compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa,
M. Daniel Gremillet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’invite chacun à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
défense de la souveraineté européenne
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, « La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur [le] sujet [de Taïwan] et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise ». Ces propos du Président de la République, à la suite de sa visite d’État en Chine, ont suscité un tollé international à la veille de manœuvres chinoises sans précédent.
Alors que les tensions sont maximales en ce qui concerne l’autonomie de l’île à l’égard de la Chine, nous regrettons ces propos maladroits, voire tout à fait dommageables, du chef de l’État.
En affirmant que l’Europe doit incarner une troisième voie entre les États-Unis et la Chine, il a rendu notre positionnement diplomatique plus flou que jamais et illustré un « en même temps » qui, à l’évidence, n’est pas partagé par l’ensemble des pays européens, certains d’entre eux ayant fait le choix d’un partenariat américain en matière de protection ou de dissuasion.
On peut s’interroger sur l’opportunité d’une telle déclaration à l’heure du conflit en Ukraine. En effet, nombreux sont les pays qui comptent sur la collaboration renforcée entre Bruxelles et Washington pour faire cesser cette guerre. Cette polyphonie ne peut que nous affaiblir !
Madame la Première ministre, ma question est donc double : la France va-t-elle lever toute ambiguïté sur sa position concernant Taïwan ? Et comment l’exécutif entend-il concrètement faire avancer l’idée d’autonomie européenne sans remettre en cause notre partenariat privilégié avec notre allié américain ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDSE et SER. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Olivier Cigolotti, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme Catherine Colonna, qui se trouve aux côtés du Président de la République, en visite d’État aux Pays-Bas.
La position de la France concernant la situation en Asie est constante.
L’Union européenne doit défendre ses propres intérêts. C’est légitime, et il ne viendrait à personne l’idée de le contester. Le Président de la République l’a toujours dit : nous ne sommes pas à équidistance de Washington et de Pékin, nous partageons des valeurs. La relation avec Pékin s’inscrit dans un cadre européen très clair depuis 2019 : partenariat, concurrence économique et rivalité systémique. Nous voulons éviter une logique de confrontation bloc contre bloc.
En ce qui concerne Taïwan, nous sommes opposés à toute modification unilatérale du statu quo, a fortiori par la force. C’est une position claire et constante de la France.
Dans le cadre de notre politique d’« une seule Chine », nous avons d’importantes coopérations avec Taïwan dans de nombreux domaines, et nous nous y tenons.
Face aux défis qui se posent dans cette région, les Européens doivent aussi défendre leurs intérêts économiques de manière indépendante. Ils l’ont fait en développant des instruments de défense commerciale, précisément sur l’initiative de la France. C’est aussi le sens du de-risking, qui vise à diversifier nos sources d’approvisionnement.
Au cours de son déplacement, le Président de la République a dit très clairement les choses au président Xi Jinping sur tous les sujets, dans le cadre d’un dialogue exigeant et franc, assez éloigné des polémiques.
M. Michel Savin. Eh bien, c’était laborieux !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour la réplique.
M. Olivier Cigolotti. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces éléments. Toutefois, de l’Ukraine à Taïwan, nos alliés ne peuvent que s’interroger sur la stratégie internationale de la France.
J’entends que le Président de la République veuille faire de la souveraineté européenne une priorité. Erreur d’analyse ou faute tactique, peut-être… Ses propos à son retour de Chine restent, pour autant, un magnifique cadeau diplomatique offert au président Xi Jinping. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDSE, SER et CRCE.)
propos du ministre de l’intérieur sur la ligue des droits de l’homme
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre. Elle sera particulièrement solennelle. Elle concerne la République, la défense des libertés et des droits.
Le ministre de l’intérieur, M. Darmanin, a menacé de manière à peine voilée la Ligue des droits de l’homme (LDH) de sanctions financières. Il a déclaré, pour être précis : « Je ne connais pas la subvention donnée par l’État, mais ça mérite d’être regardé dans le cadre des actions menées. »
Madame la Première ministre, les choses sont claires, votre ministre de l’intérieur envisageait sans sourciller de remettre en cause les subventions à la LDH, car cette dernière avait exercé un rôle d’observateur et de vérification du respect des libertés et des droits à Sainte-Soline ou sur d’autres théâtres d’affrontements ou de tensions. (Mme la Première ministre fait un signe de dénégation.)
Ces menaces sont d’une gravité insupportable. Pouvez-vous accepter qu’un ministre de la République envisage de porter atteinte à une association qui est l’honneur de cette dernière ?
La Ligue des droits de l’homme – vous le savez, mais je le rappelle – a été créée pour défendre un innocent victime de l’antisémitisme et de la raison d’État, le capitaine Dreyfus. Elle a étendu d’emblée son action à la défense de tout citoyen victime d’une injustice ou d’une atteinte à ses droits. Dès le début du XXe siècle, seule, elle porta la justice sociale et le droit des travailleurs.
Madame la Première ministre, ne l’oublions pas : à la Libération, un tiers des membres du comité central de la LDH avaient disparu, assassinés, morts en déportation ou fusillés. Victor Basch, son président, fut assassiné en 1944 avec son épouse Ilona par la milice et les nazis.
Tout au long du XXe siècle et jusqu’à nos jours, cette grande association exerça avec vigilance et humanisme le contrôle des excès des pouvoirs publics. Sans elle et d’autres vigies, l’autoritarisme nous guette. Il peut prendre le dessus.
Avec les mille personnalités qui ont déjà signé une tribune publiée ce jour dans L’Humanité, je le dis dignement, mais fermement : « Ne touchez pas à la Ligue des droits de l’homme ! »
Je vous demande, madame la Première ministre, d’affirmer, sans ambiguïté, qu’aucune menace ne pèse sur elle. Je vous demande d’affirmer devant le Sénat que vous désavouez les propos de votre ministre de l’intérieur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la présidente Éliane Assassi, depuis plusieurs semaines, certains, à l’Assemblée nationale, au Sénat ou dans des interviews, dénoncent ce qu’ils appellent « une dérive autoritaire ». C’est une accusation tout aussi grave que mensongère.
Notre État de droit et notre République reposent sur des libertés fondamentales.
Ces libertés, nous les défendons et nous les défendrons. Les associations de défense des libertés publiques et des droits de l’homme mènent également ce combat, et je crois que personne ici ne peut contester sérieusement qu’elles ont, dans notre pays, la capacité de prendre position et de s’exprimer librement, pleinement et sans restriction. C’est indispensable, et nous veillerons à ce que cela demeure.
Comme d’autres acteurs associatifs, la Ligue des droits de l’homme joue son rôle en observant, en critiquant et en exigeant des réponses des acteurs publics. Lorsque l’État est mis en cause, nous écoutons et nous le prenons en compte. Je souhaite, comme tous les membres du Gouvernement, que les associations de soutien aux droits de l’homme poursuivent leur action de vigie, d’ailleurs largement financée par l’État et les collectivités.
Il n’est donc pas question de baisser par principe la subvention de telle ou telle association. Mais dialoguer avec ces structures sur leurs actions est aussi une responsabilité, dès lors qu’il s’agit de financement public.
Madame la présidente Assassi, pour en revenir à la Ligue des droits de l’homme, je connais l’histoire de cette grande association.
Pendant longtemps, l’histoire de l’émancipation républicaine et celle de la LDH se sont mêlées. L’universalisme était un terreau commun. Il y a toujours eu des débats exigeants, des confrontations parfois. Sans remonter à l’affaire Dreyfus, je pense à l’engagement de Madeleine Rebérioux ou de Me Henri Leclerc. (M. Éliane Assassi approuve.)
Je crois que, au fond, c’est essentiellement à cette histoire collective que les signataires de l’appel au soutien de la LDH figurant à la une de L’Humanité ce matin disent leur attachement.
J’ai beaucoup de respect pour ce que la LDH a incarné, mais je ne comprends plus certaines de ses prises de position.
M. Marc-Philippe Daubresse. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cette incompréhension n’est pas nouvelle. Elle s’est fait jour dans les ambiguïtés de cette association face à l’islamisme radical et elle s’est confortée depuis quelques mois. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je rappelle que cette association a attaqué un arrêté interdisant le transport d’armes par destination à Sainte-Soline.
Cette incompréhension est partagée par de nombreux acteurs associatifs et, dans une lettre adressée hier au président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), le président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) a dénoncé les dérives et la défaillance de la Ligue des droits de l’homme.
Madame la présidente Assassi, la liberté d’expression et la liberté de manifester pacifiquement sont fondamentales en démocratie.
Avec le Gouvernement, avec la grande majorité d’entre vous sur ces travées, je veux rendre hommage aux policiers et aux gendarmes, qui connaissent leur devoir d’exemplarité et assurent l’ordre républicain dans notre pays. Plus de 1 800 ont été blessés depuis le début du mois de janvier.
Mme Françoise Gatel. Eh oui !
M. Thomas Dossus. Et combien de manifestants ont été blessés ?
Mme Éliane Assassi. Répondez à ma question !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Ce n’est pas en excusant des violences qu’on le défend. Au contraire, il doit pouvoir s’exercer dans la sécurité. Aussi, nous continuerons à agir pour protéger ce droit, les manifestants et les Français ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains. – Murmures sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Rambaud. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
Qu’elles soient fiscales, sociales ou douanières, les fraudes sont une réalité persistante en France. Élément déterminant de notre contrat social, la lutte contre la fraude est un sujet préoccupant, un exemple de cause commune qui doit faire concorde.
Dans un contexte où la maîtrise de nos finances publiques s’impose plus que jamais face aux crises que nous traversons, notre pays doit continuer de lutter contre toutes les fraudes.
Depuis la loi du 28 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, la France a considérablement progressé en la matière, comme en témoignent les résultats records obtenus en 2021 : près de 11 milliards d’euros ont été recouvrés par le contrôle fiscal. Pensons également à l’amende, elle aussi record, de plus de 1 milliard d’euros, amende payée il y a un an par McDonald’s !
L’année 2022 est également une année significative. Les montants mis en recouvrement après contrôle fiscal ont atteint le niveau inédit de 14,6 milliards d’euros au total.
Concernant la fraude au recouvrement social, le réseau des Urssaf a plus que doublé le montant des redressements réalisés depuis dix ans, lequel est passé de 320 millions d’euros en 2013 à 788 millions d’euros en 2022.
Quant aux résultats de la douane, ils sont de nouveau historiques pour plusieurs segments de la fraude, comme les contrefaçons ou les trafics de tabacs. Ils devraient être accompagnés, je l’espère, d’un renforcement de nos outils dans la lutte contre la fraude douanière grâce au projet de loi à venir. En la matière, en effet, des progrès peuvent indéniablement être réalisés.
Il y a quatre mois, monsieur le ministre, nous débattions dans cet hémicycle de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Depuis lors, un important travail de réflexion, associant les parlementaires de tous les groupes, a été engagé sur votre initiative, l’objectif étant d’aboutir à un plan d’action.
Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour continuer de renforcer notre lutte contre la fraude, sous toutes ses formes ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Didier Rambaud, je le dis solennellement devant vous, la lutte contre la fraude n’est pas qu’une question de deniers publics.
C’est aussi, et probablement avant tout, une question de confiance dans l’action publique, de confiance de nos concitoyens, de cette classe moyenne qui a parfois le sentiment de payer trop parce que certains choisissent de ne rien payer du tout.
La lutte contre la fraude est un enjeu autant de finances publiques que de cohésion nationale, et nous devons être implacables pour renforcer la confiance de nos concitoyens à l’égard de l’action publique. Pour leur redonner confiance, il nous faut mettre en avant les résultats importants, inédits, que nous avons obtenus.
Vous l’avez dit, la loi de 2018 a été une étape majeure. L’année dernière a été historique, inédite, en termes de droits mis en recouvrement, en matière de fraude fiscale comme de fraude sociale.
L’autre manière de redonner confiance, c’est de s’attaquer à toutes les fraudes. Je veux que l’on arrête de segmenter les fraudes.
M. Jérôme Bascher. Tout à fait !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dans certains cas, on a l’impression qu’il n’y aurait que de la fraude fiscale et, dans d’autres, uniquement de la fraude sociale.
Nous devons nous attaquer à toutes les fraudes, qu’elles soient fiscales, sociales ou douanières. Tel est l’objectif du groupe de travail que j’ai mis en place et qui réunit des représentants de la quasi-totalité des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises ces derniers mois. Nous avons beaucoup travaillé, et je présenterai dans les prochaines semaines un plan complet de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière.
Je précise que je me suis appuyé pour préparer ce plan sur de nombreux travaux sénatoriaux. Je pense à ceux de Nathalie Goulet, du président de la commission des finances Claude Raynal ou du rapporteur général de la commission des finances Jean-François Husson. Un rapport important a été remis ; j’annoncerai notamment un renforcement massif des moyens du Service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), conformément à la proposition que vous aviez faite. Je pense, enfin, aux travaux du sénateur Éric Bocquet sur ce sujet.
Nous nous retrouverons dans les prochaines semaines pour faire preuve ensemble d’une plus grande fermeté et dégager des moyens plus importants pour lutter contre les fraudes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Pierre Louault et Alain Cazabonne applaudissent également.)
montée de l’extrême droite
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Yan Chantrel. Madame la Première ministre, à Strasbourg, dans la nuit du 21 au 22 mars dernier, le planning familial du Bas-Rhin a subi l’attaque d’un groupe d’extrême droite antichoix, venu taguer ses locaux de messages contre le droit à l’avortement.
À Saint-Brévin-les-Pins, le 22 mars, le maire a été victime d’un incendie volontaire perpétré par l’extrême droite intégriste et identitaire, qui s’oppose à l’emménagement du centre d’accueil pour demandeurs d’asile dans sa ville.
À Bordeaux, le 23 mars, des identitaires, qui menacent de mort le maire depuis des mois, ont mis feu à la porte de sa mairie.
M. Stéphane Ravier. Ce n’est pas vrai !
M. Yan Chantrel. À Metz, le 5 avril, le chanteur Bilal Hassani a dû annuler un concert, après avoir reçu des menaces d’un collectif d’extrême droite catholique.
Des groupuscules identitaires, comme Les Remparts à Lyon ou L’Oriflamme à Rennes, multiplient les intimidations et les attaques xénophobes et homophobes.
M. Stéphane Ravier. Vous mentez !
M. Yan Chantrel. Partout, on s’inquiète d’une résurgence des violences d’extrême droite.
Le directeur général de la sécurité intérieure déclarait récemment que ces violences constituent la principale menace à laquelle nous sommes confrontés. Ainsi, sept des dix dernières tentatives d’attentats venaient de l’extrême droite.
Madame la Première ministre, le mandat que les Français vous ont donné au soir du second tour de l’élection présidentielle, c’était d’être un rempart contre l’extrême droite. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Contre tous les extrêmes !
M. Yan Chantrel. Quand allez-vous enfin prendre la mesure de votre échec et lutter de manière implacable contre la montée de l’extrême droite dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. On croit rêver !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Chantrel, je puis vous assurer de la pleine mobilisation du ministère de l’intérieur et des outre-mer, notamment de nos services de renseignement, pour anticiper et détecter la formation des groupuscules, qu’ils soient d’extrême droite ou d’extrême gauche, qui sont à l’origine de troubles à l’ordre public. Le ministère de l’intérieur fait preuve de la plus grande fermeté en la matière.
Je vous rappelle que nous avons dissous une association d’extrême droite, les Zouaves Paris, dont les membres agissaient de manière extrêmement violente en perpétrant un certain nombre de délits à caractère raciste, antisémite, homophobe, etc.
Je rappelle également que les sénateurs socialistes ont déposé un projet de résolution visant à traiter la question des violences d’extrême droite, dont nous aurons l’occasion de débattre.
Enfin, nous disposons, grâce à la loi d’août 2021 confortant le respect des principes de la République, de tous les outils pour lutter le plus efficacement possible contre tous ces séparatismes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.
M. Yan Chantrel. Madame la Première ministre, j’avais espéré que, sur un sujet aussi grave, sur lequel vous avez mandat des Français, vous répondriez vous-même à ma question.
Non seulement votre gouvernement n’est pas un rempart contre l’extrême droite,…
Mme Nadine Bellurot. Et l’extrême gauche ?
M. Yan Chantrel. … mais les provocations de votre ministre de l’intérieur, dignes d’un régime autoritaire, l’alimentent. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous banalisez dangereusement le mot « terrorisme », attaché à une mémoire si douloureuse dans notre pays, pour qualifier des adversaires politiques.
Vous menacez de priver de subvention une association comme la Ligue des droits de l’homme, garante du respect de nos libertés publiques. (Mme la Première ministre fait un signe de dénégation.)
Vous n’êtes pas le rempart contre l’extrême droite, vous êtes sa passerelle vers le pouvoir ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
contamination de l’eau potable par le chlorothalonil
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
Mme Véronique Guillotin. Chlorothalonil R471811 : la France a découvert ce nom la semaine dernière, après la publication d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Lors d’une étude de grande ampleur, l’Anses a trouvé 77 pesticides et résidus dans l’eau traitée. Parmi eux, le chlorothalonil a attiré l’attention des autorités, puisque ses métabolites ont été trouvés dans plus d’un prélèvement sur deux et ont même dépassé la limite de qualité – je précise bien : la limite de qualité – dans plus d’un prélèvement sur trois.
Au total, au moins un tiers de l’eau du robinet et certaines eaux en bouteille seraient non conformes à la réglementation. Et pour cause : les filières de traitement conventionnelles ne parviennent pas à se débarrasser de ce fongicide. Les technologies pour lutter contre ce métabolite sont à la fois coûteuses et énergivores.
Ce fongicide, longtemps utilisé dans de nombreuses cultures, est considéré comme un cancérogène probable depuis 2006. Il est interdit en Europe depuis 2019. Pourtant, alors que l’on sait que certains résidus de pesticides peuvent être présents dans l’environnement plusieurs années après leur interdiction, le chlorothalonil n’avait jamais été recherché dans notre eau potable.
Alors que l’on sait que la molécule provoque des tumeurs rénales chez les souris, les recherches sur la santé humaine demeurent lacunaires. Or celles-ci pourraient justement permettre de rassurer la population, voire, si c’est justifié, d’abaisser le niveau d’exigence sanitaire.
Sur un sujet aussi sensible que l’accès à l’eau potable, dans le contexte de tensions croissantes que nous connaissons sur le partage de la ressource, il nous faut des éléments de réponse précis et des solutions nationales à court et à long terme, sous peine d’aboutir à une fracture de confiance, mais aussi à une fracture territoriale, avec de petits réseaux en zone rurale qui peineraient à investir dans les technologies adaptées.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Surtout, quelles mesures sont envisagées pour évaluer les risques sanitaires et dépolluer nos réseaux d’eau ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Guillotin, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet hier à l’Assemblée nationale.
Je vous remercie de me donner l’occasion de le redire aujourd’hui devant le Sénat : l’eau est notre bien le plus précieux, et le Gouvernement met évidemment tout en œuvre pour en assurer et surveiller la qualité. Il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique. La surveillance de la qualité de l’eau est une préoccupation quotidienne.
C’est bien pour cette raison que, sous l’autorité du ministère de la santé et de la prévention, la direction générale de la santé missionne régulièrement les agences d’expertise françaises pour disposer de connaissances sanitaires sur les pesticides et leurs métabolites. Le but de ces campagnes exploratoires est de disposer des données les plus précises possible pour évaluer les risques sanitaires.
L’Anses, vous l’avez dit, a publié la semaine dernière les principaux résultats de la dernière campagne exploratoire 2020-2022, relative aux polluants émergeant dans l’eau potable. Ce rapport met en évidence une contamination des ressources en eau destinées à la consommation humaine en France métropolitaine par différents métabolites, dont le chlorothalonil, un fongicide interdit en France depuis 2020.
À ce jour, la campagne exploratoire de l’Anses a mis en évidence des concentrations maximales de 2 microgrammes par litre, la valeur sanitaire transitoire permettant de prévenir d’un risque sanitaire est de 3 microgrammes par litre. Les échantillons prélevés ne présentent donc pas de risque sanitaire à ce stade.
Plusieurs responsables de la production et de la distribution d’eau ont déjà intégré le chlorothalonil et ses métabolites dans leurs plans de surveillance. Le programme de contrôle des agences régionales de santé va progressivement intégrer, à partir de 2023, le chlorothalonil et ses métabolites dans le contrôle sanitaire des eaux pour rendre des résultats fiables.
Ces éléments permettent de poursuivre le travail d’amélioration de la qualité des eaux, en particulier dans les zones de captage, et d’adapter et de différencier nos mesures en fonction des spécificités territoriales, comme l’a annoncé le Président de la République lors de la présentation du plan Eau le 30 mars dernier.
Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé. Il suit ce sujet essentiel avec une grande vigilance, car l’eau, c’est la vie, et l’eau de qualité, c’est la santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)