Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
2. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Jérémy Bacchi ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Jérémy Bacchi.
M. Thani Mohamed Soilihi ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer.
situation financière de la france (i)
M. Rémi Féraud ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Rémi Féraud.
M. Jean-Claude Requier ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
moyens alloués à l’industrie pour la transition écologique
M. Daniel Breuiller ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Daniel Breuiller.
violences en marge des manifestations du 1er mai
M. Claude Malhuret ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre.
opération du gouvernement à mayotte
M. François-Noël Buffet ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. François-Noël Buffet.
dégradation de la note de la france par l’agence fitch
M. Stéphane Demilly ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
situation financière de la france (ii)
M. Jean-François Husson ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; M. Jean-François Husson.
fermetures de services d’urgence et déplacement du personnel
Mme Nicole Bonnefoy ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Dominique Estrosi Sassone ; M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
suites du rapport du conseil d’orientation des infrastructures
M. Jean-François Longeot ; M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Philippe Mouiller ; Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées ; M. Philippe Mouiller.
fin du tarif réglementé pour les factures d’énergie
M. Jean-Jacques Michau ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique.
violences en marge des manifestations du 1er mai et autorité de l’état
Mme Muriel Jourda ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; Mme Muriel Jourda.
élection des grands électeurs municipaux aux sénatoriales
Mme Nathalie Goulet ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; Mme Nathalie Goulet.
« gilets jaunes » et colère sociale
Mme Esther Benbassa ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
3. Demande par une commission des prérogatives d’une commission d’enquête
4. Accessibilité et inclusion bancaires. – Adoption d’une proposition de loi modifiée
Discussion générale :
M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi
M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 8 de M. Pascal Savoldelli. – Devenu sans objet.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur
Amendement n° 20 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 11 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 26 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 4 de M. Paul Toussaint Parigi. – Retrait.
Amendement n° 21 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 17 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Rejet.
Amendement n° 25 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 23 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 6 de M. Paul Toussaint Parigi. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié bis de M. Michel Canévet. – Retrait.
Amendement n° 24 de la commission. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Adoption de la proposition de loi, modifié.
Suspension et reprise de la séance
5. Précarité énergétique. – Rejet d’une proposition de loi
Discussion générale :
M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques
Clôture de la discussion générale.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
Rejet, par scrutin public n° 277, de l’article.
Rejet de l’article.
Article 5 – Devenu sans objet.
Tous les articles ayant été rejetés ou étant devenus sans objet, la proposition de loi n’est pas adoptée
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
6. Programme de stabilité et orientation des finances publiques. – Débat organisé à la demande de la commission des finances
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales
M. Gabriel Attal, ministre délégué
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio,
M. Loïc Hervé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres et le respect du temps de parole.
situation à mayotte (i)
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Jérémy Bacchi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Nous ne minimisons pas ce qui se passe à Mayotte depuis quelque temps : les violences, les agressions. Au contraire, la détresse de la population et l’insécurité qui y règnent sont insoutenables, notamment pour les plus faibles.
Pour nous, la seule solution envisageable pour briser cette spirale infernale est républicaine. Pourtant, monsieur le ministre, aujourd’hui, votre réponse est uniquement répressive. Elle n’est pas digne des valeurs républicaines. Détruire des bidonvilles, expulser des sans-papiers, cela ne permettra pas de rétablir la paix. À l’inverse, cela permet à un vice-président du conseil départemental de Mayotte de dire tranquillement sur une chaîne de télévision qu’il faut « peut-être en tuer quelques-uns ». Sur le fond, cet élu s’attaque violemment à nos valeurs républicaines et l’absence de réaction au plus niveau de l’État nous laisse un goût amer.
Monsieur ministre, l’opération Wuambushu que vous avez déclenchée est une atteinte aux droits humains. On attendait de la France une réponse respectueuse du droit et de nos valeurs et non qu’elle se comporte comme un chef de bande. En effet, vous démolissez des bidonvilles où vivent des Comoriens et des Mahorais, parfois de très jeunes, sans leur proposer de solution de logement digne.
Ne pas comprendre que les Comores sont à la fois plusieurs îles avec des statuts différents, mais avec un seul et unique peuple, c’est conduire dans une impasse toute tentative de résolution. D’ailleurs, le droit international est clair sur le sujet : pour l’ONU, cet archipel constitue un même pays.
Des enfants grandissent sans leur famille au nom du droit du sol et se retrouvent à survivre au quotidien. La République doit s’incarner dans ce qu’elle a de meilleur à Mayotte et pas seulement dans sa dimension répressive, alors que les droits les plus essentiels comme l’accès à l’éducation, l’accès à la santé, l’accès à l’alimentation, l’accès à un logement digne ne sont pas assurés.
Monsieur le ministre, la détresse sociale est grande. Quand, en dehors des réponses répressives, allez-vous apporter des réponses sociales à la hauteur des attentes des Mahorais et des Mahoraises ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que tout est scandaleux dans les propos que vous venez de tenir. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Vous venez de vous asseoir sur la Constitution de la République !
Je vous rappelle que c’est le Parlement, sur l’initiative du président Chirac, qui a inscrit Mayotte dans la Constitution.
M. Philippe Bas. C’est vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous venez de dire que Mayotte n’était pas française, mais qu’elle était comorienne,…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
M. Gérald Darmanin, ministre. … c’est-à-dire, que pour un représentant du peuple français dans une enceinte où siègent des représentants de Mayotte, vous partez du principe que la France n’est pas chez elle à Mayotte (M. Jérémy Bacchi fait un signe de dénégation.),…
Mme Laurence Cohen. Oh !
M. Gérald Darmanin, ministre. … alors que les Mahorais, dans les années 1970, par le biais de deux référendums, monsieur le sénateur, et alors même que votre parti participait à d’autres gouvernements des années après, ont choisi librement de rester Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Vous venez de dire que la France se comportait en « chef de bande », quand nous interpellons, au péril de la vie des policiers et des gendarmes, tous les jours et toutes les nuits, des bandes criminelles ! C’est d’ailleurs le premier objectif de l’opération Wuambushu que nous avons lancée à la demande de tous les élus mahorais et même du responsable La France insoumise (LFI) de Mayotte. Ce dernier point mérite tout de même d’être souligné et je peux vous envoyer son communiqué de presse, que vous n’avez manifestement pas eu l’occasion de lire dans votre question d’actualité.
Oui, monsieur le sénateur, ce que le Gouvernement fait ici à Mayotte, c’est ce qu’il aurait dû faire depuis très longtemps : interpeller les bandes, casser la spirale incroyable des bangas, ces habitats illégaux où vivent des enfants, des vieillards, des personnes handicapées, qui n’ont ni eau, ni électricité, ni gaz.
Oui, monsieur le sénateur, l’immigration irrégulière est inacceptable, à Mayotte comme dans tous nos départements, c’est-à-dire dans toute la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour la réplique.
M. Jérémy Bacchi. Monsieur le ministre, je ne dis pas que la France ne doit pas agir. Je dis que les conditions dans lesquelles elle le fait aujourd’hui aggravent la situation. Le visa Balladur en est un parfait exemple : il ne fait qu’aggraver le fossé qui existe entre les différentes îles comoriennes. Il est grand temps de l’abroger ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – MM. Daniel Salmon et Serge Mérillou, ainsi que Mme Esther Benbassa, applaudissent également.)
situation à mayotte (ii)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Monsieur le ministre, depuis quelques jours, l’Hexagone découvre avec effroi les immenses difficultés auxquelles le département de Mayotte est confronté : immigration, gestion de l’eau, assainissement, logements insalubres, etc. La liste est longue !
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Thani Mohamed Soilihi. Les chiffres les plus difficiles à accepter, à mon sens, sont ceux qui touchent notre jeunesse, laquelle représente plus de la moitié de la population. Un système de rotation inédit et inacceptable, lié à un manque crucial d’infrastructures, entraîne 75 % de décrochage scolaire, quand le niveau national est de 10 %.
Les problèmes s’accumulent et s’amplifient depuis des décennies. C’est le cas de l’insécurité, alimentée par la multiplication des gangs et l’immigration illégale et massive.
Cette situation, je le répète avec force ici, est sans égale dans le reste du territoire français.
L’opération Wuambushu, que vous avez eu le courage d’engager, monsieur le ministre, est une réponse forte très attendue par la population.
Elle n’est ni honteuse ni glorieuse. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Elle est nécessaire pour réaffirmer l’autorité de l’État et protéger nos compatriotes de Mayotte. Elle tranche avec l’inertie de ces dernières décennies.
Je veux ici rendre hommage à nos forces de l’ordre, à leur engagement sans faille.
Wuambushu, qui signifie « reprise » en shimaorais, se fixe comme objectif de restaurer le droit à la sécurité. Toutefois, demain, il faudra aussi envisager un Wuambushu de l’éducation, de la santé, de l’aménagement et du logement.
Monsieur le ministre, alors que cette opération vient à peine de débuter, les Mahorais sont inquiets de la suspension des reconduites à la frontière vers les Comores, ainsi que de certaines décisions judiciaires, qui ne sont pas toujours comprises.
Quelles mesures supplémentaires entendez-vous déployer pour que cette promesse de retour à l’ordre républicain soit un succès ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, d’abord, je veux dire que c’est sur votre initiative et celle des élus mahorais que l’État, sous l’autorité de la Première ministre, a décidé d’engager à Mayotte des moyens sans précédent.
Pourquoi ?
D’abord, pour maîtriser la démographie. Le problème de cette magnifique île de Mayotte, qui, vous le savez mieux que personne, avec ce lagon incroyable, pourrait être plus belle encore que ne le sont les îles des Bahamas ou des Seychelles, c’est qu’elle est déstabilisée par une population qui, malheureusement, fait dériver des services publics, quels qu’ils soient, par exemple le service public de la sécurité ou celui de l’éducation. Je rappelle qu’à Mayotte, mais vous le savez, les enfants, quand ils vont à l’école, n’y vont qu’une demi-journée par jour, parce qu’il n’y a pas assez d’établissements scolaires au regard de la démographie croissante.
Le service public de la santé est lui aussi déstabilisé. Ainsi, 80 % des enfants qui naissent à l’hôpital de Mamoudzou ne sont pas nés de Mahorais. Chaque année, 900 parturientes sont accouchées par les sapeurs-pompiers de l’île de Mayotte, ce qui témoigne d’une difficulté sanitaire pour notre pays.
L’île connaît des difficultés sociales de manière générale, du fait de sa démographie.
Avec cette opération, il s’agit d’abord de la reprise de la sécurité. Je l’ai dit, sur les soixante cibles de la police judiciaire, en quinze jours, vingt-deux ont déjà été interpellées et présentées aux services de M. le garde des sceaux, dont nous espérons qu’ils appliqueront les décisions de justice prononcées : entre sept et dix ans de prison ferme pour la plupart des personnes interpellées.
Il s’agit ensuite de la destruction des bangas. Le ministre délégué chargé de la ville et du logement a mis à disposition tous les relogements possibles. Contrairement à ce que j’entends, tous les mineurs, loin d’être reconduits à la frontière, sont évidemment logés et accueillis dans les services de l’enfance. Je remercie le département et la secrétaire d’État chargée de l’enfance.
Oui, nous luttons contre l’immigration irrégulière originaire du Sri Lanka, de Madagascar, de la région des Grands Lacs africains – certes, zones déstabilisées pour une raison ou pour une autre – et, bien évidemment, des Comores, avec lesquelles nous continuons à discuter.
Nous continuerons notre travail et je laisserai, sous l’autorité de la Première ministre, les policiers et les gendarmes autant de temps qu’il le faudra pour que Mayotte se sente comme n’importe quel département français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et UC.)
situation financière de la france (i)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Monsieur le ministre, quelques jours après votre passage en force pour imposer la réforme des retraites (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) et sa promulgation par le Président de la République, même l’agence de notation financière Fitch a sorti sa casserole, en abaissant la note de la France. (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Même si leurs appréciations ont des conséquences, pour notre part, nous ne révérons pas les agences de notation, alors que toute votre action, elle, est faite pour satisfaire leurs exigences. Reconnaissez ainsi que votre politique n’est pas seulement injuste : elle manque aussi d’efficacité et elle crée de l’inquiétude.
Or vos dernières annonces en matière budgétaire ne sont pas rassurantes non plus ! En effet, derrière le flou et les contradictions de votre programme de stabilité se cachent à l’évidence des mesures d’austérité touchant la solidarité et les services publics.
En effet, vous parlez de revue des dépenses, mais vous refusez obstinément toute mesure de justice fiscale.
Votre méthode brutale conduit à une crise sociale et démocratique telle qu’elle inquiète même les marchés financiers. Il vous faut aujourd’hui changer de gouvernance pour redonner une perspective au pays et un espoir aux Français.
Monsieur le ministre, allez-vous vraiment attendre cent jours pour prendre acte de l’impasse dans laquelle est le Gouvernement ? Allez-vous vraiment attendre cent jours pour changer radicalement de méthode et donner à votre action un nouveau cap qui soit plus juste, mais aussi plus clair et plus efficace ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Laurence Cohen brandit un exemplaire de Fugue américaine, dernier ouvrage publié par M. le ministre.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice, je constate que vous lisez de bons auteurs ! (Exclamations amusées.)
Monsieur le sénateur, il y a un peu d’inconséquence dans votre question. Dans le même temps, vous regrettez la décision de l’agence de notation Fitch, dont la Première ministre et moi-même prenons acte, et vous nous dites qu’il ne faudrait pas réduire les dépenses publiques et la dette, mais qu’il faut rétablir les finances publiques de la France.
Nous, nous sommes conséquents.
En 2017 et en 2018, nous avons rétabli les finances publiques de notre pays ; nous sommes revenus sous les 3 % de déficit et sommes sortis de la procédure pour déficit excessif. Ensuite, nous avons eu à faire face à trois crises successives (M. Fabien Gay s’exclame.) : la crise des « gilets jaunes »,…
M. Pascal Savoldelli. C’est la vôtre !
M. Bruno Le Maire, ministre. … la crise de la covid-19 et la crise de l’inflation. À chaque fois, nous avons pris les mesures de protection nécessaires pour éviter les conséquences sur nos compatriotes, sur les salariés, sur l’emploi, sur l’industrie, sur les entreprises de notre pays.
Maintenant que nous sortons de cette période de crise – j’ai bon espoir que nous sortions de la crise inflationniste dans le courant de cet été –, nous revenons à la normale : il est temps de rétablir les finances publiques de la France.
M. Fabien Gay. En vous attaquant aux services publics !
M. Bruno Le Maire, ministre. Avec la Première ministre, le Gouvernement a engagé une revue des dépenses publiques. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Je tiendrai les assises des finances publiques au début du mois de juin prochain pour regarder comment aller plus loin dans la réduction des dépenses et le rétablissement de nos finances publiques. Nous allons accélérer le désendettement de la France.
Nous ne le faisons pas pour quelque agence de notation que ce soit : nous le faisons pour les Français, pour l’indépendance de la France et pour la souveraineté nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vive Fitch, alors !
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.
M. Rémi Féraud. Monsieur le ministre, je n’ai pas lu tous les derniers romans, mais j’ai lu l’appréciation de l’agence Fitch. Elle conteste votre méthode, sans forcément contester vos objectifs.
Moi, je constate que vous risquez d’aggraver encore votre politique et de maîtriser les dépenses publiques en sacrifiant encore davantage la solidarité, les services publics, les investissements d’avenir et, une nouvelle fois, sans prélever sur les plus riches, sur les grandes entreprises, sur les multinationales, leur juste contribution, comme le demandent les Français, après cette période si douloureuse et si injuste.
Voilà ce que j’avais à vous répondre et j’espère que nous pourrons avancer ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
crise de la nuciculture
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Depuis plusieurs mois, la filière noix traverse une crise sans précédent, avec des cours qui s’effondrent.
Les noix partent actuellement – quand elles partent – au prix de 50 centimes à 1 euro le kilogramme, contre près de 3 euros le kilogramme, montant nécessaire pour couvrir les frais de production.
Pourquoi cette crise ?
Cette crise est liée à la conjonction d’une surproduction mondiale et, en France, d’une chute de 30 % de la consommation de noix en magasin, la noix n’étant pas considérée en période d’inflation comme un produit essentiel, malgré ses qualités nutritionnelles reconnues.
L’inquiétude gagne les producteurs, qu’ils soient du Lot, de la Dordogne ou de la Corrèze, avec la noix du Périgord, de la vallée de l’Isère, avec la noix de Grenoble, ou d’ailleurs : problèmes de trésorerie, de stockage et de conservation des noix en frigo pour qu’elles ne rancissent pas.
Que faire ?
Une réflexion est en cours pour déterminer une stratégie globale de commercialisation et de communication de la filière noix française sur plusieurs années.
Dans le Lot, un travail a débuté avec la Mutualité sociale agricole (MSA), la chambre d’agriculture et la direction départementale des territoires (DDT) pour un ciblage du fonds d’action sanitaire et sociale (Fass), avec une prise en charge des cotisations sociales pour les exploitations en grande difficulté, mais cela ne sera pas suffisant.
En attendant, la profession demande le déblocage d’un fonds d’urgence géré localement, au plus près des besoins, pour répondre à la crise. Il faudrait également envisager un retrait du marché des noix de qualité moyenne et une campagne d’arrachage.
Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour venir en aide à cette filière qui pèse lourd dans l’économie de nombreux départements ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question sur une filière qui vit une situation assez paradoxale, puisqu’elle connaît plutôt une crise de croissance. En effet, la demande mondiale est croissante, du fait d’ailleurs de ce que l’on appelle le phénomène du snacking, et, en dix ans, les surfaces ont augmenté de plus de 50 %. Ce à quoi nous assistons, c’est une crise de croissance dans un contexte de surproduction, de conditions climatiques et de conditions de marché qui favorisent une telle situation.
Je rappelle que la France est le premier exportateur européen et le quatrième exportateur mondial. C’est bien là-dessus qu’il faut travailler pour conforter notre souveraineté sur la filière des noix.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les réponses que l’on peut apporter et vous en avez cité un certain nombre.
La première réponse, c’est un travail que nous devons mener à l’intérieur de nos frontières en matière de communication, y compris avec la grande distribution, pour mieux valoriser la noix et faire en sorte de déstocker ce que l’on a en trop cette année.
La deuxième réponse, c’est un travail que nous devons mener à l’extérieur de nos frontières, européennes et extra-européennes, pour valoriser notre production – monsieur le sénateur, vous avez indiqué les atouts qui sont les nôtres en termes de qualité –, pour faire en sorte de développer le marché.
Par ailleurs, nous avons des outils de régulation. J’ai invité les acteurs de la filière que j’ai rencontrés il y a un peu plus d’un mois à se saisir des programmes opérationnels, qu’ils peuvent intégrer à leur demande. Cela permet d’inclure des mesures de retrait, donc des mesures de régulation de marché. C’est là un élément important, me semble-t-il. Je les recontacterai pour les inciter à se rapprocher de FranceAgriMer.
Nous devons également travailler à moyen et long termes avec la filière et avec les producteurs de fruits et légumes pour trouver des moyens de stabiliser le marché alors même que les surfaces continuent à augmenter. Cela fait partie des éléments de communication.
La troisième réponse, c’est le travail que nous menons dans le cadre du plan de souveraineté fruits et légumes. La filière fait partie de cette grande famille des fruits et légumes, même s’il s’agit plutôt des fruits à coques, pourrait-on dire. Nous allons travailler avec ces acteurs à la fois sur les questions phytosanitaires – comment réduire la production tout en gardant de la compétitivité – et sur la façon d’ouvrir de nouveaux marchés.
Communication, outils de régulation sur les stocks, vocation exportatrice qu’il faut conforter, d’une part, plan de souveraineté fruits et légumes, d’autre part : tels sont les axes sur lesquels nous devons travailler.
moyens alloués à l’industrie pour la transition écologique
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, l’eau est un bien commun et sa gestion durable est une nécessité vitale. Aujourd’hui, les sécheresses sont redoutables et de plus en plus brutales. Le dérèglement climatique s’accélère et notre adaptation n’est pas à la hauteur, parce qu’elle n’intègre pas suffisamment l’articulation entre les interventions d’urgence nécessaires et les interventions structurelles, qui sont, elles, indispensables.
C’est pourquoi je m’adresse à vous, monsieur le ministre Bruno Le Maire.
Depuis plusieurs jours, le maire de la ville de Grigny, dans l’Essonne, discute avec l’usine locale de Coca-Cola pour que l’entreprise arrête de puiser de l’eau dans la nappe phréatique. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
En Isère, ST Microelectronics, qui a bénéficié de 2,3 milliards d’euros d’argent public, va consommer près de 29 000 mètres cubes par jour, l’équivalent de la consommation d’une ville de 100 000 habitants.
En Bretagne, l’installation de l’usine Bridor fait l’objet de contestations par sa consommation de terres agricoles et le manque de ressource en eau. (Mme Françoise Gatel s’exclame.)
Pour chacun de ces exemples, des solutions de réutilisation et de recyclage de l’eau existent. Les procédés sont coûteux : sans volonté et exigence politiques, sans conditionnalité des aides, la gestion de l’eau passera toujours au second plan.
Monsieur le ministre, vous supprimez la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et renforcez les aides fiscales, mais quelles contreparties exigez-vous pour que les projets de réindustrialisation soient économes en eau et en ressources naturelles ?
Monsieur le ministre, nous soutenons la réindustrialisation utile de notre pays, car on peut être écologiste et pour l’industrie. Mais peut-on être libéral et soucieux de l’écologie ?
Combien de milliards d’euros consacrez-vous à l’exigence d’une réindustrialisation compatible avec le dérèglement climatique ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, puisque vous avez vous-même expliqué que l’on pouvait être écologiste et en faveur de la réindustrialisation, je vous prends au mot et je vous réponds.
Pendant trop d’années – et ce n’est pas une critique à l’encontre de qui que ce soit, parce qu’elle pourrait malheureusement concerner beaucoup au cours de ces dernières décennies –, on a fait de l’écologie grâce à la désindustrialisation. En d’autres termes, on a baissé nos émissions puisqu’on a fermé des usines. Dans le même temps, pourtant, au moment où l’on diminuait nos émissions nationales, on augmentait notre empreinte, puisque l’on devait importer des produits venant de l’extérieur.
Par conséquent, considérer que la réindustrialisation permet de retrouver des circuits courts et s’inscrire dans cette logique est non seulement souhaitable, mais c’est exactement le chemin que nous devons suivre. Ce sera d’ailleurs au cœur du projet de loi Industrie verte qui sera présenté par Bruno Le Maire, en lien avec le ministère de la transition écologique.
Cette réindustrialisation appelle des défis au rang desquels se trouvent la gestion des ressources naturelles, le foncier disponible, la formation – pour orienter les hommes et les femmes dans ce secteur – et, bien entendu, la question de l’eau.
Pour l’eau, la trajectoire globale est simple : c’est celle de la sobriété. Quels que soient les usages, ce que disent les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), c’est que l’eau dont nous disposons sera moins importante, puisque l’augmentation des températures augmentera l’évapotranspiration, et que, parallèlement, la végétation en absorbera une part plus élevée. C’est exactement ce qui explique que, au-delà de cette trajectoire de sobriété, nous devons optimiser les usages.
Dans ce cadre d’optimisation des usages, vous citez Grigny et l’usine Coca-Cola, laquelle pompe dans la nappe phréatique. Aujourd’hui, il existe des alternatives technologiques permettant, avec des procédés de réutilisation ou avec des dispositifs présents sur place, d’éviter de telles pratiques.
Monsieur le sénateur, je ne peux pas croire que vous ayez terminé votre intervention en disant que vous étiez favorable à la réindustrialisation et que, dans le même temps, confronté à la réalité de certains projets permettant de créer des emplois de proximité et d’éviter une empreinte carbone désastreuse, vous vous abritiez derrière les difficultés, alors que des chemins sont à créer pour rendre possible la réindustrialisation verte de notre pays. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour la réplique.
M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, en l’absence de réponse du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, je vous indique que nous prônons depuis longtemps la relocalisation, car elle est une condition de cette indispensable transition écologique.
Pour autant, l’industrie ne doit pas seulement être décarbonée, comme vous le revendiquez : elle doit être réellement verte, c’est-à-dire socialement utile, soutenable et économe en eau. Les arbitrages sur les prélèvements d’eau doivent être transparents, décidés démocratiquement, en exigeant qu’ils soient modérés pour préserver les milieux. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
violences en marge des manifestations du 1er mai
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Claude Malhuret. Après l’incendie des cars de gendarmerie il y a un mois à Sainte-Soline, le 1er mai, à Paris, ce sont les policiers eux-mêmes qui ont été transformés en torches vivantes. Semaine après semaine, l’ultragauche et les Black Blocs programment l’escalade, avec l’insurrection pour objectif.
Balayée la réforme des retraites, le guide suprême de la France soumise à Poutine, vêtu d’un manteau de cuir qui aurait fait fureur dans les années 1930 (Sourires sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.), nous a expliqué lundi, avec les gestes de la main et du menton en vogue à l’époque, qu’il fallait « mettre à bas la mauvaise République ».
Ce n’est pas un énième dérapage verbal.
Hier, à l’Assemblée nationale, l’un de ses sous-fifres s’est chargé de l’exégèse lors des questions d’actualité au Gouvernement. Il commence en s’adressant à vous, madame la Première ministre : « Policiers brûlés, les coupables, c’est vous ! » Il continue : « La Ve République permet d’agir sans le peuple et, contre lui, elle n’est plus légitime. À bas Macron et la mauvaise République. Vive la Constituante et la VIe République. Le 14 juillet, vous aurez votre prise de la Bastille. »
Cette névrose obsessionnelle de se croire chaque jour le 13 juillet 1789, comme d’autres se prennent pour Napoléon, pourrait sembler ne mériter qu’une consultation à Sainte-Anne. (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.) Méfions-nous, pourtant : les émeutes et parfois même les insurrections ont souvent été déclenchées par des dingues, et je conseille à ceux qui ne l’ont pas encore fait de se documenter sur la VIe République que nous propose la France irrécupérable. La Ve serait vite regrettée comme un modèle de démocratie.
Cette tenaille entre les violences dans la rue et la « zadisation » de l’Assemblée nationale, qui dure depuis des mois, est en train peu à peu de saper la confiance des Français dans leurs institutions et de dissoudre lentement le respect pour l’ordre républicain.
Dans ce contexte, je veux rendre hommage au jeune policier de 27 ans brûlé avant-hier et toujours hospitalisé, mais aussi aux 405 membres des forces de l’ordre blessés ce jour-là et aux 1 083 blessés depuis le début de l’année en accomplissant leur mission. Ma question est la suivante : comment adapter notre arsenal juridique pour mieux protéger nos forces de l’ordre face aux voyous organisés parasitant désormais toutes les manifestations avec pour seul but de casser du flic ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Claude Malhuret, lundi, à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, de nombreuses manifestations ont eu lieu dans notre pays. Dans la très grande majorité des villes, grâce à la responsabilité des organisations syndicales et à l’engagement des préfets et des forces de l’ordre, les cortèges ont pu défiler sans heurts et les idées s’exprimer pacifiquement.
Malheureusement, vous l’avez souligné, monsieur le président, une fois de plus, dans plusieurs villes comme Paris, Lyon, Nantes ou Rennes, des casseurs décidés à en découdre avec les forces de l’ordre se sont infiltrés dans les cortèges et ont provoqué des violences parfois très graves.
En disant ces mots, je pense aux commerçants, aux élus, aux habitants, qui ont découvert hier matin les lourds dégâts sur leurs vitrines, leur mobilier urbain ou leurs voitures.
Je pense aux manifestants que ces casseurs mettent en danger sans hésiter.
Je pense aux parlementaires dont les domiciles ont été visés, aux militants dont certains ont été pris à partie.
Je pense enfin, et bien sûr, à nos forces de l’ordre attaquées dans plusieurs villes dans un déchaînement de violence. Plus de 400 policiers et gendarmes ont été blessés lundi dernier, certains gravement. La France entière a été choquée par les images du policier grièvement blessé par un cocktail Molotov.
Je veux dire aux policiers et aux gendarmes ma solidarité et mon soutien, celui de mon gouvernement et, je n’en doute pas, celui de tous les élus dans cet hémicycle. Je le répète devant vous : les auteurs de ces exactions doivent être identifiés et traduits en justice.
Aujourd’hui, certains continuent à mettre en cause les forces de l’ordre, à excuser les casseurs, à occulter les violences. C’est l’honneur de nos policiers et de nos gendarmes de protéger la liberté d’expression, la liberté de manifester. Nous sommes et nous resterons à leurs côtés. Toutes les mesures susceptibles de renforcer leur protection dans le respect des libertés publiques seront étudiées.
Monsieur le président, vous évoquez également les nouvelles outrances du leader de La France insoumise. Celles-ci s’inscrivent dans une remise en cause permanente de nos institutions. Elles sont une nouvelle étape pour saper la confiance de nos concitoyens dans notre démocratie. « À bas la mauvaise République », dit-il. Chacun le sait bien, pour Jean-Luc Mélenchon, la seule bonne République, c’est lui. Pour notre part, nous sommes et nous resterons du côté de la République et de l’ordre républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
opération du gouvernement à mayotte
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. François-Noël Buffet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Monsieur le ministre, vous menez depuis quelques jours à Mayotte une opération d’envergure de lutte contre l’immigration irrégulière. C’est un territoire un peu particulier, comme l’a rappelé notre collègue Thani Mohamed Soilihi. En effet, 50 % de la population est étrangère, et 50 % de cette population étrangère est en situation irrégulière.
Depuis de nombreuses années, nous constatons une augmentation du nombre des actes de violence de toute nature. Dans votre opération, vous vous heurtez à la non-réadmission d’une partie des personnes en situation irrégulière à Anjouan.
Où en êtes-vous dans la négociation d’accords de réadmission par les Comores des personnes que nous tentons d’expulser de Mayotte ? Sans les fameux laissez-passer consulaires, devenus beaucoup trop célèbres, l’opération sera en difficulté. Nous avons besoin de comprendre et de connaître l’état de la situation et des discussions avec les dirigeants des Comores. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Buffet, Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères aurait tout à fait pu répondre à cette question.
Je tiens à vous rassurer : nous avons avec les Comores une coopération efficace depuis quatre ans. Par exemple, l’an dernier, nous avons effectué 25 000 reconduites à la frontière, et 100 % des personnes comoriennes condamnées par la justice française ont été renvoyées aux Comores. Vous qui connaissez très bien ces questions, avouez que nous aimerions obtenir les mêmes résultats avec d’autres pays !
Vous connaissez la revendication historique des Comores, rappelée par votre collègue communiste : « récupérer » l’île de Mayotte. Compte tenu des circonstances, électorales actuelles aux Comores, il n’y a plus d’échanges depuis cinq jours – officiellement, c’est pour des raisons techniques… – entre Mayotte et ces dernières, s’agissant non seulement des étrangers en situation irrégulière via les laissez-passer consulaires, mais même de personnes voyageant en situation régulière. Plus précisément, la situation concerne particulièrement les trajets vers Mayotte depuis Anjouan, qui n’a pas toujours la même position que Moroni…
Nous utilisons tous les moyens diplomatiques pour renouer le contact. J’ai eu moi-même trois fois au téléphone le ministre de l’intérieur comorien cette semaine. Je l’ai invité à venir me voir à Paris pour reprendre la coopération. Il a accepté cette invitation. Je le recevrai dans quelques jours.
Si nous continuons à effectuer 25 000 reconduites à la frontière chaque année, nous atteindrons notre objectif de lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte. Vous le savez, le problème n’est pas tant la reconduite aux frontières que l’arrivée des kwassa-kwassa. Mais la mobilisation de la Légion étrangère, des policiers, des gendarmes – il y a 1 500 policiers et gendarmes à Mayotte en ce moment – empêche quasiment toute arrivée de kwassa-kwassa. Nous sommes donc en passe de parvenir à limiter fortement l’immigration irrégulière à Mayotte.
J’en profite pour dire qu’il faut aussi changer le droit à Mayotte. Nous avons formulé des propositions. Nous en parlerons peut-être à l’occasion de l’examen d’un texte sur l’immigration que nous espérons bientôt soumettre au Parlement, mais aussi du débat constitutionnel que nous aurons demain et après-demain à la demande du Président de la République.
J’ai déjà dit que j’étais favorable à la modification du droit du sol à Mayotte pour limiter l’appel d’air sur le territoire mahorais… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.
M. François-Noël Buffet. Nous attendons avec impatience le projet de loi sur l’immigration pour essayer d’apporter une réponse effective. Pour l’instant, comme sœur Anne, nous ne voyons rien venir… (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Peut-être finira-t-il par être déposé. Dans ce cas, nous y consacrerons le temps qu’il faudra.
M. François-Noël Buffet. Je suis convaincu qu’il faudra maintenir dans ce texte l’idée qu’il ne peut pas y avoir de visas s’il n’y a pas de laissez-passer consulaires. Tant que nous ne mettrons pas en place un rapport de force puissant avec les pays sources, nous aurons beaucoup de mal et la situation risquera de perdurer.
Mais il faut aussi donner un avenir à Mayotte, avec un projet économique et un investissement de long terme, qui sera seul garant, à terme, d’une vie normale pour nos concitoyens mahorais. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
dégradation de la note de la france par l’agence fitch
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, vendredi dernier, l’agence de notation Fitch a dégradé la note de crédit de la France, en la faisant passer de AA à AA–.
Pour justifier sa décision, l’agence évoque notamment « des déficits budgétaires importants et des progrès modestes » dans la réduction de ces déséquilibres, après trois ans d’abondantes dépenses publiques destinées à amortir le choc de la covid-19 et de l’inflation.
La principale activité de Fitch, comme des deux autres agences de notation très connues, Standard & Poor’s (S&P) et Moody’s, consiste à évaluer la capacité des États à rembourser leur dette en leur attribuant une note matérialisée par des lettres.
La meilleure note est AAA, pour un crédit de qualité optimale ; c’est ce que nous avions avant 2012. La pire est C ou D, pour un pays qui s’approche du défaut de paiement.
La note de la France a donc été dégradée d’un cran vendredi dernier. Cette décision, comme l’a constaté l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), va à contre-courant du signal envoyé aux marchés par le Gouvernement avec l’adoption de la réforme des retraites, censée attester d’une volonté de maîtrise des équilibres budgétaires à long terme.
Mais, avec cette note, la réalité est aujourd’hui tout autre. Si notre pays perd de sa crédibilité sur sa capacité à rembourser sa dette, nous risquons d’être amenés à emprunter plus cher sur les marchés et donc à payer plus d’intérêts.
Cela grèvera les finances publiques et nos marges de manœuvre budgétaires, qui – nous le savons – sont déjà très contraintes. Rappelons que la charge de la dette publique est passée en quelques mois de 37 milliards d’euros à 50 milliards d’euros.
Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour que nous retrouvions sur les places financières internationales un label de confiance et de crédibilité rassurant pour nos prêteurs ? En d’autres termes, comment comptez-vous enrayer cette dégradation de la notation de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Demilly, je connais votre attachement à la bonne tenue des comptes publics, et je sais pouvoir compter sur vous pour adopter dans quelques semaines la loi de programmation des finances publiques, qui nous permettra de fixer le cadre de leur rétablissement… (Exclamations amusées sur les travées du groupe UC.)
La France n’a pas de difficulté à lever de la dette sur les marchés. Deux agences se sont prononcées. Si Fitch a dégradé notre note, Moody’s n’a pas jugé bon de modifier la notation de la France. Nous attendons la troisième décision, qui sera celle de l’agence Standard & Poor’s, au début du mois de juin.
Je constate également que, sur les marchés, le spread avec l’Allemagne a peu évolué, passant de 50 à 59 points de base, preuve d’une véritable solidité de la France lorsqu’elle émet de la dette. Je rappelle que, pour l’Italie, ce spread est de plus de 180 points de base. Gardons donc notre sang-froid sur la crédibilité de la dette et de la signature française.
Je vous rejoins à 1 000 % : nous devons évidemment avoir une stratégie cohérente, stable, déterminée de rétablissement des finances publiques. Cela passe par trois décisions immédiates.
Premier rendez-vous, la revue des dépenses publiques. Elle a été engagée par la Première ministre et elle aura lieu – je tiens à le dire – non pas seulement en 2023, mais toutes les années à partir de 2023. Chacune des dépenses publiques sera examinée pour vérifier qu’elle produit véritablement le service que nos compatriotes sont en droit d’attendre.
Deuxième rendez-vous, les assises des finances publiques, pour nous engager sur la trajectoire que j’ai indiquée.
Troisième rendez-vous, la loi de programmation des finances publiques, qui gravera dans le marbre la trajectoire financière de la France et l’accélération du désendettement. Le programme de stabilité prévoit quatre points de désendettement supplémentaires par rapport à ce que nous avions envisagé.
J’aimerais simplement que tous ceux qui, ici, croient en la nécessité d’avoir des finances publiques bien tenues nous rejoignent dans cette détermination à accélérer le désendettement de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation financière de la france (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, dans une France malheureusement en proie à des tensions sociales persistantes, la récente dégradation de la note de la France, qui devient AA–, décidée par une agence de notation, confirme, s’il en était besoin, nos inquiétudes sur notre incapacité à réduire notre endettement, qui atteint des sommets.
On pourrait évidemment espérer bénéficier d’une croissance soutenue. Mais les prévisions fournies par les économistes pour la période 2023-2027 sont bien moins favorables que celle du Gouvernement.
Cet écart aura nécessairement des effets sur l’évolution des recettes publiques et, par suite, sur les déficits. Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer que ce camouflet financier – ou à tout le moins cette alerte – adressé au Gouvernement ne vous inspire pas d’inquiétude particulière et que nos comptes publics ne dérivent pas dangereusement ? Quelles conséquences en tirez-vous sur l’évolution des conditions de financement de la France et sur la charge de la dette ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Husson, je connais votre engagement s’agissant des finances publiques. Je suis là pour être non pas inquiet, mais déterminé dans le rétablissement des finances publiques, grâce à des décisions très structurantes, dont certaines ont d’ailleurs été votées par votre groupe, qui a fait preuve d’esprit de responsabilité.
Les premières décisions structurantes ont été la réforme de l’assurance chômage et celle des retraites, que vous avez votée. Je rappelle que, contrairement à ce que j’entends trop souvent dire, l’agence Fitch en a salué l’efficacité quant au rétablissement des finances publiques.
La deuxième série de décisions très concrètes comprendra la sortie du bouclier tarifaire, la fin du gel sur les prix du gaz, ceux-ci étant revenus à la normale, et la sortie progressive du plafonnement sur les prix de l’électricité. Nous voulons que, d’ici à la fin de 2024 ou au début de 2025, nous soyons sortis définitivement et totalement des boucliers tarifaires. Ceux-ci étaient utiles pour protéger nos compatriotes quand c’était nécessaire, mais ils ne le sont plus dès lors que les prix sont de nouveau orientés à la baisse. J’espère que vous nous soutiendrez aussi dans cette décision.
Enfin, la loi de programmation des finances publiques arrive. J’en ai parlé à plusieurs reprises avec le président de votre groupe. Je reste ouvert à toute amélioration qui permettra son adoption, afin de graver dans le marbre nos engagements.
Pourquoi est-ce important ? Non pas pour faire plaisir aux agences de notation ! Mais pour, je le répète, rétablir totalement et pleinement notre indépendance et notre souveraineté financières. En période d’augmentation des taux d’intérêt, laisser filer la dette, comme le proposent certains, c’est jeter l’argent par les fenêtres : un point de taux d’intérêt supplémentaire, ce sera, à l’horizon 2027, 15 milliards d’euros de charges supplémentaires sur la dette. C’est plus que le budget du ministère de la justice ! Je pense que M. le garde des sceaux et tous nos compatriotes préfèrent que l’on dépense de l’argent pour les policiers, pour la sécurité, pour les gendarmes, pour la justice, pour l’école, pour l’hôpital, pour les services publics, plutôt que pour le service de la dette.
C’est pour cela que vous pouvez compter, monsieur le sénateur, sur ma détermination totale à rétablir les finances publiques et à accélérer le désendettement. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Vous vous dites déterminé, monsieur le ministre ? Si j’en juge par les six années passées et par le résultat qu’on observe aujourd’hui, je constate que vous avez singulièrement manqué de détermination.
Autre élément inquiétant, les chiffres figurant dans le programme de stabilité que nous allons examiner ce soir montrent que les dépenses ont augmenté de 30 milliards d’euros par rapport à la loi de programmation que nous avons votée à la fin de l’année dernière. Encore une dérive !
Oui, monsieur le ministre, nous sommes déterminés, mais pour un temps de vérité, pas pour du camouflage ! Vous nous demandez de travailler sur la loi de programmation des finances publiques. Mais alors, pourquoi avez-vous continué à dépenser de l’argent que nous n’avons pas et qu’il faut aller emprunter, alors que nous vous avions proposé au mois de décembre des pistes d’économies que vous avez balayées d’un revers demain ? C’est regrettable. Je le redis, monsieur le ministre : il faut vraiment se mettre au travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
fermetures de services d’urgence et déplacement du personnel
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, on ne compte plus les fermetures temporaires de services d’urgence ou hospitaliers aux quatre coins du pays.
Le Sénat, par sa connaissance du quotidien de nos compatriotes, vous interpelle depuis des mois, voire des années, sur la désertification médicale à l’œuvre, qui se déporte à présent vers l’hôpital et les urgences.
Je vous interrogeais moi-même encore récemment sur le risque de fermeture du centre hospitalier de Ruffec ou de celui de Confolens, dans mon département, en Charente. C’est ainsi, en cascade, qu’arrivent les nouvelles fermetures de services que, par euphémisme, vous appelez « suspensions temporaires ».
Pas un territoire, notamment dans les zones rurales, n’est épargné par l’avalanche de défections de médecins, épuisés par la charge de travail, de nuit comme de jour. Des maternités ferment en pagaille, par manque de médecins, ce qui met en danger la vie des femmes.
Monsieur le ministre, je vous prie d’écouter les territoires. Attention à ne pas considérer un service fermé comme un service désengorgé ! À ce stade, la promesse d’Emmanuel Macron d’améliorer l’offre de soins d’ici à la fin de l’année est un mirage.
Vous devez ce mercredi faire un premier bilan des travaux du Conseil national de la refondation (CNR) sur la santé. Nous avons eu ce matin sur France Inter un aperçu peu convaincant de votre boîte à outils.
La situation n’est pas acceptable : vous le savez. Les Français, comme les élus locaux ont besoin de clarté sur les données du ministère en matière de fermetures. Le recours massif au 15 est-il l’alpha et l’oméga de vos moyens d’action ? L’urgence des urgences, c’est l’accès à la santé, et non les retraites. Où sont vos propositions de régulation de l’accès aux soins ? Où est votre vision de moyen terme pour assurer la continuité du service public de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Bonnefoy, le vrai mirage serait surtout, de faire croire aux Français que nous pourrons demain avoir 5 000 ou 10 000 médecins de plus. Ce n’est pas possible, et il faut le dire. C’est donc notre organisation globale qui doit être repensée.
Dans cette réorganisation, nous sommes en train tous ensemble de gagner le combat contre les dérives de l’intérim médical. Quand je dis « nous », je parle du Gouvernement, sous l’autorité de la Première ministre, des professionnels de santé et des élus, qui, territoire par territoire, nous permettent de gagner ce combat indispensable pour la survie de notre hôpital public. La dérive de l’intérim médical entraînait en effet la fuite des médecins hospitaliers de l’hôpital public.
Quelles solutions ont été mises en place ? Dans la Charente, pour l’hôpital de Confolens, qui a su rouvrir, en quelque sorte, son service des urgences, la solidarité territoriale a été portée par les agences régionales de santé (ARS), pour trouver une possibilité de travailler de façon plus intelligente à l’échelle d’un territoire, afin que les parcours de soins ne soient pas rompus et que la sécurité et la qualité des soins continuent à être garanties pour tous nos concitoyens.
D’une façon plus structurelle, nous souhaitons répondre à l’engagement du Président de la République sur les services d’urgence. Bien sûr, un service d’urgences fermé n’est pas un service d’urgences désengorgé. Cela semble une évidence. Mais nous avons les outils pour aboutir à ce désengorgement.
Cela passera d’abord par une meilleure gestion de l’amont. Le sas dont vous parlez est une des solutions. L’été dernier, pour la première fois, grâce à la mise en application du numéro 15, en demandant à nos concitoyens d’appeler le Samu, nous avons fait diminuer la fréquentation de nos services d’urgence, d’une manière pérenne.
Il y a également d’autres solutions, en aval des urgences, qui passent par une meilleure gestion des lits à l’échelle territoriale, avec le public et avec le privé. Enfin, la réorganisation de nos services peut les rendre plus fluides. Ce que vous qualifiez de « mirage » est loin d’être inatteignable. Nous atteindrons l’objectif, territoire par territoire, tous ensemble. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le ministre, j’ai le regret de vous dire que, avec le Gouvernement, vous gérez la crise de l’hôpital à la petite semaine, sans vision d’ensemble, sans mesurer les conséquences de vos propres lois, comme celle sur l’intérim. (Mme la Première ministre le conteste.) Vous éradiquez la médecine de proximité et vous condamnez des territoires entiers à la rupture de soins. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
pouvoir d’achat et logement
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Les titres de presse se sont multipliés ces derniers jours pour parler de « bombe sociale » et de « catastrophe ». Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour alerter sur les dangers de la crise actuelle du logement, qui cause une fatigue quotidienne à toutes les personnes obligées d’habiter loin de leur lieu de travail, crée une angoisse pour celles qui arrivent à la fin de leur vie active sans possibilité d’acheter un toit et provoque la colère de ceux qui savent qu’ils ne peuvent pas habiter dans leur région, près de leur famille, victimes de prix dissuasifs.
Le tableau est éloquent : 100 000 mal-logés supplémentaires, 10 % de personnes à la rue en plus, 100 000 demandeurs de logements sociaux de plus que l’année dernière, hausse des taux d’intérêt, constructions neuves en berne, gigantesque chantier de la rénovation énergétique, marché de la location grippé, parcours résidentiels bloqués… Tous les voyants sont au rouge. Votre gouvernement était, jusqu’à tout récemment, dans un déni total, voire, pire encore, aux abonnés absents.
Madame la Première ministre, pourquoi avoir autant négligé la politique du logement, qui est au cœur de la vie quotidienne de tous les Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice Dominique Estrosi Sassone, évidemment que le logement est une priorité de ce gouvernement ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous y travaillons depuis de nombreux mois, et c’est une priorité du Président de la République depuis 2017.
Le plan Logement d’abord, qui a permis à 440 000 familles de quitter la rue pour obtenir un toit, a fonctionné. Le lancement de MaPrimeRénov’, malgré des difficultés que je ne nie pas, fonctionne également, puisque plus de 1,5 million de chantiers ont été menés à bien.
Oui, il y a une crise du logement. Nous ne l’avons pas découverte au détour d’articles de presse. Nous y travaillons depuis plusieurs mois, et j’ai moi-même parlé de « bombe sociale » dès novembre dernier.
Cette crise, nous la pressentions. Elle est le fait non pas du précédent gouvernement, mais d’une politique du logement insuffisante depuis de nombreuses années. Nous allons y répondre, comme Mme la Première ministre l’a annoncé dans sa feuille de route, avec un certain nombre d’initiatives immédiates.
Une action d’acquisition de logement sera menée avec la Caisse des dépôts, comme cela avait déjà été fait à la fin de la crise covid, pour relancer un certain nombre de projets qui sont actuellement bloqués.
Notre priorité est de loger tous les Français de manière digne et abordable. Aider la promotion immobilière, c’est aider toute la filière de l’habitat, privé et social.
Nous travaillons avec le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et avec les banques pour faciliter l’accès au crédit. Avec l’augmentation des taux, vous le savez, l’accès au crédit est devenu difficile. J’y travaille donc d’arrache-pied avec Christophe Béchu et Bruno Le Maire.
Enfin, comme la Première ministre l’a annoncé, nous travaillons au maintien du prêt à taux zéro, qui permet à nos concitoyens d’accéder au logement en leur procurant un apport personnel.
Les conclusions du CNR du logement seront présentées le 9 mai, et nous continuerons à travailler tous ensemble à l’union sacrée du logement. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, vous avez dressé une fois de plus un constat, que vous abordez avec quelques mesures conjoncturelles figurant dans la feuille de route des cent jours de Mme la Première ministre. On y parle simplement de faciliter l’accès au logement et de favoriser le mieux-vivre.
Mais nous avons besoin, au-delà des réformes et des problèmes conjoncturels, d’apporter des remèdes à des problèmes structurels. Il faut une véritable remise à plat de la politique du logement, ainsi qu’un inventaire de la réglementation. C’est du bon sens, mais aussi de l’urgence. En effet, derrière cette crise du logement se profile une crise sociale, et une crise sociétale, hautement inflammable dans un pays déjà à fleur de peau. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
suites du rapport du conseil d’orientation des infrastructures
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports. J’y associe mon excellent collègue Philippe Tabarot. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) a remis son rapport à la Première ministre voilà plus de deux mois. Les principales annonces du Gouvernement sont conformes à ce que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable préconisait : un effort massif sur le ferroviaire – 100 milliards d’euros à l’horizon 2040, dont la moitié pour le réseau –, le lancement des contrats de plan État-région (CPER), très attendu par les élus, et un mandat donné à la Société du Grand Paris pour instruire les projets de RER métropolitains.
L’annonce de ce plan suscite néanmoins plusieurs interrogations.
La régénération du réseau est effectivement urgente. L’âge moyen de ce dernier est de 30 ans en France, contre 17 ans chez nos voisins allemands. Il nous faudra donc, dans les prochaines années, stabiliser l’âge moyen de notre réseau, avant de le faire baisser, par une augmentation des opérations de régénération.
La décarbonation des transports nécessitera un report modal massif de véhicules individuels vers le train. La stratégie annoncée par le Président de la République consistant à développer des réseaux de RER métropolitains est la bonne. Ces derniers permettront, à l’échelle du pays, de supprimer des millions de trajets en voiture et d’offrir aux habitants des grandes métropoles des réseaux de transport en commun performants qui ne seront plus l’apanage de la seule région parisienne.
À titre personnel, je me réjouis du mandat donné à la Société du Grand Paris d’instruire les projets de RER métropolitains. En combinant son expertise avec celle de SNCF Réseau, la France a tous les atouts permettant de mener à bien cette grande entreprise.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser la position du Gouvernement sur ce texte et faire part à la représentation nationale des projets du Gouvernement en matière de RER, ainsi que de l’avancement de ceux-ci ?
Plus largement, je souhaite vous interroger sur les modalités de financement du COI. Quelles sont les méthodes de financements envisagées par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Longeot, le 10 mars dernier, la Première ministre a effectivement présenté un ambitieux plan d’avenir pour les transports, qui doit beaucoup aux travaux de votre commission et aux priorités qu’elle a énoncées, ainsi qu’à ceux de votre excellent collègue Philippe Tabarot au sein du COI. Nous aurons l’occasion de discuter de ces budgets, mais je veux vous apporter quelques orientations, en réponse aux questions que vous soulevez.
D’abord, comme je l’ai indiqué dans cet hémicycle à plusieurs reprises, nous donnons la priorité au réseau ferroviaire, qui, malgré les réinvestissements récents, est bien plus vieux que ceux de nos voisins allemands et de nos principaux voisins européens. Comme l’a annoncé la Première ministre, nous allons augmenter de 50 %, d’ici à la fin de la législature, les crédits annuels investis dans le réseau ferroviaire français. Cela n’a jamais été fait, mais c’est la condition pour restaurer un certain nombre de lignes, parfois sinistrées ou délaissées, qui traversent notre territoire : Bordeaux-Marseille, Paris-Limoges, Paris-Clermont-Ferrand…
Nous donnons aussi la priorité au service express métropolitain. Je rappelle qu’il ne s’agit pas de projets au service des centres-villes, mais de projets qui visent à développer une alternative à la voiture individuelle dans les périphéries, à 30, 50 ou 80 kilomètres des centres-villes. Soyons clairs : nous soutiendrons la proposition de loi présentée à l’Assemblée nationale par le député Zulesi, car elle met en œuvre l’outil juridique adéquat, notamment par l’évolution du statut de la Société du Grand Paris. Cela permettra de créer, pour les collectivités territoriales qui le souhaitent, les sociétés qui porteront la mise en œuvre de ces projets.
Il nous faut en effet financer cet effort important, à hauteur de 100 milliards d’euros, ensemble, avec les collectivités locales. Nous prévoyons dans la loi de programmation des finances publiques des crédits qui se déploieront au cours des prochaines années. Il faudra aussi mettre à contribution d’autres secteurs et d’autres modes de transport, comme la Première ministre l’a indiqué, et notamment les sociétés autoroutières et le secteur aérien. Nous en débattrons ici même lors des prochains budgets.
Je veux enfin insister sur un projet qui tient à cœur au Sénat : le Lyon-Turin.
M. Loïc Hervé. Ah oui !
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Clément Beaune, ministre délégué. J’aurai l’occasion d’échanger avec le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes dans quelques jours, car nous devons porter cet effort budgétaire collectivement. L’État s’y engage, mais nous aurons besoin d’être soutenus et accompagnés. (M. François Patriat applaudit.)
politique du handicap
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
J’ai participé la semaine dernière à la Conférence nationale du handicap (CNH), où j’ai représenté le président du Sénat.
Cette sixième édition de la CNH s’est tenue dans des circonstances particulières. Alors que ces conférences ont été jusqu’à présent des moments de partage d’objectifs avec les acteurs du monde du handicap, cela n’a pas été le cas cette année.
Après avoir fait connaître leur insatisfaction en amont et demandé un report de plusieurs semaines, afin d’engager un véritable travail de concertation, de nombreuses associations, dont le collectif Handicaps, n’ont pas participé à cette CNH.
Cette situation est dommageable, d’autant qu’un consensus pouvait être recherché au regard des thématiques de travail retenues.
Au cours de cette CNH, le Président de la République a énuméré un certain nombre de propositions concernant l’accessibilité, la scolarisation, l’emploi, l’accès aux soins et aux droits.
Nous ne pouvons que saluer un certain nombre de mesures. Je pense notamment aux 1,5 milliard d’euros, annoncés pour l’accessibilité, au remboursement à 100 % des fauteuils roulants ou à la création de 50 000 solutions en établissements et dans les services sur cinq ans.
Mais, en écoutant le discours du Président de la République, ses 70 engagements et les nombreuses mesures afférentes, nous nous posons cette question : comment financer ce programme, qui se chiffre à plus de 4 milliards d’euros ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Mouiller, je vous remercie de cette question. Elle met en avant ce moment important qu’a été la Conférence nationale du handicap : pour le monde du handicap, les personnes handicapées, les associations et les familles. Ce moment était attendu. Comme vous l’avez souligné, certaines associations ont un peu grincé des dents sans que je comprenne véritablement pourquoi.
L’organisation de cette Conférence a impliqué huit groupes de travail, 40 réunions, ainsi que la mobilisation de 500 personnes. De nombreuses contributions écrites ont été intégrées à notre réflexion. C’est donc une vraie coconstruction qui a été réalisée. Des comités de pilotage ont également fourni des conclusions au fur et à mesure de l’évolution des travaux.
Cette mauvaise humeur, je la prends pour ce qu’elle est. Je constate tout de même que la majorité des associations membres du collectif étaient présentes lors de cette CNH. Les associations sont exigeantes, et elles ont raison de l’être. Elles souhaitent simplement que les personnes handicapées accèdent pleinement à leurs droits, notamment sur les questions relatives à l’accessibilité.
Le Président de la République s’est engagé à déployer 1,5 milliard d’euros en faveur de l’accessibilité. Des fonds seront accordés aux collectivités, ainsi qu’aux propriétaires de petits établissements recevant du public (ERP) – commerces du quotidien ou cabinets médicaux –, afin qu’ils accélèrent leurs programmes de mise en accessibilité.
Nous sommes très en retard sur ce plan. Je crois que cette volonté de mettre notre pays en marche vers une accessibilité totale fera plaisir aux associations et les engagera à revenir dans la coconstruction que nous avons mise en œuvre à l’occasion de la CNH.
Je n’ai pas le temps de répondre à votre autre question, mais un investissement pluriannuel est prévu et tous les tableaux d’investissements pluriannuels seront mis à la disposition du Sénat une fois établis.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse, forcément incomplète. La méthode employée lors de cette CNH ressemble à celle qui est employée ailleurs par le Gouvernement : si des associations participent à des réunions de travail, cela ne signifie pas forcément qu’elles valident le programme du Gouvernement. Il y a là une nuance importante.
Concernant le financement, les sommes annoncées sont élevées. L’objectif l’est d’ailleurs également. Le Sénat se montrera vigilant sur deux sujets.
Tout d’abord, nous nous assurerons de la bonne traduction des engagements du Président de la République dans les comptes qui nous seront proposés en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale.
Ensuite, nous veillerons à ce qu’il n’y ait pas de transfert de charges vers les collectivités. La dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ne doivent pas être transférées sur le fonds pour l’insertion.
Les départements se montrent vigilants de manière générale à l’égard de leurs politiques d’actions médico-sociales. Le grand principe : quand l’État s’engage, l’État paye ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
fin du tarif réglementé pour les factures d’énergie
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. Jean-Jacques Michau. La précarité énergétique est bien réelle. Elle est subie quotidiennement par un nombre croissant de nos concitoyens. Dans ce contexte, plus de 2 millions de personnes seront directement affectées par l’extinction des tarifs réglementés de vente (TRV) du gaz, prévue le 30 juin. Il s’agit en vérité de plus de 7 millions de ménages si l’on tient compte de ceux qui ont basculé en offre de marchés, mais dont les contrats sont indexés sur le tarif réglementé.
Certes, vous avez annoncé la prolongation du bouclier tarifaire jusqu’à la fin de l’année. Cependant, si la volatilité à la hausse des prix de l’énergie demeure face aux dysfonctionnements du marché, la perte de la maîtrise publique tarifaire garantie par les tarifs réglementés auxquels se raccroche le bouclier tarifaire est évidente.
Qu’adviendra-t-il alors pour les consommateurs en 2024 ? Il y a là une grande inconnue. Êtes-vous en mesure d’assurer que le basculement sur l’offre passerelle ou d’autres contrats n’aura pas d’incidence sur les tarifs à court ou moyen terme ?
De toute évidence, la piste évoquée par le Gouvernement visant à mettre en place un prix de référence déterminé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui servirait de base à la poursuite du bouclier tarifaire, n’offre aucune garantie, et sûrement pas celle qu’apportaient des tarifs réglementés fixés par les pouvoirs publics.
Nous le voyons bien, le débat n’est pas nouveau. Il ressurgit aujourd’hui. Quelle est notre capacité à retrouver une maîtrise publique tarifaire sur les biens de première nécessité que sont l’électricité ou le gaz ?
Alors que l’inflation et les dérèglements du marché sont toujours à l’œuvre, le Gouvernement entend-il reporter la fin des tarifs réglementés ?
Plus largement, au-delà des dispositifs conjoncturels par ailleurs bienvenus, quelles mesures le Gouvernement prend-il au sein de l’Union européenne pour que le prix du gaz et, en conséquence, celui de l’électricité n’atteignent pas des niveaux exorbitants, sans commune mesure avec les coûts de production de l’électricité dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le sénateur Michau, je vous remercie de cette question, qui me permettra de rassurer ceux qui nous écoutent. Il est tout d’abord important de préciser que, contrairement à ce que vous laissez entendre, le tarif réglementé de vente du gaz est un tarif de marché. Il évolue chaque mois sur la base d’une formule. Il a augmenté de 200 % entre octobre 2021 et octobre 2022.
Vous l’avez bien compris, ce n’est pas cela qui protège les Français ; vous l’avez d’ailleurs mentionné. Ce qui protège les Français, c’est le bouclier énergétique mis en œuvre lorsque les prix se sont affolés, par exemple l’année dernière.
Comme le ministre de l’économie le soulignait à l’instant, le prix du gaz est globalement rentré dans l’ordre. Le bouclier énergétique sera prolongé jusqu’à la fin de l’année. Il concerne tous les ménages qui se chauffent et qui cuisinent au gaz, qu’ils dépendent ou non du TRV.
Que change l’évolution du TRV gaz ? Comme vous le savez, c’est une décision de justice qui a supprimé cette référence. Nous accompagnons les Français dans cette évolution, qui, en réalité, ne changera pas grand-chose pour les 2 millions d’entre eux dont le contrat avait été souscrit sur cette base. En effet, soit ils feront le choix de conclure un contrat avec un nouveau fournisseur de gaz, soit ils ne feront rien. En ce cas, ils bénéficieront automatiquement, auprès de leur fournisseur, d’un contrat établi sur la base d’un tarif calculé par la CRE. La situation sera donc exactement la même que précédemment, à une différence près : alors que l’État imposait à Engie de suivre le tarif réglementé, l’entreprise s’engage désormais à le respecter.
Les changements de contrat n’auront évidemment aucun coût et n’entraîneront aucun changement de compteur. Cela se fera automatiquement.
Je veux le dire ici, comme Mme la Première ministre l’a déjà répété à de nombreuses reprises : aucun gouvernement d’aucun pays n’a protégé les Français contre l’évolution des coûts de l’électricité et du gaz autant que le nôtre. Vous pouvez compter sur nous pour continuer à accompagner les Français face à ces situations de tension. (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
violences en marge des manifestations du 1er mai et autorité de l’état
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme Muriel Jourda. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Je voudrais à mon tour évoquer les violences, d’une brutalité inouïe, dont les forces de l’ordre ont fait l’objet lors des manifestations du 1er mai. Chacun a gardé en tête l’image de ce policier en flammes, qui a – je le pense et l’espère – ému et horrifié la quasi-totalité des Français. Et il ne s’agit que d’un policier parmi les plus de 400 membres des forces de l’ordre qui ont été blessés à cette occasion, vers lesquels vont tous nos vœux de rétablissement.
À cette occasion, monsieur le ministre, vous avez déclaré que ces violences étaient inacceptables. Vous l’avez déclaré le jour même, puis une nouvelle fois le lendemain lors de la séance de questions au Gouvernement qui s’est tenue à l’Assemblée nationale. Vous l’aviez déclaré dans des conditions similaires le 25 mars 2023 à Sainte-Soline, le 23 mars 2023 à Lorient, le 29 octobre 2022 dans les Deux-Sèvres, le 1er mai 2022 – déjà ! – à Paris, le 14 avril 2022 à Rennes, ou encore le 20 mars 2021 à Verdun. J’arrête là, car je n’aurai pas le temps de remonter jusqu’à la date de votre entrée en fonction, au mois de juillet 2020.
Ces violences sont inacceptables, nous sommes d’accord pour le dire et nous pouvons être à vos côtés pour le répéter. Et après ? Que faisons-nous ? Ou plutôt, que faites-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, je vous remercie de soutenir les policiers et les gendarmes.
J’applique la loi de la République, c’est-à-dire la loi qui a été votée par les deux chambres. Je suis d’ailleurs au regret de vous dire que la proposition de loi de M. Retailleau, adoptée par la Chambre haute comme par la Chambre basse – et le Gouvernement était à l’écoute –, a été censurée par le Conseil constitutionnel.
M. Bruno Retailleau. C’était la rédaction de M. Castaner !
M. Gérald Darmanin, ministre. Si vous attendiez du ministre de l’intérieur qu’il outrepasse les lois de la République pour appliquer sa loi personnelle, nous ne serions pas en démocratie ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la sénatrice, je vous pose la question suivante : que proposez-vous ? Le Gouvernement a fait des propositions. Mme la Première ministre l’a rappelé en réponse à une question posée par M. Malhuret, et M. le garde des sceaux l’a dit également ce matin sur une chaîne de grande écoute : nous sommes favorables à remettre l’ouvrage sur le métier, que ce soit sous la forme d’une proposition de loi ou d’un projet de loi. Qu’importe le père pourvu qu’il fasse de beaux enfants !
Madame la sénatrice, l’essentiel est que nous luttions contre ces casseurs, qui, non seulement, attaquent et veulent tuer des policiers et des gendarmes, mais empêchent également les manifestants de manifester.
Je vous renvoie à ce sujet – je salue d’ailleurs les sénateurs communistes ici présents – au récent communiqué du Parti communiste français (PCF) mentionnant l’agression par des Black Blocs de certains de ses membres et élus. Je me réjouis de constater que le PCF, comme la plupart des grands partis républicains, est sur la même position que vous.
Nous pouvons donc nous retrouver pour appliquer aux manifestations l’équivalent du système à l’œuvre dans les stades de football, où les hooligans ne viennent plus. De même qu’on ne va pas à un match de football avec des cocktails Molotov dans la poche, on ne va pas dans une manifestation avec des cocktails Molotov dans la poche. Le ministre de l’intérieur, comme vous, aimerait pouvoir interdire l’accès aux manifestations aux individus très violents bien connus des services de police. Mais, vous l’aurez constaté, la loi – je parle sous le contrôle des membres de la commission des lois – ne lui permet pas de le faire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est un principe constitutionnel !
M. David Assouline. On peut faire des arrestations préventives !
M. Gérald Darmanin, ministre. Votons donc ensemble un texte pour répondre présent. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.
Mme Muriel Jourda. Monsieur le ministre, je vous remercie de rappeler que la dernière proposition de loi visant à agir sur le sujet émanait du groupe Les Républicains du Sénat. Peut-être n’aurait-elle pas été censurée par le Conseil constitutionnel si elle avait été votée telle quelle, et non pas telle que modifiée par votre prédécesseur.
M. Jean-François Husson. Et voilà !
Mme Muriel Jourda. Je ne souhaite pas polémiquer. Je souhaite simplement que nous prenions ensemble la mesure de l’enjeu que ces violences représentent. Cet enjeu, c’est la défense de l’État de droit. L’État de droit, c’est la fin de la loi du plus fort. Il est constitué de lois votées par le Parlement, appliquées par une justice efficace et respectées par les citoyens, car les forces de l’ordre sont, elles aussi, respectées.
Or la légitimité du Parlement est mise à mal par toutes les conventions citoyennes que vous décidez de mettre en œuvre. La justice est considérée comme si peu efficace par nos concitoyens que les exemples de justice privée se multiplient dans le pays. Les forces de l’ordre forment le dernier pan de l’édifice. Si elles vacillent, l’État de droit vacillera également. Alors, agissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
élection des grands électeurs municipaux aux sénatoriales
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais tout d’abord assurer les forces de police, de gendarmerie et de maintien de la paix du soutien de mon groupe.
Ma question, qui s’adresse au ministre de l’intérieur, peut paraître anecdotique. Toutefois, c’est peut-être un détail pour vous, mais, pour nous, cela veut dire beaucoup ! (Exclamations amusées.) Il s’agit de la circulaire de quarante pages relative à l’élection des grands électeurs aux élections sénatoriales.
Il faut tout d’abord saluer la date du 9 juin, qui est assez proche. Les listes électorales étaient habituellement constituées plus tardivement, je voudrais donc vous en remercier. Je voudrais néanmoins vous faire part de l’inquiétude de plusieurs élus quant à la complexité de cette circulaire. Les indications relatives aux communes nouvelles sont notamment trop nombreuses pour être véritablement claires, et les préfets ne peuvent pas, à l’heure actuelle, nous donner le nombre exact de grands électeurs pour ces communes. Comme je l’ai indiqué, c’est peut-être un détail pour vous, mais pas pour les sénateurs renouvelables.
Par ailleurs, la date du 9 juin pose problème, car il s’agit d’une date fixe à laquelle un certain nombre d’élus ne pourront pas être présents. À cette même date se tiendra en effet à Ajaccio l’assemblée générale de la Fédération nationale des centres de gestion de la fonction publique territoriale (FNCDG), à laquelle participeront plusieurs élus.
Monsieur le ministre, que pensez-vous faire pour simplifier les dispositifs en place ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, je m’étonne de votre question. Ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, si un élu n’est pas là, il peut faire une procuration.
Les élections sénatoriales ayant lieu au mois de septembre, nous ne pouvons pas convoquer les conseils municipaux en juillet et en août. Et il me semble que les candidats aux sénatoriales auront envie de parler également aux électeurs qu’ils ne connaissent pas encore, c’est-à-dire à ceux qui sont désignés par les conseils municipaux.
Nous sommes au mois de mai, et il n’est pas de coutume de convoquer les conseils municipaux si tôt. Au mois de juin, il y a d’innombrables moments où les associations d’élus se réunissent. Des procurations sont possibles.
Nous avons prévenu les élus assez tôt, deux mois avant la date fixée pour la convocation des conseils municipaux de désignation des grands électeurs. En outre, si le quorum n’est pas atteint, les communes concernées – il s’agit généralement de villes assez importantes – pourront convoquer un nouveau conseil. Je crois donc que vous avez largement la possibilité de convoquer ces conseils municipaux.
Vous avez raison, il existe une multiplicité de villes nouvelles, de taille de plus en plus importante. L’apparition de ces villes nouvelles, qui n’existaient pas lors des précédentes élections sénatoriales, entraîne une refonte du calcul du nombre de grands électeurs.
Je suis étonné de ce que vous indiquez, mais je me renseignerai dès cet après-midi auprès de votre préfet de département. S’il n’a pas su vous expliquer le système, nous le lui réexpliquerons ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais j’imagine qu’il a dû mal s’exprimer. Chaque préfet connaît le nombre de grands électeurs dans les villes qui les désignent. Étant élu à Tourcoing, je connais ainsi déjà les grands électeurs que mon conseil municipal pourra désigner pour le grand plaisir des sénateurs du Nord qui se présenteront à leurs suffrages.
M. Roger Karoutchi. Nommément ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Si vous le souhaitez, madame la sénatrice, nous pouvons refaire passer un message aux préfets. Mais je crois qu’ils ont désormais tous les moyens de désigner les grands électeurs et de faire ainsi en sorte que les élections sénatoriales se déroulent le mieux possible.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Cette question ne concerne pas mon seul département. De nombreuses interrogations sont remontées du terrain dans d’autres endroits. Les problèmes sont d’ailleurs tellement nombreux que le préfet de l’Orne a installé une hotline, ce qui n’est généralement pas bon signe.
Je vous avais annoncé que ma question portait sur un sujet mineur par rapport à tous ceux que vous avez à traiter et que vous traitez aujourd’hui, mais c’est un sujet qui mérite néanmoins d’être abordé. Dans le cadre de cette circulaire de quarante pages, envisagez-vous une différenciation entre les départements au scrutin proportionnel et les départements au scrutin majoritaire ?
« gilets jaunes » et colère sociale
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Esther Benbassa. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Monsieur le ministre, attendez-vous, comme le Président de la République, que les Français se lassent ou prennent peur ?
Violences et blessés, de part et d’autre, ne se comptent plus. Cela permet de remettre la sécurité au centre. Protéger les Français est certes un devoir, mais il en est un autre, que vous oubliez toujours : les entendre et leur répondre. C’est pourtant simple : ils ne veulent pas travailler deux ans de plus ! Mais leur colère a d’autres raisons encore, plus profondes, plus anciennes.
Je connais les « gilets jaunes » pour les avoir longtemps côtoyés dans les rues de Paris. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Or ils sont là, avec les autres, syndiqués ou pas, jeunes et vieux, le dépit en bandoulière, la rancune de leurs blessés déjà oubliés dans la tête. Tous, avec ou sans gilet, ont une seule exigence : vivre mieux. Or vivre mieux, c’est aussi partir à la retraite à un âge qui permette d’en profiter vraiment et plus longtemps.
Mais vivre mieux, c’est aussi être traité autrement par ceux qui vous gouvernent. M. Macron peut se promener dans nos régions. S’il ne change pas, si le Gouvernement ne change, la colère ne retombera pas. Suffit-il de remercier dans un tweet les travailleurs pour se rapprocher d’eux ? La Ve République est à l’agonie. Votre exercice ultra-vertical du pouvoir la tue. Le RN, lui, vous remercie.
Monsieur le ministre, quand admettrez-vous qu’il faut négocier et que négocier, quand la colère est si grande, c’est aussi savoir céder ? Quand céderez-vous sur un texte inutile et injuste ? Céder n’est pas forcément perdre. (M. Daniel Breuiller applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Benbassa, vous dites qu’il faut négocier et discuter.
La réforme des retraites, sur laquelle vous revenez, a fait l’objet d’une concertation de quatre mois, qui n’a pas permis – nous le savons – de trancher tous les différends, mais qui a tout de même duré quatre mois. Elle a fait l’objet, ici même, d’une centaine d’heures de débat parlementaire. À la fin, un texte a été adopté une première fois, à une large majorité, par le Sénat, puis une deuxième fois en commission mixte paritaire et, enfin, de nouveau dans l’hémicycle. Ce texte est légitime et a été adopté de manière démocratique.
M. David Assouline. Et le 49.3 ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Vous dites qu’il faut négocier et continuer à discuter. C’est une réalité, et c’est ce que nous allons faire. Le Président de la République l’a dit, la Première ministre également : nous allons le faire. Plusieurs sujets relevant de l’agenda social, relatifs aux conditions de travail, à l’emploi des seniors ou au déroulement des carrières, doivent faire l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux. D’autres sujets ont déjà fait l’objet de négociations, notamment le partage de la valeur. Nous allons d’ailleurs transposer intégralement et fidèlement l’accord passé par quatre des cinq organisations syndicales et trois organisations professionnelles.
Il existe également d’autres sujets sur lesquels nous continuerons à ouvrir des discussions, et d’autres encore qui relèvent, du fait de l’application de la loi portant réforme des retraites, du dialogue social. Je pense notamment à l’obligation qui incombe désormais aux branches professionnelles de négocier des accords de prévention de l’usure professionnelle, qui contribueront à l’amélioration des conditions de travail des uns et des autres.
Madame la sénatrice, vous dites qu’il y a des manifestations violentes au cours desquelles des personnes sont blessées. Vous parlez de grande violence et de troubles dans le débat public. Je souhaite formuler deux observations.
D’une part, j’ai en tête des images de vous-même manifestant il y a quelques mois et mimant le passage à tabac du Président de la République en donnant des coups sur une effigie le représentant.
D’autre part, j’ai également en tête la question que vous venez de poser. Pas une fois vous n’avez apporté votre soutien aux forces de l’ordre, qui sont mises à rude épreuve. Par vos encouragements au désordre, aux bouleversements et aux actes relevant d’une forme d’outrance, c’est vous, madame la sénatrice, qui êtes un marchepied pour le Front national ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 10 mai 2023, à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
3
Demande par une commission des prérogatives d’une commission d’enquête
Mme le président. Par lettre en date de ce jour, la commission des finances demande au Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, pour une durée de trois mois, afin de mener sa mission d’information sur la création du fonds Marianne, la sélection des projets et l’attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds.
La conférence des présidents examinera cette demande lors de sa réunion du mardi 9 mai.
4
Accessibilité et inclusion bancaires
Adoption d’une proposition de loi modifiée
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires, présentée par MM. Rémi Féraud, Jean-Claude Tissot, Patrick Kanner et Rémi Cardon, Mmes Florence Blatrix Contat et Laurence Rossignol et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 35, résultat des travaux de la commission n° 525, rapport n° 524).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi.
M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec Jean-Claude Tissot et mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous présentons aujourd’hui une proposition de loi de progrès social. Elle s’inscrit dans la lignée d’autres travaux menés au Sénat sur l’accessibilité bancaire, notamment sur proposition de notre groupe. Le travail parlementaire a déjà participé récemment à l’obtention de réels progrès, par exemple en matière d’accession à l’assurance emprunteur.
L’examen de cette proposition intervient alors que nous sortons de la crise sanitaire et que nous sommes entrés dans une période inflationniste dont les conséquences économiques et sociales dramatiques se font durement sentir chez nos concitoyens les plus modestes. Nous souhaitons donc poursuivre le travail entrepris par le Sénat.
Il intervient alors qu’en parallèle le secteur bancaire a affiché des bénéfices records ces deux dernières années, ce que la remontée des taux d’intérêt décidée par la Banque centrale européenne conforte.
Il intervient alors que l’association de consommateurs UFC-Que Choisir tire régulièrement la sonnette d’alarme sur le montant des frais bancaires appliqués en France. Un prélèvement refusé coûte par exemple 20 euros à la personne concernée ; c’est dix-sept fois plus qu’en Allemagne et huit fois plus qu’en Italie.
Il intervient alors que le « bouclier bancaire » voulu par Bruno Le Maire pour l’année 2023, s’il permet de limiter globalement à 2 % la hausse des frais bancaires, ne suffira pas à protéger vraiment les personnes les plus fragiles, qui sont aussi celles qui se voient infliger le plus de pénalités en raison de leurs difficultés financières récurrentes.
Il intervient enfin alors que le phénomène général de désertification rurale s’intensifie dans nos territoires et que la question de l’accès aux liquidités, problème qui risque de s’accentuer, en fait partie.
C’est pourquoi notre proposition de loi vise, d’une part, à répondre aux enjeux de renforcement de l’égalité territoriale dans notre pays et, d’autre part, à améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens, notamment ceux qui sont en situation de fragilité financière, durement touchés en ces temps d’inflation.
Pour remplir ces objectifs, la proposition de loi repose sur deux volets.
D’abord, l’accessibilité bancaire, alors que nombre de nos concitoyens ont aujourd’hui un rapport dégradé avec l’institution bancaire, que ce soit pour des raisons territoriales ou sociales ou l’addition des deux. L’un des objectifs principaux est d’assurer un maintien sur l’ensemble du territoire de systèmes de retrait d’argent qui permettent à toutes et tous d’effectuer leurs achats de la vie quotidienne en liquide s’ils le souhaitent.
Ensuite, l’inclusion bancaire, en apportant des modifications législatives qui améliorent les dispositifs actuels à destination des personnes les plus fragiles. Ce public fragile représente aujourd’hui, pour les établissements concernés, une part beaucoup trop importante des recettes générées par les frais bancaires. C’est une injustice que nous devons corriger.
J’en viens à la question de l’accessibilité territoriale. Les deux premiers articles visent à inclure une composante territoriale dans la mission de service public de La Poste. Alors que les distributeurs automatiques de billets (DAB) ont tendance à disparaître et que ce phénomène risque fort de s’accélérer, il faut agir maintenant.
Il devient de plus en plus difficile de retirer de l’argent liquide dans certains territoires, notamment ruraux, ce qui pose des difficultés pour les achats du quotidien. Nous le constatons à travers les témoignages de nombreux élus locaux. Les autres solutions qui se mettent en place ne suffisent pas, selon nous, à répondre à cet enjeu.
Certes, notre proposition pourrait paraître inutile dès lors que, selon la Banque de France, 99 % des Français se trouvent à moins de quinze minutes en voiture d’un DAB. Cela étant, tout le monde n’a pas de voiture, il faut compter le coût de l’essence et, surtout, il faut anticiper sur la disparition programmée de DAB.
Avec la très forte diminution de la circulation des espèces, il apparaît que nous sommes certainement proches d’un point de bascule.
Avec notre proposition de loi, nous cherchons à maintenir un accès aisé et égal aux espèces sur tout le territoire, en confiant une nouvelle mission de service public à La Poste avec un financement qui, s’il n’est sans doute pas parfait, a la vertu de ne pas reposer sur l’État et d’être réparti équitablement entre tous les établissements bancaires.
Cette logique de prévention, face à la disparition d’un trop grand nombre de DAB et leur mauvaise répartition sur le territoire, présente un véritable intérêt, tout comme, d’ailleurs, l’article 7 de notre texte, qui rend obligatoires les sanctions pécuniaires en cas de non-respect de la législation en matière de droit au compte et d’offre spécifique.
Le monde bancaire se dit toujours prêt à faire des efforts, mais il n’accepte jamais aucune sanction pécuniaire. Il faut donc renforcer le principe de responsabilité.
J’en viens à l’accessibilité sociale. Nous proposons dans les articles 3 et 4 de renforcer l’information que les établissements bancaires sont dans l’obligation de fournir, d’une part, et de rendre proportionnels aux revenus les plafonds spécifiques correspondant aux offres de crédit proposées aux personnes les plus fragiles, d’autre part.
Dans le même sens, l’article 5 concerne la question des découverts ; son adoption constituerait une autre façon de limiter les frais bancaires pour les personnes en fragilité financière. En effet, comment accepter que ces frais contribuent eux-mêmes à aggraver la situation des personnes modestes, qui se retrouvent, parfois pour de faibles montants, à découvert et sanctionnés pour cela ?
L’objectif de l’article 6 de notre texte est de réduire la part des frais bancaires payés par les Français les plus fragiles dans l’ensemble des frais bancaires prélevés dans notre pays. Nous souhaitons ainsi intégrer, dans l’offre spécifique, des tarifs adaptés de frais bancaires, alors que ces frais ont tendance à entraîner les personnes concernées dans une spirale infernale, même si des progrès ont été réalisés ces dernières années.
Nos propositions nous semblent de nature à apporter plus de protection et d’équité.
Je tiens enfin à saluer l’esprit constructif du rapporteur. Nous souhaitons travailler dans le même état d’esprit : tout ce qui permettra d’améliorer l’accessibilité bancaire territoriale ou sociale est utile. Nous serons donc ouverts aux propositions de la commission dès lors qu’elles auront le même objectif.
Nous espérons que cette proposition de loi sera adoptée par le Sénat sans être trop dénaturée ou réduite dans sa portée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte marqué par l’inflation et par la tentation d’une renonciation aux espèces qui frapperait d’abord les ménages les plus pauvres, il nous revient cet après-midi d’examiner la proposition de loi de nos collègues Rémi Féraud et Jean-Claude Tissot et les membres de leur groupe visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires.
Examiné dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ce texte, qui propose notamment de faciliter l’accès aux distributeurs automatiques de billets et de redéfinir les modalités de plafonnement de certains frais bancaires pour les plus fragiles, a été examiné dans les conditions du gentleman’s agreement. Avec ses auteurs, nous avons acté que les points de divergence entre nous étaient trop importants, ce qui a mené au rejet du texte en commission. Nous examinons donc la proposition de loi dans sa version initiale. À mon tour, je veux saluer l’esprit avec lequel la commission et les auteurs de ce texte, en particulier Rémi Féraud, ont travaillé.
Cette proposition de loi vise d’abord à confier à La Poste une nouvelle mission de couverture territoriale en DAB – c’est l’article 1er –, financée par un fonds chargé de garantir l’accès à un distributeur en moins de quinze minutes – c’est l’article 2 –, la commission des finances souhaitant supprimer ces articles, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, on n’observe pas de dégradation de l’accessibilité aux DAB, puisque plus de 99 % de la population vit à moins de quinze minutes en voiture d’un DAB. L’objectif est donc largement satisfait.
Au contraire, la nouvelle mission attribuée à La Poste par l’article 1er pourrait être porteuse d’un effet d’aubaine conduisant au désengagement des banques avant l’entrée en vigueur de la loi. Le rapport sénatorial d’information de mars 2021 sur l’avenir des missions de service public de La Poste, présenté par nos collègues Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon, avait d’ailleurs exclu toute nouvelle obligation légale de service public visant à garantir l’accès de la population aux DAB sur l’ensemble du territoire.
J’y reviendrai au moment de présenter mes amendements, mais ce rapport misait sur d’autres solutions d’accès aux espèces. Je pense notamment au cash-in-shop, qui compte déjà plus de 25 000 points d’entrée dans notre pays, mais qui gagnerait à être interopérable entre établissements bancaires.
L’article 2 crée un fonds de garantie de la présence bancaire territoriale pour financer la nouvelle mission de La Poste. La commission propose logiquement sa suppression, d’une part, parce que, après la suppression de l’article 1er, cette disposition n’aurait plus d’objet, d’autre part, en raison de modalités de financement critiquables.
Outre les contributions volontaires des collectivités, les recettes de ce fonds comprendraient en effet une taxe sur les bénéfices des établissements bancaires et une contribution des établissements à l’occasion de la suppression de DAB.
La taxation des bénéfices des établissements bancaires, pour laquelle aucun taux n’est prévu, ne concernerait pas les « néobanques » et risquerait de conduire à un renchérissement des services bancaires.
C’est toutefois la contribution des banques à l’occasion de la suppression d’un DAB qui est la plus problématique. Elle frapperait les banques de façon indifférenciée selon le lieu d’implantation. De même, faire contribuer aujourd’hui les banques qui ont maintenu une présence, sans impliquer celles qui ont quitté les territoires depuis longtemps, serait injuste.
Au total, le financement de ce nouveau fonds paraît inéquitable, mal réparti et trop mal défini pour soutenir de façon pérenne un élargissement des missions de La Poste, objectif au demeurant aujourd’hui largement satisfait.
J’en viens maintenant au dernier point de divergence entre la commission et les auteurs du texte : l’article 7, qui vise à imposer à la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) le prononcé d’une sanction pécuniaire à l’encontre de l’établissement de crédit qui ne respecterait pas ses obligations en matière de droit au compte ou qui n’appliquerait pas la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement.
Une telle disposition nous semble excessive : la commission des sanctions de l’ACPR, autorité indépendante, doit pouvoir rester souveraine dans le choix de la sanction la plus adaptée dans un cadre contradictoire bien établi. Elle est aussi superfétatoire, puisque la commission des sanctions dispose, y compris sur les sujets liés au droit au compte, d’un pouvoir de sanction pécuniaire dont elle a d’ailleurs déjà fait usage.
Les articles 3 à 6 visent à enrichir l’information sur le droit au compte et l’offre spécifique, ainsi qu’à réduire les frais bancaires des publics les plus fragiles. La commission propose de les modifier.
L’article 3 prévoit que la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement définit les conditions d’affichage, au sein des agences bancaires, de l’information relative au droit au compte et à l’existence de l’offre spécifique.
Cet article a pour objectif d’améliorer l’information des clientèles fragiles et du public. J’y souscris pleinement. L’information à disposition des clientèles fragiles présente en effet des lacunes et nombreux sont nos compatriotes qui n’ont pas accès à des services adaptés à leurs besoins, faute de les connaître.
Je proposerai de prolonger la réflexion de nos collègues auteurs de la proposition de loi sans en altérer l’esprit. L’amendement de la commission prévoit ainsi d’élargir le champ des informations que les banques seront tenues de fournir au public et aux personnes fragiles pour inclure, outre les informations sur le droit au compte et l’offre spécifique, des informations sur la procédure de traitement du surendettement, le microcrédit, l’exercice du droit d’accès aux fichiers gérés par la Banque de France et les moyens de la contacter sur l’ensemble de ces sujets.
La charte préciserait également les modalités de diffusion de cette information, par leur affichage en agence bancaire ou d’autres moyens selon ce qui paraît le plus pertinent.
Enfin, cette charte devrait aussi définir les conditions de formation de certains professionnels sociaux, les « publics relais », afin de leur permettre d’orienter et d’accompagner aux mieux les potentiels bénéficiaires du droit au compte et de l’offre spécifique.
L’article 4 prévoit que les plafonds spécifiques sur les frais d’incident réservés aux bénéficiaires de l’offre spécifique et du droit au compte soient proportionnels aux revenus : cela paraît trop complexe à mettre en œuvre et supposerait, par ailleurs, que la banque ait connaissance de l’ensemble des revenus de la personne, ce qui porterait atteinte à la confidentialité des données fiscales.
La commission propose la mise en place de « sous-plafonds » pour les bénéficiaires de l’offre spécifique et du droit au compte dont la situation financière est la plus délicate.
L’article 5 vise à introduire dans l’offre spécifique une autorisation de découvert sans frais, là encore proportionnelle aux revenus. Outre le problème de la proportionnalité, cette disposition est contestable non seulement en ce qu’elle pourrait faire courir le risque d’une spirale d’endettement, mais aussi en ce qu’elle introduirait une forme de droit au crédit, encore inexistant dans le droit français. L’établissement de crédit est en effet libre d’accorder ou non un crédit ou une autorisation de découvert.
En revanche, nombre de clients craignent de perdre leur autorisation de découvert au moment de souscrire l’offre spécifique. Un amendement de la commission propose de préciser dans la loi de manière explicite que ces deux éléments sont indépendants.
Enfin, afin d’éviter un report vers d’autres frais en raison des articles 4 et 5, l’article 6 prévoit que les frais bancaires soumis à la dénomination réglementaire existante sont limités, pour les bénéficiaires du droit au compte et de l’offre spécifique, au tiers des facturations appliquées par l’établissement de crédit et plafonnés, par mois et par opération, en fonction du revenu des personnes.
Une telle limitation des frais paraît porter une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle des établissements de crédit et semble redondante avec les plafonds par mois et par opération proposés par ailleurs. Le plafonnement par mois semble, lui aussi, excessif dans la mesure où les frais bancaires mentionnés ici incluraient, au-delà des frais liés à des incidents, les frais de gestion.
Néanmoins, l’introduction d’un simple plafonnement des frais par opération, dont le niveau serait fixé par le pouvoir réglementaire et qui serait réservé aux bénéficiaires de l’offre spécifique ou du droit au compte, ne me paraît pas excessive. La commission présente un amendement en ce sens.
Au total, le texte correspond à des objectifs louables en termes d’inclusion bancaire et contient des orientations intéressantes, mais il mérite d’être modifié pour le rendre opérant.
Si les propositions de la commission sont adoptées, elle appellera à l’adoption du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage évidemment l’objectif d’assurer à l’ensemble de la population l’accès à des services bancaires de qualité et à des tarifs appropriés. Cependant, nous pensons que les mesures envisagées dans la présente proposition de loi ne permettent pas de l’atteindre.
Fondamentalement, la proposition de loi prévoit deux grands types de mesures : un renforcement de l’accessibilité bancaire territoriale, en confiant une mission additionnelle à La Banque postale et en créant un fonds de garantie de la présence bancaire territoriale ; une évolution des plafonnements de frais bancaires appliqués aux personnes bénéficiaires de la procédure de droit au compte et à celles en situation de fragilité financière ayant souscrit l’offre spécifique, ainsi qu’une évolution du contenu de cette offre.
Si vous le permettez, je répondrai point par point aux dispositions envisagées dans le texte, ce qui me permettra d’exposer les raisons conduisant le Gouvernement à y être défavorable.
Sur l’accessibilité bancaire territoriale, tout d’abord.
Nos concitoyens, quels qu’ils soient, sont particulièrement attachés aux services de proximité et à la vitalité du territoire dans lequel ils vivent. Nous partageons collectivement la nécessité de lutter contre l’enclavement et de préserver l’attractivité de l’ensemble de nos villages et de nos économies locales, qui sont le visage de notre pays, notamment à l’heure où l’inflation touche l’ensemble du territoire et où nous assistons à la désertification des services de proximité accessibles à nos concitoyens.
Cette attractivité passe notamment par la garantie d’avoir accès à notre monnaie commune, l’euro, sous forme d’espèces, moyen de paiement inclusif par excellence permettant les achats de la vie quotidienne en toute liberté. C’est le sel de nos marchés, de l’économie de proximité, sociale et solidaire comme de notre lien collectif avec les plus démunis.
Aussi, le Gouvernement et la Banque de France sont très attentifs à préserver l’accès de chacun de nos concitoyens aux espèces. Force est d’ailleurs de constater que le maillage du territoire pour l’accès aux billets est très bon et globalement inchangé d’une année sur l’autre.
C’est surtout dans les territoires très urbains, sur lequel il y a un équipement massif, que se concentre la légère diminution du nombre de distributeurs : l’optimisation des installations existantes dans les zones les mieux équipées se fait au bénéfice du maintien de distributeurs automatiques de billets dans les zones les plus isolées, ce qui est positif.
La robustesse de la filière fiduciaire est en permanence garantie : en temps de crise, comme récemment durant les périodes de confinement, l’émission et la distribution des espèces ont été maintenues pour répondre au plus près aux besoins de nos compatriotes.
Ce maillage, garanti par l’action volontariste des établissements bancaires de proximité, permet à plus de 99 % de la population métropolitaine âgée de 15 ans et plus de se situer à moins de quinze minutes en voiture d’un distributeur automatique de billets ; M. le rapporteur l’a rappelé.
Cette dynamique permet de placer la France comme le second pays de l’Union européenne en termes de densité des réseaux d’agences bancaires, bien au-delà, environ le double, de la moyenne européenne : 549 agences par million d’habitants en France contre 255 agences en moyenne en Europe.
En complément, nos commerçants de proximité viennent renforcer, de manière opportune, ce maillage : le nombre de points de distribution dans les commerces est en augmentation et permet de maintenir un accès de proximité, notamment dans des territoires isolés, avec bientôt 30 000 points de retrait privatifs.
La possibilité de retirer des espèces lors d’un achat chez un commerçant est simple, sans complexité administrative, et permet en sus de renforcer l’attractivité des services de commerce locaux. Le retrait d’espèces effectué sans achat associé est en plein développement et s’installe durablement dans le paysage de nos territoires, en permettant notamment un lien social et rapproché entre consommateurs et commerçants.
Par ailleurs, La Poste, chargée par la loi du 2 juillet 1990 d’une mission d’accès aux espèces, maintient déjà, au-delà de ses besoins commerciaux, un réseau de 17 000 points de contact, notamment dans les zones rurales et de montagne, les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les départements d’outre-mer.
Aussi, alors que les transporteurs de fonds viennent maintenir par le rachat de certains DAB le maillage existant et que les commerçants complètent le dispositif d’accessibilité, l’objectif de garantir l’accès aux espèces à tous nos concitoyens, y compris dans les territoires enclavés ou isolés, nous semble être préservé pour les années à venir.
J’en viens maintenant à la question des frais bancaires et de l’inclusion bancaire.
À titre liminaire, je souhaiterais partager avec vous quelques grands constats relatifs aux frais bancaires.
Premièrement, il est économiquement justifié que les banques facturent leurs prestations de service, ainsi que des frais en cas d’incident. Ces incidents, qui correspondent à un fonctionnement anormal du compte, induisent des coûts de gestion pour les établissements bancaires. Ils entraînent également des coûts pour le bénéficiaire du paiement qui n’est pas payé en cas d’incident ; dans l’écrasante majorité des cas, ce n’est pas une banque.
Deuxièmement, les Français bénéficient en moyenne d’un niveau de facturation des services bancaires satisfaisant. Depuis 2017, les frais bancaires sont globalement orientés à la baisse en raison principalement de la digitalisation et de l’augmentation de la concurrence sur le marché des services bancaires.
Troisièmement, le secteur fait déjà l’objet de diverses réglementations ambitieuses pour limiter les abus. Par exemple, pour l’ensemble de la population, certains services bancaires – le relevé mensuel ou la clôture de compte – sont gratuits et des types de frais sont plafonnés, comme le rejet de chèque – 30 euros ou 50 euros selon le montant –, le rejet de prélèvement – 20 euros – ou bien encore les commissions d’intervention – 8 euros par opération, 80 euros par mois.
La proposition de loi vise en premier lieu à diviser par deux les plafonds par opération actuellement applicables aux principaux frais d’incidents et à introduire un plafond annuel pour chacun de ces frais. Ces plafonds bénéficieraient à l’ensemble de la population et des plafonds spécifiques, plus bas, s’appliqueraient à la clientèle fragile.
Nous pensons que la volonté d’abaisser les plafonds des différents frais d’incidents pour toutes les clientèles n’est pas pertinente. La baisse des plafonds, qui s’appliquerait également aux clientèles les plus aisées, enverrait un signal négatif. Ce qui importe n’est pas de rétablir la police administrative des prix en matière de tarifs bancaires ; c’est de protéger celles et ceux qui en ont besoin.
Nous croyons que le dispositif actuel, qui prévoit un plafonnement global des frais d’incidents concentré sur les populations les plus fragiles, celles qui en ont le plus besoin, demeure la meilleure réponse pour arrêter le plus rapidement possible les effets de suraccumulation des frais. Il est vrai que, dans certains cas, ces frais sont largement subis et peuvent créer une spirale d’endettement aggravant la situation des clients fragiles.
Le Gouvernement a travaillé sans relâche au cours des années passées pour mettre en place ce dispositif, qui a fait ses preuves aujourd’hui. Ce nouveau cadre a été élaboré depuis 2018 selon une méthode inédite, qui a fonctionné, celle d’une approche partenariale avec les établissements bancaires.
À la suite des engagements pris par les établissements bancaires en 2018 devant le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, et le Président de la République, Emmanuel Macron, les personnes fragiles bénéficient désormais d’un plafonnement global de leurs frais d’incidents bancaires : 25 euros par mois pour les clientèles fragiles ; 20 euros par mois et 200 euros par an pour les clients fragiles bénéficiaires de l’offre spécifique.
Ces engagements, dont la mise en œuvre est contrôlée par l’ACPR et l’Observatoire de l’inclusion bancaire, ont porté leurs fruits. Une telle stratégie a été payante. En effet, l’Observatoire, qui est l’instance publique de suivi des politiques d’inclusion bancaire, a dressé un bilan positif des actions engagées par le Gouvernement. Je me permets de donner quelques chiffres relatifs aux résultats obtenus.
À la fin de 2021, 4,1 millions de clients étaient considérés comme fragiles financièrement, et donc bénéficiaires des dispositifs de plafonnement des frais. C’est 21 % de plus qu’en 2018.
Le montant moyen des frais facturés par les banques à leurs clients considérés comme fragiles est en diminution : 221 euros en 2021, soit 10 % de moins par rapport à 2020.
Enfin, l’offre spécifique se diffuse : on en compte presque 700 000 bénéficiaires à la fin de 2021, soit une progression de 56 % par rapport à 2018.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les Français, ménages comme entreprises, ont la chance de pouvoir compter sur un système bancaire robuste qui finance efficacement l’économie, comme il l’a encore démontré durant cette crise, et qui applique des frais globalement raisonnables.
Ces dernières années, le Gouvernement a agi de manière résolue pour renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires, ainsi que l’encadrement des frais bancaires, avec pour objectif et priorité de mieux protéger ceux pour qui une intervention de l’État est nécessaire, c’est-à-dire les personnes en situation de fragilité financière. C’est chose faite, avec les résultats dont je vous ai fait part. Et cela a été accompli à la faveur d’une approche partenariale avec le secteur bancaire, ce qui, je le crois, est un gage de succès dans la durée.
Le Gouvernement continuera d’être vigilant et exigeant dans son dialogue avec les banques et de conduire certaines réformes lorsque cela sera nécessaire. Mais les réformes conduites jusqu’ici ont d’ores et déjà permis d’atteindre un point d’équilibre.
Voilà pourquoi le Gouvernement a déposé des amendements de suppression sur plusieurs articles et s’opposera à cette proposition de loi.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions cet après-midi vise à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires. Actuellement, un peu plus de 4 millions de titulaires de comptes bancaires sont considérés comme fragiles par l’Observatoire de l’inclusion bancaire, selon un rapport publié en 2021.
Cela étant, quels sont les éléments qui permettent d’attester de la fragilité bancaire d’une personne ? Pour que sa situation financière soit considérée comme fragile, il lui faut remplir trois conditions figurant dans le code monétaire et financier : avoir effectué le dépôt d’un dossier de surendettement recevable ; avoir été inscrit pendant trois mois consécutifs au fichier central des chèques ; avoir été identifié par la banque comme étant en situation de fragilité financière au titre des revenus et des incidents constatés sur le compte.
Autant d’éléments qui nous rappellent qu’une part non négligeable de nos compatriotes subissent une insécurité financière qui les angoisse au quotidien, insécurité face à laquelle nous ne pouvons rester impassibles.
Ce rappel étant fait, si le groupe RDPI partage la volonté de renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires, force est de constater que les mesures proposées par notre collègue Rémi Féraud semblent inefficientes et disproportionnées.
D’une part, certains des dispositifs présentés dans le texte ne permettent pas d’apporter des réponses convaincantes et pertinentes aux enjeux d’accessibilité et d’inclusion bancaires.
Par exemple, la mission de couverture territoriale attribuée à La Banque postale créerait une charge supplémentaire non compensée par les dispositifs de financement établis à l’article 2. Outre le fait que cette mesure pourrait entraîner un désengagement des autres banques de l’établissement de nouveaux distributeurs automatiques, nous ne pouvons pas légitimement imposer à La Banque postale cette pression financière injustifiée.
L’article 3, qui impose des obligations d’information en matière de droit au compte et d’offre spécifique, m’apparaît redondant au vu de la législation actuelle et de la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement adoptée par l’Association française des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (AFECEI).
L’article 4, qui impose un plafonnement, proportionnel aux revenus, des commissions perçues par les établissements de crédit pour les irrégularités de fonctionnement du compte bancaire, connaîtrait inexorablement des difficultés d’application. Elles seraient notamment provoquées par la complexité de la collecte des informations nécessaires et par les potentiels problèmes de lisibilité des nouveaux plafonds.
Les dispositions figurant à l’article 4 induiraient définitivement un risque de surendettement pour les plus précaires, du fait de la volonté de ses auteurs d’instaurer une autorisation de découvert sans frais proportionnée aux revenus.
D’autre part, certaines mesures de la proposition de loi sont à mes yeux totalement disproportionnées.
Je pense notamment à l’article 6, contraire à la liberté d’entreprendre en ce qu’il instaure un double plafonnement des frais de services bancaires.
Mais je pense surtout à l’article 7, qui impose à la commission des sanctions de l’ACPR d’adopter une sanction pécuniaire à l’encontre de tout établissement de crédit qui ne respecterait pas ses obligations en matière de droit au compte ou n’appliquerait pas la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement.
J’estime, comme le rapporteur, qu’une telle disposition obligatoire est excessive. Permettre à une autorité d’imposer des sanctions pécuniaires sans qu’un juge puisse se prononcer pose nécessairement un problème dans notre État de droit.
Pour toutes ces raisons, notre groupe déterminera sa position sur cette proposition de loi en fonction du sort qui aura été réservé des amendements en discussion.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a présenté mon collègue Rémi Féraud, avec lequel j’ai eu le plaisir de rédiger cette proposition de loi, le présent texte est une réponse cohérente à des inégalités territoriales et sociales qui fracturent de nombreux départements, territoires ruraux et zones urbaines défavorisées.
Le point de départ de notre réflexion sur cette proposition de loi fut un constat partagé : que ce soit à Paris ou dans nombre de nos départements – en particulier celui dont je suis élu, la Loire –, les institutions bancaires sont très éloignées de nos concitoyens.
C’est donc dans une volonté de répondre aux enjeux sociaux et économiques par des mesures concrètes que notre groupe a retenu ce texte pour l’ordre du jour qui lui est réservé aujourd’hui, avec la proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique.
Le premier axe de ce texte-ci me tient particulièrement à cœur : il s’agit de répondre à la question de l’accessibilité bancaire.
Je m’étonne que, sur ce point, la droite sénatoriale, qui se positionne souvent comme la grande défenseure des territoires ruraux, ne soit pas plus intéressée par les propositions que nous formulons.
En effet, il existe bien – je pense qu’on pourra aisément le confirmer sur toutes nos travées – une désertification bancaire, qui se traduit par la fermeture des agences, points de contact essentiels pour les clients, mais aussi par l’abandon progressif de certains distributeurs automatiques.
Une nouvelle fois, cette désertification frappe les publics qui subissent déjà l’absence d’offre de soin de proximité, la fermeture des commerces communaux et le terrible recul des services publics dans les territoires.
En toute logique, le cumul de ces inégalités d’accès crée un profond sentiment de déclassement et d’abandon chez nos concitoyens.
Je pense donc sincèrement qu’en tant que membres de la chambre représentant les territoires, il est de notre devoir d’anticiper et de répondre à cette problématique.
À ce sujet, monsieur le rapporteur, lors de nos échanges, dont je tiens à souligner la courtoisie, vous avez affirmé qu’une grande majorité des Français se trouvent à moins de quinze minutes d’un distributeur automatique de billets.
Nos départements respectifs n’étant pas très éloignés, je pense que vous reconnaîtrez facilement que ces déplacements peuvent facilement varier en fonction des territoires et qu’ils peuvent en outre être rendus difficiles à certaines périodes de l’année.
Je pense aussi qu’il ne faut pas oublier l’ensemble des publics qui n’ont pas les moyens de se déplacer, que ce soit pour des raisons de santé ou du fait de l’absence d’accès à des moyens de transport.
C’est pourquoi nous proposons l’intégration d’une composante territoriale dans les missions du groupe La Poste ; ce dispositif vise à anticiper et à garantir cette présence bancaire sur l’ensemble des territoires.
Parler du maintien des distributeurs automatiques, c’est logiquement aborder la question de l’argent liquide et de sa place dans notre société.
C’est un sujet paradoxal : la demande sociale est forte, mais la réglementation a aussi été renforcée pour empêcher certaines dérives. Toutefois, la réalité de nos territoires doit également guider notre action. Or il est certain que les paiements en espèces sont au cœur de nombreuses interactions à l’échelle locale ; je pense particulièrement à l’ensemble des événements associatifs.
Ainsi, par ce texte, nous avons souhaité réellement poser la question du maintien d’un système de paiement qui, tout en se montrant inclusif, permette, en toute liberté, le règlement en liquide d’achats de la vie quotidienne.
Dans notre travail de réflexion sur ce texte, nous avons logiquement analysé l’ensemble des dispositifs qui permettent l’accès à l’argent liquide.
Les points relais chez des commerçants et le dispositif Allô facteur sont intéressants à ce titre, mais ils sont, de l’aveu même des représentants de La Banque postale, très peu connus et donc très peu utilisés.
Garantir le maintien des DAB dans les territoires, tout en démocratisant ces autres dispositifs d’accès, reste donc pleinement pertinent.
Pour financer cette nouvelle mission, nous proposons la création d’un fonds dédié, alimenté en partie par une contribution des établissements bancaires versée en cas de fermeture d’un DAB. Ici, le principe politique est clair, comme le message aux banques : vous faites le choix de quitter un territoire défavorisé : très bien, c’est votre choix, mais vous allez devoir participer pour que l’offre de services aux habitants du territoire concerné soit maintenue.
Alors que les nouvelles missions confiées au groupe La Poste sont en permanence sous-compensées, dans une logique purement libérale, nous proposons ici un dispositif cohérent.
Nous avons aussi souhaité, en deuxième axe de cette proposition de loi, proposer des solutions concrètes pour renforcer l’accompagnement et la protection des plus précaires dans leurs relations toujours particulières avec les établissements bancaires.
Sur ces articles, je salue les échanges que nous avons eus avec le rapporteur. Ils permettront, je l’espère, d’obtenir des avancées lors des débats que nous aurons dans quelques instants.
Face à la complexité des démarches administratives, le renforcement de l’inclusion bancaire doit être une priorité, pour ne laisser aucun citoyen en difficulté financière sur le bord de la route.
C’est pourquoi nous avons proposé des mesures très concrètes, en commençant par l’adaptation des offres spécifiques dans un contexte de crise du pouvoir d’achat et d’augmentation des dépenses courantes, pour l’alimentation et l’énergie notamment.
À ce sujet, rappelons que, dans le baromètre mensuel de l’inclusion financière, publié le 13 avril dernier, la Banque de France a relevé une hausse de 20 % des inscriptions au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers depuis le début de l’année 2023.
De plus, alors que près de 17 % de la population souffre d’illectronisme, le canal numérique ne peut pas être la seule voie d’échanges entre une banque et ses clients. Le renforcement de l’information en agence est donc indispensable : c’est ce que nous proposons à l’article 3.
Alors que La Banque postale prend en charge près de 1,6 million de clients jugés fragiles, soit 47 % de ce public, la proposition de loi a également pour objet d’interpeller les autres établissements bancaires et de leur demander de renforcer leurs efforts, que ce soit en matière d’information ou par les offres proposées.
Seules des sanctions pécuniaires pourront contraindre les acteurs économiques du secteur à agir en faveur de ces publics ; c’est l’objet de l’article 7.
Mes chers collègues, vous le voyez, nous vous proposons un texte avec des mesures très concrètes et répondant à de réelles préoccupations des habitants de nos territoires ruraux et urbains.
Je souhaite que l’examen du texte nous permette d’aboutir à une rédaction ambitieuse, dans l’intérêt de nos concitoyens, en commençant par les plus défavorisés.
Je salue une nouvelle fois mon collègue Rémi Féraud pour le travail réalisé en commun sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, accéder à la monnaie fiduciaire, autrement dit aux espèces, est-il un droit que la loi doit consacrer ?
Outre cette première question, les parlementaires que nous sommes doivent déterminer si La Poste devrait garantir cette mission, dont la nature de service public est reconnue, via l’installation et la maintenance de distributeurs automatiques de billets au plus proche de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Permettez-moi de faire remarquer qu’en dépit d’une faible présence de ses membres aujourd’hui, la droite a tout de même érigé un barrage pour mettre en échec la garantie d’un nouveau droit, sa consécration et sa mise en œuvre concrète par la promotion de l’égalité territoriale.
Nous remercions nos collègues socialistes de cette proposition de loi.
La droite sénatoriale entend se livrer, si je puis dire, monsieur le rapporteur, à une petite opération de démantèlement ! Elle se cache derrière une statistique pour motiver son refus : 99,2 % de nos concitoyennes et de nos concitoyens peuvent accéder à un distributeur en moins de quinze minutes. Derrière cette statistique, qui se veut implacable, se cachent des réalités territoriales très variées qui semblent échapper à ceux qui prétendent représenter les territoires. Sans aller jusqu’à rappeler la différence entre une moyenne et une médiane, je veux faire remarquer que 3,6 % de la population habite dans l’une des 12 013 communes très peu denses que compte le territoire national. C’est à eux que s’adresse cette proposition de loi, à ceux qui doivent faire trente minutes de route, voire plus, si leur distributeur est en panne. Près d’un quart d’entre eux, 542 000 personnes, ne jouissent pas du pouvoir de choisir leur moyen de paiement, faute de trouver un distributeur dans leur aire de vie immédiate.
Opportunément, les auteurs de cette proposition de loi proposent de mettre à contribution les bénéfices des banques, au travers d’une taxe sur les distributeurs qui ferment.
« Encore un impôt ! » a-t-on entendu s’offusquer, de manière feutrée, mais réelle, certains à droite qui semblent avoir d’autres idées que l’impôt pour financer des services publics. Peut-être les découvrirons-nous un jour ! Attention, nous disent-ils ; les banques vont retirer leurs distributeurs avant l’adoption de la loi ; ainsi, on sera privé des recettes potentiellement dévolues à La Poste pour l’installation de distributeurs de billets. Autant d’arguments idéologiques, et faux pour certains d’entre eux, qui créent des problèmes imaginaires à défaut de trouver des solutions à ceux, bien réels, de nos compatriotes.
Si 4 598 distributeurs de billets, soit 8,77 % d’entre eux, ont tout bonnement disparu, il ne faudrait pas y voir un phénomène structurel, témoignant de l’action du système bancaire pour faire disparaître les espèces.
Non sans une certaine ironie, on invite nos concitoyens à se rassurer : il existerait de nombreuses solutions alternatives aux distributeurs de billets que chacune et chacun fréquente.
Peut-être connaissez-vous le dispositif Allô facteur, service de livraison d’espèces à la demande par un postier, signe que l’argent physique serait voué à disparaître, à l’instar du courrier, car les Françaises et les Français s’en seraient détournés. C’est faux ! La numérisation des services publics a conduit à délaisser le courrier, à perdre l’habitude de l’usage de l’écrit pour interagir avec l’administration, tout comme il est devenu impossible de payer autrement qu’en ligne pour effectuer nombre d’achats.
Un autre dispositif encouragé par la droite, le cash-in-shop, permet à des commerçants de délivrer des espèces contre un paiement par carte supérieur au prix d’achat d’un produit. La généralisation de cette pratique à tous les commerçants, au-delà des clients d’un même réseau bancaire, représente une fuite en avant. Par ailleurs, la livraison de colis dans des points relais a-t-elle accru la fréquentation des commerces qui la pratiquent ? Nous avons tous pu le constater : non ! Les gens viennent, récupèrent leur paquet et s’en vont ! Le magasin de vêtement de centre-ville concurrencé par la vente en ligne connaîtra-t-il un élargissement considérable de sa clientèle grâce à ce nouveau service ? Bien sûr que non ! Pire, ces commerçants exposeront leur sécurité en détenant une quantité importante d’espèces, alors que les distributeurs automatiques, à part quelques cas de voiture bélier ou de fraudes à la carte bleue, ne comportent pas de risque majeur pour l’intégrité des personnes physiques.
Sur le volet de ce texte consacré à l’inclusion bancaire, nous avons déposé des amendements qui expriment une triple volonté : empêcher les banques de se rémunérer sur les clients financièrement en difficulté ; sortir certaines opérations d’un objectif de rentabilité ; garantir des offres de justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe Union Centriste, je salue l’initiative de Rémi Féraud et des membres de son groupe ; avec cette proposition de loi, ils nous permettent un nouveau débat sur l’accessibilité bancaire dans notre pays.
Rémi Féraud a raison de relever quelques points qui ont déjà fait débat dans notre assemblée et ne paraissent toujours pas réglés. Face à la diminution du nombre de distributeurs automatiques de billets et à leur inégale répartition, il propose notamment la création d’un fonds de garantie de la présence bancaire territoriale.
Je me permets de rappeler qu’au mois de novembre 2018, nous avions examiné une proposition de loi de notre collègue Éric Gold sur le sujet. Puisque j’en avais été désignée rapporteure, je pense utile de rappeler quelques conclusions que j’avais alors déjà exprimées.
Je faisais état en 2018 de l’existence de 56 000 distributeurs automatiques de billets. Selon notre rapporteur Stéphane Sautarel, il y en avait 47 853 en 2021. Ce sont donc plus de 8 000 distributeurs qui ont disparu en cinq ans, soit près de 15 % d’entre eux ! Je trouve ce chiffre bien trop élevé, voire inquiétant.
Il serait plus intéressant encore de connaître l’exacte répartition de ces distributeurs. En 2018, nous n’ignorions pas le coût d’investissement et de fonctionnement des DAB. Aussi, nous avions souhaité connaître la cartographie de l’emplacement de ces appareils. À cet effet, un groupe de travail mandaté par la Banque de France avait été créé, afin de recenser précisément l’offre d’accès aux espèces, tous canaux confondus, et de définir les scenarii d’organisation pour garantir l’accès aux espèces. Cette cartographie devait nous être présentée au mois de janvier 2019.
Le 27 mars 2019, notre commission des finances s’est réunie sur le thème de la dématérialisation des moyens de paiement ; elle a notamment procédé à l’audition de M. Erick Lacourrège, alors directeur général des services à l’économie et du réseau de la Banque de France, qui a tenu les propos suivants : « En ce qui concerne la cartographie, je suis désolé de vous décevoir, mais elle n’est pas terminée. Il ne s’agit pas d’une volonté de rétention d’information. Nous avons recueilli beaucoup de statistiques auprès de l’ensemble des réseaux bancaires. Nous pourrons vous donner un état des lieux extrêmement précis d’ici à la fin du printemps. » M. Lacourrège n’a, il est vrai, pas précisé du printemps de quelle année il entendait parler… Toujours est-il, mes chers collègues, que nous n’avons jamais reçu cette carte !
Je le dis avec force : c’est inadmissible ! Comment débattre valablement aujourd’hui de la présence bancaire et de son évolution sans cet outil indispensable ? C’est un préalable que nous devons exiger, et je souhaite que notre commission des finances en soit enfin destinataire.
Au mois de janvier 2019, M. le gouverneur de la Banque de France déclarait à notre commission des finances : « La Banque de France n’abandonnera jamais les espèces. Nous sommes, au titre de nos missions monétaires, garants de la liberté de choix des Français dans leurs moyens de paiement. Nous n’avons pas à favoriser les espèces plutôt que la carte ou le paiement par mobile, mais nous devons faire en sorte que chacun de ces moyens de paiement soit également accessible, d’égale qualité et d’égale sécurité. »
Aussi, il serait heureux que le Parlement et en particulier la commission des finances du Sénat, qui le demande, disposent des éléments nécessaires à l’appréciation du nombre et de l’emplacement des distributeurs automatiques de billets. Il sera alors plus aisé de remédier aux besoins territoriaux.
C’est pourquoi, en l’absence de documents précis, le groupe Union Centriste partage l’avis de notre rapporteur, qui demande la suppression des articles 1 et 2 de cette proposition de loi. S’il doit, un jour, y avoir un fonds et une péréquation, ce ne peut être qu’à la condition de disposer d’une cartographie en temps réel.
Cependant, nous mettons en garde contre un engrenage qui pourrait se révéler dangereux : celui de rendre un tel fonds pérenne et indispensable. Dès lors, les établissements bancaires conditionneraient l’ouverture d’un distributeur de billets au recours à ce fonds, ce qui créerait d’autres complications : quel montant pour le fonds ? Comment le répartir en respectant la libre concurrence entre les différentes banques ? C’est un sujet que nous n’avons pas abordé et qui mériterait des réponses claires.
Nous soutiendrons les améliorations pertinentes proposées par notre rapporteur aux articles 3 à 6. En effet, en matière d’information, dans un objectif d’efficience, la qualité doit aujourd’hui primer sur la quantité. De même, nous approuvons la proposition du rapporteur de supprimer l’article 7, car nous pensons que l’ACPR doit rester souveraine dans ses décisions. Elle les rend d’ailleurs déjà publiques, ce qui contribue sans doute davantage à leur caractère pénalisant que leur simple montant.
Notre groupe votera donc cette proposition de loi telle qu’amendée par notre assemblée sur l’initiative de notre rapporteur, dont je salue le travail.
J’espère qu’à l’occasion de futures réunions de la commission des finances, nous pourrons enfin disposer de tous les éléments nécessaires à une véritable appréciation de la présence bancaire en France.
Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la continuité de la proposition de loi de mon collègue Éric Gold adoptée par le Sénat le 21 novembre 2018, je commencerai par rappeler les problèmes de désertification bancaire que connaissent nombre de territoires ruraux, avec la fermeture des agences bancaires et la disparition des distributeurs de billets. Cette désertification contribue au sentiment d’abandon de nos concitoyens en zone rurale, qui se conjugue à une certaine forme de solitude ressentie par les élus locaux face à ce problème très concret.
Contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire, il existe un réel problème de désertification bancaire en France. Qui, dans cet hémicycle, n’a pas sur son territoire l’exemple d’une agence ou d’un distributeur automatique de billets venant de fermer ou restant sous la menace d’une fermeture ?
En dix ans, le nombre d’agences bancaire a ainsi baissé de 10 % en France. En milieu rural, le phénomène de désertification est encore plus marqué et, bien entendu, ne concerne pas que l’accès aux distributeurs de billets : il manque aussi des médecins – nous en avons encore débattu récemment – et des transports collectifs ; la couverture numérique et téléphonique est défaillante, voire inexistante ; les commerces de proximité disparaissent…
Une partie de la population vit mal la disparition des services publics, mais aussi des services au public et des équipements utiles au quotidien. Ce ressenti, c’est aussi ce qui conduit à la colère et aux extrêmes.
Je veux donc rappeler qu’il n’y a pas de citoyens de seconde zone et qu’il n’y a pas de territoires de seconde zone.
D’une part, les populations les plus fragiles, vieillissantes et moins mobiles, sont parfois dépendantes des espèces pour le règlement de leurs achats, mais aussi de leur voiture pour tous leurs déplacements.
Devoir faire plusieurs kilomètres pour retirer de l’argent constitue donc une difficulté supplémentaire, notamment pour les personnes âgées qui ne peuvent plus conduire et les personnes à mobilité réduite, qui sont les premières victimes du désengagement des banques sur nos territoires.
D’autre part, il faut bien comprendre que nos aînés s’approprient moins les moyens de paiement modernes et sont moins bien dotés en outils numériques.
Il n’est pas question de nier l’émergence de nouvelles pratiques qui se portent davantage vers les outils et modes de paiement numériques. Mais considérer que la dématérialisation est aujourd’hui actée et bien vécue par l’ensemble de la population constitue une erreur fondamentale.
Enfin, nos territoires ne bénéficient pas tous de la couverture numérique indispensable à l’utilisation d’un terminal de paiement électronique. Dans certaines zones où l’accès à internet et même à la téléphonie fixe est entravé, le règlement par carte bancaire se révèle tout simplement impossible.
Tout comme la présente proposition de loi, celle que le RDSE a défendue en 2018 prévoyait, dans sa version initiale, la création d’un fonds destiné au maintien de distributeurs automatiques de billets dans les communes rurales.
La présente proposition de loi, au vu des amendements de la commission que nous allons examiner, ne va pas répondre à toutes les problématiques, mais ces dispositions me semblent aller dans le bon sens.
C’est pourquoi je voterai cette proposition de loi, tout comme la majorité des membres du RDSE.
Mme le président. La parole est à Mme Véronique Del Fabro. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Véronique Del Fabro. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est aujourd’hui quasiment impossible de vivre sans compte bancaire. En effet, bon nombre de transactions ne peuvent être effectuées que par chèque, virement ou paiement par carte. Posséder un compte est un droit ; ne pas en posséder aurait pour conséquence de désocialiser la personne.
Si seulement 1 % de la population n’est pas bancarisée, c’est parce qu’il existe des dispositifs comme le droit au compte et des formules qui permettent aux plus fragiles de bénéficier d’une offre bancaire adaptée à leur situation.
Certes, des carences peuvent être observées en matière d’information relative au droit au compte. Toutefois, l’information existe et est accessible ; j’en veux pour preuve que le taux de bancarisation de la population atteint 99 %. Il convient d’encourager le travail que mène actuellement la profession bancaire pour fluidifier ce dispositif.
Prenons garde : la notion de fragilité a de multiples facettes. En matière de comportement bancaire, on distingue la cigale et la fourmi. Si certains clients ont des difficultés financières à cause de petits revenus, d’autres ne savent pas gérer leur argent. Cessons de ne travailler que sur les conséquences de la fragilité ; affrontons-en aussi les causes !
Toute l’approche commerciale des banques doit reposer sur la connaissance que le conseiller bancaire a de son client. En privilégiant une approche client au détriment d’une approche produit, le conseiller peut personnaliser son offre, son accompagnement et aider son client à retrouver une santé financière, une dignité, afin qu’il sorte de ce dispositif.
Traiter la cause, c’est aussi travailler sur l’éducation financière, dans l’enseignement scolaire, mais aussi pour les adultes.
Je suis d’avis que l’introduction d’une autorisation de découvert sans frais proportionnelle aux revenus n’est pas une mesure adéquate. Elle pourrait faire courir le risque d’une spirale d’endettement et introduirait un droit au crédit qui n’existe pas en droit français. Laissons la main aux banques pour agir en fonction de la connaissance qu’elles ont de leurs clients.
Si, en 2021, 700 000 clients ont opté pour l’offre destinée aux clients fragiles, soit une hausse de 80 % par rapport à 2019, la proposition de cette offre dépend aussi des valeurs de l’entreprise bancaire. Certaines ne veulent pas gérer cette clientèle peu rentable quand d’autres mettent en place des dispositifs spécifiques, comme une plateforme dédiée à cette clientèle afin de les rencontrer, de les informer et de les accompagner. Cette offre est et doit rester une offre transitoire. Aidons donc les banques à développer ce système !
Nous sommes conscients que l’accès aux services bancaires est un élément fondamental pour la vie quotidienne de nos concitoyens. C’est une question de justice sociale. Ces barrières peuvent être dues, comme on vient de le voir, aux difficultés financières, au manque de connaissances, mais aussi à la distance géographique.
Comme il a déjà été rappelé, chacun a accès à un distributeur de billets à moins de quinze minutes. Il est néanmoins nécessaire de travailler sur le maillage territorial. Surtout, il ne faudrait pas confondre le nombre de DAB implantés et le nombre de points d’espèces. Mieux vaut un seul DAB qui fonctionne plutôt que plusieurs qui ne sont pas utilisés et donc peu rentables. Ce maillage doit aussi être adapté à l’évolution des comportements des consommateurs, qui délaissent les centres-villes au profit des centres commerciaux.
En matière de maillage, des alternatives aux DAB existent ; ainsi, le cashback et le cash-in-shop sont déjà prévus par le code monétaire et financier. Certes, l’utilisation du cashback reste encore faible, mais celle du cash-in-shop se développe et devrait évoluer. Pour exemple, le Crédit Agricole, avec ses Relais CA, propose à ses clients, notamment dans les zones rurales, un service de retrait chez des commerçants – boulangeries, épiceries, boucheries… – là où il n’y a pas d’agences bancaires. Ce service pourrait être universalisé, de manière que les commerçants concernés puissent distribuer des espèces à d’autres clients que ceux des banques qui les ont mandatés. C’est le sens de la réflexion actuelle de certains groupes bancaires.
Enfin, le fonds de garantie de la présence bancaire, alimenté par une taxation sur les bénéfices des banques, sanctionnerait-il tous les établissements ? Qu’en est-il de la taxation des bénéfices des banques en ligne ?
Autre initiative locale, afin de conserver certains DAB, certains établissements se sont associés pour les gérer collectivement.
Si certaines mesures proposées dans cette proposition de loi vont dans le bon sens, il est toutefois nécessaire d’apporter quelques ajustements pour les rendre plus efficaces et équilibrées, notamment pour les personnes fragiles.
C’est pourquoi le groupe Les Républicains est favorable à ce texte tel que notre rapporteur, mon collègue Stéphane Sautarel, propose de l’amender. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « les distributeurs de billets sont en voie de disparition » : cette crainte, nous l’entendons partout en France, en particulier dans nos campagnes. Dans les zones rurales, elle participe du cercle vicieux de la désertification : moins d’habitants, c’est moins de commerces, donc moins de transactions, moins de retraits, moins de distributeurs et, ainsi, moins de services.
Le rôle du Sénat, en tant que chambre des territoires, est d’apporter des solutions aux problèmes que nous constatons sur le terrain.
Les espèces restent le moyen de paiement privilégié des Français. En 2019, la Banque de France estimait que 59 % des paiements s’effectuaient de cette façon, contre 35 % par carte. Aussi comprend-on mieux pourquoi les Français s’inquiètent de voir disparaître les agences bancaires ou les distributeurs de billets.
Depuis lors, la pandémie a bousculé les habitudes. Autant les banques que les commerçants ont privilégié le paiement sans contact. Pourtant, comme je l’ai souligné, les paiements par espèces restent majoritaires. Des différences d’ordre générationnel ou géographique peuvent exister, mais les chiffres sont là.
Il ne s’agit pas de prendre parti pour les espèces ou pour la carte bancaire, bien que, soit dit en passant, la question soit intéressante, le Gouvernement ayant de bonnes raisons de se méfier des espèces, qui sont intrinsèquement plus difficiles à contrôler. La question qui nous est posée aujourd’hui est de savoir s’il faut légiférer pour garantir un maillage de distributeurs dans les territoires.
L’article 2 de la proposition de loi fixe un objectif clair : garantir l’accès à un distributeur de billets en moins de quinze minutes, sur chaque point du territoire national. Le problème est que, dans les faits, cet objectif est déjà atteint. En effet, les données de la Banque de France que j’ai citées établissent que 99 % des Français ont bien accès à un distributeur de billets en moins de quinze minutes.
Aussi, l’intérêt de légiférer ne me paraît pas évident. En revanche, la taxe qui servirait à financer ce service public des distributeurs de billets, que nos collègues socialistes appellent de leurs vœux, serait, elle, bien réelle. Et elle finirait par renchérir le coût global des services bancaires.
Si la qualité de nos services publics était proportionnelle au nombre de taxes permettant de les financer, alors la France serait championne du monde ! Or tel n’est pas le cas. Nous vous proposons donc de supprimer cette taxe, qui nuira au pouvoir d’achat des Français.
En revanche, d’autres mesures de cette proposition de loi nous paraissent extrêmement pertinentes, en vue, notamment, de renforcer l’information des clients et les sanctions contre les banques ne respectant pas leurs obligations. Nous sommes favorables à ces mesures.
Nous n’améliorerons pas les services bancaires en ajoutant toujours plus de taxes et de contraintes. Pénaliser les banques, ce n’est pas favoriser leurs clients. Il en va de même pour l’accès au crédit, qui s’est durci du fait de la remontée des taux d’intérêt, alors qu’il faudrait le faciliter.
Ainsi, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte, sous réserve de l’adoption de ses amendements en séance.
Mme le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons, le développement économique des dernières décennies s’est accompagné d’une utilisation des services bancaires par une part croissante de la population et d’une dématérialisation des échanges financiers.
De ce fait, plus que jamais, l’accès à un compte et aux services bancaires est devenu une nécessaire condition d’inclusion à la vie économique et sociale de la France.
Or, à l’instar de ce qui a été constaté à la suite de la crise de 2008, les personnes privées d’un compte, notamment à la suite d’incidents de paiement, pourraient se multiplier en raison de la crise économique actuelle.
Dans le contexte de crise aiguë que nous connaissons depuis 2020, la proposition de loi que nous examinons a le grand mérite de porter au débat plusieurs outils visant à accentuer la vigilance que nous devons à nos concitoyens les plus fragiles. Les conséquences économiques et sociales pèsent déjà lourdement sur la situation financière de ces derniers.
Il est de notre devoir de veiller à ce que la tentation d’une renonciation aux espèces ne conduise pas à davantage de précarisation, contrevenant à terme à la liberté de choix des moyens de paiement. L’honneur exige que nous protégions les ménages les plus pauvres et les plus précaires.
Bien que 99 % de la population dispose aujourd’hui d’au moins un compte en banque, nous devons veiller à ce que les mécanismes d’accès aux services bancaires et aux moyens de paiements préviennent un basculement dans la fragilité financière et une entrée dans la spirale du surendettement – même si, depuis quelques années, les dispositifs d’accompagnement associant pouvoirs publics, banques et acteurs associatifs se sont développés.
De même, la question des frais bancaires doit être posée : actuellement, aucune sanction pénale n’est prévue dans le cas où la banque appliquerait des frais pour incidents supérieurs au plafond établi par la loi.
Ce système d’impunité repose sur une grande complexité et désarme totalement le citoyen face à ce qui lui est imposé. Or les frais bancaires pesant sur nos concitoyens constituent précisément l’un des obstacles à la réalisation de l’objectif d’inclusion bancaire qui a fait l’objet d’un large consensus en commission. S’il est normal que les banques facturent leurs prestations, il est inadmissible que ces frais soient complètement décorrélés du coût réel de celles-ci.
Aussi avons-nous, mon groupe et moi-même, déposé des amendements visant à limiter, à certaines conditions, le plafonnement de ces frais. Ce faisant, nous veillerions à protéger les publics les plus fragiles par un système de plafonds en fonction du niveau de ressources.
Par ailleurs, l’inclusion territoriale, corollaire de l’inclusion sociale, n’est pas moins essentielle ; il convient de nous concentrer sur cet aspect.
Si nous avons entendu, en commission, les positions du rapporteur sur le degré de couverture territoriale, les chiffres ne correspondent bien souvent pas à la réalité que nombre d’entre nous constatent dans les territoires.
Les agences bancaires et bureaux de poste présents sur le territoire ne se répartissent pas de manière uniforme. Ainsi, si une fermeture peut passer inaperçue en ville ou dans une commune périurbaine, elle peut être catastrophique dans les villages ruraux où les quinze minutes de trajet en voiture ne sont pas anodines, étant donné les conditions de circulation dans des départements comme le mien et bien d’autres.
La réalité des chiffres et des statistiques s’oppose parfois à celle du vécu ; c’est le cas pour ce qui concerne la réalité de la désertification bancaire dont pâtissent nos populations. La promesse de garantir un égal accès aux services bancaires sur tout le territoire n’est pas tenue !
En 2019, la Fédération bancaire française (FBF) a indiqué que les communes dépourvues d’un distributeur étaient majoritairement de petite taille et situées en zone rurale. En effet, quelque 97 % des 28 664 communes non équipées d’un distributeur comptaient moins de 2 000 habitants, et plus de 76 % des personnes résidant dans une commune sans distributeur vivaient en zone rurale.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Paul Toussaint Parigi. Voilà, mes chers collègues, les principaux points que nous souhaitions soulever, en dépit du rejet de ce texte en commission.
Mme le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires
Chapitre Ier
De l’accessibilité territoriale bancaire
Article 1er
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 518-25 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle veille également à assurer une couverture territoriale complète, tant en ce qui concerne les implantations que l’entretien et l’approvisionnement des distributeurs automatiques de billets. Elle dispose pour cela de l’appui du Fonds de garantie de la présence bancaire territoriale créé par la loi n° … du … visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires. »
II. – Au 4° du I de l’article 2 de loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste, après la référence : « L. 221-2 », est insérée la référence : « , L. 518-25 ».
Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue moi aussi l’initiative de nos collègues Rémi Féraud et Jean-Claude Tissot, ainsi que du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. En effet, la discussion de leur proposition de loi a le mérite de poser la question de l’accessibilité bancaire et de mettre en avant le rôle indispensable de La Poste.
L’article 1er attribue à La Poste une mission de couverture territoriale complète en distributeurs automatiques de billets. Il nous amène ainsi à raisonner en termes d’aménagement du territoire, et je salue les nombreuses auditions qui ont été réalisées pour son élaboration.
Des chiffres intéressants figurent dans le rapport : « Au 31 décembre 2022, on comptait 17 013 points de contact en France, dont 7 001 bureaux de poste, 6 915 agences postales communales et intercommunales ».
Nous pouvons malheureusement regretter l’évolution à la baisse des moyens humains. L’objectif est que 99 % de la population se trouve à moins de quinze minutes en voiture d’un DAB. Or certains départements font exception, en ce sens que moins de 90 % de leurs habitants se trouvent à cette portée. C’est le cas des Ardennes, que je représente. Il faut prendre ce fait en considération.
Toutefois, le rapporteur indique, faisant valoir divers arguments, que les nouvelles missions dédiées à La Poste impliqueraient une charge supplémentaire. Je me rallierai donc à sa position.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 15 rectifié est présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Verzelen, Decool et Grand.
L’amendement n° 18 est présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dany Wattebled, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.
M. Dany Wattebled. Cet article crée une sorte de service public des distributeurs de billets, qui serait délégué à La Poste. La mise en œuvre de cette nouvelle mission serait réalisée par La Banque Postale, filiale de La Poste, ce qui poserait un problème de concurrence vis-à-vis des autres banques.
Ce nouveau service public aurait pour mission d’assurer une couverture territoriale complète. Or la France dispose déjà d’un très bon maillage territorial.
La création d’un nouveau service public, avec les contraintes législatives et les taxes supplémentaires qu’elle implique, ne paraît donc pas justifiée.
C’est pourquoi je propose de supprimer l’article 1er de cette proposition de loi.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 18.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er de la proposition de loi, qui confie à La Poste une mission de couverture territoriale complète, en ce qui concerne tant les implantations que l’entretien et l’approvisionnement des DAB.
Comme les auteurs de la proposition de loi, j’estime que, malgré le développement de moyens de paiement dématérialisés, l’accès aux espèces doit être garanti. Il importe en effet de laisser à chacun le choix de son moyen de paiement. Par ailleurs, les espèces constituent, pour les ménages les moins aisés, un outil indispensable à la gestion de leur budget.
Toutefois, cet article ne saurait être adopté, et cela pour trois raisons principales.
Tout d’abord, le dispositif proposé pourrait entraîner un désengagement territorial des banques, ce qui alourdirait la charge de La Poste. Le rapport sénatorial de mars 2021 sur l’avenir des missions de service public de La Poste avait ainsi expressément exclu la possibilité d’une nouvelle obligation légale de service public.
Ensuite, l’objectif d’accessibilité aux DAB qui est défini par cet article est largement satisfait, quelque 99,2 % de la population étant située à moins de quinze minutes en voiture d’un DAB – évidemment, il s’agit d’une moyenne, et je sais, en tant qu’élu d’un département rural, qu’il convient de se méfier de cette notion. Au reste, la rédaction de l’article n’apporte pas de différenciation territoriale.
Enfin, le dispositif se concentre sur la question de la présence territoriale des DAB, alors que d’autres moyens d’accès aux espèces existent.
À cet égard, je sollicite l’avis du Gouvernement : la modification du droit européen permettrait-elle d’universaliser l’accès au cash-in-shop ? Ce moyen de retrait de liquide dans les commerces, contrairement au cashback, n’implique pas de mouvement commercial. L’universalité de l’offre permettrait d’en améliorer l’accès.
Pour toutes ces raisons, la commission propose, par cet amendement, de supprimer l’article 1er.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Pour ce qui concerne le cash-in-shop, des travaux sont bien engagés pour s’assurer de l’interopérabilité entre les banques, afin que cela fonctionne correctement.
J’émets donc un avis favorable sur ces amendements de suppression.
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Je regrette les amendements de suppression de l’article 1er et de l’article 2 – les deux dispositions vont ensemble. J’entends bien que notre proposition, qui implique à la fois une réglementation et une taxe supplémentaires ne vous enchantent pas. Néanmoins, plusieurs collègues, et pas seulement sur les travées de la gauche, ont témoigné de la réalité de la désertification bancaire dans certains territoires ruraux.
Cette désertification est plus importante que les chiffres ne semblent l’indiquer ; au reste, ceux dont nous disposons sont très partiels. En outre, le risque existe que ce phénomène ne soit encore largement devant nous.
Peut-être notre proposition n’est-elle pas parfaite, mais elle a le mérite d’exister et de prévoir un financement. Nous souhaitons faire en sorte que, au bout du compte, ni La Poste ni le contribuable, par une dotation pour une nouvelle mission de service public, n’en soient pour leurs frais. Cette responsabilité collective doit être prise en charge par l’ensemble du secteur bancaire.
Au moins aurons-nous provoqué un débat sur cette question, dont je suis sûr qu’elle se reposera. Il nous faudra être vigilants et trouver des solutions face à cet enjeu, auquel le seul cash-in-shop ne peut répondre.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié et 18.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 275 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 238 |
Contre | 104 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 1er est supprimé.
Article 2
I. – Il est créé un Fonds de garantie de la présence bancaire territoriale, établissement public national à caractère administratif chargé de garantir l’accès à un distributeur automatique de billets en moins de quinze minutes sur chaque point du territoire national.
Il est géré par un conseil d’administration présidé par le ministre chargé de l’économie et des finances ou son représentant et comprenant des représentants de La Banque Postale, des organisations professionnelles bancaires, des associations de consommateurs et de personnalités qualifiées.
Un décret en Conseil d’État définit les règles d’organisation et de fonctionnement du fonds, dont la composition et les compétences de son conseil d’administration.
II. – Le fonds enregistre en recettes :
1° Une taxation assise sur les bénéfices des établissements bancaires ;
2° Une contribution, dont le montant est fixé par décret en Conseil d’État, versée par chaque établissement bancaire pour chaque fermeture de distributeur automatique de billets ;
3° Les contributions volontaires des collectivités territoriales dans le cadre d’une contractualisation.
III. – Le fonds enregistre en dépenses :
1° Ses frais de fonctionnement et de gestion ;
2° Le subventionnement de La Banque Postale pour le déploiement et l’entretien d’un réseau de proximité de distributeurs automatiques de billets ainsi que son approvisionnement.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 16 rectifié est présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Verzelen, Decool et Grand.
L’amendement n° 19 est présenté par M. Sautarel, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dany Wattebled, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié.
M. Dany Wattebled. L’article 2 crée un fonds de garantie de la présence bancaire territoriale, dont les recettes proviendraient d’une taxe sur les bénéfices des banques.
Ce fonds prendrait la forme d’un établissement public national à caractère administratif chargé de garantir l’accès à un distributeur automatique de billets en moins de quinze minutes sur chaque point du territoire.
Or l’accessibilité des services bancaires n’augmente pas à proportion des taxes imposées sur les banques. En outre, 99 % des Français ont déjà accès à un distributeur en moins de quinze minutes.
La création de ce fonds ne paraît donc pas justifiée. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’article 2.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 19.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, qui crée un fonds de garantie de la présence territoriale bancaire chargé de garantir un accès en moins de quinze minutes à un distributeur automatique de billets.
Ce fonds appuierait financièrement le groupe La Poste, pour qu’il puisse assumer sa mission de couverture territoriale prévue à l’article 1er.
Pour financer ces dépenses, trois types de recettes sont prévus : une taxation sur les bénéfices des établissements bancaires, une contribution versée par les établissements bancaires au moment de la fermeture d’un DAB et les contributions volontaires des collectivités territoriales dans le cadre d’une contractualisation.
La création de ce fonds paraît peu utile. Il est en effet chargé de garantir l’accès à un DAB en moins de quinze minutes, objectif qui est d’ores et déjà atteint.
Par ailleurs, le mécanisme de financement du fonds paraît inéquitable et porteur de difficultés, notamment l’introduction d’une nouvelle taxe, dont le taux n’est pas fixé et qui semble contestable, en cela qu’elle ne concernerait pas les néobanques et risquerait de conduire à un renchérissement des services bancaires. De plus, elle frapperait les banques de façon indifférenciée, quel que soit l’endroit de fermeture.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, et en cohérence avec la suppression de l’article 1er, je vous propose de supprimer l’article 2.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je trouve que la proposition de créer un fonds garantissant la présence territoriale bancaire, que Rémi Féraud a bien expliquée, aurait mérité un avis de sagesse, plutôt qu’une demande de rejet fondée sur un esprit de sanction.
Si ces articles ne réglaient pas tous les problèmes, un avis de sagesse leur aurait permis de cheminer de manière positive. En effet, il est évident que les bénéfices des banques n’étaient pas déterminés, ce qui rendait la mesure difficilement applicable.
Notre groupe avait déposé un amendement visant à supprimer la contribution des collectivités territoriales au financement de l’implantation et de l’entretien des distributeurs de billets, et cela pour une raison simple : c’est tout de même aux banques de financer ce service !
Pardonnez-moi, mais, au cas où les Françaises et les Français nous écoutent, je rappelle qu’il a été annoncé ce matin que le bénéfice net de BNP Paribas avait augmenté de 150 % au premier trimestre. Cela fait 4,4 milliards d’euros de bénéfices en trois mois… Franchement, vous ne croyez pas qu’il y a de l’argent pour installer des distributeurs ?
Je partage l’avis de Sylvie Vermeillet : nous allons nous y habituer et banaliser la disparition des DAB. Voilà ce qui va se passer pour ce qui concerne l’accès aux espèces ! Le nombre de points d’accès a chuté de 8,77 % entre 2018 et 2021.
En ne réagissant pas et en ne soutenant pas cette proposition de loi, qu’on le veuille ou non, nous banalisons et normalisons la disparition des distributeurs d’espèces, auxquels une partie de nos concitoyennes et concitoyens n’aura plus accès.
C’est pourquoi nous votons contre ces amendements de suppression.
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je réagirai en quelques mots à la prise de parole de notre collègue Pascal Savoldelli. Il faut dire les choses jusqu’au bout : qu’il y ait moins de lieux de retrait d’espèces, notamment de distributeurs automatiques de billets, n’empêche pas l’optimisation de ces derniers.
Je m’explique : en milieu urbain, il y a souvent pléthore d’offre dans un périmètre très restreint. Les banques disent que cela coûte cher, et l’installation, l’entretien et l’alimentation des DAB coûtent, en moyenne, le même prix. Sur ce point, je ne vous rejoins donc pas.
Ce qu’il faut, c’est disposer d’un maillage équilibré, avec des distributeurs automatiques de billets, mais aussi de nouvelles formes de distribution et de retraits d’espèces. Nous devons parvenir à « zéro zone blanche » sur le territoire national en matière d’accès aux espèces.
Pour cela – j’aurai l’occasion de le redire –, il nous faut aller plus loin et cartographier en temps réel les évolutions. Il est normal que les choses évoluent là où s’installent des populations nouvelles et que des accès nouveaux soient créés.
Étant donné que des moyens nouveaux peuvent remplir peu ou prou la même fonction que les DAB, je puis entendre que l’on réorganise les moyens d’accès et de distribution. Le chiffre brut d’une baisse des distributeurs ne signifie pas forcément que le niveau de service s’est réduit, en tout cas sensiblement.
Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour explication de vote.
Mme Sylvie Vermeillet. Dans le prolongement de mon intervention au cours de la discussion générale, j’estime que nous ne sommes pas prêts pour la création d’un fonds, car nous manquons de données sur la répartition des distributeurs.
En effet, nous ne disposons pas d’une cartographie des points de distribution, alors même que nous avons les moyens de l’exiger. Il n’est pas possible que nous ne l’obtenions pas, quand on nous l’avait promise pour le début de l’année 2019 ! Ce serait la moindre des choses que l’on nous fournisse un tel outil pour travailler en connaissance de cause.
Par ailleurs – je crois que cela n’a pas été dit au cours des différentes interventions –, les DAB manquent de façon sensible non pas forcément dans le monde rural, mais en périphérie des zones urbaines. Celles-ci deviennent des zones sensibles, car c’est là a priori que les banques ferment des DAB, ainsi que dans certaines communes touristiques, dont la population est multipliée par dix lors des vacances et où peut se poser une difficulté d’accès aux espèces.
Nous pouvons penser que les besoins se situent dans ces zones, mais nous n’avons pas de certitude, puisque nous ne disposons d’aucune cartographie. Or j’estime que, avant de voter la création d’un fonds, il nous faut savoir précisément de quoi nous parlons.
Je voterai donc pour la suppression de l’article 2.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié et 19.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 276 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 238 |
Contre | 104 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 2 est supprimé, et l’amendement n° 8 n’a plus d’objet.
Chapitre II
De l’accessibilité sociale bancaire
Article 3
Le troisième alinéa de l’article L. 312-1-1-A du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle définit enfin les modalités d’affichage au sein des agences bancaires de l’information relative au droit au compte et à l’existence des offres mentionnées au même deuxième alinéa. »
Mme le président. La parole est à M. Alain Cadec, sur l’article.
M. Alain Cadec. Nous examinons une proposition de loi visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaire, dont le chapitre II évoque « l’accessibilité sociale bancaire ».
À ce chapitre, j’avais déposé un amendement visant à renforcer les droits des demandeurs de crédit et à assurer une transparence dans les décisions de refus de crédits des banques. En effet, je souhaite que les établissements de crédit et les agences bancaires soient tenus de fournir une explication écrite au demandeur de crédit en cas de refus de sa demande.
Cette explication aiderait les clients à mieux comprendre leur situation financière et à améliorer leur dossier de crédit à l’avenir.
Malheureusement, mon amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution. Quel serait pourtant le texte adapté pour défendre les personnes à qui l’on refuse le crédit qu’ils demandaient pour finaliser un projet sans leur donner les motifs de cette décision ? Peut-être faudrait-il que je dépose une proposition de loi pour échapper au périmètre de cet article 45…
Je tenais à formuler cette remarque, ainsi qu’à remercier les 55 collègues de sensibilités diverses, dont certains sont des membres éminents de notre assemblée et de la commission des finances, qui avaient cosigné cet amendement. Celui-ci me semblait de bon sens, et je regrette qu’il ait été « retoqué ».
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. L’intervention de notre collègue Alain Cadec, dont l’amendement a été déclaré irrecevable, m’offre l’occasion de préciser que la portée de ce texte se limite aux publics fragiles. Aussi, quel que soit leur bien-fondé, tous les amendements qui concernaient l’ensemble des Français n’ont pas pu être retenus.
J’avais moi-même pour projet, à l’issue des auditions, de déposer de tels amendements, notamment sur les saisies-attributions, et j’ai dû y renoncer afin de rester dans le périmètre de la proposition de loi.
Mme le président. L’amendement n° 20, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le troisième alinéa de l’article L. 312-1-1-A du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° A la deuxième phrase, après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « , notamment à destination des associations de consommateurs agréées et des associations et fondations à but non-lucratif dont l’objet est d’accompagner les personnes en difficulté ou de défendre les intérêts des familles, » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle définit enfin les informations relatives au droit au compte, à la procédure de traitement du surendettement, au microcrédit, à l’exercice du droit d’accès aux fichiers gérés par la Banque de France, aux moyens de contacter celle-ci sur les sujets qui précèdent ainsi qu’à l’existence des offres mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3, que les établissements de crédit portent à la connaissance de leur clientèle et du public, et précise les modalités de diffusion de ces informations. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. L’article 3 de cette proposition de loi vise à modifier le contenu de la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement, de telle sorte que les informations relatives au droit au compte et à l’offre spécifique fassent l’objet d’un affichage dans les agences bancaires.
Cet article vise à améliorer l’information du public sur les dispositifs à destination des personnes fragiles. Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer au cours de la discussion générale, nous ne pouvons que partager cet objectif.
Dès lors, cet amendement tend à modifier l’article 3 sans en altérer l’esprit, et même en allant plus loin encore dans la réflexion engagée par les auteurs de la proposition de loi.
D’une part, nous proposons que la charte précise la nature des actions de formation et de sensibilisation entreprises par les établissements de crédit auprès des associations qui accompagnent les personnes fragiles. D’autre part, nous souhaitons qu’elle définisse les informations que les établissements de crédit devront porter à la connaissance de leur clientèle et du public.
Là encore, il s’agit de prolonger la proposition des auteurs de ce texte : les banques seraient tenues de fournir, outre des renseignements sur le droit au compte et l’offre spécifique, des informations relatives à la procédure de traitement du surendettement, au microcrédit et à l’exercice du droit d’accès aux fichiers gérés par la Banque de France.
Enfin, la charte préciserait les conditions de diffusion de ces informations, parmi lesquelles pourra figurer l’affichage en agence, mais pas seulement.
Tout en respectant l’objet de la présente proposition de loi, cet amendement vise donc à renforcer et à amplifier le souci d’information des établissements de crédit vis-à-vis de l’ensemble des publics.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Je voulais remercier M. le rapporteur de son amendement, qui vise le même objet que l’article de la proposition de loi et qui est rédigé avec davantage de subtilité et de pertinence.
Nous le voterons bien volontiers !
Mme le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-1-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1-3-…. – Les bénéficiaires des aides mentionnées aux articles L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, L. 821-1 du code de la construction et de l’habitation et L. 821-1 du code de la sécurité sociale, les personnes bénéficiant des bourses sur critères sociaux des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ainsi que les personnes en situation de fragilité financière définies au deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du présent code sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire. »
II. - Cet article s’applique à compter du 1er janvier 2024.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à ne pas ajouter de la misère à la misère !
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste souhaite interdire la perception de frais d’incident – les fameuses « commissions d’intervention » – pour les 4,1 millions de personnes en situation de fragilité financière, un nombre qui a progressé de 300 000 entre 2020 et 2021.
Il s’agit des allocataires du revenu de solidarité active (RSA), des aides personnelles au logement (APL) et de l’allocation aux adultes handicapés, ainsi que des étudiants boursiers.
Ces frais, liés à un compte insuffisamment provisionné pour faire face à une dépense, frappent de plein fouet nos concitoyennes et concitoyens qui ont oublié une facture, qui doivent s’acquitter d’une dette fiscale – cela vous fera peut-être plaisir – et dont les comptes sont dans le rouge plus tôt que prévu.
Depuis le 1er janvier 2014, les commissions d’intervention sont plafonnées, en principe, à 8 euros par opération et à 80 euros par mois, pour les clients fragiles à 25 euros par mois, et, pour ceux ayant souscrit une offre spécifique « clients fragiles », à 20 euros par mois et à 200 euros par an.
Il s’agit d’un premier pas. Néanmoins, cette offre spécifique « clients fragiles », qui permet de bénéficier de frais un peu moindres, revêt une forme d’indécence.
En effet, ce plafonnement ne vaut pas solde de tout compte. Par exemple, pour une personne seule et allocataire du RSA, le plafond des frais pour incidents bancaires représente 3,34 % de ses ressources mensuelles, alors qu’elle n’a commis qu’une seule faute, celle de ne pas être suffisamment aisée pour ne pas être à découvert.
Pour les plus précaires, les étudiants ou ceux qui perçoivent des allocations, il doit y avoir zéro frais pour incidents bancaires.
Que les banques ne crient pas au secours lorsque leurs bénéfices nets pour les six premiers mois de l’année 2022 s’élèvent à 6 milliards d’euros ! Elles pourraient ne pas être alimentées par de petits épargnants qui n’ont fauté qu’une seule fois.
Il s’agit donc là d’un élément de justice sociale à destination des plus fragiles et des plus isolées.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. L’amendement défendu par notre collègue vise à supprimer les commissions d’intervention pour les personnes fragiles et les bénéficiaires de certains minima sociaux.
Cette exonération totale des commissions d’intervention paraît excessive, en raison de la nature hybride de ces commissions, qui comptent certes les frais d’incidents évoqués par notre collègue, mais aussi des contreparties de services rendus. C’est pourquoi il convient de préférer un plafonnement plutôt qu’une exonération totale.
À ce titre, les amendements aux articles 4 et 6 qui seront défendus par la commission visent à renforcer ce plafonnement, en diminuant le niveau et la charge pour les publics les plus fragiles.
Par ailleurs, les critères retenus – je ne les rappellerai pas – paraissent sans lien direct avec l’objectif affiché.
Enfin, pour avoir un effet, ces dispositions impliquent que les banques sachent que leurs clients sont bénéficiaires d’aides sociales et qu’elles accèdent à des données confidentielles. Comme ce n’est pas le cas aujourd’hui, elles auraient du mal à en tenir compte.
Pour ces raisons, mon cher collègue, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission : il demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il y serait défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
Le premier alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est complété par les mots : « proportionnels à leurs revenus ».
Mme le président. L’amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué. La protection des consommateurs, notamment des plus vulnérables d’entre eux, est une préoccupation essentielle du Gouvernement.
S’il peut encore être amélioré, le dispositif de plafonnement actuel a l’avantage de concilier efficacité, en raison de son ciblage, et simplicité, s’agissant de sa mise en œuvre.
Ainsi, le dernier rapport de l’Observatoire de l’inclusion bancaire, publié en juin 2022, fait état notamment d’une baisse importante des frais facturés aux clients fragiles : -10 % sur un an pour l’ensemble des frais et -17 % pour les frais d’incidents. Par ailleurs, selon le rapport de l’Observatoire des tarifs bancaires de 2022, sur les principaux frais appliqués à l’ensemble de la clientèle, huit tarifs observés sur quatorze sont stables, et un tarif est en baisse.
À l’inverse, la mise en place d’une proportionnalité aux revenus en matière de plafonnement des commissions d’intervention contribuerait à complexifier fortement le dispositif existant, au détriment de sa simplicité et de son objectif d’équité.
Si l’on réduisait la notion de fragilité au seul critère de revenus, certains publics aujourd’hui protégés pourraient être demain moins bien couverts. En outre, un tel dispositif serait très difficile à mettre en œuvre par les établissements bancaires, compte tenu des informations à mobiliser, au risque de mal couvrir certains publics fragiles.
Le Gouvernement propose donc de conserver le régime législatif actuel et la flexibilité réglementaire associée, permettant de paramétrer les différents plafonds de frais.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Je vais donner un avis personnel sur cet amendement, que la commission n’a pu examiner parce qu’il nous est parvenu tardivement.
Cet amendement vise à supprimer l’article 4 introduisant un plafonnement des commissions d’intervention en fonction du revenu. Si je partage les préoccupations du Gouvernement quant à la complexité de l’article 4, son ambition sociale me paraît devoir être préservée.
En effet, si les commissions d’intervention font actuellement l’objet de plafonds spécifiques fixés à 20 euros par mois pour les personnes financièrement fragiles, ce montant, certes peu élevé, peut représenter beaucoup pour ceux qui ne perçoivent et ne créditent leur compte que de sommes tout à fait modestes.
C’est pourquoi je défendrai, dans quelques instants, un amendement de réécriture visant à mettre en place un sous-plafond pour ceux qui, parmi les bénéficiaires de l’offre spécifique ou du droit au compte, présentent une situation financière particulièrement délicate.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement au profit de l’amendement n° 21, qui sera présenté par la commission ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Je regrette que le Gouvernement présente un amendement de suppression, puisque son avis est, de toute façon, défavorable sur l’ensemble du texte.
Ce n’est pas parce que la situation est un peu moins mauvaise en matière de frais bancaires depuis trois ou quatre ans, grâce à des améliorations de la réglementation, qu’il s’agit du conte de fées décrit par le ministre Jean-Noël Barrot, précédemment assis au banc du Gouvernement, dans son intervention liminaire. Non, ce n’est pas cela !
Le Gouvernement doit écouter les banques, comme il le fait déjà, mais aussi les représentants des consommateurs et les associations qui accompagnent les personnes les plus fragiles. En effet, nous sommes loin d’une situation idéale, et de nombreux progrès restent encore à accomplir.
L’article 4, aussi bien dans la version que nous proposons que dans celle qui a été amendée par le rapporteur, a le mérite de viser à améliorer une situation qui, aujourd’hui, ne correspond absolument pas à la situation idéale décrite par le Gouvernement.
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. J’aborderai seulement un sujet de méthode, monsieur le ministre.
Êtes-vous, en ce moment, trop occupé pour vous apercevoir de l’arrivée de ce texte, ce qui vous oblige à déposer un tel amendement quelques instants avant son examen ?
Quelle est votre conception du travail du Gouvernement sur les textes d’initiative parlementaire ? Il y a là un vrai problème, monsieur le ministre. Je sais bien que ce texte ne relève pas particulièrement de votre périmètre de responsabilités, mais vous êtes, par défaut, le représentant du Gouvernement dans cet hémicycle.
Ce n’est pas normal ! Vous comprenez bien que cela n’a aucun sens. Vous auriez pu améliorer le texte, mais cette manière de faire est assez brutale : on supprime et on n’a pas véritablement grand-chose à dire.
Un sujet est posé par les auteurs de la proposition de loi, elle-même améliorée par les amendements de la commission et du rapporteur, mais vous n’avez pas de propositions. Passez muscade… Non ! Vous ne travaillez pas ces sujets. (M. le ministre proteste.)
Il est vrai que vous prévoyez trop de textes. Vous ne cessez d’en déposer sur le bureau du Sénat. Nous sommes submergés par les projets de loi, donc je comprends que vous ayez été, vous-même, débordé.
Je le répète, ce n’est pas sérieux, car il s’agit là d’un véritable sujet pour de nombreux Français.
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Notre groupe soutiendra les deux amendements qui seront examinés dans quelques instants, car nous devons apporter des réponses aux Françaises et aux Français.
Je me félicite des quelques avancées déjà réalisées, mais je ne dirai pas que tout va bien ! En effet, 46 % des Français sont à découvert au moins une fois par an, pour un coût annuel moyen de 232 euros. Chaque mois, huit millions de Français doivent s’acquitter de frais d’incidents, ce qui représente un chiffre d’affaires pour le secteur bancaire de près de 6,5 milliards d’euros.
M. Jérôme Bascher. Cela fait des impôts !
M. Pascal Savoldelli. Par conséquent, il faut essayer de saisir toutes les avancées possibles.
Pour cette raison, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste avait déposé des amendements, dont certains ont été frappés d’irrecevabilité. Mais quand des amendements font avancer un petit peu la justice sociale, nous les votons.
C’est pourquoi nous voterons les deux amendements suivants, dont celui de la commission présenté par M. Sautarel.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4, présenté par MM. Parigi, Breuiller, Gontard, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, le mot : « Les » est remplacé par les mots : « L’ensemble des » ;
2° À la première phrase, les mots : « et par opération » sont remplacés par les mots : « , par an et par opération dans les limites respectives de 40 euros, de 300 euros et de 4 euros » ;
3° Sont ajoutés les mots : « proportionnels à leurs revenus fixés par mois, par an et par opération dans les limites respectives de 10 euros, 75 euros et 1 euro ».
La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Cet amendement vise deux objectifs.
Tout d’abord, il tend à encadrer explicitement « l’ensemble des commissions », indifféremment de leurs appellations. En effet, certains établissements bancaires ont développé des méthodologies internes permettant d’échapper au plafonnement. Il est donc nécessaire d’inscrire dans la loi que toutes les commissions sont plafonnées.
Ensuite, il vise à inscrire directement dans la loi des plafonds pour l’ensemble des citoyens et pour ceux qui sont en situation de fragilité financière.
Les plafonds actuels sont trop élevés. Il est donc proposé de diviser par deux les coûts pour l’ensemble des clients. Pour les plus précaires, les limites correspondent au quart des montants fixés pour l’ensemble des clients. Elles sont exprimées par mois, par an et par opération.
Mme le président. L’amendement n° 21, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le premier alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces plafonds spécifiques sont réduits de moitié lorsque la moyenne semestrielle des sommes portées chaque mois au crédit du compte est inférieure à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 4.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Le plafonnement des commissions d’intervention bancaires concerne l’ensemble de la clientèle. Toutefois, des plafonds spécifiques sont applicables aux personnes bénéficiant du droit au compte ou de l’offre spécifique, pour mieux les protéger.
Partant du constat que, pour nos concitoyens les plus modestes, 20 euros par mois de frais bancaires peuvent représenter un montant élevé, les auteurs de l’article 4 de la présente proposition de loi proposent que les plafonds spécifiques des commissions d’intervention soient désormais proportionnels aux revenus des personnes concernées.
Cependant, un tel dispositif serait à la fois peu lisible et très difficile à mettre en œuvre.
Afin de mieux protéger les clients dont les ressources sont particulièrement faibles, le présent amendement vise à substituer à la version initiale de l’article 4 un dispositif de sous-plafond réservé à ceux dont la situation financière est la plus délicate parmi les bénéficiaires de l’offre spécifique et du droit au compte.
Les plafonds spécifiques seraient ainsi réduits de moitié lorsque le flux créditeur mensuel – calculé selon une moyenne semestrielle – est inférieur à un seuil fixé par arrêté.
Ce dispositif est immédiatement opérationnel, puisque certaines banques, comme La Banque Postale, utilisent déjà l’indicateur du flux créditeur mensuel pour déterminer le niveau de fragilité financière de leur client.
J’en viens à l’amendement n° 4.
Tout d’abord, le dispositif proposé vise les commissions d’intervention, alors que son objet a trait aux frais d’incident.
Ensuite, si le Sénat souhaitait plafonner les frais d’incident pour l’ensemble des Français, il courrait le risque de méconnaître la liberté tarifaire des établissements de crédit et, partant, la liberté d’entreprendre.
Enfin, parce que son objet a trait spécifiquement au plafonnement des frais d’incident applicable aux bénéficiaires du droit au compte et de l’offre spécifique, l’amendement n° 21 présenté par la commission est à la fois plus large, puisqu’il vise également les frais de gestion, et plus opérationnel.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de l’amendement n° 4 et invite son auteur à se rallier à l’amendement n° 21 présenté par la commission ; à défaut, son avis serait défavorable.
J’invite également l’ensemble de nos collègues qui souhaitent plafonner les frais bancaires avec efficacité, mais sans excès, comme nous avons pu en débattre en commission, à voter l’amendement n° 21.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Dans la mesure où le Gouvernement était favorable à un retrait de cet article, il émet un avis défavorable sur ces deux amendements visant à le modifier.
Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. Les frais bancaires pèsent fortement sur les ménages modestes.
Nous parlons beaucoup des ménages les plus fragiles, et je suis bien évidemment favorable aux plafonnements qui leur sont destinés. Mais il y a aussi les travailleurs pauvres, qui se lèvent le matin pour aller travailler et qui souvent à la fin du mois sont à découvert – notre collègue l’a rappelé. Or ceux-là sont exclus du dispositif.
Ils signent un chèque le 12 du mois, le commerçant attend quelque peu pour l’encaisser et le présente le 22 du mois ; le compte est alors à découvert et le chèque est rejeté. Pour un chèque de 60 euros, la banque leur facture 50 euros de frais. Je trouve cela inadmissible !
Des plafonds sont prévus pour les plus fragiles. Ils sont nécessaires –, mais il me semble que nous oublions quelque peu ceux qui sont fragiles, sans être très fragiles, qui travaillent dur et qui voient leur pouvoir d’achat baisser sous l’effet de l’inflation. Or cela me gêne.
Mme le président. Monsieur Toussaint Parigi, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?
M. Paul Toussaint Parigi. Non, puisqu’il est satisfait, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 4 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 21.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé.
Article 5
Le deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est complété par les mots : « , ainsi qu’une autorisation de découvert bancaire sans frais proportionnée à leurs revenus ».
Mme le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Verzelen, Decool, Grand et Chasseing, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. L’article 5 prévoit la création d’une autorisation de découvert sans frais, proportionnée aux revenus des clients bénéficiant d’une offre spécifique.
Or une telle disposition pourrait se révéler contre-productive, dans la mesure où l’offre spécifique doit aider les publics les plus précaires à mieux gérer leur budget.
Pour cette raison, le présent amendement vise à supprimer cet article.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Si je partage l’analyse de notre collègue, qui souhaite ne pas créer de droit au crédit gratuit par l’ouverture de cette autorisation de découvert, il me semble que l’adoption de cet amendement empêcherait l’examen de l’amendement de réécriture de l’article 5, présenté par la commission, qui vise également à supprimer le droit au crédit au profit d’une clarification du droit existant.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 22, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « La souscription de l’offre spécifique ne peut seule faire obstacle à l’ouverture ou au maintien d’une autorisation de découvert. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Aux termes de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, les personnes identifiées comme fragiles se voient proposer de souscrire une offre spécifique, qui vise à prévenir la survenance d’incidents et, le cas échéant, à limiter les frais d’incident qui leur sont facturés.
Le contenu minimal de cette offre spécifique, défini par le législateur et précisé par le pouvoir réglementaire, ne comporte pas d’autorisation de découvert. Cependant, la souscription de l’offre spécifique ne fait pas, en elle-même, obstacle à l’ouverture ou au maintien d’une autorisation de découvert, si la situation du client fragile concerné le permet.
L’objet de l’article 5 de la présente proposition de loi est d’inscrire une autorisation de découvert sans frais, proportionnée aux revenus des personnes concernées, dans le contenu minimal de l’offre spécifique.
Cette proposition ne saurait être retenue, d’une part, parce qu’elle reviendrait à créer un véritable droit au crédit gratuit – je l’ai indiqué voilà un instant –, et, d’autre part, parce que l’offre spécifique vise précisément les publics fragiles, pour lesquels l’accumulation de découverts pourrait rapidement dégrader leur fragilité.
Toutefois, il apparaît utile que le législateur mentionne explicitement la possibilité de bénéficier d’une autorisation de découvert, même en ayant souscrit l’offre spécifique, si la situation du client concerné le permet – les bénéficiaires de l’offre spécifique pensant souvent que ce n’est pas le cas.
L’objet de cet amendement est donc d’inscrire dans la loi, de manière explicite, la possibilité de maintenir une autorisation de découvert.
Mme le président. Le sous-amendement n° 27, présenté par MM. Parigi, Breuiller, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Amendement n° 22
I.- Avant l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
II.- Alinéa 2
Supprimer les mots :
de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier
III.- Compléter cet amendement par trois alinéas ainsi rédigés :
2° Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les critères pris en compte par les établissements de crédit pour caractériser une situation de fragilité au sens du deuxième alinéa sont transmis, chaque année, à l’observatoire mentionné à l’article L. 312-1-1-B.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article et établit une liste exhaustive des critères susceptibles d’être retenus par les établissements de crédit pour caractériser une situation de fragilité au sens du deuxième alinéa. »
La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Ce sous-amendement vise à compléter l’amendement défendu par M. le rapporteur en encadrant de façon stricte les critères susceptibles d’être pris en compte par les établissements bancaires pour déterminer si un client est en situation de fragilité financière.
En effet, depuis 2013, la reconnaissance de la qualité de fragilité financière est fondée sur des critères dont l’appréciation est en partie laissée aux banques.
Cette disposition permettrait ainsi d’assurer un traitement égal à tous les citoyens.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 27 ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Je remercie M. Parigi d’avoir accepté de modifier son amendement, à la suite des débats que nous avons menés en commission des finances, pour aboutir à ce sous-amendement à notre propre amendement.
En conséquence, la commission a considéré que cette proposition constituait un bon compromis entre, d’une part, l’objectif d’harmonisation des critères retenus par les banques, et, d’autre part, une certaine flexibilité dans la détermination de ces caractéristiques.
La commission émet donc un avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. L’avis du Gouvernement sur l’amendement présenté par M. le rapporteur était favorable. Toutefois, si le sous-amendement n° 27 était adopté, nous y serions défavorables.
M. Jean-François Husson. Dommage !
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Pour notre part, nous sommes favorables au sous-amendement n° 27, qui vise à modifier l’amendement présenté par M. le rapporteur.
D’ailleurs, que l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement ne soit pas favorable constitue un bel aveu s’agissant de sa volonté de réglementer, mais aussi de disposer de critères bien plus uniformes et objectifs entre les différentes banques et les différents clients !
Néanmoins, je regrette que cet amendement ait été présenté. En toute franchise, si la souscription de l’offre spécifique ne peut seule faire obstacle à l’ouverture ou au maintien d’une autorisation de découvert, il me semble que la banque trouvera un autre argument et, dans les faits, cela ne changera rien. À mon sens, notre proposition relève non pas du droit au crédit, mais véritablement de la vie pratique et de cas concrets, comme ceux qui ont été évoqués par Christian Bilhac.
Il s’agit d’éviter qu’une personne ayant signé un chèque de 60 euros le 12 du mois ne voit celui-ci rejeté, lorsqu’il est encaissé le 22 du mois alors que son compte est débiteur, en lui permettant de bénéficier d’une autorisation de découvert minime afin d’éviter des incidents et les frais qui leur sont liés.
Pour notre part, nous voterons contre l’amendement présenté par M. le rapporteur.
Mme le président. En conséquence, l’article 5 est ainsi rédigé.
Article 6
Après le deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les personnes qui souscrivent l’offre mentionnée au deuxième alinéa du présent article ainsi que celles qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1, les facturations de frais et de services bancaires perçues par un établissement de crédit, au sens de l’article 2 du décret n° 2014-373 du 27 mars 2014 relatif à la dénomination commune des principaux frais et services bancaires, ne peuvent pas dépasser le tiers des facturations appliquées par l’établissement de crédit et sont plafonnées, par mois et par opération, en fonction des revenus des personnes. »
Mme le président. L’amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué. Je précise que, si le Gouvernement a déposé des amendements ce matin, c’est parce que nous attendions de disposer de l’ensemble des amendements émanant de cette assemblée. Or certains d’entre eux n’ont été déposés que ce matin.
Monsieur Bascher, les amendements du Gouvernement ont été déposés dans la demi-heure suivant le dépôt des derniers amendements, y compris ceux qui ont été présentés par M. le rapporteur.
Pour en revenir à l’amendement présenté par le Gouvernement, la protection des consommateurs, notamment des plus vulnérables d’entre eux, est une préoccupation majeure du Gouvernement.
S’il peut encore être amélioré, le dispositif de plafonnement actuel a l’avantage de concilier efficacité, en raison de son ciblage, et simplicité, s’agissant de sa mise en œuvre.
Ainsi, le dernier rapport de l’Observatoire de l’inclusion bancaire, publié en 2022, fait notamment état d’une baisse importante des frais facturés aux clients fragiles. Par ailleurs, selon le rapport de l’Observatoire des tarifs bancaires de 2022, sur les principaux frais appliqués à l’ensemble de la clientèle, huit tarifs observés sur quatorze sont stables et un tarif est en baisse.
À l’inverse, la mesure, telle qu’est envisagée à l’article 6 de la proposition de loi, aurait pour conséquence que tous les frais appliqués par les banques aux bénéficiaires de l’offre spécifique et de la procédure de droit au compte seraient limités à un tiers du montant mentionné sur la plaquette tarifaire, puis plafonnés par mois, par opération et à géométrie variable selon les revenus du client.
Une telle mesure irait à l’encontre de l’objectif de meilleure protection des clients les plus fragiles. En effet, les grilles tarifaires étant très variables selon les banques et leur clientèle, plafonner les tarifs des publics fragiles au tiers des tarifs généraux pourrait conduire à l’existence de situations extrêmement variables d’une banque à l’autre en matière de plafonnement.
Par ailleurs, cette mesure, associée à un plafonnement modulé en fonction des revenus, rendrait très complexe et peu lisible la mise en œuvre de ce nouveau régime d’encadrement, au risque de moins bien protéger des publics actuellement déjà couverts.
Par conséquent, le Gouvernement propose de conserver le régime législatif actuel et la flexibilité réglementaire associée, permettant de paramétrer les différents plafonds de frais.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Je formulerai un avis personnel, sans commenter davantage la question du dépôt des amendements.
Certes, le dispositif proposé à l’article 6 est très – peut-être trop ! – ambitieux, et il faudra le modifier pour éviter les effets de bord. Pour autant, la logique suivie est la bonne. En effet, il convient d’éviter une compensation, ou du moins un risque de compensation par les banques du plafonnement introduit à l’article 4 par une hausse des autres frais.
Afin de respecter le parallélisme des formes, la commission demande donc le retrait de cet amendement, au profit de l’amendement n° 23 – je le défendrai dans un instant –, qui vise à modifier l’article 6 et à limiter son contenu à un plafond par opération, pour répondre à cet objectif de manière plus proportionnée et plus opérante ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre, honnêtement, dire que vous attendiez le dernier moment pour déposer un amendement de suppression d’article, ce n’est pas admissible !
Je crains que vous n’ayez pas assez d’expérience parlementaire… Je suis obligé de vous le dire ! (M. le ministre proteste.)
Historiquement, le Gouvernement dépose des amendements qui sont examinés en commission. Il n’attend pas de disposer du texte de cette dernière pour agir ! Cette situation résulte des réformes constitutionnelles qui ont eu lieu il y a quelques années, je suis désolé de vous le rappeler.
Non, vous n’avez pas travaillé pour déposer un amendement de suppression ! Le travail, cela aurait été de proposer une solution de substitution – nous aurions alors pu comprendre votre position –, mais tel n’est pas le cas ici.
Vous dites que tout va bien et que nous n’avons besoin ni de cet article ni de cette loi, et vous déposez cet amendement à la dernière minute. Vous l’auriez déposé normalement, en expliquant que vous ne vouliez pas de ce texte, nous l’aurions examiné et nous aurions eu une discussion normale au Parlement.
J’en suis désolé, mais, une fois de plus, vous méprisez la procédure parlementaire.
Mme le président. L’amendement n° 23, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Sans préjudice du premier alinéa du présent article et des articles L. 131-73 et L. 133-26, ainsi que de l’article L. 262 du livre des procédures fiscales, pour les personnes qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1 du présent code et celles qui souscrivent l’offre mentionnée au deuxième alinéa du présent article, les tarifs applicables aux frais et services bancaires faisant l’objet de la dénomination commune mentionnée au V de l’article L. 314-7 sont plafonnés par opération dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. J’ai déjà en partie évoqué l’objet de cet amendement.
Je ne reviendrai pas sur la version initiale de l’article 6 de la proposition de loi, qui prévoit, pour les bénéficiaires du droit au compte ou de l’offre spécifique, que l’ensemble des frais de gestion et des frais d’incident soient limités à un tiers des tarifs appliqués : un tel dispositif nous semble à la fois peu lisible et difficile à mettre en œuvre.
Ce dispositif apparaît, au demeurant, contestable sur le fond. En effet, une limitation des frais par mois apparaît contestable au regard des mécanismes existants, qui ne prévoient que des plafonds par opération, en particulier pour les frais de gestion, qui correspondent à des services rendus, comme je l’ai déjà indiqué.
Les auteurs de cet article souhaitaient éviter que les banques ne compensent une baisse de certains frais résultant du plafonnement par une hausse des frais non plafonnés. Nous partageons leur objectif.
En conséquence, outre quelques modifications d’ordre légistique, le présent amendement vise à proposer l’instauration d’un principe de plafonnement par opération des principaux frais bancaires, qu’il s’agisse de frais de gestion ou de frais d’incident, réservé aux bénéficiaires de l’offre spécifique ou du droit au compte (DAC).
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Comme je l’ai indiqué en présentant l’amendement du Gouvernement, le cadre juridique actuel permet d’atteindre ces objectifs. Il garantit une offre spécifique de frais de tenue de comptes – les frais d’incident sont déjà plafonnés –, laquelle peut se concilier avec le droit au compte.
En conséquence, nous sommes défavorables à cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Ces dispositions vont dans le même sens que celles que nous proposions. Peut-être sont-elles plus pertinentes, à cela près qu’elles supposent un décret.
Notre débat prouve le volontarisme du Gouvernement en la matière… Si l’amendement de M. le rapporteur et cette proposition de loi dans son ensemble sont adoptés, j’espère qu’il fera preuve d’un peu plus d’énergie pour en assurer la mise en œuvre ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-François Husson. Bien dit !
Mme le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Après l’article 6
Mme le président. L’amendement n° 6, présenté par MM. Parigi, Breuiller, Gontard, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre III du livre Ier du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 131-73 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « ne peuvent excéder un montant fixé par décret » sont remplacés par les mots : « sont plafonnés, dans des conditions fixées par décret, à 15 euros pour les chèques d’un montant inférieur ou égal à 50 euros et à 25 euros pour les chèques d’un montant supérieur à 50 euros » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les personnes physiques en situation de fragilité au sens de l’article L. 312-1-3, les frais mentionnés au sixième alinéa du présent article sont plafonnés, dans des conditions fixées par décret, à 4 euros pour les chèques d’un montant inférieur ou égal à 50 euros et à 6 euros pour les chèques d’un montant supérieur à 50 euros. » ;
2° L’article L. 133-26 est ainsi modifié :
a) Au II, après le mot : « décret » sont insérés les mots : « , par incident, par mois et par an dans les limites respectives de 10 euros, de 100 euros et de 500 euros » ;
b) Après le même II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Pour les personnes en situation de fragilité au sens de l’article L. 312-1-3, les frais mentionnés au II sont plafonnés dans des conditions fixées par décret par incident, par mois et par an dans les limites respectives de 2,50 euros, de 25 euros et de 125 euros. »
La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. La prolifération des frais facturés pour différents types de procédures et d’incidents pèse lourdement sur les contribuables. En parallèle, la protection des plus modestes demeure limitée.
C’est pourquoi nous proposons de plafonner les frais bancaires, en divisant par deux les frais pour rejet de chèque, ainsi que pour tout autre incident de paiement pour l’ensemble des clients.
De plus, cet amendement tend à créer des plafonds spécifiques pour les clients en situation de fragilité financière : ces limites représenteraient le quart des montants fixés pour l’ensemble des autres clients.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement tend à réduire les plafonds applicables aux frais de rejet de chèque, de prélèvement et de virement, d’une part, pour tous les Français, de l’autre, pour les personnes en situation de fragilité.
J’ai eu l’occasion de le rappeler : pour l’ensemble des Français, les frais dont il s’agit sont déjà plafonnés. Les dispositions proposées n’ont donc pas une telle portée. Et pour ce qui concerne les personnes fragiles, elles nous paraissent redondantes.
Les mesures que j’ai proposées par la voie d’un amendement à l’article 6 me semblent préférables, et cela pour deux raisons.
Premièrement, elles sont plus ambitieuses : elles visent l’ensemble des frais bancaires et non seulement les frais de rejet de chèque, de prélèvement ou de virement. Deuxièmement, elles sont mieux ciblées : elles concernent non pas les personnes fragiles dans leur ensemble, mais spécifiquement celles qui bénéficient du droit au compte ou qui ont souscrit l’offre spécifique.
En conséquence, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Parigi, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Paul Toussaint Parigi. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 14, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 221-13 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements de crédit proposent l’ouverture du compte sur livret d’épargne populaire aux clients en situation de difficulté financière mentionnés à l’article L. 312-1-3-1 qui satisfont aux conditions définies à l’article L. 221-15. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous débattions il y a quelque temps dans cet hémicycle d’un texte tendant, selon ses auteurs, à « renforcer la protection des épargnants ». À présent, cette proposition de loi entend garantir « l’inclusion bancaire », dont nul ne peut nier l’importance. Or ces deux textes ne consacrent pas la moindre disposition aux livrets d’épargne réglementée.
Pourtant, 87 millions de livrets de ce type – livrets A, livrets de développement durable et solidaire (LDDS) ou encore livrets d’épargne populaire (LEP) – sont ouverts, pour un encours total de 486 milliards d’euros.
La Cour des comptes l’affirme : « L’épargne réglementée constitue une particularité française qui a peu d’équivalents en Europe et qui s’explique par l’histoire financière et par l’importance des dispositifs réglementaires visant à encourager et protéger l’épargne des ménages. Elle offre à ces derniers des produits simples […], bénéficiant de la part de l’État d’une garantie sur le capital et d’une rémunération évoluant en fonction de l’inflation ; pour le système financier, elle constitue une ressource stable et contribue à transformer les dépôts des épargnants en emplois d’intérêt général de long terme. »
Afin d’augmenter le nombre de bénéficiaires du LEP, nous proposons de rendre sa présentation obligatoire aux épargnants éligibles.
Ce livret est le produit d’épargne protecteur par excellence : il est rémunérateur, car il est indexé sur l’inflation, et sécurisant, grâce à des dépôts garantis ; il est également liquide et assorti d’une fiscalité avantageuse.
Alors que les clients les plus aisés bénéficient de diverses remises commerciales et de supports défiscalisés, les clients les plus modestes subissent, eux, la double peine : ils doivent acquitter plus de frais et se voient proposer une épargne moins rémunératrice.
Pourtant, il en va du livret d’épargne populaire comme des aides sociales : son non-recours est massif. Dans son rapport annuel de juin 2019, l’Observatoire de l’épargne réglementée (OER) établit que « seuls 21 % des individus éligibles détiennent un LEP, alors que, parmi les personnes éligibles non-détentrices de LEP, la moitié détient un livret A ».
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement vise à systématiser la proposition d’ouverture d’un LEP aux clients en difficulté financière satisfaisant aux conditions de revenu fiscal de référence.
Le groupe CRCE a déjà proposé ces dispositions lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, mentionnée par M. Bocquet. La commission s’était alors prononcée pour le retrait de l’amendement présenté. En effet, selon l’article L. 221-15 du code monétaire et financier, l’ouverture d’un LEP est réservée aux épargnants dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain seuil.
Aujourd’hui, c’est le contribuable qui doit demander l’ouverture de ce livret. Si les dispositions de cet amendement étaient mises en œuvre, l’établissement de crédit devrait avoir accès à son revenu fiscal de référence pour déterminer son éligibilité. Il en résulterait un certain nombre de difficultés – un tel changement pose notamment la question de la confidentialité des informations.
Il nous semble que c’est plutôt à l’administration fiscale d’informer le contribuable de son éligibilité à l’épargne populaire. Chaque année, la direction générale des finances publiques (DGFiP) diffuse une information qui gagnerait probablement, et même sans aucun doute, à être mieux relayée. Elle pourrait par exemple figurer sur l’avis d’imposition. Peut-être M. le ministre pourra-t-il nous éclairer quant à ces évolutions.
En conséquence, nous proposons le retrait de cet amendement. À défaut, nous émettrions un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Canévet et Bonneau, Mme Guidez, MM. Longeot, Kern et Le Nay, Mmes Vermeillet et Gacquerre, M. Moga, Mmes Billon et Saint-Pé, M. Delahaye, Mme Perrot, M. Duffourg, Mme Sollogoub, MM. P. Martin et Capo-Canellas, Mme Jacquemet, M. J.M. Arnaud, Mme Doineau, MM. Détraigne et Chauvet, Mme de La Provôté et M. Cigolotti, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes concernées par le compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1 se voient appliquer des taux d’intérêt débiteurs ne pouvant dépasser le taux de l’usure, tel que défini par les articles L. 314-6 à L. 314-9 du code de la consommation. »
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement de Michel Canévet vise à protéger les personnes en situation de fragilité, eu égard notamment au montant de leurs ressources.
En appliquant des taux d’intérêt débiteurs ne pouvant dépasser le taux d’usure, l’on éviterait des procédures coûteuses à un certain nombre de particuliers qui, faisant face aux aléas de la vie, connaissent déjà bien souvent des difficultés financières, compte tenu des contraintes d’encadrement du recours au crédit.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Ma chère collègue, l’article L. 314-6 du code de la consommation définit le taux d’usure comme le taux d’intérêt maximal légal. Par définition, les intérêts débiteurs dus lorsqu’un compte affiche un découvert sont donc obligatoirement inférieurs au taux d’usure.
La commission approuve bien sûr votre objectif, à savoir mieux encadrer les intérêts débiteurs. Vous le savez, le taux d’usure est parfois fixé relativement haut, en particulier pour des prêts d’un faible montant, au point de paraître excessif pour les clients fragiles.
C’est précisément pourquoi, via l’amendement déposé à l’article 6, la commission a prévu de plafonner de nombreux frais bancaires, parmi lesquels figurent les intérêts débiteurs. Il s’agit bel et bien de mieux protéger nos concitoyens les plus fragiles.
Cet amendement étant satisfait, je vous prie de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Madame Vermeillet, l’amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Sylvie Vermeillet. Suivant l’avis de M. le rapporteur, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
Chapitre III
De l’effectivité du droit au compte et du recours à l’offre spécifique
Article 7
Le treizième alinéa de l’article L. 612-39 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de non-respect des articles L. 312-1 et L. 312-1-1-A, la commission des sanctions est tenue de prononcer cette sanction pécuniaire. »
Mme le président. L’amendement n° 24, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. L’article 7 oblige la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à adopter une sanction pécuniaire à l’encontre des établissements de crédit qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de droit au compte ou n’appliqueraient pas la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement.
Cet article est en grande partie satisfait : pour assurer le droit au compte et le respect de ladite charte, la commission des sanctions de l’ACPR dispose déjà d’un pouvoir de sanction, y compris pécuniaire.
Cette instance serait désormais tenue de prononcer une sanction. Or une telle disposition nous semble excessive. Conformément aux principes de proportionnalité et de gradation des sanctions, la commission des sanctions de l’ACPR doit rester souveraine dans le choix de la mesure la plus adaptée.
Au demeurant, la publication des décisions sous forme nominative, que l’ACPR pratique dès à présent, paraît avoir davantage d’impact qu’une sanction pécuniaire sur les établissements de crédit. Au cours des dernières années, elle a été décidée au moins à trois reprises à l’encontre de banques qui n’avaient pas respecté la charte.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission propose de supprimer l’article 7.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Le Gouvernement est lui aussi favorable à la suppression de l’article 7.
Mme le président. L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Parigi, Breuiller, Gontard, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa, les mots : « de l’ensemble des pièces qui lui sont nécessaires à cet effet » sont remplacés par les mots : « des pièces requises mentionnées au premier alinéa du présent III » ;
2° Après la deuxième phrase du même alinéa, sont insérées trois phrases ainsi rédigées : « Le défaut de transmission des pièces complémentaires requises par l’établissement de crédit dans le cadre des obligations mentionnées à la section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre V du présent code ne saurait faire obstacle à l’ouverture du compte. Dans ce cas, conformément au II de l’article L. 561-8, l’ouverture de ce compte ne peut être considérée comme constitutive de l’établissement d’une relation d’affaires avant la réalisation de la première opération sur le compte. Les pièces mentionnées sont transmises à l’établissement de crédit au plus tard avant la réalisation de cette première opération. »
La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Cet amendement tend à apporter quelques modifications au droit au compte, afin de mieux accompagner les clients les plus précaires.
Nous prévoyons ainsi une procédure d’ouverture du compte en deux étapes.
Dans un premier temps, les banques ne pourront exiger que les documents strictement nécessaires, à savoir les informations requises par la Banque de France. Puis, une fois le compte ouvert, il leur sera toujours loisible de demander des informations complémentaires pour respecter leurs obligations.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Nous avons débattu de ce point en commission, et je remercie M. Parigi d’avoir rectifié son amendement dans le sens que nous suggérions.
Il s’agit de trouver un juste équilibre entre les obligations contradictoires pesant sur les établissements de crédit, qu’il s’agisse du droit au compte ou de la connaissance de leur clientèle.
Lorsqu’un établissement de crédit est désigné par la Banque de France pour ouvrir un compte au titre du DAC, il doit bien sûr agir dans les meilleurs délais. Cela étant, pour satisfaire à ses obligations de vigilance face au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme, ledit établissement doit parfois solliciter de nombreuses pièces justificatives, ce qui peut retarder l’ouverture du compte.
La Cour des comptes a relevé une réticence croissante, depuis 2018, des établissements de crédit à mettre en œuvre la procédure du DAC. Ils invoquent précisément, à cet égard, la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les documents complémentaires demandés par la banque doivent en effet être transmis avant l’ouverture du compte.
Les dispositions proposées permettent de décaler la transmission de ces documents complémentaires après l’ouverture du compte, afin de réduire ses délais de création, mais toujours avant la première opération sur le compte. Elles répondent ainsi à une problématique bien identifiée tout en conservant un garde-fou réel.
Dès lors, la commission est favorable à cet amendement ainsi rectifié.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Pour lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme, la réglementation européenne fixe un ensemble d’obligations aux établissements de crédit lors de l’entrée en relation avec un client.
Ces mesures de vérification peuvent faire l’objet d’un certain nombre de modulations, elles aussi prévues par le droit européen. Elles peuvent notamment conduire au différé de la vérification de l’identité du client. Seul le faible degré de risque de la clientèle saurait les justifier.
Cet amendement vise à aménager la procédure du droit au compte, afin de l’inscrire dans la catégorie de faible risque au titre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Cet aménagement n’est absolument pas conforme au droit européen. Il ne respecte pas davantage, dans leur esprit, les recommandations du groupe d’action financière (Gafi).
Par ailleurs, en vertu de la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, dite loi Rixain, toute personne est désormais en mesure d’activer la procédure dont il s’agit, même si elle dispose déjà d’un compte joint.
Cette évolution bénéficie, en particulier, à toute personne victime de violences conjugales et potentiellement cotitulaire d’un compte avec son conjoint maltraitant : elle lui permet de saisir directement la Banque de France pour activer le droit au compte dans une perspective d’émancipation.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Monsieur le ministre, les victimes de violences conjugales n’entrent plus dans le champ de cet amendement. Comme vous venez de le rappeler, les dispositions qui les concernaient étaient satisfaites. C’est précisément pourquoi elles ont été retirées.
Nous en sommes tout à fait conscients : même rectifiée, la rédaction retenue ne donne peut-être pas pleinement satisfaction d’un point de vue technique. Mais, à nos yeux, cette mesure va dans le bon sens, ne serait-ce que parce qu’elle a le mérite d’engager la discussion. Je pense notamment au public fragile, qu’elle est de nature à rassurer.
Je fais confiance à la délibération parlementaire. La navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale permettra d’améliorer encore ces dispositions pour les rendre tout à fait opérantes.
C’est pourquoi je confirme l’avis favorable de la commission sur cet amendement.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous regrettons évidemment que les articles 1er et 2, portant sur l’accessibilité bancaire territoriale, aient été purement et simplement supprimés. Du moins aurons-nous lancé le débat : je suis sûr qu’il se poursuivra, ici même, prochainement. Un certain nombre d’interventions le prouvent, il est nécessaire d’approfondir notre réflexion sur le sujet.
Cette remarque étant formulée, nous voterons le texte issu de nos discussions : en matière d’inclusion bancaire, en effet, les dispositions qui subsistent ne sont pas négligeables.
Je remercie M. le rapporteur de son travail. Cette proposition de loi, qui, je l’espère, va poursuivre son chemin parlementaire, montre que, face à l’ensemble des frais bancaires qui leur sont imposés, les Français en situation de fragilité ont besoin d’être mieux protégés.
Certes, la réglementation existe ; certes, les pratiques se sont améliorées, mais bien trop peu. Les progrès sont beaucoup trop lents, et les frais bancaires restent largement illisibles. L’opacité tend d’ailleurs à s’accroître.
Dans notre pays, les frais bancaires atteignent désormais 25 milliards d’euros par an, et il n’est pas acceptable que nos concitoyens les plus modestes y participent tant.
M. Jean-François Husson. C’était déjà le cas sous Hollande…
M. Rémi Féraud. Nous sommes face à une redistribution à l’envers, qui aggrave encore la situation des personnes en difficulté. J’espère que le présent texte permettra de faire avancer la législation en la matière.
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. À mon tour, je salue le travail collectif accompli en commission, puis en séance, en remerciant tout particulièrement notre rapporteur, Stéphane Sautarel. Il a dû procéder dans des délais très courts, mais chacun, j’en suis sûr, a apprécié son sens de l’écoute et du dialogue : il s’est ainsi employé à rechercher les points de convergence.
Avec cette proposition de loi, nous avons traité d’un sujet éminemment important, plus encore – je l’ai déjà rappelé lors des questions d’actualité au Gouvernement – en ces temps de tensions sociales.
Mes chers collègues, pour ce qui concerne l’accessibilité, j’ai demandé à la Banque de France une cartographie nationale, détaillant, à l’échelle des départements, les différents points d’accès bancaires, notamment les distributeurs. A priori, nous obtiendrons ces informations rapidement. À ce titre, nous souhaitons garantir le maillage que suppose notre stratégie « zéro zone blanche » pour l’accès aux espèces.
Pour ce qui concerne l’inclusion bancaire, le travail que nous venons de mener nous permet d’avancer : à mon sens, il a toute son importance.
Monsieur le ministre, je suis sûr que vous approuvez nos orientations, malgré les avis défavorables que vous avez pu rendre et que je déplore. Désormais, il appartient au Gouvernement de s’emparer de ce texte : ce serait une reconnaissance supplémentaire de l’utilité des travaux menés par nos deux assemblées dans le cadre des semaines d’initiative. Le Parlement en a bien besoin !
La balle est dans votre camp. J’y insiste, je compte sur le Gouvernement pour faire prospérer ce texte.
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, nous étions très favorables à la proposition de loi initiale. Cela ne nous a pas dissuadés de déposer divers amendements, dont certains, comme pour autres sénateurs, d’ailleurs – le constat a été rappelé –, ont été déclarés irrecevables.
Le fonds de garantie nous aurait aidés à obtenir la vraie cartographie de l’accessibilité bancaire, que vient d’évoquer M. Husson ; il est urgent de mieux prendre en compte la réalité que vivent les Français.
On le sait, après un certain nombre de retraits aux distributeurs automatiques de billets d’autres banques que la vôtre, vous devez acquitter des frais. En la matière, rien n’est gratuit !
Je le répète, cette initiative parlementaire était très intéressante. Le débat a eu lieu. Il a lui aussi prouvé son intérêt, même si nous aurions souhaité que le Gouvernement y contribue davantage, en proposant d’enrichir le présent texte. Telle était, selon nous, la logique.
M. Bilhac a insisté avec raison sur les salariés pauvres. C’est bien pourquoi il aurait fallu, comme nous le proposions, étendre l’accès à l’épargne populaire.
De même, chers collègues socialistes, vous le savez, nous souhaitions éviter que les collectivités territoriales ne soient une nouvelle fois mises à contribution.
Je vous le dis sans esprit polémique, car il y a déjà assez de désordre aujourd’hui dans notre société : les banques engrangent 6,5 milliards d’euros de frais d’incidents chaque année ! À l’évidence, elles peuvent prendre part à l’effort en faveur de l’accessibilité et de l’inclusion bancaires.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte.
M. Éric Bocquet. Très bien !
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
Mme le président. La séance est reprise.
5
Précarité énergétique
Rejet d’une proposition de loi
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique, présentée par M. Rémi Cardon, Mmes Viviane Artigalas, Catherine Conconne, Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 170 rectifié, résultat de travaux n° 523, rapport n° 522).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Antoine de Saint-Exupéry écrivait : « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants. »
Dans quel état allons-nous rendre la Terre à nos enfants ? La science est unanime : les effets du changement climatique se font de plus en plus pressants et de plus en plus dramatiques, et ils deviennent irréversibles.
Nous sommes conscients des dangers. Nous savons qu’il reste peu de temps pour inverser la tendance et endiguer les conséquences désastreuses d’un réchauffement global.
Mes chers collègues, il est plus que temps d’agir. Cette proposition de loi vient du vécu des habitants de mon département et des vôtres. Elle s’inspire des retours d’expérience d’associations qui sont fortement mobilisées. Elle se veut une première réponse aux dysfonctionnements et aux freins constatés sur le terrain.
Évidemment, elle n’a pas la prétention de résoudre tous les problèmes de la politique de rénovation énergétique. Mais elle permet de traduire un corpus de mesures applicables immédiatement afin d’avancer concrètement.
Au nom du groupe auquel j’appartiens, j’exprime le regret que la commission ait rejeté ce texte sans avoir même tenté ni proposer de l’amender. (Exclamations au banc des commissions.) Nous le savons dès à présent : aujourd’hui, le Sénat n’enverra aucun signal positif aux milliers de Français qui souffrent de la précarité, été comme hiver.
Oui, les travaux de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation thermique sont nécessaires – je salue d’ailleurs mes collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires de leur initiative et des propositions qu’ils ne manqueront pas de formuler dans les prochains mois –, mais l’un n’empêche pas l’autre.
Face à l’urgence, l’immobilisme n’est plus de mise. On ne peut pas se contenter de fixer des objectifs toujours plus ambitieux sans se donner les moyens de les atteindre.
À cet égard, l’exemple du Grenelle de l’environnement est particulièrement parlant : si les objectifs de rénovation énergétique fixés en 2008 avaient été tenus, la France économiserait déjà l’équivalent de ses importations de gaz russe, et des millions de personnes seraient sorties de la précarité énergétique.
Le logement est, après les transports, le secteur le plus énergivore. Il représenterait 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France. C’est d’ailleurs le premier poste de dépenses des ménages. Pourtant, les efforts pour adapter nos logements aux nouveaux défis du siècle restent insuffisants.
L’été, les épisodes caniculaires s’enchaînent à un rythme de plus en plus soutenu. Pour les foyers les plus chanceux, disposant d’une climatisation, il en résulte une consommation d’énergie accrue pour refroidir les logements. Pour les autres, les températures grimpent très vite dans les habitations, faute d’une isolation efficiente.
L’hiver, les six millions de passoires thermiques que compte notre pays ne permettent pas à leurs occupants de vivre dignement, qui plus est dans un contexte d’envolée des prix de l’énergie. Les foyers les plus fragiles sont confrontés à un choix cornélien : se priver ou s’endetter pour se chauffer. Et que dire des maladies induites, comme la bronchite chronique ou l’asthme ?
Nous sommes donc confrontés à plusieurs enjeux essentiels : tout d’abord, un enjeu social, car il convient de réduire les dépenses énergétiques des ménages et d’accroître leur confort ; ensuite, un enjeu de santé publique ; enfin, un enjeu environnemental, car la France doit respecter les engagements climatiques pris lors de la conclusion des accords de Paris.
Un certain nombre d’avancées ont certes été obtenues au cours des dernières années, mais les résultats ne sont pas à la hauteur et beaucoup reste à faire.
D’ailleurs, selon la Cour des comptes, pour 700 000 subventions débloquées en 2021 au titre de MaPrimeRénov’, le nombre de logements sortis de la catégorie des passoires thermiques, qui avait été initialement annoncé à 80 000 par le Gouvernement, a été ramené à 2 500. À ce rythme-là, il faudra plus de 2 000 ans pour rénover les six millions de passoires thermiques de France…
Vous le savez : à l’urgence climatique s’est ajoutée, avec une inflation délirante, l’urgence économique. Pas plus tard qu’hier, lors d’une table ronde, les représentants de la fondation Abbé Pierre nous rappelaient que tous les indicateurs de rénovation globale étaient en baisse en 2022.
Mes chers collègues, nous dressons tous un certain nombre de constats, issus des remontées de terrain comme des auditions que nous avons menées conjointement ici même, au Sénat, mais trop peu de personnes s’engagent dans un parcours de rénovation globale et performante.
Les raisons de la non-massification des rénovations globales et performantes sont multiples. Des moyens ont été engagés : l’Agence nationale de l’habitat (Anah) a distribué plus de 3,4 milliards d’euros en 2022. Pourtant, les freins sont encore trop nombreux ! Les voici : c’est le reste à charge, qui s’élève à environ 35 000 euros pour les rénovations de pavillon ; c’est aussi le fait que près de la moitié des ménages résidant dans une passoire thermique ont des revenus compris entre 988 euros et 1 267 euros par personne !
Mes chers collègues, combien de rapports alarmants faudra-t-il publier avant que l’on ne s’attaque à la précarité énergétique et au mal-logement des plus modestes ?
Notre proposition vise non pas à créer de nouveaux dispositifs ou de nouvelles normes, mais à réaffecter au bon endroit les moyens dont nous disposons et à cibler prioritairement les personnes qui ne vivent pas actuellement dans la dignité, comme le montrent nombre de rapports. Ainsi, nous pourrions éradiquer les passoires en 2030, plutôt qu’en 4020 !
Mes chers collègues, il y a urgence à changer de cap et à revoir le pilotage de la politique de rénovation énergétique, dans un contexte où les tarifs de l’énergie sont toujours plus élevés. Il y a urgence, car les logements les plus énergivores vont disparaître du marché de la location, faute de rénovation.
La crise du logement ne frappera pas que les grandes villes. Les ménages qui s’imposent les plus grandes restrictions habitent dans les communes rurales et les bourgs de moins de 20 000 habitants.
En cumulant l’interdiction progressive des passoires thermiques et les effets de l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), nos communes rurales risquent de voir se multiplier des éléphants blancs d’un nouveau type et de devenir ainsi des musées à ciel ouvert de l’habitat d’antan.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, il est urgent d’agir, et cela sans forcément attendre la nouvelle feuille de route du Gouvernement !
Bien sûr, la révision de la stratégie française sur l’énergie et le climat doit être l’occasion de clarifier, dans les mois prochains, les priorités de notre pays, d’établir une stratégie de rénovation des logements et de lutte contre la précarité énergétique plus performante et plus ambitieuse. Mais cela ne nous donne pas le luxe de perdre encore plus de temps, car, sur le terrain, cela ne fonctionne pas bien, les remontées en attestent.
Je pense à ce couple de retraités de mon département, la Somme, qui a engagé des travaux de rénovation globale de leur logement. À l’heure où je m’adresse à vous, les travaux sont terminés depuis plusieurs mois. Malheureusement ce couple n’a toujours pas reçu la subvention MaPrimeRénov’.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est un autre problème !
M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi. Il a donc dû contracter un prêt à un taux de 15 %, afin d’avancer le coût des travaux et, surtout, d’être en mesure de continuer à se nourrir.
Je pense également à cette personne qui, après avoir été constamment démarchée par des commerciaux, a fini par accepter que son logement soit rénové, dans l’espoir de voir ses factures baisser. Quel n’a pas été son désarroi lorsqu’elle s’est rendu compte que les travaux avaient été bâclés, que la société qui les avait conduits ne donnait plus de nouvelles et que ses factures n’avaient pas diminué !
J’ai encore une pensée pour tous ceux qui ont renoncé à effectuer des travaux chez eux parce que les démarches étaient trop ardues, ainsi que pour tous ces maires qui n’osent pas rénover les logements communaux en raison de la complexité des dispositifs.
Pour toutes ces personnes, nous entendons, au travers de cette proposition de loi, recentrer l’effort budgétaire du pays sur les passoires thermiques.
Par l’article 1er, nous voulons améliorer le fléchage des aides publiques vers des travaux de rénovation plus performants. Nous souhaitons également mettre en place un mécanisme permettant un reste à charge zéro pour les plus précaires.
Sans ce reste à charge zéro, les objectifs de rénovation seront inégalement mis en œuvre, voire ne seront jamais atteints.
De toute évidence, la mention du reste à charge minimal, obtenue par le Sénat lors de l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, est aujourd’hui sans conséquence. Pour les plus modestes, le reste à charge atteindrait parfois jusqu’à 40 %.
Au travers de l’article 2, nous souhaitons favoriser le « aller-vers », pour reprendre l’expression consacrée, en direction des personnes en situation de précarité, qui sont partout sur le territoire, pour leur assurer un accompagnement gratuit. Ce dernier doit se traduire par le montage technique et financier du projet et se poursuivre jusqu’à la fin des travaux.
L’article 3 vise à s’adapter aux contraintes des propriétaires occupants, en leur permettant de s’engager dans un parcours de rénovation plus incitatif.
L’article 4, enfin, tend à adapter les normes dans les territoires d’outre-mer, afin de mieux tenir compte de leurs spécificités.
Telles sont les propositions que nous défendons pour résorber la précarité énergétique. Voilà comment nous entendons replacer la question sociale au centre de la transition énergétique, pour en finir avec la logique qui voit le rétropédalage succéder en permanence à des objectifs trop ambitieux.
Mes chers collègues, l’heure n’est plus aux rapports alarmants, aux plans de sobriété cosmétiques et aux boucliers tarifaires ; ils n’apportent que des solutions temporaires. L’heure est de passer des paroles aux actes. Eh oui, pour apaiser, il faut agir ! Ayons donc le courage d’agir, ce soir.
Au travers de cette proposition de loi, notre objectif est d’envoyer des signaux positifs aux citoyens, qui, aujourd’hui, ne perçoivent toujours pas dans leur quotidien les effets concrets de la rénovation énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité des membres de la commission des affaires économiques vous propose de rejeter ce texte.
J’ai conscience que, sur un tel sujet – la lutte contre la précarité énergétique –, cette position peut surprendre. Je voudrais vous en expliquer les motifs, sachant que nous aurions préféré un renvoi en commission, qui n’a pas été accepté par l’auteur de la proposition de loi ni par son groupe. Nous respectons ce choix. Pour autant, monsieur Cardon, nous n’avons aucunement empêché d’amender le texte ! (M. Rémi Cardon lève les bras au ciel.)
Nous partageons sans hésitation, j’y insiste, les constats et les objectifs de la lutte contre la précarité énergétique. Mais, pour des raisons de temporalité et de fond, nous pensons que les mesures qui sont proposées ici sont, pour certaines, contre-productives, pour d’autres, satisfaites par le droit existant.
Je veux donc tout d’abord insister sur la nécessité d’accélérer la rénovation des logements et des passoires thermiques, pour permettre la sortie de la précarité énergétique.
Le rapport de l’Observatoire national de la précarité énergétique, l’ONPE, qui a été publié le 16 mars dernier, dresse le constant alarmant d’une situation qui s’aggrave.
En 2021, près de 11,9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer les factures énergétiques de leur logement ; ils sont donc autant à être considérés comme souffrant de précarité énergétique.
En 2022, quelque 863 000 ménages ont subi une intervention d’un fournisseur d’énergie en raison d’impayés, soit une hausse de 28 % par rapport à 2019.
La France s’était pourtant engagée, au travers de la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, à rénover 500 000 logements par an – la moitié d’entre eux est occupée par des ménages modestes –, afin de disposer d’un parc respectant les normes bâtiments basse consommation énergétique (BBC) en 2050, et à réduire de 15 % la précarité énergétique à l’horizon de 2020. Cet engagement a d’ailleurs été réitéré à l’occasion de la loi Climat et résilience, mais notre pays risque de ne pas atteindre cet objectif ambitieux.
Selon le rapport de juin 2022 du Haut Conseil pour le climat, les émissions du secteur du bâtiment représentent 18 % des émissions nationales de CO2. Elles n’ont baissé que de 0,2 million de tonnes entre 2019 et 2021. Pourtant, il faudrait qu’elles diminuent de 3 millions à 4 millions de tonnes dans la période 2022-2030, selon les objectifs fixés dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
Suivre cette trajectoire devrait se traduire par 370 000 rénovations globales et performantes par an, puis 700 000 à partir de 2030.
Selon le rapport, paru en février 2023, de l’Observatoire de la rénovation énergétique des logements, en 2019, quelque 2,4 millions de logements ont bénéficié d’une aide pour des travaux qui ont permis une économie d’énergie de près de 8,6 térawattheures par an. Mais il s’agit pour l’essentiel de rénovations partielles.
Selon l’Agence nationale de l’habitat, quelque 66 000 rénovations globales ont été réalisées en 2022. C’est un chiffre en progression, certes, mais qui est encore très loin de l’objectif fixé.
Au total, quelque 3,4 milliards d’euros de subventions ont été distribués par l’Anah, mais elles ont essentiellement conduit à changer le mode de chauffage. On peut donc dire que, si la massification des aides et des gestes de rénovation a été réussie, celle des rénovations globales reste à entreprendre.
À cet égard, les mesures les plus contraignantes contre les passoires thermiques inscrites dans la loi Climat et résilience commencent à peine à entrer en vigueur et, ainsi, à produire leurs effets. Les biens les plus énergivores, classés G+, sont interdits à la location depuis le 1er janvier 2023 ; tel sera le cas pour les biens classés G, en 2025, F, en 2028, et E, en 2034.
De même, l’obligation de réaliser un audit énergétique pour les biens classés G et F est seulement entrée en vigueur le 1er avril de cette année. Elle s’appliquera aux biens classés E en 2025, et à ceux qui sont classés D en 2034.
Les conséquences de ce calendrier exigeant, qui avait suscité notre inquiétude dès 2021, sont lourdes et complexes pour les propriétaires bailleurs, pour les vendeurs et pour l’ensemble du secteur immobilier, qui subit une forte tension et qui est en cours de structuration pour faire face à cet enjeu.
Si je partage les constats et la volonté d’aller de l’avant de l’auteur de la proposition de loi, vous l’avez compris, j’estime que ce texte arrive à contretemps et que les solutions proposées sont soit contre-productives, soit satisfaites par le droit existant.
En effet, l’examen de la proposition de loi intervient en avance de phase de deux échéances importantes pour notre assemblée.
Tout d’abord, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, le Sénat a lancé en janvier 2023 une commission d’enquête, que je préside, relative à l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments. La question de la précarité énergétique, comme l’ensemble des sujets qui s’y rapportent, fait donc actuellement l’objet d’un examen approfondi. Les conclusions et les propositions de la commission d’enquête devraient être publiées à la fin du mois de juin prochain.
Ensuite, comme l’a récemment confirmé la Première ministre, le Gouvernement doit présenter au Parlement, d’ici à la mi-2023, le nouveau projet de loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat (LPEC), qui permettra de fixer, au niveau législatif, les objectifs de la politique énergétique, dont ceux qui sont afférents à la précarité énergétique.
S’ensuivra l’actualisation de la stratégie nationale bas-carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). À cet égard, monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous nous donner quelques éléments relatifs à la rénovation énergétique de ce futur projet de loi ?
Sur le fond, après avoir consulté plusieurs acteurs du secteur et à la suite des auditions de la commission d’enquête, je doute de l’efficacité des mesures proposées par l’auteur de ce texte.
Certaines dispositions me semblent contre-productives. J’en donnerai deux exemples.
Tout d’abord, l’auteur de la proposition de loi prévoit dans son article 1er un reste à charge nul pour les plus modestes, alors qu’il est déjà prévu dans la loi, à la demande du Sénat, sur mon initiative, un reste à charge minimal.
Certes, aujourd’hui, le reste à charge est trop élevé, ce qui permet difficilement à certains ménages d’envisager une rénovation globale. Mais, d’une part, ce n’est pas la loi qui tendra à changer cette situation liée au montant et à la structure des aides ; d’autre part, la plupart des acteurs rejettent cette idée pour des raisons de respect et de dignité des personnes concernées. (Marques d’étonnement sur les travées du groupe SER.)
Philosophiquement, je suis convaincue que chacun doit toujours contribuer à la hauteur de ses moyens, même de manière très réduite. Pratiquement, les ménages doivent rester, à mon avis, des acteurs de la rénovation de leur logement, au risque de tomber de nouveau dans les travers des rénovations à 1 euro.
Ensuite, il est prévu à l’article 3 d’accorder jusqu’à six ans pour la réalisation d’une rénovation globale et performante. Or tous les acteurs du secteur estiment que l’idéal est de la réaliser en une seule fois et au maximum en deux ou trois étapes dans un délai court, au risque d’en perdre le bénéfice. D’ailleurs, il est actuellement prévu dans la loi un délai compris entre dix-huit mois et trois ans selon la situation du logement, notamment la taille de la copropriété. Il n’est pas souhaitable d’aller au-delà.
Outre ces deux sujets, nombre de dispositions de cette proposition de loi sont aujourd’hui satisfaites par le droit existant. Je cite l’article 3 de la proposition de loi, qui tend à proposer que l’Observatoire national de la précarité énergétique contribue à identifier localement les ménages en difficulté.
Or il est déjà prévu dans la loi, à la demande du Sénat et sur mon initiative, que les audits et les diagnostics de performance énergétique soient transmis non seulement à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), mais aussi à tous les acteurs de l’aide sociale, y compris les associations de lutte contre la précarité énergétique.
Par ailleurs, l’Observatoire national de la précarité énergétique a déjà mis en place un outil de géolocalisation de la précarité énergétique, appelé « Géodip ». Il a été utilisé par 1 500 communes environ et pourrait être développé plus encore à l’avenir.
Enfin, l’article 4 vise à préciser les missions du Centre scientifique et technique du bâtiment, le CSTB, mais, selon son président, que j’ai interrogé, le Centre dispose d’ores et déjà des compétences évoquées. Pis, la rédaction de la proposition de loi pourrait être un obstacle à leurs bons exercices sur l’ensemble du territoire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les raisons qui ont conduit la commission des affaires économiques à rejeter cette proposition de loi.
Nous en partageons les constats, vous l’avez compris, mais nous pensons que nous devons encore travailler sur les solutions, pour les intégrer très vraisemblablement d’une manière ou d’une autre dans la future loi sur la programmation de l’énergie ou dans de prochaines propositions de loi, qui découleraient des recommandations de la commission d’enquête. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de cette proposition de loi nous permet d’évoquer un phénomène trop souvent méconnu, mais qui touche des millions de Français : une précarité que l’on ne voit pas, qui se cache derrière les portes d’un appartement ou d’une maison. Il est d’autant plus prégnant dans le contexte de l’inflation et de la crise climatique.
Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Nous avons dû affronter une crise énergétique exceptionnelle, qui s’est ajoutée à une urgence climatique que nul n’ose plus aujourd’hui contester.
Cette précarité, cela a été rappelé lors des travaux de la commission, a des conséquences multiples. Tout d’abord, elles sont économiques. Pour ma part, je ne crée pas d’antagonismes entre la fin du mois et la fin du monde. Dans ce contexte de crise, il serait insupportable que certains de nos concitoyens aient à choisir entre manger et se chauffer. Nous n’acceptons pas cela !
Ensuite, ces conséquences sont sanitaires. Comme vous l’évoquez dans l’exposé des motifs de ce texte, monsieur Cardon, dans les logements où l’on respire mal, on développe des pathologiques respiratoires. J’en suis convaincu, rénover c’est améliorer des vies, voire parfois les sauver.
Par ailleurs, elles sont sociales. Nous savons bien que cela représente une atteinte à la vie sociale pour les occupants. Ils ont honte de recevoir des gens dans un appartement rongé par l’humidité et envahi par la moisissure. Ils n’osent pas y élever une famille.
Enfin, ces conséquences sont environnementales. Les plus pauvres sont les plus sobres énergétiquement, mais c’est une sobriété subie, qui se fait au détriment de leur confort et de leur santé, voire de leur dignité.
C’est pour cela que j’ai annoncé, voilà quelques jours, la liste des 25 premiers « quartiers résilients » sélectionnés dans le cadre de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Ils permettront de développer l’excellence environnementale dans les opérations de renouvellement urbain. En un mot, l’urgence environnementale est une urgence sociale.
Voilà pour les constats, mais, en tant que ministre, je ne puis pas me contenter de dire qu’ils sont inacceptables. Le plus important, c’est d’agir. Et c’est ce que je fais. C’est ce que nous faisons. C’est ce que font les services de l’État, les parlementaires, les collectivités et les associations.
Oui, l’État agit. Avant de parler de la rénovation qui est au cœur de notre réponse de fond, ce gouvernement a agi pour protéger tous les Français dans le contexte actuel des prix de l’énergie très élevés. Tel est l’objectif des boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité, qui continueront de protéger les Français en 2023, en particulier les plus fragiles.
M. Bruno Le Maire a annoncé que le bouclier tarifaire sur l’électricité serait maintenu jusqu’en 2025. Le Gouvernement sera présent aux côtés des ménages, tant que les circonstances le nécessiteront.
Nous avons agi également au cœur de la crise, avec le chèque énergie exceptionnel, venu compléter les boucliers pour les 12 millions de foyers les moins aisés.
Dans ce contexte particulier, et malgré les dispositifs déployés, nous devons continuer de faire preuve d’une vigilance toute particulière sur la question des impayés de loyers et de charges.
Pour agir sur le fond, au bénéfice de nos concitoyens, nous avons massifié la rénovation thermique, avec une aide plus simple et plus puissante : MaPrimeRénov’. (M. Rémi Cardon manifeste son impatience.) Cette aide est bonne pour la planète et bonne pour le pouvoir d’achat. Près de 1,5 million de ménages, majoritairement modestes et très modestes, ont pu en bénéficier.
Oui, monsieur Cardon, plus de 70 000 rénovations performantes ont eu lieu ! Le chiffre de 2 500 que vous avez évoqué représente le nombre de familles qui ont demandé et accepté le bonus.
De plus, la mesure MaPrimeRénov’ Sérénité complète le dispositif pour les ménages très modestes souhaitant engager une rénovation globale de leur logement.
Notre objectif est d’aller vers plus de bouquets de travaux et vers plus de rénovations globales et performantes, en particulier dans l’habitat collectif.
Toutefois, derrière l’objectif, il y a la réalité. Je connais les difficultés et les contraintes que peuvent représenter les rénovations globales.
Ainsi, les rénovations par geste, même si elles ne sont pas idéales, permettent de concrétiser une première étape et d’accompagner des personnes réticentes sur le chemin de la rénovation énergétique. MaPrimeRénov’ n’est pas une aide qui serait simplement distribuée. Au contraire, au cœur de ce dispositif se trouve l’accompagnement !
J’ai évoqué la réticence de certaines personnes réticentes ; eh bien, l’accompagnement doit permettre d’instaurer cette confiance. Elle est indispensable pour expliquer les modalités et pour réaliser les travaux.
Rénover ne doit plus être un parcours du combattant. Telle est la mission du service public France Rénov’, qui, avec ses 550 guichets, maille l’ensemble du territoire national. L’écoute, l’expertise technique et l’attention des conseillers, partout sur le territoire national, sont la force de ce service public.
Les plus de 2 250 conseillers font en sorte que s’engager dans des travaux vertueux ne soit plus jamais une source de déceptions. Ils sont, avec les collectivités territoriales, les acteurs principaux de notre stratégie « d’aller-vers ». D’Amiens à Tarbes, en passant par Nice, ils sont présents pour que nos concitoyens, y compris ceux des territoires ruraux et ceux des quartiers populaires, puissent avoir accès à ce service public de la rénovation.
Je sais que tous les acteurs de France Rénov’, ainsi que les collectivités qui cofinancent le dispositif, attendent une certaine visibilité. Pour y répondre, Christophe Béchu, Agnès Pannier-Runacher et moi-même venons d’annoncer le lancement d’une concertation avec les parties prenantes de France Rénov’ sur l’avenir du réseau et de son financement.
La prolongation du service d’accompagnement pour la rénovation énergétique (Sare) pour une année supplémentaire va permettre de sécuriser la continuité du service public en 2024, ce qui est notre priorité. Elle permettra également de travailler sereinement à un cadre de contractualisation ad hoc, plus simple, plus lisible, et plus efficace.
L’objectif affiché par la Première ministre dans la feuille de route du Gouvernement est d’atteindre, avec les collectivités, un guichet par intercommunalité d’ici à 2025.
Pour massifier l’accompagnement, il faut faire appel à tous, et je pense notamment aux accompagnateurs Rénov’. La plateforme d’agrément de ces acteurs clés pour le parcours de rénovation des ménages a ouvert au début de cette semaine. Elle doit permettre de prendre en compte la situation des acteurs historiques déjà actifs et d’agréer de nouveaux acteurs prêts à s’engager sur ces prestations.
La concertation sur l’avenir de France Rénov’ sera l’occasion de donner de la visibilité à ces nouveaux acteurs sur le modèle économique, qui sera soutenu par la création d’un nouveau programme national de certificats d’économies d’énergie (C2E).
Notre cap est clair : disposer d’ici à la fin de l’année d’un vivier d’accompagnateurs Rénov’, qui permettront de soutenir une montée en charge significative des rénovations globales en 2024, en cohérence avec les travaux de la planification écologique.
J’en viens aux dispositifs de la loi Climat et résilience, qui interdiront progressivement la mise en location des passoires énergétiques.
Monsieur le sénateur, les dispositions de cette loi permettent déjà de répondre largement aux problèmes soulevés dans votre proposition de loi, tant au sujet du service public de la rénovation qu’à propos de l’identification des ménages en situation de précarité énergétique. Ces avancées ont été permises par le Sénat.
En ce qui concerne le calendrier mis en place par la loi, j’entends les doutes et les inquiétudes de certains professionnels du secteur. Mais j’ai aussi entendu, comme vous, madame le rapporteur, d’autres personnes me dire que nous n’allions pas assez vite, et je les comprends aussi.
Tenir le calendrier, c’est tenir la promesse faite aux occupants de ces passoires thermiques, qui va changer concrètement leur vie. C’est aussi maintenir la crédibilité de la parole publique, qu’il ne faut pas entamer sur un sujet aussi grave.
Les mesures les plus contraignantes viennent d’entrer en vigueur récemment, vous le savez : depuis le 1er janvier, les biens étiquetés G+ sont interdits à la location et l’obligation de réaliser un audit énergétique pour la vente de maisons individuelles classées F et G est entrée en vigueur le 1er avril dernier.
J’ai installé, le 13 avril dernier, un comité des partenaires de la rénovation du parc locatif privé. Il s’agit de créer non pas une instance de concertation de plus, mais un espace de discussion et de travail avec les acteurs impliqués, au plus près du terrain, pour informer, faire connaître les bonnes pratiques qui fonctionnent et lever des freins tout à fait opérationnels.
Là aussi, le cap est clair : nous sommes dans le temps de l’action et de la mobilisation pleine et entière de tous les leviers qui existent, pour apporter des réponses concrètes aux Français qui vivent dans les logements les plus énergivores.
Mesdames, messieurs les sénateurs, même si nous partageons les constats que dresse l’auteur de cette proposition de loi, force est de reconnaître que beaucoup a été fait pour lutter contre la précarité énergétique.
Cela ne signifie surtout pas qu’il ne faut pas continuer d’agir. Le Gouvernement et le Parlement sont au travail, avec plusieurs échéances qui rendent moins pertinent l’examen de ce texte. Je pense aux travaux de planification écologique, conduits avec l’appui du secrétariat général à la planification écologique (SGPE), placé sous l’égide de la Première ministre, dont la rénovation des bâtiments est un chantier de premier ordre.
Ces travaux permettront de donner de la visibilité à tous les acteurs et de décliner concrètement de grandes orientations que nous partageons tous : accélérer la rénovation du parc de logement, notamment l’éradication des passoires énergétiques et la sortie des énergies fossiles ; faciliter le parcours de nos concitoyens, en particulier les plus modestes ; former les filières de demain et structurer la filière.
Le 9 mai prochain seront restitués les travaux du Conseil national de la refondation (CNR) logement, qui abordera, bien sûr, le sujet qui nous réunit aujourd’hui.
Je pense enfin aux conclusions, dans les prochains mois, de la commission d’enquête sénatoriale, que vous présidez, madame le rapporteur, relative à l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments. Elles viendront naturellement alimenter notre feuille de route.
Ainsi ces travaux nous permettront d’approfondir les propositions du texte, dont nombre sont en partie déjà satisfaites, comme cela a été souligné par la commission. D’ailleurs, je tiens à saluer la qualité de ses travaux et le temps qu’elle a consacré à l’audition des différents acteurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprenez que, au regard du travail déjà accompli, des chantiers engagés et des échéances à venir, le Gouvernement ne soutiendra pas cette proposition de loi. (Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.)
Je veux croire à la mobilisation collective pour réussir au plus vite l’éradication des passoires thermiques de notre parc de logements.
C’est pourquoi nous ferons, avec vous, monter en puissance le service public de la rénovation.
C’est pourquoi nous encouragerons encore davantage les rénovations globales, afin que les ménages, notamment les plus précaires, vivent mieux dans leur logement. Ainsi, nous bâtirons une transition énergétique efficace, concrète et populaire.
Mme le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces derniers mois notre assemblée a eu à débattre de plusieurs textes relatifs aux politiques du logement. Tout récemment, nous avons examiné la proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d’une allocation logement et vivant dans un habitat non décent.
Si ces textes n’apportent pas toujours des solutions adaptées, ils partagent néanmoins un même constat : la France, ayant pris des engagements environnementaux et sociaux visant notamment à réduire les passoires thermiques d’ici à 2028, a déployé des moyens importants et obtenu quelques progrès. Ainsi, en 2022, près de 3,1 milliards d’euros ont été dépensés pour réaliser des travaux dans 670 000 logements.
Cependant, les politiques publiques demeurent inefficaces face à l’ampleur de l’enjeu. Au contraire, la précarité énergétique s’accroît, en partie à cause d’un contexte de hausse des prix de l’énergie qui touche les plus vulnérables : 5,6 millions de ménages sont concernés et ce chiffre ne diminue pas.
Par ailleurs, 37 % des passoires thermiques sont occupées par des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté et les territoires ruraux sont particulièrement touchés par la vulnérabilité énergétique.
Pour ce public précaire, il est impossible d’engager des travaux de rénovation globale, donc performante, en raison d’un reste à charge important : entre 35 % et 50 % du coût des travaux. Cette dépense est trop importante pour leurs finances ; de ce fait, les passoires thermiques subsistent.
Les difficultés rencontrées s’expliquent en partie par une complexité administrative et des dysfonctionnements techniques persistants, notamment au niveau de la plateforme MaPrimeRénov’. De plus, l’importance de la fracture numérique constitue un frein pour les publics concernés par les aides de l’État, qui n’y accèdent pas faute d’un accompagnement adapté et en raison d’un manque de coordination entre les différents corps de métiers de la filière de l’artisanat. Même lorsqu’ils y accèdent, les subventions mettent trop de temps à arriver.
Les objectifs et les constats sont partagés, les moyens sont là ; pourtant, rien n’avance, alors qu’il est urgent de tenir les engagements annoncés. La France risque de passer encore une fois à côté d’un enjeu majeur pour la lutte contre le réchauffement climatique.
En effet, sans un diagnostic de performance énergétique (DPE) conforme, les logements les plus énergivores risquent de sortir du marché de la location faute de rénovation. Ainsi, 90 000 logements du parc privé sont potentiellement concernés depuis le 1er janvier 2023 et ce chiffre passerait à 160 000 au 1er janvier 2025.
La révision de la stratégie française sur l’énergie et le climat sera discutée dans les prochains mois. Ce débat doit être l’occasion de définir de nouvelles priorités d’actions. Résorber la précarité énergétique est une nécessité à la fois sociale et environnementale, qui requiert une stratégie de rénovation des logements plus performante et plus inclusive.
Avec ce texte, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se veut force de proposition sur cet objectif dans la perspective de la loi de programmation dont nous débattrons cette année.
Ses quatre articles structurent une stratégie cohérente pour atteindre les objectifs de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, et rétablir le principe d’égalité et de justice sociale dans la mise en œuvre de notre transition écologique, que nous avions déjà défendu lors de l’examen de ladite loi.
Nous souhaitons ainsi prioritairement recentrer l’effort budgétaire de la France sur l’éradication des passoires thermiques, en mettant en place un reste à charge zéro pour les personnes les plus précaires et en favorisant le « aller vers » de manière à toucher tous les foyers éligibles aux aides à la rénovation énergétique.
Pour ce faire, nous entendons poser le principe de l’égalité d’accès aux guichets France Rénov’ et aux accompagnateurs Rénov’ sur l’ensemble du territoire, y compris dans les zones à faible densité de population.
Dans un souci de prise en compte des réalités quotidiennes, nous souhaitons également permettre aux propriétaires occupants sans possibilité de relogement de réaliser leurs travaux de rénovation globale en plusieurs tranches, dans le cadre d’un parcours financé, accompagné et planifié.
Enfin, nous proposons d’encourager l’innovation dans les techniques et les matériaux de rénovation afin d’améliorer la prise en compte des spécificités locales, ce qui est particulièrement pertinent pour les territoires d’outre-mer.
Bien que nos constats sur la nécessité d’accélérer la rénovation énergétique des bâtiments et la lutte contre les passoires thermiques aient été unanimement partagés lors de l’examen en commission, celle-ci a rejeté notre texte. Nous tenons néanmoins à rappeler qu’il est urgent de trouver des réponses efficaces et concrètes.
Nos propositions sont adaptées à la réalité quotidienne de nombreux citoyens, elles se fondent sur des situations réelles vues et entendues dans nos circonscriptions, ainsi que dans de nombreux reportages.
En 2021, environ 11,9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leur revenu pour régler les factures énergétiques de leur logement et sont donc considérés comme souffrant de précarité énergétique. En 2022, le nombre de ménages ayant subi l’intervention d’un fournisseur d’énergie en raison d’impayés avait augmenté de 28 % en trois ans.
Notre texte se veut une alerte : les efforts de rénovation connaissent de fortes inégalités territoriales, ce n’est pas normal ; nos concitoyens subissent une importante inégalité d’accès aux dispositifs nationaux encourageant les rénovations, ce n’est pas normal.
La transition énergétique, comme bien d’autres domaines, fait des privilégiés et des laissés pour compte, nous ne pouvons pas l’accepter. C’est pourquoi je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, la résorption de la précarité énergétique doit être une priorité absolue de la Nation en cette période d’inflation, marquée par des enjeux de précarité et des problèmes de pouvoir d’achat.
C’est à la fois un enjeu social et environnemental, au regard de la lutte contre l’effet de serre, mais également de souveraineté, car plus nous consommons d’énergie, notamment du gaz, plus nous sommes fragilisés dans nos échanges commerciaux. Nous devrions mobiliser tous nos efforts face à cette situation.
À cet égard, nous partageons totalement le diagnostic établi par nos collègues du groupe socialiste : la nature même de nos efforts n’est pas à la hauteur de la tâche, ni pour l’immédiat ni pour l’avenir.
Avant d’aborder la question du bâti, je voudrais évoquer quelques décisions urgentes qui s’imposent.
Tout d’abord, la dérégulation des prix du gaz va avoir lieu au début de l’été et emportera des conséquences catastrophiques pour de nombreuses familles, notamment les plus précaires, en dépit des boucliers annoncés. Nous demandons le report de cette mesure et de l’abandon des tarifs réglementés.
Un deuxième sujet majeur concerne la revalorisation du forfait charges de l’aide personnalisée au logement (APL), que nous proposons depuis des années. Celui-ci n’a pas été augmenté, et nous demandons qu’il soit au moins doublé, car il s’agit d’un moyen de solvabiliser les familles.
Certains pourraient évoquer la prime énergie, mais celle-ci n’est pas à la hauteur des problèmes et, dans certains cas, elle n’a même pas encore été mise en œuvre.
Je tiens à exprimer mon soutien à la démarche des gestionnaires de pensions de famille, de résidences sociales et de foyers pour jeunes travailleurs. À ce jour, ces derniers ne bénéficient pas de cette prime énergie. Or, dans la mesure où il n’y a ni bail ni location, c’est bien le gestionnaire qui devrait percevoir cette aide. Ces jeunes, ces personnes en pension de famille rencontrent des difficultés majeures.
Je ne reviendrai pas sur l’ampleur des mobilisations nécessaires pour le bâti, car il n’est pas simplement question d’aider les familles, mais aussi de résorber structurellement les passoires thermiques et de faire muter globalement l’ensemble du parc de logements en matière de qualité environnementale en réduisant la consommation énergétique.
Monsieur le ministre, à vous écouter, j’ai l’impression qu’il suffit de continuer sur la même voie pour atteindre nos objectifs. Cependant, aucun spécialiste ne considère que, dans l’état actuel de MaPrimeRénov’, nous y parviendrons. Une fois de plus, nous risquons d’être sanctionnés par la justice pour inaction climatique. Souhaitons-nous nous retrouver encore au tribunal pour cette raison ? Il faut une révolution copernicienne !
Nous attendons beaucoup des travaux de la commission d’enquête et les propositions actuelles du groupe socialiste constituent une première étape qui devra être complétée et, dans certains cas, réorientée. Pour autant, le signal politique doit être donné ici et maintenant.
Enfin, je voudrais aborder le problème posé par les fameux accompagnateurs Rénov’. Notre grande crainte est que l’on ouvre trop largement la porte à la légitimation de certains acteurs, parfois privés et pas toujours compétents. Je pourrais vous donner de nombreux exemples, en particulier, de pompes à chaleur mal dimensionnées, qui finissent par coûter plus cher aux ménages que leur ancienne chaudière. Il est impératif que ces acteurs d’accompagnement soient certifiés par un service public : l’accompagnement relève d’une prérogative de service public. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Daphné Ract-Madoux. Madame la présidente, mes chers collègues, sous l’influence conjuguée de la hausse du coût des matières premières et de l’inflation des prix de l’énergie, la précarité énergétique a atteint, en 2022, un niveau inédit.
Je tiens donc à remercier Rémi Cardon et nos collègues du groupe socialiste d’avoir mis en avant cette problématique essentielle pour notre avenir collectif.
La précarité énergétique, loin d’être uniquement liée aux frimas hivernaux, touche les Français les plus modestes en toutes saisons. Ainsi, un Français sur quatre déclarait avoir souffert du froid pendant au moins une journée complète au cours de l’hiver 2021-2022, tandis que 59 % des foyers interrogés en 2022 par l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) estimaient avoir souffert d’un excès de chaleur dans leur logement durant la période estivale.
Il est donc impératif de concevoir une rénovation énergétique globale pour l’ensemble des saisons.
Les Français ont su participer pleinement à l’effort national en matière de sobriété énergétique, mais la mise en place des boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité a été une réponse conjoncturelle salvatrice pour les ménages, nous pouvons tous le reconnaître.
Parallèlement, le Gouvernement lutte depuis des années structurellement contre ces phénomènes de précarité énergétique. La montée en puissance des différents dispositifs, tels que MaPrimeRénov’, doit être saluée ; cependant, des dysfonctionnements persistent, et il reste du travail à accomplir pour améliorer cet outil, le rendre plus opérationnel et massifier les actions de rénovation globale des logements.
En première ligne dans ce combat, les copropriétés ont été dotées d’un dispositif spécifique permettant de faciliter la rénovation collective. En 2022, un peu moins de 645 000 rénovations individuelles de logements ont été réalisées, et seulement 26 000 copropriétés ont été rénovées grâce à MaPrimeRénov’ Copropriétés.
Dans cette perspective, le relèvement des plafonds de ce dispositif, le 25 avril dernier, constitue un nouveau pas vers la massification de la rénovation énergétique. Néanmoins, s’il est encourageant, le bilan de cette dernière demeure perfectible. Sur les 670 000 rénovations déjà réalisées, 604 000 sont des rénovations monogestes, tandis que l’on ne compte que 65 000 rénovations globales.
Monsieur le ministre, nous devons faire plus, et nous serons à vos côtés pour relever ce défi.
Le succès de la lutte contre la précarité énergétique passera incontestablement par une meilleure reconnaissance du rôle joué par nos collectivités pour élaborer des solutions locales et adaptées aux réalités de nos territoires.
À ce titre, je salue les initiatives prises par le département de l’Essonne, notamment la Prime éco-logis 91. Cette aide forfaitaire, versée sous condition, permet aux propriétaires de financer des travaux induisant d’importants gains énergétiques.
Ce type de dispositif local contribue à diminuer le reste à charge et à renforcer les effets de levier en matière de financement des rénovations énergétiques, deux axes qui ont été identifiés par les travaux de la commission d’enquête sénatoriale. Pour autant, ce ne sont pas les seuls.
Pour agir plus efficacement localement, nous devrions également consolider et généraliser le modèle des agences locales de l’énergie et du climat (Alec), qui réalisent gratuitement des diagnostics énergétiques objectifs et indépendants, afin que chacun puisse bénéficier des meilleurs audits dans le cadre de son projet de rénovation.
Ces institutions ont fait leurs preuves, mais elles ne sont pas présentes partout. On compte aujourd’hui, par exemple, une Alec en région Normandie, dix en région Île-de-France et quarante sur l’ensemble de la France. Leur travail doit être mieux associé à celui que réalisent sur le terrain les accompagnateurs Rénov’.
Cessons d’agir en silos et bâtissons de nouvelles synergies afin de coupler plus efficacement diagnostic et rénovation énergétique.
Arrivant à contretemps et esquissant des solutions conjoncturelles qui détricotent les mesures mises en place par nos lois les plus récentes, cette proposition de loi soulève de bonnes questions, mais formule malheureusement de mauvaises réponses.
Je tiens à féliciter notre rapporteure, Dominique Estrosi Sassone, pour l’excellence de son travail, qui met en lumière les limites de ce texte. En effet, l’illusoire reste à charge zéro visé par les auteurs du texte n’est pas la seule préoccupation que nous devons avoir en matière de rénovation énergétique du logement. Si nous devons effectivement diminuer le reste à charge, il nous faut également impliquer et responsabiliser les propriétaires.
Alors que la commission d’enquête sur la rénovation énergétique mène des travaux approfondis dans l’optique, notamment, de l’examen prochain de la loi de programmation sur l’énergie et le climat, cette proposition de loi arrive à contretemps.
Avec Amel Gacquerre et les membres du groupe Union Centriste, je suis consciente que la précarité énergétique est une problématique fondamentale qu’il ne faut pas galvauder par des demi-mesures et de fausses promesses.
Nous suivrons donc notre rapporteure et nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le phénomène de précarité énergétique a pris une place particulièrement médiatisée dans notre espace politique, économique et social. En plus d’être délicate, la situation est inédite et l’enjeu, multiple.
Après la crise du covid-19, qui a mis en évidence l’urgence qu’il y avait à remédier à ce problème, l’année 2022 l’a aggravé en raison de l’inflation élevée, provoquée par la hausse des prix de l’énergie et des matières premières et exacerbée par des enjeux nationaux et internationaux que chacun connaît.
L’année passée, 22 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid chez eux, et 69 % d’entre eux ont réduit leur consommation énergétique et ont eu des difficultés à payer leurs factures.
Sur la forme, le groupe RDSE rejoint la position de la commission, car il serait préférable, avant de légiférer, d’attendre les conclusions de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, prévues pour juillet 2023, ainsi que la loi de programmation sur l’énergie et le climat.
Quant au fond, nous ne pouvons aborder la thématique de la précarité énergétique sous le seul prisme de ses conséquences sociales et économiques.
En effet, si elle est synonyme d’une situation financière dégradée, d’un isolement social et d’une santé physique menacée, sa dimension environnementale témoigne de l’urgence climatique dans laquelle nous nous trouvons.
La rénovation énergétique des logements est un objectif majeur pour la transition vers une économie moins carbonée. Elle n’est d’ailleurs pas seulement une obligation imposée par le changement climatique et une précarité grandissante, mais elle concerne aussi la sauvegarde du patrimoine bâti, la défense de notre balance commerciale et la création d’emplois.
L’action publique dans ce domaine doit donc être largement repensée et nécessite de trouver une articulation juste entre plusieurs principes. Le secteur du bâtiment fonctionnant selon des temps longs, il convient de proposer aux acteurs une vision de long terme et une politique publique stable afin que ceux-ci aient la capacité de préparer et d’anticiper les changements.
Créer une dynamique forte, pérenne et massive de rénovation énergétique implique de s’appuyer sur deux éléments indissociables : d’une part, un signal législatif et réglementaire orientant la réflexion et la décision du propriétaire ; d’autre part, le réflexe de performance énergétique à chaque occasion de travaux. Cela ne peut se faire sans structuration de l’offre ni adaptation de la filière professionnelle.
Par ailleurs, le principe de réduction du besoin de consommation doit guider le projet de rénovation globale. Les rénovations énergétiques partielles, focalisées notamment sur un changement du mode de chauffage, ne peuvent pleinement satisfaire nos objectifs en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Il est nécessaire de rénover les enveloppes de manière performante et d’utiliser une énergie décarbonée. Ainsi, pour que l’accélération soit efficace, la vision doit être globale et embrasser tous les problèmes pouvant y faire obstacle.
Néanmoins, au-delà de la viabilité économique, d’autres freins peuvent empêcher ces rénovations d’être menées à bien : complexité des dossiers, crainte des surcoûts et des malfaçons, difficulté de trouver des artisans, dérangement causé par l’ampleur des travaux de rénovation globale. Les réponses à apporter ne sont pas nécessairement financières, mais se trouvent plutôt dans la qualité des services et de l’accompagnement proposé aux ménages.
En somme, le groupe RDSE souhaite s’assurer que l’ensemble de ces freins soient pris en compte à travers la loi de programmation sur l’énergie et le climat. Nous partageons le constat de l’urgence, mais nous reconnaissons l’inadaptation du calendrier législatif. Sur le texte qui nous est soumis, nos voix se répartiront donc entre le vote favorable et l’abstention. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un constat accablant qui nous réunit ici aujourd’hui, à la lumière des crises que nous traversons et qui s’enchaînent.
Le poids des factures énergétiques des logements pèse lourdement sur les Français et aggrave la situation des plus modestes, dont le budget est déjà gangrené par l’inflation depuis des mois.
Ces dépenses sont souvent liées à la vétusté des logements et, en particulier, à leur isolation. Le constat dressé par le sénateur Cardon et ses collègues me semble très largement partagé dans cet hémicycle : la rénovation des logements est actuellement insuffisante et son rythme doit être accéléré dans une logique à la fois sociale, économique et environnementale.
Les objectifs posés par la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte étaient pourtant ambitieux et explicites : rénover 500 000 logements par an, dont la moitié sont occupés par des ménages modestes, pour disposer d’un parc à basse consommation d’énergie en 2050 et réduire de 15 % la précarité énergétique à l’horizon de 2020.
Ces objectifs ont été réaffirmés à l’occasion de l’adoption de la loi Climat et résilience en 2021, laquelle fixe comme finalité de disposer d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre à l’horizon de 2050.
Inutile d’épiloguer sur la question : cet engagement n’est pas tenu à l’heure actuelle et les quelque 66 000 rénovations globales réalisées en 2022 ne laissent guère présager une amélioration nette dans les prochaines décennies.
Cependant, si ce constat fait consensus, les solutions proposées par le texte soumis à notre examen sont insuffisantes et requièrent un sérieux approfondissement.
Tout d’abord, en matière législative, il convient de ne pas aller trop vite en besogne, afin de conserver une certaine cohérence. Or la pertinence de ce texte est largement remise en cause par le calendrier : le Sénat sera amené à débattre à au moins deux autres reprises et de manière exhaustive de cette question dans les prochaines semaines.
Outre la future loi de programmation sur l’énergie et le climat présentée cet été par le Gouvernement, les conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique attendues pour juillet permettront, en mettant en exergue l’ensemble des lacunes des dispositifs d’aide de l’État, de dégager les solutions concrètes à leur apporter.
Cette commission transpartisane a produit jusqu’à présent un travail rigoureux et complet dans ses auditions des différents acteurs du secteur, et je suis persuadé que ses conclusions seront à la hauteur de l’investissement fourni par la présidente Estrosi Sassone et ses collègues.
Dans ce contexte, il serait regrettable d’adopter des dispositions qui iraient à l’encontre des travaux de la commission d’enquête, tout en étant potentiellement en décalage avec les futures propositions gouvernementales. Au-delà de ce calendrier défavorable, l’esprit du texte ne me semble pas non plus parfaitement en adéquation avec les objectifs actuels.
En effet, loin d’être un approfondissement des lois votées précédemment sur le sujet, la proposition de loi de M. Cardon fixe de nouveaux objectifs vertueux à atteindre sans prendre en considération le panorama des défis actuels et sans se doter des moyens nécessaires à leur respect.
Cela transparaît dès l’article 1er, qui conditionne l’accès aux aides à la réalisation d’une rénovation performante et globale et institue un reste à charge nul pour les ménages les plus précaires.
Concernant l’évaluation globale, la loi a déjà prévu une incitation financière accrue, qui doit rester prioritaire. Néanmoins, cette incitation doit demeurer souple et son évolution progressive, pour ne pas déstabiliser le secteur et préserver les premiers succès obtenus par MaPrimeRénov’. En effet, tous les ménages ne peuvent pas se permettre une rénovation globale, laquelle n’est d’ailleurs pas toujours opportune.
Quant au reste à charge, la loi prévoit déjà, sur l’initiative du Sénat, un reste à charge minimal qui, pour le moment, n’est malheureusement pas appliqué. La prise en charge, même infime, des coûts de rénovation est une question de dignité sociale. Cependant, un reste à charge nul pour les ménages qui entreprendraient une rénovation globale aurait un coût exorbitant pour nos finances publiques.
Dans ces conditions, mes chers collègues, il me paraît impensable de voter en faveur de ce texte. La question de la précarité énergétique, située à l’embranchement de l’économie, de la transition écologique et de la question sociale, est trop importante pour être abordée de manière imparfaite.
Ce texte ne répond pas efficacement aux trois problématiques qui me semblent essentielles dans ce débat : tout d’abord, les modalités de financement et l’équilibre entre les aides de l’État et le nécessaire investissement personnel du ménage ; ensuite, les moyens humains et matériels mis à disposition des ménages, leur déploiement et l’usage qui en est fait par nos concitoyens ; enfin, l’information et la communication sur le sujet, aussi bien au niveau de la sensibilisation que de l’accompagnement à chaque étape de la démarche, de l’initiative à la réalisation des travaux.
La commission d’enquête nous donnera prochainement un premier aperçu de l’étendue du travail qu’il nous reste à accomplir en la matière.
Mme le président. Il faut conclure !
Mme Catherine Belrhiti. À nous, à ce moment-là, de proposer un texte qui corrigera les insuffisances et résorbera, sur le long terme, la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France s’efforce d’atteindre ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre, mais les émissions mondiales ne cessent de croître. Dans ces conditions, il est à craindre que le dérèglement climatique ne se poursuive.
Nous devons redoubler d’efforts pour mettre au point les technologies vertes de demain, celles qui nous permettront de concilier croissance et écologie. Cela ne justifie pas pour autant que nous renoncions à la sobriété.
Dans un contexte de hausse des prix de l’énergie, tout le monde comprend l’intérêt, voire la pertinence, d’investir pour réduire nos dépenses, a fortiori lorsque cela diminue nos émissions de gaz à effet de serre.
La proposition de loi que nous examinons tend à lutter contre la précarité énergétique dans notre pays. Nous partageons tous cette ambition, déjà mise en œuvre par la loi.
L’auteur de ce texte propose plusieurs mesures : il souhaite que les fonds publics soient destinés à la rénovation des ménages en se concentrant sur les plus vulnérables de nos concitoyens et que ceux-ci puissent bénéficier d’un reste à charge nul. L’intention est louable, car, sur le plan économique, ce sont nos concitoyens les plus modestes qui bénéficieraient le plus de ces rénovations.
Pour autant, les besoins sont-ils créateurs de droits ? À notre sens, tel n’est pas le cas. Nous sommes en effet convaincus que les rénovations doivent être réalisées parce qu’elles sont rentables du point de vue économique comme écologique. Cette rentabilité est une condition nécessaire et suffisante à leur fonctionnement. Dans cette logique, la question de l’emploi des fonds publics peut soulever des interrogations.
La mise en place d’un reste à charge nul nous paraît encore plus problématique, dans la mesure où ce sont l’occupant et propriétaire du bien qui récolteront les fruits de cet investissement. Il nous paraît parfaitement incompréhensible que ce dernier ne participe pas du tout au financement de cet effort.
Les travaux de la rapporteure nous ont montré que certaines des autres dispositions du texte sont déjà satisfaites : des guichets itinérants sont déjà en service pour nos concitoyens sur l’ensemble du territoire, sans qu’il soit nécessaire d’en créer de nouveaux ; les spécificités des territoires, notamment ultramarins, sont déjà prises en compte pour le choix des méthodes et des matériaux de rénovation.
Pour nos concitoyens, et notamment parce qu’il est question d’argent public, nous devons nous assurer de l’efficacité des dispositifs existants et, le cas échéant, les améliorer. Nous y sommes particulièrement attachés, c’est la raison pour laquelle notre groupe a proposé au Sénat de mieux lutter contre l’habitat non décent en examinant la proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Louis Lagourgue.
En outre, il a été rappelé qu’une commission d’enquête sénatoriale a été lancée en janvier dernier. Celle-ci vise précisément à faire le point sur l’ensemble des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. Ses conclusions devraient être rendues avant l’été, nous permettant ainsi de légiférer en connaissance de cause.
Le calendrier défavorable à cette proposition de loi n’est pourtant pas l’élément qui motive notre vote. La rénovation énergétique est un investissement qui doit, selon nous, susciter les financements par sa rentabilité et non pas offrir aux propriétaires une rénovation payée par l’argent public. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc contre cette proposition de loi.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré une ambition politique sans cesse réaffirmée et des moyens financiers importants, tous les rapports, qu’ils viennent de la Cour des comptes, de l’Assemblée nationale ou du comité d’évaluation du plan France Relance, déplorent unanimement l’échec des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des logements. De nombreux chiffres éloquents ont été rappelés et je n’y reviendrai pas.
Cette proposition de loi de notre collègue Rémi Cardon part d’une bonne intention et d’un constat auquel nous souscrivons tous, à savoir la trop lente résorption des passoires thermiques, le nombre trop faible de rénovations globales, un reste à charge excessivement élevé pour les familles modestes ou encore des dispositifs d’accompagnement compliqués et trop méconnus ; toutefois, elle se heurte – et nous le regrettons – à un problème de temporalité évident, comme nous l’avons souligné en commission.
Les travaux de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, créée sur l’initiative du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sont encore en cours. Cette commission a été mise en place précisément pour faire la lumière sur les dysfonctionnements actuels, pour formuler des recommandations structurantes et pour permettre ainsi une massification effective de l’indispensable effort national en matière de rénovation énergétique, que nous appelons tous de nos vœux.
Les résultats de ces travaux pourront être traduits dans une future proposition de loi ou dans la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), annoncée a priori pour cet automne.
Pour résorber la précarité énergétique, nous sommes convaincus de la nécessité de certaines mesures qui rejoignent en effet les objectifs du texte.
Ainsi, l’accompagnement personnalisé des ménages par un référent est essentiel. Un parcours simplifié et une prise en charge financière pour les ménages modestes sont nécessaires, le reste à charge actuel étant toujours trop élevé. La formation de la filière, notamment sur les enjeux d’adaptation des normes et de l’innovation dans les techniques et matériaux de rénovation écologiques et durables, est également un sujet majeur.
En ce sens, nous soutenons le principe selon lequel il convient de recentrer l’effort budgétaire sur les passoires thermiques pour respecter nos engagements climatiques et pour répondre à la précarité énergétique de nos concitoyens les plus modestes.
Nous soutenons bien évidemment la prise en compte accentuée des plus précaires grâce aux aides mises en place via le reste à charge zéro, ainsi que le principe de l’égal accès aux guichets France Rénov’ et aux accompagnateurs Rénov’.
Nous soutenons également l’adaptation des normes et de l’innovation dans les techniques et matériaux de rénovation, en particulier selon les spécificités en outre-mer.
Mais nous regrettons l’absence de mesures sur l’efficacité, les moyens financiers et la lisibilité des dispositifs d’ingénierie publique des agences de l’État, au premier rang desquelles l’Anah et l’Ademe, et cela vaut aussi pour l’ingénierie territoriale, notamment des agences locales de l’énergie et du climat (Alec).
Nous regrettons aussi l’absence de propositions sur le rôle et les moyens des collectivités locales pour accompagner cet effort national.
Par ailleurs, les solutions proposées ne sont pas encore assez mûres ni optimales.
En ce sens, nous regrettons la faible portée normative de certaines propositions. Je pense par exemple à l’inscription dans la loi du principe d’égalité d’accès aux guichets France Rénov’ et aux accompagnateurs : cela n’entraînera pas nécessairement de changements concrets.
Le guichet France Rénov’ est en plein déploiement et l’imperfection du dispositif actuel est largement admise. Oui, il existe une inégalité territoriale dans le traitement des demandes, mais l’outil législatif n’est pas forcément le plus adéquat ni le plus efficace pour y remédier.
En conclusion, nous voterons en faveur de ce texte, qui est un début de réponse, car il prévoit des mesures que nous ne pouvons que soutenir, même si des interrogations demeurent quant à leur efficacité. Nous considérons cette proposition de loi comme une étape dans la lutte essentielle contre la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les 30 millions de logements qui existent en France, 5 millions sont considérés comme des passoires énergétiques. Or nous avons tous ici conscience de l’importance des déperditions de chaleur résultant de l’isolation défectueuse d’un logement.
Ce constat nous place devant deux conséquences majeures qu’il faut considérer avec la plus grande des attentions.
Rappelons tout d’abord que, en raison de la piètre isolation de certains foyers, quasiment 4 millions de ménages ont des difficultés à payer leur facture de chauffage. Nous ne pouvons rester insensibles face à cette situation d’étranglement financier d’une partie non négligeable de la population.
Nous avons déjà agi contre ce phénomène. En effet, le dispositif MaPrimeRénov’ a permis de délivrer 416 000 subventions entre janvier et août 2022.
Ensuite, l’existence de ces passoires énergétiques renforce un phénomène qui représente probablement la plus grande menace de notre siècle : je veux parler des émissions de gaz à effet de serre.
En effet, le secteur du bâtiment représente à lui seul 27 % des émissions de CO2. Il est donc fondamental pour notre société que nous mettions en œuvre toute notre énergie pour contrecarrer cette production qui empoisonne notre planète. Nous subissons déjà les premières conséquences du dérèglement climatique.
L’ensemble de ces constats nous met face à nos responsabilités et nous enjoint d’agir, en tant que législateurs, pour tenter de stopper rapidement tous ces phénomènes.
Par conséquent, les élus du groupe RDPI souscrivent à l’objectif de ce texte.
Cependant, nous émettons plusieurs réserves sur cette proposition. En effet, ce texte est étudié avant des échéances importantes qui concernent le sujet de la précarité énergétique. Je pense notamment aux travaux de la commission d’enquête lancée par le Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments, dont les conclusions seront publiées entre les mois de juin et juillet 2023.
Mes chers collègues, cette proposition de loi me paraît ainsi prématurée d’un point de vue législatif, puisqu’elle précède des événements qui permettraient son enrichissement.
Par ailleurs, j’émettrai quelques réserves sur la pertinence de plusieurs des mesures présentées.
S’il est fondamental d’accélérer la réduction des passoires énergétiques, le conditionnement des incitations financières aux rénovations performantes et globales pourrait potentiellement déstabiliser le secteur. En effet, celui-ci est fortement soutenu par les dispositifs comme MaPrimeRénov’ ou encore par les bouquets de travaux. Leur rôle économique serait donc réduit et pourrait fragiliser les entreprises dépendantes des subventions proposées par l’État. De plus, cette proposition entre en contradiction avec l’objectif de massification des rénovations énergétiques.
Nous nous rallions tous à l’opinion selon laquelle le reste à charge des rénovations est un frein pour les ménages désireux d’entreprendre ce type de travaux. L’Institut de l’économie pour le climat estime ce reste à charge à 35 000 euros pour la rénovation d’un pavillon. Prévoir un reste à charge nul est une idée louable, mais il est nécessaire d’impliquer les foyers financièrement : chacun doit se sentir engagé dans la rénovation de son logement. Une contribution pécuniaire, même minime, permettrait cet engagement.
Enfin, le principe d’extension de la durée de la rénovation énergétique jusqu’à six ans ajouterait de la complexité au dispositif et limiterait son efficacité.
En effet, il est admis qu’une rénovation globale doit être effectuée dans un délai limité. C’est la raison pour laquelle le règlement prévoit une durée de travaux entre dix-huit mois et trois ans selon la situation dans laquelle se trouve le logement concerné.
Mes chers collègues, encore une fois, même si nous partageons l’objectif du texte, celui-ci intervient avant de nombreuses échéances sur le sujet de la précarité énergétique. Plusieurs mesures sont à retravailler, car elles pourraient entraîner des conséquences problématiques notamment d’un point de vue économique.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe RDPI ne votera pas cette proposition de loi.
Mme le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, permettez-moi de souhaiter un bon anniversaire à l’auteur de cette proposition de loi, mon collègue sénateur de la Somme Rémi Cardon. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Chacun reconnaît l’urgence d’une politique de lutte contre la précarité énergétique consubstantielle à celle de rénovation thermique des logements, dans un contexte de baisse de pouvoir d’achat et de hausse des prix de l’énergie.
Si le mérite des auteurs de cette proposition de loi est de réitérer la nécessité d’une telle politique, la consistance déclarative et la temporalité du texte en limitent l’opérationnalité et l’efficacité, compte tenu du travail en cours de la commission d’enquête sénatoriale sur les politiques publiques en matière de rénovation des bâtiments et de la loi de programmation sur l’énergie et le climat : celle-ci comprendra un volet concernant la stratégie nationale bas-carbone et devrait intervenir au second semestre.
La résorption de la précarité énergétique passe inexorablement par celle de l’insalubrité et des passoires thermiques, à la croisée de l’urgence sociale, qui a le plus souvent recours à des aides modulables et rapides, et de l’impératif environnemental de lutte contre le réchauffement climatique, qui nécessite des actions globales et durables pour tous les types de logements et de propriétaires.
L’idéal de conciliation de ces deux exigences se heurte à la réalité : les contraintes financières des ménages et la difficulté à engager une rénovation globale compte tenu de l’urgence de certains travaux.
Si je souscris à l’objectif de cette proposition de loi qui souligne l’importance de favoriser l’accès aux dispositifs et de les améliorer, je suis plus réservé quant à l’extension de la durée prévue pour réaliser une rénovation globale ainsi qu’à celle des capacités au reste à charge nul.
Plus que les délais, ce sont la détection et l’accompagnement des plus fragiles qui sont en cause, ainsi que la continuité des dispositifs, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, leur simplification et la mise en adéquation des moyens humains et financiers avec cette nécessaire massification et également la coordination de tous les acteurs, dont les collectivités locales, qui jouent un rôle majeur en ces domaines.
Plus de 12 millions de personnes sont dans une situation de fragilité et 5 millions de passoires thermiques devraient faire l’objet d’une rénovation indispensable, mais coûteuse, qui est donc insuffisamment engagée.
En effet, certains usagers ne parviennent pas à finaliser la demande de versement du solde, ce qui induit le recours aux prêts bancaires ou à des prêts familiaux, même s’ils sont souvent impossibles, dans l’attente du versement des aides. C’est ainsi qu’augmente la précarité financière de ces millions de ménages aux revenus modestes, voire très modestes.
Cette discussion est aussi l’occasion de vous demander, monsieur le ministre, de prendre acte du rapport de la Défenseure des droits qui a alerté sur les graves dysfonctionnements de MaPrimeRénov’, outil dématérialisé et en ligne : l’Anah a enregistré 900 réclamations entre les mois d’octobre et d’avril derniers, dont 600 restent encore sans réponse.
Les collectivités servent de relais en saisissant l’Anah des situations individuelles. Elles se heurtent parfois à l’absence d’interlocuteur et à des délais hors normes dans le traitement de leurs demandes, faute de moyens nécessaires pour l’agence.
La rénovation énergétique des bâtiments nécessite un pilotage économique et social pour aider les plus modestes.
La mobilisation de tous les acteurs sur le territoire, la nécessité de diagnostics territoriaux et individuels, l’exigence d’un accompagnement tout au long du processus – plus que d’un allongement des délais, c’est d’un accompagnement administratif, technique et financier dont on a besoin, qui sera rendu possible grâce à l’engagement des collectivités aux côtés de l’État, via des subventions et des régies d’avance, pour garantir l’efficacité des rénovations –, la réduction de la précarité sociale et sanitaire et la diminution des émissions de gaz à effet de serre : telles sont les mesures qu’il faudra décliner dans la future loi de programmation promise par le Gouvernement, si l’on veut qu’elle soit une véritable loi de résorption de la précarité et de lutte contre le réchauffement climatique.
Poursuivons la commission d’enquête sénatoriale ; son analyse et les propositions des acteurs concernés permettent le travail de fond indispensable aux adaptations législatives nécessaires pour vivre mieux et bien logé. Les personnes mal logées sont de plus en plus nombreuses. Rappelons que, dans son rapport annuel, la Fondation Abbé Pierre estime à 300 000 personnes le nombre de sans domicile fixe en France, soit 30 000 de plus qu’en 2022, et à plus de 4 millions de personnes celui des mal-logés. Les impayés de factures d’électricité ont augmenté de 17 % entre 2019 et 2021.
La question est donc de trouver les moyens non seulement de territorialiser et d’améliorer les dispositifs, mais aussi d’articuler l’intervention des acteurs concernés afin de produire des changements suffisamment rapides pour permettre à notre pays de parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050 et de résorber la précarité énergétique et sanitaire des plus fragiles.
Enfin, j’appelle aussi le Gouvernement à prendre toutes les précautions à l’égard des plus vulnérables, soumis plus que jamais aux arnaques sur les réseaux sociaux : en effet, par manque d’accompagnement, ceux-ci peuvent être amenés à souscrire des contrats malveillants, avec pour risque la noyade dans la grande précarité.
Cette proposition de loi nous semble donc trop peu efficiente pour que nous puissions l’adopter, mais elle offre les bases qui permettront de nourrir le débat lors de l’examen des prochains textes sur le sujet, que nous attendons d’ici à la fin de l’année, pour atteindre les objectifs visés par l’auteur du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique
Chapitre Ier
Pour un recentrage de l’effort budgétaire sur les passoires thermiques
Article 1er
Le 5° du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, après le mot : « accrue », sont insérés les mots : « conditionnée à la réalisation de travaux de rénovation énergétique performante et globale », et, après le mot « modestes », sont insérés les mots : « ainsi qu’un dispositif permettant un reste à charge nul au bénéfice des personnes les plus précaires » ;
2° À la troisième phrase, après la référence : « I », sont insérés les mots : « identifie les moyens et actions nécessaires pour résorber prioritairement les logements dits “passoires thermiques”, ».
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Au début de son propos, l’auteur de la proposition de loi a remis en question la manière de procéder de notre commission en caricaturant quelque peu la position de la rapporteure.
Je voudrais donc vous rappeler, cher monsieur Cardon, qu’au Sénat nous évitons les positions caricaturales et préférons un travail de fond, en général transpartisan et collégial. Cela n’empêche pas les différences, bien évidemment, mais celles-ci s’expriment après ce travail transpartisan et collégial de manière d’autant plus respectueuse. La principale raison pour laquelle nous avons souhaité attendre les conclusions de la commission d’enquête en cours tient au respect que nous souhaitons témoigner aux sénateurs qui y réalisent un travail important.
Par ailleurs, sans vouloir être désagréable, un certain nombre de dispositifs de votre proposition de loi sont satisfaits, qu’ils soient pour certains peu opérationnels ou pour d’autres contre-productifs, comme le montre l’exemple de l’extension des compétences du CSTB. C’est la raison pour laquelle nous vous avons proposé un renvoi en commission qui vous aurait permis d’être pleinement intégré aux travaux qu’elle aurait menés. Vous n’avez pas accepté cette proposition et nous respectons votre décision, même si nous la regrettons.
Enfin, je veux vous dire que votre groupe a eu la possibilité de déposer des amendements ; quant à ceux de la rapporteure et des autres groupes, ils vous ont été soumis, ainsi que les avis de la rapporteure, dans le cadre d’un gentleman’s agreement, de sorte que rien ne vous empêchait d’en déposer d’autres. Comme vous connaissiez la position de la commission, la rapporteure n’a pas souhaité être désagréable à votre encontre.
Tels sont les éléments que je voulais rappeler, non pas pour être désagréable, mon cher collègue, mais pour vous dire que vos propos sur la manière dont travaillent les commissions du Sénat étaient pour le moins exagérés et caricaturaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Très bien !
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 277 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 101 |
Contre | 237 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Chapitre II
Pour une stratégie de rénovation plus inclusive
Article 2
L’article L. 232-2 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après le mot : « guichets », la fin du dernier alinéa du I est ainsi rédigée : « , garantissent aux ménages une égalité d’accès, quelle que soit la densité de population, et veillent à ce qu’ils puissent bénéficier d’un service harmonisé sur l’ensemble du territoire national. » ;
2° À la dernière phrase du premier alinéa du II, après le mot : « également », sont insérés les mots : « , en lien avec l’Observatoire national de la précarité énergétique, mener une mission d’identification des ménages en situation de précarité énergétique et ».
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Mes chers collègues, puis-je considérer que le vote est le même que sur l’article 1er ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 2 n’est pas adopté.
Article 3
Avant le dernier alinéa du 17° bis de l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception au septième alinéa du présent 17° bis, la rénovation globale peut être réalisée par tranches, dans un délai inférieur à six ans à compter du début d’exécution des travaux, lorsqu’elle est réalisée par un propriétaire occupant son logement et à condition que les travaux soient accompagnés par un opérateur de l’État ou agréé par lui, et que les différentes phases de travaux soient planifiées dès le départ. »
Mme le président. Mes chers collègues, sur cet article comme sur les précédents, j’ai été saisie d’une demande de scrutin public. Puis-je considérer que le vote est le même que précédemment ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 3 n’est pas adopté.
Chapitre III
Pour une adaptation des normes dans les territoires d’outre-mer
Article 4
Le 1° de l’article L. 121-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il évalue et promeut les techniques et les matériaux les mieux adaptés aux spécificités locales des différents territoires ; s’agissant des territoires ultramarins, il propose la reconnaissance de normes adaptées et facilitant le recours à des matériaux de construction et de rénovation produits et utilisés localement ; ».
Mme le président. Je vais mettre aux voix l’article 4.
Si cet article n’était pas adopté, je considérerais que le vote serait le même pour l’article 5, devenu sans objet.
Si ces articles n’étaient pas adoptés, il n’y aurait par ailleurs plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les cinq articles qui la composent auraient été supprimés. Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble.
Dans ces conditions, quelqu’un demande-t-il la parole pour expliquer son vote sur l’article 4 ?
La parole est à M. Rémi Cardon, pour explication de vote.
M. Rémi Cardon. Je souhaite répondre aux propos de Mme la rapporteure et de Mme la présidente de la commission des affaires économiques. La question de la temporalité de ce texte a en effet été soulevée à plusieurs reprises. Toutefois, s’il vient à contretemps – et je m’en excuse –, vous êtes bien placées pour savoir que les choix que nous faisons dans les groupes politiques ne tombent pas forcément dans le bon calendrier : l’examen de cette proposition de loi aurait pu être inscrit dans le cadre d’une niche socialiste, au mois de novembre ou de décembre derniers, mais il n’intervient qu’aujourd’hui.
Je suis désolé d’avoir froissé l’ego de certains d’entre vous sur ce sujet. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Je constate en tout cas que les voyants étaient au rouge, précédemment, lors de la séance des questions au Gouvernement, sur la question de la rénovation thermique…
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Non, sur celle du logement !
M. Rémi Cardon. En effet, mais elles sont complémentaires.
Or, désormais, il semble qu’il n’y ait plus rien d’alarmant et que tout va bien de sorte que l’on peut continuer ainsi.
Pourtant, les indicateurs de la rénovation globale étaient en baisse en 2022, toutes aides confondues. M. le ministre n’a fait aucun commentaire sur ce sujet, alors que nous souhaiterions entendre ce qu’il a à dire.
Enfin, monsieur le ministre, une mise à jour est en cours sur le logiciel Géodip dont Mme la rapporteure a fait l’éloge. Manifestement, l’Observatoire national de la précarité énergétique attend la validation du financement d’un montant total de 90 000 euros pour pérenniser l’outil et pour le mettre dans les prochains jours au service des collectivités et des différents acteurs concernés. Est-ce que cette mise en œuvre doit se concrétiser ou bien est-elle encore en stand-by ? S’agit-il de nouveau d’un contretemps ? Je m’interroge sur l’avenir de cet outil fortement utilisé, car il présente encore des zones d’ombre.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 4.
Mes chers collègues, sur cet article comme sur les précédents, j’ai été saisie d’une demande de scrutin public. Puis-je considérer que le vote est le même que sur l’article 1er ? (Assentiment.)
En conséquence, l’article 4 n’est pas adopté et l’article 5 n’a plus d’objet.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés par le Sénat ou étant devenus sans objet, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Alain Richard.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Programme de stabilité et orientation des finances publiques
Débat organisé à la demande de la commission des finances
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des finances, sur le programme de stabilité et l’orientation des finances publiques.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce programme de stabilité, nous vous présentons une trajectoire de redressement réaliste et déterminée de nos finances publiques.
Nous sommes dans un moment de bascule, celui de la fin de l’ère de l’argent gratuit et celui de l’impératif du désendettement de notre pays.
Il y a cinq ans, le Gouvernement annonçait une amélioration très sensible de nos finances publiques. Je le rappelle : grâce aux réformes engagées dès 2017, la France est revenue sous les 3 % de déficit et est sortie de la procédure pour déficit excessif.
Il y a trois ans, la crise de la covid-19 nous frappait de plein fouet, et c’est dans l’urgence que nous avons dû agir pour que le pays, l’économie notamment, ne s’effondre pas.
Nous ne le regrettons pas un seul instant, car c’était le bon choix : oui, notre dette a augmenté pendant la crise – c’est une évidence –, mais il était nécessaire, voire vital de protéger nos concitoyens.
Un certain nombre d’études montrent que, si nous n’avions pas fait ce choix, notre dette aurait augmenté dans des proportions encore plus importantes, en plus des dégâts dont notre économie aurait souffert et des conséquences désastreuses pour des millions de Français qui travaillent.
Ont suivi le plan de relance au sortir de la crise sanitaire pour relancer notre économie, puis les mesures pour faire face à l’inflation avec, en particulier, le bouclier tarifaire qui a permis d’économiser près de 200 euros par facture d’énergie.
Tout au long de ces crises et de la réponse qui a été apportée par les gouvernements successifs, il n’y a eu qu’une seule ligne de force : la protection des Français.
Nos choix ont eu pour conséquence évidente l’augmentation de la dépense publique, qui a progressé de 16 points, passant de 97 % du PIB en 2019 à 113 % du PIB en 2021.
Je tiens à préciser deux éléments.
En premier lieu, cette hausse de la dette se situe dans la moyenne des autres États européens. Durant la même période, l’Allemagne a vu sa dette progresser de 10 points, l’Italie de 16 points, l’Espagne de 20 points.
Le décrochage de la dette française par rapport à celles des autres pays de l’Union européenne a débuté bien avant cette époque, au moment de la crise de 2008.
En second lieu, nous avons changé d’époque.
M. Jérôme Bascher. C’est vrai !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous constatons ainsi une augmentation massive des taux d’intérêt, qui s’élevaient à environ 1 % il y a moins d’un an, et qui s’établissent désormais à 3 %.
Face à cette envolée des taux et à ce renchérissement de notre dette, je le redis clairement : nous sommes à un moment de bascule, celui de la fin de l’ère de l’argent gratuit, celui où nous devons absolument reprendre le contrôle de notre dette pour rester indépendants et garder la maîtrise de nos choix.
Et ces choix sont clairs : il s’agit de soutenir la France qui travaille, de mettre le paquet sur nos services publics, et d’accélérer la transition verte de notre pays.
À cet égard, je souhaite revenir brièvement devant vous sur la publication de l’agence Fitch, vendredi dernier.
Il s’agit d’un sujet important auquel un certain nombre de questions ont été consacrées cet après-midi à l’occasion de la séance de questions au Gouvernement, notamment par M. le rapporteur général, Jean-François Husson, mais aussi par MM. les sénateurs Rémi Féraud et Stéphane Demilly.
Comme cela a été rappelé tout à l’heure, Fitch a en effet décidé de dégrader notre notation souveraine, en l’établissant à AA– « avec une perspective stable », alors que celle-ci était créditée de la note AA « sous perspective négative » depuis près de deux ans.
Bruno Le Maire l’a dit, et je veux l’affirmer à mon tour : ne cédons ni au pessimisme ni au fatalisme. Je sais notre capacité collective à maintenir la crédibilité financière de la France.
Je tiens à rappeler à ce titre que l’agence Moody’s avait décidé la semaine précédente de ne pas revoir la notation de la France, qu’elle a maintenue à AA « avec une perspective stable ».
D’ailleurs, les observateurs extérieurs croient toujours en notre résilience, parce que l’immense majorité des investisseurs et des analystes savent que les réformes structurelles que nous avons lancées continueront à produire leurs effets jusqu’à la fin du quinquennat.
Je pense à la réforme de l’assurance chômage, à la baisse des impôts de production, à la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés et, bien sûr, à la réforme des retraites.
Ces réformes visent un objectif : construire une société du plein emploi. Oui, nous voulons bâtir une société du travail, tout en prenant en compte les aspirations profondes de nos compatriotes qui souhaitent travailler autrement, bénéficier de davantage de liberté dans leur organisation quotidienne et de davantage d’opportunités tout au long de leur vie professionnelle. C’est ce grand chantier que nous souhaitons ouvrir avec les partenaires sociaux, pour construire ce nouveau « pacte de la vie au travail » annoncé par le Président de la République.
Si la crédibilité financière de notre pays reste forte, c’est aussi parce que notre détermination à rétablir les comptes publics est totale.
Pour ma part, je vois d’abord dans la publication de l’agence Fitch la confirmation qu’il faut nous engager de manière encore plus résolue sur ce chemin et accélérer le désendettement de notre pays.
Notre dette n’est pas gratuite et doit évidemment être remboursée. En 2027, la charge des intérêts de la dette devrait s’alourdir de 10 milliards d’euros du seul fait de la remontée des taux.
La conséquence de ces taux qui augmentent et de cette dette qui file, c’est que le poids de la dette s’alourdit : bientôt, les dépenses consacrées à son remboursement constitueront de nouveau le premier budget de l’État.
Malgré ce constat sans appel, certains responsables politiques font croire qu’il existe un chemin consistant à ne jamais rembourser. Mais je le dis clairement : la tentation de l’ardoise magique, c’est la certitude de la faillite.
Arrêtons de nous tromper d’adversaire ! Notre adversaire, c’est la dette, pas le sérieux budgétaire ! La fin de l’argent gratuit ne fait que confirmer l’objectif qui est le nôtre : nous devons tenir nos comptes, et nous le ferons avec plus d’ambition encore, car notre situation nous le permet.
Nous commencerons à rembourser notre dette d’ici à la fin du quinquennat et nous ramènerons le déficit des administrations publiques sous la barre des 3 %.
Je parlais d’accélération de notre trajectoire de désendettement : c’est ce que contient le programme de stabilité (PStab) dont nous discutons aujourd’hui.
Je vous rappelle que, dans le PStab que nous présentions avec Bruno Le Maire l’année dernière, nous prévoyions alors un déficit de 2,9 % et un ratio de dette de 112,5 % en 2027.
Dans le programme que nous vous détaillons aujourd’hui, cette trajectoire s’accélère, puisque nous anticipons désormais un déficit de 2,7 % et un ratio de dette de 108,3 % en 2027, soit 4 points de moins que dans les hypothèses de l’an dernier.
Nous ne céderons pas au réflexe fiscal. Souvenons-nous des quinquennats précédents… Nous n’avons jamais fait ce choix, car nous refusons le matraquage fiscal, et nous refusons de faire payer la facture aux classes moyennes.
D’abord, je considère que la France est « au taquet » en matière d’impôts. (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)
Ensuite, ce n’est pas aux Français de servir de variable d’ajustement aux soubresauts de l’économie mondiale. Depuis 2017, nous avons baissé les impôts des ménages de plus de 25 milliards d’euros, et ce n’est pas maintenant – au moment où l’inflation alimentaire grignote le pouvoir d’achat – que nous allons les augmenter. Le programme de stabilité prévoit donc une diminution du taux des prélèvements obligatoires.
Nous poursuivrons dans cette voie avec la ferme intention de réaliser des économies en 2024, et ce jusqu’en 2027.
Dans certains secteurs, nous dépensons trop. J’ai d’autant moins de scrupules à l’affirmer que je ne suis pas un ministre du budget allergique à la dépense publique – je l’ai déjà dit.
La revue de dépenses que Bruno Le Maire et moi-même avons commencée permettra d’entrer dans le détail de ces économies, mais nous savons d’ores et déjà que certains secteurs peuvent mieux faire.
Nous avons d’ores et déjà engagé les efforts nécessaires en ciblant davantage nos dispositifs. Je citerai l’exemple de la ristourne sur les carburants, qui a coûté 8 milliards d’euros aux finances publiques l’an dernier, et qui a été remplacée par une indemnité carburant visant les travailleurs modestes, dont le coût s’élève, lui, à 1 milliard d’euros.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous auriez pu le faire plus tôt si vous aviez davantage écouté le Sénat !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. De la même manière, Bruno Le Maire a annoncé la sortie progressive du bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie.
Dans ce programme de stabilité, le ratio des dépenses publiques par rapport au PIB passera de 57,5 % en 2022 à 53,5 % en 2027, soit une baisse de 4 points. Pour y parvenir, de nouveaux efforts seront évidemment nécessaires.
Là encore, souvenons-nous du précédent PStab que nous vous avions présenté l’an dernier. Nous prévoyions alors une baisse de la dépense, en volume, de 0,4 % pour l’État et de 0,5 % pour les collectivités locales.
Dans ce programme de stabilité, nous avons revu la charge de l’effort, parce que nous avons écouté et entendu les parlementaires, notamment les sénateurs, ainsi que les associations d’élus locaux.
La répartition de l’effort a donc été modifiée : en volume, l’effort passe de 0,4 %, à 0,8 % pour l’État, quand l’effort des collectivités locales reste inchangé. Dans le cadre de ce PStab – qui se concrétisera, je l’espère, dans la prochaine loi de programmation des finances publiques –, l’État fera donc davantage d’efforts que les collectivités locales, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Un secteur verra ses dépenses augmenter, y compris en volume, celui des administrations de sécurité sociale : celles-ci augmenteront de 0,5 % en volume, ce qui satisfera, je l’espère, Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous préservons ainsi l’hôpital public des économies à réaliser.
Ce programme de stabilité n’est donc pas un programme d’austérité.
D’abord, un pays qui consacre plus de 50 % de sa richesse à ses dépenses n’est pas un pays qui fait de l’austérité. Ensuite, je le dis, nous n’avons jamais mené de politique d’austérité depuis 2017, car c’est à la fois injuste et inefficace. Lorsque la France a cédé à cette tentation, cela s’est toujours soldé de la même manière : plus d’impôts, plus de chômage, moins de croissance, et plus de déficit.
Nous assumons donc le sérieux budgétaire.
Être sérieux, c’est ce qui permet d’être ambitieux pour nos services publics, notre école, notre police, notre justice, notre armée, pour lesquelles nous avons amorcé un réarmement budgétaire, pour notre hôpital public, nos soignants qui ont tant donné pendant la crise sanitaire et qui continuent de donner de leur temps aujourd’hui encore. Je rappelle que, cette année, les moyens consacrés à l’hôpital public dépassent les 100 milliards d’euros, ce qui est inédit dans l’histoire de notre pays.
C’est l’engagement du Président de la République, et nous le tenons. Notre pays en a besoin et les Français l’attendent.
Nous rehaussons notre ambition en matière de déficit sans rien abandonner de notre ambition en matière d’investissement pour nos services publics.
Je le répète : en 2027, la dépense publique représentera encore 53,5 % du PIB. Un pays qui dépense autant doit répondre à un impératif : que chaque euro dépensé le soit au service des Français et au service de l’ambition de ce quinquennat, celle de refaire de nos services publics les meilleurs services publics en Europe.
La réalité, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, c’est que nos concitoyens ont parfois le sentiment de payer beaucoup d’impôts, mais qu’ils ne savent pas toujours à quoi ils servent. Je veux me battre pour ces Français qui ont l’impression de payer toujours plus et parfois d’avoir moins.
Au fond, je souhaite placer notre stratégie de réduction du déficit et de la dette sous le signe de la confiance, cette confiance que les Français doivent retrouver dans l’impôt, cette confiance dans nos services publics, qui sont notre priorité et que nous voulons hisser au rang des meilleurs services publics en Europe, cette confiance, enfin, dans le fait que chaque euro dépensé sera un euro utile, mais aussi que chaque euro dû sera payé – tel est l’objectif du plan de lutte contre les fraudes que je détaillerai dans les prochains jours.
Maîtriser nos comptes pour ne pas renoncer à nos priorités. Dire aux Français à quoi sert leur argent, tout en leur demandant de nous aider et de contribuer à l’employer mieux. Lutter sans relâche contre celles et ceux qui fraudent et qui sapent la confiance dans le pacte républicain. Voilà notre feuille de route.
Je suis convaincu que nous pourrons tous nous rassembler autour de ces combats, que nous devons mener pour servir au mieux l’intérêt des Français.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du déplacement du bureau de la commission des finances à Berlin et à Francfort la semaine dernière, nous avons échangé très directement avec nos homologues allemands sur la réforme des règles européennes de coordination budgétaire prévues par le pacte de stabilité et de croissance.
Cette réforme repose sur deux principes essentiels : une meilleure prise en compte des investissements nécessaires pour répondre aux défis de demain, d’une part, la possibilité de différencier les objectifs de réduction de la dette et du déficit en fonction de la situation réelle des pays, d’autre part.
La réforme qui est en cours est, à mes yeux, éminemment nécessaire, car nous devons nous adapter : les règles précédentes n’ont pas permis de garantir une maîtrise durable des déficits ; par ailleurs, nos économies sont sorties très endettées des crises sanitaire puis énergétique. Nous ne pouvons en outre plus ignorer ni le réchauffement climatique ni la nécessité de renforcer notre résilience technologique, industrielle et énergétique.
L’approche retenue par les Européens, qui consiste à appliquer les règles budgétaires en fonction des circonstances, est la bonne, mais elle implique que chacun respecte deux grands principes, à savoir, tout d’abord, que les trajectoires des finances publiques présentées soient construites sur des hypothèses crédibles et, ensuite, que les objectifs de maîtrise des comptes soient à la hauteur.
Or, monsieur le ministre, tel ne me semble pas être le cas du programme de stabilité que vous nous présentez : il ne répond, de mon point de vue, à aucun de ces deux objectifs, ce qui fragilise la parole de la France face à ses partenaires.
Dans un premier temps, j’évoquerai le scénario de croissance économique.
S’agissant de la croissance du PIB en volume, le Gouvernement considère que le scénario qu’il avait présenté lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) reste inchangé.
Comme cet automne, les conjoncturistes ne partagent pas ce scénario, qui paraît dès lors très optimiste. Ainsi, lorsque le Gouvernement anticipe 1,7 % de croissance par an en moyenne, le Consensus Forecast, qui agrège les prévisions réalisées par une vingtaine d’instituts, anticipe une croissance de 1,4 % par an.
La principale raison de cet écart résulte de la consommation des ménages que le Gouvernement veut voir évoluer de 1,6 % par an et qui ne progresserait, selon les conjoncturistes, que de 1,1 %.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez décidé de réévaluer très fortement votre estimation du déflateur de PIB, qui mesure l’évolution des prix des biens et services produits durant une année.
Le déflateur de PIB est un paramètre certes très technique, mais absolument majeur pour définir la trajectoire des finances publiques, car il commande l’évolution du PIB en valeur, à partir duquel est calculé le produit des impôts. En clair, plus le déflateur est élevé, plus le PIB est élevé, plus les recettes publiques sont importantes.
Sans que le Gouvernement documente les motifs pour lesquels il l’a révisé, le déflateur de PIB atteindrait ainsi 5,4 % en 2023, soit une augmentation de près de deux points par rapport à ce qui était prévu dans le projet de loi de programmation des finances publiques il y a quelques mois.
En outre, une fois encore – et malheureusement pour l’exécutif –, les conjoncturistes ne partagent pas du tout l’analyse du Gouvernement, à l’instar du FMI et de la Banque de France qui retiennent, eux, le chiffre de 3 %.
Quelles sont les conséquences d’une telle révision ? C’est simple, elle contribue à une augmentation de 50 milliards d’euros du PIB en 2023 par rapport aux prévisions figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques, ce qui permet d’anticiper plus de 13 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Voilà qui constitue, avouez-le, une révision technique bien opportune pour qui voudrait présenter des ratios de dépense publique, de déficit et d’endettement plus favorables.
La difficulté, j’y reviendrai, réside dans le fait que l’ensemble de la stratégie d’amélioration des comptes publics défendue par le Gouvernement repose sur une hypothèse qui n’est ni documentée ni partagée par les conjoncturistes.
Certes, la Commission européenne envisageait, elle aussi, dans ses prévisions d’automne, un déflateur de l’ordre de 5 % en 2023. Mais elle prévoyait alors, dans le même temps, une croissance du PIB bien plus faible. L’écart entre le PIB anticipé pour 2023 par le Gouvernement et la Commission s’élève à plus de 30 milliards d’euros.
En réalité, on a l’impression que le Gouvernement a fait le choix, pour la plupart des indicateurs économiques, de retenir l’hypothèse la plus favorable, ce qui ne me paraît pas raisonnable.
Autre point important, le Gouvernement continue d’évaluer la croissance potentielle à 1,35 % par an.
Une nouvelle fois, la plupart des conjoncturistes ne partagent pas cette prévision. Comme le Haut Conseil des finances publiques l’indique, ce scénario de croissance potentielle me paraît trop élevé, d’autant plus qu’il repose sur l’hypothèse selon laquelle notre économie fonctionnerait actuellement en dessous de ses capacités. Pour tout dire, les difficultés actuelles pour recruter me conduisent à en douter.
En conséquence, le scénario macroéconomique que vous présentez, monsieur le ministre, me semble reposer sur un ensemble d’hypothèses trop favorables, trop optimistes, trop peu documentées et, en définitive, trop fragiles. Cela n’est pas de nature à asseoir la confiance dans le cadre de notre dialogue avec la Commission européenne et nos partenaires.
J’en viens maintenant à la trajectoire des finances publiques présentée par le Gouvernement.
Depuis quelques jours, les ministres en disent tout le bien qu’il faudrait en penser : elle montrerait un effort plus important de maîtrise des dépenses et démontrerait que la France s’apprête à réduire son déficit et sa dette dans des délais inespérés jusqu’ici.
En pratique, la réalité est malheureusement assez différente.
Tout d’abord, je l’ai dit tout à l’heure, après avoir revu son scénario macroéconomique, le Gouvernement prévoit qu’en 2027 le PIB sera supérieur, en valeur, de 70 milliards d’euros – excusez du peu ! – à ce qui était envisagé il y a quelques mois lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques.
Dans ce contexte, les recettes publiques augmenteraient mécaniquement d’un peu plus de 33 milliards d’euros, sans aucune mesure nouvelle. En effet, le Gouvernement annonce des baisses d’impôts pour les classes moyennes dans l’avenir, monsieur le ministre, mais je n’en trouve aucune trace dans le programme de stabilité.
En conséquence, la prévision de recettes paraît extrêmement fragile.
Ce qui est plus sûr, c’est la prévision d’évolution des dépenses, à savoir une augmentation d’environ 30 milliards d’euros en 2027 par rapport à la cible définie à la fin de 2022 dans le cadre du projet de loi de programmation.
Sur cette hausse, je mentionnerai deux points d’alerte majeurs : le premier, c’est qu’environ 12 milliards d’euros correspondent à l’augmentation de la charge des intérêts de la dette, qui constituerait le premier poste du budget de l’État ; le second, c’est que le reste – entre 17 et 18 milliards d’euros – correspond à une hausse des dépenses ordinaires, c’est-à-dire hors mesures de crise.
Autrement dit, par rapport au projet de loi de programmation des finances publiques, il est prévu que les dépenses ordinaires augmentent, tant en valeur qu’en volume.
En effet, alors que la LPFP, mise à jour après le vote de la loi de finances pour 2023, prévoyait une hausse des dépenses ordinaires de 0,7 % par an en moyenne, celle-ci s’établit désormais à 0,9 % par an.
À quoi seront consacrés ces crédits supplémentaires sur les dépenses ordinaires ? Le programme de stabilité ne le précise pas, et on se demande bien où se trouvent les 5 % d’économies demandées par la Première ministre aux différents ministères.
Surtout, j’observe que, si la loi de programmation des finances publiques avait été adoptée au mois de décembre, les objectifs en matière de dépenses seraient déjà obsolètes – le temps passe vite…
En outre, je vous ai entendu, monsieur le ministre, ainsi que le ministre de l’économie, dire que vous aviez entendu les collectivités locales et que le programme de stabilité prévoyait désormais un effort plus important de la part de l’État, comparativement à celui des collectivités territoriales.
Or, malgré mes recherches, rien ne permet de le constater dans ce programme de stabilité, qui ne comporte aucun développement, aucun tableau, aucune donnée permettant d’apprécier la trajectoire de dépenses des différentes catégories d’administrations au cours de la période 2023-2027. Nous sommes donc dans l’incantation et dans les paroles.
Je demeure cohérent – cela ne vous surprendra pas – avec la ligne que nous avons défendue lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques : la trajectoire de dépenses qui était proposée n’était ni assez ambitieuse ni documentée.
Je note d’ailleurs que je ne suis pas le seul à douter de la capacité du Gouvernement à mener les réformes structurelles nécessaires à la France : la baisse de notre notation par l’agence Fitch en constitue, me semble-t-il, une preuve supplémentaire.
J’en viens enfin à la question du déficit et de l’endettement public.
J’observe que le programme de stabilité prévoit une amélioration du déficit public d’environ 4 milliards d’euros en 2027 par rapport à la trajectoire inscrite dans le projet de loi de programmation des finances publiques, soit environ 0,2 point de PIB. Le déficit s’établirait désormais à 2,7 % et non plus à 2,9 % du PIB.
Toutefois, ces bons résultats comptables reposent sur l’hypothèse d’une progression plus rapide des recettes que ne le serait celle des dépenses et, donc, sur un scénario macroéconomique qui nous paraît tout à fait contestable.
En conséquence, si le scénario d’une augmentation des dépenses a de sérieuses chances de se concrétiser, celui d’une hausse des recettes, avec l’ampleur prévue par le PStab, reste très incertain.
En conclusion, ce programme de stabilité repose sur un scénario macroéconomique trop optimiste et fragile.
S’agissant des finances publiques, il prévoit à la fois une trajectoire de recettes fondée sur une révision du déflateur qui ne fait pas consensus, et une accélération des dépenses plus importante que celle qui est prévue dans le projet de loi de programmation des finances publiques. En définitive, l’amélioration du déficit et de l’endettement paraît à la fois très limitée et très incertaine.
Dans ces conditions, le programme de stabilité ne nous semble pas à la hauteur de nos engagements européens. Il affaiblit la France auprès de ses partenaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi organique relative aux lois de finances impose au Gouvernement de transmettre le programme de stabilité et le programme national de réforme au plus tard quinze jours avant leur présentation à la Commission européenne, afin que ces documents puissent donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. Je regrette que, comme chaque année, le Gouvernement ne respecte pas le calendrier fixé et que, cette année, nous ne disposions même pas du programme national de réforme et du rapport d’orientation des finances publiques qui auraient dû nourrir nos échanges.
Cela étant rappelé, notre débat s’inscrit dans un contexte particulier, puisque, comme chacun le sait, la dernière loi de programmation des finances publiques n’a pas été adoptée. M. le ministre délégué nous a indiqué hier que l’Assemblée nationale l’examinerait de nouveau au mois de juillet prochain. Cet exercice est aussi renouvelé, puisqu’il rompt avec la période de la crise sanitaire caractérisée, d’une part, par un très fort niveau d’incertitude en matière de prévision macroéconomique, d’autre part, par la suspension des règles du pacte de stabilité et de croissance.
Désormais, même si la crise énergétique et les risques financiers restent importants, l’exercice de prévision macroéconomique devrait devenir un peu plus fiable. Ensuite – surtout ? –, des règles budgétaires européennes, nous l’espérons réformées, trouveront de nouveau à s’appliquer à compter de 2024.
Le programme de stabilité pour les années 2023 à 2027 réitère la prévision de croissance du PIB en volume figurant dans le projet de loi de programmation. À l’époque et comme actuellement, le Haut Conseil des finances publiques, la Commission européenne et les conjoncturistes ont jugé le scénario trop optimiste. J’observe que le Haut Conseil renouvelle son message de prudence, en particulier en ce qui concerne l’estimation de la croissance potentielle, et indique notamment que l’augmentation de l’emploi total paraît surestimée. De son côté, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que l’année 2023 devrait malheureusement être l’année du retournement du marché du travail.
Lors de l’examen du projet de loi de programmation, une bataille s’est engagée entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale concernant la trajectoire à suivre en dépenses. Je note que le Gouvernement manque de transparence en ne permettant pas de distinguer ce qui, dans sa trajectoire, relève, d’un côté, de la fin des mesures de soutien temporaires, de l’autre, des dépenses courantes. Il y a sans doute là un point à traiter pour rendre nos débats budgétaires plus lisibles.
La trajectoire de dépenses du programme de stabilité, corrigée de l’inflation, reste, dans les grandes lignes, comparable à celle qui a été proposée lors du projet de loi de programmation. Elle implique donc de réaliser d’importantes économies par rapport à la croissance tendancielle, qui ne sont pas davantage documentées aujourd’hui qu’hier. Vous attendez, je crois – c’est en tout cas ce que l’on a lu dans la presse –, monsieur le ministre, que les ministères vous indiquent comment ils pourraient réaliser environ 5 % d’économies…
On sait néanmoins déjà sur quoi le Gouvernement a fait porter les efforts : les dépenses sociales, avec une volonté plus budgétaire qu’autre chose d’attaquer le système de retraite, n’y revenons pas ici, le système d’indemnisation du chômage et, demain, comme cela a été annoncé, les minima sociaux.
Au-delà, on sent le Gouvernement prêt à courir un peu tous les lièvres à la fois pour mettre en scène une recherche d’économies.
Récemment, monsieur le ministre, vous avez lancé une initiative, que vous avez rappelée au début de ce débat, pour savoir si l’on en avait pour son argent quand on payait ses impôts. Comme si, au consentement à l’impôt, à la citoyenneté, à la participation à un modèle social patiemment construit pouvait se substituer pour chaque individu la formule thatchérienne bien connue : I want my money back…
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Magnifique pour un prof d’anglais, non ? (Sourires.)
Vous avez fait savoir qu’un accouchement coûtait 2 600 euros à la communauté nationale, mais combien rapporte à la Nation une vie mise au monde par l’hôpital public ? Il faudrait nous le dire.
Ferez-vous preuve de la même transparence en ce qui concerne les aides publiques versées aux entreprises, ainsi que leur rapport au collectif ?
Le programme de stabilité reste, sur ce point, dans la droite ligne de la politique gouvernementale : il n’y aura pas de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires d’ici à 2027 ; s’il y en a, ce seront des baisses d’impôts. Vous avez récemment promis de baisser les impôts des classes moyennes, sans préciser, là non plus, quelles étaient vos intentions. Je ne suis pas sûr qu’une telle annonce rassure nos partenaires, non plus que nos prêteurs.
Finalement, j’observe que ce programme de stabilité répond au schéma habituel : un scénario macroéconomique optimiste et des objectifs de baisse des dépenses très élevés. Vous le savez, monsieur le ministre, je ne partage pas ces orientations, mais, à ce stade, je me rassure : elles ne sont pas véritablement crédibles. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales ne sera pas plus indulgente que la commission des finances. Je le regrette, monsieur le ministre, mais c’est ainsi. Vos hypothèses macroéconomiques sont optimistes, comme cela a été dit.
Je ne reviendrai pas longuement sur le regard que porte le Haut Conseil des finances publiques sur ces hypothèses. J’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen d’autres textes financiers. Le Haut Conseil considère que la prévision de croissance effective est élevée – 1,7 % en moyenne pour la période 2025-2027 –, notamment pour ce qui concerne la hausse prévue de la consommation.
Le Haut Conseil doute également des hypothèses retenues en matière de croissance potentielle, qui supposent des « gains de productivité sensiblement plus élevés que ce que laissent attendre les tendances récentes et une augmentation de l’emploi total […] qui paraît surestimée ».
Au-delà de l’avis du Haut Conseil des finances publiques, monsieur le ministre, comment ne pas retenir l’avertissement que constitue la récente dégradation de la note de la dette française, de AA à AA–, par Fitch, l’une des principales agences mondiales de notation ? La chronique de Bertille Bayart, parue ce matin dans Le Figaro, est intitulée « Tout le monde se fiche de Fitch ». C’est un peu votre idée, puisque vous vantez la notation de l’agence Moody’s, qui vous semble plus correcte au regard de l’appréciation qui pourrait être portée sur les comptes publics. Vous pourriez d’ailleurs nous préciser si vous anticipez les conséquences de cette évolution pour les conditions de financement des administrations publiques.
C’est en tout cas sur le fondement de ces incertitudes qu’il convient de lire les prévisions du Gouvernement relatives aux administrations de sécurité sociale (Asso) qui figurent dans le programme de stabilité.
En termes de solde, il est prévu que les Asso consolident leur contribution positive au solde public au cours des années à venir : après un retour dans le vert en 2022 – +0,3 point de PIB –, le solde consolidé des administrations de sécurité sociale s’établirait à +0,7 point de PIB dès 2023 et oscillerait ensuite entre +0,6 point de PIB en 2024 et +0,9 point de PIB en 2027.
Il est important de rappeler qu’il s’agit d’un solde « toutes administrations de sécurité sociale », plus large que le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale.
Ce solde positif est d’ailleurs largement tiré par des organismes en dehors de ce périmètre : d’abord, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), puisque l’amortissement de la dette sociale est enregistré comme un « bénéfice » des Asso, ce qui est assez paradoxal ; ensuite, l’assurance chômage, sous l’effet de la diminution du nombre de demandeurs d’emploi dont l’ampleur devra tout de même être vérifiée, mais dont on se réjouit ; enfin, les organismes complémentaires de retraite, notamment l’Agirc-Arrco.
À l’inverse, même après la réforme des retraites, les régimes obligatoires de base de sécurité sociale devraient, eux, rester en déficit au cours de l’ensemble de la période couverte par ce programme de stabilité. Ainsi, l’annexe du récent collectif social prévoit une dégradation des comptes dans les années à venir, avec un déficit consolidé qui passerait de 8,2 milliards d’euros en 2023 à un peu plus de 13 milliards d’euros en 2025 et 2026.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment gérer cette nouvelle accumulation de déficits, alors même que le plafond de transferts à la Cades a été atteint ? Envisagez-vous de demander au Parlement de nouvelles autorisations de transferts à la Cades à court ou à moyen terme ?
S’agissant de l’évolution des dépenses publiques, je relève que le Gouvernement prévoit un fort dynamisme des dépenses de la sécurité sociale en 2023 et en 2024, malgré l’extinction progressive des dépenses exceptionnelles liées à la crise épidémique de covid-19, ainsi que vous l’avez précisé, monsieur le ministre. Cette extinction devrait toutefois être plus que compensée par la progression des prestations sociales liées à l’inflation, en particulier les pensions de retraite et les prestations familiales.
Je conclus en soulignant que les réformes structurelles sur lesquelles s’appuie le Gouvernement pour amorcer une trajectoire de désendettement concernent, pour l’instant, uniquement la sphère sociale, qu’il s’agisse de la réforme de l’assurance chômage ou de la réforme des retraites. Je souligne également, monsieur le ministre, la part que le Sénat, en particulier sa commission des affaires sociales, a prise dans l’examen de ces deux réformes.
Nous avons, à chaque fois, su prendre nos responsabilités et faire preuve de cohérence avec nos positions passées.
Qu’en sera-t-il des mesures à venir qui permettront de « tenir » les dépenses publiques au niveau fixé par ce programme de stabilité ? Pourront-elles concerner de nouveau les administrations de sécurité sociale, alors même que les besoins en matière de santé et d’autonomie sont grandissants ? Ce document est assez lacunaire sur ce point essentiel.
Monsieur le ministre, j’espère que vous pourrez nous apporter davantage de précisions à l’occasion de ce débat. Laisser creuser la dette est une pure inconscience : c’est une perte de liberté. (M. le ministre délégué approuve. – Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’heure fatidique a sonné. L’agence de notation Fitch a dégradé la note de la dette française à double A moins (AA–). Les agences de notation visent à transcrire la confiance que devraient avoir les marchés financiers, soucieux d’acquérir des obligations souveraines émises par la direction générale du Trésor ou acquises sur le marché secondaire.
En tant que parlementaire, j’ai à m’exprimer sur la confiance que je place dans le programme de stabilité que vous transmettrez à la Commission européenne. Monsieur le ministre, je crois que je vous mettrais une note bien plus faible que AA–, c’est-à-dire une note encore plus basse que l’agence de notation Fitch. (M. le ministre délégué sourit.)
Comme les agences de notation, je constate que, malgré un contexte macroéconomique favorable pendant la période antérieure à la pandémie, aucune avancée majeure n’est à noter pour les services publics ; pourtant, vous l’aviez répété. C’est même le contraire ! Que constate-t-on ? « Des déficits budgétaires importants » et « des progrès modestes » sur leur réduction.
Comme les agences de notation, je critique vos prévisions de croissances optimistes, qui fondent la perspective de réduction des déficits à 2,7 % en 2027.
Les charges d’intérêt de la dette ont augmenté l’année dernière de 15,2 milliards d’euros, soit plus que l’économie escomptée par la réforme des retraites. Mes chers collègues, cette augmentation, c’est un acharnement à faire plaisir aux marchés financiers, et ce « quoi qu’il en coûte ». De fait, l’augmentation est « presque entièrement due à une augmentation temporaire des paiements d’intérêts sur les obligations indexées sur l’inflation » françaises et européennes. Cette même indexation qui, créée en 1998, permet aux marchés financiers d’assurer leur mise. Quelle hérésie de chercher à satisfaire à ce point les marchés financiers, les mêmes qui, aujourd’hui, vous signifient leur méfiance !
Monsieur le ministre, vous avez décidé de faire payer l’inflation deux fois aux Français : au travers de leur consommation et en leur demandant de s’acquitter des intérêts de la dette indus. Une nouvelle fois, vous faites peser le poids de vos erreurs aux mêmes boucs émissaires, les collectivités étant les principales mises à contribution. En malmenant les collectivités territoriales, c’est la société tout entière que vous malmenez. Combien de territoires se retrouvent déjà en pénurie d’eau ? La désertification médicale produit colère, désarroi et parfois violence.
M. Pascal Savoldelli. La hausse des prix, à commencer par ceux de l’énergie, est une violence faite à la dignité. D’autres sujets, tels que l’éducation, la sécurité, le logement, l’emploi, les transports, sont également les premiers tributaires de ce que vous n’osez nommer une « cure d’austérité ».
Vous avez la politique économique hasardeuse et catastrophique, car vous n’en menez pas, si ce n’est au prix de déficits injustifiés et d’une dette publique qui se creuse. Est-ce aux contribuables modestes de payer les 32 milliards d’euros du bouclier tarifaire ? N’y avait-il pas d’autres recettes que les seules rentes inframarginales ? Vous ne protégez pas les Français, comme vous ne protégez pas les finances publiques ! Vous leur demandez de payer plus tard une inflation que vous refusez de combattre !
Votre gouvernement affirme qu’« un ralentissement de l’inflation alimentaire et des produits manufacturés s’observerait ensuite au second semestre sous l’effet des baisses passées des prix des matières premières agricoles comme industrielles ». Monsieur le ministre, je suis au regret de vous rappeler une constante de l’économie qui n’a pu vous échapper : les prix ne baissent jamais, ils augmentent simplement moins vite, chaque pourcentage d’augmentation étant irrémédiable. Une fois ce mensonge mis au jour, comment pourrions-nous alors vous faire confiance ?
Nous n’avons eu de cesse de vous alerter, en vain, de la baisse des recettes de la Nation. Et voilà qu’un porte-parole de vos amis les marchés financiers s’inquiète à son tour de votre politique du « moins d’impôts ». Excusez-moi, monsieur le ministre, mais vous ne pourrez pas dire que nous ne vous aurons pas prévenu.
Je confirme que votre réforme des retraites n’a pas même rassuré les marchés financiers. Contrairement à Emmanuel Macron qui invoquait, dans la panique, « les risques financiers et économiques trop grands » pour justifier le recours à cette arme lourde antiparlementaire qu’est l’article 44, alinéa 3, de la Constitution au Sénat, les marchés sont inquiets : inquiets d’abord, parce qu’ils ont bien compris qu’il n’y aurait pas 17,7 milliards d’euros d’économies d’ici à 2030, mais qu’il y aurait bien moins que ces 0,6 % de PIB, peut-être 8 milliards d’euros ; inquiets surtout au regard de « l’agitation sociale », qui, je vous l’affirme, ne s’arrêtera que lorsque vous cesserez de mettre en sourdine les millions de Françaises et Français qui se mobilisent depuis maintenant plus de treize semaines dans notre pays.
L’agence de notation Fitch estime notamment que « les pressions sociales et politiques illustrées par les manifestations contre la réforme des retraites compliqueront l’assainissement budgétaire ». Monsieur le ministre, plus personne ne vous fait crédit quand vous affirmez pouvoir « faire passer des réformes structurantes pour le pays ». Plus personne ne vous fait crédit quand vous donnez des chiffres sur les effets macroéconomiques de la réforme des retraites. Il est vrai que les marchés financiers sont ingrats avec vous : ils vous sanctionnent alors que vous les servez !
Je vous le dis très sincèrement : il va falloir trouver un cap, qui n’est pas celui de l’austérité, et une boussole. Cela passe par la reconnaissance de la légitimité sociale et parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son programme de stabilité, le Gouvernement affiche un objectif de réduction du déficit public ramené à 2,7 % du PIB d’ici quatre ans et un ratio d’endettement public à 108,3 %.
Monsieur le ministre, sans ambiguïté, le groupe Union Centriste partage votre objectif de réduction du déficit et de diminution de notre dette.
Avec moins de 40 milliards d’euros en 2021, plus de 50 milliards d’euros en 2022 et 70 milliards d’euros à horizon de 2027, la facture annuelle de remboursement de notre dette s’envole et nous en connaissons les raisons. Dans ce contexte, la poursuite de la dégradation de nos comptes publics ne peut pas être une option.
Pour nous, la trajectoire, le calendrier et les solutions pour redresser nos comptes publics doivent prendre en compte plusieurs impératifs.
Premier impératif, aujourd’hui, 20 % des dépenses de l’État sont gagées par une loi de programmation qui prévoit la montée en puissance des crédits budgétaires de plusieurs ministères.
Deuxième impératif, le redressement des comptes publics ne peut en aucun cas se faire au détriment des services publics essentiels, dont l’État doit garantir tant la qualité que l’égal accès pour tous nos concitoyens. Je pense notamment à la santé, à l’éducation ou encore à la justice qui appellent d’importants moyens.
Troisième impératif, le redressement des comptes publics ne peut se faire au détriment des investissements qui sont absolument nécessaires pour réussir le pari de la transition écologique et technologique comme celui de la souveraineté de la France et de l’Europe dans les secteurs stratégiques.
Quatrième impératif, la trajectoire budgétaire doit aussi intégrer les besoins des collectivités territoriales dont l’action est fondamentale pour garantir les équilibres socioéconomiques du pays.
Permettez-moi d’ajouter qu’il ne peut pas se faire, non plus, au détriment de l’avenir du monde rural, qui nécessite la mise en œuvre d’une politique d’aménagement du territoire volontariste.
Il s’agit donc bien de réussir à concilier l’objectif de redressement des comptes avec ces impératifs de dépenses.
Le groupe Union Centriste considère que cette équation ne peut pas reposer uniquement sur la réduction de la dépense publique. Le levier des recettes doit aussi être actionné. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Très bien !
M. Bernard Delcros. C’est d’ailleurs pour cela que nous avions proposé une contribution exceptionnelle des très grandes entreprises ayant réalisé des profits exceptionnels, pour financer les mesures liées à la crise.
C’est aussi pour cela que nous approuvons sans réserve votre « plan de lutte contre toutes les fraudes », qui, bien mené, pourrait dégager plusieurs milliards d’euros de recettes supplémentaires !
De même, un travail de fond en direction des niches fiscales doit être engagé rapidement. Celles-ci représentent aujourd’hui près de 90 milliards d’euros, plus du quart des recettes de l’État. Le groupe Union Centriste formulera des propositions en ce sens.
D’autres pistes de recettes supplémentaires pourraient également être envisagées.
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, nous considérons qu’une coupe systématique de 5 % dans les budgets de tous les ministères de manière uniforme ne peut pas être la solution. Cela ne permettrait pas de répondre aux besoins du pays.
Aussi devons-nous trouver un équilibre entre maîtrise des dépenses publiques – c’est nécessaire –, optimisation des rentrées fiscales – il le faut – et politique de l’État au rendez-vous des enjeux et des besoins du pays.
Tel est pour le groupe Union Centriste le défi que doivent relever les textes financiers à venir. Il y apportera sa contribution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour de participer à cette causerie. (Sourires.)
Depuis la semaine dernière, le Gouvernement a déjà rendu public le nouveau programme de stabilité pour la période 2023-2027. Le Haut Conseil des finances publiques a émis sur son contenu des remarques que je partage. Ce soir, le Sénat va, dans la sérénité et le respect qui le caractérisent, causer. (Nouveaux sourires.)
Que ce soit en matière d’inflation ou de taux de croissance, le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement est empreint d’un optimisme qui n’est partagé ni par les prévisions de l’OCDE, ni par celles de Rexecode (Centre de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises), ni par celles de la Commission européenne. Quant à l’agence de notation Fitch, elle n’est pas convaincue, puisqu’elle a déjà réagi en abaissant la note de la France.
Le Gouvernement table sur un taux d’inflation de 2 % en 2025 et un taux de croissance annuel de l’activité de 1,7 % en 2025 et 2026, et de 1,8 % en 2027. Le Haut Conseil des finances publiques opte, comme le Fonds monétaire international (FMI), plutôt pour un taux annuel de 1,4 % entre 2023 et 2027 ; Consensus forecast mise quant à lui sur 1,2 %.
La hausse de la consommation de 1,9 % envisagée me semble compromise par la forte inflation qui risque de s’inscrire dans la durée.
Le programme de stabilité prévoit pour la période 2023-2027 une baisse de la part de la dépense publique dans le PIB, comptant sur l’extinction du « quoi qu’il en coûte » et du plan de relance et sur les 8 milliards d’euros d’économies escomptés de la réforme des retraites. Je crois que, là aussi, il y a un peu d’optimisme…
En outre, les annonces du Gouvernement font état du retour au plein emploi en 2027, mais le programme de stabilité indique un taux de chômage de 4,5 % à la même date. Je me demande quel chiffre il faut retenir.
À l’occasion de ce débat, je regrette que le programme de stabilité ne soit, ni plus ni moins, que la poursuite de la politique du rabot, sans réelle volonté de réforme des administrations centrales. Ces dernières continuent à doublonner dans tous les domaines avec les collectivités territoriales. Malgré la décentralisation, il y a toujours autant de ministères. Dans nos territoires, les services déconcentrés de l’État sont cruellement privés de moyens, tandis que les effectifs des administrations centrales sont soigneusement préservés.
C’est ma conviction profonde : une nouvelle phase de la décentralisation devrait être engagée au plus vite pour que l’État se consacre pleinement à ses missions régaliennes. En effet, à force de vouloir tout faire, il risque de tout faire mal.
Je crains que les économies ne portent essentiellement, comme cela était annoncé par feu la loi de programmation, pour un montant de 52 milliards d’euros, sur les collectivités territoriales et la sécurité sociale, mais pas ou peu sur les administrations de l’État.
Un chiffre nourrit mes craintes, relevé au détour d’un tableau : l’excédent prévisionnel de 0,5 % pour les collectivités locales, chiffre jamais atteint et, selon moi, inatteignable, sauf sous la contrainte d’un nouveau pacte de Cahors.
La prévision de l’évolution de la charge de la dette est frappante. Actuellement autour de 40 milliards d’euros, celle-ci passerait à 49 milliards d’euros en 2024 et atteindrait 71 milliards d’euros en 2027, devenant ainsi le premier poste de dépense de l’État !
La réduction de notre dette est plus que jamais une impérieuse nécessité.
En parallèle du programme de stabilité, deux autres points m’inquiètent. Alors que nous avons connu ces derniers mois les prémices d’une crise financière mondiale, pas un mot n’évoque ce scénario dans le programme de stabilité. J’entends aussi les déclarations de l’exécutif exprimant sa volonté de baisser les prélèvements – suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), baisse des impôts pour les classes moyennes… –, de faire adopter une loi de programmation militaire de 413 milliards d’euros, de revaloriser les salaires des enseignants, d’engager un plan d’urgence pour la justice et pour l’industrie verte. Où se situent donc les économies ?
En conclusion, ce programme de stabilité pourrait être fort inquiétant, mais chacun sait ici qu’il finira comme les autres documents de ce type, c’est-à-dire au fond d’un tiroir bien fermé, et qu’il sera vite oublié. Soyons donc rassurés ! (Exclamations amusées. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Bravo !
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des comptes publics, ou plutôt des comptes publics chargés (Sourires.), mes chers collègues, en introduction, je reprendrai avec évidemment beaucoup moins de brio, mais tout aussi sérieusement, la remarque liminaire du président de la commission des finances. Qu’est-ce que c’est que ce gouvernement qui commence par ne pas respecter la loi organique relative aux lois de finances nouvellement votée ?
Monsieur le ministre, je vous l’ai déjà dit hier lors de votre audition par la commission des finances sur les reports de crédits, je vous le redis ici, aujourd’hui : vous n’avez pas respecté la dernière loi voulue par votre majorité, sur laquelle nous nous sommes accordés, pour que ce pacte de stabilité nous soit bien adressé quinze jours avant qu’il ne soit transmis à Bruxelles, et ce afin que nous puissions en discuter. Là, vous transmettez à Bruxelles et vous venez ensuite, comme l’a très justement fait remarquer, lui aussi avec beaucoup de brio, mon collègue Christian Bilhac, à une « causerie ».
Ce n’est pourtant pas le sujet ! Le sujet, c’est bien la trajectoire des finances publiques, donc les impôts des Français et leur utilisation. C’est d’ailleurs le rôle même – et majeur – du Parlement que d’en discuter.
Monsieur le ministre, vous avez même le toupet d’insérer dans ce programme de stabilité un chapitre relatif à la gouvernance, précisant que tous les organismes de gouvernance sont bien là, oubliant par là même l’absence de vote sur le programme pluriannuel des finances publiques – cette loi n’a en effet pas été votée –, oubliant par là même aussi de respecter la loi organique relative aux lois de finances qui constitue le socle de cette bonne gouvernance. Ce n’est pas très bien.
Pour ce qui relève de la macroéconomie, monsieur le ministre, le rapporteur général de la commission des finances a été disert et a souligné à quel point vous ne reteniez que les hypothèses optimistes. Loin de fixer une trajectoire moyenne normale, vous êtes « au top » sur tout : optimiste sur la croissance, très optimiste sur l’inflation – le Haut Conseil des finances publiques le dit et le répète –, très optimiste aussi sur les taux d’intérêt.
En fin de compte, tout va bien. Comme tout va bien, à la fin, par miracle, par magie, nous réussissons à passer en dessous des 3 %, parce que c’est la volonté qui préside actuellement à la discussion qui a lieu à Bruxelles sur la révision du parc de stabilité et de ses règles. En d’autres termes, on y arrive, parce que nous savons bien que la précédente loi de programmation des finances publiques ne permettait pas d’être dans les clous. C’était d’ailleurs déjà un peu de la magie.
Et comme la magie ne vient jamais seule, voilà le miracle : nous sommes en dessous des 3 %, parce que les collectivités territoriales dégageront un excédent de 0,5 %, ce qui est une première historique.
À la fin, toute l’amélioration de notre trajectoire de croissance repose sur nos finances locales, qui s’améliorent de 0,5 % du PIB, après 0,3 % l’an dernier. Si nous étions, comme d’habitude, à plus ou moins 0,1 % du PIB, nous n’atteindrions pas les 3 %. C’est là qu’il y a peut-être mystification… Vous dites que le Gouvernement fera un effort supplémentaire ; mais, monsieur le ministre, on part de plus haut ! Il y a 40 milliards d’euros de plus depuis la dernière loi de programmation des finances publiques – que nous n’avons pas votée, je le rappelle. Évidemment, c’est plus facile…
Puis, comment comptez-vous les recettes ponctuelles, les one-off ? Ce sont elles qui nous ont permis de passer au travers des mailles du filet à Bruxelles. Nous les avons beaucoup utilisées, mais ce sont des fusils à un coup. On ne voit plus bien comment nous allons faire des économies structurelles – d’ailleurs, le solde structurel ne s’améliore pas.
Il y a une bonne technique budgétaire, qui consiste à expliquer dans son programme que, s’il faut encore s’attendre à une dégradation dans l’année à venir, il y aura ensuite un rétablissement vigoureux. Mais nous ne sommes pas dupes : quand la situation se dégrade, elle se dégrade.
J’en viens enfin à la dette, qui est au cœur du sujet. Nous émettons aujourd’hui 135 milliards d’euros de dette en plus sur les marchés. C’est énorme, d’autant que la BCE a arrêté sa politique de quantitative easing (QE) et n’achète plus nos titres. Et vous avez aussi soutenu le plan REPowerEU, ce qui nous charge de 550 milliards d’euros de dette supplémentaire.
Tout cela pose un problème de soutenabilité : à ce niveau d’endettement, la dette nous coûtera de plus en plus cher. Comme disait Oscar Wilde, « On ne meurt pas de ses dettes, on meurt de ne plus pouvoir en faire. » Et Pierre Mendès France de souligner : « Un pays qui s’abandonne à la dette est un pays qui s’abandonne. » Pour ma part, je ne veux pas, comme le disait un bon auteur qui nous manque, que notre dette soit « dilatée comme jamais » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, l’agence américaine Fitch a dégradé la note de la France. Cette annonce a fait grand bruit. Pourtant, elle ne fait que sanctionner une réalité qui ne date pas d’hier et que personne n’ignore : nos comptes publics sont dégradés.
Ce qu’il y a de plus rageant avec cette décision, c’est que notre pays est sanctionné pour avoir mené à bien une réforme courageuse. En mettant en lumière « l’impasse politique et les mouvements parfois violents », Fitch se fait paradoxalement l’écho des opposants à la réforme. C’est mal payer les efforts demandés à nos compatriotes pour contribuer au rétablissement de nos comptes publics.
Le Gouvernement a rappelé sa détermination totale à rétablir les comptes publics dans les quatre années qui viennent, avec deux objectifs : repasser sous la barre des 3 % de déficit en 2027 et réduire le taux d’endettement. Notre groupe soutient ce cap.
Et c’est bien celui-ci que le programme de stabilité nous assigne, s’inscrivant dans le prolongement des choix démocratiques validés à plusieurs reprises dans les urnes. Il s’agit là d’arbitrages stratégiques, qui doivent renouer avec une action publique s’inscrivant dans le temps long.
Ce temps long, c’est celui de l’industrie, qui est l’un de nos meilleurs remèdes contre la dégradation chronique de nos comptes publics.
Réindustrialiser la France, c’est faire des territoires des tremplins de la relance économique dans une approche plus circulaire et plus verte, et accroître nos emplois.
Réindustrialiser, c’est aussi augmenter mécaniquement nos dépenses de recherche et développement pour nous rapprocher enfin de l’objectif de Lisbonne et trouver des solutions aux problèmes du siècle, au premier rang desquels figure la transition écologique.
Réindustrialiser, c’est enfin faire monter nos compatriotes en compétences pour gagner des marchés à l’export et réduire ainsi notre déficit commercial, qui bat son propre record chaque année.
C’est pourquoi il faut poursuivre la baisse de la fiscalité sur notre appareil productif. La suppression de la CVAE va dans ce sens ; elle doit être maintenue.
Il s’agit de privilégier un pilotage dynamique des dépenses et des recettes. La gestion des finances publiques est un art paradoxal et souvent contre-intuitif : baisser les impôts peut augmenter les recettes ; augmenter les dépenses peut réduire le déficit si celles-ci sont effectivement génératrices de croissance à long terme. Tout est question de mesure et de choix stratégiques.
C’est pourquoi le soutien massif et indifférencié à tous acteurs de tous secteurs n’est plus possible. Avec la remontée des taux, le « quoi qu’il en coûte » n’est plus d’actualité. Vous avez, monsieur le ministre, souhaité passer au « combien ça coûte ? » Je continue, pour ma part, de plaider pour le « mieux qu’il en coûte. »
Le « quoi qu’il en coûte » était nécessaire pour préserver notre tissu d’entreprises et soutenir les ménages pendant la pandémie. Le « combien ça coûte » impose de veiller à la bonne utilisation des deniers publics. C’est une saine exigence au regard du gonflement de notre dette, provoqué par la hausse des dépenses publiques pendant la crise sanitaire.
Le « mieux qu’il en coûte », c’est optimiser le rendement de chaque euro public dépensé. Cette exigence de sobriété est elle aussi impérative. À moyens constants, nous pouvons faire mieux. Et puisque nous le pouvons, nous le devons. Il s’agit de redonner confiance aux Français en la puissance publique et de préserver leur consentement à l’impôt.
Cela passera d’abord par un audit précis et détaillé de toutes les dépenses, avec des pistes de réduction, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Le Gouvernement a engagé des actions pour renforcer la confiance des Français dans la bonne utilisation de leurs impôts.
Cette confiance est indispensable pour poursuivre le travail de réforme envisagé. Beaucoup de chantiers restent à conduire pour éviter le décrochage productif de notre pays, alors que les géants américain et chinois sont plus que jamais à l’offensive.
Nous attendons beaucoup, à cet égard, du projet de loi sur l’industrie verte. L’ambition réformatrice doit rester intacte pour consolider la confiance. Nous l’avons dit cet après-midi aux ministres MM. Le Maire et Lescure.
La dégradation de la note française est postérieure à la publication du programme de stabilité. Atteindre les objectifs proposés ne garantit pas du tout une amélioration de notre note ; mais ne pas les atteindre risquerait à coup sûr d’entraîner une nouvelle dégradation.
Notre chemin est exigeant et ne laisse place à aucune solution de facilité, qui ne trompent ni les Français ni les marchés – l’exemple du Gouvernement Truss, au Royaume-Uni, nous l’a récemment rappelé.
Le rétablissement de nos finances publiques par la réduction du déficit et le désendettement est la seule voie de notre souveraineté. Pour nous, cette voie passe par l’efficacité de la dépense publique et la réindustrialisation de nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)
M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, vous nous transmettez, avec retard, un tableau impressionniste nommé « Programme de stabilité 2023-2027 », que j’aurais pour ma part intitulé « Baisse des déficits à l’horizon et au soleil levant », car tout y est en touches subtiles, en imprécisions choisies, en lumières orientées…
Vos prévisions de croissance sont estimées comme optimistes. Vos prévisions d’inflation sont sans doute sous-estimées. Et vous annoncez 5 % de baisse des dépenses de l’État, sans dire où et comment vous comptez faire. Je m’interroge donc : où allez-vous taper ? Sur la santé ? Vous avez dit que non. Sur le budget des armées ? Il y a une loi de programmation. Idem pour celui de la sécurité. Sur le soutien aux collectivités territoriales ? Il faut dire où vous comptez faire ces économies, monsieur le ministre !
Vous poursuivez par ailleurs une politique de désarmement fiscal de l’État par la baisse des impôts, même pour les plus aisés d’entre nous, ce qui nous prive de recettes nouvelles et indispensables.
Vous n’entendez pas l’urgence écologique à sa hauteur ni la dureté de la vie quotidienne des Français, touchés par une inflation alimentaire qui a atteint 14,5 % entre février 2022 et février 2023 selon l’Insee.
En définitive, votre proposition est un pacte d’instabilité et un risque d’austérité.
Je ne dirai pas que je suis contre la maîtrise des dépenses publiques. Je sais aussi qu’il n’y a pas d’argent magique et que nous devons être vigilants sur notre dette publique, dont le coût est de plus en plus lourd. Cependant, je vous le dis : la dette climatique coûtera plus cher que la dette publique.
Arrêtez les baisses d’impôts consenties aux entreprises du CAC 40 sans contrepartie sociale ou climatique ! En 2022, les bénéfices atteignent des sommets : 19 milliards d’euros pour TotalEnergies, 11 milliards d’euros pour LVMH, 23,5 milliards d’euros pour CMA-CGM, 10 milliards d’euros pour BNP Paribas. Les dividendes sont exponentiels, avec un total de 80 milliards d’euros distribués au printemps 2022.
Taxez les dividendes et les très hauts revenus, monsieur le ministre ! Je connais votre réponse : nous avons déjà les prélèvements parmi les plus élevés et cette stratégie est au service de l’emploi en France. Mais je vous le dis : votre stratégie est d’abord au service des plus riches. Le ruissellement n’existe pas dans la vraie vie des ménages. Trouvez-vous normal, monsieur le ministre, que certains accumulent des records de dividendes et de recettes quand d’autres peinent à se nourrir ?
La réforme des retraites devrait dégager 8 milliards d’euros d’économie d’ici à 2027. C’est à peu près la même somme que celle consacrée en 2022 à la ristourne essence. Pensez-vous que cela valait vraiment le coup ? Votre réforme des retraites, si dure socialement, n’est pas même efficace d’un point de vue économique. Et vous avez mis le pays à l’arrêt pour cela ! Était-ce vraiment nécessaire ?
Avec la réforme de l’assurance chômage, puis la réforme des retraites, les Français ont bien compris que ce sont leurs droits les plus essentiels qui seront compromis pour faire les économies que le Gouvernement poursuit. Vous allez d’ailleurs ajouter du travail obligatoire pour les personnes au RSA : tout un programme ! Ces efforts se font toujours sur les mêmes, créant une société où les écarts de richesse et de salaires explosent. Cela n’est pas soutenable pour qui veut une société apaisée.
Sacralisez aussi le budget des collectivités territoriales afin qu’elles puissent investir et devenir les moteurs de la transition écologique ! Et cessez de vouloir les contraindre : leurs budgets sont équilibrés et la baisse de 0,5 point exigée n’est ni plus ni moins qu’une mise sous tutelle déguisée qui n’a pas notre agrément.
Car les collectivités sont la clé de voûte de cette transition. Selon l’Institut de l’économie pour le climat (Insitute for Climate Economics en anglais, I4CE), pour être à la hauteur de la crise écologique, elles ont besoin de disposer chaque année de 6,5 milliards d’euros supplémentaires d’investissement, alors que le fonds vert ne les dotera que de 2 milliards d’euros sur quatre ans, avec un risque d’éparpillement d’aides mal ciblées. Elles ont besoin d’investir, mais elles ont aussi besoin d’ingénierie. Nous ne comprenons donc pas votre volonté de leur rogner les ailes en contraignant leur fonctionnement. Laissez-les vivre !
Le « quoi qu’il en coûte », assumé lors de la pandémie, n’est pas du tout à l’ordre du jour lorsqu’il s’agit de la crise climatique. Pourtant, l’urgence est là et les dérèglements s’accélèrent. Quoi qu’en pensent les agences de notation, l’eau qui manque est plus importante que l’argent qui manque. Comme le dit un proverbe indien : « Lorsqu’ils auront coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors ils comprendront que l’argent ne se mange pas. »
Monsieur le ministre, le logiciel libéral qui contraint les dépenses publiques et épargne les champions du CAC 40 de toute taxation nous mène au chaos social et à l’impuissance climatique.
Les cinq années qui viennent seront déterminantes pour la crise climatique. Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) est sans appel en ce qui concerne les effets de l’accélération du dérèglement climatique sur notre alimentation, sur la biodiversité, sur notre santé et sur les migrations. C’est cela qui doit guider tous nos choix.
Les seules ambitions responsables sont d’éviter la catastrophe climatique, qui menace notre capacité à vivre, et l’explosion sociale, qui découle d’un écart devenu abyssal entre catégories et qui menace notre capacité à vivre ensemble. ((Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « qui veut atteindre la perfection veut marcher sur l’horizon », écrivait Paul Carvel dans Jets d’encre. En effet, l’horizon est la ligne que nous devons garder en mire, sans pour autant négliger les petits pas qui y mènent. Il est fixé par la trajectoire pluriannuelle présentée par le Gouvernement dans ce programme de stabilité 2023-2027, qui suit la ligne de l’an dernier et traduit deux priorités essentielles.
La première reflète la nécessité de soutenir les objectifs de politique économique du Gouvernement, à savoir protéger les Français face à la hausse des prix de l’énergie tout en menant des réformes d’ampleur. Il s’agit de soutenir la croissance, d’atteindre le plein emploi, d’accélérer la transition écologique et numérique, de garantir la souveraineté économique de la France et de réarmer le régalien.
La seconde découle de la nécessité de résorber les déficits et de retrouver une trajectoire de finances publiques normalisée. Ce déficit public doit revenir sous le seuil de 3 % à l’horizon 2027, grâce à un redressement du solde structurel de 1,3 point de PIB par an. Le poids de la dette publique commencerait également à décroître à compter de 2026.
Ce programme détaille les objectifs présentés à l’automne dans la loi de programmation des finances publiques. En 2022, le niveau de dette publique s’est établi à 111,6 % du PIB, contre 112,5 % en 2021, après l’explosion de 2020. En 2023, le ratio d’endettement continuerait sa décrue jusqu’à 109,6 % du PIB.
Comme vous le savez, l’environnement économique international s’est dégradé à partir de fin février 2022, l’invasion russe en Ukraine ayant entraîné une forte hausse des prix des matières premières, un rebond des tensions d’approvisionnement et une augmentation de l’incertitude sur les marchés.
En dépit de ce contexte, l’évolution spontanée annuelle des dépenses publiques devrait s’établir à moins de 0,6 %. L’effort annoncé cette année, à 1,6 %, est ainsi beaucoup plus ambitieux que ceux des précédents quinquennats – 1,4 % sous Nicolas Sarkozy et 1 % sous François Hollande.
Les plans tels que France Relance et France 2030 permettront également de soutenir l’activité et le potentiel de croissance, en préservant notre souveraineté. Comme le disait notre ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, durant la discussion de la loi de programmation des finances publiques en novembre dernier, « la France résiste mieux que ses voisins, avec le taux d’inflation le plus faible de la zone euro, à près de 6 % ». Ainsi, le Gouvernement s’engage à ne pas augmenter les impôts.
L’agence Fitch a certes récemment fait passer la note française à AA–, mais soyons clairs : d’une part, Moody’s nous a maintenus à Aa2 et Standard & Poor’s à AA ; d’autre part, la France est notée moins bien que l’Allemagne et l’Autriche, qui bénéficient d’un AAA, mais mieux que l’Espagne et le Portugal. Nous sommes dans la moyenne supérieure parmi nos voisins.
Certains critiqueront la dégradation de la note de la France. Mais n’oublions pas que, pendant la crise de la covid-19, le Gouvernement a soutenu les entreprises et les ménages. Cette dégradation financière n’est pas le fruit d’une externalité subie, mais bien d’une volonté politique.
Bien sûr, il est possible que ces mesures ne soient pas entièrement suffisantes pour soutenir une croissance économique robuste dans le contexte actuel. On peut critiquer les limites technologiques du modèle macroéconomique Mésange 2017 (pour « modèle économétrique de simulation et d’analyse générale de l’économie ») ; pour autant, les trajectoires sont fiables.
Ces réformes structurelles seront également permises par deux nouveaux cadres : d’une part, le cadre organique français des finances publiques, entré pleinement en vigueur cette année ; d’autre part, le cadre européen.
Il faut notamment rappeler deux avancées majeures : le renforcement de la pluriannualité et le pilotage pluriannuel par la dépense et non plus seulement par le solde. On peut également noter la meilleure articulation avec les textes financiers annuels : loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale et leurs textes rectificatifs. Le Haut Conseil des finances publiques peut désormais examiner la cohérence des textes financiers annuels et sectoriels au regard des objectifs de dépense prévus en loi de programmation des finances publiques.
Il faut souligner le renforcement de notre rôle en tant que parlementaires, puisque l’on nous présente désormais une trajectoire triennale au niveau du programme dans les projets annuels de performance (PAP).
Côté Union européenne, rappelons qu’une procédure a été mise en place pour la gouvernance nationale des finances publiques, qui est désormais pleinement intégrée. Depuis l’entrée en vigueur du règlement two-pack, la Commission européenne émet chaque année, à l’automne, un avis sur les projets de plans budgétaires des États membres. Ces derniers sont ensuite discutés par le conseil affaires économiques et financières (Ecofin). Par ailleurs, ce programme sera également transmis à la Commission européenne. La conformité de la France aux recommandations du Conseil sera évaluée en accord avec les dispositions du Pacte de stabilité et de croissance.
Pour faire face ensemble à ce même horizon, la BCE a maintenu des taux d’intérêt bas pour stimuler l’investissement et la consommation. De plus, l’Union européenne a mis en place un plan de relance de 750 milliards d’euros.
Le groupe RDPI salue la trajectoire ambitieuse présentée par le Gouvernement dans ce programme de stabilité et se félicite des mesures prises pour conforter le dynamisme économique en ces temps de crises multiples.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrice Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui du programme de stabilité budgétaire, qui a déjà été adressé à la Commission européenne. Cette situation devient récurrente et ne peut être interprétée que comme un manque de respect pour l’institution parlementaire, comme cela a déjà été souligné ce soir.
D’un point de vue budgétaire, il s’agit de montrer comment la France répond aux contraintes des règles européennes visant à maintenir le déficit en deçà des 3 % du PIB. D’un point de vue politique, c’est un document annuel, dans lequel le Gouvernement surjoue l’orthodoxie libérale qui l’inspire auprès de la Commission européenne, en arguant de sa volonté de réduction des dettes publiques.
Ainsi le ministre Le Maire martèle-t-il son souhait « d’accélérer le désendettement de la France » pour ramener le déficit public de 4,7 % à 2,7 % du PIB et la dette publique de 111,6 % à 108,3 % en 2027.
Monsieur le ministre, vous agitez le chiffon rouge de l’augmentation de la charge de la dette de manière volontairement trompeuse en brandissant des chiffres en valeur absolue. Certes, la charge de la dette, qui était de 35 milliards d’euros en 2021, est passée à 50 milliards d’euros en 2022. Vous anticipez même qu’elle atteindra 70 milliards en 2027 – surtout si vous continuez à faire des réformes qui ne convainquent pas même les agences de notation que vous cherchez à rassurer, voire à séduire…
Brandir la dette comme vous le faites, c’est choisir la stratégie du choc, mise en évidence par l’universitaire canadienne Naomi Klein : faire peur, déstabiliser, sidérer, pour avancer vers ses objectifs. Or, si vous précisez que cela représente 1,5 % du PIB – ou 2,3 % des dépenses publiques en 2021 –, 1,9 % du PIB en 2022 ou 2 % du PIB en 2027, cela fait, à juste titre, beaucoup moins peur.
D’ailleurs, la hausse de 15 milliards d’euros de la charge d’intérêt en 2022 a été principalement le fait de l’émission croissante de titres de dette indexés sur l’inflation, que rien ne justifie économiquement, mais qui permet de protéger les revenus financiers des détenteurs de la dette d’État.
Comme, de plus, vous répétez toujours la même antienne – baisser les recettes fiscales et les cotisations sociales – au nom de la compétitivité, tout cela ne peut conduire qu’à une réduction drastique des dépenses publiques, tout particulièrement des dépenses sociales et des services publics.
Vous envisagez ainsi de réduite les dépenses publiques de 0,8 % en moyenne en volume par an, dont 0,5 % pour les collectivités locales. Nous avons là tous les ingrédients d’une austérité qui va enfoncer notre pays dans une impasse, rendant au passage les objectifs économiques, sociaux et écologiques inatteignables. France Stratégie disait déjà l’an dernier qu’il faudrait, à l’échéance de 2030, mettre sur la table entre 22 et 100 milliards d’euros pour assurer la transition environnementale.
Encore faudrait-il rappeler que le poids important de la dépense publique française s’explique d’abord par notre modèle social et fiscal, qui prend en charge des dépenses essentielles en matière de santé, de retraite et d’éducation, que d’autres pays laissent relever du secteur privé. Ce poids s’explique aussi par une démographie plus dynamique et par l’importance du budget de la défense, dont vous avez encore annoncé l’augmentation.
Alors, monsieur le ministre, au nom de la réduction de la dépense publique, doit-on abandonner notre système de protection sociale et de service public ? Les Français y sont très attachés, parce qu’il constitue le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.
Nos services publics sont-ils en si bon état qu’il faille réduire les moyens qui leur sont alloués ? Êtes-vous sourd à la détresse sanitaire de nombreux territoires ? Doit-on se plaindre d’avoir une démographie plus dynamique ? Souhaitez-vous revenir sur le budget de la défense ?
Réduire massivement le poids de la dépense publique ne peut se faire sans modifier la qualité de vie des ménages et la capacité des collectivités locales à agir. Il y a de quoi s’inquiéter, a fortiori quand on sait que la Première ministre Élisabeth Borne a adressé à tous ses ministres une lettre de cadrage leur demandant d’identifier de manière indifférenciée 5 % de marges de manœuvre sur leur budget.
Le nouveau monde promis en 2017 ne consisterait-il pas en fait à appliquer les vieilles recettes thatchériennes ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Celles de François Hollande !
M. Patrice Joly. Cela nous ferait revenir quarante ans en arrière, alors même qu’investir dans les transitions est de nature à renforcer la stabilité et la solidité financière de la France.
Monsieur le ministre, si votre obsession est vraiment la dette, augmentez les impôts des plus riches et supprimez un certain nombre d’allègements fiscaux, dont le montant global, en dix ans, aura atteint 364 milliards d’euros, soit plus d’un an de budget national.
Comment cautionner que le taux effectif d’impôt sur le revenu des 370 ménages aux revenus les plus élevés de France soit de l’ordre de 2,5 % ? Ce taux avoisine même 0,26 % pour les 37 familles les plus riches, si l’on en croit l’économiste Gabriel Zucman, qui vient tout juste d’être récompensé par la prestigieuse médaille John-Bates-Clark.
Sans surprise, ce sont encore les classes moyennes et populaires qui continueront de faire les frais du libéralisme économique que vous mettez en place depuis 2017, avec les risques démocratiques qu’il comporte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par une remarque de méthode. La question n’est plus de faire le procès de tel ou tel gouvernement : nous n’avons plus le temps. Nous n’avons plus les moyens de tergiverser, faute de marges de manœuvre.
Vous avez compris qu’il fallait très vite recaler le discours et la pratique, monsieur le ministre. Vous avez commencé avec le discours, il vous reste la pratique. Pour autant, la question de savoir si ce que fait le Gouvernement est suffisant est pleinement légitime ; elle est même salutaire, puisque nous subissons cette fois la pression des taux et des marchés. Ce n’est pas tant que les marchés délaissent notre dette, mais plutôt qu’ils craignent que les annonces faites aujourd’hui ne soient pas suivies d’effet demain.
Ce débat sur le programme de stabilité est l’occasion de rappeler l’attachement de notre groupe à la maîtrise des comptes publics. Le cap fixé par le Gouvernement aurait dû être plus volontariste. Nous saluons la volonté de rétablissement des finances publiques annoncée dans ce programme. En revanche, nous regrettons le manque de précisions quant au modus operandi.
La dépense publique n’est pas mauvaise en soi, lorsqu’elle est utilisée à bon escient – les récentes crises nous l’ont montré. L’argent magique n’existe pas et les fonds déployés devront être remboursés. La condition de notre souveraineté tient en deux mots : sérieux budgétaire.
Force est de constater que certains points d’alarme se manifestent, comme l’a rappelé le Haut Conseil des finances publiques.
Les prévisions de croissance optimistes pour 2023 et le relèvement de la prévision de croissance effective, reposant sur une hausse de la consommation des ménages nettement supérieure à celle enregistrée avant la crise de la covid-19, posent quelques questions.
Vous avez décidé de fonder vos prévisions sur des hypothèses avantageuses, notamment une croissance potentielle de 1,35 % par an jusqu’en 2027, alors même que le scénario de la Commission européenne envisagé dans le cadre de la réforme de la gouvernance européenne des finances publiques est beaucoup moins favorable.
L’incertitude autour de votre scénario demeure donc élevée, dans un contexte international plus mouvant que jamais. L’évolution des cours internationaux des matières premières et de l’énergie, le niveau des taux d’intérêt et la fragilité des marchés financiers constituent des aléas majeurs.
Comme l’a dit notre collègue Bernard Delcros, la volonté de contenir les dépenses ne doit pas conduire à des coups de rabot uniformes. Ce serait injuste et inefficace. La France doit se doter d’une vraie stratégie d’évaluation et de hiérarchisation des dépenses, à laquelle le Parlement doit être pleinement associé, comme l’ont bien rappelé le président de la commission des finances et son rapporteur général.
D’un côté, vous assurez tout mettre en œuvre pour maîtriser le budget ; de l’autre, les crédits des ministères augmentent de 24 milliards d’euros et la charge de la dette tutoie les 60 milliards d’euros en 2023. Une fois neutralisée la baisse des dépenses exceptionnelles engagées en réponse aux crises, il est bien prévu que la dépense publique augmente en volume.
Les objectifs annoncés dans le programme de stabilité ne sauraient se substituer à une loi de programmation, qui fait actuellement défaut. Cette loi doit être adoptée au plus tôt, ce qui sera rassurant pour tout le monde. Elle devra afficher une trajectoire crédible de réduction de la dette publique, reposant sur des hypothèses macroéconomiques réalistes et une stratégie claire et documentée de maîtrise de la dépense publique.
Il n’en reste pas moins que des points de satisfaction existent aux yeux du groupe Union Centriste. Le Gouvernement a enfin pris la mesure de l’urgence pour la France de se désendetter en révisant ses objectifs à l’horizon 2027. La signature de notre pays sur les marchés doit demeurer crédible. Cette crédibilité n’est pas indéfectible. L’abaissement d’un cran de la note de la France par l’agence Fitch est un premier signal d’alerte. Afin de préserver notre crédibilité, nous devons intensifier nos efforts, et vite. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Guené. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapporteur général a très bien souligné l’optimisme du Gouvernement, à rebours des analyses extérieures, quant au calcul des divers indicateurs. L’abaissement de la note de la France par l’agence Fitch nous pousse encore un peu plus à mener une véritable politique d’assainissement des comptes publics. Désormais, en sus des Français, nous allons devoir convaincre le reste de la planète que nous pouvons suivre la trajectoire proposée.
Notre groupe rappelle depuis des années, dans cet hémicycle, la nécessité pour l’État de s’engager dans une démarche sincère de rétablissement des comptes publics. Ce processus doit impérativement devenir une réalité.
Nous avions alerté le Gouvernement sur les risques que représentait une politique fondée sur la dette. Avec les nouveaux taux, la charge de notre dette ne cessera de croître jusqu’à quasiment doubler d’ici à 2027. Nous sommes par conséquent très sceptiques quant au réalisme de la trajectoire envisagée.
Au vu de votre recours à une prévision de croissance et à un déflateur jugés unanimement excessifs, nous craignons que vous ne soyez obligés d’agir sur des variables d’ajustement.
Dans ce contexte particulier, je voudrais évoquer le traitement des collectivités locales – je le souhaite d’autant plus qu’elles devront entrer dans le processus de la transition énergétique. Vous prévoyez une amélioration de leur solde à la faveur de la poursuite des efforts de maîtrise de la dépense de fonctionnement et tablez sur une baisse en matière d’investissement, en fin de période, grâce au cycle électoral. La trajectoire proposée est, là aussi, optimiste.
Dans votre analyse, vous comptez sur l’inflation pour réguler les hausses en volume, sachant que la plupart des recettes sont aux mains de l’État depuis le passage à une fiscalité nationale. Vous escomptez donc un effet d’étau – en un seul mot – entre l’inflation et la fiscalité régulée. Pour compléter le dispositif, vous envisagez d’associer les administrations publiques locales (Apul) à l’effort de modération de la dépense publique, en concertation avec les différents acteurs.
Exit l’article 23 de la programmation précédente et les contrats de Cahors. On constate qu’un effort moindre de ralentissement de la dépense publique est demandé aux collectivités : 0,5 %, contre 0,8 % assumés par l’État. Dont acte.
Cependant, nous nous interrogeons sur les mécanismes de concertation auxquels il sera fait recours. En effet, ainsi que nous l’avons maintes fois évoqué dans cet hémicycle, les conditions d’une concertation ne sont pas réunies.
Le passage à une fiscalité nationale entièrement ordonnancée par le Gouvernement et la persistance d’une fiscalité locale et d’un système de financement obsolètes laissent la conduite de la négociation totalement entre les mains de l’État, qui peut procéder à sa guise, au coup par coup. Or, sans plaider pour un retour chimérique à l’autonomie fiscale, il nous semble primordial qu’un nouveau processus permette aux collectivités de retrouver une libre administration.
Cela passera par une réforme réelle de la fiscalité et des dotations, conçue sur des bases cohérentes et contemporaines, tenant compte à la fois des charges et besoins des territoires et des dynamiques locales.
Cette réforme est urgente. Pour la faire vivre, une double articulation sera nécessaire : sur le plan national, entre l’État et les autres secteurs et, au niveau interne, entre les collectivités elles-mêmes. Cette réforme doit introduire une nouvelle gouvernance du système, qui formera l’espace de dialogue et de concertation attendu réunissant l’État, le Parlement, et les collectivités. C’est seulement à ce prix que nous réintroduirons la libre administration propre à une démocratie moderne. À défaut, le programme de stabilité demeurera à nos yeux un pacte léonin.
Pour nous faire changer d’avis, il conviendrait de nous fournir, à brève échéance, une loi de programmation intégrant au moins l’ébauche d’un tel dispositif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme de stabilité, objet du présent débat, confirme la tendance du Gouvernement à creuser son sillon néolibéral. Il s’inscrit en effet dans la droite ligne du projet de loi de programmation des finances publiques que le Parlement a refusé d’adopter en novembre 2022.
Le président du Haut Conseil des finances publiques n’a d’ailleurs pas manqué de s’émouvoir, dès janvier 2023, du fait que la France demeure dépourvue de ce texte crucial prévu par la Constitution. En effet, comment concevoir des politiques publiques sans anticiper un plafond global de dépenses de l’État sur le périmètre de la norme de dépense et des plafonds de dépenses par mission ?
Saisi par le Gouvernement du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) portant réforme des retraites, le Haut Conseil a d’ailleurs relevé que l’absence d’adoption du projet de loi de programmation des finances publiques ne lui permettait pas de vérifier la cohérence des prévisions des finances publiques des textes financiers avec la loi de programmation.
Cette loi de programmation, rejetée par les assemblées, s’inscrivait elle-même, comme il se doit, dans la droite ligne du programme de stabilité soumis par l’exécutif en avril 2022 aux institutions européennes qui, rappelons-le, ne tiennent pas le stylo du Gouvernement.
Or que trouvait-on dans le programme de stabilité d’avril 2022 ? Un projet de réforme des retraites avancé par l’exécutif français pour répondre à des objectifs macroéconomiques. Selon le scénario retenu, le recul de l’âge de départ à la retraite devait d’abord accroître le taux d’emploi des Français en favorisant l’emploi des seniors. Il n’y était donc pas question de sauver le système de retraite !
Nous avons amplement démontré, lors des débats sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, l’absurdité de cette démarche, qui conduira à déporter les dépenses vers d’autres branches de la sécurité sociale.
Elle conduira le Gouvernement à l’échec concernant le deuxième objectif affiché : la réduction du déficit de l’État. Celle-ci n’est pas poursuivie sérieusement, comme en témoignent les baisses d’impôts consenties aux plus riches et aux grandes entreprises. Au cours de la dernière décennie, l’exécutif a ainsi organisé la perte annoncée de 372 milliards d’euros de recettes, soit une moyenne annuelle de 37 milliards d’euros par an. Ces chiffres sont à rapprocher de l’hypothétique déficit de 13,5 milliards d’euros du système de retraite annoncé en 2030 que le Gouvernement prétend chercher à prévenir.
Dans le même temps, les économies découlant du report de l’âge légal de la retraite à 64 ans sont espérées à 8 milliards d’euros en 2027, soit le strict montant du cadeau fiscal que constitue la suppression de la CVAE. Pour mémoire, le Fonds monétaire international (FMI) a lui-même signalé en octobre 2022 à la France que ces baisses d’impôts n’étaient pas opportunes.
Néanmoins, le Gouvernement s’entête, agissant ainsi en cohérence avec une ligne politique identifiable depuis longtemps, notamment au travers de la stratégie retenue pour gérer la dette liée à la crise du covid-19. Le Gouvernement n’a-t-il pas fait endosser celle-ci à la protection sociale par le biais de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), alors même que le « quoi qu’il en coûte » n’a pas été une politique sociale, mais bien une politique économique ?
À Sciences Po Paris, le mois dernier, d’éminents spécialistes ont déploré l’inscription de la réforme des retraites dans le cadre d’une politique macroéconomique. Il a été redit à cette occasion qu’une réforme des retraites reflétait un projet de société et ne pouvait donc constituer une variable d’ajustement de la réduction des déficits.
Ne nous y trompons pas : un arbitrage a été effectué par le Gouvernement, qui a décidé de sacrifier deux ans de la vie des Français les plus vulnérables en faveur de la baisse de la dépense publique, plutôt que d’agir pour préserver et accroître la ressource.
Les collectivités sont d’ailleurs également concernées par ce refroidissement annoncé de la dépense publique ainsi que par la menace d’un retour de la contractualisation. Mais il s’agit là d’un autre sujet…
Le Gouvernement paie aujourd’hui ses choix dans la rue, mais les Français les paient encore davantage et de bien des manières : par une crise démocratique dangereuse pour la Nation, par une crise sociale, ainsi que par la dégradation de la note de la France pour l’emprunt sur les marchés financiers.
Monsieur le ministre, quand tirerez-vous les conclusions de la crise dans laquelle nous a plongés votre gouvernement ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Monsieur le ministre, le 27 avril dernier, vous avez présenté la nouvelle ligne budgétaire de la France jusqu’en 2027. Nous commentons donc ce soir, en quelque sorte, une orientation déjà transmise.
Pour réduire la dette, vous comptez notamment vous appuyer sur des économies de dépenses, sans vraiment les documenter, alors même que le « quoi qu’il en coûte » persiste. Nous pouvons nous interroger sur la crédibilité de ce dispositif, conçu avant que la revue des dépenses ne soit engagée et qu’un cap clair ne soit défini.
Cette présentation allait-elle rassurer les agences de notation qui réexaminent le cas français et la Commission européenne qui promet un retour à des règles budgétaires plus contraignantes – quoique potentiellement différenciées – l’an prochain ? Il n’en est visiblement rien : l’agence Fitch, qui a été la première à se prononcer, vient de dégrader la note de la France. Notre situation financière, marquée par des déficits budgétaire et commercial de 160 milliards d’euros chacun, inquiète tous les Européens.
La réforme des retraites, qui prévoit une économie comprise entre 7 et 10 milliards d’euros, constituait à cet égard un premier gage, déjà démenti par le Centre de recherches pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises (Rexecode). Le présent exercice en constitue un second. Tout cela est-il vraiment crédible ?
Ce n’est pas vraiment gagné. De nouveaux objectifs budgétaires plus ambitieux sur le quinquennat sont déjà indispensables. Encore faut-il qu’ils soient réels. Une nouvelle trajectoire d’accélération du désendettement, qui manque encore cruellement de concrétude, est nécessaire.
En dévoilant les grandes lignes du programme de stabilité – document envoyé tous les ans à Bruxelles, qui grave dans le marbre les prévisions budgétaires de la France pour cinq ans – et malgré l’absence d’une loi de programmation de nos finances publiques que vous nous annoncez à présent pour cet été, vous reconnaissez enfin que nous sommes arrivés à un point de bascule : celui de la fin de l’argent gratuit. Il faut reprendre le contrôle de notre dette pour garder le contrôle de nos choix et poser ainsi le cadre indépassable de l’action publique. Il était temps.
Dans le détail, vous promettez désormais de ramener le déficit à 2,7 % du PIB en 2027, alors qu’il s’élevait encore à 4,7 % du PIB à la fin de l’année 2022 et qu’il est attendu à 4,9 % fin 2023. Il s’agit d’une légère amélioration par rapport aux précédentes prévisions, qui tablaient sur un déficit de 2,9 % du PIB en 2027. Ce que la commission des finances du Sénat réclamait dès 2022 est enfin retenu.
C’est sur la dette que le Gouvernement se veut le plus offensif. Celle-ci doit être ramenée à 108,3 % du PIB en 2027, affirmez-vous. C’est vraiment un minimum.
À l’automne dernier, l’objectif était fixé à 110,9 %. Certes meilleur, le nouvel objectif est encore bien timide ; il est surtout insoutenable. J’ai d’ailleurs trouvé un peu osées vos comparaisons européennes, alors même que notre niveau d’endettement est 1,8 fois supérieur à celui de l’Allemagne.
Les taux d’emprunt remontent à grande vitesse depuis quelques mois et promettent d’alourdir le coût de la dette, tendance qui sera encore accélérée par l’abaissement de notre notation. Nous dénonçons cette situation depuis au moins deux ans. La charge de la dette devrait atteindre plus de 71 milliards d’euros en 2027 et représenter à cet horizon le premier poste de dépense de l’État. Ce constat est posé depuis longtemps ; le déni ne peut plus durer.
Notre politique budgétaire ne peut passer par des hausses d’impôts, susceptibles de casser la faible croissance du pays. Voilà un point d’accord. Bien au contraire, il s’agira ensuite, après avoir diminué la dépense, d’amorcer une baisse de nos prélèvements obligatoires. En effet, notre dépense publique est non seulement exorbitante, mais surtout inefficace.
Il suffit, par exemple, de voir la situation de nos services publics en milieu rural pour comprendre la grogne et l’incompréhension de nos concitoyens. « Où va notre argent ? » : voilà la formule lapidaire la plus répandue dans les échanges que nous avons avec eux.
Récemment, la Cour des comptes, comme d’autres, a évoqué un « scénario économique optimiste » pour qualifier vos hypothèses de croissance potentielle d’ici à 2027. Le Haut Conseil des finances publiques est sur la même ligne.
Quant à l’effort d’économies, il serait demandé à l’État de réduire ses dépenses de 0,8 % par an en moyenne, hors inflation, et ce dès l’an prochain. Cependant, où ces économies seront-elles réalisées et comment ? Quid de la réduction de la dépense fiscale ? Ne nous dites pas que cela se fera sur le dos des collectivités territoriales : elles ont déjà beaucoup donné et ne sont en rien responsables de la situation budgétaire de notre pays. Au contraire, elles assurent l’essentiel de l’investissement réalisé, pendant que l’État emprunte toujours davantage pour continuer à fonctionner. Toutefois, il semblerait bien que ce sera grâce à elles que vous parviendrez, selon vos prévisions, à un déficit public contenu à 3 % du PIB en 2027.
Vous l’aurez compris, ce programme ne nous convainc pas. Nous craignons même que vous ne continuiez à jouer avec des allumettes, alors que nous sommes assis sur un volcan. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, je souhaite tout d’abord remercier tous les intervenants qui ont pris part à ce débat. Je vais essayer de répondre à chacune et à chacun sur les points principaux, sans faire durer nos débats jusqu’à des heures indécentes.
Le premier point porte sur le calendrier. Cette question a été abordée notamment par les sénateurs Bascher et Joly. Non, le programme de stabilité que nous examinons n’a pas été transmis à la Commission européenne avant d’être présenté au Parlement. Le présent débat a au moins le mérite de clarifier ce point. Nous respectons la procédure : le programme de stabilité est transmis à la Commission européenne à l’expiration d’un délai de quinze jours suivant sa transmission au Parlement. Il sera donc communiqué à la Commission européenne postérieurement au présent débat.
Ce transfert se fera avec un léger retard par rapport aux délais demandés par la Commission, le programme de stabilité devant théoriquement lui être transmis avant le 30 avril. Toutefois, ce retard doit être mis en perspective avec les quelque trois mois et demi de retard de l’an dernier du fait de la séquence électorale formée par l’élection présidentielle et les élections législatives. (M. Jérôme Bascher opine.) Il s’agit donc d’un grand progrès. (Sourires.)
Toujours est-il que nous respectons la procédure et qu’il n’est pas question de transmettre le programme de stabilité à la Commission avant que le Parlement ne s’en soit saisi.
Par ailleurs, nous avons fait le choix d’attendre l’adoption définitive de la réforme des retraites, sa validation par le Conseil constitutionnel et sa promulgation, avant de présenter le programme de stabilité. Si nous avions agi différemment, il aurait pu nous être reproché d’anticiper l’adoption de cette réforme majeure dans notre trajectoire budgétaire.
Toujours sur les questions de calendrier, je confirme les propos de la Première ministre : la loi de programmation des finances publiques sera de nouveau présentée cet été. J’apporte toutefois une petite correction : certains intervenants ont dit que ce texte avait été rejeté par « les assemblées » ; or le Sénat a bien adopté une loi de programmation des finances publiques, même si ce n’était pas celle que le Gouvernement avait présentée.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. C’était un bien meilleur texte !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. La discussion se poursuivra sur cette base.
Je veux à présent revenir sur un deuxième point, celui des hypothèses macroéconomiques sous-jacentes au programme de stabilité, qualifiées d’optimistes par plusieurs d’entre vous, notamment MM. Husson, Bilhac, Bascher, Capo-Canellas et Guené.
Je ne dirais pas que nos prévisions de croissance sont « optimistes » ; je dirais qu’elles sont « volontaristes ». (M. Jérôme Bascher s’amuse.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général. Déterminées !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je crois que nous avons eu raison de nous montrer volontaristes dans nos précédentes prévisions.
L’été dernier, lorsque nous prévoyions un taux de croissance de 2,5 % en 2022, on nous a dit que nous étions démesurément optimistes. Or nous avons eu raison d’être volontaristes, la croissance s’étant élevée à 2,6 % cette même année.
De la même manière, à l’automne dernier, alors que plusieurs prévisionnistes prévoyaient une récession dans la zone euro et une croissance atone, voire nulle en France, on nous a accusés d’être optimistes, car nous affichions une prévision de croissance de 1 % pour l’année 2023.
Nous avons assumé cette posture volontariste et je pense que nous avons eu raison de le faire. En effet, depuis le mois de janvier, les prévisionnistes revoient leurs prévisions à la hausse. Elles se rapprochent les unes après les autres de la prévision de croissance de 1 % retenue par le Gouvernement pour 2023 : celle du FMI s’élève à 0,7 % et celle de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à 0,8 %. Ces prévisions sont beaucoup plus proches des nôtres que celles qui avaient été établies à l’automne dernier. Là aussi, nous avons eu raison d’être volontaristes.
En ce qui concerne la croissance potentielle, le Haut Conseil des finances publiques tablait, dans ses travaux de l’automne dernier, sur une fourchette comprise entre 0,9 % et 1,3 %, en mettant en avant une incertitude relative à certaines réformes. Avec 1,35 % par an, nous sommes très proches du haut de cette fourchette.
Je rappelle que notre évaluation est également très proche de celles du FMI – 1,3 % – et de la Commission européenne – 1,4 % sur le court terme, c’est-à-dire pour 2022-2023.
Je veux rappeler ensuite qu’un certain nombre de prévisionnistes n’ont pas tenu compte, pour évaluer la croissance potentielle sur les années à venir, de l’ensemble des réformes qui figuraient dans notre programme. D’ailleurs, une partie des prévisions faites ces derniers mois ne tenaient pas encore compte de l’impact de la réforme des retraites et encore moins de celle à venir du RSA.
De notre côté, nous tenons évidemment compte, dans les sous-jacents de nos prévisions sur la croissance potentielle, du programme de réformes sur lequel nous nous sommes engagés et qui vise à atteindre la société du plein emploi.
Jusqu’à présent, nous avons montré que nous tenions nos engagements : nous avons fait la réforme de l’assurance chômage comme celle des retraites. Nous ferons celles du RSA et du lycée professionnel, qui auront naturellement un impact sur l’activité économique et l’emploi, donc sur la croissance potentielle.
Un point rapide – nous pourrions en parler longuement… – sur la question du déflateur du PIB, évoquée notamment par M. le rapporteur général de la commission des finances.
En 2022, le déflateur du PIB a été nettement moins dynamique que prévu. Il a aussi été nettement moins dynamique que l’évolution des prix à la consommation du fait des conséquences du conflit en Ukraine sur les termes des échanges : du côté de la demande, les prix d’importation ont été nettement plus dynamiques que les prix d’exportation, ce qui a fortement pesé sur la balance du commerce extérieur ; du côté de l’offre, la valeur ajoutée a été comprimée par le délai de transmission de la hausse des prix des entrants aux prix de vente.
En 2023, le déflateur est révisé à la hausse pour résorber cet écart. Il est ensuite cohérent avec l’inflation au sens de l’indice des prix à la consommation.
Donc, là où le précédent programme de stabilité tablait sur une convergence lente du déflateur du PIB et de l’inflation au fil du quinquennat, il est désormais fait l’hypothèse d’une convergence rapide sur 2023-2024, ce qui est cohérent au regard des dernières observations macroéconomiques.
J’en viens à la question de Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales sur l’impact que pourrait avoir, sur nos conditions d’emprunt, la dégradation de la note de la France par l’agence Fitch.
Comme l’a dit aujourd’hui Bruno Le Maire lors des questions d’actualité au Gouvernement, on peut qualifier cet impact de « limité ». Nous avions avec l’Allemagne un écart de taux, un spread, de 57 points de base vendredi, juste avant l’annonce de Fitch. Cet après-midi, nous sommes montés à 59 et ce soir, nous sommes redescendus à 58. L’impact est donc mineur.
J’ajoute, monsieur Sautarel, que l’agence Moody’s a décidé, la semaine dernière, de maintenir la notation de notre pays. La décision prise par Fitch n’est donc pas la première à intervenir en la matière.
Quelques mots maintenant sur les choix politiques et budgétaires qui sous-tendent ce programme de stabilité.
Le premier choix que nous faisons, c’est celui de l’emploi et du travail – je remercie les sénatrices Paoli-Gagin et Duranton d’avoir insisté sur ce point. Cela passe par des baisses de fiscalité que nous assumons pleinement.
Lors du précédent quinquennat, nous avons ainsi décidé de ramener la pression fiscale sur les entreprises et l’activité économique à un niveau proche de celui de nos partenaires européens afin de libérer l’emploi.
Je pourrais éventuellement comprendre les critiques qui nous sont faites sur ce point si les décisions que nous avons prises n’avaient pas eu d’impact en matière d’emploi.
Mais la réalité est là : nous avons créé plus de 1,5 million d’emplois en net ; le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans ; celui des jeunes est au plus bas depuis quarante ans. (Des sénateurs du groupe SER ironisent.) On peut donc bien parler d’un impact des politiques que nous avons menées.
Les allègements de cotisations sociales – le sénateur Joly a évoqué cette question – sont également favorables à la création d’emplois et la gauche le sait fort bien, puisque ces allègements avaient doublé sous le gouvernement de Lionel Jospin et de la gauche plurielle, ce qui avait profité à l’époque à l’emploi.
Si l’on baisse le coût du travail, on permet mécaniquement aux entreprises, quelle que soit leur taille, d’embaucher. C’est donc ce choix que nous avons fait, et nous l’assumons.
J’ajoute – c’est un débat que nous avons régulièrement – que de telles baisses de fiscalité apportent finalement des recettes publiques supplémentaires : par exemple, alors même que nous avons baissé le taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %, nous collectons davantage de recettes !
En ce qui concerne les baisses d’impôts sur les ménages, plusieurs intervenants, par exemple M. Breuiller ou Mme Lubin, ont parlé de baisses d’impôts pour les plus riches – certes, vous n’avez pas parlé de nantis… Oui, nous avons décidé de supprimer la taxe d’habitation et la redevance télé, ce qui représente un gain moyen de 1 000 euros par an pour tous les Français.
Croyez-vous sincèrement que ceux de nos compatriotes qui ont bénéficié de ces décisions, ceux que vous croisez dans vos départements, par exemple à Saint-Maur, à Alfortville ou à Fontenay-sous-Bois, monsieur Breuiller, soient des nantis ou des très riches ?
C’est la classe moyenne, celle qui travaille, celle justement qui a le sentiment de ne jamais percevoir les dividendes de notre modèle social ou des baisses de fiscalité, qui a très majoritairement bénéficié, en volume, des réductions d’impôts que nous avons consenties envers les particuliers.
Avec la suppression de la taxe d’habitation et de la redevance télé, la classe moyenne de notre pays a bien compris que nous la soutenions.
Après l’emploi et le travail, le second choix que nous faisons est celui de l’investissement dans nos services publics. Et là, monsieur Savoldelli, on ne peut vraiment pas parler d’austérité ou de désertion – je vais en donner plusieurs exemples.
Le budget de l’hôpital public dépasse dorénavant les 100 milliards d’euros. Nous dégageons cette année 4,7 milliards d’euros supplémentaires pour l’éducation nationale. Souvenons-nous que François Hollande annonçait en 2012, juste après son élection, un grand plan de réinvestissement dans l’éducation nationale de 1,5 milliard pour 2013. Nous, c’est 4,7 milliards sur l’année 2023 avec des revalorisations salariales inédites depuis le début des années 1990 pour nos enseignants.
Mme Monique Lubin. Il faut tenir compte de l’inflation !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Entre 2017 et 2027, le budget de la défense aura progressé de 75 % : il n’y a jamais eu un tel investissement dans un délai aussi court !
Le budget de la justice a augmenté de 42 % depuis 2017, sans parler de ce que nous faisons pour la police.
Mme Annie Le Houerou. Alors, pourquoi nos services publics sont-ils autant délabrés ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je pourrais citer d’autres exemples. Le fait est que nous faisons le choix de réinvestir dans les services publics.
Pour autant, comme l’a très justement souligné M. Sautarel, l’enjeu n’est pas seulement le montant de la dépense publique, mais aussi la manière dont nous dépensons l’argent public. Dépenser mieux, c’est l’objectif majeur des membres du Gouvernement et des réformes que nous menons.
Je prends de ce point de vue l’exemple de la transition écologique en disant au sénateur Breuiller que nous n’avons pas à choisir entre les 3 % et les 3 degrés !
Régler la question de la transition écologique nécessite des investissements qui ne pourront être financés que si nous pouvons emprunter dans des conditions satisfaisantes, c’est-à-dire si nous sommes sérieux et responsables avec la dépense publique.
Pour investir, la puissance publique doit pouvoir emprunter. C’est aussi vrai pour les collectivités locales, qui ont un rôle essentiel à jouer en matière de transition écologique.
Voilà qui me fournit une transition pour évoquer la question des collectivités locales, soulevée notamment par le rapporteur général de la commission des finances et par MM. Breuiller et Guené.
Le rapporteur général s’est demandé pourquoi la nouvelle répartition de l’effort n’était pas inscrite dans le programme de stabilité. Ce n’est tout simplement pas le document idoine. Nous proposerons une telle inscription dans le projet de loi de programmation des finances publiques.
Nous prévoyons dorénavant de demander à l’État un effort de maîtrise des dépenses plus important qu’aux collectivités locales : respectivement 0,8 % et 0,5 % en volume. L’effort que nous demandions aux collectivités locales était plus important dans la précédente copie.
Je parle d’effort, mais je veux tout de même rappeler qu’en 2027, avec cette trajectoire, les collectivités dépenseront 13 milliards d’euros de plus en fonctionnement qu’aujourd’hui. Nous sommes donc loin de l’austérité ou de la saignée ! Le Gouvernement souhaite simplement que nous nous fixions collectivement une règle pour maîtriser la progression de nos dépenses de fonctionnement.
Le sénateur Guené s’est interrogé sur la manière de parvenir à ce résultat. Nous y travaillons avec les associations d’élus dans le cadre des assises des finances publiques. Bruno Le Maire et moi-même avons reçu leurs représentants et plusieurs réunions techniques se sont déjà tenues. J’ai bon espoir que nous parvenions à nous accorder.
L’autre moyen de respecter notre trajectoire, c’est de lutter contre la fraude afin d’améliorer le rendement fiscal – je veux remercier le sénateur Delcros d’avoir insisté sur ce point.
L’année dernière a été historique sur ce plan – il faut le saluer et en remercier tous les agents qui ont concouru à ce résultat : 14,6 milliards d’euros de redressement ont été notifiés à la suite de contrôles opérés par la direction générale des finances publiques et 800 millions sur le volet social grâce à l’action des Urssaf.
Pour prolonger cette action, j’ai réuni un groupe de travail auquel j’ai convié l’ensemble des groupes politiques du Sénat. Je présenterai dans quelques jours un plan de lutte contre la fraude dans lequel vous trouverez une bonne part des propositions que vous avez bien voulu me transmettre.
Je serai très attentif, monsieur Delcros, aux propositions de votre groupe sur la question des niches fiscales. Je crois que chacun d’entre nous a à cœur d’avancer sur ce sujet, même si les choses deviennent plus difficiles quand on entre dans les détails. C’est pourquoi nous devons y travailler collectivement.
Pour conclure, je crois que la trajectoire que je vous ai présentée est ambitieuse – je veux remercier le sénateur Sautarel et d’autres intervenants de l’avoir souligné. Elle l’est en tout cas nettement plus que celle que nous avions présentée l’an dernier et qui sous-tendait le projet de loi de programmation des finances publiques : quatre points en moins en 2027 pour le ratio dette sur PIB et un déficit lui aussi revu à la baisse.
Nous pouvons atteindre ces objectifs en continuant d’y travailler ensemble. L’an dernier, nous avons lancé les dialogues de Bercy ; cette initiative n’était certainement pas parfaite, mais elle a eu des mérites, qui ont d’ailleurs été reconnus par de nombreux parlementaires, y compris par des représentants des oppositions.
Après avoir « essuyé les plâtres » l’an dernier, je souhaite renouveler l’exercice cette année et tenter de l’améliorer, par exemple en commençant nos échanges plus tôt et en enrichissant les informations et données à la disposition des parlementaires. Nous pourrons aussi essayer de chiffrer les propositions qui nous sont faites, y compris en matière d’économies.
Les enjeux sont majeurs, chacun le mesure aisément, et cela justifie que nous avancions de concert. Pour ma part, je suis prêt à travailler avec l’ensemble d’entre vous. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le programme de stabilité et l’orientation des finances publiques.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée demain, jeudi 4 mai 2023 :
De dix heures trente à treize heures puis de quatorze heures trente à seize heures :
(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)
Débat sur le thème « Comment rendre possible le retour en Ukraine des enfants déportés en Fédération de Russie ? » ;
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche (texte de la commission n° 520, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER