisamment informés et, surtout, que plus la strate de communes était basse, plus cette information était considérée comme limitée.

Nous sommes donc satisfaits de cet article, tout en soulignant la nécessité de respecter les délais de consultation du public en matière de démocratie environnementale.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, sur l’article.

M. Philippe Bonnecarrère. Je partage les diverses interventions de mes collègues et soutiens la proposition de loi. Mes observations porteront sur deux échelles, locale et nationale.

À l’échelle locale, il est devenu classique, monsieur le ministre, d’entendre nos collègues nous demander s’ils doivent renoncer à des projets. Ici, alors que nous avons depuis longtemps des problèmes de sécurité sur une route départementale, le président de l’intercommunalité rechigne à créer un créneau de dépassement, demandé depuis toujours, de peur que cela ne consomme son enveloppe d’artificialisation. Là, un maire renonce à une aire de covoiturage. Dans le Tarn, il est question d’abandonner la création d’une véloroute…

Et ne parlons pas d’équipements industriels : une usine, pour produire de l’hydrogène vert, doit occuper 15 hectares. Monsieur le ministre, une commune ne peut pas donner suite en l’état.

Toutes ces questions affleurent à un moment où, après des décennies de métropolisation, nous avons la sensation du retour d’un mode de vie tourné vers la ruralité. À ce moment précis, nous bloquons les possibilités d’aménager, avec les conséquences que cela a sur le foncier !

Pour ce qui concerne l’échelle nationale, je formulerai deux observations.

Tout d’abord, nous vous avons souvent entendu dire que la loi Climat et résilience avait été votée. Permettez-moi, monsieur le ministre, de nuancer : il s’agissait d’un engagement de la convention nationale, à une époque où l’Assemblée nationale, dans toute la splendeur de sa majorité présidentielle, pouvait imposer ses vues et rejeter les équilibres que nous proposions. Ce fut une forme d’échec du bicamérisme.

Ensuite, dans un pays aussi endetté, avec le déficit que nous connaissons et les investissements financiers de 40 milliards d’euros à 60 milliards d’euros qui doivent être réalisés pour la transition énergétique, il faut préserver les éléments de la croissance. Or, en l’état, monsieur le ministre, je crois que le ZAN ne le permet pas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, sur l’article.

M. Jean-Marc Boyer. Je reviendrai sur l’intervention de mon collègue Alain Marc sur la notion d’artificialisation. Il faut que nous parlions tous de la même chose. Lorsque l’on dit qu’il y a 243 000 hectares artificialisés et un département perdu tous les dix ans, sur quoi se fonde-t-on ?

Quand l’observatoire de l’artificialisation s’intéresse à un lotissement dans une petite commune rurale, avec une dizaine de lots de 600 mètres carrés, considère-t-il que 6 000 mètres carrés ont été artificialisés ? Lorsqu’un immeuble est construit dans une zone urbaine ou périurbaine, sur une superficie de 200 mètres carrés sur cinq ou six niveaux, qui comportera de nombreux appartements, il est certain que l’on artificialise beaucoup moins…

Pour une maison construite sur un terrain de 600 mètres carrés, considère-t-on la seule maison comme une surface artificialisée, excluant ainsi les jardins, les espaces verts, et le parc ?

C’est un point important. Si l’on prend en compte les espaces verts autour des maisons, on va plus rapidement multiplier les surfaces artificialisées dans les zones rurales que dans les zones urbaines.

Si l’on considère que la totalité de la surface d’un lotissement est artificialisée, on va très sérieusement réduire les surfaces restant à urbaniser dans les dix ans à venir et jusqu’en 2050. Mais cela signifie surtout que l’on va vers la disparition de la maison individuelle dans nos territoires. Or c’est aujourd’hui le type d’habitat dans lequel nos concitoyens aspirent à vivre.

Va-t-on, demain, construire de petits immeubles dans nos communes de 300 habitants, où l’habitat ancien a été bien préservé ? Si l’on veut développer l’habitat, c’est ce qu’il faudra faire : de petits immeubles de quatre ou cinq étages. Je ne pense pas que cette évolution soit très positive…

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, sur l’article.

M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant que nous n’examinions dans le détail les mesures techniques du texte, je tiens à m’exprimer sur l’article 1er et à attirer votre attention sur deux sujets.

Il est clair que le ZAN suscite de nombreuses attentes, car il est le premier motif d’inquiétude de nos élus. Je remercie donc M. le ministre d’en avoir pris conscience depuis son arrivée au ministère et d’avoir pris en compte un certain nombre d’attentes des élus. Je me réjouis également que la commission spéciale du Sénat ait déposé cette proposition de loi, qui nous est aujourd’hui soumise en procédure accélérée.

Le premier sujet sur lequel je souhaite attirer votre attention, c’est l’espérance. Il faut permettre à nos territoires d’avoir de l’espérance ! Ils doivent avoir le droit et la possibilité de se développer. Il faut pour cela leur octroyer des droits, même s’ils ne les utilisent pas tous demain. À cet égard, la gouvernance que nous mettons en place pour organiser et mutualiser les possibilités de développer les territoires est importante.

Le second sujet, c’est le bon sens. Il en a déjà été question, et je pense que nous en reparlerons tout au long de notre débat.

Les territoires ruraux qui ont peu construit seront encore davantage privés de construction demain et subiront ainsi une double peine.

Par ailleurs, je trouve parfaitement légitime que l’artificialisation induite par un projet d’intérêt national ne soit pas décomptée directement du territoire concerné. Mais comment accepter qu’elle le soit des autres, qui n’ont pas la chance de bénéficier de ce projet ?

Je tenais juste à attirer votre attention sur ces deux points, qui doivent nous guider dans nos débats : donner à chacun de l’espérance et agir avec bon sens !

Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Schalck, sur l’article.

Mme Elsa Schalck. À mon tour, je salue le travail effectué par nos collègues Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc, afin que cette proposition de loi transpartisane voie le jour.

On le voit, ce texte est nécessaire. Il est indispensable d’écouter ce que les maires et les élus locaux nous disent sur le zéro artificialisation nette, d’entendre leurs inquiétudes et leurs légitimes interrogations, mais aussi de prendre conscience des incompréhensions que peut susciter la mise en œuvre du ZAN.

Bien évidemment, face au réchauffement climatique, nous devons agir, préserver la biodiversité et ne pas artificialiser les sols à outrance. De très nombreux maires n’ont d’ailleurs pas attendu la loi Climat et résilience pour réaliser des efforts en matière de sobriété foncière et pour placer l’environnement au cœur de leur action. Mais il ne faudrait pas que le ZAN devienne demain l’acronyme qui menace le développement de nos communes, en particulier dans les territoires ruraux, ou la réindustrialisation de notre pays.

Des questions très concrètes se posent, dont les maires nous font part dans les échanges que nous avons avec eux.

Ainsi, comment pourront-ils répondre demain à la demande des jeunes générations de rester et de s’installer dans leur commune ? Comment pourront-ils répondre aux besoins de construction de services de proximité, par exemple d’équipements pour le périscolaire ? Comment pourront-ils satisfaire les entreprises qui souhaitent s’installer dans leur commune ?

Ce texte vise justement à trouver un point d’équilibre, ô combien nécessaire, entre souplesse, pragmatisme et bon sens.

À cet égard, je salue les outils très concrets qu’il prévoit de mettre en place : le sursis à statuer, le droit de préemption, la garantie rurale et la surface minimale de développement communal d’un hectare, cette dernière constituant un outil clair et simple, destiné à permettre aux petites communes de continuer de se développer.

Nous devons toutefois être attentifs à l’interprétation qui pourrait être faite de ces différentes dispositions. On l’a vu lors des auditions de la commission spéciale, les recours risquent de se multiplier et d’empêcher la réalisation de projets importants. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.

M. Patrice Joly. Il est temps, en effet, de revoir les modalités d’application de cet objectif légitime qu’est le zéro artificialisation nette. Une adaptation apparaît nécessaire dans les espaces ruraux, où les élus s’inquiètent de ne pas avoir la possibilité de construire un avenir pour les territoires dont ils ont la charge.

Je rappelle le contexte dans lequel s’inscrivent cette proposition de loi et la mise en œuvre du zéro artificialisation nette.

Ce texte nous est soumis après des décennies de « tout-métropolitain », pour ne pas dire de « trop-métropolitain », et d’élaboration de Sraddet, de Scot et de PLUi, tous documents normatifs dans lesquels les petites communes et les territoires ruraux peinent à se retrouver. Il s’inscrit également dans le contexte d’une application stricte ces dernières années du règlement national d’urbanisme, qui rend juridiquement impossible toute construction sollicitée, et d’un rétrécissement de la place de l’État et des services publics. Les territoires ruraux ont le sentiment de ne plus avoir d’avenir !

Or, cela a été dit, ces territoires ont besoin de construire pour accueillir les nouvelles populations qui choisissent de vivre à la campagne – on sait qu’il existe une envie de territoires ruraux –, mais également pour les autochtones soumis à l’assèchement du marché immobilier par les urbains venus les rejoindre.

Il est donc important d’ajuster les modalités d’application de l’objectif légitime du zéro artificialisation nette à la diversité des territoires.

Tel est le but de la proposition de loi que nous examinons et qui pourra être enrichie par les amendements déposés.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article.

M. Daniel Gremillet. Je tiens à mon tour à remercier Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc de leur travail. Je les remercie surtout d’être parvenus à un texte qui n’oppose pas les territoires, mais qui, au contraire, les respecte et les rassemble.

Le défi est grand. Nous avons voté de nombreux textes, parmi lesquels il faut instaurer de la cohérence, monsieur le ministre. Nous avons ainsi voté une loi prévoyant l’interdiction de louer les logements qui ne sont pas conformes aux normes d’isolation thermique. Mais leurs propriétaires auront-ils les moyens d’effectuer une rénovation ?

La vie, c’est la naissance et la disparition. Dans un territoire, qu’il soit grand ou petit, il faut permettre la naissance, c’est-à-dire des constructions neuves, mais il faut également gérer les disparitions. Cela signifie, monsieur le ministre, qu’il va obligatoirement falloir mener des réformes fiscales, dont nous n’avons pas encore discuté. Comment allons-nous traiter les friches industrielles, agricoles ou urbaines ?

Surtout, monsieur le ministre, la France a un vaste plan de reconquête industrielle et de réindustrialisation de ses territoires, ainsi que de repositionnement de l’activité économique. Lui aussi nous oblige, car aucune entreprise, locale ou extérieure, ne viendra s’implanter dans un territoire qui n’offre plus de perspectives.

En conclusion, le travail qui a été réalisé sur ce texte doit nous permettre de nous rassembler et de donner de l’espoir à l’ensemble des territoires, sans en exclure aucun. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, sur l’article.

M. Bernard Delcros. Je m’associe évidemment aux remerciements adressés à nos collègues Valérie Létard et Jean-Baptiste blanc, ainsi qu’à tous ceux qui ont travaillé sur cette proposition de loi.

Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur la nécessité de faire preuve de cohérence sur les différents objectifs que le Gouvernement fixe dans un certain nombre de domaines, comme l’objectif de sobriété foncière, que nous partageons.

Le Gouvernement a également fixé des objectifs pour notre modèle agricole, afin de l’adapter au réchauffement climatique : la mise aux normes des bâtiments agricoles, le bien-être animal, la souveraineté alimentaire, le développement des circuits courts et la transformation de nos produits. Or, pour transformer une production laitière, par exemple, ou développer des circuits courts et la vente directe, il faut construire une laiterie et parfois une cave d’affinage.

Tous les objectifs de transformation de notre modèle agricole au cours des années à venir, qui sont importants pour la souveraineté et l’indépendance de la France dans le domaine alimentaire, nécessitent des extensions ou des créations de bâtiments agricoles ! Il faut évidemment tenir compte de ces objectifs, que nous partageons tous, je le sais, dans le cadre du projet de sobriété foncière.

Par ailleurs, je sais que le Gouvernement – votre ministère et d’autres, monsieur le ministre – travaille ardemment au renforcement de l’attractivité des territoires ruraux et qu’un projet de loi pourrait nous être soumis sur ce sujet. Mais pour accroître leur attractivité, les territoires ruraux ont besoin d’accueillir des entreprises et de nouveaux habitants.

Je sais que vous allez me dire que vous êtes d’accord avec cet objectif, monsieur le ministre, mais il faut qu’il se concrétise sur le terrain.

L’idée d’une surface minimale de développement d’un hectare par commune n’est pas aberrante. Nous avons affaire à de petites communes rurales, qui disposent souvent de milliers d’hectares naturels et qui travaillent pour préserver la biodiversité et capter le carbone à travers des forêts ou dans des espaces Natura 2000. Vous le savez, puisque nous avons travaillé ensemble sur ces sujets.

Il est essentiel de sécuriser ces communes, en leur disant que, si elles ont la chance d’accueillir un artisan ou un jeune couple souhaitant s’installer sur leur territoire, elles disposeront d’un hectare.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Delcros. Le Gouvernement doit veiller à la cohérence des différents objectifs qu’il fixe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, sur l’article.

M. Didier Rambaud. J’évoquerai pour ma part un sujet qui n’est pas abordé dans cette proposition de loi, même si notre collègue Daniel Gremillet l’a mentionné, à savoir l’aspect financier de la question. Je pense que, une fois cette séquence terminée, nous devrons adapter notre fiscalité et la mettre en cohérence avec l’objectif du zéro artificialisation nette.

Notre collègue Jean-Baptiste Leblanc, membre de la commission des finances, a réalisé un rapport sur ce sujet il y a quelque temps. Il va nous falloir nous mettre autour de la table et rendre nos régimes de fiscalité locale cohérents avec l’objectif de sobriété foncière.

Cela signifie qu’il faudra supprimer les règles fiscales manifestement contraires à l’objectif du ZAN. Cela signifie aussi qu’il faudra adopter une fiscalité qui incite à la préservation, voire à la reconquête des espaces agricoles, naturels et forestiers. Cela signifie enfin qu’il faudra adopter une fiscalité qui encourage le renouvellement urbain et la densité.

C’est selon moi le prochain chantier que nous devrons conduire si nous voulons atteindre l’objectif du zéro artificialisation nette.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.

M. Ronan Dantec. Après avoir écouté attentivement les interventions de nos collègues, j’ai l’impression que cette proposition de loi souffre d’un déficit d’explication et de pédagogie assez incroyable !

La droite sénatoriale défend, souvent avec justesse, la production agricole. Or le zéro artificialisation nette est un outil de défense de la production agricole. Les terres que nous consommons aujourd’hui, du fait de l’étalement urbain, sont les meilleures terres maraîchères de Loire-Atlantique et les terres du bassin parisien. Le ZAN va justement permettre de maintenir la production agricole en France, et pas seulement la production extensive.

Les surfaces où seront construits des bâtiments agricoles dans les dix prochaines années ne seront jamais considérées comme des terres artificialisées : elles resteront des espaces naturels, agricoles et forestiers. Ce point n’a pas été bien compris.

L’un des premiers objectifs de la loi Climat et résilience, c’est de maintenir la capacité de production agricole de la France. Je pense que cela parle aux travées de la droite !

Par ailleurs, j’entends dire qu’il faut laisser de la liberté aux territoires et aux communes. Mais si on leur laisse une telle liberté sans l’encadrer, je puis vous dire où seront développés les projets urbains : nous aurons une grande conurbation Nantes-Rennes, ces territoires étant très dynamiques. Et cela ne va pas du tout aider l’est de la France ! Si on laisse toute cette liberté aux territoires, on va continuer d’accroître la différence de développement entre l’Ouest et l’Est, laquelle est aujourd’hui parfaitement documentée.

Au contraire, la loi Climat et résilience doit être une loi d’aménagement du territoire. Le Gouvernement aurait dû la présenter ainsi. Nous devons être clairs et dire précisément que les territoires qui ont peu urbanisé ont plus de droits à construire que les autres, car cela permettra de rééquilibrer le territoire national. La présidente et le rapporteur étaient d’accord sur ce point. Il faut parler d’aménagement du territoire !

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, sur l’article.

M. Mathieu Darnaud. Pour faire écho à ce que vient de déclarer notre collègue Dantec, si l’on veut que la loi permette de faire de l’aménagement du territoire, il faut associer fortement les élus, tout particulièrement les maires, à cette politique.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Mathieu Darnaud. Notre collègue Sautarel nous a invités à faire preuve de bon sens. Il a éminemment raison !

À mon tour, je salue le travail du rapporteur et de la présidente de la commission spéciale, parce qu’il a été collégial, mais aussi parce qu’il a été éclairé par cette notion de bon sens.

Le temps est venu, mes chers collègues, de faire en sorte que nos débats puissent être compris dans les territoires. La vertu du texte qui nous est aujourd’hui soumis – on a parlé de la garantie rurale – est justement de pouvoir être entendu et perçu comme une mesure de justice à l’échelle des territoires.

Il faudra veiller, monsieur le ministre, à faire preuve de bon sens tout au long de nos débats et de nos échanges, car c’est ce qu’attendent de nous les élus de nos territoires.

Par ailleurs, je le dis avec solennité, après avoir été, avec Françoise Gatel, rapporteur de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, et pour avoir vu les décrets qui ont été publiés ensuite, je crois que, si nos travaux ne sont pas repris fidèlement dans les décrets, si l’on continue de travailler ainsi, cela ne fonctionnera pas !

Je le dis avant même que nous n’entamions l’examen des amendements, afin que le travail parlementaire ne soit pas réduit à néant et que les élus des territoires puissent le comprendre, ce qu’ils l’appellent de leurs vœux.

Nous devons être vigilants. Si nos travaux ne sont pas repris dans les décrets d’appréciation, autant ne pas perdre notre temps. Les textes qui seront publiés demain doivent être absolument fidèles à nos travaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, sur l’article.

M. Cédric Vial. Je souhaite revenir sur la notion de consentement que vous avez évoquée, monsieur le ministre, en m’appuyant sur les propos de mes collègues Fabien Genet et Philippe Bas.

Nous avons discuté ici de la loi Climat et résilience – j’ai participé longuement à ces débats –, avec l’objectif d’améliorer un texte qui n’était pas le nôtre. Un certain nombre de mes collègues ont voté ce texte, parce qu’ils ont considéré que la version modifiée par le Sénat était meilleure que celle qui nous avait initialement été présentée. Telle est la raison pour laquelle ce texte a été adopté. À titre personnel, je ne l’ai pas voté, parce que je trouvais le bilan encore trop déséquilibré.

Aujourd’hui, quel est l’objectif de la présente proposition de loi ? Il est encore une fois d’améliorer les dispositions de la loi Climat et résilience, car elles empêchent les territoires de se développer et d’atteindre leurs objectifs. Le texte est trop technocratique, et il ne permet pas assez de différenciations entre les territoires.

À cet égard, je salue le travail qui a été réalisé dans cet esprit-là par la commission spéciale, par notre rapporteur et par sa présidente.

Cela étant, je tiens à être clair, cela ne signifie pas que nous approuvions les objectifs de la proposition de loi. En effet, je ne partage pas la philosophie décliniste de ce texte.

Nous allons devoir relever de nombreux défis : un défi économique – la balance commerciale française est dans une situation catastrophique –, un défi démocratique – nos concitoyens ne croient plus à la capacité d’agir de nos élus – et un défi écologique. Or cette proposition de loi, telle qu’elle nous est soumise, ne permettra pas de relever ces défis. Nous faisons face également à un enjeu en termes d’aménagement du territoire.

Nous allons travailler sur ces questions et améliorer le texte aujourd’hui, je l’espère,…

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Cédric Vial. … mais cela ne vaut pas consentement de notre part. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet, sur l’article.

M. Fabien Genet. Mon collègue Cédric Vial n’ayant pas pu achever son intervention sur l’aménagement du territoire, je vais le faire à sa place, puisque nous travaillons ensemble sur ces sujets.

Nous sommes très nombreux à parler d’aménagement du territoire, mais, aujourd’hui, monsieur le ministre, il faudrait peut-être passer des mots à l’action ! Pour nous, une politique d’aménagement du territoire ne peut se réduire au simple accompagnement des grandes tendances de ces dernières décennies, comme la métropolisation et le déménagement dans les territoires ruraux.

Nous en avons parlé ici il y a quelques jours, la fermeture de la maternité d’Autun en Saône-et-Loire montre malheureusement que, dans un certain nombre de territoires en déclin, le déménagement suit le déménagement et en provoque un nouveau.

Monsieur le ministre, pour que vous quittiez cette assemblée en étant conscient que nous pouvons vous présenter des solutions, nous vous proposons de réinvestir ces territoires en déclin. Dans une commune comme Autun, par exemple, qui est passée de 20 000 à 13 000 habitants en quelques décennies, de nombreux logements vacants peuvent être reconquis. Mais, pour cela, il faut une véritable volonté.

C’est pourquoi d’ailleurs j’avais déposé un amendement visant à prévoir l’inscription dans le Sraddet d’un certain nombre d’éléments sur la politique de réindustrialisation, mais il a malheureusement été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution. La lecture qu’en a faite la commission spéciale nous prive d’un débat ; cela m’inquiète, car parler d’artificialisation sans évoquer les éléments que l’on peut faire figurer dans le Sraddet me semble quelque peu équivoque.

Favoriser le développement économique des territoires en déclin serait un bon moyen d’utiliser les aménités qui les composent et les espaces qui y ont déjà été artificialisés dans le passé, afin de ne pas en artificialiser de nouveaux dans le futur.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, sur l’article.

M. Daniel Breuiller. Je formulerai trois remarques.

Premièrement, nous sortons d’une période sans ZAN, marquée par la dévitalisation rurale et l’hypermétropolisation, qui n’ont pas empêché l’étalement urbain. Le ZAN n’est donc pas la cause des difficultés que nous connaissons.

M. Fabien Genet. Il n’est pas forcément la solution non plus !

M. Daniel Breuiller. Écoutons-nous, cher collègue, nous sommes au Sénat ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le ZAN n’est pas non plus la cause de la multiplication des taches commerciales en périphérie des villes. La confiance dans les maires n’a pas empêché le développement d’immenses taches commerciales ici ou là, lesquelles défigurent notre pays sans contribuer à son développement économique. Je tenais à le signaler.

Deuxièmement, il est vrai qu’il manque un propos descriptif dans le texte sur la volonté d’aménagement du territoire, notamment sur le rééquilibrage entre métropoles et territoires ruraux. Cette description fait défaut lorsque l’on débat du ZAN. J’entends les demandes de respect et d’espoir qui sont formulées. Je pense d’ailleurs qu’il faut apporter des réponses à ces demandes.

Troisièmement, il manque un volet financier dans le texte. En tant qu’élu d’une commune du Grand Paris, j’ai fait le tour de toutes les villes concernées par la création de la métropole.

Je me souviens que tous les maires nous présentaient alors, comme leur principal atout, qui une usine, qui le siège social de telle ou telle petite entreprise, y compris les élus de villes dont le territoire comprenait des bois, des forêts ou des terres agricoles.

Ces atouts sont pourtant bien plus importants pour l’équilibre de la métropole qu’une usine de cinquante salariés ! Or personne ne rémunère ni les terres agricoles ni les espaces forestiers, alors qu’ils sont essentiels à notre survie. Nous parlons en effet de survie, y compris de celle de l’humanité !

Il faudra un jour examiner aussi ce volet financier. (MM. Jean-Claude Tissot et Patrice Joly, ainsi que Mme Angèle Préville, applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

M. Guillaume Gontard. Cela a été dit, l’objectif du zéro artificialisation nette à l’horizon de 2050 est partagé par tous,… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Guillaume Gontard. … parce que c’est une nécessité absolue pour notre agriculture, notre souveraineté alimentaire et la préservation de la biodiversité.

Je salue cet objectif, fixé par la Convention citoyenne pour le climat. C’est le seul qui a été retenu et qui figure dans un texte.

M. André Reichardt. Il ne sera jamais tenu !

M. Guillaume Gontard. Pour une fois, une politique est prévue sur le temps long. Il est assez rare que des objectifs ou des orientations soient fixés à l’horizon de 2050. Certes, il ne sera pas facile de les atteindre, mais il faut s’en donner les moyens à court et à moyen termes, puis jusqu’en 2050.

J’évoquerai ensuite la question de l’urbanisme et du projet de territoire. Oui, cet objectif sera difficile à atteindre, mais si l’on ne travaille pas sur les questions d’urbanisme et d’aménagement du territoire, au plus près des territoires, on n’y arrivera pas. Le seul bon sens ne suffira pas ! Il n’est pas assez précis et ne règle en général jamais rien.

Comme l’a rappelé mon collègue, nous n’avons pas attendu le ZAN pour connaître des problèmes de désertification dans les territoires ruraux. Cette dernière s’explique par le manque de services publics, par un défaut d’anticipation ou par des problèmes de transport. C’est sur ces questions qu’il faut travailler.

À titre d’exemple, dans une intercommunalité de 10 000 habitants, ce sont les communes qui ont mis en place un PLU très exigeant qui ont gagné le plus d’habitants au cours des dix dernières années. (Mme Nicole Bonnefoy applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, sur l’article.

M. Daniel Salmon. J’entends invoquer en permanence le bon sens. Mais qu’est-ce que c’est, le bon sens ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le bon sens près de chez vous ! (Sourires.)

M. Daniel Salmon. Voilà, le bon sens près de chez nous ! Faire preuve de bon sens, c’est en effet regarder devant chez soi et occulter la globalité d’un sujet.

Le bon sens, c’est celui qui nous a conduits à la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, face au mur du réchauffement climatique et à l’érosion de la biodiversité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Encore des leçons !

M. Daniel Salmon. Il n’y a pas de bon sens sans vision globale. On ne peut pas invoquer cette notion sans savoir ce qu’il y a derrière.

J’entends aussi parler des « bons élèves ». Qui sont-ils ? Est-ce que les maires de communes rurales qui n’ont pas artificialisé de surfaces ont agi ainsi parce qu’ils ne le voulaient pas, parce qu’ils n’en avaient pas les moyens ou parce qu’ils n’en avaient pas besoin ? Cette notion doit donc également être interrogée.

L’opposition entre territoires ruraux et territoires urbains est stérile. Il n’y a de la ville que parce qu’il y a de la campagne, et inversement. Je rappelle que l’on compte environ 3 000 mètres carrés de surface agricole utile par Français. Si l’on devait construire des pavillons partout, il ne resterait plus du tout de surfaces agricoles !

Nous avons souvent une vision idéalisée de la campagne – du type La Petite Maison dans la prairie ! –, mais nos bourgs anciens étaient très denses. On y trouvait non pas de l’habitat collectif, mais de véritables maisons de ville. Dans les années 1970, on a pensé que, pour être heureux, il fallait grignoter des espaces et avoir une maison et 3 000 mètres carrés. Nous n’en sommes plus là, mais si nous poursuivons sur cette trajectoire tendancielle, nous irons dans le mur, et nous le savons.

Il faut travailler sur le ZAN, et nous sommes ici pour essayer de l’améliorer. (Mme Nicole Bonnefoy applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Si vous me le permettez, je commencerai par une toute petite pointe d’ironie : je n’avais pas compris que l’objectif cette après-midi était de battre les records de prises de parole sur article de la semaine dernière ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Je constate que le ZAN passionne tout autant que d’autres sujets… Tant mieux ! Peut-être est-ce d’ailleurs parce que nous partageons le même objectif, à savoir limiter le plus possible les fractures, qu’elles soient sociales ou territoriales.

Le nombre d’interventions sur cet article 1er, monsieur le ministre, est révélateur de l’inquiétude que suscite la mise en œuvre du ZAN, parce qu’elle a été mal pensée et parce que les décrets d’application sont allés plus loin que ne l’avait voulu le législateur.

En outre, les différentes interventions montrent que la façon dont le ZAN a été initialement conçu ne nous permet pas d’avoir une vision globale de l’aménagement du territoire. Mieux, il tend à nous opposer.

Or, mes chers collègues, j’ai envie tout autant de préserver l’agriculture et l’industrie que de favoriser la construction de logements de qualité.

Mme Cécile Cukierman. À mon avis, pour bien vivre individuellement et collectivement, il ne faut pas choisir entre l’un ou l’autre de ces objectifs, ni considérer qu’il y en a un qui serait meilleur que l’autre. Il faut, au contraire, penser l’aménagement dans son ensemble. Voilà ce qui doit nous guider.

C’est pourquoi nous voterons l’article 1er, qui intègre les assouplissements prévus par la commission spéciale.

Enfin, j’entends tout ce que l’on se dit – la France est un pays merveilleux ! –, mais, en 2050, il y aurait, selon les projections, quelque 10 milliards d’habitants sur la planète. Ainsi, des clauses de rendez-vous sont nécessaires, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. Si nous ne nous saisissons pas pleinement de ce sujet à l’échelle mondiale, les gens seront entassés, victimes de guerres ou de famines.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, sur l’article.

M. Jean-Marie Mizzon. Je voudrais revenir un instant sur la sobriété, non pas verbale, mais foncière – c’est le sujet du jour ! (Sourires.)

Quand on s’intéresse à cette question, on mesure combien les chiffres qui sont avancés dans différents ouvrages varient beaucoup. Selon celui que j’ai le plus souvent lu – mais est-il exact ? –, la France est urbanisée à 8 %, en raison, pour une moitié, si l’on arrondit, des surfaces imperméabilisées, c’est-à-dire des infrastructures, des maisons, des industries, des parkings, etc. et, pour une autre moitié, des potagers, des jardins, des terrains de foot et des terrains de golf.

Voilà ce que représentent ces 8 %. De façon schématique, les 92 % restants comprennent, pour une moitié, les espaces forestiers ou naturels, pour l’autre moitié, les espaces agricoles.

Ces chiffres sont corroborés par la densité de la France, soit 104 habitants par kilomètre carré. En Allemagne et au Royaume-Uni, c’est plus du double. En Belgique, c’est quatre fois plus. Aux Pays-Bas, c’est cinq fois plus – il y a presque une urgence là-bas ! Or en France, alors que le taux d’artificialisation s’élève à seulement 8 %, nous avons tous embrayé sur la sobriété foncière, comme si elle était devenue une religion. (Marques dassentiment sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Il a raison !

M. Jean-Marie Mizzon. Certes, c’est fait, nous ne reviendrons plus en arrière.

Pour ma part, je suis pour la sobriété foncière, mais je suis également pour la clairvoyance. Monsieur le ministre, ce n’est pas vous qui en manquez, mais le Président de la République, dans la culture du « en même temps » qui l’anime « chaque instant de chaque jour », comme chantait Dalida… (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. C’est terminé, mon cher collègue !

M. Jean-Marie Mizzon. C’est dommage, car avec Dalida, je tenais une bonne idée… (Exclamations amusées et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Mérillou, sur l’article.

M. Serge Mérillou. Je remercie le rapporteur de la qualité de son travail, sur un sujet qui n’est pas simple, mais qui est extrêmement important pour nos territoires.

À titre personnel, je n’ai pas voté la loi Climat et résilience, mais je partage l’absolue nécessité d’avoir une vision globale de la consommation de nos espaces fonciers. On ne pourra pas continuer à consommer 30 000 hectares par an sans aller droit dans le mur du point de vue de l’agriculture, de l’alimentation et de la biodiversité.

Toutefois, cette évolution se fait à un rythme très inégal selon les territoires. La mutualisation des surfaces des grands projets paraît évidente, mais n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser : ces derniers sont essentiellement réalisés dans les zones urbaines, mais une partie d’entre eux seront mis sur le compte des territoires ruraux.

Je veux parler non pas de l’objet de la loi, mais de l’opacité et de la difficulté de sa mise en œuvre. J’ai rarement vu un texte aussi technocratique.

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Serge Mérillou. On a l’impression que les lieux où l’on décide des Sraddet et des Scot sont très éloignés de la réalité du terrain.

Cette proposition de loi dépossède les élus locaux et les maires de leur pouvoir de décision, au bénéfice, souvent, des bureaux d’études, alors qu’ils devraient éclairer les décisions des maires, non s’y substituer.

Les décrets d’application de la loi sont perçus comme extrêmement opaques et complexes. Ils sont mal acceptés dans les territoires ruraux, où la fermeture des paysages, la déprise agricole et la friche nous guettent plus que la bétonisation.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l’article.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous abordons l’article 1er, qui vise à décaler d’un an la production des documents régionaux, des Scot et des PLU.

Cela ne pose aucun problème, car la moitié des Scot, ainsi qu’on peut le lire dans le rapport de la commission spéciale, prévoit d’ores et déjà d’ici à 2040 une réduction significative de l’artificialisation, qui est d’ailleurs supérieure à l’objectif de 50 %. Ainsi, il n’y a pas lieu de craindre l’adoption de cet article ni ses conséquences sur l’objectif que nous nous sommes fixé.

Les propos de notre collègue Cédric Vial m’ont rappelé les débats sur la loi NOTRe au Sénat. Nous l’avions votée de peur que le texte ne soit pire si nous le rejetions.

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Or, quelques années plus tard, nous avons vu les résultats de la loi NOTRe : des régions et des intercommunalités XXL !

M. André Reichardt. Nous n’en voulions pas !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Si c’était à refaire, ce serait sans moi. Et nous sommes nombreux au Sénat, je pense, à partager cette position. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

En ce qui concerne l’objectif qui nous réunit aujourd’hui, il faut entendre la voix du Sénat, qui est celle de la sagesse et de l’équilibre, comme en atteste ce travail transpartisan.

L’épisode des décrets a laissé quelques traces. M. le ministre a dit son souhait de les réécrire. Il pourra nous indiquer où en est ce travail. Les méthodes de certaines régions n’ont pas facilité les choses. Ainsi, la commune d’Auxerre ne se retrouve pas dans les documents élaborés à Dijon et à Besançon.

La décentralisation, c’est non pas le jacobinisme régional – nous n’en avons pas besoin –, mais la vitalité de tous les territoires. N’oublions pas que l’on hérite parfois d’un lourd passif : je pense à ces grandes zones commerciales qui sont situées aux entrées de nos communes et qui ne leur font pas honneur, ou aux zones pavillonnaires construites sans respecter le caractère du pays. Nous en connaissons les conséquences grâce aux travaux de Christophe Guilluy.

Pour toutes ces raisons, il faut que nous débattions de cet article 1er et que nous le votions. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, sur l’article.

M. Michel Canévet. Notre collègue Mme Cécile Cukierman l’a souligné, le nombre de prises de parole révèle les inquiétudes que suscite la loi Climat et résilience, qui a été votée voilà deux ans. Elles sont réelles. Nous faisons remonter des territoires l’ensemble des préoccupations, ce qui est tout à fait légitime.

Pour ma part, j’ai tendance à ne pas parler de « zéro artificialisation nette », parce que je considère que cet objectif est quasiment inatteignable.

Autant il faut faire des efforts sur la sobriété foncière pour éviter de trop consommer trop de terrain, autant fixer un objectif de zéro artificialisation nette peut paraître prétentieux. Il faudra en effet constamment nous adapter aux évolutions de notre temps, trouver des espaces pour le développement économique, qu’il soit industriel ou agricole, et répondre aux besoins en logements de nos concitoyens – on est loin de les avoir satisfaits, à l’heure actuelle. Les défis sont donc nombreux !

L’examen de ce texte est particulièrement salvateur. J’espère que le Gouvernement entendra les différentes préoccupations qui remontent des territoires, afin d’en tenir compte dans son interprétation de la loi que nous avons votée.

Là est le problème : l’interprétation des services de l’État a souvent été contestée. Il importe donc de bien prendre en compte la réalité que fait remonter la représentation nationale. (M. Jacques Le Nay applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, sur l’article.

M. Jean-Michel Arnaud. La longueur des interventions sur cet article 1er reflète le malaise qui règne dans les territoires.

Je voudrais témoigner de mon vécu, en tant qu’élu de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’est la première région de France à avoir mis en place un Sraddet. Celui-ci a été conçu à Marseille, à Nice et à Toulon – de manière excellente, je n’en doute pas –, mais avec une compréhension du haut pays et des territoires les plus ruraux qui reste à démontrer.

Il y a une sorte d’effet domino : le Sraddet devient la partie englobante de la poupée russe, qui contient d’abord le Scot, puis le PLUi, enfin les PLU. Au bout du compte, les élus et la population ne comprennent plus ce qui se passe dans leurs territoires ni où on veut les emmener.

Où sont les Philippe Lamour et les Olivier Guichard de l’aménagement du territoire ? (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bruno Sido lève les bras au ciel.) Ils avaient, eux, mis en place des politiques importantes pour structurer le territoire.

Aujourd’hui, il y a une cassure. Nos concitoyens attendent des solutions en matière d’habitat, tandis que les propriétaires se demandent comment ils pourront, à l’avenir, louer leurs logements. L’enjeu, c’est de trouver un équilibre entre le développement économique, la préservation des terres agricoles et la capacité à bien vivre dans nos territoires.

Selon moi, il est important que, au travers de ce texte – je salue le travail réalisé par M. Jean-Baptiste Blanc et Mme Valérie Létard –, nous apportions des modifications pragmatiques à une loi qui était inaudible dans nos territoires.

Je reviens également sur les propos qu’a tenus M. le ministre précédemment. Ce n’est pas parce que le Parlement a voté ce texte qu’il a accepté le détail de chacun des éléments, qui sont débattus aujourd’hui. C’est, bien évidemment, après la publication des décrets que la portée réelle des dispositions du texte dans nos territoires a été comprise. (M. Pascal Allizard approuve.)

La difficulté, c’est que le texte voté par les parlementaires et interprété par l’administration entre en contradiction, selon ce qui nous remonte des territoires, avec les objectifs de sobriété, d’équilibre et d’aménagement du territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, sur l’article.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J’essaierai de faire preuve de sobriété, en parlant brièvement.

Tout d’abord, je voudrais saluer le travail effectué par Mme Valérie Létard et M. Jean-Baptiste Blanc. Il est essentiel pour répondre à l’inquiétude que l’on sent monter dans tous nos territoires. Ensuite, je formulerai trois brèves remarques.

La première concerne la gouvernance régionale. M. Jean-Baptiste Lemoyne l’a rappelé, gare au jacobinisme régional ! Je l’ai vécu et je le vis encore. Selon moi, il est important de rapprocher le plus possible la gouvernance du territoire. Aussi, nous aurions besoin d’une gouvernance de proximité.

La deuxième remarque concerne les grands projets. Nombre de nos collègues l’ont dit, ceux-ci doivent être comptés à part. Je suis élu de la région Hauts-de-France, où un grand projet d’ampleur européenne, nationale et régionale est en construction, le canal Seine-Nord Europe, qui va affecter de nombreuses communes. Si nous faisons peser sur elles un objectif d’artificialisation, alors elles subiront une double peine ! À mon sens, il faut absolument prendre une mesure très claire sur ce point.

Ma troisième remarque concerne les Scot et les PLUi. Pour en avoir présidé un, je puis vous dire que la loi NOTRe a bien été appliquée – en la matière, nous avons même été vertueux, pour ainsi dire. Si la règle des 50 % était de nouveau appliquée aujourd’hui, cela deviendrait très difficile à gérer dans les faits.

Ne serait-il pas possible de lisser sur la période qui s’étend de 2011 à 2031 les efforts d’artificialisation qui auraient été effectués dans ces Scot et dans ces PLUi ?

M. André Reichardt. Très bonne idée !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J’ajouterai un dernier mot sur les décrets. Monsieur le ministre, souvent, malheureusement, ils ne respectent pas l’esprit de la loi. Aussi, soyez très attentifs à ceux que vous serez amené à prendre par la suite.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Je répondrai d’emblée sur certains points, de sorte que notre débat ne parte pas dans une mauvaise direction.

Tout d’abord, les décrets ont été pris le 29 avril 2022. J’ai pris mes fonctions le 4 juillet et je les ai suspendus le 6 août.

M. Christophe Béchu, ministre. Le 29 août, j’ai organisé, avec Mme Primas, une première réunion de travail, de façon transpartisane et en présence d’un grand nombre de sénateurs.

M. Christophe Béchu, ministre. Ainsi, j’accepte de ne pas vous rappeler votre vote sur la loi Climat et résilience, mais ne me dites pas de nouveau qu’il me faut écouter les parlementaires ! Si tel n’était pas le cas, nous ne serions pas en train de débattre d’un texte émanant du Sénat.

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Christophe Béchu, ministre. Ensuite, la moitié de la consommation d’espaces au cours des dix dernières années s’est faite avec une densité moyenne inférieure à huit logements par hectare, ce qui est comparable à la taille d’un pavillon entouré de 1 000 mètres carrés d’espaces agricoles. Nous avons donc de la marge !

Il est faux de prétendre que passer de 25 000 à 12 500 signifierait la fin de la maison individuelle ou que des terrains de 1 000 mètres carrés ne seraient plus disponibles. Les marges ne sont absolument pas restreintes au point qu’il faille imaginer des tours en milieu rural !

Par ailleurs, pour que nous discutions avec les bons chiffres, je rappellerai que la proportion de surface artificialisée en France s’élève à 9 % au moment où nous parlons, contre 5,2 % en 1982. Le véritable sujet, c’est cette comparaison, c’est-à-dire l’augmentation de 70 % du taux d’artificialisation en l’espace de quarante ans, qui a été marqué en outre par la réduction de 10 % de la surface agricole dans notre pays.

Nous n’avons pas pour objectif le zéro, pour reprendre la formule de M. Paccaud. L’objectif de zéro artificialisation nette est une formule marketing frappante, qui s’appliquera après 2050 et non demain matin, contrairement à ce que pensent certains – voilà le problème !

Nous discutons de la façon dont nous allons répartir 125 000 hectares dans les dix ans qui viennent, auxquels il faut ajouter plus de 170 000 hectares de friches et de logements vacants. Les voies et les moyens pour avancer sur ce sujet existent donc.

Enfin, veillons à ne pas parler que de densité. Oui, notre densité par habitant est plus faible que les autres pays, mais, paradoxalement, notre surface d’artificialisation par habitant est plus élevée.

Autrement dit, pour 100 000 habitants, il y a 47 kilomètres carrés d’artificialisation, ce qui est le chiffre le plus élevé d’Europe. Nous avons remplacé une artificialisation liée à l’accueil d’habitants et d’activités par une artificialisation due, vous l’avez mentionné, à la construction de zones commerciales situées en périphérie, qui ont fait exploser une partie du foncier. Cela s’explique également par le fait que les lotissements construits vont à l’encontre du bon sens de nos anciens.

M. Christophe Béchu, ministre. Il y a deux ou trois cents ans – il n’y avait alors ni le Grenelle de l’environnement, ni Greta Thunberg, ni la Convention citoyenne, ni le ZAN, ni aucun autre acronyme –, dans toutes les communes de notre pays, le modèle d’habitat consistait non pas à bâtir une maison entourée d’un jardin, mais à réserver des espaces pour se nourrir et à coller les maisons pour limiter les matériaux.

Nos centres-bourgs, dans toutes nos communes rurales, répondent à ce modèle. Cela ne répond pas à une injonction de la Dreal, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, ou de qui que ce soit d’autre. C’est le bon sens de nos anciens, qui souhaitaient limiter les matériaux et les espaces agricoles !

M. Ronan Dantec. Tout à fait !

M. Christophe Béchu, ministre. Je ne propose pas de revenir à ce modèle. Nos modes de vie sont différents. Toutefois, nous ne pouvons pas ne pas regarder un peu ce qui s’est fait par le passé. (M. Jean-Baptiste Lemoyne approuve.)

Ainsi, entre le modèle qui consiste à avoir huit pavillons à l’hectare et celui qui consiste à ne pas avoir un mètre carré de disponible, pour que la terre respire, la voie que nous suivons est celle des 120 000 hectares, qui nous laissent une grande marge.

Tout ce que je viens d’indiquer vise à trouver des trajectoires qui soient respectueuses à la fois des besoins de l’humanité – ils sont réels – et de la planète, qui nous fournit la plupart des systèmes dont nous avons besoin, y compris pour continuer à vivre en bonne santé et dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur des travées des groupes GEST et RDPI. – Mme Nicole Bonnefoy applaudit également.)

Mme la présidente. L’amendement n° 186, présenté par MM. Dantec, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer le mot :

quarante-deux

par le mot :

trente-huit

II. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Au 6°, après le mot : « ans », sont insérés les mots : « et six mois » ;

III. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° Au premier alinéa du 7° et au 8°, après le mot : « ans », sont insérés les mots : « et quatre mois » ;

IV. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’article L. 143-7 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, lorsque le schéma de cohérence territoriale ou, en l’absence de schéma de cohérence territoriale, le plan local d’urbanisme, le document en tenant lieu ou la carte communale intervient en application du 5° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets sont modifiés ou révisés pour prendre en compte les objectifs et des trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols dans le délai fixé par le 6°, le 7° et le 8°, le projet est approuvé par l’autorité administrative compétente de l’État dans un délai d’un mois. » ;

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cet amendement est une tentative, probablement un peu prétentieuse, de trouver un compromis sur les délais.

La commission spéciale considère qu’il faut laisser aux régions plus de temps pour élaborer le Sraddet, car, avec la nouvelle contrainte du ZAN, il faut retravailler les documents, même si nombre de régions avaient déjà anticipé ce travail.

Certes, plus de temps est laissé aux régions, mais l’ensemble du calendrier est repoussé, y compris pour les Scot et les PLU. Or ce report, si nous examinons le calendrier des élections municipales, correspondra au renouvellement des équipes des communes. Celles-ci arriveront donc en pleine phase d’élaboration du Scot – il faut qu’elles attendent son adoption – et devront ensuite élaborer le PLU. Tout cela nous rapproche beaucoup de 2031.

Ainsi, il y aura très peu d’années, à l’échelle des communes, pour que les nouveaux PLU ou PLUi utilisent ou fassent vivre la règle du –50 %, qui n’est pas encore, comme l’a dit le ministre, un zéro artificialisation.

Aussi, nous proposons de faire correspondre l’arrivée des nouvelles équipes municipales avec le moment où le Scot est adopté et nous souhaitons qu’il leur reste un an ensuite, jusqu’à la fin de 2027, pour réaliser leur propre PLU. C’est un calendrier plus cohérent.

Pour cela, nous proposons de baisser de quatre mois le temps donné en plus aux régions, de deux mois pour les Scot et pour les PLUi, en réduisant le temps de validation du nouveau document par le préfet et l’autorité administrative, à l’instar de la proposition de la commission pour le Sraddet.

C’est, à mon avis, une proposition de bon sens, qui respecte à la fois le calendrier électoral et l’arrivée d’une nouvelle équipe, tout en répondant à nombre d’inquiétudes qui portent sur la trop grande brièveté des délais.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Pour revenir à la genèse du texte, nous avons voté ici, quelles que soient les travées où nous siégeons, la territorialisation de l’objectif, c’est-à-dire un droit de proposition que pouvaient exercer les Scot.

En réalité, ce droit de proposition, en plus de ne pas avoir été très accompagné, cela a été dit – je fais notamment allusion au manque d’ingénierie –, a commencé à être discuté par les régions à partir du 22 octobre, alors qu’elles devaient quitter la table des négociations le 22 février. Ce n’est pas un délai de discussion sérieux et susceptible de garantir une concertation réelle.

Au contraire, un délai d’un an permettra une véritable concertation. Il faut, évidemment, sécuriser juridiquement ce point. Nous « computons » encore certains délais ; il faut les affiner.

La réduction du délai d’approbation du Scot et du PLU par le préfet de trois mois à un mois nous paraît satisfaite par le droit existant.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Pour dire les choses clairement, sur l’article 1er, le Gouvernement fait confiance à la sagesse du Sénat pour savoir si le délai doit être d’un an ou de huit mois. De toute façon, nous considérons qu’il faut assouplir les délais.

Je ne connais pas la date à laquelle les discussions avec l’Assemblée nationale auront lieu, mais je sais que, là-bas, le délai initialement défendu est de six mois. Si, lors de la commission mixte paritaire (CMP), le délai retenu était un peu plus long – huit mois ou douze mois –, cela ne me choquerait pas.

Je ne reprendrai pas la parole sur ces différents éléments de calendrier, dont la modification concrétise notre souhait d’assouplir le dispositif et de nous donner un peu de temps.

Le Gouvernement fait confiance à la sagesse du Sénat sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Nous cherchons à anticiper la CMP. L’Assemblée nationale propose six mois, nous proposons douze mois, et moi, au travers de mon amendement, huit mois.

Il faut tout de même bien comprendre que la mise en œuvre du –50 % dans certaines communes laissera extrêmement peu de temps aux nouvelles équipes municipales.

Comme l’a dit M. le rapporteur, il est possible de réduire le temps de validation par le préfet ; on ne perdrait rien à mettre cette mesure en œuvre pour la commune à l’échelle du Scot, en l’avançant de quatre mois. J’ai beaucoup discuté avec un certain nombre d’acteurs communaux, y compris avec des maires de Loire-Atlantique, et tous m’ont répondu qu’ils ne veulent pas obligatoirement beaucoup de temps en plus.

Je pense que ce que nous proposons est un bon compromis, qui correspond à la dynamique politique de l’élection municipale. C’est un calendrier qui me semble assez cohérent et que nous défendrons peut-être pour trouver un compromis avec l’Assemblée nationale lors de la CMP.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 186.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 231, présenté par M. Piednoir, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

d’un mois

par les mots :

de deux mois

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. L’article 1er prévoit d’accélérer la procédure de modification des Sraddet. En particulier, il tend à réduire de trois à un mois le délai laissé aux préfets pour approuver le Sraddet.

Ainsi, afin de viser cet objectif d’accélération, mais sans prévoir de délais trop contraints, je propose, au travers de cet amendement, de passer ce délai d’approbation par le préfet à deux mois, ce qui nous placerait à mi-chemin des différentes propositions qui ont été formulées.

D’une part, cela correspond à un délai classique en matière de droit d’urbanisme, comme on peut en observer dans d’autres cas. D’autre part, cela permet d’anticiper sur une éventuelle commission mixte paritaire sur ce texte, puisque nous sommes à mi-chemin entre les deux délais proposés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Le préfet est associé en amont de toute révision à l’élaboration des projets de Sraddet. Il en a donc bien connaissance avant sa transmission pour approbation. Le délai d’un mois nous paraît suffisant.

L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. Monsieur Piednoir, l’amendement n° 231 est-il maintenu ?

M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 231 est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 187, présenté par MM. Dantec, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 7 à 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Dans la version actuelle du texte, l’enquête publique a lieu en même temps que le travail de l’autorité environnementale, alors qu’il s’écoule tout de même deux ans entre l’adoption du Sraddet et celle du Scot.

Or ce n’est absolument pas nécessaire. Si l’enquête publique se produisait après l’avis de l’autorité environnementale, qui l’éclairerait évidemment, les délais seraient exactement les mêmes.

Je propose donc de revenir à la règle habituelle, selon laquelle l’avis des personnes associées et de l’autorité environnementale est rendu avant que l’enquête publique n’ait lieu. Cela ne change rien – ce point n’a pas de lien avec l’amendement précédent – aux délais qui sont aujourd’hui proposés, notamment les deux ans entre le Sraddet et le Scot.

Mme la présidente. L’amendement n° 261, présenté par M. J.B. Blanc, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :

Alinéa 7, troisième phrase, au début

Remplacer les mots :

La phrase précédente s’applique

par les mots :

Les troisième et quatrième phrases du présent alinéa s’appliquent

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 187.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Monsieur Dantec, je vous rappelle que, en commission, nous avons étendu la possibilité de mener des consultations simultanément aux modifications des Scot et des PLUi, pour répondre à l’inquiétude exprimée par les élus et les collectivités locales sur le calendrier.

J’émets donc un avis défavorable

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 187.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 261.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 157 rectifié, présenté par MM. Somon et Burgoa, Mme Dumas, M. Mouiller, Mme Ventalon, MM. Courtial et Brisson, Mmes Belrhiti, Canayer et Bonfanti-Dossat, MM. Klinger, Paccaud, de Legge, Bascher et Genet, Mmes Gruny, Imbert et Goy-Chavent, MM. Sido, Rapin et Chasseing, Mme Gosselin, MM. Wattebled, Bouchet, Cadec, Panunzi et Savary et Mme Noël, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer les mots :

compétente en matière de document d’urbanisme

La parole est à M. Laurent Somon.

M. Laurent Somon. Aujourd’hui, nombre de communes rurales se voient opposer des refus d’autorisations d’urbanisme, voire des excès d’interprétation de règlements ou de références à une jurisprudence toujours plus restrictive.

La trajectoire ZAN avait déjà été anticipée avant même que les documents qui en fixeront les disponibilités territoriales ou communales n’aient été adoptés. Je pourrais citer les exemples de Doullens ou d’Amiens, dans mon département. Les élus locaux sont déférés au tribunal administratif si d’aventure ils estiment devoir les accepter.

L’interprétation d’une nomenclature rurale mal définie – je pense au périmètre à urbaniser ou aux dents creuses –, subie lors de l’élaboration des documents d’urbanisme, se trouve aggravée par cette nouvelle loi, inaboutie, faute d’étude d’impact lors de son élaboration. Aussi, les élus locaux responsables, pourtant détenteurs de la compétence urbanisme, qui est vidée de sa consistance, doivent subir le ralentissement, voire l’empêchement de leurs projets.

Cet amendement a pour objet d’étendre le spectre d’intervention de la commission départementale de conciliation sur saisine des élus locaux pour défendre les droits à construire lors de litiges, la délivrance et l’élaboration de documents d’urbanisme soumis à la loi ZAN, afin de garantir le droit de chaque commune et le respect du juste équilibre territorial des droits à construire.

À quoi bon voter une loi 3DS si, quelques mois plus tard, dans une autre loi, on éloigne la décentralisation, on dévitalise la déconcentration et on gomme la différenciation ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je comprends évidemment l’intention de M. Somon.

Néanmoins, cet amendement vise à transformer la logique de conciliation de la commission qui a prévalu au cours de cette mission d’information, en opposant les collectivités territoriales les unes aux autres, alors que nous cherchons la conciliation et la coopération entre les échelons.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Un tel dispositif, s’il était adopté, bousculerait les dispositions actuelles. La rédaction de M. Somon, si j’ai bien compris, pourrait continuer à s’appliquer même si le ZAN était modifié et corrigé de ses défauts… La commission de conciliation doit en effet connaître de tout ce qui concerne le ZAN, y compris des trajectoires, c’est-à-dire de tous les documents d’urbanisme.

Or, cette mesure reviendrait à transformer, à partir d’une idée datée, un dispositif intéressant à court terme en un dispositif superfétatoire ou dangereux à moyen ou long terme.

Sur ce point particulier, je me rallie donc à l’avis défavorable de la commission spéciale.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 157 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 199 rectifié

Après l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 46 rectifié bis est présenté par M. Burgoa, Mmes Lopez et Belrhiti, MM. Paccaud, Favreau, Rietmann et Longuet, Mme Dumas, MM. Savary et D. Laurent, Mmes Perrot et Ventalon, MM. Tabarot et Chatillon, Mme Dumont, MM. Reichardt et Genet, Mmes Richer et Goy-Chavent, MM. Darnaud, Bascher et Daubresse, Mme Borchio Fontimp, MM. Somon et Pointereau, Mme Garriaud-Maylam et M. Belin.

L’amendement n° 51 rectifié ter est présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. de Legge et Cambon, Mmes Di Folco et L. Darcos, MM. Panunzi et Calvet, Mmes Puissat, Berthet, Demas, Imbert et Chauvin, MM. Sautarel et Cuypers, Mme Gruny, MM. Courtial, Savin, Bonnus, Bacci et Pellevat, Mmes Lassarade, Jacques, Schalck, Gosselin et Chain-Larché, M. Mandelli, Mme Drexler, M. Brisson, Mme Micouleau, MM. Mouiller, Sido et Piednoir, Mme Joseph, M. Babary, Mme Canayer et MM. Duplomb, Saury, Rapin, Gueret et B. Fournier.

L’amendement n° 139 rectifié quinquies est présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Prince, Duffourg, Kern et Chauvet, Mme Saint-Pé, MM. Delcros, Détraigne, Le Nay, Moga et Henno et Mme Gacquerre.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article 191 de la loi n° 2021-1104 de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, les mots : « d’atteindre » sont remplacés par les mots : « de tendre vers ».

La parole est à M. Laurent Burgoa, pour présenter l’amendement n° 46 rectifié bis.

M. Laurent Burgoa. Comme en tauromachie, je vais faire un mano a mano avec Mme Estrosi Sassone, puisque nous avons présenté des amendements identiques. (Sourires.)

Je laisse d’ailleurs ma collègue et amie le présenter, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour présenter l’amendement n° 51 rectifié ter.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous souhaitons proposer une rédaction incitative et programmatique, plutôt que contraignante, de l’objectif de zéro artificialisation nette, tel qu’il est prévu dans l’article 191 de la loi Climat et résilience.

En effet, une définition de la notion d’artificialisation nette des sols est bien prévue dans ce texte, mais une autre disposition renvoie à la publication d’un décret pour définir les notions de sol artificialisé ou non artificialisé.

Or, nous le savons tous désormais, ce décret fait l’objet d’une action contentieuse pendante devant le Conseil d’État et vous avez annoncé, monsieur le ministre, sa réécriture.

En l’absence de définition précise des notions d’artificialisation, de renaturation, de sols artificialisés et de sols non artificialisés, l’objectif de la loi se doit, nous semble-t-il, de rester incitatif et programmatique, a fortiori au regard du délai lointain que représente l’échéance de l’année 2050.

De plus, l’inscription d’un objectif contraignant peut entraîner des conséquences juridiques importantes comme nous l’avons récemment vu avec « l’affaire du siècle », cette assignation de l’État en justice par des organisations regroupant des citoyens pour inaction face aux changements climatiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 139 rectifié quinquies.

M. Michel Canévet. Défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Il est vrai que tout est parti de la parution du décret évoqué par Dominique Estrosi Sassone : il a ému beaucoup de monde, parce qu’il donnait l’impression de revenir sur ce que nous avions voté.

Mais, depuis le début des travaux de la mission de contrôle et de la commission spéciale, nous souhaitons donner des outils aux élus et mieux définir certaines notions.

Je vous propose de cheminer ensemble dans cette direction. C’est pourquoi la commission spéciale est défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. L’avis est défavorable pour les mêmes raisons.

Si l’on croit à la démarche qui consiste à lutter contre l’étalement urbain, la borne de 2050 a une valeur symbolique extrêmement forte.

En outre, je ne doute pas que, d’ici là, le Parlement et les gouvernements qui se succéderont auront l’occasion de continuer à travailler sur cette question.

J’ajoute que cette borne est également inscrite dans le droit européen.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. La semaine dernière, la mission d’information relative à l’impact des décisions réglementaires et budgétaires de l’État sur l’équilibre financier des collectivités locales, créée sur l’initiative du groupe du RDSE, a auditionné Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes – notamment les normes applicables aux collectivités territoriales, monsieur le ministre –, bien connu dans cet hémicycle. Que nous a-t-il dit ? Arrêtez de vous en remettre à des décrets, parce que, très souvent, ils travestissent la loi.

Aussi, prenant de l’avance sur les conclusions de cette mission, je vais soutenir ces amendements, parce que je crains l’interprétation que l’administration fait de la loi. Vous savez bien que le diable est dans les détails et je ne remets nullement en cause la volonté politique, y compris la vôtre, mais nous ne cessons de dénoncer le fait que l’administration, qu’elle soit centrale ou locale, interprète, et même « surinterprète » les textes que nous votons, déforme l’intention du législateur.

Mme Else Joseph. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.

M. Fabien Genet. Monsieur le ministre, je ne comprends pas bien votre position.

À plusieurs reprises depuis le début de nos débats, vous avez vous-même dit que cet objectif de 2050 était lointain et qu’il faudrait régulièrement évaluer la situation pour éventuellement modifier certaines dispositions.

Ces amendements s’inscrivent pleinement dans cette idée – ils conservent la direction, la volonté –, tout en prenant en considération tout ce qui a été dit ici depuis le début de nos débats. Je crois qu’il serait bienvenu de tenir compte des inquiétudes qui s’expriment – ce geste serait très apprécié.

J’ajoute, pour compléter le propos de Jérôme Bascher sur la façon dont l’administration applique les textes, qu’au-delà des textes eux-mêmes, il y a le message qu’ils véhiculent. Ainsi, je vois bien dans ma communauté de communes du Grand Charolais, qui est en train d’élaborer son PLUi, que mes collègues élus intègrent déjà ce message, parfois de façon jusqu’au-boutiste.

Certains élus se disent qu’il ne faut plus aucun développement ; aussi, nous aurons des difficultés dans les années à venir si nous voulons accueillir des entreprises logistiques ou industrielles. Tout le monde n’a qu’un mot à la bouche – le ZAN – et la manière d’appréhender les choses est parfois excessive.

J’ajoute que les bureaux d’études qui nous accompagnent pour élaborer les documents d’urbanisme sont eux-mêmes très velléitaires.

L’adoption de ces amendements permettrait de clarifier la volonté du législateur, ce qui serait tout à fait bienvenu et conforme à l’esprit de cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.

Mme Valérie Létard, présidente de la commission spéciale. Je comprends et je partage l’intention des auteurs de ces amendements, mais nous ne devons pas nous tromper de combat – c’était tout l’objet de nos travaux au sein de la mission de contrôle, puis de la commission spéciale.

Ces amendements visent à modifier une disposition uniquement programmatique, alors que le vrai sujet, celui qui nous inquiète, c’est le caractère prescriptif ou non des Sraddet – c’est l’objet de l’article 2 de la proposition de loi.

M. Jérôme Bascher. C’est vrai !

Mme Valérie Létard, présidente de la commission spéciale. Chacun reconnaît l’importance de l’objectif de sobriété foncière et, si nous voulons allier ambitions fortes en la matière et efficacité au service de nos territoires, nous devons éviter de créer une sorte de Scot régional dans lequel les processus de décision seraient verticaux et descendants. Ces amendements ne changent rien de ce point de vue ; c’est l’article 2 de ce texte, je le redis, qui est important.

Si, dans ce texte, nous revenons, d’une manière ou d’une autre, sur les objectifs généraux de la loi Climat et résilience, nous serons ceux qui ont voulu détricoter la loi. Or, je le redis, nous partageons ces objectifs – et nous l’avons affirmé tout au long des travaux de la commission spéciale –, y compris celui de 2050, mais nous voulons une coproduction entre l’État, qui doit mettre en œuvre une vision stratégique, et les territoires, qui doivent être les acteurs de leur propre développement.

Si nous adoptons ces amendements, on nous le reprochera et nous manquerons notre cible. (M. Jean-Michel Arnaud et Mme Daphné Ract-Madoux applaudissent.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 46 rectifié bis, 51 rectifié ter et 139 rectifié quinquies.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 46 rectifié bis, n° 51 rectfié ter et n° 139 rectifié quinquies
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 17

Mme la présidente. L’amendement n° 199 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Théophile, Rohfritsch, Patient, Dennemont et Hassani, Mme Phinera-Horth et M. Kulimoetoke, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa du 5° du IV de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, les références : « 1° à 4° » sont remplacées par les références : « 1°, 2° et 4° ».

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Pour nos outre-mer, l’article 194 de la loi Climat et résilience prévoit que la trajectoire du ZAN et de la réduction du rythme de l’artificialisation est fixée par les schémas d’aménagement régionaux (SAR).

La loi Climat et résilience n’obligeant pas les SAR à réduire de moitié la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport à celle des dix années précédentes, l’obligation qui s’impose en cas d’absence d’évolution des schémas régionaux apparaît disproportionnée.

Cette règle devient une double peine pour les collectivités d’outre-mer pour lesquelles le schéma régional ne serait pas mis à jour.

Aussi, notre amendement prévoit d’écarter l’obligation automatique d’un objectif de moins 50 % au niveau infrarégional en cas de retard de l’échelon régional.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Les régions d’outre-mer ne sont pas soumises à l’obligation de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation d’ici à 2031.

Je comprends donc bien la logique de cet amendement. Il serait en effet baroque que les collectivités locales se voient mécaniquement imposer une réduction de 50 % de l’artificialisation, si les SAR n’étaient pas modifiés dans les temps, alors même que cet objectif ne vaut pas à l’échelle régionale.

Mais, si nous supprimons cette disposition, quelle incitation auraient les régions d’outre-mer à modifier leur SAR dans le délai imparti ?

Pour autant, il est certain qu’une modification des SAR d’ici à février 2024 n’est pas tenable. C’est pour cette raison que la proposition de loi prévoit, comme pour les Sraddet, un délai d’une année supplémentaire pour les modifier.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse, madame la présidente.

Je comprends que le caractère automatique pose un problème. Certes, décaler le délai d’un an laisse davantage de temps aux régions pour modifier le SAR, mais si elles ne le font pas, on en revient à une application automatique des objectifs, ce que nous ne souhaitons pas, ni en métropole ni outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Accorder un délai supplémentaire d’un an, c’est bien l’aveu que le dispositif n’est pas satisfaisant. Il faut vraiment méconnaître les territoires d’outre-mer pour penser qu’un délai supplémentaire peut suffire à atténuer les effets dont j’ai parlé.

Les collectivités d’outre-mer sont déjà soumises à de fortes contraintes ; je ne crois pas nécessaire d’en rajouter. C’est pourquoi j’insiste sur l’importance de cet amendement, que je vous exhorte, mes chers collègues, à voter.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 199 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 199 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article 2

Mme la présidente. L’amendement n° 17, présenté par Mme Espagnac, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est complété par deux paragraphes ainsi rédigés :

« VII. – Par dérogation au III du présent article, les communes situées dans les zones de montagne au sens de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ne sont pas comprises dans le champ des objectifs de la première tranche de dix années mentionnée au 1° du même III.

« VIII. – Pour l’application du VII du présent article, dans les régions qui comprennent des communes mentionnées au même VII, la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers observée au cours des dix années précédentes au sens du 3° du III du présent article résulte de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers observée dans chacune des communes de la région, soustraction faite de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers observée dans les communes mentionnées au même VII. »

La parole est à Mme Frédérique Espagnac.

Mme Frédérique Espagnac. Cet amendement a pour objet le report de l’échéance de la loi Climat et résilience pour les communes situées en zone de montagne au sens de la loi Montagne. À cet effet, il exclut ces communes de l’application de la première période décennale de réduction de 50 % de la consommation d’Enaf.

Par coordination, afin de ne pas faire peser un effort plus important sur les communes non montagneuses des régions qui comprennent des communes de montagne, il modifie, dans le Sraddet de ces régions, le décompte de la consommation des Enaf observée sur les dix dernières années, base de calcul de la réduction de l’artificialisation exigée, afin d’en exclure la consommation observée dans les communes de montagne.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.

Je rappelle que la commission spéciale s’est fixé comme cadre de ne pas adopter de dérogations supplémentaires par rapport à la loi Climat et résilience.

Par ailleurs, les spécificités des territoires sont déjà prises en compte par les régions, lorsqu’elles élaborent les Sraddet, et plusieurs dispositions de la proposition de loi rappellent explicitement la nécessité de prendre en compte les spécificités des territoires de montagne.

Enfin, une dérogation spécifique pour les territoires de montagne serait une source de complexité dans l’élaboration des Scot et des PLUi couvrant à la fois des communes de montagne et d’autres communes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis, au mot près.

Mme la présidente. Madame Espagnac, l’amendement n° 17 est-il maintenu ?

Mme Frédérique Espagnac. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 17 est retiré.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 17
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Après l’article 2

Article 2

I. – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° L’article L. 131-1 est ainsi modifié :

a) Le 2° est complété par les mots : « et à l’exclusion des règles relatives aux objectifs et aux trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales » ;

b) Le 4° est complété par les mots : « , à l’exclusion des objectifs et des trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols mentionnés au troisième alinéa du même article L. 4433-7 » ;

2° L’article L. 131-2 est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Les objectifs et les trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 4433-7 du même code. »

II. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article L. 4251-1, dans sa rédaction résultant des articles 6, 7, 8 et 10 de la présente loi, est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’une proposition de territorialisation a été transmise à l’autorité compétente en application du V de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, cette dernière justifie par écrit de la manière dont il est tenu compte des propositions formulées par la conférence des schémas de cohérence territoriale dans le cadre de l’élaboration du projet de schéma arrêté. » ;

2° L’article L. 4251-3 est ainsi modifié :

a) Le 1° est complété par les mots : « ainsi que les règles générales du fascicule de ce schéma relatives aux objectifs et aux trajectoires de réduction de l’artificialisation des sols mentionnés à l’article L. 4251-1 » ;

b) Au 2°, après le mot : « les », il est inséré le mot : « autres » ;

c) Au dernier alinéa, après le mot : « fascicule », sont insérés les mots : « en application du présent article » ;

3° L’article L. 4433-9 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , à l’exclusion des objectifs et de la trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 4433-7 » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les documents mentionnés au premier alinéa du présent article prennent en compte les objectifs et la trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 4433-7. »

Mme la présidente. L’amendement n° 159, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous voilà arrivés sur un nœud gordien !

Par cet amendement, qui n’a donc rien de bien original, le Gouvernement entend réaffirmer son souhait de maintenir la portée juridique des Sraddet et des SAR.

À défaut, et, donc, si la trajectoire n’est qu’indicative, rien ne nous garantira que nous serons en situation de diminuer la consommation foncière – vous me direz que cela nous ferait gagner du temps pour le reste de nos échanges…

Nous sommes donc bien à un moment de vérité de l’examen de ce texte. Maintenir l’effectivité du dispositif est clairement une ligne rouge pour le Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je suis d’accord sur un point avec le ministre : c’est le nœud gordien du texte.

M. Jérôme Bascher. Et il faut le trancher !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Une ligne écarlate pour nous aussi…

Nous sommes très nombreux dans cet hémicycle à ne pas être d’accord avec des Sraddet de plus en plus contraignants, normatifs et intégrateurs. Nous ne sommes pas favorables à cette forme de jacobinisme régional.

Je rappelle que les Sraddet ont été pensés à l’origine comme des documents d’orientation et de stratégie, et non de planification, à l’exception récente des dispositions concernant la biodiversité. Cela étant, nous ne sommes pas naïfs et savons ce qu’est le sens de l’Histoire, mais nous devons aussi être cohérents avec la manière dont les choses se sont construites.

On dit souvent que le diable est dans les détails ; c’est un peu le cas ici. Nous souhaitons écrire explicitement dans la loi – et nous y sommes très attachés – que les documents d’urbanisme locaux « prennent en compte » les documents régionaux. Nous privilégions la prise en compte à la compatibilité, parce que cela laisse davantage de marges de manœuvre et de libertés aux collectivités locales.

Monsieur le ministre, il faut faire confiance aux élus ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) J’ajoute que l’État et les régions ont les moyens de contrôler la légalité des trajectoires définies par les collectivités et que des clauses régulières de rendez-vous sont prévues. Nous ne pouvons donc que cheminer ensemble dans le bon sens.

Nous acceptons le fascicule réglementaire des documents régionaux, mais nous voulons changer la nature du rapport juridique entre ce fascicule et les documents locaux : nous souhaitons que ceux-ci « prennent en compte » le fascicule, et non qu’ils soient « compatibles » avec lui. Accepter cette position serait un signal important envoyé au Sénat.

Vous l’aurez compris, l’avis de la commission spéciale est défavorable.

M. Laurent Burgoa. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, le caractère non obligatoire des fascicules du Sraddet est une ligne rouge pour le Sénat. Si vous partez du principe que vous ne voulez pas en discuter, nous serons en opposition frontale. Le centralisme régional n’a rien à envier au centralisme d’État, surtout quand vous faites de la région le bras armé de la loi.

La région n’a pas de compétence en matière d’urbanisme. C’est une véritable inversion de perspective par rapport aux grandes lois de décentralisation de 1982 et des années suivantes, qui ont confié aux maires et aux représentants des communes dans le cadre des plans locaux d’urbanisme intercommunaux le soin de mettre en œuvre la planification urbaine.

Je crois qu’il s’agit là – vous le dites avec franchise – d’un point absolument essentiel sur lequel nous nous séparons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. Je vais aller dans le sens de Philippe Bas, mais avec beaucoup moins de talent, pour rappeler notre profond attachement aux libertés locales.

En matière d’urbanisme, la place centrale des communes ne peut pas être remise en cause au risque de renverser complètement l’histoire de la décentralisation dans notre pays.

D’ailleurs, on touche ici du doigt l’incompréhension que suscite l’application du ZAN dans nos territoires, y compris parmi la population : les élus locaux, les maires ont le sentiment – c’est en fait plus qu’un sentiment… – que la maîtrise du développement et de l’avenir de leur commune leur échappe.

Nous sommes donc bien sur un nœud gordien. Qui jouera le rôle d’Alexandre ? Le Sénat ou le Gouvernement ? En tout cas, nous estimons que les Sraddet doivent être des outils stratégiques et non prescriptifs ; c’est un point très important si nous voulons territorialiser le ZAN.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.

Mme Sonia de La Provôté. Transformer le Sraddet en un super Scot est complètement contraire à la volonté du législateur – nous en avons déjà parlé. Cela créerait de fait une tutelle de la région sur toutes les autres collectivités locales.

Une déclinaison automatique du Sraddet dans les documents locaux d’urbanisme empêcherait la respiration des territoires, la liberté et l’intelligence collective de s’exprimer. Ce n’est pas parce que nous laissons se mettre en place une réflexion commune, une discussion sur l’aménagement de nos territoires, que nous serons impuissants ou que la chienlit s’installera – pardonnez-moi cette expression quelque peu triviale.

Donner un cap, avoir une vision, c’est laisser les acteurs de terrain s’emparer des outils et trouver les voies et moyens les plus adaptés pour atteindre les objectifs sur le terrain. C’est bien cela, la différenciation !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.

Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le ministre, le Sénat a décidé de mettre en place, vous le savez sans doute, une mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire. Les auditions se multiplient et nous entendons les voix des maires s’exprimer contre les effets pervers de la loi NOTRe, en particulier contre les PLUi.

Les maires ne comprennent pas les excès qui ont abouti à cet objectif de zéro artificialisation nette. Dans les territoires ruraux, les enfants du pays ne pourront plus accéder à la propriété ou même se loger, les entreprises familiales, parfois héritières de plusieurs générations, ne pourront pas construire un siège social qui serait attractif pour les cadres et les employés.

Autrement dit, ces territoires vont mourir ! A-t-on vraiment envie qu’ils se transforment en réserves d’Indiens où les urbains viendraient s’amuser, gambader dans les champs ? Leurs habitants ont tout simplement envie de vivre et de voir leur commune se développer.

Ce serait une erreur majeure de laisser une puissance supérieure déterminer leur avenir ; ce serait du mépris envers les maires qui, souvent bénévolement, sont pleinement dévoués à leur commune. Qui mieux que le maire, avec ses équipes, sait ce qui est bon pour l’avenir du territoire ?

Monsieur le ministre, vous avez été sénateur et maire et je vous demande d’entendre notre voix, celle des élus qui défendent les collectivités locales. Aidez-nous à les défendre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je suis un peu surpris par ce que j’entends. La région est elle-même une collectivité locale et il est tout de même positif d’avoir une collectivité forte pour faire face, le cas échéant, à l’État. Croyez-vous vraiment que le maire d’une petite commune puisse s’en sortir seul face à l’État ? Ce n’est pas vrai ! (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Nous avons besoin de régions fortes qui rééquilibrent le territoire régional. Sinon, nous aurons, d’un côté, les métropoles – elles existent déjà –, de l’autre, les petites communes, qui essayeront de faire au mieux, mais qui sans moyens ne régleront pas les problèmes qui se posent à elles, par exemple en termes d’accès au logement ou de développement économique.

Les choses ont changé depuis 1982 et, face à un monde complexe, nous avons besoin de planification régionale – c’était notamment l’objet de la loi NOTRe.

Cette proposition de loi et les travaux de la commission spéciale permettent des avancées, par exemple en créant une conférence régionale de gouvernance du ZAN ouverte aux maires, y compris ceux des petites communes, et aux élus départementaux. Cette conférence travaillera en particulier en amont de la procédure de modification des Sraddet.

Mais nous avons besoin d’un schéma prescripteur, sinon nous ne répondrons à aucun des défis qui se posent à nous. Un maire seul ne pourra répondre à aucun de ces défis…

M. Jérôme Bascher. Si ! Ils y arrivent très bien !

M. Ronan Dantec. … et son action sera totalement dépendante de la puissance des grandes villes et des métropoles. C’est justement la région qui peut rééquilibrer les choses.

J’ajoute qu’être compatible ne veut pas dire être conforme. La Convention citoyenne pour le climat (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) proposait pour sa part la conformité – nous avons donc évité le désastre, mes chers collègues… (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

La notion de compatibilité laisse beaucoup de marges de manœuvre au bloc communal ; toute la jurisprudence va dans ce sens.

Je crois donc que nous avons trouvé un bon équilibre, même s’il nous faut encore renforcer la concertation en amont.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.

Mme Valérie Létard, présidente de la commission spéciale. Je veux de nouveau rappeler que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire sur le projet de loi Climat et résilience avait explicitement refusé ce rapport de compatibilité. C’est par un décret ultérieur qu’on a voulu mettre en œuvre ce principe.

La commission mixte paritaire, je le redis, avait opté pour une prise en compte des documents régionaux par les documents locaux, pas pour une compatibilité – c’était d’ailleurs une ligne rouge de nos travaux à l’époque.

Je rappelle aussi que les Scot intègrent déjà bien souvent des trajectoires de baisse de la consommation foncière. Les élus locaux n’ont pas attendu qu’un Scot régional les y contraigne, toutes les collectivités locales ayant bien pris conscience depuis fort longtemps de cette nécessité. Cela fait au moins dix ans que beaucoup de territoires ont déjà inscrit leur action dans une trajectoire de diminution de la consommation foncière.

Nous devons adopter une stratégie exigeante, c’est une nécessité, mais nous devons aussi faire confiance aux élus pour l’adapter aux spécificités locales. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Dans une logique de subsidiarité, le mouvement doit logiquement être ascendant et chacune des collectivités doit être capable d’exercer son propre pouvoir de façon autonome et sans être liée par l’échelon supérieur. Or je crois que nous avons besoin d’une société subsidiaire à un moment où les processus de décision sont parfois trop verticaux.

Lorsque le ministre parle de nœud gordien et exprime son désaccord avec cet article, je crois qu’il partage néanmoins un certain nombre de préoccupations qui ont été exprimées.

Son souci est de s’assurer que nous réussirons à tenir les objectifs que nous nous sommes fixés. Pour cela, il faut que l’ensemble des documents d’urbanisme, une fois mis bout à bout, aillent dans le même sens.

Nous devons donc nous projeter dans la suite des travaux parlementaires sur cette proposition de loi, en particulier en vue de la commission mixte paritaire, en imaginant un dispositif qui permette de concilier autonomie des collectivités locales et arbitrage en cas de difficulté.

Les collectivités doivent pouvoir maîtriser leur destin – cela passe en particulier par le foncier –, mais nous devons éviter les risques de dérapage, même s’il est vrai qu’aujourd’hui les trajectoires sont plutôt bien orientées.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, quelle est la dernière grande compétence stratégique qui reste encore aux mains des communes, et encore pas de toutes ?

M. Jean-Michel Arnaud. L’urbanisme ! Et l’eau et l’assainissement, mais nous en parlerons jeudi !

M. Jean-Marie Mizzon. L’urbanisme, absolument ! Nous parlerons un autre jour de l’eau et de l’assainissement, mon cher collègue, mais chaque chose en son temps…

Or, avec cet amendement, le Gouvernement met un coup de canif à l’exercice de cette compétence comme d’ailleurs à la relation de confiance qui existe aujourd’hui entre les régions et les communes.

Aucune région ne demande à bénéficier de cette faculté et aucun élu – cela a été rappelé par Valérie Létard – ne veut de cela. Vous essayez de nous l’imposer !

Vous êtes peut-être trop jeune, monsieur le ministre, mais rappelez-vous les schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme avec lesquels les documents d’urbanisme locaux devaient être compatibles.

M. Philippe Bas. Bien sûr !

M. Jean-Marie Mizzon. Vous êtes en train de mettre à mal l’écoute et le respect entre les différents acteurs du territoire et je vous demande solennellement de bien y réfléchir. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. La semaine dernière, lors des longs débats que nous avons eus, on entendait souvent que nous étions projet de société contre projet de société. J’ai l’impression, monsieur le ministre, que là nous avons deux visions très différentes de l’organisation de notre République.

Lorsqu’on entend les écologistes, on pourrait croire qu’il n’y a pas de confiance envers les élus et qu’il faudrait donc faire remonter les processus de décision.

M. Ronan Dantec. La confiance n’exclut pas le contrôle !

M. Max Brisson. Mais, quand on procède ainsi, on sait très bien qu’on favorise la technostructure.

Or, que nous disent les maires, et les élus en général ? Qu’ils n’en peuvent plus de cette technostructure qui leur donne l’impression qu’ils sont sans cesse en retrait. Et que nous disent nos concitoyens ? Qu’ils aspirent à la proximité. Pourtant, depuis la loi NOTRe et la création de ces treize grandes régions, où est donc passée cette proximité ?

Aujourd’hui, il faut redescendre au plus près des territoires. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens que nous examinerons tout à l’heure. Nous devons cesser de tout aspirer vers le haut ; ce n’est pas le modèle de République que je souhaite.

Il peut malheureusement exister un jacobinisme régional, même en Gironde… Il ne tient pas tant aux élus qui siègent à la région qu’à la technostructure, nécessairement renforcée du fait de la taille des nouvelles régions.

Par ailleurs, comme l’a très bien dit la présidente de la commission spéciale, ce qui pose problème, c’est que le législateur a voté un texte qui exclut une dimension prescriptive en la matière pour les Sraddet, tout simplement parce que nous sommes très attachés au principe de libre administration des collectivités territoriales.

On parle beaucoup de différenciation ; pourtant, vous voulez créer un schéma prescripteur qui va limiter la libre administration locale – c’est finalement le contraire de la différenciation. Laissez les territoires s’organiser ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons les explications de vote sur l’amendement n° 159 du Gouvernement.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Je veux tout d’abord préciser, monsieur le ministre, que nous ne voterons évidemment pas votre amendement de suppression de l’article 2.

Pour le dire avec élégance, supprimer cet article, ce serait comme supprimer l’article 7 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale dont nous débattions la semaine dernière : le texte en perdrait tout son sens !

Or les débats qui se sont tenus avant la suspension ont bien mis en lumière l’esprit qui anime cette proposition de loi et l’alternative face à laquelle nous nous trouvons. Nous plaçons-nous dans une logique consistant à assembler un certain nombre de collectivités, suivant une vision assez descendante, ou bien construisons-nous les différents arbitrages à partir des besoins et de la réalité des territoires communaux ?

Je ne veux pas rouvrir les débats que nous avons eus dans cet hémicycle lors de l’examen de la loi NOTRe et de la fusion des régions, mais il n’en reste pas moins qu’il n’y a plus aujourd’hui que treize grandes régions aux compétences renforcées.

Contrairement à ce que certains de nos collègues ont affirmé tout à l’heure, la décentralisation ne consiste pas à organiser une reconcentration territoriale. Faisons-y très attention, collectivement, parce que, à vouloir avoir des super-régions qui décident de tout et imposent leur vision de l’aménagement du territoire aux élus locaux, dans leur propre territoire, on créera d’autres difficultés, source d’autres soucis.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, notre groupe ne votera pas non plus votre amendement.

Cela étant dit, je veux apporter quelques précisions, car il ne faudrait pas caricaturer la réalité locale.

Premièrement, il s’avère que siègent encore dans cet hémicycle des élus régionaux, ou d’anciens élus régionaux ; penser qu’ils ne représentent pas les territoires au même titre que d’autres élus locaux serait un peu simpliste.

Deuxièmement, le problème de nos régions n’est pas tant leur situation actuelle que le fait qu’elles sont impuissantes et dépourvues de moyens, si on les compare à ce qui existe dans le reste de l’Europe. Là est la vraie difficulté. Si l’on veut un jour qu’il y ait un pouvoir fortement décentralisé en France, les régions en feront forcément partie, et l’on devrait s’en réjouir !

Une autre difficulté se pose, monsieur le ministre : votre approche vient ici contrevenir à l’un des principes essentiels de la décentralisation, un principe tout simple, celui selon lequel il n’y a pas de hiérarchie entre les collectivités territoriales françaises. Or, d’une certaine façon, avec votre proposition, vous instaurez une hiérarchie qui placerait le niveau régional au-dessus des autres niveaux. Pour notre part, nous estimons, de manière à la fois transpartisane et majoritaire, me semble-t-il, que c’est bien par la négociation que la région pourra pleinement jouer son rôle, et non pas dans une logique verticale selon laquelle, en quelque sorte, les échelons considérés comme subalternes n’auraient plus leur mot à dire.

C’est en ce sens que cette proposition nous semble mauvaise ; c’est pourquoi nous rejetterons cet amendement, pour en rester à l’équilibre trouvé par la commission spéciale.

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Pour ma part, j’écoute ces débats avec intérêt. En tant qu’élu d’un territoire très urbain d’Île-de-France, j’avoue ne pas avoir nécessairement la même appréciation des choses que mes collègues élus d’autres régions, d’autres types de territoires.

J’aurai toutefois quelques remarques à faire.

Tout d’abord, je comprends les demandes de plus d’autonomie du bloc communal, notamment de la commune. Lorsque j’étais maire d’Arcueil, j’ai parfois rêvé de proclamer la République autonome d’Arcueil ! (Sourires.) Les textes ne m’ont pas permis de le faire, et peut-être était-ce plus sage… En effet, dans la crise climatique que nous vivons, si j’ai une certitude, c’est bien que nos destins sont liés et qu’un travail itératif entre l’échelon communal et l’échelon régional – ainsi, sans doute, que l’échelon national – est absolument nécessaire sur les sujets qui nous occupent. Voilà la vision que je voudrais défendre dans notre hémicycle ce soir, car ce dialogue devrait être la règle.

Évidemment, la création des très grandes régions a sans doute beaucoup affaibli leur légitimité, en rompant des liens historiques et géographiques forts. C’est peut-être pourquoi s’expriment les réticences que j’entends sur les travées de la majorité sénatoriale, mais il n’empêche, chers collègues, que nos destins sont liés et qu’on ne peut pas, quand il est question de la biodiversité, de l’eau, ou encore de l’alimentation, réfléchir dans un isolat communal.

Sans doute est-il nécessaire, dans la définition des modes et procédures de dialogue, d’apporter des réponses qui rassureraient le bloc communal tout en assurant une cohérence et une convergence à l’échelle régionale. Celle-ci n’est pas une échelle jacobine, mes chers collègues, mais plutôt une échelle girondine que, personnellement, j’appelle de mes vœux !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, la loi NOTRe a été une catastrophe pour les territoires de la République !

Elle a été une catastrophe pour les régions, notamment pour celles que l’on a forcées à fusionner. Je prendrai l’exemple de la région Occitanie, qui est très vaste et dans laquelle il n’y a plus du tout, aujourd’hui, ce lien qui existait auparavant, bien qu’il fût déjà assez distendu, dans la mesure où la région Midi-Pyrénées était déjà la plus étendue de France. Maintenant, c’est pire encore !

Elle a aussi été une catastrophe pour les intercommunalités que l’on a forcées à fusionner : leur territoire ne correspond plus à un bassin de vie quotidienne et de proximité, ce qui entraîne bien des conséquences.

Somme toute, monsieur le ministre, avec votre proposition, vous allez remettre une pièce dans le monnayeur de la région, si vous me passez l’expression, en tentant de lui donner un petit peu plus de légitimité sur une compétence qui n’est pas la sienne. En effet, comme plusieurs orateurs l’ont fort justement rappelé avant moi, toutes les compétences relatives à l’urbanisme et à l’habitat relèvent du bloc communal. Dès lors, dans ce cadre, il eût été plus sage de confier cela à l’échelon intercommunal, tout au plus à l’échelon départemental.

Nous sommes face à un cadre qui, assurément, n’est pas sage ; il est donc temps de le corriger. C’est pourquoi la proposition faite par la présidente de la commission spéciale et par son rapporteur me paraît plus sage et plus pertinente pour nos territoires.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Si nous avons, en fin de compte, choisi de demander un rapport de « prise en compte » et non de « compatibilité », c’est parce que les régions n’ont ni vraiment différencié ni vraiment territorialisé les propositions formulées dans les Scot, non plus qu’elles n’en ont vraiment discuté.

On en est à considérer qu’accepter la compatibilité, c’est accepter la planification. Certes, entre-temps, les régions deviennent chefs de file de la transition écologique, mais accepter la mise en compatibilité induite par l’inscription des objectifs dans le fascicule réglementaire, c’est accepter une machine qui va devenir de plus en plus folle : on aura des Sraddet contraignants, par lesquels les régions vont gérer l’urbanisme, alors que ce n’est pas de leur compétence, vont gérer le logement – est-ce bien cela qu’il faut faire ? –, vont gérer toujours plus de compétences, avec la biodiversité pour terme. Pourquoi pas ?

Entre-temps, un décret va être pris. Les précédents avaient posé problème ; on verra bien ce qu’il en sera de celui-ci, qui doit porter sur la nomenclature.

Ensuite, après ce Sraddet contraignant et ce décret sur la nomenclature, il y aura une numérisation de l’appréciation de l’artificialisation via la base de données « occupation du sol à grande échelle » (OCS GE), via le Cerema, via l’IGN, etc. On va se servir de l’intelligence artificielle pour apprécier l’artificialisation !

Au bout de ces schémas, au bout de cette artificialisation, il y aura, au mois de juin prochain, une directive européenne, ou un règlement, dont l’objet sera d’aller plus loin sur la biodiversité et la protection des sols. Je ne m’étendrai pas sur ce point, car ce n’est pas tout à fait le débat de ce soir, mais si l’on accepte aujourd’hui d’inscrire la planification régionale dans le fascicule réglementaire du Sraddet, avec lequel il faut se mettre en compatibilité, on accepte aussi que l’histoire se poursuive ainsi. Alors, le Sénat sera bel et bien le dernier endroit où l’on parlera encore de confiance dans les élus et de libertés locales !

Si nous le refusons, si nous insistons sur la « prise en compte », ce n’est pas pour sortir du ZAN, c’est plutôt pour dire : « Faites confiance aux élus, qui s’inscriront d’eux-mêmes dans les trajectoires ! » Il y a des rendez-vous, il y a un contrôle de légalité ; alors, que l’on se rassure : les élus seront au rendez-vous de l’Histoire, car ils sont déjà dans la sobriété foncière.

Sous les mots que l’on choisit, « prise en compte » ou « mise en compatibilité », c’est toute cette histoire aussi qui se joue.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Au commencement était la convention citoyenne… Celle-ci a dit : on va se fonder sur la maille communale, prendre chaque commune et diviser par deux sa trajectoire. Les parlementaires, lors de l’examen de la loi Climat et résilience, ont dit non, parce que la moitié de zéro, c’est toujours zéro, parce que ceux qui ont fait des efforts ne pourraient pas être récompensés… Il fallait pouvoir différencier et territorialiser.

Ils ont donc fait le choix de confier cette responsabilité non pas à l’État, mais à des élus ; ils ont voulu faire confiance à des élus. Ils ont donc inscrit dans la loi, à ce moment-là, que cette responsabilité serait confiée aux conseils régionaux.

Je me retrouve donc dans une situation quelque peu baroque : je dois défendre des majorités régionales qui, dans leur composition, ne sont pas toutes extrêmement proches du Gouvernement…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ça, c’est sûr !

M. Christophe Béchu, ministre. Je dois les défendre, parce que vous préjugez qu’elles ne tiendront pas compte de la réalité locale. Dont acte.

Après le vote de l’article 1er, lequel dispose qu’il faut laisser davantage de temps à la concertation, je considère précisément que laisser à la maille régionale cette responsabilité, avec ce temps supplémentaire, permet d’avancer.

Il y a trois niveaux théoriques dans un Sraddet : la prise en compte, la compatibilité et la conformité. Vous avez fait le choix d’aller vers la prise en compte ; pour notre part, nous souhaitons aller non pas vers la conformité, qui serait une forme de tutelle, mais vers la compatibilité.

L’aménagement du territoire, qui a été abondamment évoqué, est une compétence régionale, contrairement à l’urbanisme. Si l’on remonte le temps, avant les Sraddet, il y avait les directives territoriales d’aménagement : c’était l’État qui, par décret en Conseil d’État, fixait les trajectoires. Je pense que ce ne serait pas un progrès, du point de vue de la décentralisation, que de revenir à ce système.

En fixant un délai, vous vous êtes assurés des moyens d’avoir une réelle discussion. En revanche, si l’on passe de la compatibilité à la prise en compte, c’est l’effectivité même du dispositif que nous menaçons, ce qui nous pose une difficulté, parce que la biodiversité ne peut pas attendre. Autant il nous faut veiller à ce que l’application soit souple et intelligente, autant, à ce niveau-là, ce ne serait plus de la souplesse : ce serait détricoter l’assurance de pouvoir tenir nos objectifs et nos ambitions ! (Murmures sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

J’entends que ce n’est pas la position majoritaire de votre assemblée, mais la franchise m’oblige à vous dire à haute voix à la fois ce que je pense et ce qui me semble être le point de vue majoritaire au sein de l’Assemblée nationale, dans la perspective de la réunion de la commission mixte paritaire.

Je respecte évidemment la légitimité totale de la Haute Assemblée à défendre le bloc communal, mais si l’on avait trouvé le schéma permettant une négociation directe avec les communes, cela se saurait ! Il y a de telles différences de trajectoire entre celles qui gagnent de la population et celles qui en perdent, entre celles qui ont des friches et celles qui n’en ont pas, que la nécessité d’une maille supracommunale a fini par devenir un point de consensus, ce qui explique qu’on en soit arrivé là.

Ce que je souhaite, c’est qu’on en reste au point d’équilibre trouvé dans la loi Climat et résilience, car j’estime que cela donne du poids et de la cohérence à ce qui a été voté et à ce qui va l’être.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’entends bien, monsieur le ministre, que vous justifiez votre méthode par son caractère efficace, alors que celle qui est proposée par le Sénat ne le serait pas.

Eh bien, permettez-moi de vous dire que je pense exactement l’inverse ! De par ma longue expérience d’élue locale confrontée à de nombreux schémas – à l’époque, c’étaient des Sdau, des Sdrif, etc. –, je juge essentiel que le document de base parte d’une volonté communale qui se confronte avec les objectifs régionaux sur le mode de la « prise en compte », du dialogue avec les instances régionales.

Je ne crois en revanche absolument pas à l’obligation de compatibilité. En effet, quand un élu communal se trouve face à un document qui ne lui convient pas, quel est le résultat ? D’abord du blocage, jamais de l’action ! De fait, 80 % de nos grands documents contraignants ont donné lieu à des blocages et n’ont nullement conduit à une modification stratégique des pratiques.

Je me rappelle que, dans la région d’Île-de-France, les documents régionaux devaient nous protéger contre l’urbanisation en doigts de gants, le long des axes de transport. Mon œil ! Cela n’a rien protégé du tout ; en revanche, cela a empêché un développement plus harmonieux de certains secteurs.

En clair, si l’on veut que le ZAN devienne progressivement une pratique efficace et partagée, il me semble qu’il faut partir d’un dialogue de base entre les collectivités locales, notamment les communes, et les régions. Il faudrait qu’une forme de consensus ou du moins – ce genre de choses n’est jamais totalement consensuel – de large accord prévale. Sinon, on ne construira plus de logements et on sera bloqué dans le développement économique sans avoir, de toute façon, réellement atteint les objectifs de biodiversité.

Je soutiens donc pleinement la proposition de la commission spéciale,…

M. le président. Il faudrait conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … car je crois, monsieur le ministre, que la tentation technocratique prévaut trop souvent dans ce genre de documents. (MM. Jean-Michel Arnaud et Pierre Louault applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Corbisez. Pour tenter de vous convaincre, mes chers collègues, du bien-fondé de la strate régionale, je veux prendre un exemple qui sera familier à Mme Valérie Létard, présidente de la commission spéciale.

Lorsqu’on nous a annoncé l’arrivée du canal Seine-Nord Europe dans les Hauts-de-France, les agglomérations du Nord-Pas-de-Calais se sont regroupées dans un organisme, une sorte de pôle métropolitain, qui était basé au 9-9 bis d’Oignies. En effet, on constatait la présence, dans ces territoires, de centaines de friches industrielles en bord à canal et l’on s’est rendu compte que, si l’on n’y prenait garde, si l’on ne se mettait pas autour d’une table pour en discuter, alors chaque territoire essaierait de récupérer, pour son intérêt personnel et son propre développement économique, quelques hectares de terrain ici ou là parmi ces friches ; à terme, tous ces terrains seraient bradés. L’organisme ainsi mis en place a donc dressé le bilan de tous les terrains potentiellement à développer en bord à canal, puis l’a confié au conseil régional, dont il entre dans la compétence, au titre du développement économique, de hiérarchiser les priorités de développement en bord à canal.

Alors, faisons confiance à l’échelon intermédiaire qu’est la région, où siègent des élus, nos représentants, pour résoudre au mieux la problématique dont nous discutons ce soir.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Des élus, il y en a à toutes les strates. Le maire est un élu de proximité, mais c’est un homme comme les autres, quelqu’un qui n’est pas infaillible, qui est soumis à des pressions, qui a aussi des faiblesses, qui doit répondre à des injonctions contradictoires. Les maires, on le sait bien, ont parfois un ego…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les présidents de région aussi !

M. Daniel Salmon. … qui les amène à construire une salle des fêtes alors qu’il y en avait déjà une dans la commune d’à côté, à construire des piscines… Ils ne sont pas infaillibles !

Mme Cécile Cukierman. C’est ainsi qu’on a justifié la baisse des dotations !

M. Daniel Salmon. On a des objectifs devant nous. Alors, on peut toujours se dire que chacun va jouer sa partition et que, à la fin, on aura une belle symphonie, mais personne n’en est sûr. Quand il n’y a pas de chef d’orchestre, on rencontre quand même des difficultés !

De ce point de vue, même si j’entends bien tout ce qui a été dit – les régions fusionnées ne correspondent plus à des territoires reconnus par les habitants et cela pose problème, bien entendu –, il faut selon moi, à un moment, quelque chose de prescriptif. Sinon, chaque maire va faire au mieux chez lui, mais je ne crois pas qu’on atteindra les objectifs.

C’est pourquoi je plaide pour avoir un véritable chef d’orchestre : le plus pertinent, à mon avis, serait la région.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 159.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 188, présenté par MM. Dantec, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le deuxième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant des articles 6, 7, 8 et 10 de la présente loi, est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’une proposition de territorialisation a été transmise à l’autorité compétente en application du V de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, cette dernière justifie par écrit de la manière dont il est tenu compte des propositions formulées par la conférence des schémas de cohérence territoriale dans le cadre de l’élaboration du projet de schéma arrêté. »

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cet amendement a un objet similaire à celui du Gouvernement, mais il s’en distingue par un renforcement des éléments de dialogue. Pardonnez-moi de vous le dire ainsi, monsieur le ministre, mais l’amendement du Gouvernement, tendant à supprimer l’article, était assez brutal.

Nous entendons notamment maintenir l’obligation pour la région de justifier par écrit ses choix, par rapport notamment à tout ce qui se sera passé en amont, avec les conférences inter-Scot, ou inter-ZAN. Il est important que nous soyons extrêmement attentifs à cet amont, parce que c’est là que tout se joue.

Il faut donc renforcer la concertation et aller vers un projet partagé pour que, en aval, le Sraddet puisse être accepté et décliné dans les territoires : c’est tout le sens de la compatibilité, qui n’est pas la même chose que la conformité.

Certains des orateurs qui m’ont précédé exprimaient d’ailleurs plutôt un refus de la conformité qu’un refus de la compatibilité… Ajoutons que, pour jauger la déclinaison de celle-ci par le bloc communal, les tribunaux administratifs se montrent extrêmement souples.

Au-delà de l’objet de cet amendement, il me semble que nous avons un débat très intéressant. Si je ne m’abuse, il existe un consensus presque total au sein de notre assemblée pour détricoter les « méga-régions » imposées par Manuel Valls ; n’oublions pas que cela n’était pas l’idée initiale de la loi NOTRe : Marylise Lebranchu avait une autre vision quand elle a annoncé cette réforme. (Mme Cécile Cukierman sexclame.)

Le consensus sénatorial pour redécouper la France est déjà une avancée majeure du présent débat. Nous serons extrêmement intéressés par vos propositions en la matière, mes chers collègues !

Ensuite, au vu de l’évolution de la France et de l’Europe, pour faire écho au sens de l’Histoire évoqué par Jean-Baptiste Blanc, ce sont quand même les pays où les régions sont fortes, en matière d’aménagement du territoire et de planification, qui s’en sortent le mieux aujourd’hui.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas aux Pays-Bas !

M. Ronan Dantec. Mais cela nécessite – tel est le sens de cet amendement – un travail étroit avec les autres strates.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la rédaction de cet article issue de nos travaux ; l’avis de la commission spéciale est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Fondamentalement, il y aura nécessairement un débat sur cet article 2 le moment venu. Il me paraît difficile de donner le sentiment qu’on est capable de le réécrire, de l’enrichir, alors qu’il demeure une ligne de front potentielle sur le caractère prescriptif ou non du schéma.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 188.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 7 rectifié bis est présenté par M. E. Blanc, Mme Thomas, M. Tabarot, Mme Di Folco, MM. Bascher, D. Laurent, Brisson, Mandelli et Grosperrin, Mmes Goy-Chavent et Dumas, M. Longuet, Mmes Muller-Bronn, Bonfanti-Dossat et Lassarade et MM. Charon, Bouchet et Rapin.

L’amendement n° 189 est présenté par MM. Dantec, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 3

Après le mot :

exclusion

insérer les mots :

, si le conseil régional le décide,

II. – Alinéas 4 et 14

Après le mot :

exclusion

insérer les mots :

, si l’organe délibérant le décide,

III. – Alinéas 5, 6, 15 et 16

Supprimer ces alinéas.

IV. – Alinéa 10

Après les mots :

ainsi que

insérer les mots :

, si le conseil régional le décide,

La parole est à M. Étienne Blanc, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié bis.

M. Étienne Blanc. Au travers de cet amendement, nous entendons proposer un choix.

La proposition de rédaction de la commission spéciale revient sur les dispositions du décret du 29 avril 2022, en prévoyant que les prescriptions en matière de non-artificialisation seront inscrites, au sein du Sraddet, dans les rapports d’objectifs et non plus dans les fascicules comme le prévoyait le décret.

On voit bien ici qu’il existe une opposition entre celles et ceux qui souhaitent que ces schémas soient détaillés et extrêmement prescriptifs – les tenants de l’inscription dans les fascicules – et celles et ceux qui pensent que les régions doivent avoir une certaine liberté, qu’elles doivent poser des principes, puis se mettre d’accord avec les collectivités de base. D’un côté, on veut être précis ; de l’autre, on veut plus de liberté.

Mais les régions ne sont pas toutes les mêmes. Dans telle région, il faut peut-être se montrer extrêmement prescriptif, parce qu’il y a une pression folle sur les territoires ; dans telle autre, les choses sont peut-être complètement différentes.

Pourquoi ne pas accepter cette diversité ? Pourquoi ne pas accepter que les conseils régionaux puissent choisir d’inscrire les objectifs dans tel ou tel dispositif du Sraddet ? Ce serait une liberté !

Monsieur le ministre, enfin, quelle décentralisation veut-on ? Veut-on une décentralisation qui fasse confiance aux régions, ou bien une fausse décentralisation, où on les surveille, où on leur impose une méthode, au-delà du contrôle du juge administratif ?

L’amendement que j’ai déposé est inspiré par Régions de France. Une seule chose y est proposée : pour une fois, en matière de décentralisation, faire confiance à la liberté ! (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 189.

M. Ronan Dantec. Cet amendement est d’essence régionaliste, puisqu’il tend à laisser aux régions la faculté d’évaluer elles-mêmes ce qui est la meilleure formule.

Cependant, à ce stade du débat, après la déclaration du ministre selon qui tout cela est un peu prématuré, et pour éviter toute ambiguïté, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 189 est retiré.

Quel est l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 7 rectifié bis ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. J’ai longtemps partagé le point de vue d’Étienne Blanc, avec qui, je le rappelle, je n’ai aucun lien de parenté, pour souligner l’indépendance de nos interventions… (Sourires.)

Néanmoins, aujourd’hui, il semble malheureusement que le débat autour du fascicule réglementaire soit clos.

Ce que la commission spéciale propose, c’est de changer la nature du lien juridique ; d’où le débat entre « prise en compte » et « compatibilité ». Nous avons étudié l’option consistant à laisser ce choix à la main des régions – « à la carte » –, mais nous ne l’avons pas retenue en fin de compte.

En l’état, nous maintenons donc notre position en faveur de la « prise en compte » et nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission spéciale sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le paradoxe est que je partage pleinement les arguments développés par Étienne Blanc, que je suis pour que l’on fasse confiance aux régions, en leur laissant la responsabilité de prescription. On se trouve donc à front renversé : le rapporteur ne soutient pas cet amendement, parce que l’adopter reviendrait à se rapprocher de la position du Gouvernement ; quant à moi, je ne peux pas le soutenir, parce que c’est moins-disant que la position du Gouvernement…

Peut-être votre amendement offre-t-il toutefois quelques pistes qui permettraient, demain, de rapprocher députés et sénateurs autour d’une position similaire de celle que défend Régions de France.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 250, présenté par M. J.B. Blanc, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

8 et 10

par les mots :

10 et 8

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Amendement de coordination juridique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Bien que je sois contre le principe de cet amendement, je suis toujours attaché à ce que le texte soit le mieux rédigé possible.

Avis de sagesse sur cet amendement rédactionnel.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 250.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article 3
Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article 3

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 114 rectifié bis, présenté par MM. Parigi, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes M. Vogel et Espagnac, M. Moga et Mme Carlotti, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 4424-14 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 4424-14-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4424-14-…. – Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse peut être révisé selon une procédure simplifiée dans un nombre de cas limités, définis par délibération de l’Assemblée de Corse.

« Cette révision simplifiée est à l’initiative du président du conseil exécutif de Corse.

« Des délibérations de l’Assemblée de Corse précisent la procédure de révision simplifiée prévue au présent article. »

La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.

M. Paul Toussaint Parigi. Le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc) est un document majeur d’aménagement du territoire. Cependant, la procédure de révision est lourde, ce qui sape l’agilité nécessaire à un aménagement durable et vertueux. À ce jour, en l’absence de procédure de révision simplifiée comme il en existe pour les PLU, la révision du Padduc reste fastidieuse, voire dissuasive, empêchant cet outil d’atteindre sa pleine potentialité.

C’est pourquoi le présent amendement prévoit une procédure de révision simplifiée dans un nombre de cas limités définis par l’Assemblée de Corse.

J’ajoute qu’une telle procédure permettrait d’intégrer les diverses évolutions législatives relatives à l’urbanisme, afin de mettre en conformité plus rapidement les documents d’urbanisme des communes et des intercommunalités ou encore les plans régionaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. La loi Climat et résilience permet déjà d’appliquer une version allégée et simplifiée de la procédure de révision du Padduc lorsqu’il s’agit d’intégrer le ZAN.

Sur le principe, je comprends votre souhait, mon cher collègue, que la Corse puisse bénéficier de procédures encore plus accélérées. Néanmoins, il nous semble que votre amendement ne définit ni le champ auquel ces procédures dérogatoires pourraient s’appliquer ni le détail de ces procédures, dont la définition est renvoyée à des délibérations de l’Assemblée de Corse.

Lors de l’examen de la loi Climat et résilience, nous avons refusé que les régions déterminent elles-mêmes les procédures de modification du Sraddet pour intégrer le ZAN. Nous avons inscrit ces procédures dans la loi. Vous comprendrez, j’en suis sûr, que nous ne pouvons autoriser une si large dérogation au seul bénéfice de la collectivité de Corse, même si nous l’aimons beaucoup !

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Cet amendement pourrait être un cavalier législatif, compte tenu du fait qu’il n’est pas précisément relié à l’objet du texte, le ZAN.

Par ailleurs, il existe déjà une procédure de modification allégée, sur l’initiative de l’Assemblée de Corse.

Pour les mêmes raisons que le rapporteur, je demande le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.

M. le président. Monsieur Toussaint Parigi, l’amendement n° 114 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Paul Toussaint Parigi. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 114 rectifié bis est retiré.

Article additionnel après art. 2 - Amendement n° 114 rect. bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article 4 (début)

Article 3

Le V de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi rédigé :

« V. – Dans chaque périmètre régional, il est institué une conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols.

« A. – La conférence régionale de gouvernance réunit les personnes suivantes :

« 1° Quinze représentants de la région ;

« 2° Cinq représentants des établissements publics du périmètre régional mentionnés à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme ;

« 3° Dix représentants des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de document d’urbanisme, dont au moins cinq représentants des établissements non couverts par un schéma de cohérence territoriale ;

« 4° Dix représentants des communes compétentes en matière de document d’urbanisme ;

« 5° Cinq représentants des communes du périmètre régional couvertes par un document d’urbanisme non compétentes en matière de document d’urbanisme ;

« 6° Cinq représentants des communes du périmètre régional non couvertes par un document d’urbanisme ;

« 7° Un représentant de chaque département du périmètre régional. Ces représentants participent aux travaux de la conférence à titre consultatif ;

« 8° Cinq représentants de l’État.

« La composition de la conférence régionale de gouvernance assure une représentation équilibrée des territoires urbains, ruraux, de montagne et du littoral.

« La conférence régionale de gouvernance est présidée par le président du conseil régional, le président du conseil exécutif de la Collectivité de Corse, le président de l’Assemblée de Guyane, le président du conseil exécutif de Martinique, le président du conseil général du Département de Mayotte.

« B. – À l’initiative de la région ou d’un établissement public mentionné à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme appartenant au périmètre régional, la conférence régionale de gouvernance peut se réunir sur tout sujet lié à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Elle peut également transmettre à l’État des analyses et des propositions portant sur cette mise en œuvre.

« Elle est consultée dans le cadre de la qualification des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur, dans les conditions prévues au 7° du III du présent article.

« Elle est également consultée dans le cadre de la qualification des projets d’ampleur régionale, dans les conditions prévues au 8° du même III. Dans ce cas, les représentants de l’État mentionnés au 8° du A du présent V ne siègent pas au sein de la conférence.

« C. – Dans un délai de trois mois à compter de la délibération prescrivant l’élaboration ou l’évolution des documents prévus aux articles L. 4251-1, L. 4424-9 et L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales et à l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, ayant pour conséquence de modifier les objectifs chiffrés ou les trajectoires de réduction de l’artificialisation prévus par ces documents, la conférence régionale de gouvernance peut adopter par délibération et transmettre à l’autorité compétente pour l’élaboration des documents précités une proposition relative à l’établissement des objectifs régionaux en matière de réduction de l’artificialisation des sols. Cette proposition porte sur la fixation d’un objectif régional et, le cas échéant, sa déclinaison en objectifs infrarégionaux en application du deuxième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. Lors des délibérations relatives à cette proposition, les représentants de la région mentionnés au 1° du A du présent V siègent à titre consultatif. Les projets de documents mentionnés à la première phrase du présent C ne peuvent être arrêtés avant transmission de cette proposition à la région ou, à défaut de transmission, avant l’expiration d’un délai de six mois.

« D. – Au plus tard un an après sa dernière réunion, la conférence régionale de gouvernance se réunit à nouveau afin d’établir un bilan de la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Ce bilan comprend :

« 1° Des éléments permettant d’apprécier les modalités et les critères de territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation retenus au niveau régional, ainsi que la pertinence de cette territorialisation au regard des trajectoires et des besoins territoriaux constatés ;

« 2° Des éléments relatifs aux objectifs de réduction de l’artificialisation des sols fixés par les schémas de cohérence territoriale, par les plans locaux d’urbanisme et par les cartes communales du périmètre régional, permettant d’apprécier la cohérence globale de ces objectifs au regard des objectifs retenus au niveau régional ;

« 3° Des éléments relatifs à l’artificialisation des sols constatée depuis le début de la tranche de dix années mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales, au quatrième alinéa du I de l’article L. 4424-9 du même code, au troisième alinéa de l’article L. 4433-7 dudit code et au dernier alinéa de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, permettant d’apprécier la trajectoire nécessaire pour atteindre les objectifs de réduction de l’artificialisation fixés par le document régional et par les schémas de cohérence territoriale du périmètre régional. En particulier, ces éléments permettent d’apprécier l’artificialisation des sols constatée depuis le début de la même tranche de dix années sur le périmètre des communes non couvertes par un plan local d’urbanisme ou une carte communale et leur contribution à l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols fixés par le document régional et par les schémas de cohérence territoriale ;

« 4° Des propositions d’évolution des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols fixés par la loi et par les documents de planification en vue de la prochaine tranche de dix années mentionnée au 3° du présent D. »

M. le président. L’amendement n° 61 rectifié bis, présenté par MM. Bilhac, Artano et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Grand, Houpert et A. Marc, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 3, qui instaure les conférences régionales de gouvernance.

Alors que nous avons déjà suffisamment d’instances, il va être créé, dans chaque région, une conférence régionale de gouvernance composée de cinquante-cinq membres, auxquels il faut ajouter un membre par département. Ma région compte treize départements…

Certains amendements tendent à prévoir en plus la représentation des offices d’HLM. Pourquoi pas ? On pourrait aussi ajouter des représentants des chambres d’agriculture… Bref, comme le disait le général de Gaulle, on va créer un « machin » de plus, avec un cabinet qui devra préparer les documents nécessaires aux réunions.

Je ne pense pas que les maires ruraux, dont j’entends beaucoup parler depuis le début de la soirée, soient à même d’obtenir quoi que ce soit de cette instance. Il existe déjà la conférence des Scot, critiquée pour son manque de transparence et son insuffisante communication sur ses décisions : il faudrait plutôt lui demander de s’améliorer sur ces deux points.

Depuis qu’on parle de simplification, les choses deviennent de plus en plus compliquées ! C’est non plus un millefeuille territorial, mais un « million de feuilles » ! (Sourires.) Ne créons pas de nouvelles instances, nous en avons déjà assez : si l’on demandait à nos concitoyens ce qu’ils en pensent, ils nous répondraient que c’est beaucoup d’argent des impôts dépensé pour rien…

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Notre intention n’est pas de créer une énième conférence territoriale de l’action publique (CTAP). Il est un peu facile de dire que, chaque fois qu’on crée une instance, c’est une usine à gaz !

Cela me rappelle le débat de la commission des finances sur mon rapport relatif au financement du ZAN, qui est un sujet tout aussi important : j’avais évoqué la possibilité de créer une agence, mais dès que l’on prononce certains mots, rien ne va plus…

Je le redis, il est un peu facile d’écarter ainsi les conférences régionales de gouvernance, car elles correspondent à un vrai besoin : mettre les élus autour de la table. On ne peut pas laisser l’État décider seul de ce qui est un projet d’intérêt national ou d’intérêt régional, ou encore de la gouvernance au quotidien du ZAN. Et il ne serait pas non plus inutile que les élus autour de la table puissent représenter toutes les catégories de collectivités : le bloc communal, le bloc intercommunal, le bloc départemental, et celles qui ne sont pas intégrées dans des documents d’urbanisme.

Par exemple, un maire d’une commune rurale, voire très rurale ou hyperrurale, dont la collectivité ne figure dans aucun document d’urbanisme et qui a du mal à se faire entendre de son intercommunalité, de son Scot et plus encore de sa région, pourra défendre sa position au sein de la conférence régionale de gouvernance.

Alors, il faut sans aucun doute bien penser, calibrer le dispositif, voire l’améliorer et le corriger. Mes collègues me contrediront peut-être, mais il me semble que la nécessité de la mise en place d’une gouvernance du ZAN était une idée forte qui s’était dégagée de la commission spéciale, pour associer les élus et prévoir une certaine souplesse – nous reviendrons sur ce point plus tard –, par des rendez-vous réguliers pour apprécier l’évolution des trajectoires.

L’avis est donc très défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, sur les vingt-cinq amendements portant sur l’article 3, mon cœur balance !

Je suis tenté de voir dans la proposition de la commission spéciale un véritable pas en direction du Gouvernement, puisqu’il est proposé que ce soit à l’échelle des régions – malgré les handicaps dont vous les affublez – que se tiennent ces conférences de gouvernance.

D’un côté, je pourrais savourer le fait qu’après avoir expliqué que les normes étaient trop nombreuses, vous rajoutiez une instance. Nous allons passer un certain temps à discuter de qui doit en faire partie, et dans quelles proportions, avec un nombre qui sera globalement le même à la fin, quels que soient la taille des régions et leur périmètre. Et vous entendrez ceux qui n’en feront pas partie dire que cette instance ne sera pas représentative puisque tous les territoires n’ont pas voix au chapitre et que le débat a été confisqué par l’échelon régional.

Mais, d’un autre côté, j’entends que, si nous n’avons pas une structure de concertation chargée d’assurer le lien – on ne pourra pas le faire entre tous les maires du territoire et la région –, il manquera un chaînon pour suivre l’application du dispositif.

Je me réfugierai donc dans la sagesse. Vous créez un dispositif qui permet de faire davantage d’allers-retours et qui est cohérent avec la manière dont vous venez de réécrire l’article 2, mais qui soulèvera les objections d’une partie des territoires. Vous apportez certes de la souplesse, mais cela va de pair avec une forme de complexité.

Je comprends la cohérence de la position d’équilibre voulue par le rapporteur et la commission spéciale. Mais pour être tout aussi cohérent, je ne peux pas ne pas vous faire part de mes doutes, raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ce projet de conférence régionale.

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.

M. Christian Bilhac. J’entends votre propos, monsieur le rapporteur, mais nous n’avons de cesse de dénoncer les lourdeurs administratives, l’inflation normative et les contraintes qui pèsent sur les collectivités, et quand nous avons le pouvoir de décider, nous créons une instance !

Si la conférence des Scot ne remplit pas son rôle, supprimons-la et créons cette conférence régionale de gouvernance ! Mais arrêtons de rajouter sans cesse de nouvelles structures ! Car tout cela, mes chers collègues, c’est de l’argent public !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 168 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Requier.

L’amendement n° 171 est présenté par Mme Espagnac.

L’amendement n° 200 rectifié bis est présenté par Mme Bellurot, M. Pointereau, Mme Dumas, MM. Longuet et Piednoir, Mme Dumont et MM. Courtial, Sido, Gueret, Rapin et Gremillet.

L’amendement n° 236 rectifié est présenté par MM. Verzelen, Menonville, Grand, Wattebled, A. Marc, Chasseing et Guerriau.

Ces amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa du V de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Cette conférence crée et anime des groupes de travail composés de maires et présidents d’intercommunalités intéressés, représentant la diversité des territoires, permettant l’expression de la diversité des enjeux et l’analyse fine des données locales relatives à la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers et à l’artificialisation des sols. Les associations départementales de maires et présidents d’intercommunalité sont consultées sur leur désignation. Elle associe à ses travaux les représentants des collectivités siégeant dans les commissions de conciliation des documents d’urbanisme mentionnées à l’article L. 132-14 du code de l’urbanisme. »

La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 168 rectifié.

Mme Nathalie Delattre. Cet amendement tend à maintenir dans chaque région les conférences régionales des Scot, qui ont tout de même bien fonctionné, comme le rappelle le rapport de la commission spéciale.

Pour mémoire, ces conférences sont composées de l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale et des structures chargées de l’élaboration des schémas de cohérence territoriale ; y siègent également deux représentants des EPCI et des communes compétentes en matière de documents d’urbanisme non couverts par un Scot.

Je rappelle également que l’article 194 de la loi Climat et résilience prévoit d’ores et déjà que les conférences des Scot établissent un bilan de l’intégration et de la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation nette au plus tard trois ans après leur dernière réunion.

Plutôt que de déstabiliser l’existant, il me semble qu’il faut, comme je le fais avec cet amendement, répondre aux critiques relatives au manque de transparence et à l’insuffisante association des autres communes et intercommunalités. Il est ainsi prévu de mettre en place de groupes de travail composés de maires et des présidents des intercommunalités intéressées représentant la diversité des territoires.

Il établit, par ailleurs, un lien entre les travaux des conférences régionales des Scot au niveau régional et ceux des commissions de conciliation des documents d’urbanisme au niveau départemental, grâce à l’association des représentants des collectivités siégeant dans ces dernières.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 171.

Mme Frédérique Espagnac. Cet amendement, identique à celui de Mme Delattre, vise à maintenir la conférence des Scot et à l’élargir à des groupes de travail constitués de maires et de présidents d’intercommunalité dont la désignation donne notamment lieu à la consultation des associations départementales de maires et de présidents d’intercommunalité.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour présenter l’amendement n° 200 rectifié bis.

M. Rémy Pointereau. Mon amendement a été brillamment présenté par mes collègues Mmes Delattre et Espagnac.

J’ajouterai simplement à l’attention de M. Bilhac que cet amendement de simplification est ardemment défendu par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF). Il faudra en tenir compte…

M. le président. L’amendement n° 236 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je remercie mes collègues qui portent le message de l’AMF. Nous avons étudié l’option qu’ils proposent. Les conférences des Scot ont souvent fait un excellent travail. Il n’est nullement question de les remettre en cause, et c’est d’ailleurs ici, au Sénat, que les Scot ont été choisis comme l’échelon le plus pertinent. Qu’on se rassure donc sur leur sort !

Il s’agit simplement de savoir si les élus sont associés ou non, et comment. Par la voix de groupes de travail ou formellement dans une conférence régionale ? La commission spéciale a tranché. Il nous a semblé que le message qui remontait sans cesse au cours de nos auditions, y compris sur le terrain, c’était que les élus devaient pouvoir émettre des avis auprès de la région dans le cadre d’une instance dont il faudra veiller à trouver la composition la plus idéale possible. Il s’agira d’avis simples – nous en reparlerons plus tard.

Pour ne pas alourdir le débat, je donnerai d’ores et déjà mon avis sur les amendements à venir, puisqu’ils portent sur le même sujet. Je proposerai un avis favorable sur ceux qui visent à laisser la région, les EPCI et les communes déterminer ensemble la composition de leur conférence régionale, sur un modèle qui existe déjà à propos des intercommunalités – un accord local et la loi. Nos collègues développeront leurs propositions dans quelques instants.

Nous allons essayer d’instiller un peu de liberté dans le dispositif, avec la conférence des Scot et les élus, pour qu’il soit une réussite.

Je demande donc le retrait des trois amendements identiques ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. On voit bien que les amendements proposés par nos collègues prolongent la dynamique dans laquelle s’était inscrite la commission spéciale, celle d’associer les élus. Ces amendements peuvent tout à fait « cohabiter » avec l’article 3 de la proposition de loi, puisqu’il s’agit d’impliquer encore plus d’élus au travers de groupes de travail.

Que la conférence se réunisse quatre, cinq, six fois pour faire des propositions, c’est une chose ; mais il est encore plus intéressant, me semble-t-il, de la faire vivre dans un cadre élargi. C’est ce que prévoient ces amendements de façon assez transpartisane. Le texte de la commission peut s’en trouver utilement enrichi sans que cela nuise au dispositif qu’elle a adopté.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je comprends qu’on veuille réunir les maires, mais quel pouvoir auront-ils dans une énième conférence ? La réunionite est de plus en plus la norme, mais elle ne se traduit pas par un pouvoir effectif de décision.

Cette conférence va-t-elle permettre d’influer sur les décisions prises, sur les permis refusés, sur les périmètres définis, etc. ? Il ne faut pas qu’elle ne serve qu’à organiser une consultation supplémentaire sans déboucher sur le moindre résultat. Car les maires, notamment dans les territoires ruraux, en ont vraiment assez de cette parodie : on semble leur donner du pouvoir, mais en réalité ils n’en ont aucun…

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Si j’ai bien compris, l’adoption de ces amendements ferait « tomber » les suivants. Je tenais à attirer l’attention de mes collègues sur ce point, car, même si l’on a un intérêt particulier pour le travail réalisé par la conférence des Scot, ces amendements visent à lui donner un pouvoir délibératif qui lui permettra de donner demain des directives aux communes ou aux intercommunalités de nos territoires.

Je crois à la légitimité de l’élu, à la légitimité démocratique. On peut contester le choix de l’échelon de la région, mais aujourd’hui le Sraddet est fait par la région, et l’instance proposée par le rapporteur dans le texte sera sous la responsabilité de la collectivité qui met en œuvre le Sraddet, c’est-à-dire la région.

Le vote de ces amendements revient à confier à des gens qui n’ont pas forcément de légitimité démocratique le choix de prendre des orientations très importantes pour l’aménagement de nos territoires.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Au-delà du débat entre compatibilité ou prise en compte, nos échanges ont montré, me semble-t-il, que nous sommes globalement plutôt d’accord pour dire qu’en amont du Sraddet, il faut discuter davantage avec l’ensemble des élus et les strates concernées. Nous devons créer une culture régionale de l’aménagement, qui ne peut pas être le fait des seuls élus régionaux.

Ces amendements vont tout à fait dans ce sens : je les voterai donc. Je ne pense pas qu’ils fassent « tomber » l’amendement relatif au nom que devrait avoir cette conférence. La commission spéciale a fait œuvre utile en créant un lieu de travail, une idée qui est approfondie par cette proposition de groupes de travail. Il ne s’agit pas simplement d’un bidule qui se réunit pour finaliser un document. Cela signifie qu’un travail approfondi de cohérence est mené à l’échelle de la région, avec des personnes qui ont une vraie expérience de terrain. En termes démocratiques, cela va tout à fait dans le bon sens !

On a entendu, avant la suspension, des critiques fortes sur la technostructure des « méga-régions », qui serait en dehors de la réalité des élus locaux. Avec une telle instance représentative, un document régional d’aménagement ne pourra plus s’affranchir du travail que celle-ci aura réalisé, vu sa composition. J’y insiste, cela va dans le bon sens.

Le débat entre compatibilité et prise en compte aura lieu ensuite. La commission spéciale a créé, je le crois, un mécanisme qui permettra peut-être de développer une vision régionale partagée plus forte, ce qui répond aux critiques qui ont été précédemment exprimées.

M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour explication de vote.

Mme Sonia de La Provôté. J’entends les propos de mes collègues, mais la conférence régionale des Scot a joué parfaitement son rôle dans les territoires où elle a pris la peine d’être transparente et de réfléchir, avec l’ensemble des Scot et avec les EPCI non couverts, aux questions d’aménagement.

Lorsqu’on évoque l’échelon régional, on ne parle pas de la collectivité « région ». L’échelon régional est stratégique et, encore une fois, réfléchir au ZAN à ce niveau n’est pas complètement incohérent avec le fait de ne pas donner les pleins pouvoirs au conseil régional pour décider à la place des collectivités des échelons inférieurs.

En outre, les départements ne sont pas représentés dans la conférence régionale des Scot. Les conseils départementaux ont tout de même – on le voit – un rôle à jouer, puisqu’ils sont chargés de l’équité et de la solidarité territoriales. Nous avons besoin de leur parole puissante pour traiter de la question du zéro artificialisation nette.

La conférence régionale des Scot a certes son rôle à jouer, mais pour avoir à intervenir à la bonne échelle, avec une instance qui fasse des choix d’avenir, des arbitrages entre grands et petits projets et qui décide de la répartition de l’enveloppe à consommer, la conférence proposée par la commission spéciale ne paraît plus compétente.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Je comprends la proposition qui est faite par nos collègues ; toutefois, si l’on peut considérer que la conférence des Scot est un lieu de débat et de concertation, j’ai tendance à préférer l’accord local, qui est très souvent prôné et défendu par le Sénat. Il permet à l’échelle d’un territoire régional – ce n’est pas une décision décrétée par la région – d’organiser la conférence régionale des Scot de la manière la plus pertinente.

Je présenterai dans quelques instants l’amendement n° 10 rectifié ter, qui permet, à la fois, de satisfaire la demande formulée par mes collègues, et surtout de prendre en compte la diversité des territoires et leur libre administration.

Je ne suis donc pas favorable à ces amendements qui, je le redis, seront largement satisfaits par le mien, plus large et plus souple. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.

Mme Valérie Létard, présidente de la commission spéciale. Si la commission spéciale a souhaité travailler sur une conférence régionale du ZAN associant les différentes strates d’élus territoriaux, c’est aussi, monsieur le ministre, parce que le décret d’application, qui traduit la volonté de l’administration centrale, a changé la nature du Sraddet.

En effet, le changement de paradigme est total : le Sraddet est devenu un schéma prescriptif qui s’impose à tous les documents d’urbanisme. Face à cela, comment voulez-vous que les associations d’élus et l’ensemble des intervenants que nous avons pu entendre n’aient pas souhaité être associés à une instance de dialogue qui arbitrera ce qui va s’imposer à leurs propres documents d’urbanisme ?

Notre proposition est la suite logique de l’état de l’art devant lequel se trouve le Parlement à la suite des évolutions mises en œuvre dans les décrets. Elle traduit un mode d’association des élus à la gouvernance du ZAN plus « direct » que la proposition de maintenir une conférence des Scot avec des groupes de travail.

Car, dans les groupes de travail, on ne demandera pas aux élus locaux de donner un avis. La seule entité qui resterait en lien direct avec les régions serait les Scot ; les élus, les représentants des collectivités, n’auraient pas ce lien direct. C’est la raison pour laquelle ce choix ne nous semble pas souhaitable à ce stade, et l’Association des maires de France ne s’oppose d’ailleurs pas à la proposition de gouvernance du ZAN.

En prévoyant la possibilité de faire valoir un choix différent s’il est largement partagé par les collectivité, l’amendement de Françoise Gatel apportera de la souplesse au dispositif général que nous avons collégialement proposé dans le texte de la commission spéciale.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 168 rectifié, 171 et 200 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. C. Vial, Bacci et Bascher, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. E. Blanc, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Charon et Chatillon, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes Di Folco, Dumas et Dumont, MM. B. Fournier et Genet, Mmes Gosselin, Goy-Chavent et Garnier, M. Gremillet, Mmes Jacques et Joseph, MM. D. Laurent et Longuet, Mmes Garriaud-Maylam et Noël, MM. Paccaud et Pellevat, Mme Puissat, MM. Rapin, Sautarel, Somon et Tabarot et Mme Ventalon, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 12

Remplacer ces alinéas par dix alinéas ainsi rédigés :

« V. – Dans chaque périmètre régional, il est institué, par la région, une conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols.

« A. La composition de la conférence régionale de gouvernance est décidée par la région. Elle s’assure d’une représentation équilibrée des territoires urbains, ruraux, de montagne et du littoral, et doit comprendre des représentants des structures suivantes quand elles existent :

« 1° de la Région ;

« 2° des établissements publics du périmètre régional mentionnés à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme ;

« 3° des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de document d’urbanisme, dont des représentants des établissements non couverts par un schéma de cohérence territoriale ;

« 4° des communes compétentes en matière de document d’urbanisme ;

« 5° des communes du périmètre régional couvertes par un document d’urbanisme non compétentes en matière de document d’urbanisme ;

« 6° des communes du périmètre régional non couvertes par un document d’urbanisme ;

« 7° de chaque département du périmètre régional. Ces représentants participent aux travaux de la conférence à titre consultatif ;

« 8° de l’État.

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Je vous propose un amendement de souplesse qui reprend quasiment à l’identique la composition de la conférence du ZAN souhaitée par la commission spéciale, en ne précisant pas en revanche le nombre de représentants par catégorie.

En effet, les régions ne se ressemblent pas. Par exemple, j’ai appris récemment qu’en Bretagne toutes les communes étaient couvertes par un Scot : par conséquent, rendre obligatoire la présence d’une commune représentant les territoires non couverts par un Scot n’aurait pas de sens. Dans des territoires très étendus, comme la région Auvergne-Rhône-Alpes, que je connais bien, les zones de montagne nécessitent une représentativité spécifique, tout comme la métropole de Lyon, qui a, elle aussi, des particularités.

L’objectif est donc de laisser à la région, qui présidera la conférence, comme le veut le texte, le soin de déterminer la composition la mieux adaptée au territoire, en précisant tout de même un certain nombre d’impératifs : représentation des territoires urbains, ruraux, de montagne ou du littoral.

La logique est la même que pour les centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) ou les centres communaux d’action sociale (CCAS) : l’intercommunalité ou la mairie fixe la composition, mais en tenant compte de la représentation obligatoire d’un certain nombre d’associations ou de structures. Une fois les impératifs respectés, libre à la région de fixer comme elle le souhaite la composition de la conférence.

Cet amendement est similaire à ceux de Mmes Gatel et Cukierman, qui seront défendus tout à l’heure – je ne veux pas déflorer la présentation de leurs propositions. Mais il est, me semble-t-il, plus simple puisqu’il ne prévoit pas de repasser par le vote de l’ensemble des collectivités. Il s’agit donc d’un amendement de souplesse, d’adaptabilité et de différenciation.

M. le président. L’amendement n° 190, présenté par MM. Dantec, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols

par les mots :

des schémas de cohérence territoriale

II. - Alinéas 3, 12, 13, 14, 17 et 18

Remplacer les mots :

régionale de gouvernance

par les mots :

des schémas de cohérence territoriale

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Au-delà de la forme que doit prendre cette conférence se pose la question de son titre. Je pense que nous faisons une erreur en le limitant au ZAN et à l’artificialisation. Cela risque d’en faire une instance un peu plus « défensive », comme l’ont montré nos débats jusqu’à présent, alors même qu’en étant ouverte à des collectivités au-delà des Scot – je ne reprends pas notre discussion –, elle sera amenée à traiter d’autres sujets.

Comme dirait Jean-Baptiste Blanc, c’est le sens de l’Histoire : il faudra demain une trame verte et bleue et des corridors de biodiversité efficients à l’échelle de la région. Cette conférence devra avoir une vision partagée de l’aménagement du territoire, qui se traduira dans le Scot, lequel est un document qui n’est pas seulement lié au ZAN, mais qui décline de nombreuses autres politiques publiques.

S’en tenir à un titre qui ne fait référence qu’au ZAN et à l’artificialisation est réducteur et peut donner une fausse image de ce que sera son rôle à l’avenir, alors que, quelle que soit sa composition, elle aura un rôle stratégique en termes d’aménagement du territoire et sur toutes les grandes questions régionales.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 10 rectifié ter est présenté par Mme Gatel, MM. Longeot et Darnaud, Mmes de La Provôté, Canayer et Billon, MM. Bonnecarrère, Henno, Laugier, Levi, Le Nay et Janssens, Mmes Guidez, Ventalon et Gacquerre, M. Canévet, Mme Férat, MM. Duffourg et Kern, Mmes Saint-Pé et Perrot, MM. J.M. Arnaud et Détraigne, Mme Jacquemet, MM. Chauvet, Folliot, Cadec, Cazabonne et Moga, Mme Morin-Desailly, MM. S. Demilly, P. Martin et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° 101 rectifié est présenté par Mmes Cukierman et Varaillas, M. Lahellec et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« A. – Dans chaque région, la composition et le nombre de membres de la conférence régionale de gouvernance sont déterminés par délibération du conseil régional prise sur avis favorable de la majorité des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière de plan local d’urbanisme et des conseils municipaux des communes n’ayant pas transféré la compétence en matière de plan local d’urbanisme.

« À défaut de transmission d’une proposition par le président du conseil régional aux organes délibérants et conseils municipaux mentionnés au premier alinéa du présent A dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, ou d’un avis favorable donné dans les conditions prévues au même premier alinéa dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la même loi, la conférence régionale de gouvernance réunit les personnes suivantes :

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié ter.

Mme Françoise Gatel. J’ai quelque peu dévoilé mon amendement précédemment. Au Sénat, nous sommes extrêmement respectueux de la libre administration des collectivités, et de leur capacité à s’organiser pour prendre en compte la diversité de leur territoire.

Il s’agit non pas de donner le pouvoir à la région, mais de permettre au conseil régional de formuler une proposition d’accord local, qui aura été élaborée en accord avec les communes ayant gardé leur compétence urbanisme ou avec les intercommunalités disposant de cette compétence.

Cet accord local doit être soumis à l’approbation de ces communes et intercommunalités dans un délai raisonnable, qui ne doit retarder en rien le processus de mise en œuvre du ZAN. Si, dans ce délai imparti, l’accord local n’est pas possible, la composition prévue dans le texte, qui nous a été présentée par la présidente et le rapporteur, s’appliquera.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 101 rectifié.

Mme Cécile Cukierman. Il n’aura échappé à personne qu’après rectification mon amendement est identique à celui de Mme Gatel.

Nous sommes soucieux de laisser aux territoires la possibilité de trouver des accords locaux, tout en prévoyant une solution si cela se révélait impossible.

Je ne défendrai pas plus avant cet amendement, qui a été excellemment présenté par ma collègue.

M. le président. L’amendement n° 203 rectifié, présenté par MM. Corbisez, Fialaire et Guiol, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 11

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« 2° Les représentants des établissements publics du périmètre régional mentionnés à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme ;

« 3° Les représentants des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de document d’urbanisme, non couverts par un schéma de cohérence territoriale ;

« 4° Les représentants des communes qui disposent de document d’urbanisme et non couvertes par un schéma de cohérence territoriale ;

« 5° Un représentant de chaque département du périmètre régional. Ces représentants participent aux travaux de la conférence à titre consultatif ;

« 6° Cinq représentants de l’État.

La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. La loi a renforcé le rôle intégrateur des Scot : ils réunissent l’ensemble des normes supérieures que les PLU doivent respecter. Elle a ainsi incité les élus à recourir à ce document de planification en appliquant, en son absence, le principe de l’urbanisation limitée. Ainsi, 97 % de la population et 86 % des communes françaises sont couvertes par un Scot, ce qui a permis de réduire de 30 % la consommation foncière. De fait, cette dernière est passée de 30 000 à 20 000 hectares en moyenne par an entre 2011 et 2021. Dans le même temps, les communes relevant du règlement national d’urbanisme ont, à l’inverse, consommé près de 30 000 hectares.

Le présent amendement vise à respecter, au sein de la conférence régionale de gouvernance, la place et la représentativité, d’une part, des élus qui travaillent sur la stratégie territoriale dans les Scot, d’autre part, des élus d’EPCI et de communes dotés d’un document d’urbanisme, mais non couverts par un Scot. L’objectif est d’éviter ainsi la surreprésentation d’un même territoire et, en particulier, celle de territoires non dotés d’un document d’urbanisme, lesquels, rappelons-le, ne sont pas concernés directement par la loi instituant le ZAN.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par Mme Gatel, MM. Longeot et Darnaud, Mmes de La Provôté, Ract-Madoux, Canayer et Billon, MM. Bonnecarrère, Henno, Laugier, Levi, Le Nay et Janssens, Mmes Guidez, Morin-Desailly, Ventalon et Gacquerre, M. Canévet, Mme Férat, MM. Duffourg et Kern, Mmes Saint-Pé et Perrot, MM. J.M. Arnaud et Détraigne, Mme Jacquemet, MM. Chauvet, Folliot, Cadec, Cazabonne, Moga, S. Demilly, P. Martin et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° 125 rectifié est présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, Devinaz, Tissot et Bourgi, Mmes Harribey et S. Robert, MM. Temal et Jomier, Mme Van Heghe et MM. Vaugrenard, Roger et Jeansannetas.

L’amendement n° 167 rectifié bis est présenté par Mme L. Darcos, M. Reichardt, Mmes Puissat et Noël, MM. Chatillon, Bacci, Panunzi et Bascher, Mme de Cidrac, MM. Joyandet, Brisson, Gremillet, Somon, Mandelli et Burgoa, Mmes Richer et Dumas, MM. Mouiller, Anglars et Longuet, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Gruny, MM. Saury, Favreau et Sido, Mmes Gosselin et Raimond-Pavero, MM. Bouchet et B. Fournier, Mme Borchio Fontimp, MM. Rapin et Houpert, Mme Garriaud-Maylam, M. Belin, Mme Di Folco et MM. Cambon, Rojouan, Rietmann, Perrin, Charon, D. Laurent et Klinger.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 10, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Françoise Gatel, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.

Mme Françoise Gatel. Il me semble, compte tenu de la taille XXL de certaines régions, que les départements ont un rôle d’appui et de conseil à jouer. La présente proposition du groupe Union Centriste consiste à supprimer leur rôle uniquement consultatif.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 125 rectifié.

Mme Nicole Bonnefoy. Mon amendement, identique, tend donc à ce que les départements soient associés aux travaux de la conférence sans que leur avis soit sollicité à titre seulement consultatif, afin qu’ils s’expriment pleinement au regard des compétences qui sont les leurs en matière de solidarité et d’équité territoriales, mais également de préservation des espaces naturels sensibles (ENS), où ils jouent un rôle majeur.

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour présenter l’amendement n° 167 rectifié bis.

Mme Béatrice Gosselin. Cet amendement a été déposé par ma collègue Laure Darcos.

Les départements sont des acteurs impliqués dans l’atteinte des objectifs du zéro artificialisation nette. Parmi les exemples que je pourrais citer, l’Essonne a adopté à la fin de l’année 2020 des orientations en matière de lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain pour contribuer à l’objectif ZAN d’ici à 2050, en lien avec les partenaires locaux. Cette politique se décline en une cinquantaine d’actions pour un budget annuel de 1,9 million d’euros.

Ces actions conduites sur le terrain prouvent que les départements peuvent jouer un rôle actif au sein de la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols. C’est la raison pour laquelle il est proposé qu’ils en soient membres à part entière et ne soient pas réduits à un rôle consultatif.

M. le président. L’amendement n° 59 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Cadec et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Tabarot, Bouchet, Chatillon, Burgoa et Reichardt, Mmes L. Darcos et Jacques, M. Bascher, Mme Puissat, MM. Charon, Genet, D. Laurent et Joyandet, Mme Dumont, MM. Mandelli, Saury et Darnaud, Mmes Ventalon et Dumas, M. Piednoir, Mmes Bonfanti-Dossat, Joseph et Canayer, MM. Favreau, Sido, Somon et Gueret, Mme Borchio Fontimp et MM. Rapin, Gremillet, Belin, Rojouan, Rietmann et Klinger, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Le président de la conférence régionale de gouvernance peut décider qu’elle se réunisse à un niveau départemental pour tout sujet lié à la mise en œuvre communale ou intercommunale des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Cette dernière peut transmettre à la conférence de gouvernance régionale des analyses et des propositions portant sur la mise en œuvre locale des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Sa composition est déterminée par la conférence de gouvernance régionale. Elle assure une représentation équilibrée des territoires urbains, ruraux, de montagne et du littoral à l’échelle du département.

La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. À ce stade de nos débats, il me semble qu’il nous faut trouver un système souple de concertation et d’association des élus, alliant proximité et vision régionale. Tel est le sens de nos discussions relatives à l’article 3, lequel a pour objet la création de la conférence régionale du ZAN.

Dans ces conditions, il est selon moi essentiel d’organiser sous une forme départementale, quand cela sera nécessaire, ce type de conférence. En effet, l’étendue régionale du périmètre rendant difficile l’accès des maires et des élus locaux à cet outil de médiation, les problématiques rencontrées dans les communes ne seraient pas aisément défendues.

Garantir aux élus locaux un accès simple et facilité à cette conférence est l’objectif de cet amendement. Ce dernier vise à rendre possible une réunion de la conférence de gouvernance au niveau départemental pour tout sujet lié à la mise en œuvre communale ou intercommunale des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols.

L’organisation départementale permettrait également de faire remonter à la conférence régionale de gouvernance des analyses et propositions utiles sur la mise en œuvre locale desdits objectifs.

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par M. E. Blanc, Mme Thomas, M. Tabarot, Mme Di Folco, MM. Bascher, D. Laurent, Brisson et Mandelli, Mmes Goy-Chavent et Dumas, M. Longuet, Mmes Muller-Bronn, Bonfanti-Dossat et Lassarade et MM. Charon, Bouchet et Rapin, est ainsi libellé :

Alinéas 17 à 22

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« C. - La conférence régionale de gouvernance veille à l’intégration et à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation nette des sols au regard :

« 1° Des données relatives aux objectifs fixés par les schémas de cohérence territoriale en application du 5° du IV ;

« 2° Des données relatives à l’artificialisation constatée sur les périmètres des schémas de cohérence territoriale et sur le périmètre régional au cours des années précédentes ;

« 3° D’une analyse de la contribution de cette dynamique d’évolution de l’artificialisation à l’atteinte des objectifs fixés par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires en application du 1° du même IV ;

« 4° Des propositions d’évolution des objectifs au vu des prochaines tranches de dix années prévues au deuxième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. »

La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Le risque est que la conférence régionale de gouvernance conduise à une forme de renversement de la hiérarchie des normes. Le Sraddet doit rester, comme le prévoit la loi Climat et résilience, le schéma stratégique permettant de territorialiser les trajectoires et d’arbitrer les divergences et concurrences territoriales éventuelles.

Cet amendement a pour objet de rappeler que la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols sera chargée de veiller à l’intégration et à la mise en œuvre des objectifs y afférents pour éviter cette inversion de la hiérarchie.

M. le président. L’amendement n° 53 rectifié ter, présenté par Mmes Ract-Madoux et Canayer, MM. Chasseing, Panunzi, Cadec et Buis, Mme Garriaud-Maylam, M. Chatillon et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Entre le 1er juillet et le 31 décembre 2027, chaque conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols prévue au V de l’article 194 de la présente loi remet au Parlement un rapport faisant état de la nécessité de modifier, le cas échéant, le dispositif de réduction de l’artificialisation des sols prévu au même article 194. »

La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux.

Mme Daphné Ract-Madoux. Cet amendement est étudié en discussion commune, mais je concède qu’il n’a pas grand rapport avec les autres en dehors de l’enjeu de la conférence régionale de gouvernance.

Cette proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre de l’objectif zéro artificialisation nette au cœur des territoires apporte de réelles avancées. À ce titre, je remercie Mme Létard et M. le rapporteur pour le travail effectué.

Nous savons que l’application de l’objectif ZAN se fera en trois temps : avant 2031, entre 2031 et 2050, et après 2050. Chaque période présente une spécificité : tous les problèmes posés ne seront pas immédiatement résolus.

Cet amendement vise à créer un bilan d’étape dans cinq ans. Ce bilan permettra d’évaluer les premiers effets de la mise en œuvre du ZAN. L’évaluation à horizon 2027 paraît nécessaire pour deux raisons.

D’une part, la période initiale de dix ans, allant de 2021 à 2031, est déjà en cours. Face à cette échéance de 2031, les documents d’urbanisme au délai d’élaboration contraint par la loi ne seront révisés que tardivement. Ainsi, le risque sera élevé que le foncier consommé en amont de l’approbation des documents dépasse l’objectif de réduction de 50 % de la consommation foncière d’ici à 2031 établi par la loi Climat et résilience. Cela imposerait alors d’adopter des documents interdisant toute urbanisation future. Instaurer un point d’étape peu ou prou avant cette date permettrait de mieux anticiper les éventuelles difficultés.

D’autre part, à partir de 2031, la consommation d’espace entrera dans un système bien plus figé, tendant vers la compensation intégrale de l’artificialisation. Le système sera d’autant plus figé à mesure que les friches et sites de renouvellement en densification auront été réutilisés. D’ici là, il est indispensable que des adaptations soient identifiées et mises en place.

Il n’est absolument pas question de remettre en cause le ZAN ni le principe de réduction de l’artificialisation. Il s’agit seulement de mettre en œuvre efficacement les aspects quantitatifs de ce dispositif en présentant un bilan d’étape, remonté par les conférences régionales de gouvernance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. L’amendement n° 76 rectifié de M. Vial tend à ce que la région fixe la composition de la conférence régionale de gouvernance. Son adoption ferait tomber tous les amendements qui suivent. Je sollicite donc son retrait au profit des amendements identiques nos 10 rectifié ter et 101 rectifié, lesquels s’en inspirent. Par conséquent, le désaveu n’est pas total…

Les amendements identiques de Mme Gatel et de Mme Cukierman, que je viens de citer, visent à ce que cette composition soit définie par accord entre la région, les EPCI et les communes concernées. L’objectif est donc proche de celui de l’amendement précédent. Je suis en accord avec : il relève du principe de subsidiarité, auquel nous sommes tous très attachés dans cet hémicycle. Ces deux amendements présentent pour la commission spéciale l’intérêt de déterminer la composition par consensus.

L’amendement n° 203 rectifié de M. Corbisez vise à recentrer la conférence sur les représentants des Scot, en excluant ceux des communes ou des EPCI compris à l’intérieur d’un Scot. Or l’objet de l’article 3 est bien de permettre à ces élus de mieux se faire entendre, car eux aussi devront modifier les documents d’urbanisme à mettre en œuvre.

Comme pour l’amendement n° 76 rectifié, je demanderai donc le retrait de l’amendement n° 203 rectifié au profit des amendements identiques nos 10 rectifié ter et 101 rectifié.

L’amendement n° 190 de M. Dantec a pour objet de maintenir l’appellation « conférence des Scot », ce qui est difficile à comprendre, car l’article 3 institue bien une concertation entre l’ensemble des parties prenantes, bien au-delà des seuls Scot. L’avis est donc défavorable.

Pour autant, je partage votre remarque sur le sens de l’Histoire, monsieur Dantec…

D’autres amendements ont pour objet de procéder à des ajouts dans la composition de la conférence régionale. Je rappelle que, par principe, cette conférence réunit les autorités compétentes en urbanisme sur toutes les questions relatives à la mise en œuvre des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols afin d’en débattre avec la région. Il n’y a donc pas lieu d’en étendre la composition à différentes catégories d’organismes que les collectivités connaissent et consultent par ailleurs. Là encore, l’Histoire ira, selon moi, dans le sens d’un élargissement aux associations et à la société civile. Réglons pour l’instant les problèmes des élus locaux.

Les trois amendements identiques nos 5 rectifié bis de Mme Gatel, 125 rectifié de Mme Bonnefoy et 167 rectifié bis de Mme Darcos tendent à ce que les départements participent à la conférence avec voix délibérative. L’avis est favorable.

L’amendement n° 59 rectifié bis de M. Brisson recevra également un avis favorable. L’idée qui y est présente me paraît devoir être retenue.

L’intéressant amendement n° 53 rectifié ter de Mme Ract-Madoux recevra un avis similaire. Il permettrait la création d’un rendez-vous parlementaire quelques années avant la fin de la première tranche décennale fixée par la loi, dont l’objectif pourrait être de transmettre aux chambres le bilan que les conférences régionales doivent réaliser.

Enfin, l’amendement n° 8 rectifié bis d’Étienne Blanc revient sur le droit existant puisqu’il tend à supprimer l’avis que donne d’ores et déjà la conférence des Scot sur la territorialisation des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. Il supprime également le bilan que doit remettre la conférence régionale de gouvernance pour le remplacer par une mission de veille. Au total, il me semble que le texte de la proposition de loi contient une définition plus précise des missions attribuées à la conférence. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Si une partie de ces amendements est adoptée, l’on pourrait finalement se demander s’il ne vaudrait mieux pas créer une CTAP. Cette dernière associerait à l’échelle régionale l’ensemble des exécutifs pour devenir une instance de discussion, notamment si les départements devaient être réintégrés à la conférence.

Malgré le principe de souplesse au sujet de l’usage du vote, inclure obligatoirement les départements à la conférence régionale du ZAN alors même que chaque région délibère pour savoir quelle en est la composition pose quelques problèmes de cohérence.

En outre, les obligations de transmission se heurteraient à d’autres impératifs. Le Parlement doit recevoir tous les cinq ans le bilan de l’application de la loi Climat et résilience ; les présidents d’EPCI doivent indiquer tous les trois ans ce qu’il en est de leur trajectoire vers le zéro artificialisation ; les conférences des Scot, trois ans après s’être réunies pour la dernière fois, doivent réaliser un bilan similaire. Avec cette conférence des ZAN, nous ajoutons déjà, en quelque sorte, à l’échelon intercommunal et à l’échelon national un nouvel échelon de transmission.

Le Gouvernement exprime un avis de sagesse sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Même si je ne suis pas personnellement convaincu, j’entends les arguments de notre rapporteur ; il me semblait que la rédaction de mon amendement permettait un peu plus de souplesse et de simplicité que ce qui en a été dit. Il aurait permis d’éviter la sollicitation de délibérations dans l’ensemble des collectivités disposant de compétences en urbanisme au travers d’un PLU ou d’un PLUi. Je me fie toutefois à la sagesse du rapporteur et, m’excusant auprès des trente-sept cosignataires, je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 76 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 190.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié ter et 101 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. Jean-Pierre Corbisez. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 203 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié bis, 125 rectifié et 167 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. Étienne Blanc. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 53 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 214 rectifié, présenté par Mme Gacquerre, MM. Rapin, Pellevat, Folliot, Duffourg et Kern, Mme Morin-Desailly et MM. Klinger, Henno, S. Demilly, Vanlerenberghe et Hingray, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Un représentant des professionnels intervenant dans les domaines du logement, de l’immobilier et de la construction ;

La parole est à Mme Amel Gacquerre.

Mme Amel Gacquerre. Cet amendement vise à introduire une représentation des professionnels du logement, notamment du logement social, au sein des conférences régionales de gouvernance.

Au regard des enjeux considérables de la mise en œuvre du ZAN, en particulier dans les politiques de l’habitat, le mouvement HLM est un acteur incontournable pour accompagner ce processus dans les territoires, pour exprimer les besoins en logements à loyer modéré et pour garantir la mixité sociale et l’équilibre entre collectivités.

Au travers de cet amendement, je souhaite alerter sur les dangers du ZAN en matière d’habitat et, pour être plus précise, de logement social accessible aux Français les plus modestes.

Le nombre de ménages a augmenté de 20 % en vingt ans. Cette augmentation se traduit nécessairement par une hausse significative de la demande de logement et, plus encore, de logements sociaux. Parallèlement, l’offre ne suit pas, notamment en raison de la rareté des terrains constructibles en ville et de l’explosion des coûts de construction.

La mise en œuvre de l’objectif ZAN risque d’aggraver considérablement la situation, notamment parce que ce dispositif se traduira par une réduction significative du foncier constructible, entraînant nécessairement des répercussions sur les coûts de construction et, par conséquent, pesant sur la construction de logements.

Se pose donc aujourd’hui la question de la façon dont le Gouvernement conciliera le ZAN avec la construction de logements, notamment sociaux. Indéniablement, il faudra réfléchir à un nouveau modèle économique afin de repenser la densification et l’aménagement de l’espace.

Autre important sujet relatif au logement, la mise en œuvre du ZAN menace la pleine application de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants appartenant à un EPCI de plus de 50 000 habitants de disposer de 25 % de logement social d’ici à 2025. En l’état, cet objectif n’est pas conciliable avec le ZAN et constitue un casse-tête pour les maires comme pour les élus locaux. Sur ce point également, un éclaircissement du Gouvernement sur l’adaptation de la loi SRU aux objectifs d’artificialisation nous semble nécessaire.

En conclusion, pour toutes ces raisons, l’intégration des acteurs du logement, notamment du logement social, s’avère indispensable dans la mise en œuvre du ZAN afin de garantir une réponse adaptée aux besoins en logement que connaît notre pays.

M. le président. L’amendement n° 248 rectifié, présenté par MM. Bonhomme et Levi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° À titre consultatif, les représentants locaux des métiers de l’aménagement et de la construction choisis par les membres de la conférence selon leurs propres modalités.

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Toujours dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de réduction de l’artificialisation des sols, les conférences régionales de gouvernance doivent pouvoir, à titre consultatif, s’appuyer sur l’expertise de professionnels de l’aménagement et de la construction : architectes, urbanistes, paysagistes concepteurs. Les intégrer au dispositif permettrait aux élus et aux représentants des collectivités de bénéficier de plusieurs plus-values.

Premièrement, l’analyse ainsi fournie sur les projets en cours et sur les difficultés rencontrées sur le terrain pour atteindre l’objectif de sobriété foncière serait précieuse.

Deuxièmement, cette intégration fournirait un éclairage sur les questions liées au marché immobilier et à l’évolution de la demande des ménages.

Troisièmement, elle ferait bénéficier les élus d’éléments opérationnels sur les potentialités de compensation selon les spécificités de chaque territoire et offrirait une photographie plus précise des acteurs locaux sur lesquels s’appuyer.

Quatrièmement, les élus se verraient ainsi proposer une analyse des répercussions du ZAN sur l’évolution des prix du foncier. Cette expertise me paraît importante face à la crise du logement actuelle et à venir, compte tenu des tensions sur l’offre et la demande.

En somme, cette intégration des représentants des professionnels de l’aménagement paraît pertinente au regard de l’objectif de donner un caractère opérationnel à l’objectif ZAN.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je demanderai le retrait de ces deux amendements ainsi que des suivants ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Les arguments développés sont évidemment intéressants et légitimes, mais nous avons voulu une conférence régionale qui prenne la forme d’une conférence d’élus, d’autorités locales compétentes en matière d’urbanisme.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Pour revenir sur les logements sociaux, l’artificialisation des sols a progressé de 70 % en quarante ans tandis que la population augmentait de 20 % seulement. L’argument selon lequel il existerait un lien automatique entre le foncier disponible et la quantité de logements, en particulier sociaux, ne tient pas.

Plus encore, 84 % des logements sociaux de notre pays sont des logements collectifs ; la part de logement social en maison individuelle est faible. Par conséquent, la diminution potentielle du foncier disponible n’aurait pas de conséquences en soi sur le logement social.

Le véritable enjeu est plutôt celui de la volonté des élus. Il faut dès lors analyser commune par commune la répartition du foncier disponible. De ce point de vue, vous avez déjà, avec la loi 3DS, modifié une partie de ce que sont les objectifs de la loi SRU.

Je pense fondamentalement que s’abriter derrière le ZAN pour justifier son incapacité à tenir une trajectoire de construction de logement social est un prétexte. (Mme Sophie Primas proteste.) Si tel n’était pas le cas, toutes les communes auraient déjà atteint un nombre suffisant de logements sociaux ! En effet, certaines disposant de foncier ne construisent pas de tels logements quand d’autres de bonne volonté manquent de foncier.

Accuser le ZAN de cet état de fait revient à tenir un propos inexact. Nous connaissons tous, dans nos départements respectifs, la diversité de situations des communes. Je le répète, tout ne s’explique pas par la disponibilité ou l’indisponibilité du foncier.

Mme Sophie Primas. Parfois, oui.

M. Christophe Béchu, ministre. En effet, cela peut parfois être vrai, mais l’enjeu relève dans les cas en question de la loi 3DS, dont l’assouplissement vient d’être adopté et dont les dispositions commencent à s’appliquer pour partie cette année. Il ne faut pas mélanger les deux sujets, car la question que nous traitons a une dimension plus collective.

Pour en revenir, plus largement, à l’association de multiples nouveaux acteurs à la conférence de gouvernance, je m’en remettrai à la sagesse de cette assemblée. Seulement, si vous adoptiez ces deux amendements, un point me poserait problème : pourquoi dès lors ne pas élargir la conférence aux acteurs intervenant dans l’élaboration des Scot, des PLU et d’un certain nombre d’autres documents d’urbanisme ? En effet, l’avis des professionnels et du mouvement HLM pourrait dès lors se justifier pour des raisons similaires, ces concertations méritant, comme la typologie des constructions, l’avis des experts.

Ce serait faire injure aux élus locaux que de penser qu’ils ne recueilleraient pas eux-mêmes de tels conseils dans l’élaboration de leur Scot et de leur PLU ou, par ailleurs, pour mener des opérations immobilières. Mettre le doigt dans cet engrenage conduirait à modifier les modalités de prise de décision aux échelons communaux et intercommunaux en matière d’urbanisme, nous entraînant dans une direction que l’on ne souhaite collectivement pas emprunter…

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je partage l’avis de la commission spéciale sur la difficulté d’introduire les professionnels du logement dans ce genre de structure. Qui plus est, lesquels introduire ? Les bailleurs ? Si oui, lesquels d’entre eux ? L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) ?

Néanmoins, il est clair que le ZAN entraînera de lourdes difficultés pour l’atteinte des objectifs dont le pays a besoin en matière, d’une part, de construction de logement, d’autre part, de rénovation ou restructuration. L’impensé total est l’effet prix sur le foncier.

Mme Sophie Primas. C’est vrai.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. À partir du moment où il y a rareté, nul besoin d’être un grand spécialiste du marché pour savoir que, tendanciellement, les prix du foncier augmenteront.

Or il est déjà immensément difficile de boucler des opérations de logement social, en locatif ou en accession sociale à la propriété, et même parfois des opérations de logement intermédiaire. Par conséquent, sans une politique de régulation pour mieux encadrer l’évolution des prix du foncier, inéluctablement la production se réduira et nos concitoyens seront évincés des logements les plus abordables. L’enjeu est, de mon point de vue, majeur.

De plus, faire muter la ville sur la ville, c’est-à-dire construire du bâti sur du bâti existant, coûte bien plus cher que construire sur de nouvelles parcelles, même si la disponibilité du foncier est réduite. Le problème est dès lors le même : le ZAN rendra plus coûteuse la construction de logements. Je ne crois pas que la nation ait pris la mesure de ce que cet objectif suppose en matière d’implication publique ou de régulation des prix. Ces questions étant taboues depuis de nombreuses années, les prix du foncier ont augmenté bien plus rapidement que ceux des autres secteurs, connaissant une croissance plus importante que celle des salaires et des placements productifs. En bref, il s’agit d’une rente injuste.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. J’entends et je suivrai l’avis du rapporteur sur l’amendement de notre collègue Gacquerre. Toutefois, même si le ZAN – M. le ministre a raison – n’empêchera pas la construction de logements sociaux, ma collègue attire avec justesse l’attention sur le fait qu’il n’arrangera pas la situation à cause de la spéculation induite.

Je citerai l’exemple du Croisic, une commune de Loire-Atlantique. Concernée par la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, elle a toutefois l’obligation de construire des logements sociaux alors qu’il y reste seulement 8 000 mètres carrés de terrain disponible, qui appartiennent à un particulier.

Monsieur le ministre, si vous avez raison, il faut activer le dispositif du contrat de mixité sociale, que nous avions soutenu avec nos collègues Darnaud, Estrosi Sassone et Létard lors de l’examen de la loi 3DS. Il permet – je le rappelle – de faire valoir intelligemment le pouvoir réglementaire d’un préfet intelligent (Sourires.) tout en prenant en compte la situation locale, la bonne volonté des maires et parfois leur incapacité. Il est positif de vous rappeler, monsieur le ministre, que la loi 3DS n’est pas si mal… (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour explication de vote.

Mme Amel Gacquerre. Monsieur le ministre, je reviens sur vos propos.

En premier lieu, vous indiquiez que le ZAN serait un prétexte pour les maires afin de ne pas construire de logements sociaux. Je vous trouve très dur, d’autant que vous avez été maire vous-même. À mon sens, ces élus assument leurs décisions : ils n’ont pas besoin du ZAN pour invoquer des prétextes. Ils ont envie de construire parce qu’ils ont envie de proposer des logements à l’ensemble de leurs habitants, notamment à ceux qui ont des revenus modestes.

En second lieu, je voulais mettre en avant le fait que le ZAN complexifiera toujours plus la construction de logements sociaux. C’est une réalité. Le prix du foncier a déjà explosé, et il continuera à augmenter fortement.

Pour conclure, 1,7 million de demandes de logements sociaux à l’heure actuelle demeurent sans réponse. La demande est là. Il est donc nécessaire de construire. Il va nous falloir inventer un modèle économique qui, pour l’instant, fait défaut ; sinon, la situation deviendra très complexe. Face à ce sujet d’inquiétude, nous attendons une réponse de votre part. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.

Mme Valérie Létard, présidente de la commission spéciale. Chers collègues, vous imaginez bien que la question du logement social est au cœur de nos préoccupations, à Dominique Estrosi Sassone, à Marie-Noëlle Lienemann, à Viviane Artigalas et à moi-même, sans mentionner bien d’autres élus de cette assemblée.

Les amendements dont nous parlons reviennent simplement à introduire la Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI) et la Fédération française du bâtiment (FFB) dans la gouvernance décentralisée du ZAN. Nous pouvons partager cette proposition.

Amel Gacquerre a évoqué les difficultés suscitées par la conjonction d’obligations adressées aux territoires afin d’être au rendez-vous de la production de logement social. Il s’agit d’un objectif auquel il n’est pas possible de s’opposer, mais tout devient compliqué dès lors qu’il nous est imposé une pression foncière supplémentaire qui renchérira les coûts, encouragera à la requalification des friches et entraînera de nouvelles conséquences sur la production de logement social.

J’y insiste : le point sur lequel nous devons nous prononcer, c’est de savoir si nous plaçons la FPI et la FFB dans cette gouvernance territoriale. Pour ma part, je réponds par « non ». Il convient en effet d’être prudent : la gouvernance décentralisée du ZAN concerne les collectivités. Pour être tout à fait claire, c’est comme si l’on mettait un promoteur immobilier dans les conseils municipaux ! (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Pour répondre à Mme Gacquerre, je m’apprête à faire, par anticipation, la « pub » des mesures proposées par Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc.

En effet, dans les outils que vous allez proposer sur le droit de préemption et le sursis à statuer, on trouve des mécanismes permettant d’éviter la spéculation ou les phénomènes de rente. C’est le premier, qui comporte quatre ou cinq dispositifs (Mme la présidente de la commission spéciale acquiesce.), que je soutiens parce que j’estime qu’ils peuvent permettre de corriger ces effets indésirables.

Après la discussion de ce soir, nous devrons évoquer le volet du financement. Je suis sensible à ce qu’a dit Mme Lienemann : on ne peut pas aller chercher de l’argent public pour dépolluer les friches sans se préoccuper de la manière dont on renchérit, pour le promoteur, le coût de l’artificialisation.

On peut mettre en place une conjonction entre les deux aspects : la rente engendrée par la rareté qu’on a produite pourrait alimenter les recettes des collectivités territoriales, afin que ces dernières puissent accompagner le dispositif.

Si je décide qu’il y a moins de foncier disponible, je crée un effet de valeur supplémentaire par rapport à la valeur normale et je suscite une rente. Le fait qu’une part de cette rente revienne à la collectivité ne me choque pas. Cela n’empêchera pas celui qui vend son terrain agricole de multiplier par trente la valeur de son bien et cela permettra à la collectivité de récupérer des crédits lui permettant de conduire une politique sociale.

Ces questions seront sans doute l’occasion de parler de bail réel solidaire, d’office foncier, d’établissements publics fonciers (EPF), ainsi que de nombreux dispositifs qui ont été créés, mais n’ont pas forcément été utilisés. J’ai dit tout à l’heure, et ma formule était sans doute brutale, qu’il y avait de tout dans le lot.

Si certains élus sont confrontés à une vraie incapacité, d’autres utiliseront ce prétexte, alors même que, parfois, certains l’utilisent déjà.

La démocratie s’applique, mais mille communes, dans notre pays, ne respectent pas la loi SRU. Certains cherchent les moyens de contourner la loi,…

Mme Sophie Primas. Ils se comptent sur les doigts d’une main !

M. Christophe Béchu, ministre. … d’autres ne les cherchent pas !

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je ne voterai pas ces amendements pour les raisons qui ont été indiquées. Très franchement, vos explications, monsieur le ministre, ne m’ont pas convaincu. Pour ma part, je suis persuadé, comme mes collègues l’ont dit tout à l’heure, qu’avec le ZAN, il sera plus difficile aux communes de s’acquitter de leurs obligations en matière de logement social, lorsqu’elles ont plus de 3 500 habitants et qu’elles appartiennent à une intercommunalité de plus de 50 000 habitants.

Monsieur le ministre, vous leur dites « charge pour elles d’aller chercher l’argent » : c’est déjà un aveu de cette complexité que vous créez. Si c’était si facile aujourd’hui – je mets de côté les collectivités qui ne veulent vraiment pas créer des logements sociaux –, pourquoi les collectivités désireuses de remplir leurs obligations rencontreraient-elles autant de difficultés ? Sans compter que, dès la première année, on les sanctionne financièrement.

Les contrats de mixité sociale de la loi 3DS doivent faciliter les choses, bien sûr. Toutefois, encore une fois, à n’en pas douter, le ZAN renchérira les coûts, comme vous venez de le dire vous-même.

Personnellement, j’estime que cela n’est pas acceptable ! Proposez-leur un outil leur permettant de surmonter ces complications, de telle façon que l’objectif attendu par tout le monde puisse être atteint.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 214 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. François Bonhomme. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 248 rectifié est retiré.

L’amendement n° 221 rectifié, présenté par MM. Corbisez, Cabanel, Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Un représentant régional d’un organisme du Mouvement HLM. »

La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Certes, le développement durable ne doit pas entrer en concurrence avec les besoins de logement, en particulier des plus modestes.

Ma collègue Amel Gacquerre a raison : 1,7 million de personnes sont en attente de l’attribution d’un logement social, hors mutation. Cela signifie que les familles en surpopulation sont également dans l’attente d’un logement. Il y a donc deux à trois millions de personnes dans l’attente d’un logement social.

Alors que nous sommes en retard sur la production de logements sociaux, le ZAN freinera notre capacité de production. C’est la raison pour laquelle je souhaite que les organismes du mouvement HLM – uniquement du mouvement HLM, pour exclure les spéculateurs – soient présents au sein des conférences régionales de gouvernance. Tel est l’objet de cet amendement.

Permettez-moi d’évoquer certains points qui m’échappent, monsieur le ministre, mes chers collègues. Voilà quelque temps, Mme Pompili nous expliquait qu’il faudrait verdir les « dents creuses » dans nos communes. Or, en centre-ville, on préfère construire du logement, au plus près des commerces et des services municipaux.

Mme Lienemann me répond que la restructuration des centres-villes coûte plus cher que les constructions hors de ce périmètre. Dès lors, cela signifie-t-il qu’il faille inciter les communes à consommer des terres agricoles pour y construire du logement et non à restructurer le bâti ancien et dégradé ? À quoi sert donc l’Anru ? Elle est quand même là pour aider les collectivités à restructurer l’habitat ancien, afin de ne pas consommer des terres agricoles ! En la matière, j’avoue m’y perdre un peu.

À un moment donné, nous serons en très grande difficulté. De surcroît, on nous dit qu’il faut verdir les « dents creuses », alors qu’on préférerait bâtir. Je vous le rappelle, dans les Scot, on incite chaque commune à construire plusieurs dizaines de logements par an, pour ne pas passer sous la barre des 10 000 habitants ou de 7 000 habitants, ce qui induit un risque d’une DGF moindre.

Il vaut donc mieux restructurer en centre-ville et garder des terres agricoles. Pour peu que la terre agricole soit un peu humide, il faut compenser l’artificialisation par le double d’hectares, ailleurs, conformément à la loi Royal. Et pour peu que, sur ces terres agricoles, coule un petit ruisseau et vive une salamandre, il faut reconstituer une zone de vie ailleurs !

Par conséquent, la construction sur des terres agricoles peut coûter plus cher que la construction en centre-ville. Par ailleurs, le mouvement HLM sait construire en centre-ville.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Pour les mêmes raisons, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 221 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 34 rectifié bis est présenté par MM. Longeot et Le Nay, Mme Gacquerre, M. Folliot, Mme Dumas, MM. Kern et Duffourg, Mme Muller-Bronn, MM. Chatillon, Moga et Menonville, Mme Jacquemet, MM. Louault et A. Marc, Mme Saint-Pé, M. S. Demilly, Mme Vermeillet, MM. Canévet et Henno, Mme Férat, MM. P. Martin et Belin, Mmes Garriaud-Maylam et Perrot et M. Hingray.

L’amendement n° 37 rectifié bis est présenté par Mme Berthet, M. Babary, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Bouloux et Burgoa, Mme de Cidrac, MM. Courtial et Darnaud, Mme Dumont, M. B. Fournier, Mme Gosselin, M. Gremillet, Mmes Jacques, Joseph et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, H. Leroy, Mouiller et Panunzi, Mme Puissat, M. Rapin, Mme Richer, MM. Sido, Somon et Tabarot, Mme Ventalon et M. C. Vial.

L’amendement n° 105 rectifié bis est présenté par MM. Genet, Rojouan, Mandelli, Longuet, E. Blanc, Brisson et Pellevat, Mme Goy-Chavent, M. Paccaud, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bascher, Sautarel et Charon et Mmes Chauvin, Borchio Fontimp et M. Mercier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …°Six représentants des chambres consulaires régionales.

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié bis.

M. Jean-François Longeot. Les conférences régionales de gouvernance auront notamment pour mission de rendre un avis sur l’inscription dans les Sraddet des projets prévus par les articles 4 et 5 de la présente proposition de la loi.

Parmi ces projets, nombreux sont ceux qui présentent un intérêt majeur pour les acteurs économiques des territoires, voire sont portés directement par ces acteurs. C’est le cas notamment des implantations d’unités industrielles valorisant l’utilisation d’une ressource naturelle renouvelable, concourant à la transition énergétique ou relevant de l’indépendance nationale, conformément aux critères prévus à l’article 4.

Dès lors, il est important que ces acteurs économiques puissent s’exprimer lors des discussions prévues par les conférences régionales de gouvernance.

Cet amendement tend donc à ouvrir ces conférences à six représentants des chambres consulaires régionales.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour présenter l’amendement n° 37 rectifié bis.

Mme Martine Berthet. Les acteurs économiques sont parties prenantes de l’aménagement de nos territoires. Il paraît donc normal qu’ils puissent être associés aux conférences régionales de gouvernance.

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour présenter l’amendement n° 105 rectifié bis.

M. Fabien Genet. Mes collègues viennent de défendre excellemment cet amendement.

Je souhaite toutefois insister sur le lien entre la politique ZAN et, en particulier, les politiques de développement économique. Par ailleurs, toutes activités confondues, la part du foncier économique dans les surfaces urbanisées est en baisse depuis ces dix dernières années. Cependant, depuis deux ou trois ans, nous observons une hausse de la demande foncière pour les activités industrielles et logistiques, sous l’effet du e-commerce et de la réindustrialisation, dont on peut espérer qu’elle s’amplifie.

Ces activités nécessitent des espaces de stockage importants pour entreposer des biens et des matériaux, ce qui nécessite en général beaucoup de foncier.

La concurrence entre les implantations d’activités et la production de logement ne peut, à l’heure du ZAN, que s’amplifier, ce qui suscite des craintes, dans les territoires, concernant les implantations économiques.

Ajoutez à une telle situation les évolutions fiscales, avec la suppression des impôts de production, ainsi que les évolutions sociétales, qui font que certaines activités industrielles sont désormais difficiles à implanter sur nos territoires. Il y a toujours des opposants qui préfèrent ne pas être confrontés à une implantation à leur porte !

Gardons à l’esprit que l’ensemble de ces politiques ne doivent pas dissuader les élus de renforcer les capacités d’accueil des activités économiques. C’est la raison pour laquelle la présence des chambres consulaires régionales au sein de la conférence régionale de gouvernance apparaît tout à fait opportune.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Il est proposé une conférence régionale du ZAN, c’est-à-dire une conférence décentralisée, destinée aux élus, je le répète. Nous cherchons des outils pour les élus locaux, afin d’appréhender la trajectoire du ZAN.

Faut-il ouvrir cette conférence non seulement à des associations, mais aussi à des représentants du monde HLM ou aux CCI ? Je n’ai absolument rien contre les CCI, je le précise. Quoi qu’il en soit, c’est une première question que nous devons trancher.

Les CCI sont-elles chargées des questions d’urbanisme ? Non ! Certes, elles s’occupent du développement économique…

Petit détail qui n’en est pas un, ces amendements prévoient la participation de six représentants des CCI, soit un nombre supérieur à celui des élus.

Je demande donc le retrait de ces amendements identiques. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable. (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement, qui se place sous l’angle de la confiance aux élus, est défavorable à ces trois amendements identiques.

Si nous devions intégrer les chambres consulaires, il faudrait également ouvrir la conférence, outre les CCI, aux chambres d’agriculture, ainsi qu’aux chambres de métiers et de l’artisanat, ce qui ferait surgir d’autres débats.

Pour le coup, il y aurait une vraie sagesse à se limiter à une représentation des élus territoriaux.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Je retire mon amendement après les explications de M. le ministre et de M. le rapporteur.

Mme Martine Berthet. Je retire également le mien, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 34 rectifié bis et 37 rectifié bis sont retirés.

La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.

M. Fabien Genet. J’entends avec beaucoup d’attention les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre. J’étais un peu plus optimiste lorsque le rapporteur avait dit qu’il trouvait tous nos amendements intéressants et légitimes…

Peut-être faudrait-il tout de même réfléchir à notre proposition de mettre autour de la table les différents acteurs, en particulier les représentants des CCI et des chambres d’agriculture. Vous avez d’ailleurs redit, monsieur le ministre, à quel point il serait intéressant d’avoir une réflexion au niveau régional en matière de pilotage.

En effet, cela a été rappelé, la justification du ZAN est la protection des terres agricoles. Il me semble donc que le dialogue qui pourrait s’engager entre tous les acteurs serait tout à fait intéressant.

Sans doute pourrions-nous conserver cette idée dans la suite de la discussion parlementaire. Pourquoi ne pas inviter ces acteurs à participer à cette conférence avec un avis consultatif ? Cela permettrait de trouver un compromis intéressant.

Je fais confiance au rapporteur pour porter cette idée un peu plus loin, et je retire donc cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 105 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 124 rectifié, présenté par Mmes Bonnefoy et Blatrix Contat, MM. Cozic, Devinaz, Tissot et Bourgi, Mmes Harribey et S. Robert, MM. Temal et Jomier, Mme Van Heghe et MM. Vaugrenard, Roger et Jeansannetas, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« …° Quatre représentants d’organismes compétents en gestion protection des espaces naturels sur le territoire concerné tels que les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux, les aires protégées au titre III du livre II du code de l’environnement, les agences régionales de la biodiversité, les membres du comité régional « trames verte et bleue » mentionné à l’article L. 371-3 du code de l’environnement ;

« …° Trois représentants d’associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement ;

« …° Un représentant de l’agence régionale de santé mentionnée à l’article L. 1431-1 du code de la santé publique

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement vise à élargir la conférence régionale à d’autres membres que ceux qui sont prévus au présent article.

Ainsi, je vous propose d’intégrer à cette conférence quatre représentants d’organismes compétents en matière de biodiversité, tels que les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux, trois représentants d’associations de protection de l’environnement – je pense en effet que la société civile doit avoir toute sa place dans cette conférence –, un représentant de l’ARS, car le sujet de la santé environnementale et la qualité de l’eau doivent être au cœur des préoccupations sur l’artificialisation.

En complétant la composition des membres de la conférence régionale par des personnes ayant des connaissances objectives et renseignées sur les questions écosystémiques, nous pouvons apporter une réelle plus-value aux futures délibérations de cette conférence. Les personnes qualifiées représenteraient un atout considérable pour éclairer les décisions des collectivités.

M. le président. L’amendement n° 144 rectifié, présenté par Mme Préville, MM. Pla, Devinaz, Bourgi et Tissot et Mme Poumirol, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« …° Un représentant d’organismes compétents en gestion et protection des espaces naturels sur le territoire concerné tels que les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux, les aires protégées au titre III du livre II du code de l’environnement, les Agences régionales de la biodiversité, les membres du comité régional de la biodiversité mentionné à l’article L. 371-3 du code de l’environnement ;

« …° Un représentant d’associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement que vient de présenter ma collègue.

La mise en place de ces conférences régionales de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation est bénéfique pour la mise en œuvre des ZAN dans les territoires. Mais il n’y a pas de représentants d’organismes ou d’associations compétents en gestion et protection des espaces naturels.

Si de tels représentants peuvent être consultés – et le seront-ils ? –, leur présence dans la gouvernance du ZAN serait tout à fait justifiée. L’intelligence collective est précieuse, et doit pouvoir se vivre, notamment au sein de telles instances.

En effet, le ZAN a pour vocation principale de préserver les espaces naturels et leur biodiversité. Il est donc essentiel que des personnes compétentes dans ce domaine puissent participer à ces conférences. On ne peut plus raisonner en silo ! Siéger ensemble avec des représentants compétents sur ces sujets d’environnement et de biodiversité me paraît être l’amorce d’un véritable changement. Chacun pourra se nourrir d’autres points de vue, dans une dynamique vertueuse.

Il s’agit de donner une autre dimension à cette gouvernance, qui doit faire des choix éclairés. En effet, le ZAN ne peut se limiter à des choix comptables ou à des questions de superficie. Il serait dommage de louper le coche d’une gestion différente et plus fine, qui tiendrait compte de la spécificité véritable de nos territoires, et notamment des terrains.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. La commission demande le retrait de ces deux amendements, pour les mêmes raisons. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

J’indique toutefois à nos collègues que rien n’empêchera la conférence des ZAN de consulter pour avis les organismes mentionnés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Ce n’est pas parce que quelqu’un est élu au suffrage universel local qu’il n’a pas de préoccupations environnementales. Les élus locaux représentent la diversité des sensibilités économiques et environnementales. L’affrontement de deux représentativités, celle des associations et celle des élus, viendrait considérablement compliquer la tâche de la région, qui devra s’appuyer sur cet échelon de concertation.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Je n’ai proposé que deux représentants, un représentant d’organismes compétents et un représentant d’associations, au sein de la conférence, qui comportera une dizaine de personnes élues. Il s’agit simplement d’apporter un éclairage complémentaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 124 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 144 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 113 rectifié, présenté par MM. Genet, Rojouan et Mandelli, Mmes Lassarade et Dumas, M. Longuet, Mme Schalck, MM. E. Blanc, Darnaud, Brisson, Pellevat et Chatillon, Mme Belrhiti, M. Burgoa, Mme Goy-Chavent, MM. Paccaud et Somon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Bascher, Sautarel et Charon, Mme Dumont, M. Sido, Mmes Borchio Fontimp et Chauvin, M. Gremillet et Mme M. Mercier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle assure, au niveau régional, le respect de l’objectif de recyclage des friches de 5 % par an jusqu’en 2050 inscrit au deuxième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à faciliter la mise en œuvre de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires.

La parole est à M. Fabien Genet.

M. Fabien Genet. Cet amendement vise à assurer le respect de l’objectif de recyclage des friches à l’échelle régionale, qui correspond à une échelle de territoire pertinente pour un tel objectif, et de rendre la conférence régionale de gouvernance compétente pour son application.

Après tout ce que nous venons de dire sur la composition et le rôle de ces conférences régionales, il semble légitime qu’elle puisse étudier la problématique des friches.

En effet, pour que le zéro artificialisation nette ne conduise pas à bloquer des projets, la seule possibilité, c’est d’utiliser des friches. Toutefois, en raison des problèmes de localisation, de pollution et dépollution, et de renaturation, le recyclage de la friche peut s’avérer moins simple qu’il n’y paraît.

Par conséquent, la conférence régionale de gouvernance, composée exclusivement d’élus, nous l’avons bien compris, et sensibilisée à ces sujets, pourrait, dans ses avis, inciter les régions et les acteurs locaux à financer le recyclage des friches.

C’est un sujet qui mérite certainement qu’on puisse s’y arrêter quelques instants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Notre collègue Fabien Genet soumet de nouveau à notre assemblée une idée intéressante.

Toutefois, il nous semble que la conférence régionale doit d’abord s’occuper de la trajectoire du ZAN. Peut-être le sujet des friches et de leur recyclage viendra ensuite.

En l’état, il ne convient pas d’élargir l’objet de cette instance consultative. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, fixer un objectif annuel en matière d’aménagement paraît compliqué, dans la mesure où une durée plus importante peut s’avérer nécessaire, en particulier pour ce qui concerne la dépollution des friches.

Ensuite, moins la région a de pouvoir prescriptif, plus il devient compliqué de lui demander de coordonner un objectif de réduction des friches.

Je dis donc, sans malice, qu’à partir du moment où vous avez voté la prise en compte plutôt que la compatibilité, on ne peut pas demander à la région d’avoir une trajectoire annuelle concernant les friches, bien que l’objectif soit tout à fait légitime. Sinon, on rend la région responsable d’une politique sur laquelle elle n’a plus la main, contrairement à ce que prévoyait le texte initial.

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.

M. Fabien Genet. Je remercie M. le rapporteur de sa première appréciation sur l’amendement. Je ne comprends pas tout à fait la logique selon laquelle la trajectoire du ZAN, qui signifie, je le répète, zéro artificialisation nette, soit un équilibre entre des espaces qui pourraient être consommés et d’autres qui seraient rendus aux activités agricoles ou à la nature, ne prendrait pas en considération les friches !

Ces dernières sont des éléments importants, si l’on se réfère aux surfaces qu’elles représentent au niveau national, dans la trajectoire du ZAN. Sinon, je n’ai rien compris à tout ce que nous disons.

Je dois l’avouer, pour une fois, les arguments de M. le ministre sont de nature à me convaincre. Effectivement, l’objectif annuel prévu par l’amendement semble difficile à réaliser.

Ainsi, par respect pour M. le rapporteur et parce que j’ai confiance dans son travail, mais aussi en vertu de l’argument avancé par M. le ministre, je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 113 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.

Mme Valérie Létard, présidente de la commission spéciale. Mes chers collègues, je tiens à vous alerter au sujet du rythme auquel nous examinons ce texte. En effet, nous avons examiné quarante-cinq amendements depuis le début de la séance, à seize heures trente. Il est vingt-trois heures vingt-deux minutes. Nous avançons donc au rythme de dix amendements à l’heure. Si nous conservions ce rythme, il nous faudrait dix-huit heures pour achever l’examen de ce texte, puisqu’il en reste 179.

Nous n’aurions pas assez d’aujourd’hui ni de jeudi pour venir à bout de l’ensemble des amendements déposés sur ce texte. Je vous encourage donc à réduire quelque peu vos temps de parole. Il ne s’agit pas de vous interdire de vous exprimer ! Il y a eu trente-cinq prises de parole sur l’article 1er. Il semble donc que chacun a eu largement l’occasion d’exprimer son point de vue, au-delà de la discussion générale.

Mme Françoise Gatel. Un peu plus, et nous battrons le record de la semaine dernière… (Sourires)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Sortez l’article 38 !

Chapitre II

Accompagner les projets structurants de demain

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Article 4 (interruption de la discussion)

Article 4

I. – Le III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifié :

1° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « 6° » ;

2° Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :

« 7° L’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, résultant de projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur nationale ou européenne et qui présentent un intérêt général majeur, n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article et intégrés aux documents de planification mentionnés au présent article.

« Sont considérés d’ampleur nationale ou européenne au titre du présent 7° les projets :

« a) À maîtrise d’ouvrage directe ou déléguée de l’État ;

« a bis) (nouveau) Relevant d’une concession de service public de l’État ;

« b) D’implantation d’unités industrielles valorisant l’utilisation d’une ressource naturelle renouvelable, concourant à la transition énergétique ou relevant de l’indépendance nationale ;

« c) D’agrandissement ou de création d’infrastructures ou d’équipements interrégionaux, nationaux ou européens.

« Les projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur identifiés font l’objet d’une inscription au schéma mentionné à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. Avant l’arrêt du projet de schéma, la conférence prévue au V du présent article, ainsi que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale sur le territoire desquels ces projets sont implantés, rendent dans un délai de deux mois un avis sur la liste préliminaire des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur qui leur est transmise par l’autorité compétente pour élaborer le schéma. Pour procéder à l’inscription des projets au schéma, il peut être recouru à la déclaration de projet mentionnée à l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme.

« Lors de la première modification du schéma précité à compter de la promulgation de la présente loi, sont inscrits au schéma précité les projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur dont la réalisation a débuté au cours des dix années précédant la promulgation de la présente loi, et ceux dont la réalisation débutera dans les dix années suivant ladite promulgation.

« L’artificialisation des sols résultant des projets mentionnés au premier alinéa du présent 7° fait l’objet d’une comptabilisation séparée et d’une trajectoire spécifique permettant d’atteindre l’objectif national prévu à l’article 191 de la présente loi par l’autorité compétente de l’État désignée par décret, en distinguant l’artificialisation évaluée pour la tranche de dix années précédant la promulgation de la présente loi et l’artificialisation évaluée pour chaque période de dix années ultérieure. Le Gouvernement remet au Parlement, tous les trois ans au moins, un rapport relatif à l’état d’avancement de ces mêmes projets, aux chiffres de l’artificialisation projetée et constatée en résultant, et qui présente les actions de réduction du rythme de l’artificialisation que l’État met en œuvre pour respecter la trajectoire susmentionnée. »

II (nouveau). – Le 6° de l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :

« 6° Des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur et des projets d’ampleur régionale, dans les conditions prévues au III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ; ».

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, sur l’article.

Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier Mme la présidente de la commission spéciale et M. le rapporteur de leur excellent travail, extrêmement précis concernant les modalités de mise en place de ces ZAN.

L’obtention d’un décompte spécifique pour les projets nationaux dans une enveloppe distincte de la trajectoire envisagée pour le bloc local, qui se traduit par un premier effort territorialisé de 50 % pour les dix prochaines années, avant le zéro artificialisation nette en 2050, m’apparaît constituer une avancée importante que je tiens à souligner.

De même, il est tout à fait pertinent d’appliquer la trajectoire ZAN à ces projets d’intérêt national, comme aux autres projets de l’enveloppe régionale ou du bloc local. Ainsi, collectivités et État sont logés à la même enseigne.

Pour autant, si la solidarité s’exprime entre les territoires avec cette enveloppe et conduit à ce que certains projets, consommateurs d’espaces et pour autant indispensables, restent réalisables, il importe néanmoins d’être vigilants sur le contenu des projets pouvant entrer dans le cadre de l’enveloppe de ces projets nationaux et de l’encadrer, par exemple par décret. En effet, l’objectif étant national, le compte foncier à répartir entre les régions françaises sera bien celui qui sera déduit de cette enveloppe. Cela est vrai, par ricochet, pour l’enveloppe locale.

Aussi, par période, il se pourrait que certains territoires ou régions puissent être pénalisés parce que l’État aura concentré sur une période donnée des priorités dans un endroit pour lequel l’enveloppe nationale aura été consommée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 181, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifié :

1° Le 3° du III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce plafond est modulé par un coefficient de péréquation pour tenir compte des projets mutualisés au niveau national en application du III bis du présent article. » ;

2° Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis. 1° Pour la première tranche de dix années mentionnée au III du présent article, la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers induite par les projets d’envergure nationale ou européenne qui présentent un intérêt général majeur et implantés dans les régions couvertes par un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires est mutualisée au niveau national.

« Pour respecter l’objectif fixé à l’article 191 de la présente loi, un coefficient de péréquation est appliqué au plafond régional de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers mentionné au 3° du III du présent article.

« La consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers emportée par des projets listés et mutualisés en application du présent III bis n’est pas comptabilisée pour la détermination et l’évaluation de l’atteinte des objectifs chiffrés fixés par le schéma mentionné à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. Cette consommation est évaluée et renseignée dans le cadre du rapport prévu à l’article 207 de la présente loi. »

« 2° Peuvent être considérés comme des projets d’envergure nationale ou européenne :

« a) les travaux ou opérations qui sont ou peuvent être, en raison de leur nature ou de leur importance, déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’État ou par arrêté ministériel en application de l’article L. 121-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Pour les infrastructures fluviales, sont concernés ces travaux ou opérations qui sont réalisés sur le domaine public de l’État ou de ses opérateurs ;

« b) les travaux ou opérations de construction de ligne ferroviaire à grande vitesse et leurs débranchements ;

« c) les actions ou opérations d’aménagement réalisées par un grand port maritime ou fluviomaritime de l’État mentionné à l’article L. 5312-1 du code des transports, ou pour leur compte, dans le cadre de ses missions prévues à l’article L. 5312-2 du même code et qui sont conformes aux orientations prévues dans son projet stratégique pour sa circonscription, ainsi que celles réalisées par le port autonome de Strasbourg ;

« d) les opérations intéressant la défense ou de la sécurité nationales ;

« e) la réalisation d’opérations de construction ou de réhabilitation d’un établissement pénitentiaire par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice ;

« f) les actions ou opérations d’aménagement de l’État ou de l’un de ses établissements publics réalisées pour leur compte, le cas échéant par un concessionnaire, dans le périmètre d’une opération d’intérêt national mentionnée à l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme ;

« 3° Un arrêté du ministre en charge de l’urbanisme liste les projets qui font l’objet d’une mutualisation au niveau national au sens du 1° du présent III bis. Il comprend une estimation de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers qu’ils induisent et fixe en conséquence le coefficient de péréquation prévu mentionné au 3° du III du présent article.

« Le projet d’arrêté est établi dans le cadre de l’évolution du schéma régional prévue au 1° du IV. Il est transmis pour avis aux présidents des conseils régionaux concernés par cette évolution, qui consultent la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols prévue au V.

« Il est également transmis, dès lors que le périmètre d’un projet figurant sur la liste se situe en tout ou partie sur leur territoire :

« a) Aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière de plan local d’urbanisme mentionnés au premier alinéa de l’article L. 153-8 du code de l’urbanisme ;

« b) Aux maires ;

« c) Aux présidents des établissements publics mentionnés à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme.

« Ces avis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été rendus dans un délai de deux mois.

« Le projet d’arrêté est mis à disposition du public par voie électronique selon les modalités prévues à l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.

« L’arrêté peut être modifié dans les mêmes formes, notamment si un nouveau projet d’envergure nationale ou européenne qui présente un intérêt général majeur est identifié après la dernière modification ou révision du schéma mentionné à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. »

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Sortir les grands projets d’envergure nationale des trajectoires régionales, c’est l’engagement qu’Élisabeth Borne a pris devant l’AMF, à la fin du congrès des maires.

Le sujet, qui rejoint la préoccupation du Sénat, y compris avant cette officialisation par la Première ministre que nous y étions prêts, se heurte maintenant à la délimitation du champ. Je dois le dire, la discussion qui nous attend, malgré les consignes de Valérie Létard, promet sans doute des échanges nourris, puisque, entre les bâtiments agricoles, les projets participant à la transition écologique, les projets liés à l’eau, les projets liés aux déchets, les projets d’économie circulaire, les projets en lien avec la protection des populations et des risques, tous les bâtiments publics d’intérêt collectif, les routes départementales, les projets portés par les EPIC, les logements rendus nécessaires par les grands projets industriels, les projets de la circonscription portuaire du Havre, les projets inscrits dans la circonscription administrative de tous les ports, les opérations de revitalisation, les quartiers de gare, les quartiers autour des stations de transports publics et les exutoires de déchets du Grand Paris Express – cette énumération récapitule la quasi-totalité des amendements que vous avez déposés, dont les dispositions s’ajoutent à celles qui figurent d’ores et déjà dans l’article –, nous serons capables d’artificialiser davantage dans les années qui viennent que ce qu’on a fait par le passé.

La proposition du Gouvernement est triple. D’abord, elle consiste à assumer la sortie des grands projets d’envergure nationale, en listant les grandes catégories et en prévoyant un mécanisme d’association.

Ensuite, la réindustrialisation ne peut pas être un sujet qu’on met sous le tapis. Elle est nécessaire pour des questions de transition écologique et de souveraineté. Mais je ne vois pas comment on pourrait – votre assemblée a produit un travail de qualité sur ce point – exclure les gigafactories de la trajectoire du ZAN. Par cet amendement, précisément, je vous propose de définir les grands projets d’envergure nationale à caractère économique dans le cadre du projet de loi Industrie verte. Ainsi, les commissions des affaires économiques des deux chambres, qui ont déjà commencé à travailler avec Bruno Le Maire, auront le temps de réfléchir à ces questions.

Nous ne bottons pas en touche ; simplement, nous définissons une procédure pour intégrer ces grands projets d’envergure nationale. Sinon, la porte de l’économique sera relativement large.

Enfin, une fois que ces grands projets auront été listés et auront trouvé une place dans le projet de loi Industrie verte, nous devrons répondre à la question suivante : quel sera le « compté à part » pour ces projets ?

La position du Gouvernement est la suivante : ces projets seront recensés au sein d’une enveloppe nationale, mais ne disparaîtront pas de la trajectoire d’artificialisation, puisque des hectares seront bel et bien artificialisés. Nous assumons donc une péréquation par région.

En l’état actuel du droit, ce qui n’est pas supportable, c’est que des territoires seraient privés d’une très grande part de leur capacité à agir à cause du poids des infrastructures nationales. C’est particulièrement vrai pour les Hauts-de-France, région la plus touchée. Il y aurait ainsi une sorte de double peine pour des territoires qui ont attendu pendant longtemps des infrastructures de désenclavement : non seulement ils n’auront pas bénéficié par le passé de ces infrastructures – je pense à l’Occitanie –, mais aussi ils devraient faire moins tout en intégrant ces infrastructures, alors que ceux qui ont déjà bénéficié d’infrastructures auraient droit, dans la trajectoire, à la moitié de celles-ci sans avoir besoin de les reconstruire.

C’est la raison pour laquelle le « compté à part » ne disparaîtrait pas de l’artificialisation. En effet, à la fin, tous les projets participent bien au recul des terres agricoles et des espaces naturels dont nous avons besoin pour préserver la biodiversité.

Voilà l’amendement en trois points : un compté à part, qui ne fait pas disparaître l’artificialisation, une liste des grands projets d’envergure nationale, ce qui permet une discussion, et une procédure spécifique pour la partie industrielle, avec les commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.

M. le président. L’amendement n° 109 rectifié bis, présenté par MM. Genet, Rojouan et Mandelli, Mmes Lassarade et Dumas, M. Longuet, Mme Schalck, MM. E. Blanc, Darnaud, Brisson et Chatillon, Mme Belrhiti, M. Burgoa, Mme Goy-Chavent, MM. Paccaud et Somon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Bascher, Sautarel et Charon, Mmes Dumont et Chauvin, M. Sido, Mme Borchio Fontimp, M. Gremillet et Mmes M. Mercier et Joseph, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifié :

1° Au début du dernier alinéa du III, est ajoutée la mention : « 6° » ;

2° Le III est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° L’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant de projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur nationale ou européenne ou qui présentent un intérêt écologique n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article et intégrés aux documents de planification mentionnés au présent article.

« Sont considérés d’ampleur nationale ou européenne ou d’intérêt écologique au titre du présent 7° les projets :

« a) À maîtrise d’ouvrage directe ou déléguée de l’État ;

« b) Ou d’implantation d’unités industrielles valorisant l’utilisation d’une ressource naturelle renouvelable, concourant à la transition énergétique ou relevant de l’indépendance nationale ;

« c) Ou d’agrandissement ou de création d’infrastructures ou d’équipements interrégionaux, nationaux ou européens ;

« d) Ou d’infrastructures concourant à la gestion de l’eau, à la décarbonation ou à la protection des territoires face aux changements climatiques ;

« e) Ou d’infrastructures permettant la gestion et le stockage des déchets.

« Après avis de la conférence prévue au V du présent article et des communes et des établissements publics de coopération intercommunale sur le territoire desquels ces projets sont implantés, ces projets font l’objet d’une inscription au schéma mentionné à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. Pour procéder à cette inscription, il peut être recouru à la déclaration de projet mentionnée à l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme.

« L’artificialisation des sols résultant des projets mentionnés aux a et c du présent 7° fait l’objet d’une comptabilisation séparée par l’autorité compétente de l’État désignée par décret. Les projets mentionnés aux b, d et e du présent 7° ne sont pas comptabilisés pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation. Le Gouvernement remet au Parlement, tous les trois ans au moins, un rapport relatif à l’artificialisation résultant des projets visés au a et c du présent 7°, qui présente les chiffres de l’artificialisation constatée ainsi que projetée et qui formule des propositions de réduction du rythme de cette artificialisation ; ».

La parole est à M. Fabien Genet.

M. Fabien Genet. J’entends bien la proposition de M. le ministre pour le compté à part.

Il est proposé, au travers de cet amendement, d’ajouter à la liste des projets non comptabilisés les projets qui représentent un intérêt écologique – vous connaissez la fibre écologique du Sénat. Je pense en particulier à l’ensemble des projets d’infrastructures qui concourent à la transition écologique.

La mise en œuvre du zéro artificialisation nette dans les territoires ne doit pas entrer en opposition avec d’autres objectifs visés en matière de transition écologique, en particulier la décarbonation des activités humaines, l’efficacité énergétique, l’économie de ressource ou l’adaptation des territoires au changement climatique.

Par ailleurs, dans d’autres domaines comme la gestion et le stockage des déchets, les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés impliquent la multiplication de plateformes de recyclage, par exemple, qui peuvent nécessiter du foncier.

C’est la raison pour laquelle le présent amendement vise à exclure les projets d’infrastructure qui participent à la transition écologique et énergétique de toute comptabilité afin d’encourager leur réalisation rapide et de concilier ainsi l’ensemble des efforts qui doivent être menés simultanément en matière de transition écologique.

Il s’agit certes d’un amendement ambitieux, mais il méritait d’être porté au débat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. L’origine de ce problème est un autre point saillant de notre discussion. Après le sort du Sraddet, la gouvernance est bien entendu importante, mais la question des grands projets est plus que fondamentale.

Le fait que les décrets reviennent sur la loi a dès le départ participé à un certain malaise. Par ailleurs, l’impression que l’État définissait seul les grands projets – c’était à tout le moins notre ressenti – n’a pas aidé. Nous avons également eu le sentiment que l’État s’exonérait lui-même des règles qu’il imposait aux collectivités locales et ne s’astreignait pas aux mêmes obligations de sobriété foncière dans le cadre de cette trajectoire. Enfin, les quelques réponses que nous avons obtenues, çà et là, ressemblaient à des arguties juridiques ou donnaient l’image d’un État cherchant à devenir une fiction juridique. On le mesure bien, par exemple, monsieur le ministre, lorsque vous nous répondez que les hectares ne disparaissent pas…

Au moins deux problèmes sont devant nous : définir les grands projets – je vous remercie d’avoir précisé qu’un futur projet de loi nous aiderait en ce sens – et le compté à part. Le Sénat souhaite, comme le montrent les travaux de notre commission spéciale, que la conférence régionale donne des avis sur les grands projets et propose des critères simples pour leur définition.

Nous souhaitons également instaurer un compté à part, c’est-à-dire la création d’un compte national, afin que l’État s’applique à lui-même ce qu’il impose aux autres et participe à l’effort national de réduction de l’artificialisation des sols.

C’est dans ce sens que la commission a travaillé à ce stade. Bien entendu, des marges de progrès sont possibles pour tout le monde. En tout état de cause, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 109 rectifié bis ?

M. Christophe Béchu, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. J’ai bien pris note de la démarche que vous nous proposez, monsieur le ministre, mais j’y vois plusieurs écueils.

Lorsque le Sénat a examiné le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, on nous a renvoyés au présent texte sur le ZAN à propos d’un certain nombre de points.

Alors que ce même projet de loi est examiné actuellement à l’Assemblée nationale, on répond à nos collègues députés : le Sénat est en train d’examiner le texte sur le ZAN, attendez votre tour !

Or voilà qu’à présent vous nous annoncez un texte sur l’industrie verte, qui prendra en compte d’autres problématiques… Il me paraît quelque peu compliqué de ne pas examiner les projets dans leur globalité !

Mme Sophie Primas. Très bien !

Mme Céline Brulin. Sans provocation inutile, c’est un peu comme promettre une loi Travail après une loi Retraite, en nous annonçant que le meilleur reste à venir… (Mme Sophie Primas le conteste en souriant.)

Au-delà des suspicions ou des doutes que nous pouvons émettre les uns et les autres, il me semble que cette logique n’est pas adaptée.

Dans mon département, par exemple, il est question – c’est du moins ce que je souhaite, à titre personnel – d’accueillir deux réacteurs EPR. Leur construction n’aura pas d’incidence sur le ZAN puisqu’ils seront comptabilisés dans les grands projets que vous venez d’évoquer, mais quid des 7 000 à 8 000 salariés qu’il faudra accueillir, des logements qui devront être construits à cet effet, des locaux pour les formations, etc. ? Tout cela a pourtant aussi un impact sur le ZAN.

Pour l’instant, les projets ne sont pas pris en considération dans leur globalité. Certes, le Gouvernement tient compte de l’emprise foncière des deux réacteurs, par exemple, mais pas de la totalité des infrastructures que le territoire devra mettre en place. C’est regrettable, notre réflexion mérite davantage de cohérence. (Mme Sophie Primas et M. Philippe Folliot applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. Cet article et l’amendement rédactionnel du Gouvernement portent sur l’un des points majeurs de cette proposition de loi.

Je partage la logique de mutualisation. Il faut bien sûr faire remonter les projets nationaux – je ne parle pas de la manière dont ils seront définis. Mais comment ensuite les faire redescendre ?

Certes, les territoires portant des projets d’intérêt national ne doivent pas être pénalisés en voyant leur quota d’artificialisation totalement consommé par ceux-ci. Mais ils ont aussi la chance, en accueillant ces grands projets, de pouvoir bénéficier d’un certain développement économique – créations d’emplois et d’activité, etc. –, contrairement aux autres territoires de la région, qui seraient néanmoins contributeurs au prorata si l’on devait faire redescendre une partie de ces projets nationaux vers l’enveloppe des collectivités concernées.

Voilà pourquoi je souscris plutôt à la proposition de la commission spéciale. Mieux vaudrait instaurer un compté à part pour ces projets nationaux, lesquels ne doivent certes pas peser sur les seules régions concernées, mais ne doivent pas non plus être imputés sur les quotas ou les capacités des territoires n’ayant pas la chance de les accueillir.

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Vous avez cité Les Hauts-de-France. Je suis sénateur de la Somme, je peux mentionner plusieurs grands projets comme le canal Seine-Nord Europe – 2 200 hectares –, le port de Dunkerque – 3 000 hectares –, les parkings du Brexit – 100 hectares –, le réaménagement en deux fois deux voies de la RN2 entre Laon et Avesnes-sur-Helpe – 100 hectares…

Si l’on compare tous ces projets à la consommation des dix dernières années et que l’on fait le prorata pour le grand Amiénois, très attractif en cette période, il nous reste 15 hectares à consommer par an, sachant qu’Amiens a déjà besoin pour l’année 2023 de 50 hectares pour une entreprise de panneaux photovoltaïques et de 20 à 30 hectares pour une usine très novatrice de pile à sodium, Tiamat. Voilà une illustration pathognomonique de la difficulté que rencontreront demain les territoires. Si l’on n’exclut pas de l’enveloppe un certain nombre de projets européens, mais aussi régionaux, comment allons-nous faire ?

Mme Brulin a évoqué les centrales nucléaires. Nous l’avons souligné lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires : l’implantation de nouveaux sites consommera du foncier.

Faire de la mutualisation, cela revient à demander à toutes les régions de participer en fournissant une part de leur foncier disponible. Quelles en seront les retombées, sachant que ces régions verront alors leurs recettes baisser ? Il s’agissait en effet de foncier disponible, qui ne leur rapportera pas d’impôts, contrairement aux régions qui accueilleront sur leur territoire les centrales nucléaires et qui percevront, elles, des recettes extrêmement importantes.

J’ai cité l’exemple de la centrale de Paluel : la commune perçoit des revenus de l’ordre de 7 000 euros par habitant, contre 500 euros pour les communes de strate identique. Mutualiser un foncier sur lequel on perd des recettes posera d’énormes problèmes aux territoires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le ministre, comme l’ont souligné mes deux précédents collègues, il risque également d’y avoir un conflit d’intérêts économiques et financiers. Des secteurs seront retenus pour des raisons stratégiques, voire politiques, pour des projets d’intérêt national. Et le Gouvernement se tournera ensuite vers les collectivités locales – régions, départements, EPCI – en leur disant : nous les avons retenus au niveau national, à vous maintenant de les cofinancer !

La fameuse conférence régionale du ZAN aura-t-elle son mot à dire sur les projets d’intérêt national ?

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il s’agit d’un débat important, même si j’ai bien entendu l’alerte lancée par Mme Létard.

L’amendement n° 181 a le mérite d’éclaircir la position du Gouvernement. Nous avons besoin d’instaurer un dialogue avec les régions à l’échelle nationale. Ce n’est pas contradictoire avec ce qui a été proposé. Il importe que les régions soient consultées au niveau national sur les projets comptabilisés dans l’enveloppe nationale, car le décompte sera ensuite réimputé aux différentes régions.

C’est un point sur lequel nous sommes tout à fait d’accord avec M. le ministre : sans réimputation, chacun essaiera de tout inscrire dans le compte national. Avouons-le, on trouvera toujours une part d’impact national à tel ou tel projet et on n’en sortira pas. À partir du moment où il y a une imputation sur les régions, où il y a un dialogue – il faudra probablement inventer une instance à cette fin –, les régions elles-mêmes mettront le holà si elles constatent que trop de projets sont inscrits sur le compte national. Voilà comment s’opérera l’équilibre. Il y aura peut-être un moment de tâtonnements et de tension, mais ça devrait fonctionner.

Quant à ce qui a été dit à l’instant par ma collègue communiste, à en croire les scientifiques, entre l’eau des rivières qui sera trop chaude et les zones à risque de submersion marine, il ne restera plus beaucoup de sites pour implanter des centrales nucléaires. Nous savons de source sûre que l’on réfléchit actuellement à un projet de localisation unique sur un seul site de tous les réacteurs EPR, un peu comme des Lego, avec des réacteurs empilés les uns sur les autres. L’emprise au sol sera donc au final négligeable… (Sourires sur les travées du GEST. – Marques de perplexité sur les autres travées.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Je souhaite rebondir sur les dernières phrases de notre collègue Laurent Somon. Nous avons déposé un amendement pour demander un simple rapport sur la question de la fiscalité locale qui a été déclaré irrecevable. Pourtant, nul doute – on le verra à travers d’autres débats sur ce texte – qu’il existe réellement un lien entre la fiscalité locale et l’enjeu du ZAN, et ce à plusieurs niveaux.

Comme il n’y a plus de taxe d’habitation, ce débat-là est réglé, mais il reste encore la taxe foncière. Si l’on pousse la démarche jusqu’au bout et que l’on arrête de construire, un certain nombre de communes n’accueilleront plus de nouveaux habitants. Or l’apport de la dotation globale de fonctionnement (DGF) est essentiel aujourd’hui, car il a une incidence sur la capacité des communes à investir. De nombreux collègues élus paniquent au moment du recensement et demandent même parfois à l’Insee de revoir ses calculs !

Notre fiscalité locale est héritée des années sans ZAN. Si on ne la repense pas dans un sens plus large, le ZAN ne fonctionnera pas. Monsieur le ministre, au-delà des grands projets, comment anticipez-vous les problèmes liés à la fiscalité locale ? Allez-vous nous renvoyer une fois de plus à une prochaine loi ? Volontiers, mais cela risque de faire beaucoup…

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. Nous touchons véritablement au cœur de la question qui nous occupe aujourd’hui.

Lors de nos différentes auditions, les responsables régionaux nous ont montré, une fois sorti l’ensemble des projets sur leur territoire, que l’espace disponible se réduisait comme peau de chagrin. Si l’on ne retire pas du quota les zones prises par les projets d’envergure nationale, voire les gros projets régionaux, il ne restera aux communes que très peu de surface à urbaniser, qu’il s’agisse des métropoles ou des communes rurales. À défaut de parvenir à résoudre ce problème, les collectivités ne disposeront pratiquement plus d’aucune surface.

En dehors du problème financier, se pose donc également cruellement la question des surfaces elles-mêmes. Nous devons connaître votre position, monsieur le ministre. Sans assurance de votre part, la partie semble terminée pour l’ensemble des collectivités.

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.

M. Christian Redon-Sarrazy. Nous sommes tous d’accord sur le compté à part des grands projets. C’est une évidence, nous serons obligés d’en passer par là.

En revanche, permettez-moi de m’interroger sur la manière dont sera réalisée la réimputation. Certaines régions ont des projets en nombre – Laurent Somon a cité l’exemple des Hauts-de-France –, mais d’autres n’en ont quasiment pas. Comment réimputer ces comptés à part entre ceux qui ont déjà presque tout eu – et qui en plus ont acquis des droits puisqu’ils ont consommé sur la période passée – et ceux qui n’ont pas grand-chose en termes d’équipements, de désenclavement ou autres ? J’en sais quelque chose, car cela fait longtemps que nous attendons un désenclavement ferroviaire ou routier en Haute-Vienne.

Si certaines régions sont doublement pénalisées, il sera très compliqué de discuter des critères de réimputation. Permettez-moi d’avoir de sérieuses réserves sur l’équité territoriale qui pourrait en résulter.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Mes propos s’inscrivent dans la continuité de ceux de mon collègue Christian Redon-Sarrazy.

Les travaux et opérations de construction de lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV) sont considérés comme des projets d’envergure nationale. Le nord du Lot fait partie des oubliés du ferroviaire. La ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) est déclassée à partir de Brive, avec moins de trains et de dessertes entre Brive et Cahors. Nous sommes très loin de Montauban, qui sera la future gare d’accès à la ligne à grande vitesse.

Concrètement, votre proposition de décliner territorialement les objectifs affectera les petits territoires comme le mien, mais sans les faire bénéficier de l’équité territoriale. Nous n’irons jamais à Montauban prendre la LGV ; nous sommes obligés d’aller à Brive, malgré le peu de dessertes. Or les temps de transport de la ligne Polt ne sont pas du tout les mêmes que ceux dont nous bénéficiions voilà quelques années.

Comme l’a souligné Christian Redon-Sarrazy, c’est la double peine : nous n’avons pas les services, mais nous serons impactés. Le lot est un territoire très rural, qui compte 174 000 habitants et dispose d’une offre très faible en termes de mobilité.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. L’équité dans le traitement des territoires est une question sensible, que nous retrouverons sans doute tout au long de l’examen de ce texte.

Nous devons en effet être très attentifs à ne pas pénaliser doublement les départements qui ne bénéficient pas des infrastructures et qui n’ont ni les emplois ni les richesses qui les accompagnent. Pourquoi leur droit à construire devrait-il être réduit pour des infrastructures réalisées ailleurs ? Veillons à appliquer un traitement équilibré à tous les territoires et à ne jamais instaurer de double peine.

Si nous sommes favorables à une enveloppe nationale, ce n’est sans doute pas une bonne idée d’intégrer celle-ci dans l’ensemble des territoires de France.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je prendrai un exemple très concret. Le Gouvernement a présenté un texte sur la relance du nucléaire, que nous avons voté : cela fait longtemps que le Sénat considère comme absolument essentiel d’avoir un plan ambitieux de production énergétique décarbonée à l’horizon 2050, dont fait partie le nucléaire.

Le Sénat, qui a examiné ce texte en première lecture avant l’Assemblée nationale, actuellement en train d’en débattre, a voté l’exclusion de l’ensemble des centrales du ZAN, considérant qu’il s’agissait d’un enjeu national. L’ambition n’est effectivement pas propre aux territoires : il s’agit d’une alimentation d’envergure nationale.

Or, monsieur le ministre, les choses sont en train de bouger à l’échelle européenne : la Commission vient d’exclure le nucléaire – on nous refait le coup de la taxonomie que nous avons dû combattre – de la liste des énergies à zéro émission nette. La France est une fois de plus interpellée sur ses choix stratégiques. Comment tout cela sera-t-il pris en compte sur nos territoires par rapport à l’enjeu énergétique et à l’implantation des sites des futures centrales ?

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.

M. Christian Bilhac. Il importe effectivement de mutualiser les grands projets d’intérêt national. Mais comment les définir ?

Monsieur le ministre, vous y incluez les établissements pénitentiaires. Je ne résiste pas, dans cet hémicycle où Victor Hugo a siégé, à la tentation de rappeler que, quand on ouvre une école, on ferme une prison… Or les écoles ne sont pas prises en compte. Que je sache, il s’agit pourtant bien de l’éducation « nationale ». Quand on ouvre une école, un collège ou un lycée, c’est bien un projet d’intérêt national !

Je rappelle également que les gendarmes vivent dans des conditions souvent dramatiques, dans des logements insalubres. Il s’agit aussi pourtant de la gendarmerie « nationale ». Si l’on ouvre une caserne de gendarmes dans un chef-lieu de canton, c’est un projet national qui doit être mutualisé.

Selon moi, à chaque fois que l’on agit en faveur de l’intérêt public, il s’agit d’un projet d’intérêt national. En tant que tel, il doit être décompté de l’enveloppe. À défaut, les territoires ne pourront plus rien construire une fois qu’ils auront bâti un collège pour l’éducation nationale, car il ne leur restera plus un seul mètre carré disponible. Nous le voyons, il s’agit d’un sujet très complexe.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le problème tient au fait que nous n’avons aucune estimation planifiée des projets nationaux et de la réindustrialisation du pays.

Nous n’allons tout de même pas réindustrialiser seulement au travers de grandes gigafactories ; nous allons aussi essayer de développer des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Or la plupart de ces ETI ne s’installeront pas dans les centres-villes ou les zones hyper urbanisées.

Ici ou là, on trouvera des friches, mais si l’on veut réindustrialiser le pays, nous devons au moins avoir une estimation des conséquences de cette politique sur l’artificialisation des sols. Avec ces ambitions, nous sommes en train de vouloir faire entrer trois litres dans une bouteille d’un litre !

Je suis évidemment favorable au ZAN, mais avec un principe de lucidité et de vérité. Quelle est l’estimation réelle de nos besoins pour réindustrialiser le pays et réaliser les grands projets dans les dix ans à venir ? Je laisse bien évidemment de côté la question de savoir si tous ces grands projets sont indispensables, car c’est encore autre chose… Que restera-t-il ensuite pour l’aménagement « micro local », régional ou local ? Au lieu d’éclaircir ces points, on fait comme si la loi, une fois promulguée, suffira à elle seule à régler tous ces problèmes.

Je vous le dis tout net, il n’y aura que deux solutions : soit on refusera l’implantation d’activités économiques d’avenir, soit on dérogera au ZAN. J’ai l’intime conviction qu’en dépit du travail de qualité réalisé par notre commission, qui limite la casse, on y va à l’aveugle : ce n’est pas sérieux ! La plupart des autres pays ne se fixent pas des contraintes aussi bornées sans avoir étudié au préalable l’ampleur des mutations pour les dix années à venir ! (Mme Viviane Artigalas applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.

Mme Frédérique Espagnac. Pour rebondir sur les propos de Marie-Noëlle Lienemann, voilà du travail pour le Haut-Commissaire au plan ! (Sourires.)

Mme Frédérique Espagnac. La sénatrice des Pyrénées-Atlantiques que je suis est ravie d’avoir trouvé une nouvelle mission à M. Bayrou !

Ma collègue Angèle Préville a parlé de double peine, mais il s’agit en réalité d’une triple peine : toutes les communes paieront en plus l’impôt LGV que nous avons voté voilà quelques semaines. Elles seront impactées par le ZAN au niveau de l’emprise au sol, les ressources de la commune seront affaiblies pour payer la LGV et, de surcroît, elles ne bénéficieront pas des services de transport !

Il faut donc faire très attention aux conséquences générales du dispositif sur les communes – on le sous-estime peut-être…

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. De quoi parlons-nous ? La somme des grands projets d’envergure nationale qui font partie de la liste potentielle qui vous est soumise équivaut à 10 % de l’enveloppe nationale si tous les projets – il s’agit d’un biais optimiste – sont réalisés en 2031 – Canal Seine-Nord Europe, LGV, etc.

Autrement dit, en matière de péréquation, les Hauts-de-France ayant aujourd’hui 60 % de grands projets d’envergure nationale dans leur enveloppe globale, il faudrait abaisser de 10 % l’enveloppe de chaque région pour tenir compte du partage de tous les grands projets d’envergure nationale.

Ensuite, je me permets de dire à la sénatrice Préville, mais aussi à une partie d’entre vous, de prendre garde à ne pas couper les cheveux en quatre.

Dès lors que vous fixez une maille régionale et que des projets ne concernent pas exactement chaque commune de chaque département, il y a, par définition, un partage de l’enveloppe foncière. Dans le cas contraire, ce serait comme si, demain, un citoyen n’acceptait pas qu’une intercommunalité finance une ligne de transports en commun sous prétexte qu’elle ne s’arrête pas dans sa rue.

Mme Sophie Primas. Ce n’est pas la même chose !

M. Christophe Béchu, ministre. Jusqu’à quelle maille pouvons-nous considérer que tel ou tel projet concerne les uns et les autres ?

Le sujet n’est pas tant l’infrastructure que l’usage qui en est fait. Est-ce la voie ferrée qui participe de la décarbonation ou le fait d’y faire circuler des trains, et à quelle fréquence ? Vous le voyez, il faudrait « coefficienter » une partie du dispositif en fonction de la réalité du service.

Plus nous augmentons le degré de complexité, plus le risque est grand que nous trouvions in fine des raisons de ne rien faire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tout ce dont nous discutons dans cet article est du ressort non du décret, mais de la loi. Si nous en restons là sur la loi Climat et résilience, tout ce que vous décrivez comme étant problématique s’appliquera. Tout ce qui est proposé, tant par la commission que par le Gouvernement, vise à corriger une loi qui n’a pas intégré cette dimension.

Il y a des choses qui sont extrêmement simples. Une centrale nucléaire, une prison, c’est simple. À partir du moment où il y a une déclaration d’utilité publique nationale, on entre dans la catégorie des grands projets d’envergure nationale.

En revanche, c’est plus complexe avec les projets industriels, qui peuvent avoir un intérêt national, mais dont la porte d’entrée ne peut être la même, parce qu’ils sont portés par le privé. Aussi, le projet de loi Industrie verte va permettre de lister ces cas. Ce travail doit se faire avec le ministère de l’économie et avec les commissions parlementaires concernées.

Une fois que nous avons dit cela, je pense sincèrement que les enveloppes foncières dont nous disposons et les friches qui existent dans notre pays rendent nos ambitions totalement crédibles pour les dix ans qui viennent.

L’argument selon lequel les autres pays fonceraient tête baissée n’est pas exact. L’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, la Suisse, tous ceux qui sont sur du « zéro artificialisation nette », ont des dates comparables aux nôtres.

Par ailleurs, nous avons encore des marges. Je rappelle que la moitié de la consommation foncière a été utilisée pour accueillir des lotissements de moins de huit logements à l’hectare. Nous ne sommes donc pas dans une situation où il n’y a plus un mètre carré disponible à cause d’une densité généralisée. Dans le schéma tel que vous le proposez, avec les allers-retours qui sont imaginés, il y a des moyens d’avancer.

J’assume la nécessité d’une réindustrialisation avec un dispositif ad hoc et de l’établissement d’une liste de grands projets d’envergure nationale, avec consultation des élus locaux, dont les avis doivent être pris en compte.

Enfin, en vous entendant ce soir, je suis plein d’optimisme : non pas sur l’issue du débat législatif, puisque nous trouverons forcément un chemin, mais parce que je ne vois que des élus qui veulent réindustrialiser, lotir, accueillir des projets et des habitants.

M. Christophe Béchu, ministre. Pourtant, en parallèle, on observe un recul des signatures de permis de construire comme on en a rarement connu. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Or cette tendance n’est pas due qu’à la montée des taux d’intérêt, d’un côté, et des prix de l’immobilier, de l’autre.

M. Jérôme Bascher. Il n’y a plus d’impôts locaux !

Mme Sophie Primas. Les collectivités n’ont plus de ressources !

M. Christophe Béchu, ministre. Dans nos communes, beaucoup d’habitants ne veulent plus de voisins. Il est de plus en plus difficile de faire accepter et de valider un projet d’urbanisme, voire un simple permis de construire dans une rue. Allez mesurer la manière dont les riverains accueillent des projets de réindustrialisation, avec les inquiétudes sur les nuisances économiques y afférentes. Entendez la réaction d’une partie de nos collègues élus locaux, qui ne se pressent pas pour favoriser les projets de promoteurs…

Mme Sophie Primas. Il faut des écoles, des garderies, des Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) !

M. Christophe Béchu, ministre. Avec les droits de mutation à titre onéreux et la part de taxe foncière, on ne peut pas dire que les collectivités n’ont plus de ressources fiscales suffisamment dynamiques.

Vous ne pouvez réduire le rôle d’un élu à la recherche de solutions pour augmenter les recettes de sa commune. Son intérêt est d’abord de regarder comment il répond aux besoins de sa population. (Exclamations sur plusieurs travées.) C’est en tout cas mon expérience personnelle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est proposé a le mérite de corriger la loi telle qu’elle existe et de mettre en place un mécanisme d’association sur la partie économique, tout ce qui est privé ne pouvant être exclu du dispositif visant à limiter l’artificialisation. Enfin, le volume de 10 % proposé n’est pas incompatible avec les objectifs visés par ailleurs.

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.

M. Fabien Genet. Éclairé par tout ce qui vient d’être dit et considérant que mon amendement était peut-être trop ambitieux en matière écologique, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 109 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 181.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mmes Estrosi Sassone, Noël, Demas et Puissat, M. Burgoa, Mmes Belrhiti et Lassarade, M. Chatillon, Mme Dumont, M. Mouiller, Mme Ventalon, MM. Bouchet, Hugonet, Rietmann, Genet, Bascher et Nougein, Mme Imbert, MM. Cambon et Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. E. Blanc, Mmes Gruny et Lopez, MM. Belin, B. Fournier et Laménie, Mmes Gosselin et Pluchet, M. Paccaud, Mme Chauvin, MM. H. Leroy, Bonhomme et Bas, Mme Richer, MM. Bacci, Panunzi, Cadec, Saury, Charon et Longuet, Mme Malet, MM. Darnaud et Savin, Mme Bellurot, M. Somon, Mme Schalck, MM. Brisson et Rapin, Mme Di Folco et MM. Rojouan et Klinger, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° La première phrase du même dernier alinéa est ainsi modifiée :

a) au début, les mots : « Pour la tranche mentionnée au 2° du présent III » sont supprimés ;

b) Après le mot : « forestiers », sont insérés les mots : « ou dans l’artificialisation des sols » ;

c) Après les mots : « dès lors que », sont insérés les mots : « cette installation constitue une installation agrivoltaïque au sens de l’article L. 314-36 du code de l’énergie ou que » ;

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

M. Stéphane Sautarel. Le niveau d’artificialisation de la surface occupée par les installations solaires d’électricité est très faible. Un rapport du gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE, intitulé Futurs énergétiques 2050 : les scénarios de mix de production à létude permettant datteindre la neutralité carbone à lhorizon 2050 l’a bien montré en ce qui concerne les installations photovoltaïques.

Je propose une pérennisation au-delà de 2031 et une extension de la présomption de non-artificialisation des sols prévue pour les installations de production d’énergie photovoltaïque n’affectant pas durablement les fonctions écologiques du sol au bénéfice des installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 du code de l’énergie.

Je voudrais profiter de mon intervention pour rappeler les termes d’un de mes amendements qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45, ce que je peux tout à fait comprendre. Néanmoins, il abordait un sujet central, à savoir la place et le rôle des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). On parle beaucoup ici de l’orientation, de la stratégie, de la planification, mais les CDPENAF sont absolument essentielles dans la mise en œuvre et les décisions.

Comme nous sommes sensibles aux libertés locales, mon amendement visait à renforcer la place des élus locaux dans les CDPENAF, de sorte qu’ils soient vraiment les représentants de l’intérêt général. Ce point devra être revu, car il est essentiel dans le pilotage de l’urbanisme et de l’aménagement de nos territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Nous avons effectivement eu ce débat en commission, mais nous avons considéré qu’il ne fallait pas multiplier les exceptions. Néanmoins, mon cher collègue, vous avez raison : ce sujet méritera un approfondissement après que nous aurons reçu l’évaluation sur le photovoltaïque.

Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je serai au regret d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis, monsieur le président.

Dans la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, il est bien précisé que l’on sort une partie des projets au titre de l’agrivoltaïsme, à condition que soient respectés des critères de hauteur pour que la biodiversité soit respectée, etc.

Ce sujet a donc fait l’objet de débats à l’occasion de ce texte. Votre amendement est soit satisfait sous cet angle-là, soit de nature à poser des problèmes en cas de généralisation, parce que son adoption nous conduirait à devoir revoir la typologie de l’agrivoltaïque et du photovoltaïque.

M. Stéphane Sautarel. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 24 rectifié est retiré.

Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 62 rectifié bis, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Roux, Chasseing, Grand, Houpert et A. Marc, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Sont ajoutés un 7° et un 8° ainsi rédigés :

II. – Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 8° Les projets de construction ou d’aménagement d’installations ou de bâtiments publics d’intérêt collectif ou de services publics ne sont pas comptabilisés pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme d’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article et intégrés aux documents de planification mentionnés au présent article.

III. – Alinéa 12

Après la référence :

insérer la référence :

et du présent 8°

Monsieur Bilhac, pouvez-vous présenter en même temps l’amendement n° 63 rectifié bis ?

M. Christian Bilhac. Oui, monsieur le président.

M. le président. J’appelle donc l’amendement n° 63 rectifié bis, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, Chasseing, Grand, A. Marc, Folliot et Houpert et Mme Noël, et ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Sont ajoutés un 7° et un 8° ainsi rédigés :

II. – Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 8° Les projets de construction ou d’aménagement de bâtiments d’exploitation agricoles ne sont pas comptabilisés pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme d’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article et intégrés aux documents de planification mentionnés au présent article.

III. – Alinéa 12

Après la référence :

insérer la référence :

et du présent 8°

La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Dans le prolongement de ma prise de parole précédente, je souhaite affecter à l’enveloppe nationale les bâtiments publics dépendant des missions régaliennes de l’État, même s’ils n’ont pas une grande superficie : écoles, collèges, gendarmeries, etc. En effet, ces locaux ne concernent pas que le territoire sur lequel ils sont construits. Tel est l’objet de l’amendement n° 62 rectifié bis.

L’amendement suivant est tout à fait différent. Je crois avoir compris que ce texte visait à protéger les espaces naturels, forestiers et agricoles. Or, pour avoir un espace agricole, il faut du terrain et un agriculteur pour l’entretenir et l’exploiter.

Les exploitants agricoles, nous le savons tous, sont mal en point. Une succession d’études, d’enquêtes, de rapports sénatoriaux nous font verser des larmes sur le suicide des agriculteurs. Sont également pointés des problèmes de transmission, avec des bâtiments souvent vétustes.

Selon moi, si nous voulons sauver les terres agricoles, il ne faut pas comptabiliser les bâtiments d’exploitation. Ces derniers ne constituent pas une artificialisation. Ils sont même la condition sine qua non pour avoir des terres agricoles : sans bâtiment d’exploitation, pas d’agriculteur, et sans agriculteur, pas de terres agricoles. Mieux, le bâtiment agricole participe de la préservation de l’environnement.

M. le président. L’amendement n° 41 rectifié bis, présenté par MM. Longeot, Moga, Le Nay et Folliot, Mme Dumas, MM. Kern et Duffourg, Mme Muller-Bronn, MM. Chatillon et Menonville, Mme Jacquemet, MM. Louault et A. Marc, Mmes Saint-Pé, de La Provôté et Vermeillet, MM. Canévet, Henno, Delcros, Chasseing, Wattebled, Vanlerenberghe, P. Martin et Belin, Mmes Garriaud-Maylam et Perrot et M. Hingray, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Après le mot :

européenne

insérer les mots :

, ou d’intérêt écologique

II. – Après l’alinéa 9

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« d) D’infrastructures concourant à la gestion de l’eau, à la décarbonation ou à la protection des territoires face aux changements climatiques ;

« e) D’infrastructures permettant la gestion et le stockage des déchets.

III. – Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les projets mentionnés aux b, d et e du présent 7° ne sont pas comptabilisés pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation. »

La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à reconnaître l’intérêt écologique de certains projets et à ouvrir le champ à des exonérations de comptage du ZAN à leur profit.

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite Agec, a fixé des objectifs ambitieux en matière de gestion et de stockage des déchets. Son application implique la multiplication de plateformes de recyclage, notamment pour lutter contre les décharges sauvages et pour préserver les sols.

Nous proposons enfin d’exclure les projets d’infrastructure qui participent à la transition écologique et énergétique de toute comptabilité.

M. le président. L’amendement n° 110 rectifié, présenté par MM. Genet, Rojouan et Mandelli, Mmes Lassarade et Dumas, M. Longuet, Mme Schalck, MM. E. Blanc, Darnaud, Brisson et Chatillon, Mme Belrhiti, M. Burgoa, Mme Goy-Chavent, MM. Paccaud et Somon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Bascher, Sautarel et Charon, Mmes Dumont et Chauvin, M. Sido, Mme Borchio Fontimp, M. Gremillet et Mme M. Mercier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« d) D’infrastructures concourant à la gestion de l’eau, à la décarbonation ou à la protection des territoires face aux changements climatiques ;

« e) D’infrastructures permettant la gestion et le stockage des déchets.

La parole est à M. Fabien Genet.

M. Fabien Genet. C’est un amendement très proche de celui de M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Je ne souhaite pas forcément battre le record de notre collègue Raymonde Poncet Monge, pour qui nous avons une pensée à cet instant, puisque nous parlons de sujets écologiques. (Sourires.) Aussi, considérez que cet amendement est défendu.

M. le président. L’amendement n° 205 rectifié, présenté par MM. Corbisez et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le second alinéa de l’article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est complété par les mots : « , à l’exception des projets d’envergure nationale ».

La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. J’aimerais que M. le ministre nous précise si les gendarmeries nationales figurent dans l’enveloppe nationale. Nous avons vu que les centres pénitentiaires figuraient dans la nomenclature, au contraire des gendarmeries.

Par ailleurs, pour revenir sur les propos de M. Bilhac, j’appelle à la vigilance lorsque l’on parle de terres agricoles. Il faut que nous soyons face à un véritable agriculteur et non à un ancien agriculteur devenu l’employé d’une grande entreprise de BTP ou d’assurance, qui se ferait construire des bâtiments ou des chais par des architectes de renom. Dans ces derniers cas, je ne verrais pas d’inconvénient à appliquer la compensation au titre du ZAN.

M. le président. L’amendement n° 111 rectifié, présenté par MM. Genet, Rojouan et Mandelli, Mmes Lassarade et Dumas, M. Longuet, Mme Schalck, MM. E. Blanc, Darnaud, Brisson et Chatillon, Mme Belrhiti, M. Burgoa, Mme Goy-Chavent, MM. Paccaud et Somon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Bascher, Sautarel et Charon, Mmes Dumont et Chauvin, M. Sido, Mme Borchio Fontimp, M. Gremillet et Mme M. Mercier, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L’artificialisation des sols résultant des projets mentionnés aux a et c du présent 7° fait l’objet d’une comptabilisation séparée par l’autorité compétente de l’État désignée par décret. Les projets mentionnés aux b, d et e du présent 7°ne sont pas comptabilisés pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation. Le Gouvernement remet au Parlement, tous les trois ans au moins, un rapport relatif à l’artificialisation résultant des projets visés au a et c du présent 7°, qui présente les chiffres de l’artificialisation constatée ainsi que projetée et qui formule des propositions de réduction du rythme de cette artificialisation. »

La parole est à M. Fabien Genet.

M. Fabien Genet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 192, présenté par MM. Dantec, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 12, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle est répartie de façon équitable entre les régions selon des modalités fixées par décret.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Tout le monde a bien compris les termes du débat.

Cet amendement, très simple, vise à ce que les surfaces placées dans le compte national soient réparties de façon équitable entre les régions selon des modalités fixées par décret.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 215 rectifié bis est présenté par MM. Rambaud, Lemoyne, Lévrier, Bargeton, Dagbert, Mohamed Soilihi, Patient et Buis.

L’amendement n° 228 rectifié est présenté par MM. J.M. Boyer, Duplomb et D. Laurent, Mme Dumont, M. Chatillon, Mme Bellurot, M. Somon, Mme Thomas, MM. Levi, Burgoa, Darnaud, Panunzi, Cadec et Grosperrin, Mmes Belrhiti et Dumas, MM. Sido et Longuet, Mmes Joseph et Bonfanti-Dossat, M. Bascher, Mme Muller-Bronn, MM. Pointereau, Courtial, Louault, Meurant, de Legge, A. Marc et Genet, Mme de La Provôté, M. Allizard, Mmes Gruny et Imbert, MM. Saury, Wattebled et Verzelen, Mmes Gosselin et Raimond-Pavero, M. Vanlerenberghe, Mme Schalck, MM. Gremillet, Rapin, Belin et Houpert et Mme Estrosi Sassone.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 12

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Le second alinéa de l’article 191 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est complété par les mots : « , à l’exception des projets d’envergure nationale ».

La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 215 rectifié bis.

M. Didier Rambaud. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que les précédents, notamment celui de M. Corbisez. Il est donc défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour présenter l’amendement n° 228 rectifié.

M. Jean-Marc Boyer. Cet amendement a pour objet de sortir les grands projets d’envergure nationale de la trajectoire de réduction de la consommation du foncier et de l’artificialisation.

La rédaction actuelle, qui ne concerne que l’article 194 de la loi Climat et résilience, permet de sortir ces projets des documents régionaux. Cependant, comme ils restent dans le compte foncier national, ils auront tout de même une incidence sur les capacités foncières du bloc local, avec le poids des projets d’envergure nationale dans le foncier mobilisable pour la décennie 2021-2031 par le bloc local, qui représente 10 % et 35 % de l’enveloppe restante, et une réduction de consommation du foncier entre 60 % et 85 % du même bloc avant territorialisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Beaucoup d’amendements que nous avons encore à examiner visent à étendre la catégorie des projets d’ampleur nationale, européenne ou d’intérêt général majeur. Je me permettrai de rappeler notre fil rouge à cet égard.

D’une part, nous estimons qu’il est toujours périlleux de se lancer dans des listes, dont nous connaissons tous les limites. Il y a surtout le risque d’oublier certains sujets. D’autre part, nous pensons qu’il ne faut pas étendre de manière excessive le périmètre couvert par ces projets pour se limiter à ceux, qui, par nature, ont un impact dépassant le cadre d’une région.

J’en viens plus précisément aux amendements.

M. Bilhac propose de renvoyer à une enveloppe nationale l’artificialisation induite par les bâtiments publics d’intérêt collectif ou de service public – c’est l’amendement n° 62 rectifié bis –, ou par les bâtiments d’exploitation agricole – c’est l’amendement n° 63 rectifié bis. Je rappelle que l’enveloppe nationale doit correspondre à des projets d’une ampleur qui dépasse le cadre de la région. Nous sollicitons le retrait de ces deux amendements ; à défaut, nous y serons défavorables.

Les amendements n° 41 rectifié bis et 110 rectifié, respectivement de M. Longeot et de M. Genet, aux rédactions quelque peu différentes, ont pour objet d’inclure dans cette même enveloppe différentes sortes d’infrastructures environnementales ou concourant à la gestion des déchets. Pour la même raison que précédemment, j’en demande le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.

Les amendements n° 205 rectifié de M. Corbisez, 215 rectifié bis de M. Rambaud et 228 rectifié de M. Boyer visent à exclure les projets d’envergure nationale des objectifs de sobriété foncière. Nous pensons au contraire que l’État doit prendre toute sa part dans cet effort. Les régions ne doivent pas être les seules concernées. C’est bien le sens des modifications que la commission a apportées à l’article 4, qui seraient même supprimées avec l’amendement n° 205 rectifié.

Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.

L’amendement n° 111 rectifié de M. Genet ne peut être adopté, car il vise un alinéa de l’article qui n’existe pas. En outre, notre collègue demande un rapport qui est déjà prévu à l’alinéa 12 du présent article : retrait ou avis défavorable.

Enfin, M. Dantec propose au Gouvernement, au travers de l’amendement n° 192, d’imputer sur les enveloppes d’artificialisation des régions celles qui résultent des grands projets. Nous avons déjà exprimé notre désaccord sur ce point : retrait ou avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à tous les amendements, à l’exception de l’amendement n° 192 de M. Dantec, sur lequel il exprime un avis de sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 62 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 63 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 41 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Fabien Genet. Je retire l’amendement n° 110 rectifié, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 110 rectifié est retiré.

M. Jean-Pierre Corbisez. Je retire l’amendement n° 205 rectifié, mais j’aimerais que le ministre me réponde sur la question des gendarmeries nationales.

M. le président. L’amendement n° 205 rectifié est retiré.

M. Fabien Genet. Je retire également l’amendement n° 111 rectifié, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 111 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 192.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Didier Rambaud. Je retire l’amendement n° 215 rectifié bis.

M. le président. L’amendement n° 215 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 228 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 94 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 211, présenté par Mmes Brulin, Cukierman, Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces projets tiennent toutefois compte des enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols en laissant, dès que cela est possible, une perméabilité des sols en surface et en favorisant la présence de pleine terre.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Si vous m’y autorisez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 212.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 212, présenté par Mmes Brulin, Cukierman, Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Après évaluation du foncier disponible, des potentialités de requalification des friches existantes, et des besoins de foncier constructibles induits par l’implantation de ces projets, les droits à construire nécessaires pour favoriser notamment l’installation de salariés et de leur famille, les raccordements routiers ne sont pas comptabilisés pour évaluer l’atteinte des objectifs prévus à l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ni intégrés aux documents de planification et d’urbanisme mentionnés par le même article. Cette évaluation est remise par le porteur de projet dans le cadre du dépôt d’autorisation environnementale.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Céline Brulin. L’amendement n° 211 vise à garantir que les porteurs de projet intègrent dès le début les enjeux du ZAN. Depuis le début de cette discussion, nous évoquons légitimement les efforts que doivent faire les collectivités, mais cette dimension doit être prise en compte dès l’origine par les porteurs de projet. Qu’ils relèvent de la puissance publique ou de la sphère privée, tous doivent contribuer à cet effort.

J’ai plus ou moins évoqué l’objet de l’amendement n° 212 au moment de l’examen de l’amendement du Gouvernement. Notre collègue Gremillet l’a rappelé : tant avec le texte sur l’accélération du nucléaire qu’avec cet article 4, le Sénat multiplie les initiatives pour qu’un certain nombre de grands projets d’intérêt national, voire européen, n’aient pas d’incidences sur les régions concernées en matière de ZAN. C’est une vision quelque peu restrictive, mais il faut bien voir que ce type de projet – notamment les EPR – implique que les territoires développent des infrastructures d’accueil, de transport, etc.

Je pose la question à l’envers : que se passerait-il si un territoire censé accueillir une ligne ferroviaire, une autoroute ou encore un EPR, par exemple, n’était pas en mesure, au regard de ses capacités d’artificialisation, d’accueillir les salariés qui devraient contribuer au chantier ?

Pour l’instant, cette question n’a pas vraiment trouvé de réponse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale sur ces deux amendements ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Les travaux de notre commission ont déjà permis de renforcer, à l’alinéa 12, la prise en compte de l’enjeu de l’artificialisation des sols par les grands projets, qui ne peuvent être exonérés de tout effort. La question de la perméabilité des sols concerne l’ensemble des projets, et pas seulement les grands projets. Je partage votre position sur le fond, madame la sénatrice : il faudra effectivement traiter la question des services écosystémiques rendus par les sols. Le droit européen, que l’on a évoqué voilà quelques instants, nous y amènera peut-être.

Toutefois, ce n’est pas le sujet de la présente proposition de loi, qui vise plus précisément à faciliter la mise en œuvre du ZAN.

Par conséquent, je demande le retrait de l’amendement n° 211, qui me semble satisfait ; à défaut, je me verrai contraint d’y être défavorable.

Pour ce qui est de l’amendement n° 212, vous posez là encore une vraie question. Je partage votre intention, mais il n’est pas possible de traiter de la même manière le projet lui-même et ses conséquences directes ou indirectes, parmi lesquelles l’installation des salariés des raccordements routiers.

L’idée est de laisser à la région, lors de la définition des projets, le soin de préciser leur emprise et leur périmètre exacts.

Je vous demande donc, là encore, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 211 pour les mêmes raisons que la commission.

En ce qui concerne l’amendement n° 212, je pense qu’il faut laisser aux salariés la liberté d’habiter où ils veulent.

Si nous mettons en place un compté à part, faut-il le faire dans la commune siège de l’équipement, alors que certains pourraient avoir envie d’habiter un peu plus loin, compte tenu de la composition de leur foyer, un conjoint pouvant travailler dans un autre territoire ? Nous aurons des difficultés à détourer les besoins des salariés concernés.

Par ailleurs, à partir de quelle ampleur du projet faut-il prévoir les niveaux de logement ? J’ajoute que, sauf information contraire, la population française n’augmentera pas en fonction des grands projets, mais se répartira selon l’attractivité du territoire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 211.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 212.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 131 rectifié, présenté par MM. S. Demilly, Kern et Levi, Mme Gacquerre, MM. Folliot, Duffourg, Longuet, Le Nay et Moga, Mmes Billon et Morin-Desailly, MM. Somon, Vanlerenberghe, Henno, Canévet et Chauvet et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

ou assurée par des établissements publics à caractère industriel et commercial locaux créés par la loi ainsi que les projets dont le financement est assuré par un établissement public à caractère industriel et commercial local créé en application de l’article 4 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités

La parole est à M. Stéphane Demilly.

M. Stéphane Demilly. Cet amendement vise à étendre les périmètres ouverts par le a) de l’article 4 de la présente proposition de loi aux établissements publics locaux portant des grands projets.

Cette disposition permettrait de renforcer l’éligibilité de ces infrastructures à la catégorisation de grands projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur. C’est notamment le cas du canal Seine-Nord Europe, dont les atouts en faveur de la transition écologique sont déterminants pour atteindre nos objectifs nationaux de verdissement des mobilités.

Il est ainsi crucial de s’assurer qu’un tel projet d’envergure européenne, réalisé dans l’intérêt de tout le pays et de tout le continent, ne pénalisera pas les régions traversées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. La commission estime que les critères qu’elle a retenus sont suffisants pour caractériser ce type de projet, même si la question du périmètre reste à régler, et ne considère pas nécessaire d’y adjoindre cette notion d’Epic local.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis, monsieur le président, étant entendu qu’il n’y a pas de débat sur le canal Seine-Nord Europe : nous sommes tous d’accord.

M. le président. Monsieur Demilly, l’amendement n° 131 rectifié est-il maintenu ?

M. Stéphane Demilly. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je me suis battu ici pour le canal Seine-Nord Europe, y compris sur les financements. La présidente Létard ne dira pas le contraire. C’est un sujet transpartisan.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire enfin très clairement si le canal sort du ZAN ? C’est ce que nous attendons tous.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement a déposé un amendement qui m’aurait permis de vous le dire de manière très claire, mais vous avez refusé de le voter voilà quelques minutes.

La position du Gouvernement, exprimée oralement, politiquement et juridiquement, c’est que la charge du canal Seine-Nord Europe ne peut être imputée à la seule région des Hauts-de-France. Il a la caractéristique de grand projet d’envergure nationale.

Si vous voulez me faire dire qu’il disparaît complètement du décompte de l’artificialisation, nous retombons sur le débat de savoir jusqu’où va le compté à part.

M. Christophe Béchu, ministre. Ce débat vaut pour le canal, mais aussi pour le reste. Depuis le début, nous sommes guidés par deux questions.

Qu’est-ce qu’un grand projet d’envergure nationale ? Le canal en fait clairement partie. Est-il dans les 125 000 hectares des dix ans qui viennent ou est-ce de l’artificialisation gratuite ? Nous n’avons pas encore réussi à vous convaincre sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, soyons clairs et précis. Votre réponse signifie que l’impact foncier et l’artificialisation liés à cet aménagement seront répartis dans le Cantal, dans les Hautes-Alpes et dans le Lot.

Mme Valérie Létard, présidente de la commission spéciale. Oui !

M. Jean-Michel Arnaud. Pour moi, c’est inacceptable !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Ce projet participera à hauteur de 10 hectares par département sur les 1 000 hectares dont nous parlons.

Monsieur le sénateur, nous discutons depuis le début de toutes les activités humaines. À un moment donné, on ne peut à la fois se convaincre que l’atténuation du changement climatique suppose de conserver des capacités de stockage dans les sols, s’inquiéter des effets de la sécheresse, considérer que l’extinction des espèces et des écosystèmes n’est pas une fable, pour, à la fin, trouver cinquante bonnes raisons de faire passer la biodiversité après l’artificialisation. (M. Jérôme Bascher proteste.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. On entre dans le dur du sujet. On peut être conscient, en toute responsabilité, des évolutions climatiques et environnementales sans pour autant alimenter un scénario catastrophiste qui aboutirait à ce que nous ne puissions plus rien faire !

Au cours de son histoire, l’humanité a fait montre de cette force qui l’a aidée, sans être dans le déni et sans mettre la poussière sous le tapis, à trouver des solutions par le truchement de l’intelligence humaine, et donc de la recherche scientifique et de l’industrie, pour favoriser le peuplement humain et préserver la planète. Certes, tel n’a pas toujours été le cas et il ne s’agit pas non plus de nier ce qui n’a pas fonctionné…

Nous faisons face, ici, à une véritable difficulté : on ouvre de nouveau des guerres territoriales et on empêche le débat sur les stratégies nationales de souveraineté – dans tous les sens du terme. Nous finirons par déclencher des batailles de chiffonniers et chacun choisira le projet qu’il veut et se l’appropriera.

Aménager un pays, un territoire, ce n’est pas cela ! Nous pouvons tout à fait mener aujourd’hui un projet visant à protéger les espèces, tout en installant de grandes infrastructures et en évitant que des territoires ne soient perdants.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. J’ai sursauté en entendant votre réponse, monsieur le ministre, aux interpellations de MM. Bascher et Arnaud ! Vous avez justifié le fait de redistribuer globalement l’enveloppe dont bénéficierait le canal Seine-Nord Europe par la nécessité de préserver la biodiversité. Or l’un des deux objectifs – et peut-être même le premier – de la construction de cet ouvrage n’était-il pas déjà, au départ, d’ordre écologique ? (M. Jean-Pierre Corbisez acquiesce.)

M. Christophe Béchu, ministre. C’est pour cela qu’on le sort !

M. Olivier Paccaud. Vous êtes dans une double contradiction ! Honnêtement, je ne comprends pas votre raisonnement…

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous en revenons à notre notion des urgences, qui n’est pas partagée ici. Nous faisons clairement face à des défis incroyables.

Notre collègue Cécile Cukierman nous dit que la technologie et la science seront suffisantes pour affronter les défis de demain, ce qui nous permettra de nous dispenser de mettre en œuvre la politique d’efficacité et de sobriété si nécessaire à notre société !

Je pense, pour ma part, que les urgences sont telles qu’il nous faut agir sans tarder. C’est une question de solidarité et d’avenir commun.

Mme Sophie Primas. Avec la Chine !

M. Daniel Salmon. Nous n’avons ni biosphère ni planète de rechange. Continuer à placer le paradigme de l’économie au-dessus de l’environnement est une erreur colossale.

Mme Cécile Cukierman. Quelle caricature !

M. Didier Mandelli. Personne ne dit cela !

M. Daniel Salmon. On le voit année après année, l’homme ne peut s’affranchir de son environnement ni de la planète. À un moment donné, il faut poser les problèmes et soit essayer d’avancer ensemble, sans se battre comme des chiffonniers, madame Cukierman, et en mettant de côté les petits égoïsmes territoriaux, soit continuer comme avant ! Que dire d’autre ?…

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. Puisque l’on parle de protection de la biodiversité, je rappelle que l’on dénombre aujourd’hui sur le territoire national cinquante-huit parcs naturels régionaux et onze parcs nationaux, ce qui représente un nombre d’hectares considérable.

L’objectif principal de ces parcs est la protection de la biodiversité. Les moyens financiers qui y sont consacrés, qu’ils soient attribués par les conseils régionaux ou par les conseils départementaux, proviennent des impôts des contribuables français, lesquels participent donc à bonne hauteur à la protection de cette biodiversité.

Il faudra bien, à un moment donné, parler de la vie de nos concitoyens, d’emploi et d’économie de nos territoires !

Lorsque des projets d’envergure nationale ont un impact économique, notamment sur l’emploi, il convient de trouver un juste équilibre entre les objectifs environnementaux, qu’il faut certes chercher à atteindre, l’activité économique de nos territoires et la vie de nos concitoyens. Ce juste équilibre est d’ailleurs le cœur – je le disais précédemment – de cette proposition de loi. On ne pourra pas toujours rester sourd à ces exigences !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues écologistes, au sein de notre groupe, nous avons tous conscience de la gravité de la situation en termes de réchauffement climatique et de menaces pesant sur la biodiversité.

Pour autant, à chaque fois que l’on réindustrialise la France, pour éviter de délocaliser la production en Chine ou dans d’autres pays qui utilisent des produits plus polluants – et cette externalisation n’est pas sans conséquence sur l’environnement puisqu’elle se traduit par une intensification des transports –, on contribue à rétablir l’équilibre global de la planète et à la lutte contre le réchauffement climatique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Évidemment, si nous relocalisons, ce n’est pas pour polluer comme des fous, mais pour utiliser les technologies et les savoir-faire d’aujourd’hui, en anticipant.

Le Gouvernement nous dit que tout va rentrer dans le cadre. Je l’espère ! Mais je souhaiterais que l’on soit plus précis et que l’on fasse la vérité des prix en termes d’hectares consommés par cette réindustrialisation.

Par ailleurs, il faut être efficace et pragmatique. On croit que des dispositifs s’appliqueront naturellement parce qu’on les aura votés, en prévoyant des contraintes et des sanctions ; puis on s’aperçoit quelques années plus tard que tel n’est pas le cas, parce que l’opinion n’en veut pas, que les élus les refusent et que des réalités s’imposent…

J’observe que le gouvernement allemand, si prompt à nous donner des leçons sur l’effet de serre, est le premier à dire que l’abandon du thermique, auquel il avait promis de procéder, n’est plus possible. Or je n’entends pas les écologistes allemands hurler au scandale !

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il faudra trouver un équilibre et ce ne sera pas facile, en particulier concernant le ZAN, une affaire que je crois assez mal partie… Tentons tout de même d’y parvenir !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. J’ai moi aussi du mal à comprendre les réponses du ministre, sur lesquelles mes collègues ont réagi, quant aux écarts de consommation. Que l’on fasse remonter, soit, mais comment faire redescendre ?

Les inégalités sont aujourd’hui multiples. On cherche, par exemple, des solutions de renaturation ou de développement en utilisant les friches ; or celles-ci ne sont pas réparties de manière équitable sur le territoire. Ce pourrait être un critère pour le compte national…

L’objectif du compte national est indépassable, mais il ne peut être recherché partout de la façon prévue. Et il ne s’agit pas d’égoïsme de la part de nos territoires !

Parlons des territoires ruraux. Jusqu’à présent, je suis intervenu de manière globale. Mais, en tant que sénateur du Cantal, mon principal souci en termes d’artificialisation des sols, ce sont les blocs de béton qu’il faudra poser si l’on nous installe des éoliennes. Cela ne nous réjouit pas ! Nous ne cherchons pas à obtenir des surfaces artificialisées supplémentaires.

Ces sujets de développement durable et de protection de l’environnement, fort complexes, impliquent des contraintes multiples et parfois paradoxales – Mme Lienemann vient de le rappeler. Il me vient l’image d’un bocal rempli de galets : on vous dit qu’il est plein, mais vous pouvez y ajouter du sable, et même de l’eau, sans que cela déborde !

De la même façon, nous devons cumuler nos trois objectifs de développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 131 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 108 rectifié, présenté par MM. Genet, Rojouan et Mandelli, Mmes Lassarade et Dumas, M. Longuet, Mme Schalck, MM. E. Blanc, Darnaud, Brisson, Pellevat et Chatillon, Mme Belrhiti, M. Burgoa, Mme Goy-Chavent, MM. Paccaud et Somon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Bascher, Sautarel et Charon, Mmes Dumont et Chauvin, M. Sido, Mme Borchio Fontimp, M. Gremillet et Mme M. Mercier, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après le mot :

industrielles

insérer les mots :

et logistiques

La parole est à M. Fabien Genet.

M. Fabien Genet. Je suis sans voix après la brillante démonstration de notre collègue Sautarel… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre, sur les difficultés rencontrées dans certains territoires pour obtenir des permis de construire et mener à bien des projets.

Assistant sur le terrain à des débats préparatoires au plan local d’urbanisme intercommunal, je suis frappé par les réflexions que l’on commence à entendre sur l’accueil d’activités logistiques. Puisqu’on leur impose le ZAN, des élus locaux ne voient pas pourquoi ils choisiraient d’accueillir des activités consommant beaucoup de foncier, alors qu’ils pourraient en privilégier d’autres, qui seraient davantage créatrices d’emplois…

Ces activités logistiques sont tout de même très importantes pour notre économie ! L’amendement que nous proposons vise donc à étendre l’enveloppe nationale à deux types de zones logistiques.

Il s’agirait, premièrement, de celles qui sont directement rattachées aux infrastructures d’ampleur nationale citées au a) et au c) de l’article 4 et qui les valorisent. Les implantations logistiques rattachées à ces projets sont en effet indispensables à leur bon fonctionnement et à leur utilité concrète.

Seraient concernées, deuxièmement, les unités logistiques qui, au même titre que les usines et souvent en complément, voire au service des usines, concourent à la transition énergétique ou à l’indépendance nationale. C’est le cas des zones logistiques liées à la réindustrialisation, des chantiers des nouvelles centrales nucléaires ou des stations d’avitaillement en énergie alternative au diesel fossile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. M. Genet va finir par penser que je lui en veux… (Sourires.)

Plus les critères sont nombreux et plus il y a de risques d’oubli. Par ailleurs, l’appréciation de ces projets en termes d’emprise et de surface relève du Sraddet.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 108 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques.

L’amendement n° 40 rectifié est présenté par MM. Bonhomme et Levi.

L’amendement n° 42 rectifié bis est présenté par MM. Cadec, Paccaud, Burgoa et Bascher, Mme Lassarade, MM. de Legge et Daubresse, Mme Ventalon, M. Panunzi, Mme Goy-Chavent, MM. Chatillon et Bouchet, Mmes Belrhiti et Schalck, M. D. Laurent, Mme Dumont, MM. Brisson et Savary, Mme Dumas, M. Somon, Mme Borchio Fontimp, M. Rapin, Mme Noël et M. Belin.

L’amendement n° 70 rectifié bis est présenté par Mmes Micouleau, Estrosi Sassone et Bonfanti-Dossat, M. E. Blanc, Mmes F. Gerbaud et Imbert, M. Longuet, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Perrin, Mme Puissat et MM. Rietmann, Sido et C. Vial.

L’amendement n° 99 est présenté par Mmes Cukierman, Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 106 rectifié bis est présenté par MM. Genet, Rojouan, Mandelli, Darnaud, H. Leroy, Sautarel et Charon, Mme Chauvin et M. Gremillet.

L’amendement n° 133 rectifié ter est présenté par MM. S. Demilly et Kern, Mme Gacquerre, MM. Pointereau, Folliot, Duffourg et Moga, Mmes Billon et Morin-Desailly, MM. Canévet, Henno et Chauvet, Mme Garriaud-Maylam et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° 204 rectifié est présenté par MM. Corbisez et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

Ces sept amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

ou relevant de l’indépendance nationale

par les mots :

, relevant de l’indépendance nationale, ou représentant un intérêt pour la souveraineté économique nationale ou européenne

La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 40 rectifié.

M. François Bonhomme. L’article 4 prévoit la mise en place d’une comptabilisation distincte, au sein d’une enveloppe nationale, des grands projets d’envergure nationale ou européenne afin de ne pas pénaliser les territoires d’accueil de ces infrastructures.

Il conviendrait néanmoins que la liste des projets concernés ne soit pas trop restrictive et qu’elle puisse notamment inclure des projets d’activités économiques d’ampleur nationale, voire européenne, conformément aux objectifs de réindustrialisation affichés par notre pays dans des secteurs stratégiques. C’est le cas, par exemple, d’Airbus à Toulouse.

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié bis.

M. Laurent Somon. Il a été excellemment défendu par M. Bonhomme.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié bis.

Mme Brigitte Micouleau. Il convient de rappeler que les vingt-deux métropoles françaises n’ont contribué depuis 2009 qu’à moins de 1 % de l’artificialisation totale du pays.

Je reprendrai, en tant que Toulousaine, l’exemple d’Airbus. Si l’on met trop de bâtons dans les roues de cette entreprise, elle délocalisera. Or la délocalisation signifie non seulement moins d’emplois, mais surtout pas de création d’emplois !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 99.

Mme Cécile Cukierman. Il convient non pas de faire peser la responsabilité du dispositif uniquement sur les collectivités, mais d’inclure les projets répondant à des enjeux de souveraineté nationale et européenne dans une enveloppe nationale. On pourrait citer de nombreux exemples.

Les enjeux sont divers – industriels, liés à la production, à l’emploi, à l’aménagement du territoire. Quant à l’enjeu de souveraineté alimentaire, il suppose que l’agriculture présente dans les territoires soit vivante et nourricière. Il faut préserver cet écosystème positif et vertueux.

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour présenter l’amendement n° 106 rectifié bis.

M. Fabien Genet. Il a été excellemment défendu.

En la matière, il ne faudrait pas prévoir, même avec les meilleures intentions du monde, de trop nombreux carcans – un pli très français ! –, pour finir par mettre la poussière sous le tapis en allant produire à l’étranger. Mme Lienemann se demandait très justement ce que l’on y gagnerait.

Si ces bonnes intentions ont pour résultat d’empêcher toute activité en France, puis de délocaliser la production à l’étranger et de réimporter ensuite sur notre territoire, nous n’aurons rien obtenu : ni pour l’emploi en France, ni pour nos concitoyens, ni pour la planète.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour présenter l’amendement n° 133 rectifié ter.

M. Stéphane Demilly. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour présenter l’amendement n° 204 rectifié.

M. Jean-Pierre Corbisez. Il est également défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Toutes ces précisions me paraissant fort utiles, j’émets un avis favorable. Je suis heureux que M. Genet figure parmi les auteurs de ces amendements… (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Cette liste fera l’objet d’un article spécifique dans le cadre du projet de loi relatif à l’industrie verte.

Nous partageons la même philosophie sur ce sujet, mais la formulation, trop vague, ne permet pas de déterminer quels projets relèveraient de la souveraineté nationale ou européenne. Ainsi, les activités non alimentaires ne sauraient être considérées comme relevant de la souveraineté, sauf à élargir tellement ce champ que finira par se poser une difficulté quant à la trajectoire de compté à part.

Les commissions doivent fournir un travail plus précis sur ce point. Pour autant, ces amendements d’appel ont le mérite de rappeler que la dimension économique doit être prise en compte pour assouplir les trajectoires.

Sur ces amendements, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 rectifié, 42 rectifié bis, 70 rectifié bis, 99, 106 rectifié bis, 133 rectifié ter et 204 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié quinquies, présenté par Mme Noël, MM. Bascher, Joyandet, Panunzi et Cadec, Mme Belrhiti, MM. Reichardt et Courtial, Mme Puissat, MM. Pellevat, Saury et Bouchet, Mmes Richer et Berthet, MM. Sautarel, Genet, J.M. Boyer, C. Vial et Chatillon, Mmes Garriaud-Maylam et Dumont, MM. Savin et Mandelli, Mme Dumas et MM. Duplomb, Charon, Gremillet, Rapin et Houpert, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …) Ou d’infrastructures nécessaires à la protection des risques majeurs et naturels ;

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Mme Sylviane Noël. En France, deux tiers des 36 000 communes sont exposées à au moins un risque naturel – glissement de terrain, inondation, avalanche. Avec le dérèglement climatique, ces phénomènes vont s’amplifier et le nombre de territoires concernés augmenter.

Le code général des collectivités territoriales met à la charge du maire, titulaire des pouvoirs de police municipale, une obligation de prévention des accidents mortels de toute nature au travers de la réalisation de paravalanches, de digues ou encore de murs de soutènement.

En l’absence d’indication contraire dans la loi Climat et résilience, les travaux nécessaires constituent des opérations artificialisant les sols qui seront décomptées des droits à construire des communes, malgré leur intérêt général évident et leur caractère absolument indispensable.

Aussi, cet amendement vise à intégrer tous les travaux liés à la protection des populations contre les risques majeurs et naturels dans la liste des projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures présentant un intérêt général majeur, mais non comptabilisés pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. La commission est bien évidemment consciente de l’importance, parfois vitale, de ces infrastructures. Mais celles-ci étant de niveau local, elles n’entrent pas dans la catégorie des grands projets visés par l’article.

Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié quinquies.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 191, présenté par MM. Dantec, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer le mot :

interrégionaux,

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. L’objectif de cet amendement est de restreindre les critères permettant de considérer un projet comme étant d’ampleur nationale ou européenne et d’exclure les projets interrégionaux.

En effet, aucune estimation n’a été faite de cette dernière catégorie. Une telle disposition risque d’inciter les régions à inclure dans le compte spécifique national des projets qui ne correspondent pas à cette dimension. Les projets interrégionaux doivent être pris en compte au niveau des régions concernées, au prorata des espaces consommés par chaque région.

Je profite de cette occasion pour répondre à la petite attaque perfide contre l’éolien. Les blocs qui les soutiennent contiennent en effet du béton, mais cela ne représente que 0,5 % du béton coulé chaque année en France. Pour vous donner un ordre de grandeur, et puisque vous adorez le nucléaire, je vous indique que le projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) nécessite 6 millions de mètres cubes de béton, soit l’équivalent de 10 000 éoliennes. Il faut savoir de quoi l’on parle ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. La production n’est pas la même !

M. Olivier Paccaud. Le nucléaire a au moins le mérite de fournir de l’électricité !

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de qualifier de « grands projets » des projets d’infrastructures interrégionales.

Pourtant, l’inclusion de ces projets est souhaitable afin d’éviter une interprétation trop restrictive de la notion d’infrastructure nationale. Une ligne à grande vitesse traversant deux ou trois régions peut être de très grande ampleur, ce qui justifie son décompte en dehors des comptes fonciers régionaux, sans pour autant être une infrastructure nationale.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Sagesse, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Une route départementale traversant deux régions pourrait ainsi être incluse dans la catégorie interrégionale, de même qu’un pont…

Il s’agit, avec cet article, d’intégrer le maximum de projets au compte national en faisant le minimum d’efforts dans les territoires. Ce jeu est extrêmement dangereux et risque de décrédibiliser le débat sur les véritables enjeux. La liste des projets interrégionaux sera sans fin !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 191.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 28 rectifié bis, présenté par MM. J.M. Arnaud et Laugier, Mme Devésa, MM. Levi et Prince, Mmes Loisier et Gatel, MM. Canévet, Maurey et Duffourg, Mmes Saint-Pé et Jacquemet, M. Chauvet, Mme Billon, MM. Folliot, Moga et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Après le mot :

nationaux

insérer le mot :

, internationaux

La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.

M. Jean-Michel Arnaud. Certains projets internationaux, notamment à coopération multiple, doivent aussi être inclus dans l’enveloppe nationale – et pas seulement dans le cadre européen. Cela concerne, par exemple, le projet Iter (réacteur thermonucléaire expérimental international) dans les Bouches-du-Rhône et les Alpes-de-Haute-Provence, les installations astronomiques et interférométriques du plateau de Bure dans les Hautes-Alpes. Il existe d’autres projets à coopération multiple sur le territoire national.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur un point : de quelle manière nos voisins belges, allemands, italiens et espagnols appréhendent-ils la question du ZAN à leur échelle ? Après tout, nous nous fondons dans une économie européenne. Il me semble important de savoir comment les activités se localisent. Nous nous réjouissons lorsqu’elles arrivent en France, car elles créent du développement économique, de l’emploi et parfois une dynamique de transition pour la production de nouvelles énergies.

J’espère que le « retricotage » auquel nous procédons, à la maille du Sénat, ne sera pas un handicap supplémentaire pour notre compétitivité et notre souveraineté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Cette proposition étant intéressante, importante et raisonnable, j’émets un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je ne vais pas me livrer à un exercice de droit comparé pour le sénateur Arnaud, mais je veux préciser que la date de 2050 vaut comme trajectoire de ZAN pour tous les pays qu’il a cités. Les différences qui peuvent exister entre ces États s’expliquent par les compositions territoriales. En Allemagne, par exemple, les Länder constituent l’échelon pivot.

Le présent amendement, comme beaucoup d’autres, vise à ajouter une catégorie, ce qui brouille le discours sur le compté à part et rendra difficile la recherche d’équilibres entre les deux assemblées.

Pour ces raisons, le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 132 rectifié, présenté par MM. S. Demilly, Kern et Levi, Mme Gacquerre, MM. Folliot, Duffourg, Longuet, Le Nay et Moga, Mmes Billon et Morin-Desailly, MM. Somon, Henno, Canévet, Savin et Chauvet et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

, en particulier les infrastructures et équipements liés visés par un acte d’exécution européen pris en application de l’article 7, paragraphe 2, du Règlement (UE) n° 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 sur les orientations de l’Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport et abrogeant la décision n° 661/2010/UE

La parole est à M. Stéphane Demilly.

M. Stéphane Demilly. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement avait synthétisé dans l’amendement n° 181 à l’article 4, qui a été repoussé par le Sénat, la procédure à suivre, laquelle prévoyait une liste, un arrêté ministériel, un dispositif de concertation avec les collectivités territoriales pour la partie publique et un dispositif inclus dans le projet de loi relatif à l’industrie verte.

Je pourrais déposer un sous-amendement visant à présenter de nouveau l’amendement n° 181 sous une autre forme, afin d’abréger le débat sur la totalité de l’article 4, mais quelque chose me dit que le rapporteur y serait défavorable…

Par cohérence, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Sagesse, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 132 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les amendements nos 52 rectifié ter, 170 rectifié quinquies et 180 rectifié bis sont identiques.

L’amendement n° 52 rectifié ter est présenté par M. E. Blanc, Mme Thomas, M. Pellevat, Mme Di Folco, MM. Bascher et D. Laurent, Mmes Goy-Chavent et Dumas, M. Longuet, Mmes Bonfanti-Dossat et Lassarade et MM. Charon, Bouchet et Rapin.

L’amendement n° 170 rectifié quinquies est présenté par Mme Canayer, M. P. Martin, Mme Morin-Desailly, MM. Chauvet, Mouiller, Savary, Burgoa, Frassa et Saury, Mmes Dumont, Gruny, L. Darcos, Pluchet et Imbert, MM. Rietmann, Meurant, B. Fournier et Favreau, Mme Férat, MM. Cuypers, A. Marc, Grand et Longeot, Mmes Malet et Lopez, M. Duplomb, Mmes Bellurot, Perrot et de La Provôté et M. Belin.

L’amendement n° 180 rectifié bis est présenté par MM. Mandelli, Tabarot, D. Laurent, Brisson, Gremillet, Bonnus et Bacci, Mme Belrhiti, MM. J.P. Vogel et Darnaud, Mme Dumas, MM. Mouiller et Anglars, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir, Mmes Joseph et Ventalon, M. Somon, Mmes Lopez et Gruny et MM. Meurant, Genet et Joyandet.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …) Ou toutes actions ou opérations d’aménagement réalisées au sein des circonscriptions des grands ports maritimes ou fluvio-maritimes de l’État mentionnés à l’article L. 5312-1 du code des transports dans le cadre des missions prévues à l’article L. 5312-2 du même code. »

La parole est à M. Étienne Blanc, pour présenter l’amendement n° 52 rectifié ter.

M. Étienne Blanc. En ce qui concerne les grands ports maritimes, il convient de ne pas prendre en considération le seul port en tant que tel, mais aussi la circonscription administrative.

En effet, le code des transports dispose qu’un grand port maritime peut intervenir directement sur l’étendue de sa circonscription administrative au-delà du domaine portuaire, au regard des interactions générées par ses activités.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour présenter l’amendement n° 170 rectifié quinquies.

Mme Agnès Canayer. J’invoquerai trois arguments pour défendre cet amendement.

Premier argument : la limitation géographique de la circonscription portuaire permet d’inscrire les opérations d’aménagement réalisées au sein des grands ports dans le compte foncier national, ce qui dépasse l’enjeu strictement local.

Deuxième argument : les grands ports maritimes, comme ceux de l’axe de la Seine – Le Havre, Rouen, Paris – représentent un enjeu de souveraineté économique et industrielle française face à la concurrence des grands ports européens, notamment celui d’Anvers.

Troisième argument : il s’agit d’un enjeu de stratégie et de développement environnemental, puisque l’adoption de cet amendement permettrait la mise en œuvre de projets de décarbonation de l’économie et de projets industriels allant dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour présenter l’amendement n° 180 rectifié bis.

M. Didier Mandelli. Cet amendement identique, sous-amendé pour réparer l’oubli des ports fluviaux, a déjà été défendu.

Héritage de son histoire et de sa géographie, notre pays compte quatre façades maritimes et possède, en tenant compte des outre-mer, le deuxième domaine maritime mondial.

Ainsi, nos rivières, fleuves et façades maritimes ont façonné nos paysages et contribué à la richesse de la France. Toutes nos métropoles se sont développées sur les axes majeurs qu’étaient les fleuves ou à partir des ports et de leurs estuaires.

À une époque, ici comme ailleurs, il n’y avait ni camions, ni avions, ni trains pour acheminer les hommes et les marchandises, qui transitaient par les ports et les fleuves.

Dans notre économie de plus en plus mondialisée, où le transport maritime va croissant – 90 % des marchandises sont aujourd’hui transportées par voie de mer –, il est important de préserver cette capacité et ces poumons économiques.

Si nous voulons atteindre l’objectif de doubler le volume du transport fluvial, alors il nous faut adopter ces amendements.

Nos rivières et nos fleuves ont donné leur nom à de multiples communes, départements et régions. Ils sont l’essence même du développement de notre pays.

M. le président. Le sous-amendement n° 262, présenté par Mme Loisier, est ainsi libellé :

Amendement n° 180 rectifié, alinéa 3

Après le mot :

transports

insérer les mots :

ou d’un port fluvial mentionné au titre II du livre III de la quatrième partie du même code

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Il s’agit d’une précision juridique qui vise à intégrer les ports fluviaux au dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Ces trois amendements identiques ont trait aux circonscriptions administratives des grands ports.

Les amendements nos 52 rectifié ter, 170 rectifié quinquies et 180 rectifié tendent à compléter la liste des critères en dissipant un doute : les projets d’ampleur nationale ou européenne devraient inclure non seulement des projets menés dans le strict périmètre des grands ports, mais aussi au sein de leurs circonscriptions administratives.

La commission est favorable à ces trois amendements identiques.

Enfin, le sous-amendement n° 262 déposé par Mme Loisier n’a pu être examiné par la commission spéciale. Faut-il voir dans le fluvial du national ? Je regrette que nous n’ayons pu mener une véritable discussion sur le sujet.

Les amendements identiques incluent parmi les critères des projets d’ampleur nationale et européenne les ports mentionnés dans le code, c’est-à-dire les grands ports maritimes et fluvio-maritimes relevant de l’État.

Je rappelle que nous parlons en l’espèce des projets d’ampleur nationale et européenne dont l’impact est tellement vaste qu’il est naturel de décompter leur artificialisation à l’échelle nationale ou régionale.

C’est donc à grand regret que je demande, à titre personnel, le retrait du sous-amendement n° 262.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements identiques en raison d’une subtilité : la notion de circonscription.

L’amendement n° 181 du Gouvernement tendait à ce que tous les projets portés par les grands ports fassent l’objet d’un compté à part. Or les projets situés à l’intérieur de la circonscription peuvent ne pas être portés par les grands ports et ne pas participer directement à l’activité industrielle. L’installation d’un restaurant à l’intérieur de la circonscription du grand port, par exemple, rentrerait dans le compté à part.

C’est la raison pour laquelle nous avons préféré rédiger notre amendement de façon à prendre comme porte d’entrée le projet des grands ports maritimes ou fluviaux plutôt que de faire référence à la circonscription, qui peut doubler ou tripler les surfaces concernées.

Le caractère d’envergure nationale ne doit pas être caractérisé par le territoire, mais par l’impulsion du grand port.

M. le président. Madame Loisier, le sous-amendement n° 262 est-il maintenu ?

Mme Anne-Catherine Loisier. Si M. le rapporteur m’apporte l’assurance que les ports fluviaux – les ports sur le Rhin, Strasbourg ou Mulhouse, notamment – sont bien intégrés, je ne vois aucun inconvénient à retirer mon sous-amendement.

Il serait toutefois dommage de ne pas les intégrer, compte tenu de l’enjeu stratégique qu’ils représentent. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

On me le confirme, je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je ne suis pas en mesure de vous le confirmer. Je ne peux que souligner que le code des transports vise les « grands ports maritimes et fluvio-maritimes relevant de l’État ».

À ce stade, je ne peux vous en dire plus. Je regrette que nous n’ayons pas eu ce débat en commission.

M. le président. Le sous-amendement n° 262 est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 rectifié ter, 170 rectifié quinquies et 180 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 224 rectifié ter, présenté par M. Delcros, Mmes Vermeillet, Vérien et Loisier, MM. Le Nay et Laugier, Mme N. Goulet, M. de Belenet, Mme Sollogoub, MM. Longeot, Chauvet et Kern, Mmes Saint-Pé et de La Provôté, MM. Duffourg, Détraigne et Folliot, Mme Gacquerre, M. Moga, Mme Morin-Desailly, MM. J.M. Arnaud, S. Demilly, Canévet, P. Martin, Levi et Henno, Mme Perrot, M. Hingray et Mme Billon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …) D’infrastructures et de constructions concourant à l’atteinte des objectifs fixés au 1° A du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime.

La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Les amendements qui ont été adoptés visent à ajouter à la liste des critères les projets « représentant un intérêt pour la souveraineté économique nationale ».

Pour m’assurer que le secteur agricole et alimentaire ne sera pas oublié, je propose de compléter l’article 4 en mentionnant les projets « représentant un intérêt pour la souveraineté alimentaire et l’indépendance alimentaire de la France ».

M. le ministre nous a indiqué que la dimension économique était à prendre en compte. Je considère que l’activité agricole et agroalimentaire relève de cette dimension.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Nous sommes bien évidemment tous favorables à la souveraineté alimentaire.

En l’état, cette notion me paraît toutefois difficile à délimiter et à définir. Plutôt que d’un débat sur le ZAN, cette question relève davantage de l’organisation générale du secteur agricole et agroalimentaire.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Delcros, l’amendement n° 224 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Bernard Delcros. Non, je le retire, monsieur le président.

Je souhaite néanmoins que l’on n’oublie pas le volet agricole dans les réflexions à venir. C’est une question d’équilibre dans le traitement des territoires et des départements.

M. le président. L’amendement n° 224 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 151 rectifié bis, présenté par M. E. Blanc, Mme Thomas, M. Tabarot, Mme Di Folco, MM. Bascher, D. Laurent, Brisson et Mandelli, Mmes Goy-Chavent et Dumas, M. Longuet, Mmes Muller-Bronn, Bonfanti-Dossat et Lassarade et MM. C. Vial, Charon, Bouchet, Rapin et Somon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …) Relatifs à des équipements ou aménagements induits par la réalisation d’un des projets mentionnés aux a) à c) du présent 7 et situés en dehors de leur emprise directe, mais directement rattachés au projet lui-même s’agissant de la comptabilisation des espaces qu’ils consomment ou artificialisent.

La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. L’article 3 du texte énumère différents types de projets appelés à être qualifiés d’ampleur nationale ou européenne, mais n’évoque pas les abords des emprises.

Or certains équipements ou aménagements connexes à l’infrastructure concernée sont indissociables de celle-ci et n’apportent pas aux territoires intéressés davantage de plus-value directe que le projet d’infrastructure lui-même.

L’exemple d’un poste de transformation électrique d’un parc éolien en mer ou d’une centrale nucléaire illustre parfaitement cette idée.

Ces équipements ou aménagements connexes représentent des emprises foncières significatives qui, si elles étaient comptabilisées dans la consommation d’espaces du territoire, pourraient grever totalement ses capacités de développement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Ce sujet important me paraît relever des Sraddet, raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Blanc, l’amendement n° 151 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Étienne Blanc. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 151 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 243 rectifié, présenté par MM. Paccaud, Bascher, Bouchet, Brisson, Burgoa, Calvet et Courtial, Mmes L. Darcos, Imbert, Joseph et Lassarade, M. Milon, Mmes Noël et Puissat et MM. Rojouan, Sautarel et Sido, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« 7° bis a) Tout ou partie de l’artificialisation des sols ou de la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant de projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements destinés à satisfaire prioritairement les besoins d’une ou plusieurs autres régions que celle de leur implantation peut être prise en compte pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces de ces dernières et intégrée aux documents de planification mentionnés au présent article qui leur sont applicables dans les conditions prévues au b du présent 7° bis.

« b) Sur proposition de la conférence prévue au V du présent article et des communes et des établissements publics de coopération intercommunale sur le territoire desquels ces projets sont implantés, l’autorité compétente de l’État désignée par décret peut ordonner que l’artificialisation des sols résultant des projets mentionnés au premier alinéa du présent 7° bis fasse l’objet d’une inscription au schéma ou plan mentionné au I du présent article dont relève la ou les régions auxquelles ils bénéficient prioritairement.

« c) Un décret en Conseil d’État détermine les critères suivant lesquels des projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements sont considérés comme étant destinés à satisfaire prioritairement les besoins d’une ou plusieurs autres régions que celle de leur implantation et précise les conditions dans lesquelles l’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers qui en résulte peut être imputée à ces dernières.

La parole est à M. Olivier Paccaud.

M. Olivier Paccaud. Cet amendement concerne les artificialisations externes, c’est-à-dire les parts d’artificialisation « délocalisées » par certaines régions vers d’autres territoires.

Ainsi, mon département de l’Oise « accueille » des déchets inertes issus du chantier du Grand Paris. Il subit ainsi une forme de double peine : non seulement ces déchets ne sont pas forcément bien acceptés par les populations locales, mais ils pourraient amputer la part zéro artificialisation nette du territoire d’accueil. C’est une véritable injustice !

Concrètement, cet amendement tend à prévoir que les artificialisations résultant de projets destinés prioritairement à satisfaire les besoins d’une région – par exemple, l’Île-de-France – autre que celle où ils sont implantés – en l’occurrence, les Hauts-de-France – puissent être au moins en partie imputées à la région « émettrice ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je comprends parfaitement l’intention d’Olivier Paccaud et nous avons d’ailleurs déjà discuté de ce sujet.

Je m’interroge cependant sur la mutualisation interrégionale qui est ici proposée. Qui l’ordonnerait précisément ? Serait-ce à l’État d’ordonner aux régions concernées d’inscrire les projets dans leurs Sraddet ? Cette injonction me paraît difficilement acceptable pour les régions.

C’est pourquoi la commission propose le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable. Toutefois, l’avis de sagesse n’est pas loin…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Ma position est proche de celle de M. le rapporteur, mais elle va légèrement plus loin.

Pourquoi s’arrêter aux contraintes interrégionales ? À l’intérieur d’une même région, un département qui accueille, pour rendre service, un équipement d’intérêt régional peut voir sa propre capacité d’artificialisation limitée.

Il en est de même, par exemple, d’une intercommunalité qui accueillerait seule, au sein d’un département, un site d’intérêt départemental pour le compte de tout le territoire.

On voit bien que, si la maille est trop fine, nous nous heurterons toujours à une difficulté.

L’article 4 vise théoriquement les grands projets d’envergure nationale. Nous devons accepter qu’il y ait une part de solidarité et de partage, comme nous en vivons d’ailleurs tous, quelle que soit l’échelle.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je rejoindrai Olivier Paccaud sur ce point. Il s’agit d’un sujet majeur.

Malgré nos demandes, l’Oise a été exclue du Grand Paris. Et pourtant, le Grand Paris n’a pas la place suffisante en Île-de-France pour accueillir ses déchets. Il les envoie donc chez le voisin ! Vous le comprendrez aisément, la situation n’est pas tout à fait acceptable.

Dans le canton d’Olivier Paccaud comme dans le mien – et plus largement dans l’Oise –, les grandes carrières d’où sont extraites les belles pierres de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris sont artificialisées afin d’accueillir les déchets du Grand Paris.

J’ai encore correspondu récemment avec les responsables de grandes entreprises de bâtiment et travaux publics que je ne citerai pas, même si nous connaissons tous les trois grands groupes du secteur. Et tous m’ont dit qu’ils envoyaient leurs déchets inertes dans l’Oise !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. En Seine-et-Marne aussi !

M. Jérôme Bascher. Les surfaces couvertes sont très importantes.

Mme Sophie Primas. Pareil dans les Yvelines !

M. Jérôme Bascher. C’est donc un sujet majeur.

Il pourrait être intéressant de voter cet amendement, quitte à y revenir en commission mixte paritaire.

Il est tout de même anormal que l’Oise ait vu sa candidature rejetée, mais qu’elle subisse toutes les mauvaises conséquences du chantier du Grand Paris !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Je sens poindre la tentation de réécrire la loi NOTRe et la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam)…

MM. Jérôme Bascher et Olivier Paccaud. Oui ! (Rires.)

M. Christophe Béchu, ministre. Je pense que c’est la bonne heure pour le faire ! (Sourires.)

Mme Sophie Primas. Cela nous réveillerait !

M. Christophe Béchu, ministre. C’est le moment de nous mettre d’accord sur un certain nombre de sujets qui ont été mal calibrés à l’échelon national ou régional. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Je maintiens mon amendement, monsieur le président.

Monsieur le ministre, la « solidarité » que vous avez évoquée ne doit pas aller toujours dans le même sens. Or dans le cas précis des déchets du Grand Paris, elle ne va que dans un sens !

Peut-être mon amendement n’est-il pas assez précis quant à l’autorité émettrice ou aux modalités de décision relatives au ZAN, mais il permet de poser objectivement une véritable question de justice.

Par ailleurs, l’Oise et le Grand Paris ne sont pas les seules collectivités concernées.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Détendons l’atmosphère : il semblerait que, pour limiter les émissions, la maire de Paris ait temporairement décidé de garder une partie des déchets à l’intérieur de la capitale, plutôt que de les envoyer dans l’Oise… (Sourires. – M. Ronan Dantec feint lindignation.)

Mme Sophie Primas. C’est moche ! (Rires.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le maire de Neuilly aussi !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 243 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 154 rectifié bis, présenté par MM. Somon, Rapin et Burgoa, Mme Dumas, M. Mouiller, Mme Ventalon, MM. Courtial et Brisson, Mmes Belrhiti, Canayer et Bonfanti-Dossat, MM. Klinger, Paccaud, de Legge, Bascher et Genet, Mmes Gruny et Goy-Chavent, MM. Sido et Chasseing, Mme Gosselin, MM. Wattebled, Bouchet, Cadec, Panunzi et Savary et Mme Noël, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également considérés d’ampleur nationale ou européenne au titre du présent 7° les projets d’énergies renouvelables au sens de l’article L. 211-2 du code de l’énergie.

La parole est à M. Laurent Somon.

M. Laurent Somon. Cet amendement tend à prendre en compte la situation spécifique des projets d’énergies renouvelables afin de faciliter l’application des principes de gestion économe de l’espace, mais aussi le développement des énergies renouvelables (EnR) censé répondre à l’objectif de souveraineté énergétique.

Dans un contexte de lutte contre le dérèglement climatique, de guerre en Ukraine, avec ses conséquences géopolitiques sur les circuits d’approvisionnement des produits énergétiques fossiles, produits pétroliers et gaz naturel, et alors que la demande en énergie électrique s’accroît, cet amendement vise à accélérer la production des EnR – notamment de l’éolien, du photovoltaïque ou encore de la méthanisation – sans amputer les capacités foncières nécessaires au développement d’infrastructures de logement ou d’activités industrielles de chacune d’entre elles.

À défaut, monsieur le ministre, l’État s’appliquera-t-il les règles qu’il impose aux collectivités, là où la consommation n’a pas été économe depuis dix ans ?

Je pense particulièrement au département de la Somme, où les 742 éoliennes installées consomment déjà 174 hectares. Or 250 éoliennes supplémentaires ont été autorisées et 125 autres sont en instruction !

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Une inclusion totale des projets d’énergies renouvelables n’est pas envisageable.

Il s’agit en fait de savoir si le projet est de petite ou de grande ampleur. S’il est de grande ampleur, il sera nécessairement d’ampleur nationale et aura vocation à intégrer notre compte, selon la définition que nous proposons.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Si le projet est de petite ampleur, il n’emporte pas de consommation d’artificialisation.

En revanche, s’il est de grande ampleur, il entre dans la catégorie telle qu’elle vient d’être définie.

L’amendement étant satisfait, le Gouvernement en demande le retrait.

M. le président. Monsieur Somon, l’amendement n° 154 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Laurent Somon. M. le ministre n’a pas répondu sur un point.

Les permis de construire sont délivrés par les préfets, selon les instructions reçues du ministère. C’est donc bien l’État qui les délivre. Ferez-vous les économies que vous demandez aux collectivités, à savoir réduire de moitié l’artificialisation des sols là où les éoliennes sont déjà très nombreuses ?

Dans la Somme, les éoliennes occupent déjà plus de 170 hectares. Elles polluent l’environnement et affectent grandement le département. Allez-vous réduire les possibilités d’en construire encore davantage ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre. Pour la raison que je viens de décrire, ce sujet n’est pas directement lié au zéro artificialisation nette.

En fonction de sa taille, soit l’éolienne n’est pas considérée comme participant à l’artificialisation, soit elle entre dans les grands projets d’envergure nationale.

Finalement, vous m’interrogez en lieu et place d’Agnès Pannier-Runacher, dans la continuité des débats qui ont eu lieu sur l’accélération des énergies renouvelables. Je suis persuadé que la ministre, à cette occasion, vous avait répondu sur un sujet qu’elle connaît infiniment mieux que moi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 154 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Berthet, M. Babary, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Bouloux, Burgoa et Chatillon, Mme de Cidrac, MM. Courtial et Darnaud, Mmes Dumas, Dumont, Garriaud-Maylam et Gosselin, M. Gremillet, Mmes Jacques, Joseph et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, H. Leroy, Mouiller et Panunzi, Mme Puissat, M. Rapin, Mme Richer, MM. Savin, Sido, Somon et Tabarot, Mme Ventalon et M. C. Vial, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La nature des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur prévus au 7° du présent article est précisée par décret.

La parole est à Mme Martine Berthet.

Mme Martine Berthet. Nous proposons de préciser par décret la nature des projets considérés d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur prévus au 7 de cet article, afin d’offrir une sécurité juridique suffisante aux porteurs de projets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. C’est précisément ce que nous avons voulu éviter.

Nous avons fait en sorte que le pouvoir législatif exerce pleinement sa fonction sans la déléguer au pouvoir réglementaire. C’est pourquoi nous avons voulu apporter à l’article 4 la meilleure définition possible.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je suis assez favorable à cet amendement, en ce qu’il permettrait de rétablir l’amendement n° 181 que le Sénat a rejeté précédemment.

Nous pourrions ainsi fixer par décret la définition qui était prévue dans cet amendement. Bien que comprenant la position de M. le rapporteur, j’émets au nom du Gouvernement un avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour explication de vote.

Mme Martine Berthet. Je suis l’avis du rapporteur et retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 36 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 119 rectifié, présenté par MM. C. Vial, Bacci et Bascher, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. E. Blanc, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Charon et Chatillon, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes Di Folco, Dumas, Dumont et Estrosi Sassone, MM. B. Fournier et Genet, Mmes Gosselin et Goy-Chavent, MM. Gremillet et Husson, Mmes Jacques et Joseph, MM. D. Laurent et Longuet, Mmes Garriaud-Maylam et Noël, MM. Paccaud et Pellevat, Mme Puissat, MM. Rapin, Reichardt, Rojouan, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Somon et Tabarot et Mme Ventalon, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par cinq phrases ainsi rédigées :

Le schéma identifie le périmètre et les différentes composantes de ces projets. Il identifie les conséquences attendues de ces projets sur les infrastructures, équipements et besoins en logement du territoire. Ce schéma détermine le besoin foncier nécessaire à l’accueil du projet et de ses conséquences directes sur le territoire concerné. Si les capacités foncières du territoire d’accueil ne sont pas suffisantes, sans remettre en cause son développement endogène, il détermine une enveloppe foncière complémentaire nécessaire pour permettre la réalisation des conséquences directes de ce projet. Cette enveloppe complémentaire n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article et intégrés aux documents de planification mentionnés au présent article.

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. J’ai déjà eu l’occasion de dire ce que je pensais des objectifs de cette loi et du ZAN, mais je pense avoir compris la démarche de la commission spéciale à laquelle j’ai eu l’honneur de participer.

Celle-ci cherche à améliorer le texte actuel sans en remettre en cause les fondements et en évitant au maximum les dérogations qui rendraient plus difficile une lecture globale du dispositif et donc l’atteinte des objectifs recherchés.

Cet amendement ainsi que l’amendement de repli n° 120 rectifié visent à répondre à cette attente en prenant en compte les besoins suscités par les projets d’intérêt national.

En effet, les projets de ce type ne sont pas sans conséquence pour les territoires, qui subissent parfois des dommages collatéraux : la construction de logements ou d’infrastructures est rendue nécessaire par le projet même. Imaginons que vous décidiez d’installer une centrale nucléaire dans un territoire rural : son fonctionnement requérant 6 000 employés, il faudra loger ces personnes et créer les infrastructures connexes.

L’objet de ces deux amendements est d’imposer une étude d’impact préalable à la décision de lancer un projet d’intérêt national afin de définir, le cas échéant, une enveloppe complémentaire pour rendre le projet réalisable et prendre en compte ses incidences sur le territoire. Je dis bien « le cas échéant », car les conséquences d’un tel projet ne seront pas les mêmes en Île-de-France que dans un territoire rural. Cette enveloppe complémentaire aura donc vocation à rendre ces projets efficients sur le territoire.

L’amendement n° 119 rectifié vise à prélever l’enveloppe complémentaire sur le quota national d’artificialisation plutôt que sur l’enveloppe locale. L’amendement n° 120 rectifié tend également à ce que la surface requise par le projet d’intérêt national ne relève pas de l’enveloppe locale, mais d’une enveloppe régionale. Il s’agit donc d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 119 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. C. Vial, Bacci et Bascher, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. E. Blanc, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Charon et Chatillon, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes Dumas et Dumont, MM. B. Fournier et Genet, Mmes Gosselin et Goy-Chavent, MM. Gremillet et Gueret, Mme Jacques, MM. D. Laurent et Longuet, Mmes Garriaud-Maylam et Noël, MM. Paccaud et Pellevat, Mme Puissat, MM. Rapin, Reichardt, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Somon et Tabarot et Mme Ventalon, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Le schéma identifie le périmètre et les différentes composantes de ces projets. Il identifie les conséquences attendues de ces projets sur les infrastructures, équipements et besoins en logement du territoire, dont l’impact en termes d’artificialisation peut faire l’objet d’une prise en compte mutualisée dans les conditions prévues au présent III.

Cet amendement a été défendu.

Quel est l’avis de la commission spéciale sur ces deux amendements ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Je comprends parfaitement la question soulevée par Cédric Vial, ayant moi-même eu un doute, au départ, sur l’enveloppe foncière complémentaire.

Ce doute persiste d’ailleurs pour ce qui concerne la potentielle intégration de cette enveloppe, du fait de son impact, à un grand projet afin de l’extraire des décomptes locaux. Je comprends également l’intérêt d’une mutualisation régionale de cette enveloppe.

La commission dans son ensemble a décidé de demander le retrait de ces deux amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.

Toutefois, à titre personnel, je suis plutôt favorable à l’amendement n° 120 rectifié. C’est la seule fois que je donnerai un avis personnel, bien que j’aie hésité à émettre un avis de sagesse, à titre personnel également, sur l’amendement n° 243 rectifié d’Olivier Paccaud portant sur l’interrégionalité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 119 rectifié pour des raisons qui ont déjà été évoquées.

En revanche, je suis plutôt favorable à l’amendement n° 120 rectifié, à une limite près. Cet article traite des grands projets d’envergure nationale. Or la catégorisation qui permet de délimiter de grands projets régionaux existe également dans le texte. Aussi, un amendement visant à instaurer un processus d’identification pour savoir si le projet doit être rattaché à l’enveloppe régionale est-il vraiment nécessaire ?

En effet, il relève peut-être de la liberté de la collectivité régionale de conserver une enveloppe pour accueillir ce type de projets. Nul besoin d’un processus législatif qui ajouterait des conditions. Plusieurs des propositions de Cédric Vial de ce soir tendent à complexifier des décisions que l’on pourrait simplifier en apportant de la souplesse.

Cet amendement ne me semble donc pas nécessaire dans la mesure où la possibilité de mutualiser un projet à l’échelle régionale existe déjà. De surcroît, je pense qu’il est plutôt intelligent de conserver une soupape pour laisser aux élus locaux la possibilité de rattacher des projets à cette catégorie. Nul besoin pour cela d’adopter un amendement.

Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur l’amendement n° 120 rectifié.

M. le président. Monsieur Vial, les amendements nos 119 rectifié et 120 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Cédric Vial. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je vous remercie de vos explications. Je pense que nous touchons là à quelque chose de très sensible, d’indispensable et de très attendu sur les territoires.

En effet, les élus ont peur des conséquences des grands projets qu’ils pourraient se voir imposer. Ils redoutent même une double peine, dans la mesure où ces projets empêcheraient aussi tout développement endogène de leur territoire en consommant les quelques capacités de construction dont ils disposent.

J’entends ce que vous dites, monsieur le ministre, mais il me semble justement important de préciser, au moment de déterminer l’enveloppe régionale et la manière dont on va la répartir, qu’il s’agit bien d’un projet régional. Par ailleurs, il convient de prendre en compte les conséquences du projet sur le territoire et de vérifier la capacité de ce dernier à l’absorber et à le développer.

Cette précision me semble donc importante et je défendrai, par souci de cohérence, un amendement similaire sur les projets d’intérêt régional à l’article 5.

Compte tenu de l’avis du rapporteur, je retire l’amendement n° 119 rectifié et maintiens l’amendement n° 120 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 119 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 120 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 246 rectifié, présenté par MM. Bonhomme et Levi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° L’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant de projets situés dans le périmètre d’une opération de revitalisation de territoire tel que définie à l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article et intégrés aux documents de planification mentionnés au présent article. »

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. La lutte contre l’artificialisation des sols est l’occasion de lutter contre l’étalement urbain et contre la dispersion des ménages de manière anarchique. Le ZAN peut en effet accélérer la politique d’aménagement durable du territoire dans notre pays.

Ainsi, en proposant d’exclure du décompte quelques secteurs stratégiques sur lesquels il est cohérent d’encourager les ménages à s’installer, une dynamique de projet pourrait s’enclencher. À cet égard, il semblerait logique et efficient d’exclure les périmètres des opérations de revitalisation de territoire (ORT) dont l’objet même est de redonner à des communes qui ont une vocation de centralité une dynamique locale. Cela pourrait susciter un engouement vertueux pour les ORT.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 246 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Bonhomme et Levi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° L’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant de projets situés dans un périmètre d’un kilomètre autour d’une gare ferroviaire n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article et intégrés aux documents de planification mentionnés au présent article. »

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Cet amendement vise à exclure les quartiers de gare du décompte, dans la mesure où l’un des objectifs du ZAN est de lutter contre le réchauffement climatique en diminuant les émissions de CO2 et donc en réduisant la place de la voiture.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 247 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 249 rectifié, présenté par MM. Bonhomme et Levi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° L’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant de projets situés dans un périmètre d’un kilomètre autour d’une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article et intégrés aux documents de planification mentionnés au présent article. »

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Cet amendement vise à exclure du décompte les périmètres des stations de transports publics, comme le tramway ou les lignes régionales de bus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 249 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 216 rectifié bis, présenté par MM. Rambaud, Lemoyne, Lévrier, Bargeton, Dagbert, Mohamed Soilihi, Patient et Buis, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – L’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une liste et une enveloppe foncière nationale nécessaire à la réalisation des grands projets d’envergure nationale ou internationale est définie en s’appuyant notamment sur des listes établies par les préfets de région élaborée à partir des contrats de plan État-Région, de la politique immobilière de l’État et de ses plans prévisionnels pluriannuels d’investissement. Sont considérés comme projets d’envergure nationale : tous les projets en maîtrise d’ouvrage de l’État, directe ou déléguée, les projets menés par ses agences ou établissement publics. Une enveloppe du foncier consommé par ces grands projets dans les dix ans précédant la promulgation de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est établie et permet de piloter et d’atteindre la trajectoire foncière et lutte contre l’artificialisation. »

La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Cet amendement vise à compléter l’article 114 de la loi Climat et résilience en précisant qu’une liste et une enveloppe foncière nationale nécessaires à la réalisation des grands projets d’envergure nationale ou internationale sont définies, en s’appuyant notamment sur des listes établies par les préfets de région à partir des contrats de plan État-région et des plans prévisionnels pluriannuels d’investissement issus de la politique immobilière de l’État.

Sont considérés comme projets d’envergure nationale tous les projets en maîtrise d’ouvrage de l’État, directe ou déléguée, et les projets menés par ses agences ou établissements publics. Une enveloppe du foncier consommé par ces grands projets dans les dix ans précédant la promulgation de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 est établie et permet de piloter et d’atteindre la trajectoire foncière de lutte contre l’artificialisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Bien que cet amendement s’inscrive dans la discussion de l’article 4, il ne me paraît guère compatible avec son contenu ni avec son esprit. Il vise en effet à ce qu’une enveloppe foncière nationale soit définie par les préfets de région, à partir de la politique qu’ils mènent. Or les critères prévus par l’article 4 me semblent satisfaisants.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Béchu, ministre. La maîtrise d’ouvrage par l’État n’est pas un indice suffisant pour déterminer qu’un projet est d’envergure nationale : la liste est trop large.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.

M. le président. Monsieur Didier Rambaud, l’amendement n° 216 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Didier Rambaud. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 216 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues nous avons examiné 89 amendements ; il en reste 135 à étudier sur ce texte.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Article 4 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux
Discussion générale

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui mercredi 15 mars 2023 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures trente à vingt heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

Proposition de loi visant à adapter la défense extérieure contre l’incendie à la réalité des territoires ruraux, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Françoise Gatel et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 377, 2022-2023) ;

Proposition de loi tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 379, 2022-2023).

Le soir :

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 23 et 24 mars 2023.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 15 mars 2023, à une heure trente.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER