M. Joël Labbé. Cet amendement vise à alerter le Gouvernement sur une problématique aujourd’hui complètement orpheline des politiques publiques.
Chaque année, des centaines de milliers de tonnes de productions agricoles sont détruites ou déclassées du fait de contaminations phytosanitaires dues à l’épandage d’un pesticide sur une exploitation voisine, et ce sans qu’aucune indemnisation du producteur concerné soit possible.
Rappelons que certains produits phytosanitaires, notamment l’herbicide prosulfocarbe, ont une volatilité sur des kilomètres. Ainsi, bien souvent, dans le cadre de ces contaminations, le responsable ne peut pas être identifié.
Or le régime de la responsabilité civile, qui implique que la personne responsable de la contamination soit identifiée, est le seul dispositif permettant à ce jour une indemnisation. Cela laisse sans solution les agriculteurs, notamment les producteurs bio, qui sont particulièrement concernés. Cela pénalise des filières tout entières, particulièrement la filière du sarrasin bio, en cours de structuration.
Nos producteurs bio s’engagent pour mettre en œuvre des pratiques sans pesticides, mais ils subissent à leurs frais des déclassements et des destructions de production du fait de l’usage autour d’eux de produits phytosanitaires
Les producteurs bio ne sont pas les seuls concernés. L’ensemble de la filière cidricole est également touchée par cette problématique.
Cette situation, qui génère des difficultés humaines et économiques, doit cesser. C’est pourquoi cet amendement vise à mettre en place un système d’indemnisation pour les producteurs victimes d’une contamination par un produit phytosanitaire dont le responsable ne peut pas être identifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. La question que cet amendement soulève relève plutôt de la politique d’indemnisation des assureurs, ainsi que du bon dialogue entre les agriculteurs eux-mêmes en cas de contamination d’une parcelle bio liée à l’utilisation d’un produit.
Par ailleurs, cette disposition est un peu décalée par rapport à la vocation du fonds, mis en place pour soutenir les filières, notamment en matière de recherche.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Il existe sur les questions de compétitivité – j’ai oublié d’en parler tout à l’heure – un certain nombre de dispositifs pour accompagner les filières. Les mesures prises sur les fruits et légumes viennent également encourager la filière bio sur un certain nombre de secteurs.
Le problème que vous soulevez est bien réel, monsieur le sénateur. Pour autant, il ne relève pas de cet article 3, mais dépend plutôt du système assurantiel, des pratiques entre agriculteurs et du projet de loi de finances. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Les producteurs ont tenté de se tourner vers leurs assureurs. En vain. Ces produits sont volatils, ils peuvent avoir été utilisés à 3 kilomètres de l’exploitation. Au fond, il faudrait tout simplement interdire cet herbicide prosulfocarbe. Monsieur le ministre, ne pourriez-vous pas demander à l’Anses de revoir leur autorisation de mise sur le marché ?
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme Préville, MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mme Monier, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il veille à ce que la proportion de bénéficiaires de chaque sexe ne soit pas inférieure à 30 %.
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Cet amendement vise à faire en sorte que la gestion du fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficulté intègre un objectif de parité.
En effet, de nombreuses femmes agricultrices rencontrent des difficultés pour obtenir un crédit bancaire, soit pour lancer leur exploitation agricole, soit pour réaliser de nouveaux investissements.
Peu représentées, moins payées, parfois même pas comptées, les femmes sont les grandes oubliées de nos politiques agricoles.
Le ministère de l’agriculture estime que les femmes représentent 30 % des actifs agricoles en France. Plus nombreuses dans les petites structures, les femmes sont aussi plus diplômées et plus âgées que les hommes. Pourtant, leurs revenus sont quasiment un tiers plus faibles et leur retraite atteint péniblement 570 euros par mois.
Dans l’agriculture, les femmes font face à des inégalités multiples : revenu, accès au foncier, à l’investissement, aux aides et aux formations, charges domestiques. Les politiques sectorielles n’enrayent pas, voire renforcent ces inégalités de genre. La très faible disponibilité des données genrées est d’ailleurs un frein au traitement des inégalités.
Entre autres bâtons dans les roues, les agricultrices bénéficient de prêts bancaires plus faibles, de moins d’aides à l’installation et elles sont moins représentées dans les syndicats professionnels.
À l’instar de dispositifs existant déjà dans d’autres secteurs ou à travers l’action de la Banque publique d’investissement, il convient d’instaurer dans le fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles une proportion minimale de bénéficiaires par sexe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Je comprends et partage entièrement l’objectif de féminiser l’agriculture et de permettre aux exploitantes d’avoir accès aux mêmes dispositifs que les exploitants.
Pour autant, le fonds de soutien pourrait venir en aide à des exploitations, mais aussi et surtout à des filières, par l’intermédiaire de financements aux instituts techniques, par exemple ou encore d’appels à projets.
Il semble difficile, pour ne pas dire impossible, de faire la liste des potentiels bénéficiaires d’une mesure de soutien pour s’assurer de la juste représentation des femmes.
Par exemple, un soutien à la recherche de solutions pour lutter contre la drosophilia suzukii, qui infecte la cerise, sera un soutien non pas à un exploitant, mais à une filière. Il est donc impossible de calculer le nombre de femmes bénéficiant de ce soutien.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Madame la sénatrice, vous soulevez ici deux difficultés, mais votre amendement ne vient pas répondre à la question principale, qui est celle d’une plus grande féminisation de la profession agricole.
Cet article vise à conforter la compétitivité des filières. Comme l’a très bien souligné Mme la rapporteure, ce n’est pas une question de genre ; c’est une question de filière.
Cela n’obère pas ce que vous dites par ailleurs. Mais vous proposez ici – c’est original, alors qu’il s’agit d’un texte visant à supprimer les surtranspositions – une nouvelle transposition dont on ne saurait pas comment la mettre en œuvre. En revanche, je partage votre sentiment, mais ça n’est pas qu’un problème de genre : c’est aussi un problème d’origine pour des jeunes qui veulent s’installer. La question du portage du foncier et des capitaux, à laquelle nous travaillons, est souvent un frein, notamment pour les femmes, à l’accès au statut d’exploitants agricoles.
Pour autant, votre amendement ne répond pas à ce problème. Il me semble que nous devrions envisager autrement la question de la compétitivité, notamment sous l’angle de l’accès aux moyens de production, au foncier, aux capitaux, aux sièges d’exploitation : c’est comme cela que l’on arrivera à féminiser cette filière.
Reconnaissons aussi que l’enseignement agricole est aujourd’hui en majorité féminin. De nombreuses femmes ou jeunes femmes y sont inscrites.
À terme, compte tenu du fait qu’une majorité de candidats ne sont pas issus du milieu agricole, la féminisation fera son œuvre. Notre seul travail sera de la favoriser.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je suis choqué. Vraiment.
Nous sommes le seul pays en Europe où une femme peut devenir agricultrice au même titre que son mari. C’est comme cela que l’on a créé les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), parce qu’à l’époque, la constitution de groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) n’était pas autorisée entre mari et femme. La France est le seul pays qui a fait évoluer le statut des groupements agricoles, puisque, dorénavant, la création d’un Gaec entre époux est possible.
Quand un dossier est examiné au niveau financier, comme vous l’évoquez dans votre amendement, jamais le sexe de la personne n’est pris en compte. Seul compte le projet d’installation et d’investissement !
Si je m’emporte quelque peu, c’est que de tels propos dissuadent des femmes et des hommes de se lancer dans la profession agricole. Personne n’a jamais été discriminé en fonction de son sexe. C’est toujours le projet qui l’a emporté. De nombreuses professions devraient s’inspirer de ce qui a été fait dans le monde agricole ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Françoise Gatel et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Varaillas. Nous avons été huit membres de la délégation aux droits des femmes à rendre un rapport sur la situation des femmes dans la ruralité. À cette occasion, nous avons auditionné de nombreuses agricultrices. C’est un fait ; leurs témoignages sont concordants : elles ont des difficultés pour obtenir des emprunts. Mes collègues, qui n’étaient pas forcément de la même obédience que moi, ont partagé le même constat ! (Mmes Martine Filleul et Émilienne Poumirol applaudissent. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Boyer. Un tel débat est surprenant : on stigmatise les femmes à travers la profession agricole.
Mme Marie-Claude Varaillas. On les défend !
M. Jean-Marc Boyer. Du peu d’expérience que j’ai pu avoir comme enseignant dans l’enseignement agricole, j’ai constaté que les femmes étaient nombreuses à vouloir s’installer. Elles venaient souvent d’une famille d’agriculteurs. Lorsqu’elles demandaient des aides à l’installation, leur dossier était examiné en fonction non pas de leur sexe, mais de leur projet. Quand le projet tient la route, les femmes ont droit aux mêmes aides que les hommes.
En revanche, à l’heure actuelle, nombre de jeunes inscrits dans l’enseignement agricole ne sont pas issus de familles d’agriculteurs, comme c’était le cas voilà dix ans ou vingt ans. À peine 15 % à 20 % des élèves ont aujourd’hui des parents agriculteurs, avec un projet de transmission. Or s’ils présentent un projet sans avoir les moyens financiers de subvenir au fonctionnement de leur exploitation, ils vont rencontrer des difficultés. Il convient donc de trouver des solutions.
Mais, encore une fois, le critère, ce n’est pas le sexe de la personne ; c’est le projet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Tissot et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de dix mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport proposant une définition législative des zones intermédiaires à faible potentiel agronomique. Sur la base du rapport du Conseil général de l’alimentation, l’agriculture et des espaces ruraux n° 18065 de 2019 éventuellement actualisé, le rapport précisera les enjeux, externalités et bénéfices d’une telle définition pour les territoires concernés, et dressera les conséquences potentielles d’un dispositif d’accompagnement financier et en ingénierie pour les agriculteurs de zones intermédiaires.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement vise à demander la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur la question des zones à faible potentiel agronomique et soumises à des conditions pédoclimatiques défavorables, appelées aussi zones intermédiaires. Les zones de piémont, nombreuses en France, sont concernées.
Le modèle économique des exploitations agricoles en zone intermédiaire est aujourd’hui à bout de souffle. Depuis les années 1980, ces exploitations n’ont cessé de s’agrandir – c’est un constat, et non un jugement de valeur – et de se spécialiser toujours davantage en grandes cultures.
Entre 1988 et 2010, le nombre total d’exploitations a été divisé par 2, le nombre d’exploitations avec vaches laitières a été divisé par 5 et le nombre de vaches allaitantes a été divisé par 2,5.
Cette hyperspécialisation soulève de nombreuses difficultés.
Ces exploitations ont ainsi un problème structurel de rentabilité, avec des productions à faible valeur ajoutée. Leur forte dépendance aux marchés mondiaux, à cause de la monoculture, les rend très sensibles aux aléas économiques et peu résilientes.
Parallèlement, elles sont très dépendantes des aides de la PAC, qui ne suffisent plus à leur survie. L’hétérogénéité agronomique et pédoclimatique de la surface agricole utile (SAU) française justifie la proposition et la mise en œuvre de dispositions de politique agricole nationale de nature à soutenir de façon ciblée les territoires de plus en plus en difficulté au regard de critères de performances agroenvironnementales.
Sur certains de ces territoires, des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) spécifiques apportent une première réponse, mais les écarts de performance et de rémunération observés restent très élevés. Sans préjudice des apports de la politique agricole commune, le rapport que nous demandons pourrait proposer une définition de ce que sont les zones intermédiaires, ainsi que des politiques territoriales pour rétablir l’équité entre terroirs français dans le sens que vous avez indiqué, monsieur le ministre, lors de la discussion générale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Mon cher collègue, je connais votre engagement pour ces zones intermédiaires à faible potentiel. Cependant, vous savez que nous n’aimons pas beaucoup les rapports ; le texte en propose déjà deux, dans des domaines qui nous semblent essentiels.
La problématique du soutien à l’agriculture en zones intermédiaires à faible potentiel est très documentée dans un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de janvier 2019, et est d’ores et déjà assez largement traitée dans le plan stratégique national (PSN) français, qui ne fait pas moins de 975 pages. Ce sujet est donc important, mais il est connu, et je crains qu’un rapport ne suffise pas à régler tous les problèmes. Différentes Maec ont été adaptées, mais je préférerais que nous passions de la parole à l’action. Aussi, je laisse la parole au ministre, non sans avoir donné un avis défavorable au nom de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Vous avez raison, madame la rapporteure, ce sujet est d’importance, et je ne dis pas cela pour éluder la question. Il y a des dispositifs en cours de déploiement. Au fond, votre rapport a vocation à déboucher sur une base législative pour un zonage.
En agriculture, on sait ce que c’est…
Aussi, je nous souhaite bon courage pour définir dans la loi ce qu’est une zone intermédiaire. Vous savez très bien qu’une telle définition va ouvrir partout la voie à des demandes reconventionnelles, et ce pour des situations très diverses. Les difficultés sont ainsi de nature très différente dans le Gers et dans le Berry, au sud de ma région.
Mme Nadine Bellurot. Et dans l’Indre !
M. Marc Fesneau, ministre. Il peut y avoir des questions d’accès à l’eau, de potentiel agronomique, de modèle agricole. Bref, s’enfermer dans une définition législative contribue à une forme de rigidification. C’est un peu un mal français.
À mon sens, on a plutôt besoin de regarder territoire par territoire les mesures qui seraient utiles. Vous avez évoqué les Maec, qui peuvent être une première réponse, mais il s’agit d’outils de compensation. Or nous avons besoin aussi de penser la transition de ces modèles, et c’est tout l’objet du travail que nous sommes appelés à faire.
La question n’est pas tant de compenser leurs difficultés que d’imaginer le modèle sur lequel ces types d’agriculture, dans ces zones intermédiaires, peuvent fonctionner.
Je rejoins assez volontiers ce qu’a dit Mme la rapporteure. Au-delà de la solution type Maec, quelles sont les mesures de soutien que nous pouvons apporter, sans nous enfermer dans des zonages ?
Il faut avoir à l’esprit que la contrainte climatique n’est pas la même aujourd’hui que ce qu’elle était voilà dix ans et que ce qu’elle sera dans dix ans. Je le répète, nous avons besoin d’engager les agriculteurs dans ces transitions. C’est vrai que, dans certains cas, la réponse a pu être l’agrandissement, alors que l’on considère aujourd’hui que c’est de nature à aggraver la situation économique. Il faut le dire avec lucidité. Parfois c’est la réponse ; parfois cela ne l’est pas. C’est mon côté…
M. Daniel Salmon. C’est une caricature !
M. Marc Fesneau, ministre. Non, je ne suis pas caricatural, monsieur Salmon. (Sourires.) J’essaie de trouver un point d’équilibre, ce qui provoque le débat entre nous. Cependant, je penche plus pour des mesures que pour un zonage ou un rapport.
C’est une demande de retrait, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Montaugé, l’amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?
M. Franck Montaugé. Je vous ai tous les deux écoutés attentivement. D’une certaine manière, je rejoins vos arguments, mais je maintiens quand même mon amendement.
Monsieur le ministre, c’est très bien de manifester des intentions, surtout quand elles peuvent être largement partagées. Cependant, je constate que, lors de la discussion de la PAC et de l’élaboration du PSN, ce sujet n’a pas été abordé, en tout cas pas suffisamment. C’est en fait la question de la transition, que vous appelez de vos vœux, et sur laquelle nous sommes tous d’accord.
Nous allons encore perdre des années pour venir en aide à ces zones, à moins que vous ne proposiez des actions spécifiques dans le cadre du PSN. Les Maec apportent du positif dans certains terroirs, mais ils ne sont absolument pas à la hauteur des enjeux de la transition, qui nécessitent une action rapide et efficace.
Pour toutes ces raisons, je le répète, je maintiens cet amendement, même si je comprends les arguments invoqués, notamment ceux de Mme la rapporteure.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE II
RELANCER LA CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ DE LA FERME FRANCE PAR L’INVESTISSEMENT ET LE PRODUIRE LOCAL
Article 4
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 221-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Une quote-part du total des dépôts collectés au titre du livret A, du livret de développement durable et solidaire régi par l’article L. 221-27 et du livre Agri régi par l’article L. 221-28 par les établissements distribuant l’un ou l’autre livret est centralisée par la Caisse des dépôts et consignations dans le fonds prévu au même article L. 221-28. » ;
b) Le troisième alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « ou le livret de développement durable et solidaire » sont remplacés par les mots : « , le livret de développement durable et solidaire ou le livret Agri » ;
– après la même première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Elles sont employées, dans le cas du livret Agri, au financement des investissements matériels et immatériels des structures agricoles et agro-alimentaires, notamment pour l’amélioration de leur compétitivité, leur mécanisation, la réduction de leur empreinte climatique et l’atténuation des conséquences du changement climatique. Elles sont également employées dans le soutien à l’accès au foncier agricole des jeunes agriculteurs. » ;
– à la seconde phrase, les mots : « et les livrets de développement durable et solidaire » sont remplacés par les mots : « , les livrets de développement durable et solidaire et les livrets Agri » ;
c) Aux quatrième et cinquième alinéas, les mots : « ou le livret de développement durable et solidaire » sont remplacés par les mots : « , le livret de développement durable et solidaire ou le livret Agri » ;
2° Le I de l’article L. 221-7 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles sont employées en priorité au financement des investissements agricoles et agro-alimentaires dans le cadre du livret Agri. » ;
3° Après la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre II, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Le livret Agri
« Art. L. 221-28. – Le livret Agri est ouvert par les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France dans les établissements et les organismes autorisés à recevoir des dépôts. Les sommes déposées sur ce livret sont employées conformément à l’article L. 221-5.
« Les versements effectués sur un livret Agri ne peuvent porter le montant inscrit sur le livret au-delà d’un plafond fixé par voie réglementaire.
« Il ne peut être ouvert qu’un livret par contribuable ou un livret pour chacun des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune.
« Les modalités d’ouverture et de fonctionnement du livret Agri ainsi que la liste des investissements dans le secteur agricole et agroalimentaire auxquels sont affectées les sommes déposées sur ce livret sont fixées par voie réglementaire.
« Les opérations relatives au livret Agri sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l’inspection générale des finances. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 105, présenté par MM. Labbé, Salmon, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 4, 6, 8, 9, 13, 15 et 18
Remplacer toutes les occurrences du mot :
Agri
par le mot :
Agroécologie
II. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
Agri, au financement des investissements matériels et immatériels des structures agricoles et agro-alimentaires, notamment pour l’amélioration de leur compétitivité, leur mécanisation, la réduction de leur empreinte climatique et l’atténuation des conséquences du changement climatique. Elles sont également employées dans le soutien à l’accès au foncier agricole des jeunes agriculteurs.
par les mots :
Agroécologie, au soutien à l’installation agricole en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, ou dans un système agroécologique, défini selon des critères précisés par décret.
III. – Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
Agri ainsi que la liste des investissements dans le secteur agricole et agroalimentaire
par les mots :
Agroécologie ainsi que le cahier des charges encadrant les projets d’installations en agriculture biologique ou en agroécologie
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Utiliser l’épargne pour soutenir l’agriculture est une bonne idée, mais ce livret Agri ne nous convient pas. Les subventions à l’investissement en agriculture sont déjà massives, entre France Relance, France 2030, plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) et suramortissement. Selon la Cour des comptes, ces subventions sont beaucoup trop importantes et freinent l’installation de nouveaux agriculteurs.
Ces mécanismes peuvent aussi conduire au surendettement et à l’agrandissement excessif des exploitations, un phénomène, hélas ! bien trop courant en agriculture.
De plus, ces incitations à l’investissement sont majoritairement orientées vers une forme d’industrialisation de l’agriculture, à rebours de la nécessaire prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux, mais aussi des attentes de nos concitoyens.
Or l’on nous propose, avec cet article, de mettre l’épargne des Français au service de cette industrialisation de l’agriculture ! Quant à nous, nous proposons de mieux cibler ce dispositif et de rebaptiser ce livret « livret A », A pour agroécologie. Il viendrait financer uniquement l’installation dans des systèmes en agroécologie ou en bio, avec un encadrement par un cahier des charges. Nous ne souhaitons en aucun cas venir ajouter une incitation de plus pour les agriculteurs à surinvestir au détriment de la viabilité économique de leur ferme et de la transition agroécologique.
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Tissot, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Michau, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, M. J. Bigot, Mmes Monier et Préville, MM. Stanzione, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
structures agricoles et agro-alimentaires
insérer les mots :
dont la production bénéficie de signes ou mentions prévus à l’article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime ou est issue de l’agriculture biologique au sens du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91,
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet article 4 vise à remettre l’ouvrage du livret agricole sur le métier.
En effet, la création d’un livret Agri n’est pas une proposition nouvelle puisqu’elle a déjà été évoquée par le passé dans plusieurs textes agricoles, sans pour autant aboutir.
En 2015 et en 2016 avait ainsi été créé par le Sénat un livret vert, dans le cadre d’une proposition de loi portant sur la compétitivité agricole.
Cette proposition a toujours été rejetée in fine pour divers motifs.
Je tiens d’ailleurs à rappeler à mes collègues du groupe Les Républicains qu’en 2015, lors de l’examen de ce texte, c’est bien l’un de vos anciens collègues parlementaires, Antoine Herth, alors rapporteur à l’Assemblée nationale et membre du groupe UMP, qui s’interrogeait sur l’utilité d’une telle mesure. Il considérait alors que l’épargne des Français n’était pas extensible et que le fléchage de l’épargne sur ce livret ne se ferait qu’au détriment d’autres produits d’épargne.
En tout état de cause, si nous nous interrogeons également sur la pertinence d’un tel outil, nous proposons quand même, dans un esprit constructif, que les ressources collectées par les établissements distribuant le livret Agri soient employées au financement des investissements des structures agricoles et agroalimentaires sous signe de qualité ou en agriculture biologique.
Nous estimons en effet que ce livret, s’il venait à voir le jour, devrait accompagner la transition vers l’agroécologie et le soutien aux productions de qualité bénéficiant d’un signe ou d’une mention reconnue.