M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat.
Lors de l’examen de la proposition de loi en commission, les débats se sont concentrés sur deux articles, les articles 10 et 11, qui sont manifestement les plus importants, puisqu’ils ont fait l’objet du plus grand nombre d’interventions et, surtout, des interventions les plus passionnées. Cela s’explique, car ils traitent de la laïcité et comportent donc les dispositifs fondamentaux de ce texte.
Aussi, je suis quelque peu surpris que ces deux articles, les plus importants, donc, aient été placés à la toute fin. Mis à part l’article 7 du projet de loi sur les retraites, dont l’examen avait été, souvenez-vous en, décalé par le Gouvernement – ce mauvais exemple ne doit pas être reproduit ! –, il semble tout de même assez naturel que les dispositions les plus importantes viennent en discussion dès l’entame des débats.
Pour pallier ce problème, je demande donc l’examen en priorité des articles 10 et 11 de la proposition de loi.
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Si cela vous convient, je propose que le Sénat examine votre demande de priorité à la suite des interventions de M. le rapporteur, Jacques Grosperrin, et de M. le ministre. (M. Jean Louis Masson acquiesce.)
Discussion générale (suite)
M. Jacques Grosperrin, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte part d’un constat : l’institution scolaire est en souffrance.
Nombreux sont nos concitoyens à s’inquiéter : un Français sur deux pense que l’école fonctionne mal ; les deux tiers de nos concitoyens sont pessimistes quant à son avenir. Cette proportion atteint même 80 % chez les enseignants, ce qui traduit un mal-être profond.
L’école de la confiance a cédé la place à l’école de la défiance, parce que l’école n’arrive pas à atteindre les objectifs que lui assigne la Nation.
Tout d’abord, la France reste l’un des pays où l’origine sociale des élèves conditionne le plus le parcours scolaire.
Malgré les moyens importants en faveur de l’éducation prioritaire, les écarts entre les élèves scolarisés en REP ou REP+ et ceux qui sont scolarisés hors de ces réseaux varient peu.
La politique sur laquelle repose l’éducation prioritaire introduit également une dichotomie de moyens entre les établissements relevant de celle-ci et ceux qui n’en font pas partie. Or 70 % des élèves socialement défavorisés ne sont pas scolarisés en REP. Cela crée parfois un sentiment d’abandon chez tous ces élèves et la communauté pédagogique concernée.
Par ailleurs, l’école ne semble plus être capable de transmettre les savoirs fondamentaux : les élèves français de CM1 sont surreprésentés parmi les élèves européens les plus faibles en mathématiques et en sciences.
Les évaluations intergénérationnelles mettent également en lumière une baisse de la maîtrise des savoirs fondamentaux. Pour une même dictée, les élèves de CM2 de 2021 font significativement plus de fautes que leurs prédécesseurs de 1987 : près de 30 % font vingt-cinq erreurs, contre 7 % d’entre eux quarante ans plus tôt.
Troisième cause de défiance, l’éducation nationale a du mal à déployer une politique nationale qui tienne compte de la diversité des territoires.
Le rapport d’information de nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux sur les nouveaux territoires de l’éducation a révélé l’absence durable de la donnée « ruralité » dans les statistiques de l’éducation nationale. Cela a conduit à une politique scolaire rurale par défaut.
Or les parcours scolaires post-collège et post-bac d’une partie des jeunes ruraux sont marqués par des écarts à la moyenne, voire des difficultés d’ampleur comparable à celles qui caractérisent les élèves relevant de l’éducation prioritaire. Ne l’oublions pas : plus d’un Français sur cinq de moins de 20 ans vit aujourd’hui dans un territoire rural.
Monsieur le ministre, en juin 2022, votre circulaire de rentrée prônait une « école engagée pour l’excellence, l’égalité et le bien-être ». Mon groupe partage les mêmes objectifs. Les moyens pour les atteindre, en revanche, divergent.
Cette proposition de loi correspond à notre vision de l’école. Je tiens d’ailleurs à remercier son auteur, mon cher collègue Max Brisson.
Ce texte doit permettre au Sénat de débattre avec vous, monsieur le ministre, ainsi qu’avec l’ensemble des groupes politiques, projet contre projet, de l’avenir de l’école. Les nombreux amendements le montrent : l’école est une priorité partagée par chacun de nos groupes.
Ce texte s’articule autour de quatre axes.
Le premier axe vise à renforcer l’autonomie des établissements scolaires.
Aujourd’hui, l’uniformité nationale, formelle, s’accommode de larges inégalités réelles de traitement des élèves.
La politique éducative centralisée, descendante, en provenance du ministère, ne parvient pas à répondre aux besoins des élèves et des territoires.
L’article 1er ouvre la voie à une expérimentation permettant aux écoles et aux établissements scolaires volontaires de contractualiser avec le recteur, afin d’accroître leur autonomie. Les collectivités concernées peuvent également être associées au contrat.
Je précise que les écoles qui souhaitent participer à cette expérimentation doivent acquérir au préalable le statut d’établissement public. Chacun ici connaît le lien fort qui unit la commune à son école. Afin de répondre à l’inquiétude des élus locaux, la commission a rendu nécessaire l’accord préalable des conseils municipaux ou intercommunaux, lorsque la compétence scolaire a été transférée, avant tout changement de statut de l’école.
L’article 2 confère au directeur d’école une autorité hiérarchique sur les enseignants. Notre commission a souhaité limiter ce dispositif aux écoles d’une certaine taille. Le seuil de neuf classes me semble intéressant : la mesure concernerait ainsi environ 20 % des écoles publiques.
Aujourd’hui, les écoles accueillent plus d’élèves que certains collèges, dont les chefs d’établissement disposent, eux, de cette autorité hiérarchique.
En revanche, il nous a semblé opportun, à ce stade, que les directeurs des écoles plus petites, qui ont des équipes pédagogiques plus restreintes, conservent la seule autorité fonctionnelle.
J’en profite, monsieur le ministre, pour vous interroger sur la date de publication des décrets d’application de la loi Rilhac, votée il y a désormais plusieurs mois.
Deuxième axe, la présente proposition de loi vise à assurer l’égalité des chances entre les élèves.
Pour cela, elle crée un service public de soutien scolaire qui pourra s’appuyer sur la réserve éducative. Plusieurs amendements de la commission ont permis de préciser les conditions de participation à ce service public en termes de diplôme, de probité et de neutralité.
Le texte renforce la politique éducative en faveur des territoires ruraux.
Plutôt qu’un copié-collé des dispositifs existant dans les réseaux d’éducation prioritaire sur les écoles et établissements scolaires situés dans une zone de revitalisation rurale, nous préférons créer des territoires ruraux à besoins éducatifs particuliers.
Notre commission fait ce choix, parce que les zones de revitalisation rurale sont un dispositif fiscal qui arrive à échéance à la fin de décembre 2023, et parce que le déploiement automatique des dispositifs relevant de l’éducation prioritaire dans les territoires ruraux aurait peu de sens. Je pense par exemple au dédoublement des classes de la grande section de maternelle au CE1.
En définitive, comme l’a montré le rapport de Pierre Mathiot et d’Ariane Azéma, la principale problématique des élèves des territoires ruraux est celle de l’orientation, de l’autocensure et de l’égalité des chances dans la poursuite des études, et ce plutôt dans le secondaire.
Nos collègues Max Brisson, Annick Billon et Marie-Pierre Monier, dans leur bilan sur les mesures éducatives du précédent quinquennat, ont montré combien la réforme du lycée était difficile à mettre en place dans les lycées de petite taille.
L’article 9 prévoit un accord du conseil municipal avant la fermeture d’une classe dans une commune rurale.
Monsieur le ministre, nous avons entendu vos annonces, ainsi que celles de la Première ministre, sur une éventuelle pluriannualité de la carte scolaire et une meilleure concertation avec les élus locaux. Enfin ! Cette prévisibilité pluriannuelle est demandée par les élus locaux depuis de nombreuses années. La commission de la culture et le Sénat seront particulièrement attentifs à la mise en œuvre de cette mesure.
Le troisième axe de cette proposition de loi est l’amélioration de la transmission des savoirs fondamentaux, à travers la réforme de la formation des enseignants du premier degré.
Le texte prévoit de transférer à des écoles supérieures du professorat des écoles, sous tutelle du ministère de l’éducation nationale, la formation des enseignants du premier degré. Enseigner dans le premier degré demande des compétences spécifiques en termes de pluridisciplinarité, de transmission des savoirs fondamentaux. « Faire classe » à des élèves de primaire diffère de « faire cours » à des collégiens ou à des lycéens.
De manière générale, je me réjouis que ce texte soit l’occasion de débattre avec vous des modalités de recrutement et de formation des enseignants.
La commission a souhaité sécuriser les jeunes préparant le concours d’enseignant du premier degré au sein de ces nouvelles écoles, et faciliter leur réorientation en cas d’échec au concours ou d’abandon de la formation.
Enfin, quatrième axe, le texte encourage le développement d’un sentiment d’appartenance dans les établissements, thème cher à notre collègue Céline Boulay-Espéronnier.
Il tend également à réaffirmer l’importance de la laïcité à l’école, notamment lors des sorties scolaires, lesquelles sont une projection de la classe hors les murs.
Il nous semble important que d’autres thématiques relatives à l’organisation du système scolaire soient débattues dans le cadre de cette proposition de loi.
Je pense à la question des jardins d’enfants, qui peuvent, à titre dérogatoire et uniquement jusqu’à la rentrée 2023-2024, prendre en charge l’instruction des enfants de 3 à 6 ans.
Déjà, lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, nous avions protesté, sur toutes les travées de cette assemblée, contre la fin des jardins d’enfants comme alternative reconnue à la maternelle. Nous ne comprenons toujours pas ce choix du Gouvernement.
Aussi, la commission propose de pérenniser, au-delà de la rentrée 2023-2024, la possibilité qu’ont les jardins d’enfants qui existaient avant l’entrée en vigueur de la loi pour une école de la confiance d’instruire les enfants de 3 à 6 ans.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Sur l’initiative de notre collègue Olivier Paccaud, nous avons également introduit un article relatif à la bivalence.
Un enseignant du secondaire volontaire pourrait enseigner dans deux matières. Bien évidemment, il bénéficierait d’une formation spécifique.
La bivalence offre de nouvelles perspectives de carrière. Surtout, elle permet de limiter les affectations de personnels partagées entre plusieurs établissements. Pour l’enseignant concerné, c’est moins de déplacements et une meilleure possibilité d’intégration au sein de l’équipe pédagogique de l’établissement.
Mes chers collègues, ce texte, dont l’objet est de changer en profondeur l’école, se veut résolument ambitieux. Il témoigne également de la volonté du Sénat de continuer à faire de l’éducation la première priorité de la Nation ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi témoigne de l’intérêt que la chambre haute manifeste pour la politique publique d’éducation – je tiens ici à vous en remercier.
Le texte traite de sujets structurants et d’une grande actualité pour l’éducation nationale et, donc, pour l’ensemble de la Nation : la gouvernance des écoles et des établissements, la formation des professeurs, l’accompagnement aux apprentissages des élèves, les conditions de la continuité du service public de l’éducation nationale dans les territoires. Ce sont là des questions essentielles.
Nous partageons de nombreux constats, mais nos solutions pourront – nous allons le voir – ne pas être les mêmes.
S’agissant de l’autonomie des écoles et des établissements, d’abord, j’observe que la mesure proposée existe déjà très largement dans les faits pour le second degré.
En effet, les collèges et les lycées sont des établissements publics autonomes, qui contractualisent avec l’autorité académique.
Certes, il en va différemment des écoles, qui n’ont pas la personnalité juridique. Pour autant, je ne suis pas certain que nos maires soient prêts à renoncer à cette compétence patrimoniale de l’échelon communal, vieille de près de deux cents ans, puisqu’elle est issue de la loi Guizot du 28 juin 1833, qui imposait aux maires d’entretenir dans leur commune une école et d’y loger un ou plusieurs instituteurs, afin d’instruire tous les enfants.
J’ai vu que vous aviez avancé sur ce sujet en commission. Il ne me semble pas opportun en l’état d’aligner le fonctionnement de nos écoles sur celui des établissements du second degré. Il ne faut pas laisser croire à nos élus que nous les écarterions de décisions importantes qui concernent les enfants de leur commune.
Au passage, je me permets de rappeler mon attachement à faire vivre les communautés éducatives locales, via notamment la démarche entreprise par le Président de la République dans le cadre du Conseil national de la refondation.
Ne vous méprenez pas, cependant, sur la portée de mon propos : je ne suis nullement en train de vous dire que le Gouvernement n’est pas ouvert à une évolution de la gouvernance du premier degré, comme en témoigne la loi du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d’école, mais il faut avancer progressivement si l’on souhaite voir ces réformes prospérer.
J’en profite pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur : les décrets d’application de la loi Rilhac seront prêts pour la rentrée, puisqu’ils ont été soumis aux organisations syndicales il y a dix jours et qu’ils le seront au comité social d’administration ministériel de l’éducation nationale (Csamen) le 16 mai prochain.
Pour ma part, je défends l’autorité fonctionnelle des directeurs d’école qui donne à ces derniers le rôle de pilote de leur école, tout en conservant l’esprit d’un travail collectif entre tous les professeurs. C’est un marqueur culturel fort de notre école primaire.
De la même façon, ma collègue Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et moi-même avons engagé une réflexion pour que nos professeurs des écoles soient mieux armés et formés pour répondre aux exigences des apprentissages.
Là encore, il me semble que nous ne différons pas substantiellement sur l’objectif. J’ai plusieurs fois eu l’occasion de m’exprimer en ce sens devant vous, mais je ne saurais pour autant souscrire totalement à votre proposition en l’état, car elle risque d’écarter les professeurs d’une formation universitaire et de l’obtention du diplôme du master.
Concernant l’accompagnement des élèves, là encore, nous partageons l’objectif d’un soutien scolaire à tout élève qui en éprouve le besoin. C’est dans ce sens que je poursuis la politique entamée par mon prédécesseur, et c’est dans ce sens que j’entends conduire la transformation du collège.
Aujourd’hui, ce cycle d’études n’est pas suffisamment capable de remédier aux principales difficultés scolaires, de lutter contre les inégalités et de cultiver l’excellence des élèves.
La classe de sixième sera transformée l’année prochaine, de sorte que les fragilités que certains élèves peuvent éprouver puissent être corrigées. Par ailleurs, je rendrai obligatoire, dès la prochaine rentrée scolaire, le dispositif « devoirs faits » : chaque élève doit pouvoir être, au-delà des heures de classe, soutenu dans ses apprentissages, accompagné pour réviser, s’entraîner et fixer les acquis vus en classe.
Cette égalité des chances à laquelle je viens de faire référence doit exister dans tous les territoires, y compris en ruralité.
Vous le savez, lors de notre déplacement dans la Nièvre il y a quelques jours, la Première ministre et moi-même avons annoncé des mesures qui ne sont pas si éloignées de vos propositions.
Mais, il faut bien reconnaître que le maintien de classes ouvertes contre vents et marées et contre la réalité de l’évolution démographique n’est pas pédagogiquement viable. Mon devoir en tant que ministre de l’éducation nationale est de garantir l’accès à l’enseignement à tous, partout sur le territoire, mais pas dans n’importe quelles conditions.
Pluriannualité des moyens, instance de dialogue associant préfet, directeur académique des services de l’éducation nationale et élus locaux, afin de coordonner l’action publique, valorisation des regroupements pédagogiques intercommunaux sont autant de propositions qu’attendent les territoires, les élus, les parents, les élèves et, évidemment – je l’espère –, vous, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous avez souvent évoqué ces questions avec moi.
À une solution égalitaire qui consisterait à geler les moyens partout, nous préférons une solution équitable et équilibrée qui prenne en compte, de manière pluriannuelle, l’éloignement, la qualité d’enseignement et la vie pédagogique.
Nous devons mettre fin aux incohérences qui opposent l’État, dans son rôle d’aménageur du territoire, à l’État qui organise l’instruction de nos enfants. Les deux sont intimement liés, car l’école, si elle doit être impérativement accessible à tous nos enfants, doit aussi être un lieu de vie pédagogique qui garantit la réussite de nos élèves.
Nous devons réaliser, avec tous les acteurs, élus, agents de l’État, un travail de dentelle, afin que l’organisation de l’école puisse répondre aux particularités de chacun des territoires.
Sur la question de l’application de la loi de 2004 aux parents accompagnateurs, je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que, de manière constante, tous les gouvernements se sont opposés à cette disposition.
Je rappelle que ces parents n’agissent pas en qualité d’agents de l’État. Le Conseil d’État s’est déjà prononcé sur le sujet : les parents accompagnateurs ne sont pas soumis au principe de neutralité, mais ils doivent évidemment s’abstenir de tout prosélytisme.
M. Max Brisson. On peut changer la loi !
M. Pap Ndiaye, ministre. De surcroît, je ne pense pas qu’éloigner les parents de l’école soit souhaitable, bien au contraire.
En ce qui concerne l’uniforme, et j’en terminerai par là pour que nous ayons le temps d’échanger – naturellement avec intérêt et plaisir –, c’est une possibilité qui existe déjà : ainsi, en outre-mer, les établissements qui l’ont souhaité l’ont inscrit dans leur règlement intérieur.
Le Gouvernement est opposé à une obligation nationale qui ne règle ni le sujet du harcèlement ni les différences sociales, et encore moins les atteintes à la laïcité. L’uniforme serait immédiatement contourné par différents accessoires.
Je ne veux pas uniformiser les élèves : je souhaite qu’ils comprennent les règles de vie des établissements, qu’ils y adhèrent, et, au-delà, qu’ils adhèrent aux valeurs et aux principes de la République. C’est par l’instruction et la pédagogie que notre école y parviendra. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
Demande de priorité
Mme la présidente. Conformément à l’article 44, alinéa 6, du règlement, je suis saisie par M. Jean Louis Masson d’une demande d’examen par priorité des articles 10 et 11, au début de la discussion des articles.
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. On l’a dit tout à l’heure, ce sont la ruralité, la formation, l’expérimentation de l’autonomie des enseignants, le vivre-ensemble qui constituent le cœur du texte.
C’est pourquoi je pense qu’il est inutile d’examiner ces deux articles en priorité et qu’il convient de débattre de la proposition de loi dans l’ordre de discussion initialement prévu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je mets aux voix la demande de priorité.
(La demande de priorité n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais tout d’abord remercier le groupe Les Républicains d’avoir inscrit à l’ordre du jour cette proposition de loi qui porte sur une institution républicaine capitale pour le vivre-ensemble.
On le sait, l’école est un sujet sur lequel existent d’importants clivages politiques. Ce texte a le mérite de proposer très clairement une autre vision, inspirée de la réforme opérée en 2010 au Royaume-Uni. Évidemment, le consensus sera difficile à trouver !
Si nous pouvons faire nôtres une partie des constats justifiant cette initiative parlementaire, nous souhaitons nuancer le regard critique porté sur la performance globale, jugée « médiocre » – je cite l’exposé des motifs –, du système éducatif français.
Il faut tout de suite rappeler que les évaluations internationales auxquelles il est fait référence ne portent pas sur l’intégralité des missions dévolues à l’école. On les retrouve énumérées à l’article 4 de la proposition de loi.
J’en citerai quelques-uns seulement : apprentissage d’un socle commun de connaissances, protection de l’environnement – enfin ! –, intégration des élèves en situation de handicap, lutte contre les discriminations, prévention de la radicalisation, et laïcité, laïcité, encore laïcité…
Depuis sa fondation, l’école de la République est devenue le rempart face à tous les maux de la société, les enseignants constituant la ligne de front vers où convergent toutes les crises, et ce dans des conditions de travail connues de tous.
Je rappelle ainsi qu’en 2020 les élèves sont en moyenne 18,4 par enseignant dans l’enseignement primaire en France, contre 13,6 dans l’ensemble de l’Union européenne.
En remettant en perspective les résultats des enquêtes de comparaison internationale avec l’ensemble de ces missions, ainsi qu’avec les moyens alloués, on peut considérer que l’on ne s’en tire finalement pas si mal.
Pendant des décennies, le métier d’enseignant s’est complexifié, sans revalorisation substantielle de rémunération ni reconnaissance pour ceux qui l’exercent.
Monsieur le ministre, certaines des déclarations que vous avez faites devant l’Assemblée nationale tendent à coïncider avec certaines des propositions de nos collègues Les Républicains. Il en est ainsi sur l’annualisation ou la ruralité. S’agit-il d’une initiative partagée ou d’un test ? Puisque vous proposez d’amender ce texte, est-ce le signe que vous voulez l’inscrire à l’Assemblée nationale ?
Après les années Blanquer, il me semble absolument prioritaire de restaurer la confiance des enseignants dans l’institution. N’oublions pas que la dépression figure parmi les premières maladies professionnelles des enseignants.
Pour ce faire, nous proposions de créer une communauté enseignante plus unie, du primaire au secondaire, en y associant les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).
Il faut, selon nous, multiplier les trajectoires de carrière et améliorer les perspectives professionnelles des personnels de l’éducation nationale les moins bien traités.
Nous souhaitions également discuter de la possibilité d’un système de tutorat qui permette aux enseignants de tout niveau et de toute fonction de bénéficier d’un soutien bienveillant tout au long de leur carrière.
Après la censure au titre de l’article 40 de la Constitution, il ne reste rien de nos propositions et nous ne pouvons que nous opposer, par exemple, à la création des écoles supérieures du professorat.
Je reste par ailleurs hostile au système d’autonomie des écoles prévu aux articles 1er, 2 et 3 de la proposition de loi, et au système de contractualisation. Qu’y a-t-il d’autre à inscrire dans ces contrats que le contrat républicain consistant à donner à chaque enfant une égale chance d’épanouissement intellectuel ?
La question de la mixité sociale est insuffisamment traitée et l’existence de difficultés rurales n’est pas avérée, selon les syndicats enseignants. Je rappelle que, dans le secondaire, les REP+ concentrent les populations les plus défavorisées. Ces sujets nécessiteraient un véhicule législatif à part entière.
Enfin, après l’assassinat de Samuel Paty, il nous semble essentiel de préserver la vie scolaire en ne réactivant pas incessamment les polémiques autour du principe de laïcité : nous proposerons ainsi la suppression des articles 10 et 11.
À l’heure où le ministère n’est pas en mesure de garantir les remplacements, d’assurer des recrutements ou une formation continue de qualité qui réponde aux besoins des personnels, quel est le sens d’un tel texte ?
En conclusion, cette proposition de loi, qui oublie nos langues régionales,…
M. Max Brisson. Ah non ! Pas à moi !
Mme Monique de Marco. … menace le fragile équilibre de l’éducation nationale, accélérerait la privatisation, aurait un coût considérable à la charge des familles et creuserait les inégalités entre établissements. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. C’est le cas depuis 1981 !
Mme Monique de Marco. Parce que nous souhaitons une école coopérative et citoyenne, un service public juste et accueillant pour toutes et tous, nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Julien Bargeton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand on dépose une proposition de loi au Sénat, on a en général deux choix.
Premier choix : on fait un texte plutôt consensuel ou avec des possibilités de convergence, que l’on espère mener à son terme. En l’occurrence, on aurait pu proposer un texte sur les écoles dans la ruralité ou sur la formation des enseignants.
Second choix, celui que vous avez retenu : rédiger une proposition de loi vaste, qui retranscrit un programme politique. C’est noble, mais vous savez que ce texte ne prospérera pas…