Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
L’amendement n° 45 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, MM. Reichardt, Courtial et Pellevat, Mmes Garriaud-Maylam et Lassarade, M. Tabarot, Mmes Belrhiti et Gosselin, MM. Meurant, Mizzon, Belin et Burgoa, Mme Drexler, M. Saury, Mmes Estrosi Sassone et Garnier, MM. Bouchet, Lefèvre, P. Martin, Houpert, Gremillet, Rapin, Klinger et Moga et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À la demande des personnes responsables de l’enfant, ce second contrôle peut être effectué par des personnes différentes de celles chargées du premier contrôle. »
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de la loi visant à conforter le respect des principes de la République sans revenir sur le régime d’autorisation qui avait été adopté. Il vise à garantir que les décisions rendues soient objectives et justes.
Pour l’instant, le résultat des contrôles motive en grande partie la reconduction de l’autorisation d’instruction en famille. Il s’agit de vérifier dans ce cadre que le motif de la demande répond bien à l’un des cas prévus dans le code de l’éducation.
Cet amendement vise à faire en sorte que si l’inspecteur ayant effectué un premier contrôle donne un avis négatif à la poursuite de l’instruction en famille, un second contrôle doit intervenir dans un laps de temps défini, avec un inspecteur différent, pour valider définitivement la reconduction de l’autorisation.
Cette mesure n’est pas insurmontable à mettre en place. Elle se pratique déjà dans le cadre de l’inspection des enseignants. Il s’agit d’une demande légitime qui permet d’éviter des conflits de personne à personne et d’éventuels désaccords.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Cet amendement est intéressant dans la mesure où l’on gagnera en clarté et en transparence. La possibilité pour la famille de demander un second contrôle est une évolution positive, d’autant que lors de l’examen du projet de loi visant à conforter les principes de la République, nous avions largement débattu sur le sujet. Une telle mesure pourrait contribuer à apaiser les relations entre les familles et les rectorats. Avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Monsieur le sénateur Piednoir, votre amendement est tellement légitime qu’il est satisfait. En effet, le vade-mecum que nous avons envoyé aux rectorats précise qu’en cas d’avis négatif ou réservé lors du premier contrôle, le second contrôle devra être effectué par une personne différente. Je suis donc tout à fait en accord avec vous, mais la mesure relève en l’espèce du règlement plus que de la loi.
Je vous propose de retirer votre amendement, faute de quoi le Gouvernement y serait défavorable, même si je suis d’accord avec vous sur le fond.
Mme le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Il est bien entendu qu’il ne s’agissait pas pour moi de dire qu’il ne fallait pas s’occuper des enfants qui reçoivent une instruction en famille, même s’ils constituent une forme de minorité par rapport au plus grand nombre de ceux qui vont à l’école. Je n’aime pas beaucoup que l’on déforme mes propos et que l’on me fasse dire ce que je n’ai pas dit ou ce que je n’ai pas voulu dire ; excusez-moi si je me suis mal exprimé.
En effet, certains enfants ont besoin de l’instruction en famille, et il faut traiter leur cas. Toutefois, les mesures qui ont été votées et qui figurent dans la loi me semblent suffisantes. Elles prévoient de déterminer ce qui justifie que tel ou tel enfant n’ira pas à l’école de son quartier ou de son village et restera chez lui, et de vérifier que ses parents feront bien le travail qu’ils doivent faire auprès de lui.
Le sujet est sensible, parce qu’il donne lieu à des dévoiements, que vous connaissez tout comme moi. Certaines familles considèrent que les enfants seront mieux protégés, recevront un meilleur enseignement et vivront mieux s’ils restent chez eux plutôt que s’ils vont se confronter à leurs pairs dès le plus jeune âge, à la maternelle, jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire ou pas. Or, notre rôle est de leur faire comprendre, sauf pour les cas pathologiques ou problématiques qui justifient une instruction en famille, que l’intérêt de l’enfant est bien de vivre avec ses pairs, et non pas avec ses parents toute sa vie depuis son plus jeune âge jusqu’à sa majorité.
Au principe de toute éducation ou formation, il y a l’idée que l’instruction doit se faire avec ses pairs.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Article 2 bis (nouveau)
I. – Après l’article L. 131-2 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 131-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-2-1. – Par dérogation à l’article L. 131-2, l’instruction obligatoire peut être donnée aux enfants âgés de trois à six ans dans un établissement d’accueil collectif recevant exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans dit “jardin d’enfants” géré, financé ou conventionné par une collectivité publique, ou associatif, ouvert à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
« Les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation d’instruction prévue à l’article L. 131-1 déclarent au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, dans les conditions prévues à l’article L. 131-5, qu’elles l’inscrivent dans un établissement mentionné au premier alinéa du présent article.
« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation prescrit le contrôle des établissements mentionnés au même premier alinéa afin de s’assurer que l’enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l’article L. 131-1-1 et que les élèves de ces établissements ont accès au droit à l’éducation tel que celui-ci est défini par l’article L. 111-1.
« Ce contrôle est organisé selon les modalités prévues aux deuxième et troisième alinéas du III, ainsi qu’aux IV, V et VI de l’article L. 442-2. »
II. – L’article 18 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance est abrogé.
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, sur l’article.
M. Rémi Féraud. Cet article a été introduit en commission de la culture, et je tiens à saluer l’ensemble de ses membres pour leur travail transpartisan sur les jardins d’enfants pédagogiques.
Le sujet est important dans un certain nombre de territoires et de communes, notamment en Alsace – je salue notre collègue Claude Kern –, mais aussi à Paris. Avec de nombreux élus locaux et des collectifs de parents, nous nous mobilisons depuis des mois pour sauver les jardins d’enfants pédagogiques à partir de la rentrée de septembre 2024, alors que la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance est venue fragiliser leur modèle, l’obligation de scolarité à 3 ans ne prenant pas en compte leurs spécificités.
Une dérogation avait été obtenue pour quelques années, mais elle touche à sa fin – vous le savez, monsieur le ministre –, de sorte que l’on ne peut pas envisager d’inscription dans les jardins d’enfants pour la rentrée 2024, en tout cas dans les conditions actuelles de leur fonctionnement.
Je tiens à le rappeler, les jardins d’enfants sont un fruit de l’histoire sociale et associative, notamment à Paris, la mixité sociale y est bien réelle, l’accueil des enfants en situation de handicap y est proportionnellement bien plus important que dans les écoles maternelles, et ils jouent un rôle utile et historiquement inscrit dans la ville, notamment dans les quartiers populaires.
Je tiens donc, avant de devoir prendre la parole de nouveau – je dirais presque « malheureusement » – sur l’amendement de suppression du Gouvernement, à saluer le travail transpartisan qui a été mené par la commission, en espérant qu’il permettra aux jardins d’enfants de poursuivre leur activité, que ce soit au travers de cette proposition de loi si elle prospère ou d’un autre texte.
M. Claude Kern. Très bien !
Mme le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, sur l’article.
Mme Elsa Schalck. Je veux à mon tour saluer le fait que, par cet article, la commission de la culture et le Sénat permette aux jardins d’enfants de continuer d’exister.
Les jardins d’enfants, vous le savez, sont malheureusement voués à disparaître à la rentrée 2024, depuis que l’on a instauré dans la loi pour une école de la confiance l’instruction obligatoire à 3 ans. Les jardins d’enfants ont été touchés indirectement par cette loi.
Comme mon collègue vient de le souligner, on constate que cet article traduit la volonté transpartisane, qui existe bel et bien aujourd’hui en 2023, de sauver les jardins d’enfants, qu’ils soient gérés, financés ou conventionnés par une collectivité publique ou bien associatifs.
On mesure en effet combien ces structures particulières, très présentes à Paris et en Alsace, sont importantes. Les parents y sont très attachés : nous l’avions dit au Sénat, et des propositions de loi ont été déposées en ce sens à l’Assemblée nationale.
Les jardins d’enfants existent depuis plus de cent ans. Ce sont des structures pédagogiques originales et reconnues comme telles, qui connaissent un très grand succès. Ils concourent également – c’est un élément essentiel – à l’intégration des enfants présentant un handicap. J’ai en tête l’exemple précis d’un jardin associatif de Strasbourg.
Mes chers collègues, il est essentiel d’éviter que les jardins d’enfants ne disparaissent. Ils sont à la fois une alternative et une solution complémentaire des écoles maternelles. Ils répondent à de réels enjeux de notre système éducatif et permettent d’offrir un accueil adapté à chaque enfant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Claude Kern. Très bien !
Mme le président. L’amendement n° 53, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Pap Ndiaye, ministre. Je reconnais l’existence ancienne des jardins d’enfants et leur ancrage social, particulièrement à Strasbourg et à Paris.
Dans la situation actuelle, plusieurs voies d’évolution articulées au développement des modes d’accueil du jeune enfant sont possibles pour les jardins d’enfants. Une première possibilité consiste à ce qu’ils demeurent comme tels en se recentrant sur la tranche d’âge des 2 ans et 3 ans, de manière à offrir une passerelle douce, en quelque sorte, vers l’école. Tout cela concerne particulièrement Paris, dans le contexte d’une baisse très accélérée des effectifs scolaires, notamment dans les écoles maternelles et élémentaires.
Une autre possibilité consiste à ce que ces jardins d’enfants deviennent des établissements d’accueil collectif pour les enfants de 0 à 3 ans, soit des crèches collectives, comme c’est déjà le cas pour une partie des jardins d’enfants de la ville de Strasbourg.
Une troisième possibilité consiste à ce que ces jardins d’enfants deviennent des écoles maternelles privées, ce qui permettrait la vérification des conditions minimales nécessaires à un établissement d’enseignement sous contrat, puis, le cas échéant, et selon les dispositifs en vigueur, sous contrat avec l’État.
Chaque structure peut évoluer vers la forme juridique qui lui convient tout en continuant d’accueillir de jeunes enfants.
Les échanges avec les municipalités de Paris et de Strasbourg doivent se poursuivre, et les recteurs de ces deux villes y travaillent.
Je sais que le temps court. En signe de bonne volonté, je suis disposé à accorder aux jardins d’enfants une année supplémentaire pour évoluer vers le statut qui leur convient.
M. Claude Kern. Retirez votre amendement !
M. Pap Ndiaye, ministre. Il s’agirait donc de reporter leur suppression à la rentrée 2025, au lieu de la rentrée 2024.
Néanmoins, le Gouvernement, pour les raisons qui ont déjà été indiquées, est défavorable à cet article, qui revient sur un principe de la loi du 26 juillet 2019. L’année supplémentaire que je propose devrait permettre de parvenir à un compromis.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Monsieur le ministre, nous comprenons que vous faites un premier geste en proposant cette année supplémentaire. Mais c’est un geste qui ne sera pas suffisant.
D’abord, Elsa Schalck a rappelé que les jardins d’enfants fonctionnent très bien depuis plus d’un siècle et sont une alternative aux écoles maternelles.
Ensuite, on constate que dans les pays de l’Europe du Nord, ce type de structure fonctionne très bien avec un personnel spécialisé. Au 1er juin dernier, on comptait à peu près 260 jardins d’enfants en France et 8 300 enfants scolarisés, ce qui montre qu’ils répondent à une demande.
Enfin, nous demandons seulement que les jardins d’enfants qui existaient avant la promulgation de la loi pour une école de la confiance puissent continuer d’accueillir les enfants entre 3 ans et 6 ans. Il ne s’agit pas de recréer des jardins d’enfants sous des acceptions différentes.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Monsieur le ministre, je l’avoue, quand cet amendement a été déposé, j’ai été très déçu. Certes, vous venez d’accorder une année supplémentaire : « Encore un instant, monsieur le bourreau ! »
Dans cet hémicycle, nous avons eu l’impression que le ministère découvrait les jardins d’enfants lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance. Nous avons alors organisé le sauvetage des jardins d’enfants, car il me semble que le ministère les avait passés par pertes et profit. À l’issue des discussions, dans le cadre de la navette parlementaire et de la commission mixte paritaire, nous étions convenus de nous donner cinq ans pour trouver des solutions, celles-ci ne devant pas obligatoirement consister à dire : « Les jardins d’enfants, c’est fini ! »
Vous nous accordez un an de plus. Au moins, ce texte aura produit une annonce intéressante, celle que vous venez de faire ce soir.
Mais au-delà, vous ne traitez pas la question de fond. Je le regrette, car je pensais que vous auriez une attitude différente de celle de votre prédécesseur.
Pour notre part, nous sommes plutôt favorables à la diversité des situations, car elles résultent de constructions historiques. Il existe une construction parisienne, une construction alsacienne, et même une construction réunionnaise en matière de jardin d’enfants.
De votre côté, vous êtes l’héritier d’un ministère – je pensais que vous seriez différent de vos prédécesseurs – qui ne veut voir qu’une seule tête, qui souhaite que tous les systèmes soient identiques au modèle imposé par le haut, celui d’une seule et unique école maternelle, et qui n’accepte aucune solution en dehors de ce cadre-là.
Pourquoi rompre avec des solutions qui fonctionnent et qui ont fait leurs preuves dans le passé, des constructions qui ont conduit des enfants vers la socialisation chère à Jacques-Bernard Magner, une scolarisation de qualité ? Je m’étais interrogé au banc des commissions devant votre prédécesseur : pourquoi casser ce qui fonctionne et mettre tout au cordeau et à l’équerre ? Nous vous invitons, monsieur le ministre, à encourager cette diversité, car je sais que vous y êtes attaché.
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Monsieur le ministre, j’ai entendu, comme l’ensemble de mes collègues, votre proposition de prolonger la dérogation d’une année de plus.
Cependant, je ne sais pas comment vous entendez mettre en œuvre cette mesure, puisque, pour le moment, votre seule réponse sur le sujet, c’est cet amendement de suppression de l’article 2 bis.
Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi vous l’avez déposé, tant il envoie un signal extrêmement négatif. Il a cependant un mérite, celui de clarifier les réponses de chacun.
En effet, lorsque vous avez été auditionné par la commission de la culture du Sénat au mois de juillet dernier, vous vous êtes montré ouvert à une solution juridique. Vous avez également demandé aux élus locaux de manifester leur intérêt pour les jardins d’enfants.
Au mois de novembre dernier, la maire de Paris, après vous avoir rencontré, vous a écrit une lettre, rendue publique, vous informant qu’elle souhaitait que les jardins d’enfants pédagogiques de Paris puissent continuer à exister. Il s’agit non pas de remplacer les écoles maternelles par ces jardins, mais de permettre à ceux qui existent depuis près d’un siècle de poursuivre leur activité.
L’article 2 bis constitue, d’une certaine manière, une réponse juridique à la problématique actuelle. C’est un article d’appel pour que vous en repreniez le dispositif dans un autre véhicule législatif ; je sais que plusieurs textes ont été déposés à l’Assemblée nationale.
Or vous défendez ce soir, à la manière d’un rouleau compresseur, cet amendement de suppression : vous refusez de faire une exception à la loi pour une école de la confiance qui, en l’occurrence, se justifierait.
Je rappelle qu’à un moment donné, on prétendait, dans le cadre du débat politique local – je ne sais pas si c’était le cas à Strasbourg, mais ça l’était à Paris –, que c’était la faute de la municipalité si la situation n’évoluait pas, tout simplement parce que celle-ci ne demandait pas de dérogation au Gouvernement.
Au moins, aujourd’hui, les choses sont claires : le Gouvernement entame le débat en défendant la suppression de l’article 2 bis ! Personnellement, je le regrette, et je ne m’y résous pas.
Monsieur le ministre, j’entends votre discours, qui est plus ouvert que vos actes. Peut-être pourriez-vous retirer votre amendement de suppression et nous expliquer comment vous envisagez de mettre en œuvre la prolongation d’une année de cette dérogation à l’obligation de scolarisation, afin de continuer à chercher une solution ?
M. Claude Kern. Faites un geste, monsieur le ministre !
Mme le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour explication de vote.
Mme Elsa Schalck. J’avoue que je ne comprends pas, moi non plus, l’amendement de suppression du Gouvernement.
Malheureusement, nous faisons face à un nouvel épisode du « en même temps », monsieur le ministre, puisqu’à l’Assemblée nationale, vous indiquiez vous-même « devoir trouver un chemin pour préserver les jardins d’enfants ».
La preuve est faite – je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point – qu’il faut préserver cette spécificité, cette réussite, comme le disait mon collègue Max Brisson.
D’où ma question : pourquoi vouloir supprimer ce qui fonctionne dans notre pays ?
La balle est dans votre camp, monsieur le ministre. Nous entendons le message positif que vous nous envoyez, en proposant de reporter cette dérogation d’un an, mais ce n’est pas une solution pérenne. Nous vous entendons, mais vous attendons vraiment sur le sujet.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.
(L’article 2 bis est adopté.)
Article 3
Le chapitre II du titre Ier du livre IX du code de l’éducation est complété par un article L. 912-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 912-5. – Par dérogation aux articles L. 512-18 à L. 512-22 du code général de la fonction publique, l’affectation d’un enseignant peut procéder d’un engagement réciproque conclu avec l’autorité de l’État responsable en matière d’éducation pour une durée déterminée, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. »
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 30 est présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Magner, Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 58 est présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 85 rectifié est présenté par Mme de Marco, MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 30.
Mme Marie-Pierre Monier. Avec cet amendement, nous proposons de supprimer la possibilité offerte aux recteurs de passer un contrat de mission à durée déterminée avec les enseignants.
Pour nous, une telle mesure est tout simplement inutile et dangereuse.
Elle est inutile, parce qu’il existe déjà des tas de dispositifs : des POP aux PAP (postes à profil), en passant par les PEP et les Pepap (postes à exigence particulière).
S’agit-il, à l’inverse, de généraliser ce dispositif ? Pour l’instant, l’article 3 n’ouvre qu’une simple faculté. Peut-être s’agit-il de relancer le programme Éclair (écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite), vite tombé aux oubliettes, faute de candidats – il n’y en avait que pour les grandes villes, et non là où il y en avait besoin.
Cette mesure est également dangereuse, parce qu’elle ouvre de très larges brèches dans le droit commun de la fonction publique d’État s’appliquant aux affectations et aux mutations.
De telles dérogations favoriseront tous les abus, en raison de l’opacité la plus totale des critères prévalant pour l’attribution de ces contrats de mission : plus de prise en compte des besoins de service, plus de priorité en fonction des situations familiales, des éventuels handicaps, de l’affectation en quartier sensible, des intérêts d’un département ou d’une collectivité d’outre-mer.
Les postes à mission n’ont pas à tenir compte des besoins de service, ce qui pose la question des critères selon lesquels ils seront octroyés.
La durée des missions sera-t-elle précisée par décret ? Sera-t-elle identique pour l’ensemble des missions ou les missions seront-elles exercées selon une durée laissée à l’appréciation des recteurs, sorte de variable d’ajustement en fonction du budget disponible ?
Les contrats de mission vont de pair avec l’autonomie des établissements, ce qui accentuera un système à deux vitesses : les enseignants continueront de rechercher des postes dans les établissements élitistes. Ce dispositif n’apportera donc rien de plus, sinon une aggravation des différences de traitement entre enseignants et entre établissements.
Mme le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 58.
M. Jérémy Bacchi. Les règles de mobilité doivent être transparentes et équitables, principe incompatible avec les postes à profil ou les contrats de mission, dont les règles d’attribution restent malheureusement trop opaques.
Le premier bilan sur le mouvement des postes à profil mis en place à titre expérimental en 2022 dans le premier degré montre que le profilage ne règle en rien les difficultés à pourvoir certains postes dans des territoires peu attractifs, pas plus qu’il ne résout les problèmes de mobilité.
L’article 3 crée une dérogation à l’article L. 512-18 du code général de la fonction publique, qui dispose que l’État « procède aux mutations des fonctionnaires en tenant compte des besoins du service ». Or cette disposition est essentielle pour se prémunir de la création de déserts éducatifs.
Cet article conduit donc à une contradiction entre ce qu’il prétend mettre en place et ses implications sur le terrain.
Enfin, les auteurs du texte, dans leur exposé des motifs, affirment avec solennité une ambition égalitaire, sans rien proposer d’autre pour y parvenir qu’une réforme de l’affectation des enseignants laissée au choix des directrices et des directeurs d’école.
Mme le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 85 rectifié.
Mme Monique de Marco. Pour compléter l’argumentation de mes collègues, je précise que l’article 3 vise à permettre de déroger aux règles d’affectation des enseignants, en prévoyant que les directeurs d’établissement puissent recruter par contrat.
Il s’agit d’une proposition récurrente, dont la mise en œuvre s’est souvent soldée par un échec. Ce fut par exemple le cas du dispositif Éclair mis en place en 2011 dans les quartiers prioritaires. Ce que l’on a appris de telles initiatives, c’est que l’obligation de réaffectation de l’enseignant à son poste d’origine, à l’issue du contrat, est très contraignante.
Il ne nous semble absolument pas souhaitable de généraliser ce système. Faute de solution satisfaisante, nous nous opposons donc à une telle disposition.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Nous pensons à l’inverse que ces contrats de mission sont intéressants, parce qu’ils résultent d’un engagement réciproque entre l’intéressé, le professeur, et son administration.
On parle aujourd’hui de désertification enseignante, autant en ruralité que dans certaines zones urbaines. Il n’y a pas si longtemps, il y a même eu recrutement par Pôle emploi : ce type de procédure n’est pas acceptable.
La bonification dont pourraient bénéficier les enseignants qui accepteront d’exercer leur métier, pendant un certain nombre d’années – par exemple, cinq ans –, les incitera peut-être à rester dans ces territoires spécifiques. En tout cas, le dispositif leur permettra de retrouver des postes ailleurs.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. La mobilité des enseignants, qu’il s’agisse de mobilité académique ou de mobilité nationale, dans le premier degré comme dans le second degré, est organisée selon un mouvement qui tient compte de l’ancienneté et de la situation personnelle des agents.
Cependant, il existe, parallèlement à ces mouvements au barème, des recrutements qui apparient les compétences de l’enseignement et certaines caractéristiques des postes à pourvoir. Dans le premier degré, par exemple, il existe des mouvements spécifiques sur profil et sur spécialisation. Cela concerne au total 60 000 professeurs des écoles.
Parallèlement, depuis l’année dernière, nous expérimentons certains postes à profil dans le cadre des mobilités nationales.
Cette procédure permet de pourvoir des postes, dont les caractéristiques territoriales et pour lesquels les compétences requises justifient un engagement et un profil particuliers. Je souligne l’importance de ces postes à profil, par exemple en outre-mer. Par ailleurs, les professeurs retenus pour ces postes s’engagent à rester trois ans dans leur affectation.
Vous le voyez, le Gouvernement a déjà développé des méthodes qui vont dans le sens que vous souhaitez – ; nous comptons d’ailleurs poursuivre dans cette voie. Il émet donc un avis favorable sur les amendements de suppression d’une disposition qui est déjà largement satisfaite dans les faits.