M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi, examiné selon la procédure de législation en commission, ne fait pas partie de ces textes qui déchaînent les passions. Il ne donnera pas lieu à de grands affrontements politiques. Sa technicité nous oblige à la plus grande modestie.

Certains, à l’image de M. le rapporteur, ont déploré des délais d’examen réduits, mais la commission a salué le travail de fond et de réécriture. Les délais permettent au Gouvernement de demander la ratification du texte dans le délai imparti par la Constitution.

Ce texte répond avant tout à une obligation constitutionnelle de ratification de trois ordonnances. Ce sont autant d’ordonnances qui ont permis de simplifier, de corriger et de regrouper des articles de loi souvent épars et parfois privés de leur cohérence par des modifications successives.

En effet, au fil des années et des ajouts successifs, le plus difficile pour le législateur est de garder une vision d’ensemble de notre droit, afin qu’il reste simple et lisible, alors même qu’il est traversé par nombre de notions complexes et de principes parfois contradictoires.

Ce droit est avant tout un outil pratique pour l’administration, pour le juge, pour l’auxiliaire de justice et pour le justiciable. Ils doivent être en mesure de le connaître et de le comprendre pour pouvoir s’y conformer.

Trois années d’un long et fastidieux travail ont été nécessaires pour parvenir à simplifier et à corriger un droit financier souvent trop complexe.

La Commission supérieure de codification y a vu un progrès. M. le rapporteur a salué ce travail de fond, après avoir rappelé les modifications qu’il a apportées.

Ce projet de loi corrige et simplifie notre droit, mais il protège également les lanceurs d’alerte et les épargnants. Il codifie également les obligations qui s’imposent aux établissements de crédit.

C’est pourquoi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe votera ce texte. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi visant à ratifier les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer ne pose aucun problème de fond.

Je ne m’appesantirai pas sur la prolongation de l’expérimentation introduite par M. le rapporteur visant à permettre aux collectivités de recourir au financement participatif et offrant ainsi la possibilité aux collectivités territoriales de diversifier leurs sources de financement. Notre groupe y est favorable.

Tous les articles du projet de loi originel, tendant à réorganiser, à supprimer ou à coordonner certains dispositifs, pour des raisons de cohérence légistique, ne posent pas de difficultés majeures.

Tout ce travail de codification, que nous nous apprêtons à avaliser aujourd’hui, permettra, à mon sens, de rendre plus accessible notre droit, qui s’est considérablement complexifié, sous l’effet des crises financières majeures, telles que celle de 2008.

Tout ce travail de simplification facilitera surtout – c’est bien là l’essentiel – l’activité des opérateurs financiers et des entreprises outre-mer.

Ainsi, j’espère que les corrections auxquelles nous avons procédé permettront d’interroger utilement le Parlement et le Gouvernement sur l’intelligibilité et l’efficacité des lois que nous construisons pour nos concitoyens.

J’oserai même aller plus loin en suggérant d’explorer la piste, selon moi pertinente, consistant à regrouper dans un même code les principales dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent dans nos territoires d’outre-mer.

Voilà quelques années, l’association des chambres de commerce et d’industrie d’outre-mer (ACCIOM) avait édité un code de l’entreprise en outre-mer. D’ailleurs, il nous a été bien utile au cours de l’examen de quelques projets de loi de finances, jusqu’à ce qu’il ne cesse d’être actualisé, hélas !

Je crois que, sans porter atteinte à l’unicité de notre droit, une telle mesure permettrait de mieux user des dispositifs existants, voire de mieux les réformer.

Au-delà de ces considérations, je me permets de mettre un bémol à ce satisfecit global. Je regrette, en effet, que nous adoptions l’article 5 relatif à la tarification des retraits d’espèces dans un distributeur automatique. Il s’agit là de modifier une erreur, me rétorque-t-on. Mais pour une fois qu’une erreur a des conséquences positives sur le pouvoir d’achat des Ultramarins, j’aurais préféré que nous la préservions ! On va la supprimer, soit, mais c’est d’autant plus regrettable que l’on ignore le paysage bancaire. Peut-être va-t-on ainsi favoriser tel ou tel réseau ? L’impact de ce dispositif aurait dû être évalué.

Nous approuvons les dispositions relatives à l’Iedom et à l’Ieom, bien qu’elles soient modestes. Aussi, parler d’une véritable « modernisation des missions » de ces deux instituts me semble quelque peu exagéré… En disant cela, je pense aux déficits, aux béances devrais-je dire, statistiques à l’œuvre dans nos territoires. Ces béances nuisent à la qualité, à la mise en valeur et à l’évaluation des politiques publiques mises en place.

En somme, les décideurs politiques ultramarins sont souvent amenés à naviguer à vue. L’Ieom et l’Iedom réalisent déjà un travail précieux, notamment au travers des rapports annuels publiés pour chaque collectivité. Il me semble toutefois que nous pourrions aller plus loin, pour fournir des instruments utiles aux élus et aux acteurs locaux.

Madame la ministre, vous l’aurez compris après ces considérations de fond, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte.

Permettez-moi toutefois d’adresser au Gouvernement quelques remarques sur la méthode qu’il a employée. Non, elle n’est pas exempte de toute critique, comme cela a été pointé en commission !

Je pense tout d’abord au temps resserré dans lequel le Gouvernement nous enferme pour examiner un texte aussi technique. Ensuite, je rejoins les critiques de forme soulevées par l’assemblée de la Polynésie française, qui, à la suite de saisines multiples et urgentes du Gouvernement, et en dépit d’un accord sur le fond, a émis un avis défavorable sur le texte.

Comment voulez-vous associer pleinement les collectivités territoriales en ne laissant que moins d’une semaine aux administrations pour découvrir et analyser un texte de 300 pages et la recodification de près de 500 articles de loi ?

Eh bien, oui, la méthodologie employée par l’État continue de nuire gravement à l’intelligibilité du droit, pour reprendre les termes de nos collègues, et rend impossible, faute de temps et de concertation, l’évaluation des effets des modifications proposées.

Concertation et célérité ne sont pas antinomiques. Nous souhaitons donc que le Gouvernement améliore son action dans les outre-mer.

Pour autant, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà donc en train de discuter d’un texte visant à ratifier les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer. Il s’agit essentiellement d’une recodification à droit constant.

Il s’agit d’un texte sans réelle ambition, hormis celle de faciliter la compréhension de la loi.

La méthode demeure inchangée, mais nous en avons l’habitude ! Alors que c’est l’usage, et en dépit d’un processus qui a duré trois années, il n’y a pas eu de réel travail avec les assemblées des territoires concernés. Nous le déplorons.

Des normes vont-elles s’abattre une nouvelle fois sur des décideurs locaux, sans qu’ils aient pu se les approprier, sans qu’aient été remises à plat certaines règles désuètes, voire inadaptées, et en l’absence de dialogue et de consensus ?

L’assemblée de Polynésie française s’est dressée contre le rapport à la démocratie entretenu par le Gouvernement, en fustigeant des saisines multiples et en urgence. Elle a été contrainte d’émettre un avis défavorable sur ce texte, car « la méthodologie employée par l’État continue de nuire gravement à l’intelligibilité du droit en matière monétaire et financière, car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d’évaluer les effets des modifications proposées ».

Le Sénat n’a pas bénéficié d’un traitement de faveur. Il doit, lui aussi, examiner au pas de charge un projet de loi dont il ne peut saisir l’ensemble des implications et des conséquences. Nous avons en effet eu deux semaines, en comptant l’interruption des travaux parlementaires, pour examiner un texte qui résulte de trois années de travail !

Je m’arrêterai sur deux articles, qui nous semblent poser problème, l’article 1er bis et l’article 5.

L’article 1er bis, qui a été introduit par M. le rapporteur, tente d’imposer à un gouvernement récalcitrant la pleine application d’une volonté inscrite dans la loi du 8 octobre 2021. Il s’agit de permettre aux collectivités d’émettre des obligations à des créanciers qui pourraient être des personnes morales, donc des entreprises.

Cela revient à faire financer tous les services publics choisis par les collectivités par les entreprises via une plateforme en ligne. Du reste, mon collègue Pascal Savoldelli a eu l’occasion de demander, voilà quelques jours, s’il existait de meilleurs moyens que les impôts pour financer les services publics !

M. Yvon Goutal, avocat associé et professeur des universités, résume dans La Gazette des communes les raisons qui nous obligent à nous opposer à cette idée quelque peu saugrenue.

L’affectation budgétaire des montants collectés est interdite, car elle entre en contradiction avec le principe d’universalité budgétaire. La promesse politique d’utiliser cet argent pour un investissement particulier est possible, mais elle n’est soumise à aucune contrainte juridique.

L’universalité budgétaire est la manifestation d’une solidarité. En s’acquittant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), Total finançait les services publics de la petite enfance ou les services environnementaux. À l’avenir, Total pourrait choisir de financer un service public selon ses propres intérêts. Il en va de même pour les impôts locaux aux personnes physiques ! Vous me pardonnerez ces rudiments de finances publiques locales. (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)

De plus, le coût n’est pas intéressant, contrairement aux projections de la majorité sénatoriale. En effet, les intérêts versés aux prêteurs sont généralement supérieurs à ceux du marché bancaire et ils s’ajoutent de fait aux frais d’intermédiation des plateformes.

Donner cette responsabilité aux entreprises, c’est mettre en concurrence le système bancaire avec des entreprises, qui tiendraient en joue les finances locales. À terme, il en résulterait un désengagement budgétaire de l’État.

Il faudrait plutôt renforcer les prérogatives d’un pôle public financier, composé par la Caisse des dépôts et consignations, la Banque des territoires et la Banque postale, en lui permettant de déroger aux coûts traditionnels du crédit, indexés sur le taux du Livret A.

Par ailleurs, l’article 5 vise à revenir sur la gratuité des opérations de retrait d’espèces en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement évoque un recentrage dans l’étude d’impact, tandis que Bercy parle, en off, d’une erreur. Que disent les assemblées concernées, si ce n’est qu’elles n’y sont pas opposées ?

C’est un signal négatif envoyé aux habitantes et aux habitants de ces territoires, qui auraient pu constater une avancée – une seule ! –, dans un contexte de diminution du nombre de distributeurs de 8,7 % entre 2018 et 2021 en métropole, de réduction du nombre de retraits gratuits et de hausse du coût des retraits effectués dans une banque dans laquelle les comptes du débiteur ne sont pas domiciliés. Adopter cet article 5, c’est faire machine arrière !

La situation en Polynésie française est grave. Un accord triennal a été conclu entre le haut-commissaire et les banques, lequel est appliqué depuis le 1er avril de cette année. Il vise à réduire de 5,5 % les frais bancaires.

Ces frais, qui comprennent les frais de tenue de compte, l’abonnement à la consultation des comptes, les frais de paiement et les cartes à débit immédiat restent tout de même deux fois plus élevés là-bas qu’ici en métropole ou qu’en Nouvelle-Calédonie.

Le maintien de la gratuité des opérations de retrait aurait de ce fait été un moyen de compenser l’asymétrie qui oppose les clients aux banques dans ces territoires insulaires ; merci pour eux !

M. Victorin Lurel. C’est exact !

M. Éric Bocquet. Malgré ces réserves, nous soutiendrons ce projet de loi, sans autre ambition particulière que de simplifier la loi. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE et SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés, cet après-midi, à nous prononcer en première lecture sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, examiné suivant la procédure de législation en commission prévue par notre règlement.

Le recours à cette procédure s’est avéré une fois de plus fructueux, et je tiens à saluer la qualité du travail de notre rapporteur, dont il faut bien avouer que la tâche n’a pas été facilitée par le Gouvernement. En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un délai d’examen aussi bref, à plus forte raison lorsque celui-ci empiète sur la suspension de nos travaux. Nous nous permettons d’insister sur ce point, car ce n’est pas la première fois que le travail du Parlement se trouve ainsi entravé. Vous en conviendrez, madame la ministre, là n’est pas le meilleur moyen d’assurer le bon fonctionnement de la démocratie représentative ni d’impliquer et de respecter les collectivités concernées.

J’en viens au fond du texte, essentiellement technique, mais assez touffu, et dont la plupart des dispositions ne soulèvent pas de difficultés particulières.

Je ne reviendrai pas sur les articles 3 à 8 ni même sur les articles 10 et 11, qui, procédant à des corrections purement formelles ou à des modifications extrêmement limitées, n’appellent pas de commentaires particuliers.

Les articles 1er et 2 sont, en revanche, plus substantiels.

L’article 1er – cela a été rappelé par les orateurs précédents – procède à la ratification de trois ordonnances.

Les deux premières, en date respectivement du 15 septembre 2021 et du 15 février 2022, sont prises sur la base d’une habilitation qu’avait soutenue le Sénat lors de l’adoption de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Elles permettent d’organiser de façon thématique le livre VII du code monétaire et financier, devenu abscons à la suite des modifications apportées par le droit national et par le droit européen. Le contenu de l’ordonnance a été scindé en deux par le Gouvernement afin de respecter le délai d’habilitation octroyé par le Parlement.

Ce travail de recodification fut, certes, long et fastidieux, mais il se révèle utile, en ce qu’il offre aujourd’hui davantage de clarté et une meilleure lisibilité au droit applicable aux collectivités du Pacifique.

Je partage toutefois les interrogations du rapporteur sur la méthode retenue par le Gouvernement. Nous ne pouvons que nous associer aux critiques émises par Moihara Tupana et par notre collègue Teva Rohfritsch, tous deux membres de l’Assemblée de la Polynésie française, s’agissant des saisines rectificatives multiples faites par l’exécutif dans la précipitation. Là encore, la forme trahit une impréparation du Gouvernement qui soulève quelques interrogations.

La troisième et dernière ordonnance ratifiée par l’article 1er, en date du 14 septembre 2022, a trait au financement participatif. Il est ici question de prolonger le délai de transition laissé à l’ensemble des acteurs du secteur, au-delà donc des seules collectivités ultramarines.

Saluons la prolongation de deux ans, sur l’initiative du rapporteur, de l’expérimentation visant à ouvrir le financement participatif obligataire aux collectivités territoriales. En garantissant une expérimentation effective de trois ans, l’amendement adopté en commission permet, du même coup, de respecter la volonté du Parlement exprimée en 2021 dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue).

Enfin, je me contenterai de mentionner l’article 2, bienvenu lui aussi, puisqu’il rend expressément applicables aux collectivités du Pacifique les modifications de certains articles du code monétaire et financier intervenues postérieurement à la publication des ordonnances. Ces articles touchent notamment à la protection des lanceurs d’alerte – c’est un sujet important – dans la sphère financière et au plafonnement des frais de rejet prélevés par les établissements bancaires, comme Éric Bocquet vient de l’évoquer.

Sans surprise, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, les membres du groupe Union Centriste voteront les dispositions de ce texte tel qu’il a été amendé et adopté en commission, sur proposition notamment de notre ami et rapporteur Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en décidant de ratifier les ordonnances concernant le code monétaire et financier selon la procédure accélérée, le Sénat nous empêche de présenter des amendements en séance et même d’avoir un débat. C’est regrettable, car c’était l’occasion de remédier à l’atteinte exorbitante que ce code porte à la vie privée des clients des banques.

Si une banque suspecte un client de malversations, il est normal qu’elle alerte les services fiscaux ou la justice. En revanche, ce n’est pas à elle de conduire une enquête et encore moins d’enquêter systématiquement sur tous ses clients – même lorsqu’aucun indice ne laisse soupçonner l’existence de malversations.

Les articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier obligent malheureusement les banques à s’immiscer dans la vie privée de leurs clients. Sous prétexte de lutter contre les « risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme », les banques sont tenues d’obliger leurs clients, au besoin par un chantage à la fermeture du compte, à fournir des détails relevant de leur vie privée, tels que l’état de leur patrimoine et de leurs revenus ou le but de chèques émis, même d’un très petit montant. Cela peut se comprendre pour la souscription d’un emprunt, mais certainement pas pour la simple gestion d’un compte courant, surtout lorsqu’il n’y a aucun indice suspect.

Pour parvenir à leurs fins, les banques font croire à leurs clients qu’ils ont l’obligation de répondre, alors qu’aucun texte ne le prévoit. Afin de contourner un éventuel refus, le code susvisé permet aux banques de pratiquer un chantage, en menaçant les clients de fermer leur compte. Pire encore, le code permet aux banques de passer outre, même lorsque la Banque de France leur a enjoint d’appliquer le droit au compte. Les conséquences pour les clients en sont exorbitantes, car on ne peut plus vivre normalement dans notre société si l’on n’a pas un compte bancaire.

Un tel abus de droit relève du chantage et de l’atteinte à la vie privée. Pire encore, la démarche des banques devient systématique et s’applique même en l’absence du moindre indice laissant soupçonner du blanchiment ou du terrorisme. Afin de garantir le respect de la vie privée de nos citoyens, il faut réagir face à ces pratiques intrusives, qui violent les règles les plus élémentaires de l’État de droit.

Il est évident qu’il faut lutter contre le blanchiment des capitaux et contre le terrorisme, mais, les banques étant des organismes privés, elles n’ont pas à se charger d’enquêtes policières ou fiscales, notamment lorsqu’il n’y a aucun indice suspect. Si les banques ont des soupçons, la seule procédure respectueuse des libertés publiques est d’alerter les services fiscaux, la justice ou Tracfin.

Je veux en profiter pour protester, en tant que représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, contre le système d’examen des projets et des propositions de loi suivant la procédure de législation en commission.

En effet, on nous a fait croire qu’il y avait une forme de démocratie, puisque tous les parlementaires…

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.

M. Jean Louis Masson. En plus, on ne nous laisse pas le temps de nous exprimer ! C’est incroyable. Non seulement les sénateurs non inscrits ne peuvent pas voter en commission parce qu’ils ne siègent pas en commission, mais nous ne pouvons pas non plus parler !

M. Jean-François Husson. C’est faux ! C’était une législation en commission !

M. Jean Louis Masson. Nous n’avons pas de représentants à la commission !

M. le président. Mon cher collègue, chacun connaît le temps de parole qui lui est imparti lorsqu’il monte à la tribune.

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas longuement sur ce qui a déjà été dit. Il s’agit d’un projet de loi assez technique – technique ne veut pas dire mineur –, qui a été déposé par le Gouvernement pendant la suspension des travaux parlementaires en avril dernier et que la commission des finances a d’ores et déjà examiné selon la procédure de législation en commission, en présence du ministre délégué Jean-Noël Barrot. Autant dire que nous n’avons pas beaucoup eu l’occasion de nous pencher sur ce texte, dont l’examen apparaît comme une quasi-procédure simplifiée.

Qu’est-ce que ce livre VII du code monétaire et financier ? Il s’agit du dernier livre de la partie législative de ce code, qui concerne le régime spécifique applicable outre-mer.

Les territoires ultramarins se caractérisent par une diversité de statuts juridiques : les cinq départements et régions d’outre-mer, qui sont régis par le principe d’identité législative avec la métropole, à l’inverse de la Nouvelle-Calédonie, qui est une collectivité sui generis, en passant par les collectivités d’outre-mer, les anciens territoires d’outre-mer (TOM), dont le statut est défini à l’article 74 de la Constitution et qui connaissent le principe de spécificité législative.

Il convient de noter que les territoires du Pacifique – Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française – ont une autonomie plus poussée, n’appartiennent pas à l’Union européenne et ne sont pas soumis à l’ensemble de ses règles – celles qui découlent de l’espace Schengen, de l’espace TVA, de l’union douanière… – et disposent de leur propre monnaie, le franc Pacifique, dont le cours, fixé par rapport à l’euro, est d’environ 1 euro pour 120 francs Pacifique – à ne pas confondre avec l’ancienne piastre, qui avait cours à l’époque de l’Indochine !

Cette diversité de statuts juridiques se traduit dans nos textes par nombre de dispositions spécifiques aux outre-mer.

Le présent projet de loi vient d’abord ratifier trois ordonnances, dont celle du 25 février 2022, qui nécessite une ratification impérative avant l’été selon la procédure, non pas de l’article 38, mais de l’article 74-1 de la Constitution.

J’évoquerai, à cette occasion, le souvenir de l’ordonnance du 9 février 2017 sur l’application du code de commerce en Polynésie française, qui avait déjà fait l’objet d’une loi de ratification adoptée selon cette procédure en 2018. A-t-on eu depuis une évaluation de l’impact de cette ordonnance sur la concurrence et le coût de la vie en Polynésie ?

Les dispositions suivantes du projet de loi concernent largement les territoires du Pacifique. À l’article 5, je m’étonne que le retrait d’espèces en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie ne soit gratuit que dans les établissements où l’on détient des comptes, ce qui diffère de la situation en métropole. Y a-t-il une raison précise à cette situation ?

Pour le reste, je n’aurai pas de remarque particulière. La situation économique, sociale et politique en outre-mer fait régulièrement l’actualité. Il est aujourd’hui particulièrement question de la situation sécuritaire à Mayotte, avec l’opération Wuambushu, déclenchée le 24 avril dernier. La situation en Guyane est également préoccupante, avec le décès, à la fin du mois de mars, d’un gendarme du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) dans une opération de lutte contre l’orpaillage illégal. Sur le plan politique, les récentes élections territoriales en Polynésie ont vu la victoire du camp indépendantiste, tandis que la situation post-référendaire en Nouvelle-Calédonie n’a pas encore débouché sur une solution pérenne. Enfin, dans les Antilles, la situation sociale reste caractérisée par une certaine défiance, alimentée par des scandales comme celui du chlordécone.

Le développement socio-économique en outre-mer reste donc une priorité, dans des territoires où le niveau de vie est, en moyenne, le tiers de celui de la métropole. Les territoires ultramarins représentent pourtant une richesse incomparable, à la fois naturelle et culturelle. C’est le premier réservoir de biodiversité en France et un domaine maritime exceptionnel, qu’il convient de préserver face aux effets déjà palpables du changement climatique.

L’enjeu est de permettre le plus possible aux habitants de ces territoires d’être eux-mêmes acteurs de ce développement.

En conclusion, mis à part les quelques remarques formulées, le groupe RDSE ne voit pas d’objection particulière à l’adoption de ce projet de loi ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet de ratifier plusieurs ordonnances relatives à l’outre-mer.

Nous nous méfions toujours du recours aux ordonnances, car il dépossède le Parlement de ses prérogatives législatives. Mais, en l’espèce, force est de reconnaître qu’il s’agit de dispositions très techniques, qui ne posent pas de difficultés. Nous resterons cependant extrêmement vigilants. Lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le nombre d’ordonnances avait quasiment doublé.

Les ordonnances de septembre 2021, février et septembre 2022, qu’il nous est proposé aujourd’hui de ratifier, ont un double objet.

Tout d’abord, il est proposé d’approuver la recodification du livre VII du code monétaire et financier pour améliorer sa lisibilité. Cette recodification de plus de 500 articles est le fruit d’un long travail, qui a duré trois années. Nous l’approuvons, car l’intelligibilité de la loi était remise en question pour nos compatriotes vivant outre-mer.

Il est également proposé de moderniser les missions de l’Institut d’émission d’outre-mer et de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer. Notre groupe approuve également cette mesure.

Nous saluons le travail du rapporteur, Hervé Maurey, qui a permis une amélioration du texte. La majorité des articles ont été amendés et adoptés la semaine dernière, dans le cadre de la procédure de législation en commission.

Parmi les améliorations essentielles, il nous paraît important de souligner que, l’expérimentation visant à ouvrir le financement participatif obligatoire aux collectivités territoriales ayant pris du retard, il était nécessaire de la prolonger de deux ans, afin qu’elle s’effectue sur le temps réellement imparti, soit le délai initial de trois ans.

Par ailleurs, concernant la modernisation des missions des Instituts d’émission, la centralisation des informations d’identification des comptes de toute nature sur le même fichier, telle que la propose la commission, nous semble pertinente.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, tel qu’il ressort des travaux de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)