Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.
2. Hommage à trois policiers et une infirmière
3. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Jean-Claude Requier ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre ; M. Jean-Claude Requier.
M. Jacques Fernique ; M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; M. Jacques Fernique.
M. Dany Wattebled ; Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.
certification des comptes de la sécurité sociale
Mme Christine Lavarde ; M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées ; Mme Christine Lavarde.
M. Stéphane Demilly ; Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté.
grève des salariés de vertbaudet
Mme Michelle Gréaume ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Michel Dagbert ; M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
partage de la valeur : situation de l’usine vertbaudet
Mme Martine Filleul ; M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion ; Mme Martine Filleul.
M. Henri Leroy ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Henri Leroy.
financement de la transition écologique
Mme Angèle Préville ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Angèle Préville.
Mme Nadine Bellurot ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; Mme Nadine Bellurot.
rapport de la cour des comptes préconisant la diminution du cheptel bovin
Mme Nadia Sollogoub ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; Mme Nadia Sollogoub.
M. Pascal Allizard ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Pascal Allizard.
mixité sociale dans les écoles privées
M. Yan Chantrel ; Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
atteintes à la laïcité à l’école
M. Pierre Charon ; Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
décès de policiers dans le nord
Mme Brigitte Lherbier ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
4. Mise au point au sujet d’un vote
6. Communication d’un avis sur un projet de nomination
7. Constitution d’une commission spéciale
8. Candidatures à une commission mixte paritaire
9. Conventions internationales. – Adoption en procédure d’examen simplifié de quatre projets de loi dans les textes de la commission
Accords avec le Sénégal et le Sri Lanka. – Adoption, en procédure accélérée, du projet de loi dans le texte de la commission.
Dommages liés au transport par mer de substances nocives. – Adoption, en procédure accélérée, du projet de loi dans le texte de la commission.
Conventions avec le Sénégal. – Adoption définitive, en procédure accélérée, du projet de loi dans le texte de la commission.
Accord avec l’Andorre. – Adoption définitive, en procédure accélérée, du projet de loi dans le texte de la commission.
10. Douane. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 17 rectifié bis de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 55 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 56 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 9 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 23 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 24 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 15 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 44 de M. Jean-Yves Leconte. – Retrait.
Amendement n° 26 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 27 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 59 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 5 rectifié bis de M. Michel Canévet. – Retrait.
Amendement n° 61 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 28 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 60 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 29 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 2 rectifié de Mme Nadine Bellurot. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 70 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 71 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 8 et 8 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 48 de M. Alain Richard, rapporteur pour avis. – Adoption.
Amendement n° 58 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Devenu sans objet.
Amendement n° 72 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 33 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 73 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 3 rectifié bis de M. Michel Canévet. – Retrait.
Amendement n° 4 rectifié bis de M. Michel Canévet. – Retrait.
Amendement n° 49 rectifié de M. Alain Richard, rapporteur pour avis. – Rejet.
Amendement n° 64 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 74 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 75 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 50 rectifié bis de M. Alain Richard, rapporteur pour avis. – Retrait.
Amendement n° 76 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 69 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
11. Modification de l’ordre du jour
12. Douane – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article 10 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 12 de M. Éric Bocquet. – Retrait.
Amendement n° 47 de M. Alain Richard, rapporteur pour avis. – Adoption.
Amendement n° 45 de M. Jean-Yves Leconte. – Devenu sans objet.
Amendement n° 46 de M. Jean-Yves Leconte. – Devenu sans objet.
Amendement n° 35 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 36 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 37 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 13 de M. Éric Bocquet. – Retrait.
Amendement n° 63 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 77 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 78 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 51 de M. Alain Richard, rapporteur pour avis. – Devenu sans objet.
Amendement n° 79 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 43 rectifié de M. Claude Kern. – Retrait.
Amendement n° 16 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié bis de M. Henri Leroy. – Retrait.
Amendement n° 22 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article 14 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 11 de M. Éric Bocquet. – Retrait.
Amendement n° 41 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Non soutenu.
Adoption de l’article.
Amendement n° 18 rectifié de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Ordre du jour
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Martine Filleul,
M. Jacques Grosperrin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage à trois policiers et une infirmière
M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat a rendu hier hommage à nos policiers tués dans un terrible accident dimanche matin à Roubaix. Je veux manifester, au nom de l’ensemble de la Haute Assemblée, notre solidarité à leurs proches et à leurs collègues.
Nous exprimons également nos pensées pour les proches et pour les collègues de l’infirmière du CHU de Reims assassinée lundi.
Ces drames doivent être l’occasion pour nous de nous rassembler autour de valeurs communes.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun de vous à rester attentif, au cours de nos échanges, au respect des valeurs essentielles de notre assemblée, à commencer par celui des uns et des autres et par celui du temps de parole.
plan climat
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la Première ministre, je souhaite vous interroger sur votre responsabilité en matière de planification écologique et énergétique.
L’urgence climatique n’est plus à démontrer. Nous en déplorons les conséquences sur nos territoires, en particulier en Occitanie, où la sécheresse s’installe désormais sans répit. Nos engagements européens nous imposent d’accélérer la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ; en France, celles-ci ont baissé de seulement 25 % depuis 1990, loin des 55 % attendus.
Vous avez annoncé lundi dernier un plan d’action avec des objectifs chiffrés, auxquels mon groupe est très attentif. Nous souhaitons avant tout que l’effort soit équitable et juste – vous l’avez d’ailleurs vous-même appelé de vos vœux. En effet, entreprises, ménages et pouvoirs publics doivent participer au défi de l’adaptation climatique, mais chacun selon ses moyens !
Il nous faudra être extrêmement ambitieux sur tous les fronts, notamment celui de la conversion des outils de production agricole et industrielle et celui de la lutte contre le gaspillage de l’eau, y compris pour les eaux grises et usées, dont les normes d’usage devront être rapidement révisées pour compenser le déficit croissant en eau claire.
Tout cela va nécessiter un accompagnement important, en particulier pour les collectivités locales, afin qu’elles soient en mesure de subvenir à leurs nombreux besoins en matière de rénovation énergétique, d’éclairage public, de gestion des déchets ou de mobilité.
Puisqu’il est question de planifier l’écologie, le fonds vert, dont les collectivités bénéficient déjà, sera-t-il pérennisé ? De quel montant sera-t-il doté, au-delà des deux milliards d’euros déjà prévus ? Quel bilan d’étape pouvez-vous en faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’exprime à mon tour ma solidarité aux collègues et aux proches des agents publics tragiquement décédés ces derniers jours, ainsi que tout le soutien de mon gouvernement aux agents qui s’engagent chaque jour pour nous protéger, nous soigner, assurer l’éducation de nos enfants parfois, malheureusement, au péril de leur vie.
Monsieur le président Requier, chaque jour, les conséquences du dérèglement climatique deviennent en effet plus visibles et préoccupantes. Je pense notamment aux sécheresses et aux feux de forêt de ces derniers mois.
Notre action doit être forte pour limiter le dérèglement climatique, pour nous adapter à ses conséquences inéluctables et pour restaurer notre biodiversité. Nous prenons des mesures sans attendre : c’est le sens du plan Eau, qui a été présenté par le Président de la République ou encore du renforcement des moyens pour la sécurité civile.
Le Sénat y contribue pleinement, notamment au travers de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, sur laquelle une commission mixte paritaire se réunira prochainement.
Pour réussir la transition écologique, nous devons planifier des actions de long terme pour notre biodiversité, pour la gestion de nos ressources naturelles et pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre.
Comme vous le savez, nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux à l’échelle européenne. Nous sommes en avance sur nos objectifs 2019-2023 et nous avons quasiment rattrapé le retard accumulé sur la période 2015-2018. Toutefois, il nous faut encore accélérer pour doubler le rythme de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.
Depuis le mois de septembre, avec les ministres et l’ensemble des acteurs concernés, nous avons identifié, secteur par secteur, les leviers à actionner pour baisser nos émissions. Comme vous l’avez souligné, monsieur le président Requier, pour être acceptable, l’effort doit être juste et équitablement réparti : il reviendra pour moitié aux entreprises, notamment les plus grandes, pour un quart à l’État et aux collectivités et pour un quart aux ménages.
Pour être réussie, la transition écologique doit également se faire avec nos concitoyens. Nous devons les accompagner dans les changements à venir et former aux métiers de la transition écologique. J’ai réuni lundi un Conseil national de la transition écologique pour partager nos objectifs, secteur par secteur. Dans le courant du mois de juin, nous serons en mesure de présenter une planification écologique complète.
Mesdames, messieurs les sénateurs, réussir la transition écologique, c’est aussi nous adapter et anticiper tous les cas de figure. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a annoncé le week-end dernier le lancement de travaux pour préparer la France en cas de hausse des températures de 4 degrés.
Que ce soit pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, pour nous adapter aux effets inéluctables du dérèglement climatique ou pour restaurer la biodiversité, nous avons besoin des collectivités. De nombreux projets concrets se mettent en place, notamment grâce au soutien du fonds vert. Ce dernier représente deux milliards d’euros dès cette année et je vous confirme, comme je l’avais annoncé, qu’il sera pérennisé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Alain Cazabonne et Pierre Louault applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.
M. Jean-Claude Requier. Le combat pour le climat sera long et difficile et, comme pour une équipe de rugby, nous le gagnerons ou le perdrons tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
démantèlement de fret sncf
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre des transports, si nous voulons gagner tous ensemble, est-ce vraiment le moment de saper le fret ferroviaire public ? Comment peut-on, d’un côté, fixer les trajectoires du plan Climat et viser un objectif de report de la route vers le rail, de l’autre, accepter que Fret SNCF, l’acteur public majeur de cette transition indispensable, soit dépecé, qu’il soit démantelé ?
La Commission européenne, par sa procédure contre la France pour des aides d’État prétendument illégales à Fret SNCF, met en péril la survie même de cet acteur essentiel à la mutation des transports.
Monsieur le ministre, l’Europe réussira non pas par des procédures technocratiques ou par l’application aveugle d’une doxa libérale, mais par sa capacité à concrétiser son Green Deal et à atteindre l’objectif européen de 30 % de part modale du fret ferroviaire en 2030. La France en est encore loin, mais les choses commencent à bouger. Ne laissons pas cet élan se briser !
Entre la cause du climat et celle de la concurrence, le choix est évident ! Mais plutôt que de tenir cette ligne résolue, vous préférez, monsieur le ministre, en prendre votre parti et consentir à en finir avec Fret SNCF tel qu’il existe à l’heure actuelle, à le liquider pour lui substituer deux entités afin d’en rendre la structure assez différente pour que la direction générale de la concurrence de la Commission européenne admette une forme de « discontinuité économique », comme ils disent, et renonce ainsi à exiger le remboursement des aides.
Abandon des trains complets et de cinq cents emplois, garanties sociales et salariales en sérieux danger, ouverture du capital, cession d’une part des locomotives aux concurrents, renoncement aux appels d’offres pendant des années pour le trafic dédié…
Monsieur le ministre, comment ce scénario de découpe pourrait-il ne pas briser le rebond ferroviaire nécessaire ? Serez-vous le ministre des transports qui aura liquidé Fret SNCF ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Fernique, comme vous, je crois fermement en l’avenir du fret ferroviaire, qui représente une part essentielle de notre stratégie de planification écologique.
D’ailleurs, en déployant le plan Fret, il y a deux ans, nous avons inversé une tendance historique, celle du recul de la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises en France. Pour la première fois depuis 2015, cette part augmente de nouveau. Nous ne lâcherons pas cette ambition que nous partageons tous, me semble-t-il, dans cet hémicycle.
Pour cela, il nous faut un opérateur public de référence du fret ferroviaire et je suis déterminé à le maintenir.
Quelle est la situation, monsieur le sénateur ? Si nous voulons préparer l’avenir, il faut dire la vérité, sans facilité ni démagogie. Une procédure a été ouverte publiquement le 18 janvier dernier par la Commission européenne, après plusieurs échanges avec la France.
Je me suis occupé de ce dossier dès mon arrivée au ministère des transports il y a un peu moins d’un an. Les autorités françaises ont tout fait pour empêcher l’ouverture de cette procédure et pour contester, comme vous venez de le faire, la qualification par la Commission européenne de ces aides versées pendant quinze ans par les gouvernements successifs à Fret SNCF comme illégales.
La procédure ayant été engagée, notre choix est simple et nous devons le partager. Nous pouvons décider d’aller au bout de cette procédure – c’est une possibilité. Mais disons-le très franchement, cela impliquerait, de manière quasi certaine, la liquidation – la mort totale – de Fret SNCF, qui compte 4 800 salariés et des milliers de kilomètres de rails. Je ne veux pas de cette solution.
Aussi, en responsabilité, pour ne pas mettre en danger les femmes et les hommes du fret ferroviaire, pour conserver un groupe public du fret ferroviaire dont nous croyons qu’il a un avenir et que nous soutiendrons, nous devons trouver le plus rapidement possible un accord. Je l’assume : nous devons mettre fin à l’incertitude et éviter la mort de cet opérateur. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Comme je m’y suis engagé, nous continuerons de disposer d’un opérateur public, nous ne le privatiserons pas, il gardera l’immense majorité de ses activités et il n’y aura aucun licenciement…
M. Fabien Gay. On en reparlera !
M. Clément Beaune, ministre délégué. … ni report modal. Nous réinvestissons dans le fret ferroviaire de manière inédite et amplifions encore le plan déployé depuis 2021 pour renforcer cette ambition. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il ne fallait pas démanteler la SNCF !
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre, vous dites ne pas vouloir mettre en danger l’avenir du fret ferroviaire – vous avez parlé dans la presse de jouer à la roulette russe –, mais vous l’engagez dans un jeu risqué. Comment pouvez-vous croire qu’une telle désorganisation ne conduira pas les chargeurs et les acteurs économiques à privilégier la route et les camions ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
protection des policiers
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Dany Wattebled. Notre pays traverse une semaine noire. Hier matin, nous apprenions le décès d’une infirmière, qui a été sauvagement agressée. Dimanche matin, Paul, Manon et Steven ont succombé à un accident d’une violence inouïe dans l’exercice de leurs fonctions dans le Nord.
Ces trois policiers de moins de 25 ans étaient au début de leur carrière et avaient toute la vie devant eux. L’un d’entre eux était père de famille – il avait un enfant de onze mois – ; un autre allait le devenir.
Le ministre de l’intérieur est venu rencontrer leurs collègues lundi et les Nordistes l’en remercient. Le groupe Les Indépendants tient à rendre un vif hommage à ces trois policiers. Mes premières pensées vont à l’ensemble de ces familles meurtries et à l’adolescente qu’ils venaient de secourir.
Après la douleur et la colère viendra le temps des questions. Nous savons désormais que les deux occupants du véhicule qui a percuté celui des fonctionnaires sont connus pour usage de stupéfiants et d’alcool. Nous avons également appris que le chauffard conduisait sous l’emprise de ces substances.
Les policiers, gendarmes et pompiers – ces héros du quotidien – sont de plus en plus confrontés à des violences insupportables et intolérables lors de leurs interventions, comme de nombreux événements récents nous l’ont rappelé. À chaque drame, l’émotion est plus forte.
Ce climat d’hostilité est nourri par le silence assourdissant de certains, qui sont soucieux d’entretenir une atmosphère de défiance envers les forces de l’ordre. Pourtant, ces femmes et ces hommes sont les garants de l’ordre républicain. Ils méritent une protection et un soutien encore plus forts et, surtout, intangibles. Pour cela, il faut que la justice suive.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour épauler et accompagner les familles des victimes dans cette période ? Comment compte-t-il poursuivre son action pour soutenir nos forces de sécurité intérieure contre les multiples menaces auxquelles elles sont confrontées ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Wattebled, comme vous l’avez dit, le métier qu’exercent les policiers et les gendarmes est de plus en plus difficile eu égard aux exigences légitimes de nos concitoyens et aux risques et menaces qui pèsent sur eux. Ils ont besoin de tout notre soutien et, comme Mme la Première ministre, je me joins aux hommages qui ont été rendus à l’Assemblée nationale et au Sénat aux trois policiers qui sont décédés dimanche dans l’exercice de leurs fonctions.
Depuis le 1er janvier dernier, quelque 2 380 gendarmes et policiers ont été blessés dans l’exercice de leurs fonctions. Je pense notamment à ce policier blessé par un cocktail Molotov, lors de la manifestation du 1er mai, ainsi qu’à tous ses collègues qui ont été blessés durant les manifestations qui se sont déroulées ces dernières semaines.
Le Parlement a voté la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) – je l’en remercie –, qui a doté la police et la gendarmerie de moyens exceptionnels, non seulement humains et budgétaires, avec 15 milliards d’euros supplémentaires, mais aussi statutaires, qui permettent de valoriser les carrières.
Pour répondre à votre question, nous entendons bien évidemment poursuivre nos efforts pour mieux protéger les policiers et les gendarmes.
Nous déployons d’ores et déjà des caméras-piétons dans tous les commissariats. De même, nous avons facilité la protection fonctionnelle et créé en 2020 une cellule d’assistance aux policiers victimes de menaces ou d’agressions. Nous avons également investi dans de nouveaux équipements, notamment des casques et des gilets lourds.
De plus, nous avons créé, grâce au soutien du Parlement, le délit spécifique de violence volontaire sur agent chargé de la sécurité intérieure et renforcé les peines pour protéger les agents en bord de route. La Lopmi a également permis de créer vingt postes de psychologues pour accompagner au mieux les policiers et les gendarmes.
Le ministre de l’intérieur est très attentif à la protection des forces de sécurité intérieure et sait compter pour cela sur l’aide du Parlement. (MM. Thani Mohamed Soilihi et François Patriat applaudissent.)
certification des comptes de la sécurité sociale
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mars 2023 : la natalité a atteint son plus faible niveau mensuel depuis 1994. Année 2022 : la natalité a atteint son plus faible niveau annuel depuis 1946.
Pourquoi les Français ont-ils moins d’enfants ? Est-ce une question d’éco-anxiété ?
Plus probable : est-ce un problème de logement ? Alors que les élus locaux vous alertent sur la crise du logement depuis des mois, le Conseil national de la refondation (CNR) consacré à ce sujet, qui devait se tenir le 9 mai, a pourtant été reporté sine die.
Est-ce un manque de moyens financiers ? Sous François Hollande, le quotient familial et les allocations familiales ont diminué. Sous Emmanuel Macron, ces dernières n’ont été que faiblement revalorisées. De plus, le complément de libre choix du mode de garde (CMG) a diminué, alors que la branche famille de la sécurité sociale est excédentaire : 1,9 milliard d’euros en 2022, après 2,9 milliards en 2021.
De surcroît, des erreurs comptables à hauteur de 5,8 milliards d’euros ont été relevées. Le constat est sévère, la sentence sans appel : la Cour des comptes a refusé de valider les comptes de la branche famille pour 2022.
Est-ce lié aux difficultés à faire garder les enfants de moins de 3 ans ? Alors que les mille premiers jours avaient été érigés comme une priorité, aucune des préconisations du rapport Cyrulnik n’a trouvé une traduction législative ou réglementaire.
Un droit opposable à la garde a été annoncé pour 2027 lors de la Conférence des familles de 2022. Un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) du 11 avril dernier dénonce la baisse de la qualité d’accueil. La restitution du CNR petite enfance, prévue au mois de mars, a elle aussi été reportée sine die. La future convention d’objectifs et de gestion (COG) est toujours en discussion et ne sera donc connue des acteurs qu’avec au moins trois mois de retard.
Le constat est sombre ! Alors, monsieur le ministre, qu’allez-vous proposer au Président de la République qui semble enfin s’inquiéter des chiffres alarmants de la natalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Loïc Hervé et Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice Lavarde, vous avez abordé plusieurs sujets dans votre question.
Tout d’abord, en ce qui concerne la non-certification des comptes de 2022 de la branche famille de la sécurité sociale par la Cour des comptes, si elle doit nous amener à nous interroger sur les difficultés qui ont conduit à cette décision, elle ne remet pas en question la bonne tenue des comptes de la branche.
Mme Nathalie Goulet. On parle quand même de 5,8 milliards d’euros d’erreurs !
M. Jean-Christophe Combe, ministre. La Cour dénonce plusieurs problèmes en matière de contrôle interne de la branche et nous devrons veiller à y remédier. Pour ce faire, nous travaillerons sur la sécurisation du système, notamment au moyen du projet de solidarité à la source dont l’objet est d’améliorer et de simplifier le versement des prestations sociales et de lutter contre le non-recours, la fraude et les indus.
Ensuite, vous vous interrogez sur la natalité dans notre pays. Comme vous le savez, notre taux de natalité, actuellement proche de 1,8 enfant par femme, est en forte baisse et ne permet pas le renouvellement des générations. Cela doit tous nous inquiéter, car plusieurs problèmes se posent, à commencer par les tensions extrêmement fortes que cela fait peser sur notre système de protection sociale.
Mon rôle, en tant que ministre en charge des familles et de la petite enfance, est de répondre à l’envie des familles d’avoir des enfants – ce désir d’enfant est d’environ 2,4 enfants par femme.
M. Bruno Retailleau. Et que faites-vous ?
M. Jean-Christophe Combe, ministre. Pour notre part, nous pensons que, pour y répondre, nous devons, avant d’envisager d’augmenter les allocations familiales, améliorer les services aux familles.
Comme vous l’avez dit, madame la sénatrice, l’une des premières préoccupations des familles est de savoir comment elles vont faire garder leur enfant. Il manquerait environ 200 000 places d’accueil du jeune enfant. Le Président de la République s’est engagé à mettre en place un service public de la petite enfance et la Première ministre fera des annonces dans les jours qui viennent (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains) à ce sujet. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Vous n’avez absolument rien proposé !
En ce qui nous concerne, des idées, nous en avons : prendre en compte la taille des logements familiaux dans les critères de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU ; supprimer la modulation des allocations familiales ; supprimer la tarification horaire de la prestation de service unique (PSU), qui est complexe et engendre nombre de fraudes ; donner un véritable pouvoir de sanction aux services de protection maternelle et infantile (PMI) ; etc.
Monsieur le ministre, à chaque enfant qui naît, le monde recommence. Une politique familiale ambitieuse est la meilleure réforme des retraites. Vous disposez de 6 milliards d’euros pour financer cette politique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
rave-party dans l’indre (i)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Je souhaite évoquer un grave sujet de fond, mais permettez-moi de le faire par le biais d’une rhétorique un peu inhabituelle : celle d’une charade, intitulée « Je fais ce que je veux, quand je veux, comme je veux et où je veux ! ».
Mon premier est une manifestation dite musicale, interdite par deux arrêtés préfectoraux.
Mon deuxième a réuni, malgré l’État de droit dans lequel nous vivons, plus de 30 000 personnes dans un petit village de l’Indre qui a subitement vu sa population multipliée par deux cent soixante-treize pour devenir, le temps d’un long week-end, la capitale de la rave-party.
Mon troisième, malgré la mobilisation de trois cent vingt gendarmes, s’est soldé par plus de cinq cents prises en charge par les services de secours, dont trente évacuations de personnes en urgence absolue.
Mon quatrième a produit quinze tonnes de déchets sur un terrain privé dont le propriétaire a vu converger en quelques heures, sans en être averti, une marée humaine de teufeurs.
Mon tout apporte de l’eau au moulin de ceux qui s’inquiètent du délitement de l’autorité de l’État.
Cet épisode du Teknival est loin d’être isolé. D’autres départements, y compris le mien, ont dû subir cette dictature de l’urgence et de la masse.
Si je sais bien, comme le rappelait Machiavel, que « le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal », j’ai toutefois deux questions à poser au Gouvernement au sujet de cet épisode affligeant.
La première est peut-être naïve, mais comment se fait-il que tout le monde ait été au courant de ce rassemblement, sauf ceux qui devaient l’être ?
La seconde est d’ordre pragmatique : pour dissuader ce genre d’événements illégaux et dangereux – sans parler de la consommation de drogue et d’alcool –, ne faut-il pas durcir les sanctions contre les organisateurs qui individuellement, à l’heure actuelle, ne risquent rien, si ce n’est 1 500 euros d’amende ?
Ces images de tant de désinvolture ont une résonance terrible dans l’opinion publique ! Au reste, je pense que le ministre de l’intérieur le sait fort bien. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Demilly, vous nous interrogez sur le rassemblement festif musical du 17 mai, baptisé Teknival Frenchtech 2023. Comme vous l’avez dit, il n’a pas été déclaré et aucune demande d’autorisation n’a été faite.
Pour répondre à votre première question, les renseignements territoriaux avaient bien identifié l’organisation en cours d’une manifestation de ce type dans le centre de la France. Mais, comme vous le savez, le lieu exact n’a été défini que quelques heures avant le rassemblement.
Ainsi, en quelques heures, près de vingt-cinq mille personnes se sont réunies sur le site. Cet événement a été organisé dans l’urgence, alors que les conditions ne s’y prêtaient absolument pas, ni d’un point de vue sanitaire ni d’un point de vue sécuritaire.
Je remercie les services de l’État, qui se sont rendus disponibles et ont été extrêmement efficaces pour accompagner cette manifestation. Sous l’autorité du préfet et en urgence, les moyens de l’État ont été mobilisés. Les services du conseil départemental, en particulier les sapeurs-pompiers, et les associations de sécurité civile l’ont été également.
Le préfet a coordonné, avec succès, un dispositif opérationnel pour garantir l’ordre public et éviter la circulation de festivaliers quittant le rassemblement sous l’emprise de l’alcool. Nous avons renforcé les moyens de manière significative : vous avez évoqué le chiffre de trois cent vingt gendarmes, monsieur le sénateur, mais ce sont en réalité quatre cent trente-quatre gendarmes qui ont été mobilisés sur l’opération pour empêcher tout trouble majeur à l’ordre public.
Nous pouvons tous ensemble saluer le bilan de l’opération : 30 200 personnes et 13 300 voitures ont été contrôlées ; cent cinquante-cinq personnes ont été verbalisées pour conduite en état d’ébriété et trente-deux pour usage de stupéfiants ; 300 grammes de résine de cannabis, 1 kilo d’herbe de cannabis et 40 grammes de cocaïne ont été saisis. Nous avons également saisi les groupes électrogènes.
La plupart des organisateurs ont été identifiés. Des procédures sont en cours et ils seront bien évidemment sanctionnés. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
grève des salariés de vertbaudet
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)
Mme Michelle Gréaume. Voilà plus de soixante jours que des salariés de Vertbaudet, dans le Nord, sont en grève. Pour rappel, les employés de cette usine sont majoritairement des femmes.
L’entreprise Vertbaudet est l’une des cinquante-neuf entités détenues par le fonds d’investissement européen Equistone. L’examen du bilan financier de l’entreprise est édifiant : entre 2018 et 2021, sa marge nette est passée de –0,7 % à +3,6 % et sa valeur ajoutée de 49,7 millions d’euros à 56,6 millions ; sur la même période, la part des salaires sur le chiffre d’affaires est passée de 15,6 % à 12,1 %.
L’unique revendication de ces employés est une augmentation de salaire de 150 euros et tous les chiffres montrent que cette revendication est légitime. Ces travailleurs sont rattrapés par l’inflation et leurs fins de mois sont difficiles.
Depuis deux mois, aucun dialogue ne se tient avec la direction, des propos sexistes sont proférés et les salariés subissent interventions des forces de police, intimidations, menaces de licenciement… Tout y passe !
Ils sont déterminés et leur lutte devient emblématique. Les salaires dans l’entreprise varient de 1 300 euros à 1500 euros mensuels, quelle que soit l’ancienneté, alors que le dirigeant perçoit une rémunération de 60 000 euros par mois.
Cette grève met en lumière une question centrale : comment faire ses choix de vie sans un salaire digne ? Comment être véritablement libre sans indépendance économique ?
La solidarité et le soutien de l’ensemble du monde du travail s’expriment, y compris financièrement, et cette lutte est en quelque sorte devenue, par procuration, celle de tous les salariés du pays.
Le Gouvernement prétend appeler au partage de la valeur ; le cas de Vertbaudet n’offre-t-il pas une belle occasion de mettre ce principe en application ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Gréaume, vous évoquez le conflit social qui a lieu en ce moment au sein de l’entreprise Vertbaudet, en particulier dans l’établissement situé dans votre département.
Ce conflit est bien connu des services de mon ministère et de mon cabinet. Il a été ouvert autour du 20 mars et un accord majoritaire, sur lequel vous êtes libre de porter une appréciation, a été signé par deux organisations syndicales, Force ouvrière (FO) et la CFE-CGC, qui ont recueilli 63 % des suffrages exprimés dans l’entreprise lors des dernières élections professionnelles.
La CGT n’a pas souhaité signer cet accord, a laissé le mouvement se poursuivre et a même encouragé sa poursuite.
M. Fabien Gay. Elle a raison !
M. Olivier Dussopt, ministre. Dès le 9 avril, les services de la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités ont engagé une médiation, qui s’est traduite par une première décision de l’entreprise, en l’occurrence le recrutement de trente personnes en intérim, dont la mission a été transformée en contrat de travail à durée indéterminée le 1er mai dernier.
M. Éric Bocquet. Et les salaires ?
M. Olivier Dussopt, ministre. L’accord qui a été conclu à la fin du mois de mars prévoit une augmentation de la rémunération, non par une voie salariale, c’est vrai, mais par la mise en œuvre de primes et d’autres modalités de rémunération.
M. Pascal Savoldelli. Et ils vont travailler jusqu’à 64 ans !
M. Olivier Dussopt, ministre. Depuis, un certain nombre de contacts ont été pris. Mon cabinet a notamment rendu possibles un échange et un rapprochement entre le cabinet de la secrétaire générale de la CGT, Mme Binet, et la direction générale de l’entreprise. Une réunion s’est de nouveau tenue lundi dernier – il y a donc deux jours – avec des propositions nouvelles de la direction que la CGT a de nouveau refusées.
À l’heure où nous parlons, environ soixante-dix salariés sur les trois cent quarante que compte le site sont toujours en grève. D’autres réunions sont prévues. Je souhaite évidemment que le dialogue social permette qu’elles aboutissent, dans le respect tant des prérogatives de chacun que de l’accord majoritaire qui a été signé voilà maintenant quelques semaines.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué l’intervention de la police pour retirer les piquets de grève. Celle-ci, qui a eu lieu à la demande du préfet de région, a été décidée en application d’une ordonnance rendue par le tribunal saisi par l’entreprise plusieurs semaines auparavant. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Éliane Assassi s’exclame.)
fret ferroviaire
M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Michel Dagbert. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, et porte sur le fret ferroviaire. Comme quoi, dans cet hémicycle, on peut poser deux fois la même question, mais sous un prisme différent… (Exclamations amusées sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes GEST et CRCE.)
Subissant la forte concurrence de la route, la part du rail dans le transport de marchandises n’a cessé de diminuer au cours des dernières décennies. Elle a ainsi été divisée par deux entre 2006 et 2019, pour passer de 20 % à 10 %. C’est un fait !
Les avantages du fret ferroviaire sont pourtant indéniables, faisant de celui-ci un formidable outil de décarbonation des activités économiques. Ainsi, un train de marchandises équivaut à quarante camions, il réalise près de dix fois moins d’émissions de CO2 et consomme six fois moins d’énergie à la tonne transportée que le mode routier. Là aussi, c’est un fait.
Le Conseil d’orientation des infrastructures, dans ses différents rapports, a d’ailleurs souligné l’importance qu’il y avait à le développer.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le Gouvernement a affiché à plusieurs reprises sa volonté de soutenir le transport de marchandises par le rail. L’objectif d’un doublement de la part modale du fret d’ici à 2030 a été inscrit dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience. De plus, une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire comportant soixante-douze mesures a été présentée et 170 millions d’euros d’aides supplémentaires par an ont été alloués. Ce soutien additionnel sera prolongé jusqu’en 2027.
Dans ce contexte, les difficultés rencontrées par la filiale fret de la SNCF inquiètent. En effet, la Commission européenne a ouvert au mois de janvier dernier une procédure.
Monsieur le ministre, je sais l’investissement qui est le vôtre. Pouvez-vous nous rappeler les mesures que vous avez annoncées hier… (Exclamations amusées sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Jean-François Husson. Ah oui ?
M. Michel Dagbert. … et nous indiquer le calendrier de mise en œuvre du dispositif visant à faire perdurer Fret SNCF et à rassurer ses salariés ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Dagbert, je le redis : nous vivons une situation difficile au regard de la procédure engagée par la Commission européenne. De la même façon, je le réaffirme, parce que le sujet est d’une grande gravité : je ne ferai pas le choix de la facilité qui consisterait à passer le dossier au ministre suivant et à verser dans quelques mois ou années des larmes de crocodile sur cette entreprise que l’on aurait laissé mourir par démagogie. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Je réglerai donc cette situation aujourd’hui – d’ici à la fin de l’année, pour répondre très précisément à votre question. Je le ferai par un accord exigeant, avec des lignes rouges très précises : la préservation intégrale de l’emploi – évidemment, aucun licenciement – et la préservation dans un opérateur public ferroviaire, dont l’avenir sera viable, de plus de 90 % des effectifs actuels.
Il va de soi qu’il faut un capital public au sein d’un groupe ferroviaire, la SNCF. En d’autres termes, aucune privatisation, mais aucun report modal non plus, car, monsieur le sénateur, vous avez rappelé les avantages du fret ferroviaire et nous en sommes convaincus : un train de fret, c’est l’équivalent de quarante camions, soit dix fois moins d’émissions de gaz à effet de serre.
C’est ce gouvernement qui a redressé la part du fret ferroviaire en France. Nous continuerons dans cette voie.
Je ne propose pas une solution du moindre mal ou un avenir au rabais. Je propose au contraire un avenir sérieux et positif pour le fret ferroviaire public et privé en France. Nous aurons en effet besoin de beaucoup d’opérateurs pour développer ce mode de transport.
C’est la raison pour laquelle, sous l’autorité de la Première ministre, nous avons décidé d’amplifier et d’accélérer le plan pour le fret que nous avions annoncé. Ainsi, 200 millions d’euros seront alloués dès la fin de l’année prochaine pour les aides au wagon isolé et à l’exploitation destinées aux opérateurs de fret ferroviaire, notamment l’opérateur public. Il s’agit là d’une visibilité donnée jusqu’en 2030 pour garantir les investissements et le redressement de la part du fret ferroviaire en France.
Dans les contrats de plan État-région, 2 milliards d’euros seront mobilisés pour l’investissement dans nos gares de triage et lignes de fret, soit quatre fois plus que dans les précédents contrats de plan. Un tel effort n’a jamais été accompli dans notre pays et nous le prolongerons de 2 milliards d’euros supplémentaires jusqu’au début de la prochaine décennie.
Il s’agit donc d’un effort dans la durée, d’un effort sérieux. Je ne veux pas que l’on vive dans l’incertitude. Je veux que l’on prépare l’avenir avec les salariés du fret ferroviaire public français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
partage de la valeur : situation de l’usine vertbaudet
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Martine Filleul. Je souhaite à mon tour rendre hommage aux trois policiers de Roubaix décédés dans l’exercice de leurs fonctions. J’ai une pensée pour leurs familles, leurs proches, à laquelle, je le sais, s’associe l’ensemble de cet hémicycle.
Depuis deux mois, soixante-douze salariés de l’usine Vertbaudet demandent à vivre dignement du fruit de leur travail. Pour beaucoup, ce sont des femmes en grève pour la première fois de leur vie. (Mme Michelle Gréaume acquiesce.)
Face au refus catégorique de la direction d’augmenter les salaires, un compromis dans la douleur a été trouvé : 0 % d’augmentation salariale, mais des primes désocialisées. Le délégué CFTC le dit très clairement : « C’était cela ou rien. Le 0 %, on l’a très mal vécu. »
Gréviste ou non, personne ne trouve normal qu’après « 20 ans de boîte » les salaires plafonnent au Smic au moment où tout augmente. Je partage l’inquiétude de ces femmes salariées, grandes perdantes de la réforme des retraites (Mme la Première ministre exprime son désaccord.), de ne pas voir leurs pensions abondées par ces primes.
Face à un blocage d’ordre social, la réponse ne peut pas être l’intimidation et la violence. Toutefois, Vertbaudet n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Monsieur le ministre, durant la période du covid-19, vous nous expliquiez la main sur le cœur qu’il y aurait un avant et un après pour les travailleurs de première ligne. Allez-vous continuer à adresser des vœux pieux au patronat à coup de « demandes » ou bien allez-vous enfin endosser le rôle d’un État qui met réellement en pratique le partage juste de la valeur en se plaçant aux côtés des travailleurs ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Filleul, je compléterai les propos que j’ai tenus lors de ma réponse à la question de Mme la sénatrice Gréaume, en évoquant deux points.
Premier point, vous avez parlé d’intimidation et de violence. Je suppose que vous faites référence à l’agression qu’a subie l’un des délégués CGT de l’entreprise en question. Ce délégué a été reçu par les représentants de la préfecture et, comme vous l’imaginez, il lui a été vivement conseillé de déposer plainte. À l’heure où je m’exprime devant vous et à ma connaissance, cela n’a pas été fait. Les responsables de la préfecture se sont même heurtés à un refus de dépôt de plainte.
Second point, madame la sénatrice, vous avez évoqué l’accord intervenu à la fin du mois de mars dernier. Je vous confirme, mais vous en connaissez la teneur, que cet accord prévoit une prime à hauteur de 650 euros – de mémoire –, ainsi qu’un certain nombre de dispositions relatives à la rémunération, sans que soit prévue d’évolution salariale particulière.
Vous dites que l’État doit jouer son rôle. Nous le faisons, dans le respect des prérogatives des acteurs du dialogue social, par le biais d’une médiation. Comme je l’ai indiqué en réponse à Mme Gréaume, la réunion qui s’est tenue avant-hier dans le cadre de cette médiation n’a pas débouché sur un accord.
À l’heure où nous parlons, soixante-douze des presque trois cent cinquante salariés de Vertbaudet maintiennent leur mouvement de grève. Une réunion doit se tenir en toute fin de semaine. Je pense qu’un certain nombre de propositions seront formulées ; j’espère qu’elles seront de nature à avancer vers la résolution de ce conflit.
Alors que nous sommes face à une situation particulière, et je crois que vous entendrez cet argument, vous nous demandez d’intervenir pour décider à la place de celles et de ceux qui sont chargés du dialogue social, à savoir l’employeur et les organisations syndicales. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
Une décision a été prise. Vous pouvez porter une appréciation négative sur l’accord intervenu à la fin du mois de mars. Reste que cet accord est, à juste titre, considéré comme majoritaire, puisqu’il a été signé par des organisations syndicales représentant 63 % des salariés concernés (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse qui ne me satisfait que partiellement.
Au-delà de l’exemple de Vertbaudet, la question qui se pose est d’envergure nationale : c’est celle de la politique salariale. Les Français veulent pouvoir vivre dignement de leur travail et je regrette que votre gouvernement ne soit pas au rendez-vous de leur attente. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
situation de l’immigration
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Henri Leroy. Madame la Première ministre, en 2022, près de 500 000 migrants légaux sont entrés en France, établissant un record absolu. À cela, il faut ajouter les immigrés illégaux : plus de 300 000 selon les estimations de Frontex. L’échec du Gouvernement à contrôler l’immigration est patent.
Le coût économique de cette immigration est un sujet que l’on ne peut plus éluder : l’aide médicale de l’État continue de progresser cette année – +12 % ! – pour atteindre 1,2 milliard d’euros. (Mme Monique Lubin s’exclame.) L’accueil des immigrés pèse de plus en plus sur nos finances publiques.
Le coût social de l’immigration est de moins en moins acceptable : la loi n’est pas respectée, les obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne sont pas exécutées, le communautarisme et la violence gangrènent notre société, touchant bien souvent les Français les plus modestes.
Des solutions existent pour reprendre le contrôle de l’immigration. Certains pays, comme le Danemark, nous démontrent qu’il n’y a pas de fatalité. Encore faut-il en avoir la volonté !
L’excellent rapport d’information de notre collègue François-Noël Buffet sur la question migratoire nous montre d’ailleurs la voie en la matière. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
Des propositions concrètes ont été avancées par Les Républicains et deux propositions de loi, dont une proposition de loi constitutionnelle, offrent de nouvelles perspectives.
Madame la Première ministre, la France va mal et vous regardez ailleurs. Vous préférez temporiser en adoptant une approche du « en même temps » chère au Président de la République.
Madame la Première ministre, ma question est simple : quand allez-vous ouvrir les yeux sur le drame qui se joue devant vous et vous emparer sérieusement de ce sujet ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Mickaël Vallet. Pas un mot sur les centaines de morts en Méditerranée !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Leroy, comme vous, nous sommes évidemment préoccupés par les questions migratoires, qui se posent partout en Europe. Ainsi, le nombre des demandeurs d’asile a augmenté de près de 60 % en Europe en 2022. Vous le savez bien, tous les pays, quels que soient le régime politique et les choix qu’ils ont faits en matière migratoire, rencontrent les mêmes difficultés.
Même si ce n’était pas votre question, je vous fais remarquer que, contrairement à ce qui se passe chez nos voisins européens, il y a moins de demandes d’asile aujourd’hui qu’il n’y en a eu durant les trois dernières années. Par ailleurs, nous avons augmenté l’exécution des OQTF et des laissez-passer consulaires de plus de 20 % depuis le 1er janvier.
Monsieur le sénateur, vous évoquez des propositions. Nous serons évidemment heureux de les entendre.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est déjà pas mal !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous n’avons pas encore vu les deux textes proposés par le groupe Les Républicains, mais nous avons compris qu’ils ne faisaient pas totalement consensus au sein de la majorité sénatoriale, puisque les membres du groupe Union Centriste s’apprêtent eux-mêmes à déposer des textes. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)
Nous sommes tout à fait prêts à discuter avec l’ensemble de l’échiquier politique, singulièrement avec la majorité sénatoriale, et je vous rappelle que nous avons déposé un texte que vous avez déjà étudié en commission.
Certaines des propositions émanant du groupe Les Républicains que nous avons lues ce week-end dans la presse sont tout à fait concordantes avec les nôtres. Je pense au rétablissement de la double peine pour les étrangers délinquants, à l’intégration obligatoire par l’apprentissage du français ou encore à la simplification du droit – c’était l’un des points abordés dans le rapport d’information de François-Noël Buffet.
Nous avons donc beaucoup de convergences. Reste qu’il existe également des divergences, y compris des divergences de principe, dont il nous faudra sans doute débattre.
Ainsi, vous proposez, pour certaines dispositions, de sortir de la Convention de Genève de 1951, de sortir des traités de l’Union européenne, de sortir du Conseil de l’Europe, de sortir de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
M. Bruno Retailleau. C’est faux !
M. Jean-François Husson. Oui, c’est faux !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est tout à fait vrai !
Un tel Frexit migratoire est évidemment une question importante. Il faut que nous puissions discuter des propositions constitutionnelles, mais vous reconnaîtrez que nous examinerons ici un projet de loi ordinaire.
J’en profite pour dire que, à la demande de la Première ministre, j’ai entrepris des discussions avec le groupe Les Républicains du Sénat et avec le groupe Union Centriste – je le ferai bien évidemment avec tous les autres groupes qui le souhaiteront – pour être à même de discuter de ce texte à l’automne prochain, arrêter d’en parler et commencer d’être concret, comme vous l’a proposé le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy, pour la réplique.
M. Henri Leroy. Monsieur le ministre de l’intérieur, nous savons que vous êtes un homme d’écoute et que vous nous entendrez, mais ma question s’adressait à Mme la Première ministre… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sept Français sur dix dénoncent le trop-plein d’immigrés en France. Ces Français rencontrent des difficultés pour se soigner, pour s’alimenter, pour vivre décemment, alors qu’un climat d’insécurité s’est installé et que la violence devient quotidienne.
M. David Assouline. Quel est le rapport ?
M. Henri Leroy. Madame la Première ministre, donnez-leur un peu d’espoir et agissez ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. David Assouline s’exclame.)
financement de la transition écologique
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Angèle Préville. « Ce seront les divers responsables de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera, et qui après l’abondance géreront la pénurie et la survie. » Voilà ce que prophétisait le penseur Bernard Charbonneau il y a quarante ans.
Une augmentation de 4 degrés Celsius, c’est la catastrophe assurée, sans aucune adaptation possible : tout le littoral français sous l’eau, des vagues de chaleur bien supérieure aux 40 degrés Celsius auxquelles tout le monde ne pourra pas survivre, des sécheresses sévères, des pénuries d’eau, des pertes de récoltes.
Notre modèle est en cause. Le perpétuer, alors qu’il se heurte à ses limites, relève d’un déni impardonnable. Notre lutte contre la crise climatique doit s’intensifier, car elle va entraîner des dommages colossaux. Qui n’en est pas conscient ?
Votre mantra « pas d’impôt, pas de taxe » nous mène dans l’impasse.
Nous devons « faire en dix ans ce que nous avons eu de la peine à faire en trente ans », indique dans son rapport Jean Pisani-Ferry, qui n’est pourtant pas un dangereux éco-terroriste (Sourires.) et qui propose, entre autres solutions, de lever un impôt sur les 10 % les plus aisés pour financer la transition écologique. À vrai dire, il n’y a rien d’extravagant à imaginer que ceux-ci contribuent à cet effort à hauteur de leurs moyens.
En effet, changer sa chaudière et acquérir une voiture électrique n’est pas à la portée de tous les Français. Pourtant, la réduction subséquente en gaz à effet de serre, donc l’habitabilité de la planète, profitera à tous.
Une répartition équitable non seulement est la moindre des choses, mais relève d’une justice sociale absolument indispensable pour emporter l’adhésion et l’acceptation de tous. Nous n’avons cessé depuis 2017 de vous proposer des mesures fortes, comme l’instauration d’un impôt climatique de solidarité sur la fortune – en pure perte.
Comment envisagez-vous les financements nécessaires au changement radical qui s’impose à nous ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Préville, le rapport Pisani-Ferry, commandé par le Gouvernement, aborde de nombreux sujets. Sur les cent cinquante-six pages qu’il compte, je note que vous vous concentrez sur les trois qui concernent la fiscalité. Vous auriez pu souligner qu’il insiste sur la cohérence de la stratégie de planification défendue par la Première ministre.
M. Jérôme Durain. Sans moyens !
M. Christophe Béchu, ministre. La phrase du rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz soulignant qu’il nous fallait faire en dix ans ce que nous n’avions pas fait en trente ans est en fait une citation d’Élisabeth Borne qui date du mois d’octobre dernier au moment du lancement du Conseil national de la refondation (CNR) sur le climat et la biodiversité. (M. François Patriat applaudit. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. David Assouline. Quel bon élève ! (Sourires.)
M. Christophe Béchu, ministre. Je tiens à rappeler une ou deux choses simples.
Dans ce domaine, chacun serait bien inspiré d’insister sur la hauteur de la marche et sur le chemin qu’il nous reste à parcourir, plutôt que de donner le sentiment que certains avaient la solution. En effet, depuis qu’il n’y a plus d’écologistes au gouvernement, le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre a doublé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
Une partie de ceux qui, par le passé, étaient les plus activistes et les plus radicaux et qui nous incitaient à l’époque à sortir du nucléaire,…
M. Stéphane Piednoir. Le président Macron !
M. Christophe Béchu, ministre. … seraient, si les gouvernements successifs les avaient écoutés, responsables d’une hausse des émissions qui nous aurait considérablement éloignés de là où nous en sommes aujourd’hui en termes d’empreinte.
Dans ce domaine, il y a à la fois un plan et une double stratégie : l’atténuation – nous avons évoqué cette question lundi – et l’adaptation.
M. Jean-François Husson. Cela fait dix ans qu’on le dit !
M. Christophe Béchu, ministre. L’adaptation est nécessaire, ce n’est ni un déni ni un renoncement, mais une manière de constater ensemble que la trajectoire n’est pas à la bonne maille.
La question du financement ne peut pas être taboue et M. Pisani-Ferry l’aborde de telle sorte que plusieurs pistes sont possibles.
Il faut d’abord faire en sorte de réorienter les dépenses. Nous sommes parmi les champions du monde en termes de prélèvements obligatoires. L’écologie ne doit pas être le prétexte pour augmenter les impôts. (M. Michel Dagbert applaudit. – M. Jérôme Durain s’exclame.)
Il faut ensuite réorienter la fiscalité, mais en aucun cas se servir de ce prétexte pour tendre vers une forme d’écologie qui écarterait une partie de nos concitoyens, alors que, compte tenu de l’ampleur du défi, on a besoin de tout le monde pour réussir. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Monsieur le ministre, on ne peut pas se satisfaire de la situation, quel que soit ce qui a été engagé.
S’il est vrai que des mesures ont été engagées, nous avons des inquiétudes, par exemple sur les condamnations récurrentes de l’État pour inaction climatique ou non-respect de la qualité de l’air, sur des déclarations évoquant une pause réglementaire ou encore sur les régressions environnementales introduites dans certains textes.
Je partage vos propos, monsieur le ministre, sauf sur un point :…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Angèle Préville. … la solution doit prendre en compte la justice sociale, qui seule assurera l’acceptabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
rave-party dans l’indre (ii)
M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nadine Bellurot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
La commune de Villegongis, dans l’Indre, 120 habitants, a dû accueillir 30 000 teufeurs (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) à l’occasion du trentième Teknival.
Il est compréhensible que les jeunes se retrouvent pour écouter de la musique, mais il est inacceptable de le faire en violation du droit de propriété, en contradiction avec un arrêté préfectoral, en l’absence d’organisateurs identifiables, tout simplement en l’absence d’organisation !
C’est donc la collectivité dans son ensemble qui a organisé la sécurité physique et sanitaire des festivaliers et de la population.
Je veux saluer et remercier les sapeurs-pompiers de l’Indre, les associations de protection civile, les gendarmes, les équipes du service d’aide médicale urgente (Samu), le personnel de santé et les services de l’État et des collectivités, de leur mobilisation vingt-quatre heures sur vingt-quatre durant cinq jours.
Tout cela a un coût et c’est le contribuable qui paiera, même si – et c’est heureux – des confiscations ont eu lieu.
Au-delà de l’aspect financier, il est urgent de réinstaurer un cadre juridique ferme qui permette d’anticiper et de responsabiliser les festivaliers, comme cela était le cas avant 2016. L’illégalité entretient la clandestinité ; or les festivals continueront – ils existent depuis trente ans !
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre fin à l’impuissance de l’État face à ces situations ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice Bellurot, je vous remercie de vos propos sur les services publics, qu’ils relèvent de l’État ou des collectivités locales. Vos propos concernaient également, j’en suis sûr, les gendarmes, ainsi que le préfet qui était particulièrement mobilisé – je l’ai eu de très nombreuses fois au téléphone – et ses équipes.
Vous avez parfaitement raison, il y a eu violation du droit de propriété par plus de 30 000 personnes à l’occasion d’un rassemblement qui n’était pas déclaré. Dès que nous avons eu l’information, soit quelques heures avant que les festivaliers ne se rejoignent sur le site, un arrêté a été pris par M. le préfet. Je tiens évidemment à saluer l’engagement des élus municipaux malgré les difficultés que vous avez citées et les nuisances extrêmement fortes.
Pour autant, madame la sénatrice, comme il s’agissait d’un rassemblement de 30 000 personnes, dont beaucoup étaient très jeunes – la plupart avaient entre 15 ans et 30 ans –, j’ai pris la responsabilité de ne pas demander l’évacuation par la force afin d’éviter des drames. La protection de la jeunesse passait avant les nuisances, même si celles-ci étaient évidemment inacceptables.
En revanche, nous avons décidé de contrôler l’intégralité des personnes, ce qui représente plus de 30 000 contrôles, et 13 363 véhicules ont été inspectés. Cela a donné lieu à un millier de verbalisations ou d’interpellations pour consommation de stupéfiants ou conduite en état d’ébriété. De très nombreuses sortes de drogue ont été saisies.
Je souligne également que le préfet s’est appuyé sur l’article 40 du code de procédure pénale pour que des poursuites soient engagées et que l’on sache qui est responsable de cette situation et qui a organisé cette fête. Madame la sénatrice, vous comme moi, nous pensons qu’il y a beaucoup d’argent derrière tout cela…
Il est vrai que le droit actuel ne nous permet pas de poursuivre les organisateurs qui ne se déclarent pas. Il nous faut sans doute y travailler avec le Sénat, comme nous le faisons sur d’autres sujets, par exemple en ce qui concerne les gens qui s’installent illégalement sur des aires d’accueil. Le Sénat a formulé des propositions, le Gouvernement, en particulier le ministère de l’intérieur et le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, les examinera avec intérêt. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Tout s’est finalement bien passé !
M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot, pour la réplique.
Mme Nadine Bellurot. Monsieur le ministre, vous vous dites prêt au dialogue pour travailler sur cette question.
Je le redis : il faut prévoir des terrains adaptés à de tels rassemblements. Gouverner, c’est prévoir. Il ne faut pas que nous soyons de nouveau mis devant le fait accompli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
rapport de la cour des comptes préconisant la diminution du cheptel bovin
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nadia Sollogoub. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
La Cour des comptes a rendu lundi un rapport sur l’avenir de l’élevage bovin qui a causé sur toutes les travées de cet hémicycle de vives réactions. J’associe d’ailleurs à mon émotion Nathalie Goulet, Anne-Catherine Loisier et tous ceux qui sont élus dans des terres d’élevage bovin, c’est-à-dire nombre de mes collègues.
Monsieur le ministre, Laurent Duplomb vous a interpellé sur ce sujet hier et vous lui avez répondu que vous feriez fermement le choix de la souveraineté nationale en la matière.
Toutefois, le rapport en question préconise clairement de manger et de produire moins de viande et d’être ainsi à l’équilibre. De fait, de cette manière, on assurerait notre souveraineté…
Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer que vous voulez davantage pour l’élevage bovin, qu’il faut que cette filière d’excellence reste exportatrice et conserve des capacités de production supérieures à notre autosuffisance ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, votre question fait écho à un rapport de la Cour des comptes et à plusieurs questions qui m’ont été posées.
D’abord, j’invite chacun d’entre vous à lire la totalité du rapport de la Cour des comptes, sans vous limiter à la page 9 et à ses deux recommandations. Il faut rendre justice au travail qui a été accompli.
Ensuite, il est normal qu’un débat puisse avoir lieu, y compris avec la Cour des comptes, sur les équilibres à trouver. Au fond, la Cour des comptes propose la décroissance, c’est-à-dire une décapitalisation, pour répondre à des objectifs carbone que nous avons par ailleurs l’obligation de tenir.
Loin de moi l’idée de dire que l’élevage ne doit pas prendre sa part des efforts qu’il faut consentir en termes de décarbonation. D’ailleurs, les éleveurs se sont lancés dans cette voie. Ainsi, des travaux de recherche et d’innovation portant par exemple sur l’alimentation sont en cours pour tenir cette trajectoire.
Loin de moi aussi l’idée de dire qu’il ne faut pas tenir compte des évolutions de consommation depuis vingt ou trente ans. On sait que la consommation connaît une baisse structurelle et qu’il existe un report de la viande rouge vers la viande blanche. Il faut examiner cette tendance avec lucidité.
En revanche, ce qui est choquant, c’est de proposer comme seule perspective à un éleveur de ne plus être éleveur ! Or c’est bien l’objet de l’une des recommandations.
Mme Françoise Gatel. Eh oui !
M. Marc Fesneau, ministre. Voilà qui ne me semble pas acceptable. Ce n’est pas acceptable non seulement humainement, mais aussi au regard de certains territoires, en particulier ceux sur lesquels se trouvent les bovins allaitants, où il n’y a pas d’autre solution que de faire de l’élevage.
D’ailleurs, dans son rapport que je vous invite de nouveau à consulter, la Cour des comptes insiste sur la façon de mieux prendre en compte les autres services que rend l’élevage, en plus de celui, primordial, qui consiste à nous alimenter.
Nous devons réfléchir non seulement à la quantité de viande qu’il nous faut produire en France pour répondre aux besoins de consommation, mais aussi aux aménités qu’apporte l’élevage : les haies, le maintien des paysages ouverts, la lutte contre les incendies de forêt, le maintien des prairies, la préservation de la biodiversité… Tout cela a de la valeur et il faut en tenir compte dans les soutiens financiers qui sont apportés à l’élevage.
Ne caricaturons pas les positions des uns et des autres. Nous avons besoin d’avoir une trajectoire carbone à l’échelon national, mais nous avons aussi besoin de respecter les éleveurs dans leur travail et dans les différentes aménités que leurs élevages apportent à la société française tout entière. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, je savais déjà, mais vous me le prouvez une nouvelle fois, que vous connaissez le monde de l’élevage. Monsieur le président du Sénat le connaît très bien également et moi un petit peu. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
On avait un peu l’impression que des experts s’étaient rendus dans une prairie pour mesurer le méthane émis… Vous qui vous y connaissez, vous savez qu’une vache qui pète au Brésil ou au Canada a exactement le même effet sur la planète que si elle le fait en France ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.) Blague à part, monsieur le ministre, vous avez compris mon propos.
Si les politiques publiques et les experts de la Cour des comptes doivent maintenant tenir compte du bilan carbone dans les évaluations des politiques publiques, il va falloir cesser de soutenir le pouvoir d’achat des ménagères qui mettent dans leurs caddies des bananes ou du café, qui sont autant de produits au bilan carbone déplorable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
production de cidre
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. « Mangez des pommes ! » (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce slogan sympathique est bien connu.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Pascal Allizard. De la pomme, il se trouve que l’on peut aussi en boire. Vous l’aurez compris, j’évoquerai l’avenir du cidre français. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
L’activité cidricole crée de nombreux emplois et représente une filière économique importante dans certains territoires ruraux. C’est notamment le cas en Normandie, mais aussi dans d’autres régions françaises.
Les cidres français sont des productions de qualité, souvent valorisées sous label. Ils sont fabriqués à partir de 100 % de jus de pomme ou de moût concentré de pommes fraîches.
D’autres États européens produisent eux aussi une boisson également appelée cidre, dont la teneur en jus de pommes est bien plus faible, de l’ordre de 5 %, 10 % ou 25 %. Elle contient en plus de l’eau et du sucre en quantité, voire des exhausteurs de goût.
M. Mickaël Vallet. Scandaleux !
M. Pascal Allizard. Devant ces disparités, la Commission européenne souhaite, semble-t-il, harmoniser la définition des cidres commercialisés. Les professionnels s’inquiètent d’une harmonisation par le bas, qui serait préjudiciable à la filière.
Monsieur le ministre, où en sont réellement les travaux sur ce sujet ? Comment le Gouvernement entend-il préserver le cidre français et ses spécificités à l’échelon européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la filière du cidre. Nous sommes nombreux, y compris la Première ministre, à être sensibles à cette question, certains ici étant de bons Normands.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Fayot !
M. Marc Fesneau, ministre. Votre question porte principalement sur l’harmonisation de la législation et sur l’étiquetage du cidre.
La vérité, c’est que, aujourd’hui, il n’y a pas de règle. Chacun peut dénommer cidre, ou cider dans certains pays, des produits qui ne satisfont pas tous aux mêmes exigences. Vous l’avez rappelé, le cidre que l’on boit en France est constitué à 100 % de pommes ; elles ne sont pas mélangées à autre chose.
Dans ce contexte, la France défend une harmonisation vers le haut. Alors que nos frontières sont ouvertes et qu’il est possible de dénommer « cidre » un produit qui n’en est pas vraiment un, notre objectif est de mieux valoriser la qualité du cidre français, en particulier celui qui provient de la région que vous connaissez bien. Nous travaillons sur cette base avec la Commission européenne.
À l’échelon européen, ce qui compte, c’est non pas d’avoir raison ou de défendre une position, c’est de trouver une majorité et pour cela de parvenir à convaincre ses collègues. C’est le travail que nous menons afin que la dénomination « cidre » soit réservée aux produits composés à 100 % de pommes. Les autres produits pourraient être appelés comme on veut, mais en aucun cas « cidre », si l’on parvenait à une telle harmonisation européenne.
Tels sont les éléments dont je peux vous faire part aujourd’hui. Le processus sera assez long, mais il n’est pas acceptable pour la France de dégrader la qualité du cidre français, laquelle est appréciée par les Français, mais aussi au-delà de nos frontières. Nous avons besoin de mieux la faire reconnaître. À cet égard, l’étiquetage est un élément important. (M. François Patriat et Mme Françoise Gatel applaudissent.)
Mme Françoise Gatel. Tous nos encouragements, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. La Commission européenne précise que le rapport qu’elle a réalisé sur cette question « ne conduira pas forcément à une proposition législative ». Or, nous le savons, la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre : la méfiance et la vigilance sont donc de mise.
On connaît le zèle de certains « normateurs », ainsi que leur capacité à prendre le bon sens à contre-pied. Vous l’avez compris, monsieur le ministre, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
mixité sociale dans les écoles privées
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Yan Chantrel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Le 1er mars dernier, sur l’initiative de notre groupe, un débat a été organisé sur la mixité sociale à l’école. Le constat, implacable, était partagé sur l’ensemble de nos travées : alors que la proportion d’élèves issus de milieux défavorisés est en moyenne de 42,6 % dans le public, elle est de seulement 18 % dans le privé.
Mme Sophie Primas. Cherchez l’erreur !
M. Yan Chantrel. Ces écarts ne cessent de se creuser depuis vingt ans. Nous allons vers un système scolaire à deux vitesses : une école privée réservée aux enfants privilégiés et une école publique pour tous les autres.
Mme Sophie Primas. Et pourquoi ?
M. Yan Chantrel. Voilà le véritable séparatisme à l’œuvre dans notre pays !
Lors de ce débat du 1er mars, le ministre de l’éducation nationale a déclaré : « Parce que l’argent public finance l’enseignement privé sous contrat » – à hauteur de 73 %, je le rappelle –, « il est normal d’exiger de ce dernier qu’il favorise aussi la mixité des élèves. »
Il parlait alors de moyens de pression sur les établissements privés sous contrat et envisageait notamment de moduler leur subvention, sous forme de bonus-malus, mais aussi de jouer sur les allocations de postes. Il avait même abordé la question de la sectorisation, qui, selon lui, avait donné « des résultats probants ».
Nous attendions donc avec impatience des annonces fortes de la part du Gouvernement pour mettre fin à cette ségrégation scolaire qui mine notre pacte social et fait de notre pays l’un des plus inégalitaires de l’OCDE.
Or le protocole d’accord qui a été dévoilé le 17 mai, après deux reports, a fait pschitt ! Il ne prévoit ni exigences contraignantes, ni modulation des subventions ou des allocations de postes, ni bonus-malus, encore moins de sectorisation !
Nous comprenons donc que ce gouvernement, qui défend toujours les plus privilégiés, n’agira pas pour accroître la mixité scolaire.
Quand le Gouvernement prendra-t-il la mesure du problème ? Quand prendra-t-il…
M. le président. Il faut conclure !
M. Yan Chantrel. … des mesures fortes et contraignantes afin de rétablir la mixité scolaire dans les écoles de France ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Fabien Gay et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas la bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Yan Chantrel, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, qui est retenu pour la remise des prix « Non au harcèlement ».
Vous le savez, notre ambition est de mener une action résolument concrète de réduction de la ségrégation sociale au sein de nos établissements scolaires. En effet, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle. Vous l’avez rappelé, l’écart de composition sociale entre élèves des établissements du public, mais aussi entre établissements du public et du privé, se creuse depuis les années 2000.
Pour remédier à cette situation, le ministre de l’éducation nationale a d’abord voulu agir sur les établissements publics, qui rassemblent, je le rappelle, 90 % des élèves. C’est pourquoi il a demandé à l’ensemble des recteurs de s’emparer de différents leviers, l’objectif étant de faire progresser de 20 % la mixité sociale dans les établissements publics d’ici à 2027.
Ensuite, le ministre a souhaité privilégier la concertation plutôt que la contrainte avec les établissements d’enseignement privés, d’autant que les acteurs de l’enseignement catholique se préoccupent de la mixité sociale et scolaire et qu’ils ont très vite montré leur volonté de s’engager sur ce sujet. (Mme Monique Lubin s’esclaffe.)
C’est bien grâce à cette concertation, fruit d’un travail de plusieurs mois, que nous avons pu signer mercredi dernier un protocole d’engagement commun avec le secrétaire général de l’enseignement catholique. Cela n’avait pas été fait depuis plus de trente ans, cela mérite d’être souligné.
Ce protocole prévoit notamment un suivi, au moyen d’indicateurs précis, des effets des actions engagées sur l’évolution de la mixité sociale et scolaire au sein des établissements privés sous contrat. C’est une avancée importante, qu’il faut souligner.
Nous pensons que, pour mettre en œuvre une politique en faveur de l’égalité des chances et pour que tous les élèves réussissent, il faut convaincre et non contraindre. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
atteintes à la laïcité à l’école
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Charon. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, même s’il est toujours désagréable de s’adresser à un absent…
En 2022, pour faire face à la hausse continue du nombre d’atteintes à la laïcité, le ministre a élaboré un plan. Depuis sa publication, que constate-t-on ?
Au mois d’octobre dernier, le nombre de signalements avait atteint 720, soit une hausse de 130 % par rapport au mois précédent. Au mois de mars, il a encore dépassé 500.
Comme l’a déclaré M. le ministre, la hausse du mois d’octobre est liée à la commémoration de l’assassinat de Samuel Paty. Les 500 cas du mois de mars correspondent, selon lui, à une « remontée chaque année au moment du ramadan ». Ses explications très catégoriques ont d’ailleurs eu pour seul effet de susciter une polémique, notamment avec la Grande Mosquée de Paris.
Les données communiquées par les services du ministère concernant le mois d’avril, dans l’académie de Paris, ne sont pas bonnes. Je laisse au ministre le soin de les annoncer… Ce sont les chiffres les plus élevés depuis la rentrée de septembre.
À cela s’ajoutent les signalements d’actes d’antisémitisme, qui, eux, ne constituent pas des atteintes à la laïcité, mais relèvent de procédures pénales.
Ces statistiques sont-elles fiables ? La réponse est non ! Ces chiffres sont manifestement sous-estimés ! Pour le principal syndicat des personnels de direction des collèges et lycées, les tenues litigieuses, les contestations d’enseignement ou même les difficultés lors des sorties scolaires ne font pas l’objet de signalements de manière systématique.
Ces statistiques sont-elles utiles ? La réponse est encore non ! Les atteintes à la laïcité ne font l’objet d’aucune réponse.
Les chefs d’établissement se sentent bien seuls. Ils attendent des réponses concrètes. Ils demandent des outils réglementaires pour mieux gérer ces situations. L’absence de fermeté du ministre sur tous ces sujets laisse la porte ouverte à toutes les revendications communautaires.
Ma question est simple : le ministre va-t-il se contenter mois après mois de recenser les atteintes à la laïcité et de les commenter, ou va-t-il enfin donner aux responsables d’établissement des directives claires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pascal Martin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Charon, avant de répondre à votre question, permettez-moi de rappeler plusieurs actions engagées par M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, absent aujourd’hui, car il remet les prix « Non au harcèlement ».
Le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a demandé la publication du nombre mensuel d’atteintes à la laïcité. Vous avez rappelé ces chiffres, qui sont désormais disponibles sur le site du ministère de l’éducation nationale, afin de favoriser la transparence, d’améliorer le suivi et de mieux organiser la mobilisation contre les atteintes à la laïcité.
Il a par ailleurs renforcé, là où c’est nécessaire, les équipes académiques Valeurs de la République et étendu la formation sur ce sujet à tous les personnels de l’éducation nationale. Je rappelle que le plan qu’il a annoncé en novembre 2022 a déjà permis à 300 000 personnels d’éducation, dont 5 000 chefs d’établissement et adjoints, d’être ainsi formés. Cette formation concrète permet aux uns et aux autres d’être mieux accompagnés et de disposer d’outils efficaces pour lutter contre les atteintes à la laïcité.
Le ministre de l’éducation nationale a également renforcé les mesures disciplinaires en cas d’atteinte au principe de laïcité et diffusé une circulaire très claire aux chefs d’établissement, pour qui, jusqu’à présent, les procédures à mettre en œuvre étaient floues.
Enfin, il a institutionnalisé le Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République en complétant sa composition, cinq ans après la création de cette instance. Ses membres historiques ont d’ailleurs tous été confirmés dans leurs fonctions.
Monsieur le sénateur, l’engagement du Gouvernement, en particulier celui du ministre de l’éducation nationale, dans la lutte contre les atteintes à la laïcité est sans faille. Plus que des mots, la situation requiert des actions fortes : l’accompagnement des personnels, ainsi que des mesures disciplinaires, lesquelles relèvent du domaine réglementaire. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
décès de policiers dans le nord
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Lherbier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Dimanche matin, au commissariat de Roubaix, une équipe de policiers qui prenait la relève de l’équipe de nuit a répondu à l’appel de détresse d’une jeune fille. Une patrouille de jeunes policiers s’est vue confier la mission de recueillir une mineure présumée violée afin de la protéger et de la conduire à l’hôpital.
Cette intervention au service des autres aura été la dernière pour Paul, Steven et Manon. Ce matin-là, ils sont partis de chez eux heureux, ignorant qu’ils ne reverraient jamais leurs proches.
À Roubaix, il existe une véritable solidarité entre la police nationale, la police municipale et les pompiers. C’est une ville méritante.
À l’École nationale de police de Roubaix, la directrice, la commissaire Kichtchenko, apprend aux nouvelles recrues les difficultés de la profession. Il leur faudra faire preuve de beaucoup de professionnalisme et de rigueur pour exercer ce métier. Manon, stagiaire, était prête à entrer dans cette grande famille.
Abdelkader Haroune, le commissaire principal de Roubaix, dirige le commissariat avec bienveillance et fermeté. Il dit toujours à ses agents combien la police est un réel ascenseur social pour tous ceux qui ont à cœur de défendre les valeurs de la République.
Monsieur le ministre, vous êtes fier de vos hommes ; vous avez bien raison de les défendre.
La mort de ces trois jeunes policiers de Roubaix démontre encore une fois les risques de ce métier. Ces jeunes ont été tués par un chauffard ivre, sous l’emprise de stupéfiants, roulant à grande vitesse et à contresens, un récidiviste connu des services de police.
Leur décès est un choc immense pour tous leurs collègues, leurs proches, le Nord et, plus largement, notre pays tout entier. Ce qui s’est produit est inacceptable.
Au nom de tous mes collègues, j’adresse mes sincères condoléances aux familles et aux proches de ces jeunes. Aujourd’hui, l’heure est au recueillement, monsieur le ministre, mais que pourrons-nous faire dès demain pour mettre fin à ce fléau ?
Le Gouvernement entend-il prendre des mesures pour intensifier la lutte contre les conducteurs dangereux, sous l’emprise de drogue ou d’alcool ? Envisage-t-il de durcir les peines encourues en pareil cas ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Alain Richard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Merci, madame la sénatrice Brigitte Lherbier, des mots très touchants que vous avez eus au sujet de ces trois jeunes policiers du commissariat de Roubaix.
Ce commissariat compte parmi les plus difficiles de France. Ses moyens sont à la hauteur des difficultés auxquelles font face ses policiers et ses personnels administratifs, qui, comme le commissaire Haroune dont vous avez parlé, font l’honneur de la police nationale.
Demain, à l’École nationale de la police de Roubaix, le Président de la République rendra officiellement hommage à ces policiers, qui sont à 24 ans, à 25 ans, à 26 ans, je tiens à le dire, l’honneur de la France et du service public. Nous pensons tous à leurs familles, en particulier à ce petit garçon qui aura un an dans les prochains jours et à la jeune femme enceinte de l’un de ces jeunes policiers.
L’assassin, celui qui conduisait la voiture roulant à contresens, a brisé trois destins, mais il a également blessé toute la police nationale.
Après le temps de l’hommage, il faudra évidemment engager une réflexion, madame la sénatrice, ce fait divers n’étant malheureusement pas le seul de ce type. Trop de chauffards, trop d’assassins tuent sur les routes sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool. Nous travaillons avec le garde des sceaux afin de limiter la survenue de tels drames.
Nous avons ainsi proposé le retrait des douze points du permis de conduire pour ceux qui conduisent sous l’emprise de stupéfiants – il s’agit là d’une mesure d’ordre réglementaire. Le garde des sceaux a également proposé de renommer cet homicide et de le qualifier d’homicide routier. Beaucoup de propositions émanent par ailleurs de votre assemblée, de toutes ses travées.
Nous espérons que le travail que font les policiers et les gendarmes tous les jours sur les routes permettra d’empêcher ces chauffards de continuer à tuer. M. le garde des sceaux et moi-même, sous l’autorité de Mme la Première ministre, sommes à la disposition du Parlement, en particulier du Sénat, et de vous-même, madame la sénatrice, pour travailler sur cette question, en mémoire de ces trois jeunes policiers. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, Les Républicains et UC. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 31 mai 2023, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Lors du scrutin n° 291 du 23 mai 2023 sur l’ensemble de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, Sylvie Vermeillet souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
5
Décès d’un ancien sénateur
Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Albert Vecten, qui fut sénateur de la Marne de 1983 à 2001.
6
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable, par 34 voix pour et aucune voix contre, à la nomination de M. Olivier Thibault aux fonctions de directeur général de l’Office français de la biodiversité.
7
Constitution d’une commission spéciale
Mme la présidente. En application de l’article 16 bis, alinéa 2, du règlement, M. le Président du Sénat propose la constitution d’une commission spéciale en vue de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.
Nous pourrions inscrire à l’ordre du jour du jeudi 1er juin à 10 heures 30 l’examen de cette proposition du Président du Sénat, puis, le cas échéant, la nomination des membres de cette commission spéciale. Les candidatures devront être transmises avant le mercredi 31 mai à 15 heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
8
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
9
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de quatre projets de loi dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de quatre projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du sénégal sur l’octroi de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux personnes à charge des agents des missions officielles de chaque état dans l’autre, signé à paris le 7 septembre 2021, et de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république démocratique socialiste de sri lanka relatif à l’autorisation d’exercice d’une activité professionnelle salariée par les membres de la famille des agents des missions officielles de chaque état dans l’autre, signé à paris le 23 février 2022
Article 1er
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur l’octroi de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux personnes à charge des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, signé à Paris le 7 septembre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Article 2
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique socialiste de Sri Lanka relatif à l’autorisation d’exercice d’une activité professionnelle salariée par les membres de la famille des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, signé à Paris le 23 février 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi (projet n° 371, texte de la commission n° 592, rapport n° 591).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant la ratification du protocole du 30 avril 2010 à la convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses
Article unique
la ratification du Protocole du 30 avril 2010 à la Convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (ensemble une annexe), signé par la France à Londres le 25 octobre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi (projet n° 219, texte de la commission n° 617, rapport n° 616).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du sénégal et de la convention d’extradition entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du sénégal
Article 1er
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signée à Paris le 7 septembre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Article 2
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signée à Paris le 7 septembre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 307, texte de la commission n° 619, rapport n° 618).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la principauté d’andorre concernant l’amélioration de la résilience climatique et de la viabilité des routes nationales 116, 20, 320 et 22 liées aux risques naturels entre prades et la frontière franco-andorrane
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la résilience climatique et de la viabilité des routes nationales 116, 20, 320 et 22 liées aux risques naturels entre Prades et la frontière franco-andorrane, signé à Paris le 20 avril 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 529, texte de la commission n° 621, rapport n° 620).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
10
Douane
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (projet n° 531, texte de la commission n° 615, rapport n° 614, avis n° 613).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment de vous présenter le premier projet de loi consacré aux douanes depuis plus de soixante ans, permettez-moi de vous dire la très grande fierté qui est la mienne d’être le ministre en charge des douanes.
C’est une administration dont l’histoire se confond avec celle de la construction, puis de l’affermissement de l’État, comme avec celle de la construction, puis de l’affermissement de l’Union européenne.
C’est une administration qui assure depuis des siècles – bien avant l’avènement de la République – des missions régaliennes par excellence : assurer l’intégrité de notre territoire, consolider la puissance économique et commerciale de la France et maîtriser les frontières.
Nos douaniers ont vécu et accompagné les grandes transformations de notre histoire récente. Ils ont accompagné l’accélération de la mondialisation, l’internationalisation des échanges et la diversification du commerce extérieur.
Ils ont constitué la figure de proue de la construction européenne avec la création de l’Union douanière en 1968 et, en 1993, la disparition des frontières intérieures de l’Union européenne. Ils en ont accompagné tous les soubresauts, très récemment encore avec le Brexit et le rétablissement de la frontière dans la Manche. Et ils étaient encore au premier rang il y a quelques mois pour mettre en œuvre les sanctions à l’encontre de la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
Oui, nous sommes fiers de cette administration ancrée au ministère des finances qui, dans la paix comme dans la guerre, n’a jamais manqué à ses devoirs envers la Nation, tout en démontrant une exceptionnelle capacité d’adaptation et une formidable capacité à affronter des enjeux nouveaux, avec pour seule boussole l’intérêt du pays.
Oui, nos douaniers ont su constamment s’adapter aux bouleversements du monde. Mais le cadre juridique dans lequel ils agissent n’a pas fait preuve de la même plasticité. Aucune loi n’a été consacrée à la douane depuis soixante ans. Voilà bien un sujet sur lequel les gouvernements successifs n’ont pas été pris de frénésie normative ! Cela n’a pas empêché nos douaniers d’agir efficacement, mais, vous en conviendrez, il est grand temps de moderniser le cadre de leur action.
C’est pourquoi le Gouvernement propose dans ce texte à la fois des évolutions immédiatement utiles et le lancement d’une recodification à droit constant du code des douanes.
La mission qui est la nôtre aujourd’hui est tout simplement de permettre à nos douaniers d’agir le plus efficacement possible. C’est l’objet de ce projet de loi.
Nous devons en effet continuer à agir pour assurer notre protection, et pas seulement celle de nos frontières, mais aussi celle de nos compatriotes et de nos entreprises. Car c’est bien de cela qu’il est question aujourd’hui : protéger les Français, protéger notre économie et protéger notre souveraineté.
Oui, c’est bien cette mission essentielle qu’hier comme aujourd’hui les agents de la douane assurent jour après jour. Ces femmes et ces hommes agissent dans un environnement où les menaces se multiplient et se métamorphosent, notamment sous l’effet de la révolution numérique. Ces femmes et ces hommes livrent jour après jour, avec sang-froid, courage et détermination, des combats que nous n’avons tout simplement pas le droit de perdre.
Non, nous n’avons pas le droit de perdre la guerre qu’il faut mener contre la drogue, un fléau qui détruit tant de vies. J’étais il y a quelques mois en déplacement aux États-Unis, où j’ai rencontré les hauts responsables de la douane américaine. Ceux-ci m’ont parlé des ravages faits par les nouvelles drogues. En 2021, 70 000 Américains sont morts d’une overdose de Fentanyl, cet opioïde de synthèse qui se diffuse à grande vitesse. Nous ne voulons pas de cela en France, et c’est ici et maintenant que ce combat se joue.
Nous n’avons pas le droit d’échouer contre la fraude et les trafics ou contre la contrebande – celle-ci n’est pas seulement une fraude, c’est aussi un danger insidieux pour la santé publique et le consommateur français. Nous n’avons pas le droit de perdre la bataille que nous livrons contre la criminalité organisée, contre ces organisations tentaculaires, qui mobilisent des moyens parfois considérables pour déstabiliser notre société et qui sont prêtes à tout par seul appât du gain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les agents que j’ai l’honneur de diriger appartiennent à l’administration de la marchandise et de la frontière, celle qui facilite les échanges économiques et garde nos frontières. Ils appartiennent à une administration qui lutte sans relâche pour protéger nos compatriotes de dangers dont ceux-ci ne mesurent pas toujours l’ampleur. Ils consacrent leur vie, et la risquent parfois, pour tenir nos frontières terrestres, maritimes, aériennes et numériques. De fait, l’espace virtuel est encore trop souvent une zone de non-droit qui charrie des menaces aux effets bien réels.
Ils obtiennent des résultats exceptionnels, à nos frontières comme à l’intérieur du territoire national. Près de 105 tonnes de stupéfiants ont été saisies l’année dernière : nos douaniers font 70 % des saisies de drogues opérées en France. Ils ont retiré du marché 11,5 millions d’articles contrefaits et saisi près de 650 tonnes de tabac de contrebande ou de contrefaçon.
Pour eux, pour nous tous, nous devons être à la hauteur.
Être à la hauteur, c’est d’abord donner à la douane les moyens d’exercer ses missions.
C’est l’objet du contrat d’objectifs et de moyens dont nous avons doté la douane. Sur la période 2022-2025, ce contrat prévoit que la douane bénéficiera de plus de 148 millions d’euros supplémentaires et d’une garantie de stabilité de ses effectifs. Nos priorités d’investissement sont claires : le e-commerce, la professionnalisation du métier de garde-frontière et la lutte contre la criminalité organisée.
Six mois après mon arrivée, j’ai souhaité affirmer une autre priorité face à la croissance fulgurante des trafics : la contrebande et la contrefaçon de tabac. Il s’agit en effet d’un fléau pour la santé publique…
Mme Sylvie Vermeillet. Tout à fait !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. … comme pour la sécurité, car ces trafics alimentent des réseaux criminels et mafieux responsables de traite d’êtres humains et faisant commerce de produits stupéfiants – ils sont même parfois impliqués dans des activités terroristes.
C’est un fléau pour nos territoires : ces trafics déstabilisent le réseau des buralistes, dont nous avons besoin, car ces commerces d’utilité locale assument quasiment des missions de service public, en permettant le paiement d’amendes et de factures du quotidien, en assumant des fonctions de relais pour les colis, en constituant des interlocuteurs du quotidien et des promoteurs du lien social sur nos territoires.
M. André Reichardt. Absolument ! Pensons aux zones frontalières.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous devons aussi à notre réseau des buralistes une lutte intraitable contre les trafics de tabac dans notre pays, et nos douaniers sont au premier rang de ce combat.
Pour ce combat, nous devons changer d’échelle, de méthodes et de moyens. J’ai annoncé dans ce cadre la densification du réseau de lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation (Lapi) ou la généralisation du déploiement de scanners, qui seront des adjuvants essentiels dans la lutte contre la drogue et les trafics de tabac. Quatorze nouveaux scanners seront déployés d’ici 2025 et j’ai fixé pour objectif que nous soyons alors en mesure de scanner 100 % des colis dans les centres de tri postal. On sait en effet qu’une part importante du trafic passe par des colis. D’ici 2027, je souhaite que nous investissions 45 millions d’euros supplémentaires dans ces équipements.
Être à la hauteur du courage et de l’engagement de nos douaniers, c’est aussi sécuriser leur action sur le plan juridique – je pense bien sûr au droit de visite. C’est également leur donner de nouveaux moyens, de nouveaux outils, de nouvelles capacités pour toujours mieux protéger les Français.
Oui, nous devons donner à nos douaniers les moyens d’exercer leurs missions. C’est la condition pour qu’ils continuent à obtenir des résultats. Et nous devons le faire en veillant à respecter scrupuleusement les droits humains et les libertés individuelles.
Je veux saluer les travaux qui ont préparé l’examen de ce projet de loi, notamment ceux des deux rapporteurs Albéric de Montgolfier et Alain Richard, qui ont réalisé, avec leurs commissions respectives, un travail absolument remarquable, avec une seule boussole : encadrer sans entraver.
Nous devons avoir cette boussole à l’esprit. Le partage des seize articles du projet de loi entre ces deux commissions a permis qu’un travail approfondi soit engagé par chacune d’elle, et je tiens à remercier l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui ont voulu enrichir ce texte, en commission comme en séance publique.
Je souhaite d’emblée souligner deux points.
D’abord, nous partageons l’essentiel, c’est-à-dire les objectifs finaux visés par ce texte. Par conséquent, je crois qu’il peut rassembler très largement, par-delà les clivages partisans.
Puis, nous devons toujours avoir à l’esprit que les spécificités du droit douanier s’expliquent par la réalité opérationnelle du travail effectué et par le cadre juridique européen dans lequel il s’exerce. Ces spécificités constituent sans doute l’un des ingrédients de l’efficacité incontestée de la douane française.
Cette ligne de crête invite à la prudence. Le Gouvernement, comme chacun d’entre vous, tient à garantir les droits de la manière la plus complète possible ; tel est l’objectif du dispositif du droit de visite douanière proposé par ce texte. Mais, pour ma part, je veux que notre première priorité soit d’éviter que les bouleversements introduits dans le code des douanes compliquent la tâche de nos douaniers et, de fait, facilitent la vie des trafiquants.
Je l’ai dit, le premier enjeu de ce texte – son fait générateur, pour ainsi dire –, c’est d’offrir à nos douaniers la sécurité juridique indispensable à l’exercice du droit de visite – je rappelle qu’il a été, dans ses termes actuels, déclaré non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Il faut mesurer le choc qu’a été la décision du Conseil constitutionnel pour l’ensemble des douaniers et l’insécurité qu’elle a fait régner. On a vu certaines procédures annulées, alors même qu’elles n’étaient pas concernées par cette décision. Une forme de flou s’est installée, qu’il nous faut écarter aussi rapidement que possible. C’est l’objet de ce projet de loi.
Pour répondre aux critiques formulées par le Conseil constitutionnel, ce texte réécrit intégralement l’article 60 du code des douanes pour sécuriser le droit de visite. Celui-ci, vous le savez, constitue une prérogative essentielle des douaniers, puisqu’il s’agit tout simplement du pouvoir de contrôler les marchandises, les moyens de transport et les personnes afin de rechercher des fraudes.
Les articles 1er à 5 du projet de loi assurent la mise en conformité du droit de visite par trois grands moyens.
D’abord, le texte inscrit dans la loi les principes dégagés au fil des années par la jurisprudence de la Cour de cassation. Sont ainsi codifiés le caractère contradictoire des contrôles, l’interdiction de la fouille à corps et le maintien à disposition des personnes pendant le temps strictement nécessaire aux opérations de visite.
Ensuite, il maintient, dans la zone frontière, une prérogative de contrôle étendue, justifiée par la nature même des infractions douanières. Dans le rayon des douanes, fixé à 40 kilomètres de nos frontières, ainsi que dans les ports, aéroports, gares ferroviaires et routières internationales, le droit de visite pourra continuer à s’exercer sans modification par rapport à l’état actuel du droit.
Enfin, le texte encadre l’exercice du droit de visite à l’intérieur du territoire. L’exercice de cette prérogative devra désormais s’inscrire dans deux cas bien précis. Le premier est lorsqu’elle s’exerce sur le fondement de raisons plausibles de soupçonner que la personne contrôlée a commis une infraction douanière. Le second est lorsqu’elle a lieu après information préalable du procureur de la République pour la recherche d’infractions douanières – il s’agit d’une information, et non d’une autorisation du procureur, j’y insiste, afin de ne pas entraver ou ralentir l’action de nos services.
Cette distinction entre le rayon des douanes et l’intérieur du territoire est le cœur de la mise en conformité mettant en œuvre la décision du Conseil constitutionnel.
Nous avons beaucoup travaillé pour aboutir à cette rédaction. Nous avons évidemment associé à notre réflexion des juristes et les organisations syndicales de douaniers. Nous avons testé chacune des rédactions auprès de douaniers du terrain afin de vérifier qu’elles étaient compatibles avec leur activité du quotidien. Et ce texte a été validé par le Conseil d’État.
Nous sommes profondément convaincus que l’équilibre trouvé est le meilleur pour la douane comme pour la protection des libertés. Comme vous, je veux que le droit protège et non qu’il entrave de manière excessive. Et je pense que nous pouvons nous retrouver sur ce point.
Mais, vous l’avez compris, ce projet de loi ne consiste pas seulement à assurer la mise en conformité d’une prérogative essentielle. Il s’agit aussi d’adapter nos moyens d’action, de mettre nos douaniers en situation de lutter le plus efficacement possible contre les grandes menaces d’aujourd’hui et de demain.
D’abord, nous voulons donner à nos douaniers les moyens de lutter contre la cyberdélinquance et la cybercriminalité. L’article 9 leur permet de prendre connaissance et de saisir, au cours d’une retenue douanière, des objets et des documents qui se rapportent à un flagrant délit douanier, y compris lorsque le support est numérique. De quoi parle-t-on ? De données contenues dans un ordinateur, un disque dur, un smartphone, que nos agents pourront saisir et dont ils pourront faire une copie, sur autorisation du procureur de la République. Ce dispositif accélérera considérablement les enquêtes douanières et leur efficacité.
De plus, nous proposons de permettre à nos agents de procéder au gel des données stockées sur des serveurs informatiques, lorsque ceux-ci se trouvent à l’extérieur du lieu perquisitionné. L’objectif est que les données qui sont conservées dans des clouds, comme c’est souvent le cas, ne soient pas effacées par les suspects et puissent être effectivement saisies.
Vous le savez, un nombre croissant d’infractions douanières sont commises à partir de contenus en ligne. Je pense par exemple à la vente en ligne de produits de contrefaçon ou de tabac de contrebande. C’est pourquoi l’article 12 de ce texte donne la possibilité à nos agents d’exiger des plateformes qu’elles procèdent au retrait de ces contenus. Et si ces plateformes ne répondent pas, nos agents pourront demander aux moteurs de recherche de procéder au déréférencement du contenu ou à la suspension du nom de domaine.
La conception de ce dispositif a été rendue complexe par l’impossibilité, au regard du droit européen, de présumer une responsabilité générale des plateformes au titre des marchandises dont elles facilitent la vente. Pour autant, nous avons trouvé une voie de passage qui permettra à la douane d’établir un dialogue permanent avec les grandes plateformes, allant jusqu’à la sanction pour celles qui entretiennent l’opacité du e-commerce.
Ensuite, ce texte propose de mieux utiliser les nouvelles technologies en matière d’enquête et de renseignement douaniers. À ce titre, l’article 11 prévoit l’expérimentation d’une extension à quatre mois de la durée de conservation étendue des données issues des Lapi. Ce que nous voulons, pour lutter efficacement contre le trafic de stupéfiants, c’est être en mesure de détecter les convois routiers organisés par les trafiquants.
Pour cela, nous proposons d’expérimenter une utilisation des données des Lapi profondément différente du dispositif actuellement en vigueur.
Alors que le fonctionnement actuel des Lapi sert essentiellement à rapprocher les plaques d’immatriculation détectées de fichiers déjà constitués, pour détecter par exemple les mouvements de personnes déjà connues ou des véhicules volés, le dispositif proposé permettra de procéder à des recherches pour identifier des véhicules circulant ensemble en convoi et de détecter ainsi les mouvements des trafiquants. Bien souvent, ces convois commencent par une voiture ouvreuse. Grâce à l’expérimentation de ce dispositif, nous serons en mesure d’identifier automatiquement des véhicules qui circulent très régulièrement ensemble, parfois à des dates régulières, ce qui peut laisser penser qu’il s’agit de convois qui procèdent à du trafic de stupéfiants ou de tabac.
Je tiens à insister sur la nécessité, dans le cadre protecteur qui est celui de l’expérimentation et du contrôle du Parlement et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), de disposer de cet outil pour arrêter les trafics à nos frontières.
En son article 6, le projet de loi propose de sécuriser le recours par la douane aux techniques de sonorisation et de captation d’image, en reproduisant le dispositif prévu par le code de procédure pénale pour les enquêtes douanières. C’est une disposition essentielle et protectrice, qui permettra de mieux séparer les utilisations préventives et les utilisations répressives de ces techniques spéciales d’enquête.
Je veux également souligner que le Gouvernement a déposé un amendement actualisant le régime d’utilisation des drones par la douane. Ce régime est aujourd’hui incomplet : il ne comprend pas la lutte contre les trafics de tabac manufacturé et il ne couvre pas la surveillance des frontières, alors même qu’une telle surveillance est possible pour les services de police et de gendarmerie.
Je le dis très clairement : les réseaux criminels n’hésitent pas à utiliser des technologies dernier cri pour commettre leurs méfaits. Si nous ne combattons pas à armes égales, je ne vois pas comment nous pourrions remporter la bataille. Agir dans l’espace numérique, faire coopérer les plateformes et les moteurs de recherche, voilà ce que nous voulons. Exploiter pleinement les nouvelles technologies pour être aussi efficaces que ceux que nous affrontons, voilà ce que nous devons faire.
Oui, les organisations que nous affrontons ne manquent pas de moyens. C’est la raison pour laquelle nous devons les frapper au portefeuille. C’est sans doute une manière efficace de les affaiblir.
L’article 6 crée un dispositif de retenue temporaire d’argent liquide circulant à l’intérieur du territoire, lorsqu’il existe des indices que cet argent est lié aux activités criminelles les plus graves. Ce délit existait uniquement pour les flux d’argent liquide en provenance ou à destination de l’étranger. Il fallait impérativement corriger cela. C’est d’ailleurs une évolution qui va dans le sens des préconisations du rapporteur Albéric de Montgolfier, formulées dans le rapport d’information qu’il a rédigé avec le sénateur Claude Nougein. Elle permettra notamment à la douane de mieux lutter contre le phénomène des mules entre le territoire métropolitain et la Guyane.
Nous voulons aussi réformer le délit de blanchiment douanier. Il s’agit d’inclure en particulier les cryptoactifs dans les types de fonds pouvant relever du délit de blanchiment douanier.
Enfin, vous le savez, je veux mener un combat sans merci contre le trafic de tabac. J’avais à la fin de l’année dernière fait un certain nombre d’annonces en ce sens dans le cadre du plan tabac 2023-2025. Le texte prévoit un renforcement des sanctions applicables. Nous voulons par exemple créer une peine complémentaire d’interdiction du territoire pour les étrangers qui ont fait l’objet d’une condamnation pour contrebande de tabac, comme c’est le cas pour le trafic de stupéfiants. Par ailleurs, nous durcissons les sanctions pénales applicables à la fabrication et à la détention de tabac de contrebande. Celles-ci sont portées de un à trois ans d’emprisonnement et, si ces délits sont commis en bande organisée, la peine d’emprisonnement passera de cinq à dix ans.
Nous voyons que des réseaux mafieux et criminels, jusqu’alors occupés au trafic de stupéfiants, se sont reportés massivement sur le trafic de tabac, prenant probablement en compte le fait que les sanctions sont moins importantes. Nous devons donc sanctionner le trafic de tabac de la même manière que nous sanctionnons le trafic de stupéfiants. C’est l’objet de cet alourdissement des sanctions.
La menace a changé d’échelle. Nous ne sommes plus dans le transport de quelques cartouches de cigarettes cachées dans un sac en traversant la frontière. Nous avons démantelé sur le sol national l’an dernier cinq usines de fabrication clandestine de tabac. Il s’agit de hangars situés sur le sol national, au sein desquels étaient produites chaque jour entre un et deux millions de cigarettes de contrefaçon pour alimenter le circuit parallèle en France. Le trafic a changé d’échelle. Notre réponse doit elle aussi changer d’échelle. C’est l’un des objets de ce texte.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est bien plus qu’un projet de mise en conformité. C’est un texte de mobilisation générale contre tous les trafics et de soutien total à nos douaniers, qui agissent chaque jour pour nous protéger, protéger nos frontières et les Français. Permettez-moi de saluer ceux qui sont dans les tribunes à cet instant, qui appartiennent à la direction interrégionale des douanes d’Île-de-France, à la direction générale des douanes ou à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières – et, à travers eux, de remercier et de saluer l’ensemble des agents douaniers sur le territoire national.
Je sais que nous aurons d’ici quelques minutes des débats importants sur les garanties apportées en matière de droits fondamentaux. J’espère que nous saurons ensemble trouver les bons points d’équilibre sur les différents dispositifs, afin de permettre à nos douaniers d’agir efficacement, sans renoncer aux exigences qui doivent être les nôtres.
Les douanières et les douaniers comptent sur nous. Ils attendent de la clarté, de la précision et des moyens d’action. Je sais qu’ensemble nous serons capables de leur apporter cela, leur permettant ainsi d’assurer la protection de nos frontières et, surtout, de nos compatriotes. Nous le leur devons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez employé à l’instant, monsieur le ministre, l’expression : « encadrer, sans entraver ». C’est la volonté affichée par le Gouvernement ; c’est également celle qui a guidé la commission des finances tout au long de ses travaux.
Le présent texte sur les douanes est le fruit d’un compromis. Ce travail était nécessaire non seulement pour mieux encadrer certaines pratiques des agents des douanes qui apparaissaient, comme vous l’avez souligné, quelque peu datées au regard de l’évolution de la jurisprudence, mais aussi pour assurer une meilleure protection des libertés individuelles.
Ce texte comporte également des dispositions visant à étendre les prérogatives de la douane et à les adapter aux nouvelles formes de criminalité et de fraude, notamment sur internet, que les rédacteurs du code des douanes ne pouvaient imaginer au moment de son élaboration.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d’abord corriger l’un de vos propos. Vous avez dit que ce code n’avait presque jamais été réformé. Ce n’est pas tout à fait exact en ce qui concerne les dispositions relatives au tabac : chaque année, les douanes font adopter de nouvelles dispositions en loi de finances ou en loi de finances rectificative pour mieux lutter contre le trafic de tabac.
En revanche, il est vrai que les autres dispositions du code des douanes sont quelque peu datées, raison pour laquelle vous nous proposerez d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour procéder à la recodification dudit code.
Ce texte est donc le fruit d’un travail de compromis. Certains parleront d’un équilibre à trouver comme s’il s’agissait d’une contrainte. Je ne partage pas ce point de vue : cet équilibre n’est pas une contrainte, mais la condition même du bon fonctionnement et de la portée opérationnelle des pouvoirs des agents des douanes.
Ce projet de loi répond à la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre dernier, qui a déclaré non conforme à la Constitution le droit de visite des agents des douanes. Faute d’équilibre, c’est l’une des principales prérogatives des douanes, sans doute la plus utilisée, qui est menacée, à savoir la possibilité de fouiller les marchandises, les moyens de transport et les personnes.
Cette décision, comme vous l’avez souligné au cours de nos auditions, monsieur le ministre, a certes fait l’effet d’un électrochoc auprès des agents des douanes, mais elle a aussi démontré combien il était nécessaire de moderniser la législation. C’est la raison pour laquelle nous examinons, pour la première fois depuis de nombreuses années, un projet de loi dédié au code des douanes.
Alors que certaines des dispositions de ce code n’avaient pas été modifiées depuis des décennies, il était essentiel d’adapter celui-ci aux nouvelles menaces et aux nouvelles technologies.
La commission des finances, saisie au fond, a délégué à la commission des lois l’examen des articles 1er à 5, 8 et 11. Je laisserai le soin de les présenter au rapporteur pour avis, notre collègue Alain Richard, que je salue et que je remercie pour notre travail en commun et la qualité de nos échanges. Je vous présenterai, quant à moi, la position et les apports de la commission des finances sur les autres articles.
L’article 6 crée un dispositif de retenue temporaire d’argent liquide circulant à l’intérieur du territoire, lorsqu’il existe des indices que cet argent est lié à une activité criminelle. Je suis très favorable à cette disposition.
Vous l’avez rappelé à l’instant, monsieur le ministre, Claude Nougein et moi-même avions formulé cette recommandation dans le cadre de notre rapport Donner à la Douane les moyens d’accomplir sa mission dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, qui faisait suite à plusieurs déplacements sur le terrain au cours desquels nous avions pu constater que le trafic de stupéfiants s’accompagnait d’une circulation d’argent liquide difficile à appréhender.
On ne peut lutter contre les flux illicites si on ne lutte pas en parallèle contre les flux financiers, de manière plus fortement dissuasive. Or, s’il existe bien des procédures de retenue de l’argent liquide aux frontières, il n’en existe pas pour l’argent circulant à l’intérieur du territoire national. Les organisations criminelles l’ont bien compris et ont de plus en plus recours à des collecteurs de fonds sur le territoire national.
Il faut bien évidemment que cette retenue temporaire soit encadrée. Sur cet aspect, la commission a précisé que le propriétaire de l’argent liquide, s’il est différent de la personne à laquelle a été notifiée la décision de retenue, pouvait tout de même exercer un recours contre cette décision.
L’article 13 vise à moderniser le délit de blanchiment douanier en prévoyant une triple extension du champ d’application de cette infraction.
Premièrement, une extension de son champ d’application territorial afin de sanctionner pour blanchiment douanier non seulement des opérations financières réalisées sur le seul territoire français, mais également les activités de transport de fonds par des mules entre le territoire métropolitain et la Guyane, où il existe un fort trafic de cocaïne et une activité importante de blanchiment douanier. Cette extension permettra en outre de cibler des activités portant sur des infractions d’origine commises à l’étranger. Sur ce dernier point, les travaux de notre commission contribueront à la sécurisation de l’article 13.
Deuxièmement, une extension du périmètre des fonds couverts par le délit de blanchiment pour y inclure les cryptoactifs. Il s’agit, là encore, d’adapter notre droit aux nouvelles réalités, notamment numériques.
Troisièmement, une extension du champ de la notion de « personnes intéressées à la fraude », permise par l’adoption d’un amendement de la commission des finances, qui permet d’étendre le périmètre des personnes susceptibles d’être sanctionnées au titre non seulement du délit de blanchiment douanier, mais également de l’ensemble des délits d’importation et d’exportation.
Sur un sujet connexe de lutte contre la fraude, j’insiste, monsieur le ministre, sur la nécessité d’améliorer la lutte contre la fraude de détaxe à la TVA. C’est un point de fuite majeur, contre lequel le Gouvernement me semble agir très peu. Il n’est ainsi fait aucune mention de la TVA dans le plan de lutte antifraude aux finances publiques que vous avez présenté à grand renfort de publicité. Nous en avons été très étonnés – le rapporteur général de la commission des finances ne me contredira pas…
M. Jean-François Husson. Jamais !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances. Il s’agit à la fois du principal impôt et, d’après la Commission européenne, de l’impôt le plus fraudé. Or vous n’avez pas prononcé le mot « TVA » lors de votre conférence de presse. La commission des finances vous rejoint sur d’autres sujets, mais la fraude à la détaxe de la TVA, y compris pour les douanes, fait partie de nos préoccupations.
L’article 14 renforce les sanctions applicables aux trafics de tabac. La commission a considéré que ce dispositif était tout à fait opportun, tout en veillant à la proportionnalité des peines. Vous l’avez dit à l’instant, monsieur le ministre : 650 tonnes de tabac ont été saisies en 2022, soit plus du double de la quantité saisie voilà cinq ans. Cela signifie-t-il que les douanes sont plus efficaces ou que les trafics augmentent avec les prix du tabac ? Il est en tout cas certain que de plus en plus d’organisations criminelles se reportent vers ce trafic, moins risqué mais tout aussi lucratif que celui des stupéfiants.
Ne soyons pas naïfs : renforcer les sanctions ne permettra sans doute pas d’assécher le trafic de tabac, qui s’intensifiera au fur et à mesure que les prix augmenteront. Monsieur le ministre, espérons que le nouveau plan tabac que vous avez présenté portera ses fruits.
L’article 7 concerne le renforcement des moyens des douanes au travers de la création d’une réserve opérationnelle douanière. Plusieurs amendements de suppression de cet article ont été déposés, notamment par le groupe CRCE. M. Bosquet, qui s’exprimera dans un instant, pourra nous expliquer sa position.
N’allons pas nous méprendre sur l’ampleur de cette disposition : la réserve opérationnelle représentera 350 douaniers à mobiliser d’ici à 2025, sur un effectif total d’environ 16 500 agents – rien de révolutionnaire !
Il s’agira toutefois d’un renfort bienvenu pour faire face à certaines situations d’urgence ou en cas de pics d’activité – je pense, par exemple, aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ou d’autres événements – sans détourner les agents permanents de leurs missions.
J’aborde à présent le sujet du numérique.
L’article 9 permet aux agents des douanes de prendre connaissance et de saisir, au cours d’une retenue douanière, des objets et des documents, y compris numériques, se rapportant à un flagrant délit douanier. Ces informations nécessaires aux enquêtes douanières peuvent être contenues, par exemple, dans un ordinateur ou dans un téléphone portable.
Les travaux de la commission des finances, en lien étroit avec la commission des lois, ont permis de sécuriser le dispositif, en particulier pour ce qui concerne la copie des données et la restitution des objets saisis. Nous nous sommes rapprochés des garanties prévues dans le code de procédure pénale, tout en préservant les spécificités douanières.
Monsieur le ministre, j’espère que le Gouvernement saura entendre les deux commissions sur ce point. Il faut bien évidemment parvenir à protéger les libertés publiques sans entraver l’activité des douanes.
L’article 10 permet aux agents des douanes de procéder au gel des données stockées sur des serveurs informatiques. Notre commission se satisfait de l’équilibre qui a été trouvé : les agents disposeront d’un délai de trente jours pour procéder au téléchargement des données gelées et ne pourront ensuite saisir que les données ayant un lien avec l’infraction recherchée. Avec Alain Richard, nous avons également proposé des amendements tendant à prévoir que les occupants qui s’opposeront au téléchargement de ces données soient effectivement sanctionnés.
L’article 12 vise à donner de nouvelles prérogatives aux agents des douanes, cette fois pour prévenir la commission d’infractions par l’intermédiaire d’internet.
Les travaux de notre commission ont permis de clarifier le dispositif et de mieux l’encadrer. Nous avons toujours été soucieux du respect de la liberté d’expression et de communication et de la jurisprudence. J’espère, monsieur le ministre, que les ajustements de la commission des finances sauront vous convaincre.
Il est nécessaire de moderniser le code des douanes, qui est un peu ancien. Sur ce point, très technique, nous sommes favorables à l’habilitation législative. Nous y sommes peu favorables par nature, mais la technicité du sujet nous y entraîne. L’article 15 permettra ainsi au Gouvernement de recodifier la partie législative du code des douanes, devenue largement illisible et obsolète. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE. – M. Alain Richard, rapporteur pour avis, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m’étendrai pas sur le rappel de l’importance de la fonction des douanes. Le ministre l’a soulignée de manière tout à fait convaincante et illustrative voilà quelques instants.
Je souhaite simplement ajouter à cette description très juste la très forte évolutivité des techniques et des formes d’intervention de la douane au cours des vingt à trente dernières années – tendance qui se poursuit, notamment du fait du développement du champ numérique.
Il est survenu également un événement politique non dénué d’importance. Les douanes exercent beaucoup plus d’interventions au nom du code des douanes de l’Union européenne qu’au nom du code des douanes national. Leur cadre d’intervention a donc beaucoup changé. En conséquence, la question de l’actualisation du code des douanes se pose, d’autant que ce texte a sérieusement vieilli.
Le projet de loi qui nous est proposé poursuit un double objectif. D’une part, l’idée est de mettre en conformité les interventions contraignantes de la douane avec les droits individuels tels qu’ils sont interprétés dans les évolutions récentes de la jurisprudence. En effet, la déclaration d’inconstitutionnalité que nous avons subie en septembre dernier n’est pas la première. D’autres déclarations d’inconstitutionnalité ont été émises concernant des dispositions importantes du code des douanes, ce qui nous incite évidemment à la vigilance.
D’autre part – et le ministre a été tout à fait explicite quant à la nouvelle dynamique envisagée –, le texte vise à instaurer des mécanismes complémentaires de contrôle pour mieux appréhender des trafics devenus de plus en plus préoccupants.
Les commissions des finances et des lois du Sénat ne sont pas intervenues sur le projet de loi en décalage ni en divergence par rapport à ces deux objectifs, mais en les partageant. Nous avons néanmoins développé des propositions consistant, pour ce qui concerne la commission des lois, à préciser les limites de lieu et de durée des contrôles de la douane sur les voies et sur les lieux de transit et à prévoir l’information et le contrôle de l’autorité judiciaire chaque fois que le contrôle douanier entraîne une contrainte importante pour la liberté de mouvement des personnes.
Comme l’a très bien souligné M. le rapporteur de la commission des finances, nous avons calqué les modalités d’encadrement de ces interventions contraignantes, la plupart du temps, sur celles figurant dans le code de procédure pénale. Ce code est en effet celui qui fait l’objet de la vigilance juridique la plus importante – bien qu’il donne lieu, lui aussi, de temps à autre, à des déclarations d’inconstitutionnalité. Nous devons vraiment partager cette vigilance.
Notre appréciation diffère légèrement de celle du Gouvernement sur ces modalités d’encadrement. Néanmoins, nous sommes en réalité très près d’avoir la même approche.
Les deux nouvelles modalités de contrôle sur lesquelles je veux attirer votre attention sont le développement de l’accès aux données numériques, dans des conditions beaucoup plus intrusives qu’auparavant – développement nécessaire pour l’autre fonction essentielle de la douane qu’est la lutte contre les mouvements de fonds illicites et le blanchiment – et l’exploitation des vérifications des plaques d’immatriculation, outil de renseignement de sérieuse qualité pour repérer les mouvements de transport de stupéfiants de grande ampleur.
Ce dernier point constituant une opération de surveillance généralisée, il suppose également un encadrement précis. À la suite du Gouvernement, nous avons choisi d’en faire une expérimentation sur une durée de trois ans, qui paraît suffisamment représentative. Il y a donc lieu d’affiner les conditions d’encadrement et d’évaluation de cette expérimentation.
Je souhaite insister par ailleurs sur une autre composante du projet de loi, à savoir l’habilitation demandée au Parlement – et que je soutiens fortement – pour recodifier le code des douanes. Sa structure ne correspond en effet pas du tout à celle, beaucoup plus accessible, que nous avons adoptée pour les codes de la dernière génération. À la lumière du principe d’intelligibilité et d’accessibilité du droit mis en avant par le Conseil constitutionnel, le code des douanes ne passe pas l’examen pour un bon nombre de ses dispositions.
Le Gouvernement nous a proposé, déjà, de réécrire dans son intégralité l’article 60 de ce code, relatif aux visites douanières. Nous serons amenés, dans le cadre de la recodification, à revoir complètement la structure du code. Ce sera un travail considérable, indispensable pour que le droit soit effectivement accessible à tous.
Le texte, tel que nous le proposons au Sénat, tient compte pleinement des charges opérationnelles de la douane. Nous partageons l’hommage rendu par le ministre à ses personnels, reconnus pour leur engagement, leur fiabilité et leur volonté de lutter efficacement contre les délits. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, INDEP et Les Républicains. – M. Albéric de Montgolfier, rapporteur, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, je tiens à saluer le travail minutieux de nos deux rapporteurs, qui a conduit à un texte consensuel et équilibré. Ce travail répondait à la nécessité d’encadrer les nouvelles prérogatives des agents de la douane sans entraver leurs missions.
Le Conseil constitutionnel a rappelé à l’occasion de la présentation de ce projet de loi qu’il était de notre devoir d’assurer « une conciliation équilibrée entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée ».
C’est la recherche de cet équilibre qui a guidé nos rapporteurs, en commission des lois comme en commission des finances ; un équilibre d’autant plus subtil que le code des douanes n’avait pour ainsi dire jamais été réformé depuis 1948.
La montée de nouvelles formes de fraude et de nouveaux outils au service des délinquants et des contrebandiers impose de recourir à des outils plus efficaces et plus puissants.
C’est en ce sens, monsieur le ministre, que le présent texte est une réforme d’une ampleur inédite depuis 1948. Il s’agit du premier projet de loi qui prévoit de revoir en profondeur le code des douanes et de moderniser les outils à la disposition de cette administration.
Il n’est pas surprenant que ce texte soit très technique ; il n’en revêt pas moins une grande importance, dans la mesure où il permet de répondre à l’impérieuse nécessité d’entourer le droit de visite douanière de nouvelles garanties légales pour les personnes contrôlées tout en maintenant le même niveau d’efficacité et d’agilité pour les douaniers.
Il est urgent d’agir, car, comme vous l’avez relevé, monsieur le ministre, « la décision du Conseil constitutionnel est devenue le prétexte fallacieux de certains malfrats pour contester les procédures douanières ». Cette décision nous impose donc de rénover le cadre juridique de l’action de la douane avant la date fatidique du 1er septembre 2023, à partir de laquelle sera abrogé l’article 60 du code des douanes dans sa rédaction actuelle.
Le présent texte vise également à accompagner la modernisation de la douane, laquelle pourra ainsi mettre pleinement en œuvre sa stratégie 2022-2025. À cet égard, je rappelle que le Gouvernement a doté la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) d’un budget supplémentaire de 148 millions d’euros pour la période 2022-2025.
Je tiens à saluer l’efficacité, le professionnalisme et le dévouement des 17 000 agents des douanes. Leur travail et leur engagement sont d’autant plus remarquables que ces agents sont mobilisés sur tous les fronts et qu’ils se trouvent en première ligne face au trafic de stupéfiants.
Grâce à ce texte, les douaniers seront en mesure de lutter plus efficacement contre les trafics et la criminalité organisée. Ils pourront notamment renforcer leur présence à la frontière numérique, dans le contexte du développement exponentiel du commerce électronique et de l’utilisation des actifs numériques à des fins de blanchiment d’argent. Le défi à relever est d’autant plus grand que les trafiquants ont souvent un train d’avance sur les services répressifs.
Au fond, mes chers collègues, je pense que ce texte est consensuel au regard tant des nouveaux outils qu’il propose que des garanties qu’il offre aux citoyens en termes de respect de leur liberté et de leur vie privée.
Nous avons bien évidemment relevé les amendements déposés par quelques-uns de nos collègues aux articles 7 et 11. Certains estiment en effet que la création d’une réserve opérationnelle empêcherait le Gouvernement de tenir la trajectoire de renforcement des effectifs de la douane. C’est oublier que cette administration est le seul corps de fonctionnaires en tenue à ne pas disposer d’une réserve opérationnelle et que, par définition, ce corps de réserve n’aura vocation qu’à agir comme une force d’appui pour des missions ponctuelles. Ce sera, chers collègues, un outil précieux pour la douane.
L’article 11 constitue l’un des piliers majeurs de la nouvelle stratégie de lutte contre la contrebande aux frontières. Il illustre parfaitement la nécessité de réarmer la douane face à des organisations criminelles de mieux en mieux structurées. Il est bien évidemment essentiel de limiter la conservation des données ainsi prélevées et d’encadrer leur usage, mais les garanties apportées par le ministre et le caractère expérimental de la mesure nous permettront de la voter sans arrière-pensée et d’ajuster le dispositif le cas échéant.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de ce projet de loi avec un grand élan. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Ludovic Haye applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui visait initialement à tirer les conséquences de la décision de censure du Conseil constitutionnel relative au droit de visite douanier qui impose l’élaboration d’un nouveau cadre législatif avant le 1er septembre 2023.
Vous avez souhaité, monsieur le ministre, profiter de ce texte pour moderniser plusieurs dispositions législatives, notamment celles relatives aux enjeux de modernisation et de numérisation de notre société – je pense, par exemple, aux cryptoactifs ou à la numérisation des données.
À cette fin, vous nous présentez un texte d’aspect technique et opérationnel au périmètre relativement limité.
Je tiens d’ores et déjà à souligner que ce projet de loi va globalement dans le bon sens et qu’il ne suscite au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain aucune opposition majeure.
Cependant, à l’occasion des auditions que j’ai conduites sur ce texte, les organisations syndicales m’ont fait part de leurs inquiétudes quant aux changements structurels qu’il induit.
Je tiens également à porter à votre connaissance les doutes qui s’expriment concernant l’article 7. Celui-ci me laisse perplexe, en ce qu’il instaure une réserve opérationnelle composée de retraités de l’administration des douanes et de volontaires dans des conditions similaires à celles qui existent pour les autres réserves. Il s’agirait de recruter 300 douaniers réservistes pour un temps de mobilisation de quarante-cinq jours.
La direction générale des douanes et droits indirects insiste sur le fait que cette réserve doit répondre à des besoins ponctuels. Cependant, lors de l’examen du texte par la commission des finances, vous avez estimé, monsieur le rapporteur, que cette réserve allait permettre de se doter de compétences rares, ce qui atteste, vous en conviendrez, du flou entourant les perspectives générées par cette disposition.
Cet article a été adopté conforme par la commission. Toutefois, bien que la douane soit le seul corps de fonctionnaires en tenue à ne pas disposer d’une telle réserve à ce jour, des interrogations subsistent quant aux réelles motivations présidant à la création de ladite réserve.
En effet, les activités des douanes sont spécifiques et ne font pas l’objet de fluctuations comparables à celles que connaissent, par exemple, les forces de l’ordre. De plus, si l’on peut comprendre la logique consistant à identifier des besoins ponctuels lors de pics d’activités récurrents – contrôles aux frontières en période saisonnière dans certaines zones, par exemple – ou exceptionnels – les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 –, l’article ne précise pas suffisamment les missions de ces réservistes.
Je m’interroge grandement sur la pertinence d’un tel dispositif, qui ne visera probablement qu’à justifier à terme une diminution, ou à tout le moins un gel des effectifs des douanes. C’est la raison pour laquelle je proposerai un amendement de suppression de l’article 7 – chat échaudé craint l’eau froide, et les douanes ont de quoi être échaudées !
Je rappelle que le projet de loi de finances pour 2023 a supprimé 680 postes au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », après une réduction de près de 1 400 postes en 2022. Plus généralement, près de 10 000 emplois ont été supprimés depuis 2017 dans le cadre de cette mission. Je crains qu’un système de vases communicants ne s’instaure entre la suppression de ces équivalents temps plein (ETP) et la création de la réserve opérationnelle.
Enfin, monsieur le ministre, nous avons découvert par voie de presse les mesures de lutte contre la fraude fiscale que vous souhaitez intégrer par voie d’amendements dans le texte.
Je note qu’après des années passées à nous expliquer que la fraude fiscale était marginale et qu’il fallait se concentrer sur la fraude sociale (M. le ministre délégué le conteste.), vous prenez enfin la mesure du problème. Cependant, une fois les effets d’annonce passés, je doute de votre capacité à vous donner concrètement les moyens de vos ambitions.
Vous allez me répondre que vous avez créé 1 500 postes dédiés à ces missions. Ce chiffre est pourtant peu cohérent avec la politique générale de cette administration, qui vise à supprimer 3 000 postes d’ici à 2027 au sein la direction générale des finances publiques (DGFiP). Nous devrions donc assister davantage à un redéploiement de postes qu’à des créations nettes…
Une telle démarche paraît peu ambitieuse au regard des objectifs que vous affichez et notamment de votre volonté d’instaurer un contrôle bisannuel des cent plus grandes capitalisations boursières.
Monsieur le ministre, vous l’aurez pressenti, nous appréhendons ce texte de manière plutôt positive. C’est toutefois à la fin de son examen que nous déterminerons notre position. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Daniel Breuiller applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Il faut sauver l’article 60 ! »
Tel est le cri d’alerte envoyé par toutes les organisations syndicales depuis la censure du Conseil constitutionnel émanant de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 22 septembre 2022. Sans ce projet de loi, le couperet interviendrait le 1er septembre prochain avec la disparition du droit de visite, outil des douaniers par excellence et cœur de leurs moyens d’action.
L’article 2 de ce projet de loi, sur lequel nous reviendrons au cours de nos débats, offre un équilibre plutôt fin tout en restreignant le rayon des douanes de façon trop importante, notamment au travers de l’oubli volontaire des axes routiers et de certains aéroports.
Nous défendrons des amendements visant à redonner toute sa vigueur au rayon des douanes et à consacrer un droit de visite étendu, mais proportionné, au service des agents et donc à celui de l’intérêt général.
Nous avons bien compris la double volonté du Gouvernement, qui s’inscrit à cet égard dans la continuité des précédents : recentrer les activités des douanes aux frontières, singulièrement sur les missions migratoires, et gérer la pénurie.
Quand certains s’inquiètent à outrance de l’immigration des personnes, la France est ouverte aux quatre vents pour les contrefaçons et autres marchandises non imposées ou non conformes prohibées – drogues, armes, biens culturels, etc. Moins de 1 % des marchandises acheminées au port du Havre font l’objet d’un contrôle physique. Dans un entrepôt Fedex, on recense 100 visites des douanes pour 100 000 colis déposés.
En France, il faut être particulièrement malchanceux pour se faire contrôler par les douanes, malgré le dévouement des brigades de surveillance.
La tragédie débute avec l’Union douanière instaurée en 1968 et se poursuit avec un marché intérieur absorbé en un marché unique, « un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée ». Or assurer la libre circulation, c’est faire des douaniers des facilitateurs d’échanges. Qu’en est-il de la douane et des agents, dépossédés du contrôle aux frontières ? Les communistes s’opposaient déjà à cette disposition en 1987.
Il s’en est ensuivi la journée du 4 juin 1991, au cours de laquelle seul le groupe communiste à l’Assemblée nationale a su résister aux injonctions de voter la création de l’espace Schengen. La France devient le hub d’une mondialisation incontrôlée et incontrôlable.
Les douaniers, comme les usines, seraient devenus inutiles, effacés d’un trait de plume, comme par magie, de la carte administrative française. Près d’un arrondissement sur deux – précisément 48,7 % – ne compte plus d’agent des douanes ; huit départements ne disposent d’aucun douanier. Depuis 1997, l’implantation territoriale a disparu, alors que seuls 10,69 % des arrondissements n’étaient pas couverts à l’époque.
Les douanes affrontent selon vous de « nouvelles menaces », monsieur le ministre, mais vous en avez oublié au moins une : la disparition progressive de la douane elle-même !
Cela a de graves conséquences, qui s’articulent autour de la concentration des structures, de la désertification du territoire et de la détérioration des conditions de travail et du service rendu à la population et à la société. On ne résoudra pas ce problème, tant s’en faut, avec une réserve opérationnelle, car pour avoir une réserve il faut que les effectifs soient au complet. Dans une équipe de football, on n’a pas de remplaçants si l’on n’a pas assez de titulaires.
Notre territoire est exposé à une pluralité de menaces, qui ne se limitent pas au trafic de cigarettes, seule infraction directement traitée dans ce texte, à l’article 14, par un alourdissement des peines de prison. On peut citer le trafic international de drogue, qui pèse 250 milliards d’euros, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, les 4,2 milliards d’euros partis en fumette et autres consommations, les trafics d’armes, qui pullulent, ou encore les trafics de médicaments de contrefaçon.
Ce dernier fléau avait déjà été pointé en 2009 par un chargé de mission de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique : « Les produits proposés ne sont pas toujours des contrefaçons ; il y a aussi d’autres formes de délinquance. Il peut s’agir de médicaments volés ou détournés, de charlatanisme ou encore de médicaments qui n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché. La démarche de protection de la santé publique (et par conséquent du consommateur) est une valeur ajoutée à la protection des marques et des brevets. Le risque sanitaire est réel et doit être pris en compte par tous. » La diversité des risques donne une vision panoptique de l’utilité des douanes et de la pluralité des pratiques frauduleuses qu’enrayent ses agents.
Nous portons une ambition forte pour les douanes, qui doivent recouvrer une place centrale en métropole et réinvestir sérieusement les territoires ultramarins. La France doit prendre toute sa place en Europe dans le contrôle des marchandises et des capitaux, assumer sa charge dans la lutte contre tous les trafics.
La France ne peut plus être submergée de biens issus du commerce mondial sans moyens de s’assurer de leur acheminement dans les règles. Or nous ne voyons sur ce point aucun signe encourageant dans le présent texte, qui privilégie le numérique au physique, le contrôle en ligne au contrôle de marchandises, une douane 2.0 à une douane présente dans tous les territoires.
Nous voterons donc contre ce projet de loi, sauf adoption de nos amendements et évolution positive du texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Daniel Breuiller applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canévet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un texte important que nous examinons aujourd’hui.
Le groupe Union Centriste est particulièrement attaché – comme vous, monsieur le ministre – à la lutte contre l’ensemble des fraudes. En témoignent les nombreux amendements que ses membres, notamment Nathalie Goulet, ont déposés sur ce sujet, en particulier lors de l’examen des projets de loi de finances.
Cette lutte, qui requiert évidemment des moyens adaptés, est extrêmement importante, car la fraude gangrène la société dans laquelle nous vivons. D’une part, elle empêche l’État de disposer d’un certain nombre de moyens au service de l’action publique, ce qui pose un grave préjudice à l’ensemble de nos concitoyens. D’autre part, la fraude est une porte d’entrée à toutes les dérives possibles, par le biais des trafics de tout genre qui sévissent dans le monde entier. Je pense à la drogue, bien entendu, fléau particulièrement dramatique dans de nombreux pays et qui pourrait le devenir en France également, mais aussi au tabac ou à la contrefaçon et à tout ce qui a pour but d’empêcher que s’établissent des relations tout à fait normales entre les uns et les autres.
Il faut donc s’attacher à faire les choses dans le bon ordre. Notre code des douanes n’avait pas été refondu depuis des décennies ; il était donc important de le faire, ne fût-ce que, comme Éric Bocquet vient de le rappeler, pour répondre à l’obligation qui découle de la récente décision du Conseil constitutionnel. Cela nous donne également l’occasion d’adapter notre droit aux moyens technologiques dont on dispose aujourd’hui et dont il est indispensable de doter les services des douanes.
Monsieur le ministre, je veux vous remercier de l’initiative que vous avez prise en invitant les parlementaires volontaires à aller voir, sur le terrain, la manière dont les douanes travaillent. Pour ma part, je me suis rendu auprès des agents de la direction régionale des douanes d’Amiens, pour voir comment ils opéraient sur l’axe Paris-Lille. Je veux saluer le travail qu’ils mènent dans des conditions qui sont loin d’être faciles : l’activité, proportionnelle au flux de véhicules, est extrêmement importante et les moyens dont disposent les agents sont parfois trop réduits pour bien appréhender la réalité de ceux qui veulent détourner la législation de notre pays. Cependant, j’ai trouvé là des agents particulièrement volontaires et mobilisés, des personnes attachées à une bonne réalisation de leur travail.
Cet engagement porte ses fruits : l’an dernier, comme cela a été rappelé, 650 tonnes de cigarettes de contrebande et plus de 100 tonnes de stupéfiants ont été saisies par les douanes. Tout cela est à mettre à l’actif des nombreux agents qui effectuent cette mission sur le territoire national.
Mais pour que cela continue, monsieur le ministre, disons-le très clairement, il faut s’assurer que le périmètre dans lequel les agents des douanes peuvent agir soit le même que celui dans lequel les trafiquants opèrent.
On sait, et l’expérience qu’il m’a été donné de vivre l’a confirmé, que la plupart des marchandises de contrebande arrivent de ports étrangers, notamment de ceux de Rotterdam et Anvers, soit parce que leurs services de douane y sont, peut-être, moins regardants sur ce qui y arrive, soit du fait de l’ampleur des flux de marchandises qui y transitent. Cela nous amène d’ailleurs à nous interroger aussi sur la capacité de nos installations portuaires.
Puisque l’essentiel du commerce international et du transport de marchandises s’effectue par voie maritime, en développant nos ports pour qu’ils puissent réaliser plus d’opérations de transport, nous permettrions à nos services de mieux maîtriser la réalité des trafics qu’ils combattent. Devoir saisir ces marchandises illégales alors qu’elles transitent entre les pays de débarquement et ceux auxquels elles sont destinées, entre le nord et le sud de l’Europe, rend la tâche de nos agents particulièrement compliquée.
Je voudrais aussi appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la fraude à la TVA évoquée par le rapporteur Albéric de Montgolfier. Comme il le soulignait, il faudra que le dispositif présent dans ce texte soit complété à l’avenir par d’autres volets si l’on veut lutter efficacement contre les fraudes ; les avancées déjà permises ici devraient néanmoins permettre aux agents d’être plus efficients.
Ma collègue Sylvie Vermeillet, qui suit attentivement ces questions, est particulièrement préoccupée par la lutte contre la contrefaçon et le trafic de tabac, dont l’ampleur est démontrée par les chiffres que j’ai cités. Les services des douanes m’ont affirmé avoir récemment pu démanteler cinq ateliers de fabrication de tabac installés illégalement sur notre territoire. C’est dire que, au vu des perspectives de profit qu’ils offrent, les opérateurs n’hésitent plus à installer des ateliers sur notre territoire.
Il faut donc que nous soyons beaucoup plus vigilants sur ce sujet. Nous devons nous assurer que les moyens donnés à nos agents pour lutter contre ces ateliers soient plus opérants, sans quoi ce type de contrefaçon va encore se développer.
Fort heureusement, le Gouvernement propose que les sanctions soient nettement renforcées, parce qu’il n’y a pas de raison que les sanctions soient particulièrement lourdes pour le trafic de stupéfiants, mais moindres pour le trafic de tabac. Bien sûr, la lutte contre les stupéfiants doit encore être renforcée, mais la lutte contre la fraude au tabac doit l’être aussi. Il faudra sans doute doter nos agents de meilleurs outils pour y parvenir.
J’espère à ce propos, monsieur le ministre, que le Conseil d’État va rejeter le recours en référé déposé contre le décret pris le 19 avril dernier pour permettre l’utilisation de moyens aéroportés de surveillance par les douanes et les forces de l’ordre. Là aussi, clairement, il s’agit de dispositions visant à doter nos services de douanes d’outils modernes, dispositions que certains attaquent au nom de je ne sais quel esprit de liberté, ce qui est particulièrement regrettable. Il faut que nous puissions continuer dans cette voie.
Vous nous demandez également, monsieur le ministre, de vous habiliter à refondre le code des douanes par ordonnance. Le groupe Union Centriste y est, bien entendu, tout à fait favorable. Simplement, nous souhaitons que cette ordonnance fasse ensuite l’objet d’une ratification. Il est important que le Parlement, quand il confie ses responsabilités à l’exécutif, puisse ensuite contrôler ce que celui-ci a réalisé. La question de la ratification des ordonnances se pose de manière générale, comme le recours à cette procédure a augmenté ces dernières années, mais elle se pose ici de manière plus spécifique : il importe particulièrement que nous puissions ratifier cette ordonnance-ci.
Cela étant dit, monsieur le ministre, le groupe Union Centriste votera avec enthousiasme ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin et M. Alain Richard, rapporteur pour avis, applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la criminalité en bande organisée, dont les méthodes assassines, barbares, font grand bruit depuis le début de l’année à Marseille, prend racine dans les trafics transfrontaliers de contrefaçons, d’armes, de tabac et, bien évidemment, de stupéfiants.
On déplore vingt et un morts depuis le début de l’année dans la cité phocéenne. Des quartiers entiers passés sous un autre droit vivent dans la peur des balles perdues et d’éventuelles représailles de la part des narcoterroristes, qui font la loi.
Ce texte, qui vise à sécuriser les capacités de fouille des douaniers, à alourdir les peines réprimant le trafic de tabac et à prendre des dispositions pour lutter contre les go fast, va dans le bon sens. Cependant, il ne change pas la philosophie du problème.
Dans un rapport de 2015, la Cour des comptes pointe très précisément les enjeux : « Il existe une contradiction latente entre la volonté […] d’assurer la plus grande fluidité du marché intérieur […] et la nécessité de garantir le respect des normes et règles dont les douanes veillent à l’application. […] La tendance de la Commission a jusqu’à présent été de favoriser la libre circulation plutôt que le contrôle. » La Commission européenne, encore et toujours ce boulet idéologique qui refuse de prendre en compte la réalité !
En effet, l’absence de frontières nationales a engendré laxisme, désordre et ensauvagement. Les différents élargissements de l’Union n’ont d’ailleurs pas du tout été pris en considération dans l’évolution des moyens attribués aux douanes, bien au contraire.
Les flux de marchandises et de personnes intra- et extra-européens ayant explosé, le besoin en douaniers augmente fortement. Pourtant, depuis vingt ans, la France a perdu 3 000 agents, passant de 20 000 à 17 000 douaniers.
À Marseille, la direction régionale des douanes m’a fait part de ce problème : même si l’on doublait les effectifs sur le port, les douaniers ne seraient toujours pas assez nombreux pour répondre à l’ampleur des trafics.
On entend souvent parler des effectifs de la police nationale, municipale et de la gendarmerie, mais jamais de ceux des douaniers. Pourtant, si nous avions plus de douaniers, nous aurions certainement besoin de moins de forces de l’ordre à l’intérieur du territoire. Plus de saisies en amont, c’est moins de trafics en aval ! Or, sur les 900 emplois promis au moment du Brexit, en 2019, il en manque toujours un tiers, soit 300.
Ce lundi 22 mai, au col de Larche, dans les Alpes-de-Haute-Provence, un passeur a forcé un barrage des douanes avec son véhicule : douze clandestins ont été découverts à l’intérieur. Les douaniers, on le voit, jouent un rôle primordial de sécurité, avec la police aux frontières.
Par ailleurs, le marché de la cocaïne explose dans notre pays. En plus des saisies historiques effectuées en 2022 sur le port du Havre, avec 10 tonnes découvertes, le port de Marseille-Fos a connu lui aussi un record, avec 1,7 tonne de cocaïne saisie par les douanes. Celles-ci sont à l’origine de 70 % des saisies de stupéfiants en France, mais elles sont victimes de la politique du chiffre qui les oblige, faute d’effectifs, à délaisser les stups pour atteindre les autres objectifs imposés par les bureaucrates des ministères.
Monsieur le ministre, plutôt que de communiquer sur des centaines de postes créés à la DGFiP, il serait plus judicieux de rendre à la douane sa compétence d’enquête sur les fraudes à la TVA, qui représentent 25 milliards d’euros, et de lui accorder les effectifs dont elle a besoin pour remplir sereinement et efficacement l’intégralité de ses missions.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Agnès Canayer applaudit également.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu’en prise directe avec les enjeux les plus contemporains, la douane a déjà une longue histoire derrière elle.
Les échanges de marchandises sont régulés depuis l’Antiquité : pensons au teloneion grec, qui a donné le « tonlieu » du Moyen Âge, à la pratique de l’affermage, qui a de beaucoup précédé l’instauration d’une douane proprement étatique, ou encore aux nombreux octrois, droits de haut-passage, droits de traite, et j’en passe.
Créée en 1791 à la suite du démantèlement de la Ferme générale, ce qui s’est d’abord appelé la Régie nationale des douanes joue, depuis plus de deux siècles, un rôle essentiel dans l’exercice de notre souveraineté économique, au gré des vicissitudes de l’histoire, oscillant entre des périodes protectionnistes et des périodes plus libre-échangistes.
Aujourd’hui, la direction générale des douanes et droits indirects compte un peu plus de 16 000 agents, soit à peu près l’équivalent des effectifs du ministère des affaires étrangères, pour un budget de 1,6 milliard d’euros par an. Toutefois, l’échelle de la politique douanière est désormais européenne, dans le cadre de l’Union douanière qui constitue l’un des piliers de l’UE.
Certains types de fraudes sont répandus au sein de l’Union. Ainsi, en matière fiscale, de la fraude « carrousel » sur la TVA, qui consiste à se faire rembourser dans un pays voisin des montants de TVA qui n’ont en fait jamais été acquittés. La douane française intègre la lutte contre les fraudes intra-européennes dans sa politique de renforcement du contrôle aux frontières intérieures de Schengen.
Les techniques de fraude apparaissent toujours plus sophistiquées et les douanes sont engagées dans une lutte permanente entre le glaive et le bouclier. La situation actuelle se caractérise par une recrudescence des grands trafics illégaux : stupéfiants, tabac et autres produits contrefaits, objets d’art, antiquités ou animaux, mais également, hélas ! trafic d’êtres humains… Ces flux illicites sont d’autant plus difficiles à combattre qu’ils s’insèrent dans la masse du fret légal, ce qui les rend moins aisément détectables. La numérisation de l’économie, en particulier l’usage de cryptoactifs, démultiplie aussi les outils de contournement des contrôles douaniers.
Face à ces défis, l’administration des douanes doit pouvoir disposer de moyens d’action efficaces et correctement dimensionnés. La recherche des auteurs d’infractions douanières est ainsi un objectif à valeur constitutionnelle qui doit être préservé dans le nouveau cadre légal que nous nous apprêtons à examiner.
L’origine de ce projet de loi, cela a déjà été dit, est la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 22 septembre 2022 invalidant l’article 60 du code des douanes, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité. On mesure de nouveau la portée majeure de cette procédure, introduite dans notre droit par la révision de 2008, qui permet d’effectuer un contrôle de constitutionnalité a posteriori.
Il est vrai que la rédaction de cet article 60 pouvait apparaître un peu succincte. Alors que les échanges extérieurs se sont considérablement développés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en même temps que les droits de l’individu et l’intégration européenne, les bases juridiques du contrôle douanier, elles, sont restées en grande partie jurisprudentielles.
Le présent projet de loi procède à une réécriture en profondeur du code des douanes, en particulier à l’article 2, qui remplace la disposition déclarée inconstitutionnelle par une série d’articles nettement plus détaillés – d’aucuns diront peut-être un peu bavards… Cette réécriture sera complétée par une ordonnance prise sur le fondement de l’habilitation qui figure à l’article 15, habilitation dont je propose par ailleurs de réduire le délai à deux ans, conformément à l’avis du Conseil d’État.
Quoi qu’il en soit, ce projet de loi constitue une base indispensable à la pérennité du cadre légal des interventions des agents des douanes, le cadre actuel devenant caduc à compter du 1er septembre prochain.
Plusieurs modifications adoptées en commission tendent à rapprocher le droit des visites douanières de la procédure pénale, en posant des conditions comme l’information du procureur de la République. Ma collègue Nathalie Delattre a, pour sa part, déposé une série d’amendements visant à préserver des moyens légaux suffisants pour la pleine réalisation des missions des agents des douanes. Il s’agit toujours d’assurer un équilibre subtil entre les libertés individuelles et les moyens de la puissance publique.
La création d’une réserve opérationnelle, sur le modèle de celles de l’armée ou de la police, est une proposition intéressante pour une administration dont près de la moitié des agents sont sous uniforme. Ne faudrait-il pas également un renforcement pérenne des moyens matériels et humains de la douane, à l’instar de ce qui se fait chez certains de nos voisins ?
En conclusion, les membres du RDSE reconnaissent la nécessité de légiférer rapidement sur cette question. Ils se montreront attentifs au sort des différents amendements déposés, avec néanmoins un avis a priori favorable sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Alain Richard, rapporteur pour avis, et Marc Laménie applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où la mondialisation entre dans une nouvelle phase, la frontière représente une limite utile, qui permet de filtrer les allées et venues des personnes et des marchandises.
La frontière est également un signe d’humilité et de modestie : comme le souligne Régis Debray, « non, je ne suis pas partout chez moi ». Depuis les années 1990, 27 000 kilomètres de frontières ont été tracés et un monde virtuel est apparu, ce qui nous oblige à imaginer des répliques adaptées.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Il tire également les conséquences de la décision par laquelle, le 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l’article 60 du code des douanes.
Si la lutte contre la fraude peut être assimilée, historiquement, à une course entre le chat et la souris, cela ne signifie pas qu’il faille renoncer : au contraire, il faut innover pour ne pas se laisser distancer.
Grâce à la mise en commun du travail de trois ministères et à l’efficacité de l’Office anti-stupéfiants (Ofast), l’État a pu procéder à des saisies records de stupéfiants en 2022. Au total, ce sont 104 tonnes de drogue, dont 17 tonnes de cocaïne, qui ont été saisies sur le territoire national.
Au Havre, sans doute plus qu’ailleurs, la douane signifie quelque chose. Véritable porte d’entrée et de sortie pour la France, le port du Havre est aussi, malheureusement, une place convoitée par les trafiquants.
Ainsi, plus de 7 tonnes de cocaïne y ont été saisies l’année dernière, dont une saisie record de près de 1 900 kilos, soit « la plus grosse saisie de l’histoire de la douane », selon le ministre Gabriel Attal. De même, les saisies de tabac comme de déchets illégaux ne cessent d’augmenter, comme l’illustre bien la saisie effectuée en avril dernier sur le port du Havre. En 2022, les douaniers ont également intercepté et retiré du marché près de 11 millions d’articles de contrefaçon, véritable gangrène pour l’économie.
Pourtant, et malgré leur dévouement, nos douaniers sont à la peine. Leur combat quotidien ressemble parfois à celui de David contre Goliath. Ils ressentent plus que quiconque l’effet de ciseau entre hausse du trafic, d’une part, et baisse des effectifs, de l’autre. Ces derniers, ayant fondu d’un quart depuis les années 1990, n’ont pas été compensés par les gains de productivité liés notamment à l’informatique et à la mise en œuvre de l’espace Schengen.
Les moyens restent insuffisants et les méthodes d’action demeurent limitées par une législation aujourd’hui dépassée, tandis que les trafiquants ne manquent, eux, ni d’idées ni de ressources, tant l’économie souterraine rapporte. Dès lors, il est plus que nécessaire de fourbir des armes légales correspondant à la réalité rencontrée au Havre comme partout en France.
La mise en conformité du droit de visite douanière a été l’occasion, pour la commission des lois, de clarifier les dispositifs proposés. Ainsi de la précision apportée à la notion d’« abords » des lieux où les opérations des agents des douanes peuvent être conduites à toute heure : la définition d’un rayon de 10 kilomètres autour des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières apporte une limite spatiale claire. Le renforcement des garanties accordées aux personnes a été un autre cheval de bataille de notre commission, qui a voulu veiller au respect des principes fondamentaux et de la dignité humaine lors des fouilles individuelles.
Le cadre d’exercice des pouvoirs douaniers est également modernisé, qu’il s’agisse des capacités d’enquête au service de la performance dans la lutte contre les réseaux de criminalité organisée ou de la clarification du régime de transfert à l’État de la propriété des objets saisis et non restitués.
L’intégration du numérique dans les missions des douanes est au cœur de cette nouvelle approche. Ainsi, la possibilité de copier des données stockées dans un système informatique non implanté sur les lieux visités par les agents habilités illustre la prise en considération de ces aspects innovants et essentiels. Le numérique doit être traité avec la même rigueur que les aspects physiques de leur travail et être soumis au même examen à l’aune de nos principes et libertés.
Un renforcement de l’échange d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration des douanes a également été apporté par la commission des lois, pour améliorer la coordination et l’efficacité.
L’expérimentation des données des lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation (Lapi) devra être évaluée rigoureusement pour envisager sa pérennisation, comme il est d’usage pour toute expérimentation. Conformément aux préconisations de la Cnil, les données ne devront pas systématiquement être conservées pendant la durée maximale de quatre mois.
Puisque le juste équilibre entre l’impératif d’efficacité des enquêtes douanières et la préservation des droits individuels a été trouvé dans ce projet de loi, tel que modifié et enrichi par les travaux des rapporteurs, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Alain Richard, rapporteur pour avis, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le pays où le commerce est le plus libre sera toujours le plus riche et le plus florissant », écrivait Voltaire. Par le commerce, notamment international, la France bâtit sa prospérité.
La création en Europe de l’Union douanière, qui garantit la liberté de circulation des personnes, des biens et des capitaux au sein des pays membres, a offert un atout majeur à notre économie. En facilitant les échanges, nous avons stimulé la création d’emplois et de richesses.
Cette évolution a profondément modifié le travail de l’administration des douanes et rendu plus nécessaire encore la coopération avec les services étrangers.
Une Europe plus ouverte offre plus d’opportunités, mais elle présente aussi plus de menaces. Il nous faut en effet assurer le contrôle d’un nombre toujours croissant de marchandises et détecter les flux clandestins de marchandises illicites.
La contrebande est une activité par nature difficile à détecter et à endiguer, a fortiori lorsque les trafiquants emploient toutes les technologies disponibles pour échapper aux contrôles.
Nous devons donc veiller à moderniser les outils de l’administration des douanes pour qu’elle puisse continuer à lutter efficacement contre ce fléau.
La nature par essence fugace des infractions douanières justifie que la douane soit dotée de pouvoirs de contrôle étendus. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la loi donnait aux agents des douanes le pouvoir général de procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à la fouille des personnes. Cette prérogative générale, sans limites de temps, de lieu ni de circonstances, a été jugée à bon droit contraire à la Constitution.
Il nous faut donc désormais bâtir un régime d’équilibre permettant aux douanes d’accomplir leurs missions tout en respectant la vie privée et la liberté d’aller et venir.
Tel est l’objet du texte que nous examinons. Laborieusement, mais avec précision, il dessine les contours du nouveau régime, en organisant le pouvoir de visite douanière en fonction des lieux et des circonstances. Certainement plus techniques et plus complexes à mettre en œuvre que les précédentes, ces nouvelles règles répondent cependant aux exigences de notre État de droit.
En outre, le projet de loi modernise les outils de la douane, en tenant compte des pratiques les plus récentes des trafiquants. Les paiements de contrebande sont de plus en plus souvent effectués en cryptoactifs. Il était donc grand temps de les faire entrer dans le champ de la compétence douanière.
Dans les trafics, comme dans la société en général, l’informatique occupe désormais une place prépondérante. Plusieurs dispositions du texte permettent de s’adapter à cette réalité, en autorisant la saisie non seulement des données contenues dans les appareils des personnes contrôlées, mais aussi de celles qui seraient hébergées dans les nuages de l’internet.
Via leurs 16 000 agents, les douanes doivent développer des compétences très fines dans des domaines extrêmement variés. Dans ces conditions, la création d’une réserve opérationnelle nous apparaît particulièrement utile.
Les réservistes seront appelés à prêter main-forte aux agents lors de surcharges d’activité. Il faut, en effet, s’attendre à ce que les grands événements que la France va accueillir soient l’occasion d’une augmentation des fraudes.
Ces réservistes pourront, en outre, apporter à l’administration des compétences rares en tant que spécialistes, notamment en matière numérique.
Pour entrer pleinement dans la modernité, les douanes doivent pouvoir compter sur les technologies les plus récentes. L’expérimentation envisagée par le projet de loi, portant sur les fichiers de lecture de plaques d’immatriculation, nous semble à cet égard particulièrement pertinente. Elle permettra d’identifier les convois et de remonter les filières.
Si le monde change vite, certaines choses ne varient pas : la raison d’être de tous les trafics reste le profit. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est donc particulièrement favorable à ce que les flux financiers provenant d’infractions soient ciblés. À cet égard, la procédure de retenue temporaire d’argent vient combler une importante lacune. En confisquant les profits, nous pourrons espérer tarir les trafics.
La mission des douanes est essentielle, cela a été dit et répété. Notre pays doit conserver la maîtrise de ses frontières. En offrant aux douanes des prérogatives modernisées et rendues conformes aux exigences de notre droit, ce projet de loi y contribue utilement. Par conséquent, nous le voterons. (M. Alain Richard, rapporteur pour avis, applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi est le premier texte entièrement consacré à la douane depuis 1965 ; en cela, il est bienvenu. Comme vous, monsieur le ministre, nous sommes fiers de ce service public, dont les moyens doivent être confortés.
La réécriture de l’article 60 du code des douanes, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en septembre dernier, est indispensable. Cet article concerne le cœur du métier de douanier : procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes en vue de la recherche de fraude.
Par conséquent, nous examinons un texte essentiel. Nous pensons d’ailleurs qu’il serait utile de créer un code des procédures douanières sur le modèle de ceux qui régissent les procédures judiciaires.
Ce projet de loi vise à adapter les pouvoirs douaniers au numérique pour mieux appréhender la cyberdélinquance douanière, notamment par la possibilité de geler les données hébergées sur un serveur distant au cours de visites domiciliaires douanières et de sécuriser la saisie des matériels et des documents numériques.
Il est aussi proposé de créer un pouvoir d’incitation à la vigilance des opérateurs de plateformes de vente en ligne quant aux marchandises disponibles sur leurs sites.
Autant de défis qu’il faut relever !
Les agents des douanes jouent un rôle important dans notre société. Ils sont au centre de la lutte contre les trafics de toute nature et protègent l’État, les acteurs économiques, les citoyens et l’environnement. Toutefois, concernant cette réforme de la procédure et des actes d’enquêtes réalisés par les agents des douanes habilités, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires veillera, comme chacun, à l’existence d’une articulation équilibrée entre les objectifs de lutte contre la fraude douanière et le nécessaire respect des droits, des libertés individuelles et de la vie privée.
Vous procédez aussi, monsieur le ministre, à la création d’une réserve opérationnelle de l’administration des douanes. Notre groupe exprimera ses réserves à l’encontre de cette disposition au travers d’un amendement de suppression de l’article, à l’instar des autres groupes des travées de gauche de cet hémicycle.
Si le recrutement d’une réserve peut utilement renforcer les forces disponibles pendant les périodes estivales ou de surcroît de travail, même si ces dernières sont permanentes au regard des échanges commerciaux, les services douaniers connaissent surtout une situation de sous-effectif, encore aggravée par la suppression de 680 postes dans la dernière loi de finances. C’est à cela, monsieur le ministre, qu’il faut apporter une réponse, en recrutant et en formant de nouveaux agents titulaires.
Si la France emploie près de 18 000 douaniers, l’Allemagne en compte 48 000. À due proportion de la population, la France devrait ainsi disposer de 39 000 douaniers, d’autant que le territoire à réguler est bien plus vaste. D’autres critères peuvent également être pris en compte.
Toutefois, nous considérons que la création d’une réserve opérationnelle de l’administration des douanes n’est pas une réponse à la hauteur des défis que vous avez vous-même soulignés. L’annonce du recrutement de 300 nouveaux douaniers pour lutter contre le trafic de cigarettes n’est, à l’évidence, pas suffisante.
Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, je ne voudrais pas, monsieur le ministre, que cette disposition se révèle être un cheval de Troie financier ou budgétaire destiné à créer des réserves dans tous les services publics pour faire face aux baisses de postes de titulaires – professeurs, infirmiers, médecins… – que vous souhaitez imposer en cette période de sévères cadrages budgétaires.
Monsieur le ministre, il est enfin important d’accorder à l’administration douanière des moyens à la hauteur de l’hommage que vous lui rendez. Le manque de ressources a de fortes répercussions non seulement sur la répression des fraudes, mais également sur l’environnement – je pense notamment au contrôle des importations et au commerce d’espèces protégées, faune ou flore sauvages, aux conséquences désastreuses et dont pâtissent les écosystèmes mondiaux.
D’après les Études de l’environnement douanier de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), le volume de déchets ayant fait l’objet d’un commerce est passé de 45,6 millions de tonnes à plus de 220 millions de tonnes, entre 1992 et 2012. Cette augmentation de 400 % en deux décennies seulement a des conséquences redoutables pour l’environnement et pour les personnes, notamment en Afrique et en Asie-Pacifique.
En 2019, ma collègue Laurence Cohen avait interpellé le Gouvernement sur le risque de contamination aux pesticides des produits importés depuis le Brésil – oranges, café, soja… Pour le soja, massivement importé à destination de l’élevage industriel, les normes brésiliennes autorisent la présence de 200 fois plus de résidus de glyphosate que les normes européennes ! Or les douaniers ne peuvent rien faire quand la loi est ainsi faite qu’elle permet d’importer en toute légalité des substances interdites.
La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, prévoit l’interdiction d’exporter des produits phytosanitaires contenant des substances bannies de l’Union européenne, mais ne proscrit pas l’exportation des substances actives.
Ainsi, entre janvier et septembre 2022, les autorités françaises ont approuvé 150 demandes d’exportation de pesticides interdits sur notre territoire, soit 7 475 tonnes de produits fongicides, herbicides ou insecticides.
Il faut protéger les consommateurs, mais aussi nos agriculteurs et nos industriels, contre les importations de produits aux normes environnementales, sanitaires ou sociales incompatibles avec les exigences d’un pays comme le nôtre ou d’un continent européen qui a choisi d’affronter les crises climatiques et sociales.
Il n’est pas temps de faire une « pause » sur les normes environnementales ; les douaniers doivent nous aider à l’éviter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l’Allemagne dispose de plus de 47 000 douaniers pour environ 6 000 kilomètres de frontières terrestres et maritimes, principalement internes à l’Union européenne, la France ne compte pas plus de 17 000 douaniers pour 23 000 kilomètres de frontières terrestres et maritimes, principalement extérieures.
En dépit de prérogatives qui ne sont peut-être pas identiques (M. le ministre délégué opine.), l’exemple de la Guardia di Finanza italienne ou celui de services similaires d’autres pays européens montrent que cette administration française est loin d’être surdotée au regard de la longueur des frontières à surveiller. D’autant que ce sont surtout les frontières extérieures de l’Union européenne qui doivent être contrôlées pour assurer la liberté de circulation des biens et des personnes.
En outre, la croissance d’un certain nombre de trafics, notamment de stupéfiants, gangrène à la fois les États et la cohésion sociale. Les effets de ces trafics sont perceptibles dans plusieurs pays d’Amérique latine, mais aussi sur le territoire européen. Cela doit nous mobiliser.
Pourquoi ce projet de loi était-il nécessaire ?
D’une part, parce que l’article 60 du code des douanes, qui n’a pas été revu depuis sa rédaction en 1948, a été censuré par le Conseil constitutionnel en septembre 2022. Son abrogation a toutefois été reportée au 1er septembre 2023, compte tenu du coup de tonnerre que cette décision représente pour le fonctionnement des douanes.
Par conséquent, il était indispensable de définir un cadre juridique conforme aux exigences et de l’État de droit et du droit européen pour permettre aux prérogatives centrales des douanes que sont les fouilles et les visites douanières de perdurer.
D’autre part, parce que ce projet de loi vise à adapter un certain nombre d’outils au cybercrime et à l’évolution du numérique et à moderniser les méthodes d’enquête.
Bien sûr, de nombreux douaniers se sont inquiétés des conséquences de la censure de l’article 60 du code des douanes sur leur capacité à remplir leurs missions. Celles-ci doivent s’exercer dans le cadre du droit européen et international – les infractions douanières étant par essence internationales – et dans le respect des engagements de la France.
Nous ne pouvons nous extraire de ce droit européen, comme l’a souligné notre rapporteur pour avis. C’est à cette condition que la confiance entre les partenaires européens ou mondiaux peut être construite et que des échanges d’informations peuvent exister.
Par conséquent, rien ne sert de crier au loup face à la censure du Conseil constitutionnel : il importe d’encadrer les dispositions de cet article pour les rendre efficaces et respectueuses des libertés individuelles.
Je tiens d’ailleurs à rappeler, monsieur le ministre, combien cette administration est indispensable et mérite d’être mieux dotée. L’année dernière, 4 000 agents supplémentaires sont venus renforcer les effectifs des douanes allemandes ; nous en sommes très loin en France…
Le projet de loi prévoit une gradation des pouvoirs en fonction des lieux et des motifs : les visites effectuées dans une même zone ne pourront plus excéder une durée de douze heures consécutives et le contrôle ne pourra porter sur l’ensemble du public concerné.
Par ailleurs, le texte vise à définir un rayon des douanes conforme au code frontières Schengen.
Enfin, en cas d’infraction de droit commun constatée en flagrance par des agents des douanes,…
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Leconte !
M. Jean-Yves Leconte. … la personne concernée sera remise aux forces de l’ordre sous le contrôle du procureur.
Ces dispositions nous paraissent intéressantes et à même d’assurer un cadre juridique adéquat à l’action des douaniers. Aussi, je tiens à saluer le travail des rapporteurs ainsi que du Gouvernement.
Nous soutiendrons ces évolutions, sous réserve de la suppression de la réserve opérationnelle. (Mme Isabelle Briquet et M. Daniel Breuiller applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, administration de la frontière et de la marchandise, la douane remplit deux missions simultanées : elle soutient l’attractivité économique du territoire tout en assurant la sécurité de celui-ci et de sa population.
Les chiffres de l’année 2022 attestent de l’importance de ces deux missions : 104 tonnes de drogue ont été saisies par nos services douaniers, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, pour une valeur de revente estimée à plus de 1 milliard d’euros, et cela sans compter le tabac et les articles de contrefaçon.
À l’ère du numérique, l’administration des douanes fait face à un double défi : adapter ses méthodes d’action à une frontière désormais également numérique et faire face à l’intensification des flux illégaux corrélée à la complexification des pratiques délinquantes et à l’adaptabilité toujours plus grande de réseaux criminels s’appuyant sur les nouvelles technologies.
L’année 2022 a également marqué un tournant dans les prérogatives des douanes françaises.
En effet, le 22 septembre dernier, le Conseil constitutionnel a censuré le droit de visite douanière, lequel était aussi nécessaire à l’action douanière répressive que potentiellement porteur d’atteintes aux droits individuels.
Ce projet de loi répond à deux enjeux majeurs.
Dans un premier temps, il me semble primordial d’éviter le vide juridique que pourrait entraîner la décision du Conseil constitutionnel.
En effet, le droit de visite permettait aux agents douaniers « de procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes », et cela sans limitation ni de lieu, ni d’horaire, ni de circonstances.
La censure de ce droit affaiblit l’action douanière et empêche tout simplement l’exercice des prérogatives des agents lors d’un contrôle, lequel doit nécessairement rester inopiné. Pour rétablir l’équilibre, le texte issu des travaux de la commission des lois du Sénat redéfinit deux caractéristiques essentielles du droit de visite.
D’abord, il restreint le rayon des douanes, périmètre établi à partir des frontières terrestres et du littoral au sein duquel les agents des douanes disposent de prérogatives étendues de contrôle.
Ensuite, il crée une gradation en matière de visite, en fonction du lieu et des motifs, adaptant en conséquence le contrôle exercé par les juges et les garanties offertes aux personnes contrôlées.
La visite douanière répond désormais aux exigences de proportionnalité de l’atteinte au droit d’aller et de venir et au respect de la vie privée des personnes tout en associant l’autorité judiciaire à la recherche des infractions douanières les plus graves.
Dans un second temps, ce projet de loi vise à adapter un code douanier datant de 1948 aux nouveaux enjeux de lutte contre les trafics à nos frontières.
En effet, l’administration douanière ne dispose pas des leviers juridiques nécessaires pour faire face aux nouveaux usages des trafiquants, notamment pour appréhender le volet numérique des infractions en cas de commission en ligne de certains délits douaniers ou pour recueillir des preuves informatiques.
Les agents des douanes, par exemple, ne peuvent à ce jour prendre connaissance des pièces et documents se trouvant sur un support informatique ni les saisir, ce qui est en décalage total avec les enjeux économiques de notre époque.
De même, bien que la vente en ligne de marchandises prohibées à l’importation soit courante, aucun dispositif de lutte contre les contenus illicites en ligne n’est prévu à ce jour dans le code des douanes.
Ce projet de loi vise à renforcer la lutte contre la criminalité en ligne et à moderniser les procédures d’enquête pour mieux prendre en compte la cyberdélinquance, qui doit être une priorité de l’action douanière. Ce texte vise à y parvenir efficacement.
Cette réforme constitue l’opportunité de doter les douanes de l’arsenal juridique approprié, mais aussi d’encadrer dès maintenant son utilisation afin de prévenir toute restriction disproportionnée des droits individuels.
C’est dans cet objectif que la commission des lois a cherché à clarifier le régime juridique des nouveaux outils dont le Gouvernement entend doter l’administration.
Elle a ainsi précisé que les opérations de visite ne pouvaient durer plus de douze heures consécutives sur un même lieu et que le contrôle ne pouvait porter que sur une fraction limitée du public présent.
De même, la définition d’un rayon de 10 kilomètres autour des ports, des aéroports et des gares se substitue à la référence aux « abords » de ces lieux, notion bien trop équivoque pour être juridiquement acceptable.
Ces ajouts ont un objectif précis : éviter les écueils que provoquerait une nouvelle décision d’inconstitutionnalité d’une autre disposition du code des douanes.
Le rôle même des douanes est par nature dérogatoire au droit commun tant il peut conduire à restreindre la liberté des individus.
Néanmoins, les enjeux frontaliers de demain s’imposent déjà à nous. Ce texte vise non pas seulement à corriger nos lacunes passées ou à se conformer aux enjeux actuels, mais à anticiper nos futures difficultés et à donner à notre administration les moyens d’y faire face. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Richard, rapporteur pour avis, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décision d’inconstitutionnalité qui a frappé le code des douanes a provoqué une onde de choc au sein de l’administration des douanes, et au-delà.
Au cœur des préoccupations de ses agents se trouve la non-conformité de leur droit de visite à la Constitution, comme cela a déjà été souligné à de nombreuses reprises.
Cette décision a eu un effet retentissant, car elle porte sur une prérogative majeure des douaniers, acteurs centraux de la lutte contre les trafics et première ligne de défense de notre territoire et de la population.
La réaction de l’exécutif n’a heureusement pas tardé, en dépit d’un certain cafouillage à l’automne dernier, d’ailleurs anticipé par le Sénat.
Nous pouvons a priori espérer qu’un nouveau cadre légal entrera bien en vigueur d’ici au 1er septembre prochain, « délai de grâce » octroyé par les juges.
Pourtant, parmi les douaniers, l’inquiétude ne faiblit pas. Je l’ai d’ailleurs mesuré en participant lundi dernier à une opération de contrôle routier à la barrière de péage de Fontaine, dans le Territoire de Belfort.
Nos douaniers mènent des opérations difficiles, au cœur desquelles les techniques de dissimulation évoluent sans cesse et sont de plus en plus sophistiquées. Ainsi, selon les explications d’un chef divisionnaire des douanes, les trafiquants ont recours à des caches aménagées parfois élaborées, y compris lorsque les quantités dissimulées ne semblent pas le justifier.
Très récemment, la brigade de Delle, à la frontière suisse, a saisi onze kilogrammes d’herbe de cannabis cachés dans le réservoir d’essence d’un véhicule léger ou encore des centaines de grammes de cocaïne dissimulés derrière le tableau de bord d’une Citroën C3.
Les moyens de dissimulation se multiplient et concernent tous les types de véhicules, y compris les poids lourds – plancher, réservoir, marchandises cachées au milieu du fret légal.
De même, les moyens déployés sont de plus en plus importants, comme l’illustre la mise en place de convois comptant des véhicules éclaireurs et suiveurs, même pour des quantités limitées. Cette manière de procéder est également utilisée pour les trafics de tabac.
Les agents des douanes sont au cœur des activités régaliennes de l’État. Dès lors, comment imaginer que les douaniers ne détiennent pas de prérogatives spécifiques ? Cela nous rendrait un peu schizophrènes… C’est pourquoi nous ne pouvons entraver leur action. Nous avons aussi le devoir d’aller vite.
Ce projet de loi parvient-il à préserver l’efficacité et la simplicité nécessaires tout en répondant aux interrogations et aux exigences du Conseil constitutionnel ?
C’est le délicat équilibre recherché et trouvé par nos rapporteurs, dont les travaux ont été guidés par une volonté très claire, rappelée à plusieurs reprises, celle d’encadrer sans entraver.
Je me félicite de leur opiniâtreté, qui leur a permis d’introduire des dispositions déjà promues par le Sénat, comme le dispositif de retenue temporaire d’argent liquide circulant à l’intérieur du territoire, lorsque des indices existent en faveur d’un lien entre cet argent et une activité criminelle comme le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la fraude fiscale grave.
Je salue aussi la modernisation du délit de blanchiment douanier, en particulier la disposition incluant explicitement les cryptoactifs parmi les fonds couverts par ce délit.
À ce sujet, les rapporteurs rappellent le constat du directeur de Tracfin, selon lequel les trafiquants ont vite compris qu’il était plus facile de payer en cryptomonnaie qu’en argent liquide.
La modernisation et l’adaptation des moyens des douanes aux nouvelles réalités numériques adoptent la même logique. Alors que de plus en plus de données sont conservées sur des clouds, il est indispensable de rendre possible l’enregistrement des données afin d’éviter qu’elles ne soient effacées et permettre leur exploitation ultérieure par les agents.
Là encore, nous pouvons saluer l’exigence de nos rapporteurs pour assurer la sécurité juridique de ces dispositifs et prévenir tout risque d’inconstitutionnalité.
Enfin, j’encourage également la création d’une réserve opérationnelle de l’administration des douanes, même modeste, pour faire face à des situations d’urgence. Dernier corps en uniforme de l’État à ne pas avoir de réservistes, il est très pertinent de pallier cette lacune, ce qui permettra notamment de conserver des profils précieux, car très spécialisés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Richard, rapporteur pour avis, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je souhaite remercier l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui se sont exprimés.
Nous aurons l’occasion de débattre des sujets qui viennent d’être abordés lors de la discussion des articles. Je voudrais toutefois revenir sur une question importante soulevée par plusieurs d’entre vous : celle des effectifs.
Tout d’abord, les comparaisons avec des pays européens voisins sont à prendre avec des pincettes, notamment parce que les missions de l’administration des douanes et celles de ses homologues sont parfois très différentes. Comparer les effectifs des douanes françaises avec ceux de pays où les missions ne sont pas les mêmes comporte donc une certaine limite.
En Allemagne, par exemple, 8 000 à 10 000 douaniers sont engagés dans la lutte contre le travail illégal, ce qui ne relève pas de la compétence des douanes en France. En outre, les douaniers allemands ont le statut d’officier de police judiciaire et réalisent de facto un certain nombre de missions dévolues à la police nationale en France.
De même, en Italie, autre exemple cité, les douanes réalisent des missions de police fiscale et de renseignement fiscal, ce qui n’est pas le cas de la douane française. Celle-ci dispose certes d’un service de renseignement, mais doté de missions différentes.
Monsieur Cozic, vous avez insisté sur la réduction du schéma d’emplois opérée dans le cadre d’un récent projet de loi de finances. Sachez que cette réduction est liée au transfert à la DGFiP de la gestion et du recouvrement de certaines taxes des douanes.
Ce transfert a par ailleurs permis de réaliser un gain de productivité, puisque la DGFiP gère et assure le recouvrement de nombreuses taxes. Ce gain étant partagé à parts égales entre ces deux administrations, cette disposition a plutôt permis de renforcer les effectifs dédiés à la lutte contre les fraudes.
Enfin, nous tenons beaucoup à la création d’une réserve opérationnelle de l’administration des douanes, prévue à l’article 7 de ce projet de loi.
Les autres corps en uniforme qui ont vu la création d’une réserve opérationnelle, que ce soit les policiers ou les gendarmes, n’ont pas pour autant connu de réduction de leurs effectifs. Au contraire, on a constaté ces dernières années une augmentation sensible dans certains corps tels que la police ou les armées. Ce phénomène est appelé à perdurer puisque la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur prévoit un renforcement très important des effectifs.
Concrètement, la réserve opérationnelle de l’administration des douanes répondra à deux principaux enjeux.
Il s’agit, d’abord, de répondre aux pics d’activité liés à un événement très important organisé sur un temps court – je pense évidemment aux jeux Olympiques et Paralympiques qui engendreront un surcroît d’activité pour nos douanes, comme pour beaucoup d’autres fonctions publiques, et qui nécessiteront de mobiliser des forces supplémentaires – ou à un événement imprévu. Ainsi, lorsque le navire Ocean Viking accoste en France, ce sont les douaniers qui sont mobilisés pour le débarquement. Dans un tel cas, il est possible d’imaginer un soutien de la réserve opérationnelle.
Il s’agit, ensuite, de faire bénéficier la douane de compétences de pointe apportées par des personnes qui souhaitent non pas changer de métier ou travailler pour les douanes, mais partager leurs compétences sur certains sujets, même si de nombreuses compétences sont déjà présentes au sein des douanes et que nous allons continuer de les développer.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces
Avant le titre Ier
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier : MAINTENIR LA SURVEILLANCE DOUANIÈRE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport analysant les causes et les conséquences de la disparition depuis 1997 de la présence douanière dans plus de la moitié des sous-préfectures du territoire et des outre-mer. Il évaluera ainsi la diminution du périmètre du rayon des douanes dans un contexte de recul général de l’action douanière engendrée par la mise en œuvre du traité de Maastricht. Ce rapport devra également présenter un parangonnage des effectifs des douanes et du nombre de bureaux présents dans chacun des pays de l’Union européenne et le cas échéant une pondération des effectifs nécessaires inhérents aux caractéristiques géographiques du territoire français.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, vous évoquez la question importante des effectifs.
Vous commencez par créer une cellule de renseignement fiscal au sein de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, avant de confirmer le redéploiement de cent équivalents temps plein, conformément au contrat d’objectifs et de moyens de la douane. Cette dernière décision signifie que les effectifs ne vont pas augmenter, puisqu’il s’agit d’un simple « redéploiement ». Il faut donc croire que vous estimez que le nombre d’agents est aujourd’hui suffisant.
Je voudrais toutefois rappeler quelques chiffres. Depuis 1997, plus d’un tiers des implantations douanières – 37 % exactement – ont disparu, 48 % des préfectures et sous-préfectures ne disposent plus de services douaniers et la douane est purement et simplement absente de huit départements de métropole.
J’entends bien les bémols que vous mettez au sujet de la comparaison avec l’Allemagne. Néanmoins, la France est avant-dernière du classement européen du nombre de bureaux des douanes et occupe la vingt-quatrième position d’une Union européenne à vingt-sept quand l’Allemagne est troisième avec six fois et demie plus de bureaux de douane par kilomètre de frontières. Or, sur le plan démographique, nous sommes le deuxième pays d’Europe, ce qui est tout de même révélateur d’un certain déséquilibre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Vous ne l’ignorez pas, la commission n’est pas très favorable aux demandes de rapport. Néanmoins, je ne veux pas éluder la question.
Pour ce qui est de l’appréciation des effectifs rapportés à ceux d’autres pays européens qui exerceraient des missions différentes, le ministre est le plus à même de répondre.
Pour autant, les missions des douanes évoluent – je pense notamment aux transferts à la DGFiP. À cet égard, je voudrais vous faire part d’une conviction plus personnelle. Cela fait des années que je m’intéresse à la question des douanes : voilà maintenant plus de dix ans, les membres de la commission des finances peuvent en témoigner, j’étais sans doute parmi les premiers à soulever la question de la fraude à la TVA.
Je m’étais alors rendu au fret de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle où je m’étais aperçu et de l’ampleur de la mission et de la modestie des effectifs : seuls cinq douaniers et cinq postiers étaient dévolus au contrôle du fret postal !
J’ai ensuite continué de m’intéresser aux douanes, y compris dans le cadre de la mission sur l’organisation et les moyens de la douane face au trafic de stupéfiants, conduite avec Claude Nougein. J’en ai conclu que la réponse résidait parfois moins dans l’augmentation des effectifs que dans les évolutions technologiques.
Je prendrai l’exemple du fret douanier : je préfère un scanner qui contrôle 100 % des marchandises à des augmentations d’effectifs qui ne permettront de contrôler que quelques paquets supplémentaires.
Il en va de même pour le trafic de cocaïne au départ des aéroports de Guyane. Claude Nougein et moi-même sommes allés à l’arrivée des avions, à Orly : les effectifs douaniers permettent d’appréhender trois ou quatre mules, lorsqu’un avion en compte des dizaines ! Je préfère donc disposer de scanners corporels assurant un contrôle à 100 %, comme dans d’autres pays, à une hausse des effectifs qui ne permettra pas de répondre à la lourdeur de la tâche.
Face à des trafics et à des volumes aussi considérables, je ne crois pas que les effectifs constituent une réponse suffisante.
Nonobstant le fait que cette question relève davantage d’un projet de loi de finances, la commission est défavorable à cet amendement pour les raisons que je viens d’évoquer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement concerne la question des effectifs, sur laquelle je me suis exprimé à l’instant.
Je sais que les sénateurs n’apprécient pas beaucoup les demandes de rapports. Or l’examen de chaque projet de loi de finances est l’occasion d’échanger sur ce sujet.
Par ailleurs, un rapport remis par la Cour des comptes en 2020 porte déjà sur la question des effectifs des douanes et de leurs missions.
Votre amendement me semblant satisfait, monsieur Bocquet, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE Ier
MAINTENIR LA SURVEILLANCE DOUANIÈRE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE
Article 1er
I. – Le 3 de l’article 44 du code des douanes est ainsi rédigé :
« 3. La zone terrestre est comprise :
« a) Entre le littoral et une ligne tracée à quarante kilomètres en deçà ;
« b) Entre la frontière terrestre et une ligne tracée à quarante kilomètres en deçà. »
II. – Le 4 de l’article 44, l’article 45 et la section 5 du chapitre Ier du titre VIII du code des douanes sont abrogés.
Mme la présidente. L’amendement n° 55 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Requier, Artano, Bilhac, Fialaire, Gold, Roux, Cabanel et Guérini et Mmes Pantel et Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Remplacer le mot :
quarante
par le mot :
cinquante
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’article 1er du projet de loi redéfinit le champ d’action terrestre des douanes figurant à l’article 44 du code des douanes.
Jusqu’à présent, la limite standard était de 20 kilomètres en deçà des frontières maritimes et terrestres et pouvait être portée jusqu’à 60 kilomètres par arrêté du ministre de l’économie et des finances.
La nouvelle rédaction, qui n’a pas été modifiée en commission, fixe une limite médiane de 40 kilomètres, sans extension possible.
Or la configuration du terrain aux abords des frontières peut entraîner des distorsions dans l’application de cette limite. Ainsi, en zone de montagne, par exemple, que l’on rencontre fréquemment dans les régions frontalières, le dénivelé peut entraîner des distances plus importantes que sur un terrain plat, ce qui rend la limite des 40 kilomètres moins pertinente.
Cet amendement, dont Mme Nathalie Delattre est la première signataire, vise donc à repousser la limite du champ d’action terrestre des douanes à 50 kilomètres en deçà de la frontière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, gardons à l’esprit que nous ne disposons pas d’une liberté complète pour la fixation de ces distances d’intervention.
Le rayon douanier est une zone de surveillance spéciale permettant des interventions plus générales et plus rapides ; mais la douane intervient partout dès lors qu’un risque de fraude peut être démontré.
Quant à la règle des 40 kilomètres, elle représente à mon avis l’élastique le plus tendu par rapport aux règles européennes et, à cet égard, il n’y a pas d’inquiétude à avoir au sujet des zones de montagne. En effet, il s’agit d’une distance cartographique. Si, comme dans une région de montagne que je connais bien, il est nécessaire d’emprunter une longue route pour franchir tel ou tel col, le périmètre d’intervention de la douane reste inchangé. J’y insiste, les 40 kilomètres sont mesurés à vol d’oiseau.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Tout l’enjeu de ce projet de loi est de préserver un équilibre entre les pouvoirs très importants accordés à nos douaniers, notamment aux frontières, et le respect des libertés publiques, auquel veille le Conseil constitutionnel ; sa récente décision en témoigne. Cet équilibre est tout à fait possible à atteindre, à condition qu’un encadrement soit clairement prévu.
M. le rapporteur pour avis l’a rappelé : un rayon de 40 kilomètres à partir de la frontière offre à la douane un vaste champ d’intervention, y compris quand on compare la France à d’autres pays européens. De surcroît, les douaniers peuvent tout à fait exercer leurs missions au-delà : en pareil cas, c’est simplement un autre régime qui s’applique, comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale.
Enfin – j’insiste sur ce point –, en vertu du 5 de l’article 44 du code des douanes, que le présent texte ne modifie pas, « les distances sont calculées à vol d’oiseau sans égard aux sinuosités des routes ».
Monsieur le sénateur, une réponse est donc déjà apportée aux problèmes que vous évoquez. Voilà pourquoi je vous prie à mon tour de bien vouloir retirer votre amendement.
M. Jean-Claude Requier. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 55 rectifié est retiré.
L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Roux, Cabanel et Guérini et Mmes Pantel et Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
du rivage de la mer et des rives des estuaires
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La rédaction actuelle de l’article 44 du code des douanes précise que, pour les frontières maritimes de la zone terrestre du rayon des douanes, le champ d’action s’étend entre le littoral « et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà du rivage de la mer et des rives des fleuves, rivières et canaux affluant à la mer jusqu’au dernier bureau de douane situé en amont, ainsi que dans un rayon de 20 kilomètres autour dudit bureau ».
La nouvelle rédaction indique quant à elle que la zone terrestre est comprise « entre le littoral et une ligne tracée à 40 kilomètres en deçà », sans plus de précision. Ainsi, rien ne garantit que les rives des estuaires des fleuves soient incluses dans le rayon d’action des douanes.
Par cet amendement, nous voulons nous assurer que le champ d’action terrestre des douanes inclut bien ces dernières. Vous l’avez deviné : Mme Delattre, qui a déposé cet amendement, pense notamment à l’estuaire de la Gironde, dans le département dont elle est élue.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, en droit domanial, l’estuaire est une zone maritime. Il relève en conséquence de la partie maritime de la zone douanière et commence à la limite de salinité.
Les 40 kilomètres en retrait peuvent se compter à partir de tout point d’une côte : tout le territoire autour de la Gironde entre donc bien dans le rayon des douanes. Aussi, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, car il est pleinement satisfait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n° 56 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 56 rectifié est retiré.
L’amendement n° 9, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
Le 4 de l’article 44,
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Ces dispositions suivent le même esprit que celles des deux amendements précédents.
Monsieur le ministre, nous vous avons demandé d’étendre le rayon des douanes à 60 kilomètres, au moins temporairement, dans les zones qui le nécessiteraient.
Bien sûr, j’entends les arguments que l’on nous oppose. Mais il faut aussi que vous entendiez ce qu’a dit mon ami et camarade Éric Bocquet : ce n’est pas un hasard si ce sont des sénateurs qui vous posent la question du périmètre.
Actuellement, huit départements sont privés de toute présence douanière et près de 50 % des préfectures et sous-préfectures sont désormais sans douanier : le périmètre n’est pas un petit sujet !
De plus, vous l’avez dit vous-même, nous y reviendrons à l’article 7, la réserve opérationnelle a vocation à faire face aux pics de charge. Mais ces derniers justifient précisément l’accroissement du nombre de contrôles. À ce titre, l’action des douaniers doit connaître le moins d’entraves possible et pouvoir se déployer dans un rayon plus vaste.
Voilà pourquoi nous persistons à penser que le rayon des douanes doit pouvoir être porté à 60 kilomètres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. M. Savoldelli a parfaitement résumé le débat.
Le rayon des douanes est une zone d’intervention privilégiée, où les services douaniers n’ont pas à démontrer un risque de fraude ou une suspicion de trafic avant d’intervenir. Toutefois, pour des raisons de sécurité juridique et de conformité au droit européen, cette zone d’intervention généralisée doit être limitée.
J’y insiste, dès lors qu’elles peuvent démontrer un risque de fraude ou une suspicion de trafic, ou encore lorsqu’elles ont saisi le procureur de leur intention d’opérer un contrôle sous la forme d’une visite douanière, les douanes peuvent intervenir partout.
Le ministre l’a bien expliqué : nos 17 000 douaniers doivent faire face à des trafics multiformes, certains dans l’espace physique, d’autres dans l’espace numérique. Pour garantir la bonne distribution de cette ressource humaine rare et très qualifiée, mieux vaut ne pas multiplier les délimitations territoriales. L’enjeu est de préserver une souplesse d’utilisation : c’est tout le sens de l’article 60 du code des douanes, que nous allons examiner dans quelques instants.
J’émets, en conséquence, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – L’article 60 du code des douanes est remplacé par des articles 60 à 60-10 ainsi rédigés :
« Art. 60. – Les dispositions des articles 60-1 à 60-10 sont applicables pour la mise en œuvre :
« 1° De la législation douanière et la recherche de la fraude ;
« 2° Du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union et de ses règlements d’application ;
« 3° Du règlement (UE) n° 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005 ;
« 4° Des dispositions du chapitre II du titre V du livre Ier du code monétaire et financier.
« Art. 60-1. – Les agents des douanes peuvent procéder, à toute heure, à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes se trouvant ou circulant dans les zones et lieux suivants :
« 1° La zone terrestre du rayon des douanes définie à l’article 44 ;
« 2° Les bureaux de douane désignés en application de l’article 47 ;
« 3° Dans un rayon maximal de dix kilomètres autour des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international, désignés par arrêté du ministre chargé des douanes ;
« 4° Les sections autoroutières commençant dans la zone mentionnée au 1° du présent article et allant jusqu’au premier péage se situant au-delà de la limite de cette zone ainsi que le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes et celles situées sur ces sections autoroutières ;
« 5° Les trains effectuant une liaison internationale, sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà de la limite de la zone mentionnée au même 1°. Toutefois, sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, la visite peut également être opérée entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants. Ces lignes ferroviaires internationales et les arrêts sont désignés par arrêté conjoint des ministres chargés des douanes et des transports.
« Art. 60-2. – En cas de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction mentionnée à la section 1 du chapitre VI du titre XII, au chapitre IV du titre XIV du présent code et au chapitre II du titre V du livre Ier du code monétaire et financier, les agents des douanes peuvent également procéder, à toute heure, à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes se trouvant ou circulant sur la voie publique et les lieux attenants directement accessibles au public ainsi que dans les ports, aéroports, gares ferroviaires ou routières et les trains autres que ceux mentionnés à l’article 60-1 du présent code.
« Art. 60-3. – En dehors des cas prévus à l’article 60-2, les agents des douanes peuvent procéder à toute heure à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes se trouvant ou circulant dans les lieux mentionnés au même article 60-2, pour la recherche des infractions douanières se rapportant aux marchandises mentionnées aux articles 215 à 215 ter et au 6° de l’article 427, ainsi qu’à celles expédiées sous un régime suspensif.
« Ils peuvent effectuer les mêmes actes de visite pour la recherche des délits prévus à l’article 415 lorsque les opérations financières recherchées portent sur des fonds provenant des infractions mentionnées au premier alinéa du présent article ou des atteintes à la législation sur les substances vénéneuses classées comme stupéfiants, ainsi que pour la recherche des infractions mentionnées au chapitre II du titre V du livre Ier du code monétaire et financier.
« Les opérations de visites prévues aux premier et deuxième alinéas du présent article ne peuvent être engagées qu’après information du procureur de la République, lequel peut s’y opposer.
« Si la personne concernée le demande, et dans le cas où la visite se déroule en son absence, un procès-verbal relatant le déroulement des opérations de contrôle est établi. Copie en est remise à la personne concernée et transmise au procureur de la République.
« Art. 60-4. – Aux fins de procéder à la visite des marchandises placées sous surveillance douanière en application de l’article 134 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union, les agents des douanes ont accès aux locaux et aux lieux où elles sont susceptibles d’être détenues entre six heures et vingt et une heure ou, en dehors de ces heures, lorsque l’accès au public est autorisé ou lorsque sont en cours des activités de production, de fabrication, de conditionnement, de transport, de manutention, d’entreposage ou de commercialisation. Cet accès ne s’applique pas à la partie des locaux affectée à un usage privé ou d’habitation.
« Art. 60-5. – À l’exception de ceux réalisés dans les bureaux de douane, les droits de visite ne peuvent être mis en œuvre dans un même lieu ou une même zone que pour une durée n’excédant pas, pour l’ensemble des opérations, douze heures consécutives et ne peuvent consister qu’en un contrôle des personnes dont le comportement les signale à l’attention des agents ou d’une fraction limitée du public présent ou circulant dans les lieux mentionnés aux articles 60-1 à 60-4.
« Art. 60-6. – La visite des personnes peut consister en la palpation ou la fouille de leurs vêtements, de leurs bagages ainsi que de tous autres effets personnels, à l’exclusion de toute fouille intégrale.
« Elle peut également consister, sur consentement écrit de la personne, en la réalisation d’épreuves de dépistage de substances ou plantes classées comme stupéfiants.
« Ces opérations s’exécutent dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. Elles sont pratiquées à l’abri du regard du public sauf impossibilité liée aux circonstances.
« Art. 60-7. – Les agents des douanes ne peuvent immobiliser les moyens de transport et les marchandises ou maintenir à leur disposition les personnes que le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations matérielles de visite qui comprennent le contrôle de la marchandise, du moyen de transport ou de la personne, la consignation dans un procès-verbal des constatations faites et renseignements recueillis, ainsi que, le cas échéant, les saisies et la rédaction du procès-verbal afférent.
« Les agents des douanes peuvent prendre les mesures nécessaires et adaptées en vue d’assurer la préservation des marchandises et des moyens de transport, ainsi que la sécurité des personnes.
« Lorsque la visite s’est trouvée matériellement impossible ou que des investigations approfondies qui ne peuvent être effectuées sur place doivent être diligentées, les agents des douanes peuvent ordonner le transfert des marchandises, des moyens de transport et des personnes vers un lieu approprié.
« Au-delà d’une durée de quatre heures depuis le début des opérations de la visite, le procureur de la République en est informé par tout moyen.
« Art. 60-8. – Chaque intervention dans des locaux et lieux mentionnés aux articles 60-1, 60-2 et 60-4 se déroule en présence de la personne concernée ou de son représentant ou, à défaut, d’une personne requise à cet effet par les agents des douanes et qui ne relève pas de leur autorité administrative.
« La visite des moyens de transport a lieu en présence de leur conducteur, de leur propriétaire ou, à défaut, d’une personne requise à cet effet par les agents des douanes et qui ne relève pas de leur autorité administrative. La présence d’une personne extérieure n’est toutefois pas requise si la visite comporte un risque grave pour la sécurité des personnes et des biens. Lorsque la visite des moyens de transport a lieu en l’absence de leur conducteur ou de leur propriétaire, un procès-verbal relatant le déroulement de la visite est établi et signé, le cas échéant, par la personne requise.
« La visite des moyens de transport spécialement aménagés à usage d’habitation et effectivement utilisés comme résidence au moment du contrôle ne peut être faite que conformément à l’article 64.
« La visite des bagages a lieu en présence de leurs détenteurs ou, à défaut, d’une personne requise à cet effet par les agents des douanes et qui ne relève pas de leur autorité administrative.
« L’examen des marchandises et les prélèvements d’échantillons réalisés en application de l’article 189 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union s’effectuent dans les conditions prévues aux paragraphes 2 et 3 du même article 189.
« Art. 60-9. – Les agents des douanes ne peuvent recueillir des déclarations qu’en vue de la reconnaissance des objets découverts lors de la visite.
« Lorsqu’une personne concernée par la visite et suspectée d’avoir commis une infraction douanière fait l’objet d’une mesure de contrainte sur sa personne, elle ne peut être entendue selon les modalités prévues à l’article 67 F.
« Art. 60-10. – Le fait que les opérations de visite révèlent des infractions autres que celles mentionnées aux articles 60-1 à 60-4 ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. »
II. – Au II de l’article L. 251-18, au B de l’article L. 251-18-1, au premier alinéa de l’article L. 936-6 et au II de l’article L. 951-18 du code rural et de la pêche maritime, après la référence : « 60 », sont insérés les mots : « à 60-10 ».
III. – À l’article L. 112-24 du code du patrimoine, après la référence : « 60 », sont insérés les mots : « à 60-10 ».
IV. – Au premier alinéa de l’article L. 80 J du livre des procédures fiscales, après la référence : « 60 », sont insérés les mots : « à 60-10 ».
V. – À l’article 65 B et au premier alinéa du I de l’article 67 bis du code des douanes, après la référence : « 60 », sont insérés les mots : « à 60-10 ».
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tenais à intervenir sur cet article, car, élu d’un département frontalier de la Belgique – les Ardennes –, je connais assez bien l’administration des douanes. Je la connais presque depuis toujours : à Givet, la maison de mes parents était adossée à la caserne de douane ! (Sourires.)
À l’époque, il y avait beaucoup de douaniers dans cette ville, qui comptait 7 000 habitants, comme dans tout le département. Les douanes intervenaient en tout lieu et en toutes circonstances, sur les axes routiers comme ferroviaires. Elles opéraient aussi des contrôles fluviaux, puisqu’elles étaient présentes sur la Meuse.
Les douanes font partie de notre histoire et notre devoir de mémoire s’étend bien sûr à elles. Je relève d’ailleurs, à l’instar de M. le ministre et d’un certain nombre d’orateurs, qu’elles n’avaient pas fait l’objet d’un texte législatif depuis soixante ans.
L’article 2, qui assure la mise en conformité du droit de visite douanière, remplace l’article 60 du code des douanes par onze articles.
Le dispositif retenu préserve les spécificités opérationnelles de la douane et sa capacité de lutte contre les fraudes et trafics, dont le trafic de stupéfiants, que ce soit sur le territoire national ou en dehors de nos frontières. Elles s’attaquent aussi bien à la contrebande de tabac qu’à la fraude financière et aux contrefaçons. Ce sont là autant de missions de grande importance.
Soumis à l’examen de notre commission des lois, cet article garantit, enfin, le lien entre les douanes et nos autres forces de sécurité intérieure : police, gendarmerie et services de secours. Ces dispositions sont elles aussi essentielles.
Je voterai cet article.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. 60. – Les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes dans les conditions prévues par le présent article et par les articles 60-1 à 60-10. Les dispositions des articles 60-1 à 60-10 sont applicables pour la mise en œuvre :
« 1° Du présent code et en vue de la recherche de la fraude ;
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il s’agit d’un amendement essentiellement rédactionnel, déposé à la suite des modifications apportées en commission.
Selon nous, les finalités du droit de visite sont moins bien identifiées dans la version actuelle : il nous semble important de les clarifier d’entrée de jeu en précisant que, dans ce cadre, « les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes ».
Ce faisant, nous assurerons l’encadrement de ces dispositions : il s’agit d’un véritable enjeu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Ce débat d’ordre légistique n’a pas une énorme importance.
Nous reconnaissons que le Gouvernement a très bien fait de remplacer l’article 60 du code des douanes, qui était confus, par une série d’articles énumérant les étapes de l’opération de visite. Nous proposons d’ailleurs de procéder de même pour l’article 64, qui a pour objet la visite domiciliaire.
Cela étant, les objectifs du droit de visite et l’application des différentes législations sont déjà précisés à l’article 60-1 et, selon nous, c’est bien là qu’ils doivent figurer.
La commission émet un avis défavorable, mais – je le répète – cette différence d’appréciation est bien d’ordre rédactionnel : elle ne porte pas sur le fond.
Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10
1° Remplacer les mots :
Dans un rayon maximal de dix kilomètres autour des
par le mot :
Les
2° Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi qu’aux abords de ces lieux
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement tend lui aussi à revenir sur une modification apportée en commission.
La notion d’« abord » des ports, aéroports et gares ferroviaires a été remplacée par un rayon de 10 kilomètres au motif que ce critère était plus clair – certains l’ont affirmé au cours de la discussion générale.
Toutefois, un tel rayon d’action a des implications très variables selon le degré d’urbanisation des territoires. Ainsi, un rayon de 10 kilomètres autour d’une gare parisienne accueillant des trains internationaux couvrirait une très grande partie de l’agglomération parisienne : les douanes y disposeraient d’un droit de visite extrêmement étendu et moins « encadré » que dans le droit commun.
Au cours de cette même discussion générale, une oratrice a estimé que le terme « abord » était flou ; or il figure déjà dans notre droit : le code des douanes et le code de procédure pénale mentionnent « l’abord des lieux ».
Cette notion me semble préférable à la règle des 10 kilomètres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, la commission tient à sa rédaction, au nom de la clarté du droit.
Naturellement, les services douaniers ne sont pas tenus d’appliquer un rayon d’action de 10 kilomètres. Et cette notion, plus objective que celle de l’abord, est mieux à même de parer les risques contentieux.
Certes, d’autres textes emploient la notion d’abord. Toutefois, sur ce sujet, il faut observer un parallélisme avec les contrôles d’identité qu’il est possible d’opérer à proximité des ports et aéroports. Or, en la matière, c’est précisément cette limite géographique qui est prévue : elle a prouvé sa solidité.
Bien entendu, si nous ne vous convainquons pas, la discussion pourra se poursuivre au cours de la navette. Pour notre part, nous préférons retenir la base objective d’une distance kilométrique.
M. André Reichardt. Êtes-vous convaincu, monsieur le ministre ? (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le rapporteur pour avis, j’entends vos observations. Toutefois, si j’en crois les analyses communiquées par mes services, ces dispositions posent un vrai risque de constitutionnalité.
L’adoption de cet amendement entraînerait la création d’un droit de visite extrêmement élargi, à 10 kilomètres des gares et aéroports, donc dans des zones qui ne peuvent être considérées comme frontalières. On ne peut pas dire que le centre de Paris soit aux frontières de notre pays ! La manière dont le Conseil constitutionnel pourrait considérer un tel critère nous inspire, de ce fait, de réelles inquiétudes.
La notion d’abord, qui – je le répète – figure déjà dans le code de procédure pénale et dans le code des douanes, renvoie pour sa part aux rues adjacentes des gares et aéroports.
Pour la clarté de nos débats, je tenais à apporter ces précisions avant que le Sénat ne se prononce. Le cas échéant, nous continuerons de travailler au cours de la navette parlementaire pour assurer la conformité, espérée, de ce texte à la Constitution.
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer les mots :
, désignés par arrêté du ministre chargé des douanes
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous proposons de rendre systématique le rayon des douanes de 10 kilomètres autour des ports, aéroports et gares internationaux ; ce sont là autant de points d’entrée ou de transit de personnes et de marchandises. Cette extension ne serait donc plus décidée sur arrêté du ministre des finances.
Mes chers collègues, pour information, depuis une décision prise en 2017 par le ministre de l’intérieur, notre pays dénombre soixante-quatorze points de passage frontalier aérien.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Nous avons déjà débattu de ce point : les douanes peuvent intervenir partout, dans les conditions prévues par la loi, et la zone douanière est une zone d’intervention généralisée qui n’a pas lieu d’être étendue à l’ensemble du pays.
Pour ce qui concerne les ports, l’intervention ponctuelle des douanes est possible dans le cadre d’une visite douanière. En revanche, pour concentrer les moyens dont il dispose, il est logique que le Gouvernement choisisse les ports où le trafic de marchandises est le plus intense. Il y va encore et toujours du bon emploi des effectifs de douaniers.
C’est pourquoi nous préférons laisser au ministre le soin de désigner les ports relevant du rayon douanier.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les axes secondaires ou tertiaires constituant une alternative aux axes autoroutiers dont la liste des portions est déterminée par arrêté conjoint des ministres chargés des douanes et des transports ;
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Par cet amendement, les élus de notre groupe plaident pour que les routes nationales et départementales entrent, à titre facultatif, dans le rayon des douanes. Les tronçons concernés seraient déterminés par les ministres chargés des douanes et des transports.
Sur la base d’entretiens que nous ont accordés plusieurs agents des douanes, nous dressons le constat suivant : la réduction du nombre de brigades de surveillance intérieure et le redéploiement de ces effectifs aux frontières est un phénomène structurel qui connaît une accélération préoccupante.
Le « tout frontière » revient à réduire le champ géographique d’intervention des services des douanes en restreignant leur rayon d’action.
Mes chers collègues, peut-être le raisonnement suivant est-il un peu simpliste, mais mettez-vous dans la peau d’un contrevenant : dès que vous passez les 40 kilomètres du rayon des douanes, que vous quittez l’autoroute pour rejoindre les axes secondaires ou les départementales, vous êtes presque certain de ne pas croiser un agent des douanes. Il s’agit là d’un signal grave. Une grande partie du territoire risque d’être délaissée.
En outre, entre les procédures de dédouanement simplifié ou à domicile, en suspension de droits et taxes, le travail des agents devient impossible.
Tout opérateur peut être autorisé à dédouaner à domicile, à l’importation : il faut simplement que les douanes aient agréé les locaux. Si l’opérateur recourt à une installation de stockage temporaire jusqu’à quatre-vingt-dix jours, il peut même transférer son lieu de stockage avec l’autorisation des douanes. C’est dire si la circulation des marchandises fait l’objet de nombreuses modalités dérogatoires, qui garantissent une impunité quasi totale.
L’autorisation d’opérateur économique agréé (OEA) permet ainsi aux opérateurs qui auraient prouvé leur fiabilité de « moduler le taux de contrôles physiques et documentaires » – en d’autres termes, cela signifie moins de contrôles, voire plus aucun. Elle leur assure également une priorité dans les laboratoires de contrôle, une priorité de traitement de dédouanement et la réduction des données à fournir.
Pour ces raisons, prenons garde à ne pas délaisser les routes nationales et départementales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, nous sommes tenus d’appliquer le rayon des douanes dans une zone frontalière limitée. Bien entendu, il reste possible d’intervenir partout ailleurs, sur une base spécifique et justifiée légalement.
Si la zone des 40 kilomètres est prolongée sur les autoroutes, c’est simplement parce que l’on ne peut y arrêter un trafic en pleine voie. Le lieu où les contrôles peuvent être opérés, au-delà du rayon de 40 kilomètres, c’est la première halte de péage.
Étant donné qu’il n’existe aucun équivalent sur les autres voies, les dispositions que vous proposez étendraient de facto le régime des 40 kilomètres au territoire entier : ce n’est pas l’objet de ce projet de loi et, selon nous, ce ne serait pas cohérent. Je vous propose donc de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Savoldelli, l’amendement n° 15 est-il maintenu ?
M. Pascal Savoldelli. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par MM. Leconte, Cozic et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sueur, Raynal et Féraud, Mme Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après le mot :
financier
insérer les mots :
et après en avoir informé le procureur de la République qui peut s’y opposer
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Afin de respecter parfaitement l’esprit et la lettre des recommandations émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 septembre 2022, nous proposons d’assortir l’article 60-2 d’un contrôle judiciaire, impliquant l’information préalable du procureur de la République.
Cet article a été inséré dans le code des douanes afin de permettre le droit de visite des agents des douanes lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction douanière ou d’une infraction à certaines dispositions du code monétaire et financier.
Le droit de visite est assorti d’un champ d’application particulièrement étendu. Susceptible de s’exercer à toute heure, il porte à la fois sur les marchandises, les moyens de transport et les personnes se trouvant ou circulant sur la voie publique, dans les lieux attenants directement accessibles au public, ainsi que dans les ports, aéroports, gares ferroviaires ou routières et les trains non ouverts à l’international et qui sont situés hors du rayon des douanes.
L’information du procureur de la République garantit le contrôle de l’opportunité de l’opération.
Ces dispositions s’inscrivent également dans une démarche d’harmonisation procédurale. En effet, la procédure envisagée, qui suppose l’information préalable du procureur de la République territorialement compétent, s’aligne sur celle prévue à l’article 60-3, que crée ce projet de loi, afin de lutter contre la circulation irrégulière de certaines marchandises sensibles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Nous en venons à présent à la limite exacte des interventions judiciaires dans les contrôles douaniers. En l’occurrence, nous parlons de l’application du droit de visite dans un lieu de transit.
Les douanes peuvent effectuer une visite inopinée sur la base d’une suspicion plausible, qu’elles pourront justifier en cas de litige. Dans ce cas, l’intervention de la justice n’est pas prévue : il s’agit de la forme d’intrusion la plus limitée. En revanche – nous le verrons en examinant les articles qui suivent –, en cas de retenue ou d’immobilisation au-delà d’une certaine durée, il faudra aviser le procureur.
Quant à l’article 60-3, il porte sur les contrôles préventifs menés sans argument de suspicion plausible, lesquels supposent une autorisation du procureur.
Il nous semble donc que les dispositions de cet amendement vont trop loin : une telle soumission des activités de la douane à la justice est excessive. Elle n’est pas justifiée par la gravité des infractions ou par celle de la retenue. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Cozic. Je retire cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 44 est retiré.
L’amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces dispositions s’appliquent également à la tentative.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il s’agit d’un nouveau désaccord avec la version du nouvel article 60 adoptée par la commission des lois. En effet, en supprimant le terme « tentative », nous nous exposons à un risque.
Il est important que les agents des douanes puissent s’appuyer sur cette notion. Prenons l’exemple d’une personne dont on sait qu’elle a introduit une somme d’argent liquide sur le territoire national : la douane doit pouvoir l’interpeller avant qu’elle n’ait commis son infraction, sur le motif de la tentative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. La rédaction proposée par le Gouvernement procède, selon nous, d’une lecture imparfaite du code des douanes que lui-même défend.
Monsieur le ministre, l’article 409 de ce code précise que « toute tentative de délit douanier est considérée comme le délit même ». Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire de réintroduire la notion de tentative dans les articles spécifiques du code : il s’agit d’une disposition générale.
J’émets, en conséquence, un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le rapporteur pour avis, ces dispositions générales s’appliquent effectivement à un certain nombre de délits identifiés par le code des douanes. Mais, en l’occurrence, nous parlons des raisons plausibles de soupçonner un délit.
La direction générale des douanes et notamment son service juridique, la direction des affaires juridiques du ministère, les juristes du Conseil d’État que nous avons sollicités, le secrétariat général du Gouvernement ainsi que la Chancellerie sont unanimes : il est plus sécurisant de réintroduire cette notion dans l’article.
Je prends acte de notre désaccord avec la commission des lois, mais il me semblait important de formuler ce rappel.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Je saisis cette occasion pour remercier nos deux rapporteurs de leur excellent travail, même si, une fois n’est pas coutume, je ne vais pas suivre l’avis de la commission des lois.
Au fond, qui peut le plus peut le moins : je ne vois pas en quoi l’ajout du terme « tentative » nuirait à la qualité de notre texte. M. le ministre et les services qu’il a mentionnés considèrent que c’est un plus : pour une fois, je suivrai le Gouvernement ! (Sourires.)
M. André Reichardt. Juridiquement, cela ne tient pas !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Il me semble préférable de maintenir la formulation retenue par la commission des lois. Si l’on veut aller dans le sens indiqué par M. le ministre, la solution serait de modifier l’article 409.
M. Jean-François Husson. Excellent !
M. André Reichardt. Absolument !
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 14 à 17
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 60-3. – Après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, les agents des douanes peuvent procéder, à toute heure, à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes se trouvant ou circulant dans les lieux mentionnés à l’article 60-2, pour la recherche des seules infractions douanières se rapportant aux marchandises mentionnées aux articles 215 à 215 ter, au 6° de l’article 427, aux marchandises expédiées sous un régime suspensif, ainsi que des délits prévus à l’article 415 lorsque les opérations financières portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions ou des infractions à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants, ainsi que pour la recherche des infractions mentionnées au chapitre II du titre V du livre Ier du code monétaire et financier. Ces dispositions s’appliquent également à la tentative. Si la personne concernée le demande, ainsi que dans les cas où la visite se déroule en son absence, un procès-verbal relatant le déroulement des opérations de contrôle est établi dont une copie est remise à la personne concernée ainsi qu’au procureur de la République.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ces dispositions sont directement liées à celles que je viens de présenter : je les considère donc comme défendues.
Mme la présidente. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier et Artano, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Roux et Cabanel et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Supprimer les mots :
, lequel peut s’y opposer
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. En vertu de l’alinéa 16, les opérations de visite douanière ne peuvent être engagées qu’après information du procureur de la République, lequel peut s’y opposer. Sans créer une condition expresse d’autorisation par ledit procureur, il s’agit d’une limite non négligeable assignée aux douaniers dans l’exercice de leurs missions.
Pour le bon déroulement des opérations, il paraît souhaitable de s’en tenir à une simple information du procureur de la République. Le but est bel et bien de faciliter le travail des douaniers. Quant au procureur de la République, il n’est pas certain qu’il lise le flot d’informations qui lui seront communiquées…
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Louault et Henno, Mmes Havet, N. Goulet, Vermeillet et Loisier, M. Moga, Mme Férat, M. Kern, Mmes Guidez, Billon et Jacquemet et MM. Le Nay, Duffourg, P. Martin, J.M. Arnaud et Bonneau, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Après le mot :
Procès-verbal
insérer le mot :
anonymisé
La parole est à M. François Bonneau.
M. François Bonneau. Défendu !
Mme la présidente. L’amendement n° 61 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Roux, Cabanel et Guérini et Mmes Pantel et Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
du ressort du contrôle
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’alinéa 17 prévoit que la personne concernée par une visite douanière peut demander, si la visite a lieu en son absence, un procès-verbal relatant le déroulement des opérations de contrôle. Il ajoute qu’une copie est remise au procureur de la République.
Jusqu’à présent, le champ d’action des douanes n’était pas découpé par département. Dans le nouveau cadre légal, il convient de préciser de quelle zone géographique dépend l’opération. C’est pourquoi cet amendement tend à préciser que la copie du procès-verbal est transmise au procureur de la République compétent dans la zone où se déroulent les opérations de contrôle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Par l’amendement n° 27, le Gouvernement entend réintroduire dans cet article la notion de tentative. Je confirme que la commission y est défavorable.
Par l’amendement n° 59 rectifié, M. Requier supprime la possibilité, pour le procureur, de s’opposer à la visite douanière. Si l’on considère comme une garantie constitutionnelle le fait que le procureur soit avisé, ce dernier dispose nécessairement d’une possibilité d’intervention sur l’opération contraignante pour les particuliers. Il doit donc avoir la possibilité de l’interrompre. Il le fera pour les motifs de régularité ou de légalité qu’il aura constatés et avec discernement, mais ce pouvoir légal d’opposition doit être mentionné par la loi. J’émets également un avis défavorable.
Au sujet de l’anonymisation des procès-verbaux, l’observation des auteurs de l’amendement n° 5 rectifié bis est juste, mais ils ont déjà satisfaction : le droit à anonymisation des enquêteurs, qui figure dans le code de procédure pénale, a été étendu au code des douanes. Cet amendement étant satisfait, j’en suggère le retrait.
Enfin, par l’amendement n° 61 rectifié, M. Requier précise que c’est le procureur du ressort qui reçoit les informations. Cet ajout n’est pas nécessaire : par définition, le procureur qui reçoit l’information est forcément le procureur du ressort du lieu, raison pour laquelle je sollicite également le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 59 rectifié, 5 rectifié bis et 61 rectifié ?
Mme la présidente. Monsieur Bonneau, l’amendement n° 5 rectifié bis est-il maintenu ?
M. François Bonneau. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié bis est retiré.
Monsieur Requier, l’amendement n° 61 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, je le maintiens !
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer les mots :
six heures et vingt et une heures
par les mots :
huit heures et vingt heures
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Du fait de leur activité, les opérateurs économiques agréés font l’objet, lors des contrôles, de procédures douanières allégées.
Le texte initial du projet de loi prévoyait que ces contrôles commencent à partir de huit heures. Or la commission a souhaité les permettre dès six heures, ce qui nous semble disproportionné.
La commission a sans doute souhaité harmoniser ces horaires avec ceux applicables aux perquisitions. Or il s’agit ici d’opérer des contrôles classiques de comptabilité, notamment de comptabilité-matières, non de « cueillir » les acteurs au petit matin pour les surprendre.
Nous proposons donc de revenir à la rédaction initiale, c’est-à-dire à des contrôles entre huit heures et vingt heures.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. L’interprétation du ministre est juste : nous avons envisagé la modification des horaires sous l’angle du pouvoir de visite en général, alors que son champ d’application est plus restreint en l’espèce, en lien avec la pratique professionnelle.
Je propose donc un avis de sagesse sur cet amendement. À titre personnel, j’entends l’argument du ministre : nul besoin, s’agissant de visites dans un cadre professionnel, d’aller au-delà de la plage horaire huit heures-vingt heures.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote sur l’amendement n° 28.
M. André Reichardt. Je suis à l’origine de cette modification des horaires en commission. Il s’agissait en effet d’adopter une plage horaire identique à celle de la perquisition.
J’ai bien écouté M. le rapporteur : certes, les agents des douanes ne procèdent pas à des perquisitions, mais le droit de visite y ressemble tout de même beaucoup. En outre, je n’ai pas été convaincu par l’inutilité de l’effet de surprise relevée par M. le ministre.
Mon amendement, adopté en commission, visait à procéder par analogie avec l’article 59 du code de procédure pénale. Le Gouvernement considère que ce dispositif « accroît sans nécessité les atteintes aux droits, en retenant des horaires de visite excessifs au regard du déroulement des activités professionnelles des opérateurs économiques concernés ».
Je ne suis pas d’accord : l’article 63 ter du code des douanes prévoit que l’accès aux locaux professionnels est possible « entre 8 heures et 20 heures ou, en dehors de ces heures, […] lorsque sont en cours des activités de production, de fabrication, de conditionnement, de transport, de manutention, d’entreposage ou de commercialisation », c’est-à-dire à l’occasion des activités professionnelles.
Dans la mesure où les contrôles peuvent déjà avoir lieu en dehors de la plage horaire huit heures-vingt heures, on ne peut soutenir que l’harmonisation que j’ai proposée accroît sans nécessité les atteintes aux droits et les charges des douaniers.
Je reste sur la position de la commission et m’en remets à l’appréciation du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous marchons sur des œufs : le Conseil constitutionnel a censuré l’article 60 du code des douanes. Si nous n’adoptons pas un nouvel article qui respecte les équilibres demandés, dès le 1er septembre prochain – limite fixée par le Conseil constitutionnel –, les douaniers risquent de ne plus pouvoir agir.
Nous souhaitons tous l’adoption d’un nouveau texte. Nous avons travaillé de longs mois avec le Conseil d’État, les organisations syndicales douanières et les douaniers de terrain pour parvenir à une position équilibrée, qui passe sous les « fourches caudines » du Conseil constitutionnel et qui permette aux agents des douanes d’agir.
Par ailleurs, les douaniers peuvent procéder à des visites domiciliaires, qui sont l’équivalent des perquisitions. Ces visites bénéficient d’un régime dédié et peuvent démarrer dès six heures afin de surprendre les personnes contrôlées.
Or ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici : la disposition en question porte sur des contrôles beaucoup plus classiques de comptabilité, pour lesquels il n’est pas vraiment nécessaire de surprendre les acteurs dès six heures !
Nous sommes à la recherche d’un dispositif équilibré, proportionné, à même de répondre aux exigences du Conseil constitutionnel, raison pour laquelle nous souhaitons revenir à la rédaction initiale.
Mme la présidente. L’amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer les mots :
réalisés dans les bureaux de douane
par les mots :
effectués dans les lieux mentionnés aux 2° et 3° de l’article 60-1, à l’exclusion des abords de ces lieux
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement vise à préciser les conditions nécessaires à la mise en œuvre du nouveau droit de visite douanière, en conformité avec les modalités d’exercice des missions confiées aux services douaniers.
Le texte prévoit que la présence douanière s’organise selon des vacations de douze heures maximum – sur un tronçon autoroutier, par exemple. Bien entendu, les bureaux de douane et tous les lieux où les douaniers sont réunis en permanence sont exclus du champ d’application de cette règle. Nous proposons d’y ajouter les ports, les gares et les aéroports, dans lesquels une présence douanière permanente est nécessaire.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 65, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 54, alinéa 5
Remplacer les mots :
des abords
par les mots :
du rayon maximal de dix kilomètres autour
La parole est à M. le rapporteur pour avis pour présenter ce sous-amendement et donner l’avis de la commission des lois sur l’amendement n° 54.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. La commission est favorable à l’amendement du Gouvernement, qui est cohérent. Il vise à concentrer les possibilités de contrôle sur le bureau de douane et sa périphérie.
Par cohérence également, la commission souhaite que la règle des 10 kilomètres – dont nous rediscuterons – soit appliquée autour des installations permanentes de douane.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Par souci de cohérence également avec la position qu’il a exprimée voilà quelques instants, le Gouvernement ne souhaite pas remplacer la notion d’« abords » par celle des 10 kilomètres et émet en conséquence un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Je comprendrais toutefois que le Sénat, dans la logique de son vote précédent, en décide autrement. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de la navette parlementaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 60 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Roux et Cabanel et Mmes Pantel et Guillotin, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 19
Remplacer les mots :
pour une durée n’excédant pas, pour l’ensemble des opérations, douze heures consécutives
par les mots :
pendant le temps strictement nécessaire à l’ensemble des opérations
II. - Alinéa 26
Remplacer les mots :
d’une durée de quatre heures depuis le début des
par les mots :
du temps strictement nécessaire aux
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’article 2 prévoit notamment que la durée des droits de visite douanière, à l’exception de ceux réalisés dans les bureaux de douane, ne puisse excéder douze heures consécutives dans un même lieu ou une même zone.
Or cette condition apparaît trop restrictive, notamment pour les visites de navires, qui peuvent nécessiter le démontage de structures importantes – mât, plancher… – et durer un ou deux jours.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, de remplacer les durées fixées dans le présent article par la notion de « temps strictement nécessaire » aux opérations, suivant la formulation retenue par la Cour de cassation dans sa décision de renvoi au Conseil constitutionnel.
Il serait ainsi laissé au juge la faculté d’apprécier la durée nécessaire en fonction des situations concrètes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Monsieur le président Requier, je crains qu’il n’y ait une confusion.
La durée dont nous débattons n’est pas celle des opérations individuelles, mais celle pendant laquelle une équipe de douane opère une série de contrôles sur un point de passage. Limitée à douze heures, cette durée doit être conservée : elle correspond au rythme de travail des équipes de douaniers. On ne peut en effet maintenir un contrôle routier ou aux abords d’un port au-delà d’un certain temps, douze heures en l’occurrence.
La durée de quatre heures correspond, elle, à la durée pendant laquelle une personne peut être retenue ; il ne s’agit donc pas de la durée de l’opération de contrôle. Nous y reviendrons lors de l’examen du nouvel article 60-7 du code des douanes.
Pour ces raisons, monsieur Requier, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n° 60 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 60 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer les mots :
qu’en un contrôle des personnes dont le comportement les signale à l’attention des agents ou d’une fraction limitée du public présent
par les mots :
en un contrôle systématique des personnes présentes
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a demandé que le droit de visite soit mieux encadré, notamment pour éviter tout « contrôle systématique » des personnes.
En conséquence, nous avions prévu d’inscrire dans ce projet de loi l’absence de contrôle systématique des personnes présentes à l’endroit des opérations.
La commission a souhaité remplacer cette interdiction de contrôle systématique par un critère comportemental qui nous semble juridiquement flou et sujet à divergences d’appréciation.
Nous conservons d’autres apports rédactionnels de la commission sur cet article, mais en l’espèce, par souci de sécurisation juridique, nous préférons en rester aux termes du Conseil constitutionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. L’argument du Gouvernement me paraît solide, en particulier parce que l’expression « absence de contrôle systématique » figure dans la décision du Conseil constitutionnel.
J’émets donc un avis de sagesse sur cet amendement, dont la rédaction me paraît plus sécurisée que celle de la commission.
Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Supprimer les mots :
qui comprennent le contrôle de la marchandise, du moyen de transport ou de la personne, la consignation dans un procès-verbal des constatations faites et renseignements recueillis, ainsi que, le cas échéant, les saisies et la rédaction du procès-verbal afférent
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il s’agit d’une précision rédactionnelle destinée à renforcer les garanties attachées au dispositif issu de la commission.
Je précise d’ores et déjà que l’avis du Gouvernement sera favorable au sous-amendement n° 66 de la commission.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 66, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 31, alinéa 3
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
la consignation dans un procès-verbal des constatations faites et renseignements recueillis,
et les mots :
et la rédaction du procès-verbal afférent
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois pour présenter ce sous-amendement et donner l’avis de la commission des lois sur l’amendement n° 31.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Afin que ce débat ne soit pas du sanskrit pour nos collègues, je précise qu’il s’agit de fixer le cadre des opérations qui immobilisent des personnes pendant quatre heures.
Ce délai doit inclure la durée des opérations matérielles de visite, c’est-à-dire la fouille, mais pas celle du procès-verbal, qui résulte non d’une obligation, mais d’une demande de la personne visitée. La durée des quatre heures ne doit donc concerner que les opérations matérielles.
Avis favorable sur l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 66, sur lequel le Gouvernement a précédemment émis un avis favorable.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Bellurot, MM. Pointereau et Burgoa, Mme V. Boyer, MM. Reichardt, Mouiller, Pellevat et Cambon, Mmes Lopez, Estrosi Sassone, Pluchet, Thomas, Joseph, Garriaud-Maylam, Imbert, Micouleau, Deseyne et F. Gerbaud, M. B. Fournier, Mmes Del Fabro, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, Bonhomme et Favreau, Mme Dumont, M. Savary, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. H. Leroy, Bouchet, Somon et Darnaud, Mme Ventalon, MM. Brisson et Bascher, Mmes Puissat et Goy-Chavent, M. Mandelli, Mme Gruny, MM. Piednoir, Laménie et Klinger, Mmes Lassarade et Eustache-Brinio, M. Genet, Mme Canayer et MM. Sido, Charon, Lefèvre et Bouloux, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’article 64 ne s’applique pas lorsque, au moment du contrôle, les moyens de transport spécialement aménagés à usage d’habitation sont utilisés comme moyens de transport ou provisoirement à l’arrêt sur la voie publique.
La parole est à Mme Nadine Bellurot.
Mme Nadine Bellurot. Cet amendement vise à préciser que les moyens de transport spécialement aménagés à usage d’habitation comme les camping-cars, par exemple, ne sont pas soumis aux dispositions de l’article 64 du code des douanes lorsqu’ils sont en circulation ou temporairement à l’arrêt sur la voie publique.
En effet, l’article 64 encadre strictement la visite domiciliaire douanière, laquelle ne peut intervenir, hors cas de flagrance, que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention.
Comme le disait Talleyrand : « Si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant. »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Nous avons déjà évoqué cette question avec Mme Bellurot en commission ce matin : cet amendement est satisfait.
En effet, la commission a bien prévu dans la nouvelle rédaction de l’article 64 que le contrôle ne pourra avoir lieu que si le véhicule est effectivement utilisé comme habitation au moment du contrôle.
En revanche, si le véhicule – camping-car ou caravane – est intercepté en circulation, il redevient un simple véhicule.
L’objectif de votre amendement est donc satisfait par la rédaction de l’alinéa 29 issue des travaux de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je vous remercie de poser ces questions, madame Bellurot, qui répondent à certaines des interrogations des douaniers sur l’articulation entre le nouveau régime et leurs exigences opérationnelles.
M. Jean-François Husson. Notre collègue pourrait être douanière ! (M. Albéric de Montgolfier renchérit.)
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Vous pourriez tout à fait être douanière, madame la sénatrice, et même rejoindre la réserve opérationnelle des douanes en tant que membre d’honneur lorsque nous l’aurons créée à l’article 7 ! (Exclamations amusées.)
Je confirme les propos du rapporteur : votre préoccupation est satisfaite. Votre amendement a le mérite d’éclairer les débats parlementaires, mais ajouter une phrase serait superfétatoire ; nous préférons une rédaction ciblée.
Mme Nadine Bellurot. Ce n’est pas parce que vous me faites cet honneur que j’accepte de retirer mon amendement. (Sourires.)
Je voulais que les choses soient bien précisées. Nous savons tous combien ce métier est difficile : ce texte doit aider les douaniers et non les entraver dans leurs missions.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Les articles 62 et 63 du code des douanes sont ainsi modifiés :
1° Au I, après les mots : « du présent code », sont insérés les mots : « , du règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005, ainsi que de celles du chapitre II du titre V du livre Ier du code monétaire et financier et du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union et de ses règlements d’application » ;
2° Il est ajouté un IX ainsi rédigé :
« IX. – À l’occasion de la visite du navire, les dispositions des articles 60-6, 60-7, 60-9 et 60-10 sont applicables aux marchandises et personnes se trouvant à son bord. » (Adopté)
Article 4
La section 8 du chapitre IV du titre II du code des douanes est complétée par un article 67 ter-1 ainsi rédigé :
« Art. 67 ter-1. – En cas de constatation de la commission d’une infraction flagrante passible d’une peine d’emprisonnement autre que celles prévues par le présent code, les agents des douanes peuvent procéder à l’interpellation de son auteur présumé en vue de sa remise à un officier de police judiciaire ou, s’agissant des infractions pour lesquelles il est compétent, à un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale, sur instruction du procureur de la République dans le ressort duquel est constatée l’infraction, après que ce dernier en a été informé par tout moyen.
« Les agents des douanes peuvent appréhender matériellement les indices recueillis lors du contrôle, à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s’abstenir de tout acte d’investigation les concernant, de les transmettre à l’officier de police judiciaire ou à l’agent des douanes mentionné au premier alinéa pour qu’il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s’assurer, dans l’intervalle, que leur intégrité ne puisse faire l’objet d’aucune atteinte.
« Les agents des douanes peuvent immobiliser le moyen de transport et les marchandises, maintenir contre son gré la personne interpellée le temps strictement nécessaire à la consignation des opérations de contrôle par procès-verbal et à leur remise à l’officier de police judiciaire ou l’agent des douanes mentionné au premier alinéa, sous le contrôle du procureur de la République. » – (Adopté.)
Article 5
La section 6 du chapitre IV du titre II du code des douanes est ainsi modifiée :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Vérification aux frontières et présentation des documents d’identité » ;
2° L’article 67 est ainsi rédigé :
« Art. 67. – Les agents des douanes effectuent les vérifications aux frontières dans les conditions prévues au chapitre II du titre II et au chapitre II du titre III du règlement 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen). » – (Adopté.)
Article 6
I. – Après la section 7 bis du chapitre IV du titre II du code des douanes, il est inséré une section 7 ter ainsi rédigée :
« Section 7 ter
« Retenue temporaire d’argent liquide
« Art. 67 ter B. – À l’occasion des contrôles prévus par le présent chapitre, lorsqu’il existe des indices que de l’argent liquide, au sens du a du paragraphe 1 de l’article 2 du règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant dans l’Union ou sortant de l’Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005, circulant à l’intérieur du territoire et qui n’est pas en provenance ou à destination de l’étranger, est lié à l’une des activités énumérées au 4 de l’article 3 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission, les agents des douanes peuvent le retenir temporairement pendant une durée ne pouvant être supérieure à trente jours, renouvelable jusqu’à un maximum de quatre-vingt-dix jours. Les motifs de la retenue temporaire sont notifiés au porteur, au détenteur, à l’expéditeur ou destinataire de l’argent liquide, ou à leur représentant, selon le cas.
« Les agents des douanes peuvent retenir, pour les besoins de l’enquête, les documents se rapportant à l’argent liquide retenu temporairement ou en prendre copie, quel qu’en soit le support.
« Art. 67 ter C. – La décision de retenue temporaire mentionnée à l’article 67 ter B peut faire l’objet d’un recours, exercé par la personne à laquelle elle est notifiée et, s’il est différent, par le propriétaire de l’argent liquide, devant le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure. La décision de retenue temporaire mentionne les voies et délais de recours.
« Ce recours est exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours qui court à compter de la notification de la décision de retenue temporaire. Ce recours n’est pas suspensif.
« L’ordonnance du président de la chambre de l’instruction est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure pénale.
« Art. 67 ter D. – Au plus tard au terme de la retenue temporaire et de son éventuel renouvellement, l’argent liquide est restitué à la personne à qui il a été retenu, sauf s’il a été saisi par les agents des douanes. »
II (nouveau). – Au premier alinéa de l’article L. 152-5 du code monétaire et financier, après le mot : « notifiée », sont insérés les mots : « et, s’il est différent, par le propriétaire de l’argent liquide ». – (Adopté.)
Article 7
Après le chapitre II du titre II du code des douanes, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE II BIS
« Réserve opérationnelle de l’administration des douanes
« Art. 52 bis. – La réserve opérationnelle de l’administration des douanes est destinée à des missions de renfort temporaire des services de l’administration des douanes.
« Elle est constituée :
« 1° De retraités de l’administration des douanes ;
« 2° De personnes volontaires dans les conditions définies aux articles 52 ter à 52 quinquies.
« Les volontaires mentionnés au 2° du présent article sont admis dans la réserve opérationnelle à l’issue d’une période de formation initiale en qualité d’agent des douanes réserviste.
« Les volontaires de la réserve opérationnelle sont admis en qualité d’agent de constatation réserviste, d’agent de constatation principal réserviste, de contrôleur réserviste, de contrôleur principal réserviste, d’inspecteur réserviste, d’inspecteur régional réserviste, d’inspecteur principal réserviste, de directeur des services douaniers réserviste et de spécialiste réserviste. Les retraités mentionnés au 1° du présent article conservent le grade qu’ils détenaient en activité.
« Art. 52 ter. – Peuvent être admis dans la réserve opérationnelle de l’administration des douanes, au titre du 2° de l’article 52 bis, les candidats qui satisfont aux conditions suivantes :
« 1° Être de nationalité française ;
« 2° Être âgé d’au moins dix-huit ans ;
« 3° Ne pas avoir été condamné soit à la perte des droits civiques ou à l’interdiction d’exercer un emploi public, soit à une peine criminelle ou correctionnelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
« 4° Posséder les conditions de santé particulières requises pour exercer une activité dans la réserve, dont les conditions sont prévues par arrêté du ministre chargé du budget.
« Nul ne peut être admis dans la réserve s’il résulte de l’enquête administrative, à laquelle il peut être procédé dans les conditions prévues au I de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, que le comportement du candidat est incompatible avec les missions envisagées.
« Les agents des douanes retraités candidats à la réserve opérationnelle ne doivent pas avoir fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l’exercice des missions dans la réserve opérationnelle.
« Art. 52 quater. – Les agents des douanes réservistes peuvent assurer des missions de renfort temporaire à la demande des fonctionnaires sous l’autorité desquels ils sont placés ou des missions de spécialiste correspondant à leur qualification professionnelle.
« Lorsqu’ils participent à ces missions, les agents des douanes réservistes peuvent être habilités à mettre en œuvre les pouvoirs dévolus aux agents des douanes. Un décret en Conseil d’État précise l’autorité compétente pour délivrer ces habilitations et les conditions dans lesquelles les agents des douanes réservistes peuvent mettre en œuvre les pouvoirs précités.
« Lorsqu’ils participent à des missions qui les exposent à un risque d’agression, les agents des douanes réservistes peuvent être autorisés à porter une arme. Un décret en Conseil d’État précise l’autorité compétente pour délivrer les autorisations, les types d’armes pouvant être autorisés ainsi que les conditions exigées des réservistes, notamment en matière de formation, d’entraînement et d’aptitude physique.
« Art. 52 quinquies. – Les agents des douanes réservistes souscrivent un contrat d’engagement d’une durée comprise entre un an et cinq ans, qui définit leurs obligations de disponibilité et de formation initiale et continue et qui leur confère la qualité de collaborateur occasionnel du service public.
« Le contrat d’engagement précise la durée de l’affectation, qui ne peut excéder quatre-vingt-dix jours par an.
« L’administration peut prononcer la radiation de la réserve opérationnelle en cas de manquement aux obligations prévues par le contrat d’engagement ou s’il apparaît que le comportement de l’agent des douanes réserviste est devenu incompatible avec l’exercice de ses missions. Ce contrat peut également être résilié ou suspendu en cas de manquement lorsque l’agent des douanes réserviste cesse de remplir les conditions prévues au présent chapitre ou en cas de nécessité tenant à l’ordre public.
« Art. 52 sexies. – Les périodes d’emploi et de formation continue des agents des douanes réservistes sont indemnisées.
« Art. 52 septies. – L’agent des douanes réserviste salarié qui effectue une période d’emploi ou de formation au titre de la réserve opérationnelle de l’administration des douanes pendant son temps de travail doit obtenir, lorsque sa durée dépasse dix jours ouvrés par année civile, l’accord de son employeur, sous réserve de dispositions plus favorables résultant du contrat de travail, de conventions ou accords collectifs de travail ou de conventions conclues entre le ministre chargé du budget et l’employeur.
« Le contrat de travail de l’agent des douanes réserviste salarié est suspendu pendant les périodes d’emploi et de formation dans la réserve opérationnelle de l’administration des douanes. Toutefois cette période est considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d’ancienneté, d’avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales.
« L’agent des douanes réserviste qui suit une formation au titre de l’article L. 6313-1 du code du travail durant ses activités au sein de la réserve opérationnelle de l’administration des douanes n’est pas tenu de solliciter l’accord de son employeur prévu au premier alinéa du présent article.
« Lorsque l’employeur maintient tout ou partie de la rémunération de l’agent des douanes réserviste pendant son absence pour une formation suivie dans le cadre de la réserve opérationnelle de l’administration des douanes, la rémunération et les prélèvements sociaux afférents à cette absence sont admis au titre de la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue prévue à l’article L. 6131-1 du code du travail.
« Lorsqu’un fonctionnaire accomplit, sur son temps de travail, une activité dans la réserve opérationnelle de l’administration des douanes, il est placé en position d’accomplissement des activités dans la réserve opérationnelle de l’administration des douanes lorsque la durée de sa période de réserve est inférieure ou égale à quarante-cinq jours.
« La situation des agents publics non titulaires est définie par décret en Conseil d’État.
« Aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée à l’encontre de l’agent des douanes réserviste en raison des absences résultant du présent article.
« Art. 52 octies. – Pendant la période d’activité dans la réserve opérationnelle de l’administration des douanes, l’agent des douanes réserviste bénéficie, pour lui et ses ayants-droit, des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès du régime de sécurité sociale dont il relève en dehors de son service dans la réserve opérationnelle de l’administration des douanes, dans les conditions définies à l’article L. 161-8 du code de la sécurité sociale.
« Art. 52 nonies. – Les agents des douanes réservistes sont soumis aux obligations prévues par les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code général de la fonction publique et bénéficient, le cas échéant, de la protection prévue aux chapitres Ier, III et IV du titre III du livre Ier du même code pendant les périodes d’emploi ou de formation pour lesquelles ils ont été appelés.
« Art. 52 decies. – L’agent des douanes réserviste victime de dommages subis pendant les périodes d’emploi ou de formation dans la réserve et, en cas de décès, ses ayants-droit, ont droit à la charge de l’État, à la réparation intégrale du préjudice subi, sauf en cas de dommage imputable à un fait personnel détachable du service.
« Art. 52 undecies. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent chapitre. »
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au sein de ce projet de loi, particulièrement technique, mais indispensable, l’article 7 fait débat.
Cet article vise à créer une réserve opérationnelle douanière, l’administration des douanes étant le dernier corps de l’État en uniforme à ne pas avoir de réservistes. Historiquement, la réserve concerne les militaires. Il existe ainsi une réserve opérationnelle et une réserve citoyenne de la gendarmerie nationale ; récemment, une réserve a également été créée au sein de la police nationale.
Certains amendements visent à supprimer l’article 7. Je serais plus modéré : l’objectif est de constituer une réserve douanière de 300 réservistes à l’horizon de 2025.
Certes, Éric Bocquet et d’autres collègues l’ont évoqué, certains départements n’ont plus d’administration des douanes, les effectifs ayant malheureusement été réduits au fil du temps.
Alors que nous sommes à la recherche de recettes budgétaires supplémentaires, l’administration des douanes peut jouer un rôle important dans la lutte contre la fraude. Les effectifs des douanes ne comptent plus que 17 000 emplois ; c’est regrettable, car leurs missions sont indispensables.
Je voterai cet article 7 sur la réserve opérationnelle douanière.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par MM. Cozic, Leconte, Kanner, Raynal et Féraud, Mme Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 10 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Breuiller, pour présenter l’amendement n° 1.
M. Daniel Breuiller. Ce sujet a déjà été évoqué au cours de la discussion générale. Je crains que vous ne proposiez à aucun des auteurs de ces amendements, à savoir MM. Bocquet, Cozic et moi-même, de devenir membre d’honneur de la réserve douanière, puisque nous en demandons la suppression. (Sourires.)
Je vous remercie d’avoir répondu avec attention à nos premières remarques. Je ne comprends cependant toujours pas la justification de ce renfort temporaire, si ce n’est pour des raisons budgétaires.
En cas de surcharge temporaire, on peut décider de renforcer provisoirement les moyens. Les difficultés des douaniers à remplir leurs missions comme ils le souhaiteraient plaident plutôt en faveur d’un renfort d’effectifs permanents afin d’absorber les surcharges temporaires et de donner un peu d’air dans les autres moments.
Je m’étonne que vous ayez mentionné les compétences spécifiques. Si nous avons un tel besoin, pourquoi la douane ne recrute-t-elle pas les profils idoines ? À moins qu’il ne s’agisse de compétences si pointues qu’elles ne soient nécessaires que ponctuellement ? Tous les services publics méritent d’avoir des moyens à la hauteur de leurs missions.
Les douaniers sont certes en uniforme, mais la douane est aussi une administration civile. La création d’une telle réserve entraînera des dérives que nous ne souhaitons pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
M. Thierry Cozic. Notre amendement tend également à la suppression de cet article, même si le groupe socialiste n’est pas opposé par principe à la création de réserves.
Plusieurs arguments militent pour la suppression de cet article, quitte à ce qu’il soit réintégré dans un texte ultérieur, notamment dans un projet de loi de finances, où il aurait davantage sa place.
En premier lieu, comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, l’annonce de la création de cette réserve n’est pas articulée avec la démarche pluriannuelle de fixation des effectifs de la DGDDI, après des années de stagnation des effectifs à périmètre constant, voire de réduction en chiffres absolus.
La création d’une réserve pourrait se traduire par une baisse des effectifs permanents de la direction générale, ce qui est d’autant plus préoccupant que le Gouvernement est de nouveau engagé dans une démarche de contraction des dépenses de fonctionnement des ministères, dénoncée par notre groupe.
De plus, si l’on peut comprendre la logique de besoins ponctuels lors des pics d’activité, l’article n’est pas suffisamment précis sur les missions des futurs réservistes.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler l’existence, au sein de l’administration des douanes, d’un service appelé « Paris Spécial » qui assume efficacement, notamment aux yeux des organisations syndicales, les missions de renfort que vous souhaitez confier à cette nouvelle réserve citoyenne.
Les réflexions ne semblent donc pas abouties. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article, quitte à revenir sur cette question dans un prochain texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 10.
M. Éric Bocquet. Nous plaidons nous aussi pour la suppression de cet article 7, qui envoie un signal extrêmement négatif aux agents des douanes.
La réserve est une singularité propre au champ militaire ou à la police, à la seule exception de la réserve civile pénitentiaire, qui n’est composée que de retraités de l’administration pénitentiaire et en aucun cas de volontaires.
Les réservistes des douanes seraient engagés au même grade que pendant leur carrière. Alors qu’ils ne connaissent pas les services, les volontaires pourraient briguer des grades extrêmement élevés dans la hiérarchie, y compris, par exemple, celui de directeur des services douaniers.
Comment ne pas y voir une inégalité flagrante pour les anciens agents, après une vie d’engagement au service des douanes ? Reconnaissez qu’après avoir décidé de reporter l’âge de départ à la retraite à 64 ans, cette disposition est quelque peu particulière.
Vous aviez déjà créé une réserve opérationnelle en catimini, par amendement dans le projet de loi de finances pour 2022, et voilà que vous réitérez ! Que les services publics en tension, selon le terme à la mode, nous entendent : leur tour viendra et vous leur proposerez de créer une réserve opérationnelle, qui s’apparente à une espèce d’armée de réserve.
D’autres observateurs estiment que cette proposition de création d’une armée de réserve opérationnelle est aussi une façon de contourner les règles de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) : ces 300 apprentis douaniers, volontaires ou retraités, mobilisés à raison de trente journées annuelles, permettent de respecter le schéma d’emplois en tenant compte du plafond d’emplois soumis au vote du Parlement.
Non seulement un réserviste est « moins coûteux », selon le jargon de Bercy, qu’un agent des douanes, mais surtout sa rémunération et son équipement seront sans incidence sur les plafonds d’emplois.
Vous pourrez donner l’impression de faire mieux avec moins, mais vous ferez moins bien avec plus. C’est à s’y perdre, à l’image de votre volonté de contourner les dépenses nécessaires au bon fonctionnement des missions régaliennes assurées par les douanes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Lors de nos auditions préparatoires, j’ai bien évidemment interrogé le ministre et la direction des douanes : leurs arguments m’ont convaincu.
Le ministre est le plus à même pour vous répondre sur les compétences techniques nécessaires attendues des réservistes. J’ai surtout été sensible à la nécessité de disposer de renforts ponctuels lors de grands événements.
Certains estiment que la création de cette réserve serait prématurée, considérant que ce sujet aurait sa place en projet de loi de finances. En tant qu’ancien rapporteur général et actuel membre de la commission des finances, j’estime en effet qu’il est toujours préférable que les questions d’effectifs soient abordées dans le cadre des projets de loi de finances.
Toutefois, à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques de l’an prochain, l’afflux de visiteurs commandera très probablement un renforcement des contrôles et le recours à la réserve opérationnelle. Je vous rappelle que la douane exerce des missions de police de l’air et des frontières (PAF) dans certains ports et aéroports, avec quelque 1 300 agents. Il s’agit typiquement d’une mission qui devrait être renforcée en cas d’afflux de visiteurs.
La douane est certes une administration civile, mais c’est aussi une force de sécurité, qui participe au premier cercle du renseignement. Or c’est la seule force en uniforme qui ne dispose pas d’une réserve, contrairement à la gendarmerie et à la police.
Pour ces raisons, je demande le retrait de ces amendements de suppression ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je souscris aux propos de M. le rapporteur.
Tout d’abord, la réserve opérationnelle n’a pas vocation à substituer des réservistes aux agents titulaires. Dans le cadre de leurs interventions, les premiers resteront sous l’autorité des seconds, sans prendre leur place.
Ensuite, nous avons vu se développer des réserves dans tous les autres corps en uniforme. Si l’instauration d’un tel dispositif devait bloquer l’accroissement des effectifs, cela se saurait. Nous avons plutôt constaté l’inverse : les effectifs de la police et de la gendarmerie ont été grandement renforcés ces dernières années, alors même qu’une réserve a été créée.
De plus, monsieur Cozic, vous avez fait référence au dispositif « Paris Spécial », dont les agents sont appelés les « Paris-spé », mais il n’a rien à voir avec notre débat : il s’agit d’agents douaniers titulaires qui acceptent, moyennant des compensations, notamment indemnitaires, d’être mobilisés ailleurs, souvent à la dernière minute, pour des missions temporaires.
La réserve concerne des personnes ayant un autre métier, susceptibles de venir en aide aux douanes, si elles en ont la possibilité et le temps et que l’on a besoin d’elles, lors d’un surcroît d’activité, d’un événement imprévu ou d’un événement justifiant l’apport de moyens supplémentaires.
S’agissant des compétences qui pourraient renforcer les douanes, nous avons identifié plusieurs possibilités. L’un des sujets évoqués ici concerne la nécessaire modernisation dans les domaines de l’intelligence artificielle et des cryptomonnaies.
Si des spécialistes de ces domaines, travaillant dans le secteur privé, souhaitent aider le service public et l’État en apportant leurs compétences aux douanes pendant leur temps libre, pour partager leur savoir et accompagner les agents, pourquoi les en dissuaderions-nous ? Nous devrions plutôt les accueillir.
Dans le domaine maritime, de même, nos garde-côtes douaniers, qui sont des marins, peuvent avoir besoin d’un renfort extérieur sur certains sujets très spécifiques.
Je ne comprends donc pas pourquoi nous empêcherions des citoyens français, qui ont un emploi et qui en ont envie, de servir leur pays et l’État en apportant leurs compétences lorsqu’ils en ont l’occasion. Tel est précisément l’objet de cette réserve opérationnelle.
J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 7 rectifié et 10.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 70, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 22, première phrase
Après les mots :
s’il apparaît
insérer les mots :
, le cas échéant après une enquête administrative à laquelle il peut être procédé dans les conditions prévues au I de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission est favorable à la création de la réserve opérationnelle, mais celle-ci doit être encadrée.
Ainsi, cet amendement vise à permettre à l’administration des douanes de procéder à des enquêtes pour s’assurer que le comportement des agents douaniers réservistes est compatible avec les missions qui leur seront confiées.
La disposition proposée ici est similaire à celle qui est en vigueur s’agissant de la réserve opérationnelle de la police nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 71, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 25, seconde phrase
Remplacer les mots :
cette période est considérée comme une période
par les mots :
ces périodes sont considérées comme des périodes
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
TITRE II
MODERNISER LE CADRE D’EXERCICE DES POUVOIRS DOUANIERS
Chapitre Ier
Moderniser les capacités d’enquête
Article 8
La section 7 du chapitre IV du titre II du code des douanes est complétée par un article 67 bis-5 ainsi rédigé :
« Art. 67 bis-5. – Si les nécessités de l’enquête douanière relative à la recherche et à la constatation des délits douaniers prévus au dernier alinéa de l’article 414, au troisième alinéa de l’article 414-2 et à l’article 415 l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes peuvent recourir à la mise en place d’un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l’enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l’image d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé.
« Cette procédure est mise en œuvre dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que celles prévues, pour l’enquête judiciaire, par les paragraphes 1er et 3 de la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale. » – (Adopté.)
Article 8 bis (nouveau)
Le 3° de l’article 706-1-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« 3° Au dernier alinéa de l’article 414, au troisième alinéa de l’article 414-2 et au deuxième alinéa de l’article 415 du code des douanes ; ». – (Adopté.)
Article 9
Le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre XII du code des douanes est complété par un article 323-11 ainsi rédigé :
« Art. 323-11. – 1. Pour les nécessités de l’enquête douanière, les agents des douanes peuvent prendre connaissance, au cours de la retenue douanière, en la présence constante et effective de la personne retenue, du contenu des documents, quel qu’en soit le support, et de tous autres objets en sa possession, avant de procéder à la saisie de ceux se rapportant au flagrant délit douanier. Le procureur de la République en est informé par tout moyen et peut s’y opposer.
« Pour les supports numériques, les opérations techniques nécessaires à la mise à disposition des données informatiques sont uniquement effectuées par des agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes ou par une personne qualifiée requise au titre de l’article 67 quinquies A, afin de permettre leur exploitation sans porter atteinte à leur intégrité.
« Il est procédé à la saisie des données informatiques se rapportant au flagrant délit douanier, soit en procédant à la saisie du support physique de ces données, soit en réalisant une copie en présence de la personne retenue.
« Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal qui énonce, outre les indications mentionnées à l’article 325, les modalités de la saisie. Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à la personne retenue.
« Les objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés.
« 2. À l’issue de la retenue douanière, si la personne est présentée au procureur de la République ou remise à un officier de police judiciaire ou à un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale, les documents et objets saisis leur sont transmis.
« 3. Pour les nécessités de l’enquête douanière, et sur autorisation du procureur de la République, les agents des douanes peuvent, dans les conditions prévues au 1 du présent article et dans un délai de trente jours à compter de la saisie, s’ils n’y ont pas déjà procédé durant la retenue douanière, procéder à une copie, à fin d’analyse, des données informatiques contenues dans les supports numériques mentionnés au même 1, dans les cas suivants :
« a) Lorsque la personne est remise en liberté à l’issue de la retenue douanière ;
« b) Lorsqu’à l’issue de la retenue douanière, l’autorité judiciaire met ou laisse à la disposition des agents des douanes les supports numériques mentionnés audit 1.
« La personne placée en retenue douanière, ainsi que le propriétaire des supports s’il est différent, sont avisés qu’ils peuvent assister à l’ouverture des scellés. En cas d’impossibilité, les opérations se déroulent en présence d’un représentant ou, à défaut, d’une personne requise à cet effet par les agents des douanes et qui ne relève pas de leur autorité administrative.
« Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal transmis au procureur de la République qui les a autorisées, copie en ayant été remise à la personne retenue.
« 4. Dans un délai de trente jours après réception d’une requête de l’intéressé ou d’office à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la saisie, les agents des douanes du service chargé de la procédure décident de la restitution des objets saisis lorsque leur propriété n’en est pas sérieusement contestée. Cette décision est notifiée à l’intéressé.
« Il n’y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction ou lorsqu’une disposition particulière prévoit la destruction ou la confiscation des objets saisis. La décision de non-restitution, prise dans les délais mentionnés au premier alinéa du présent 4 pour l’un de ces motifs, peut être déférée par l’intéressé dans un délai de trente jours suivant sa notification au président de la chambre de l’instruction, par déclaration remise ou adressée, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie électronique, au greffe de la cour d’appel du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure. Ce recours est suspensif. L’ordonnance du président de la chambre de l’instruction est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure pénale.
« Si la restitution n’a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la décision de classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, dès que la décision de non-restitution ne peut plus être contestée ou dès que le jugement ou l’arrêt de non-restitution est devenu définitif, les objets non restitués deviennent propriété de l’État, sous réserve du droit des tiers. Il en est de même lorsque le propriétaire ou la personne à laquelle la restitution a été accordée ne réclame pas l’objet dans un délai de deux mois à compter d’une mise en demeure adressée à son domicile. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 48, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 10
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« 3. Lorsque la personne est remise en liberté à l’issue de la retenue douanière, si les nécessités de l’enquête douanière l’exigent et sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, les agents des douanes peuvent, dans les conditions prévues au 1 et dans un délai de trente jours à compter de la saisie, procéder à une copie, aux fins d’analyse, des données informatiques contenues dans les supports numériques mentionnés au même 1.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Le projet de loi propose l’insertion, au sein du code des douanes, d’un nouvel article 323-11, dont le troisième paragraphe vise à permettre aux agents des douanes, lorsqu’une personne est remise en liberté à l’issue de la retenue douanière, de procéder à la copie des données informatiques détenues par la personne concernée.
Il s’agit, selon le Gouvernement, de permettre la continuation de l’enquête douanière même lorsque la personne contrôlée ne fait pas l’objet de poursuites.
Ce procédé, notablement extensif en matière de droit de contrôle par rapport au droit commun – il consiste à recueillir les données d’un individu non poursuivi pénalement –, nous semble devoir être autorisé par le procureur de la République.
Par conséquent, cet amendement tend à préciser que le droit d’accéder aux données privées d’un individu ayant fait l’objet d’un contrôle par les douanes, mais qui n’est pas poursuivi pénalement, doit s’appuyer sur une autorisation écrite et motivée du procureur.
Mme la présidente. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Requier et Artano, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Roux et Cabanel et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
sur autorisation
par les mots :
après information
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’article 9 du présent projet de loi concerne l’adaptation des procédures de saisie et de retenue douanières aux réalités numériques actuelles.
Ainsi, les agents des douanes pourront également saisir les documents sur support numérique et ils auront la possibilité d’en réaliser des copies au cours de la retenue, ou postérieurement à celle-ci, mais seulement sur autorisation du procureur de la République.
Afin de conférer aux douanes les moyens d’exercer pleinement leur mission de recherche des auteurs d’infractions, consacrée par la Constitution, cet amendement, en quelque sorte inverse du précédent, vise à substituer à l’autorisation du procureur de la République une simple information de celui-ci.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’amendement n° 58 rectifié tend à substituer à une autorisation une simple information, ce qui nous semble moins protecteur des libertés publiques.
Je rappelle que, à l’issue de la retenue, soit l’individu est libéré, et dans ce cas une autorisation du procureur est bien sûr nécessaire, soit une garde à vue est déclenchée, et dans ce cas l’autorisation s’impose d’elle-même.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 58 rectifié et favorable à l’amendement n° 48.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous discutons ici de situations dans lesquelles les données du téléphone sont saisies et exploitées durant une retenue douanière.
Illustrons cela par un cas concret : une personne est interpellée et mise en retenue douanière, car on a constaté qu’elle avait commis une infraction douanière. Ce texte autorise les douaniers, lors de cette retenue, à exploiter les données du téléphone de l’intéressé. Cela peut être très utile, par exemple pour vérifier si celui-ci a un complice qui se trouverait à proximité et que l’on pourrait ainsi identifier.
En guise d’encadrement de cette procédure, le texte prévoit que les douaniers pourront exploiter les données du téléphone après autorisation du procureur, instaurant ainsi une certaine régulation de cette action.
La rédaction modifiée proposée par le rapporteur pour avis tend à prévoir que cette autorisation du procureur soit écrite et motivée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous alerter quant aux conséquences opérationnelles qu’une telle rédaction pourrait emporter pour nos douaniers. La Chancellerie, avec laquelle nous avons échangé, a elle-même exprimé des inquiétudes quant à la surcharge potentielle des parquets, qui pourraient être submergés par des demandes d’autorisations écrites et motivées pour chaque exploitation de données de téléphone en cas de retenue douanière.
Nous souhaitons tous que les douaniers puissent mener à bien leur travail de la manière la plus efficace possible. Un encadrement existe déjà, avec une autorisation du procureur. Il me semble donc important de nous en tenir à cela et de ne pas ajouter l’exigence d’une autorisation écrite et motivée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 58 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 72, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
et au propriétaire des supports, s’il est différent. En l’absence des personnes concernées, copie du procès-verbal leur est transmise ou est remise à leurs représentants.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification, sur lequel je souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. La rédaction proposée ici ne nous apparaît pas vraiment comme une clarification…
Les opérations de saisie seront déjà consignées dans un procès-verbal transmis au procureur de la République qui les aura autorisées, dont une copie sera remise à la personne placée en retenue douanière.
Cet amendement vise à inclure le propriétaire des supports saisis, s’il diffère de la personne retenue, ou ses représentants, comme destinataires du procès-verbal retraçant les opérations. Celles-ci seront donc déjà consignées dans un document transmis au procureur de la République.
L’ajout proposé introduirait une contrainte supplémentaire pour les agents des douanes durant le temps limité d’une retenue douanière ; l’ajout de cette précision supplémentaire nous semble donc inopérant.
Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, l’amendement n° 72 est-il maintenu ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Non, compte tenu des explications de M. le ministre, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 72 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Si la restitution n’a pas été demandée dans un délai de six mois à compter de la clôture du dossier, si la décision de non-restitution ne peut plus être contestée ou lorsque le propriétaire ou la personne à laquelle la restitution a été accordée ne réclame pas l’objet dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de restitution adressée à son domicile, les objets non restitués deviennent la propriété de l’État, sous réserve du droit des tiers. »
La parole est à M. le ministre délégué.
Mme la présidente. L’amendement n° 73, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
1° Après le mot :
classement
insérer les mots :
, de la transaction conclue en application de l’article 350 du présent code
2° Remplacer la première occurrence des mots :
dès que
par les mots :
ou si
3° Remplacer la seconde occurrence des mots :
dès que
par le mot :
si
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 33.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’amendement n° 73 est défendu, et je demande au Gouvernement de bien vouloir retirer à son profit l’amendement n° 33.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, l’amendement n° 33 est-il maintenu ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Non, je le retire, madame la présidente. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 33 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 73.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Après l’article 9
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Louault et Henno, Mmes Havet, N. Goulet, Vermeillet et Loisier, M. Moga, Mme Férat, M. Kern, Mmes Billon et Jacquemet et MM. Le Nay, Duffourg, J.-M. Arnaud et Bonneau, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des douanes est ainsi modifié :
1° À l’article 323-1, les mots : « et lorsque cette mesure est justifiée par les nécessités de l’enquête douanière » sont supprimés ;
2° Au 2° de l’article 323-6, les mots : « ainsi que des motifs justifiant son placement en retenue douanière en application de l’article 323-1 » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Cet amendement vise à réduire les éléments d’information nécessaires pour justifier l’arrestation par les douaniers en cas de flagrant délit. Il tend également à ne pas transmettre à la personne concernée les motifs de l’arrestation et du placement en retenue douanière.
Même en cas de flagrant délit, les douaniers doivent donner au juge des motifs précis pour justifier leur arrestation. Or, bien souvent, cette dernière repose non pas sur des éléments manifestes et évidents, mais sur des suppositions.
De plus, les motifs précis justifiant l’arrestation ou le placement en retenue douanière doivent être transmis à la personne concernée. Or, cela a un effet contre-productif pour l’action de la douane française, puisque les prévenus peuvent transmettre les motifs de leur arrestation à d’autres malfaiteurs.
Il semble donc suffisant d’informer la personne de la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Louault et Henno, Mmes Havet, N. Goulet, Vermeillet et Loisier, M. Moga, Mme Férat, M. Kern, Mmes Billon et Jacquemet et MM. Le Nay, Duffourg, J.-M. Arnaud et Bonneau, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article 323-6 du code des douanes, les mots : « ainsi que des motifs justifiant son placement en retenue douanière en application de l’article 323-1 » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Cet amendement de repli vise à ne pas transmettre les motifs de l’arrestation et du placement en retenue douanière à la personne concernée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le placement en retenue douanière est une prérogative des douanes, mais il s’agit aussi d’une procédure attentatoire à la liberté. C’est pour cette raison que le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2010, l’avait strictement encadré, à l’instar de la garde à vue.
Les dispositions qui visent soit à assouplir les conditions de placement en retenue douanière, soit à supprimer l’obligation d’informer la personne concernée des motifs de la retenue au moment de sa mise en place, me semblent potentiellement dangereuses et pourraient, à mon sens, présenter un risque constitutionnel.
Il est essentiel que cette procédure reste encadrée. L’avis de la commission est donc défavorable sur les amendements nos 3 rectifié bis et 4 rectifié bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Moga. Je retire les deux amendements, madame la présidente !
Mme la présidente. Les amendements nos 3 rectifié bis et 4 rectifié bis sont retirés.
Article 10
I. – L’article 64 du code des douanes est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa du 1 est complétée par les mots : « ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale » ;
2° Le 2 est ainsi modifié :
a) Au onzième alinéa du a et aux cinq premiers alinéas du b, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou l’agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale » ;
b) Après le cinquième alinéa du même b, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la copie sur place de données stockées dans un système informatique non implanté sur les lieux visités présente des difficultés, les agents habilités peuvent appliquer toute mesure permettant de protéger l’accès en ligne aux données concernées afin de veiller à la conservation des indices susceptibles de disparaître. Ils peuvent procéder, dans un délai de trente jours à compter de la visite, à leur téléchargement à distance. Ne sont saisies que les données se rapportant aux infractions recherchées. L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister au téléchargement des données qui a lieu en présence d’un officier de police judiciaire ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale. Cette opération est effectuée dans les locaux du service chargé de la procédure selon les mêmes modalités que celles prévues par les quatrième à septième alinéas de l’article 57-1 du même code. » ;
b bis) (nouveau) Au deuxième alinéa du c, les mots : « leur saisie ainsi qu’à la restitution de ce dernier » sont remplacés par les mots : « la saisie des données se rapportant aux infractions recherchées, ainsi qu’à la restitution du support informatique » ;
c) Le quatrième alinéa du même c est complété par les mots : « ou de l’agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale » ;
d) Au sixième alinéa dudit c, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale » ;
3° Le premier alinéa du 3 et le 4 sont complétés par les mots : « ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale ».
I bis (nouveau). – Au premier alinéa de l’article 416 du code des douanes, après les mots : « mentionné au », sont insérés les mots : « b et au ».
II. – L’article L. 38 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa du 1 est complétée par les mots : « ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale » ;
2° Au troisième alinéa du 2, à la seconde phrase du premier alinéa ainsi qu’aux deux derniers alinéas du 3, à la dernière phrase du premier alinéa et à la seconde phrase du second alinéa du 4, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou l’agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale » ;
3° Le 4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la copie sur place de données stockées dans un système informatique non implanté sur les lieux visités présente des difficultés, les agents habilités peuvent appliquer toute mesure permettant de protéger l’accès en ligne aux données concernées afin de veiller à la conservation des indices susceptibles de disparaître. Ils peuvent procéder, dans un délai de trente jours à compter de la visite, à leur téléchargement à distance. Ne sont saisies que les données se rapportant aux infractions recherchées. L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister au téléchargement des données qui a lieu en présence d’un officier de police judiciaire ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale. Cette opération est effectuée dans les locaux du service chargé de la procédure selon les mêmes modalités que celles prévues par les quatrième à septième alinéas de l’article 57-1 du même code. » ;
3° bis (nouveau) Au deuxième alinéa du 4 bis, les mots : « leur saisie ainsi qu’à la restitution de ce dernier » sont remplacés par les mots : « la saisie des données se rapportant aux infractions recherchées, ainsi qu’à la restitution du support informatique » ;
4° Le quatrième alinéa du même 4 bis est complété par les mots : « ou de l’agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale » ;
5° Au sixième alinéa dudit 4 bis, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale ».
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 11
Remplacer ces alinéas par cinquante-quatre alinéas ainsi rédigés :
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° L’article 64 est ainsi rédigé :
« Art. 64. – Pour la recherche et la constatation des délits douaniers visés aux articles 414 à 429 et 459, les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où sont susceptibles d’être accessibles les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement.
« La visite ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heures. Sous réserve de l’article 64-1, elle est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant.
« La visite domiciliaire est organisée soit sur autorisation du juge des libertés et de la détention, dans les conditions fixées par l’article 64-3, soit, en cas de flagrant délit, après information du procureur de la République, dans les conditions fixées par l’article 64-4. Le magistrat compétent peut se rendre dans tous les lieux en faisant l’objet et décider, à tout moment, sa suspension ou son arrêt. » ;
2° Après l’article 64, sont insérés des articles 64-1 à 64-9 ainsi rédigés :
« Art. 64-1. – Les agents des douanes visés à l’article 64 sont accompagnés, tout au long de la visite domiciliaire, d’un officier de police judiciaire ou d’un agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale.
« Celui-ci fait ouvrir les portes en cas de refus d’ouverture de l’occupant des lieux, est présent pour l’ouverture des scellés prévue aux articles 64-6 et 64-8, ainsi que pour le téléchargement des données prévu par l’article 64-5, et veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 56 du code de procédure pénale. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, il requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l’administration des douanes. Il tient le magistrat compétent informé du déroulement de la visite et en dresse le procès-verbal.
« L’article 58 du code de procédure pénale est applicable.
« Art. 64-2. – Les agents des douanes peuvent intervenir sans l’assistance d’un officier de police judiciaire ou d’un agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale :
« 1° Pour opérer les visites, recensements et contrôles à domicile chez les titulaires d’un compte ouvert d’animaux ou d’un titre de pacage ;
« 2° Pour la recherche des marchandises qui, poursuivies à vue sans interruption dans les conditions prévues par l’article 332, sont introduites dans une maison ou autre bâtiment, même sis en dehors du rayon des douanes défini à l’article 44.
« Art. 64-3. – Hormis le cas du flagrant délit, la visite domiciliaire est autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.
« Lorsque la visite a lieu en dehors du ressort de son tribunal judiciaire, le juge délivre une commission rogatoire au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel s’effectue la visite afin qu’il en assure le contrôle.
« Il désigne l’officier de police judiciaire ou l’agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale chargé d’assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement.
« Le juge motive sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des infractions visées à l’article 64 dont la preuve est recherchée.
« Outre cette motivation, l’ordonnance comporte :
« - l’adresse des lieux à visiter ;
« - le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l’autorisation de procéder aux opérations de visite ;
« - la mention de la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant, ainsi que l’auteur présumé des infractions visées à l’article 64, de faire appel à un conseil de son choix. L’exercice de cette faculté n’entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie.
« L’ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute. Elle est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu à l’article 64-8. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée après la visite par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis. Nonobstant les dispositions de l’article 59 bis, une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’auteur présumé des délits douaniers mentionnés à l’article 64 s’il est différent de l’occupant des lieux ou de son représentant.
« À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte de commissaire de justice.
« Le délai et la voie de recours prévus par l’article 64-9 sont mentionnés dans l’ordonnance.
« Art. 64-4. – En cas de flagrant délit, le procureur de la République territorialement compétent est informé par tout moyen dès le début de la visite domiciliaire ; il peut s’y opposer.
« Art. 64-5. – Les agents des douanes habilités peuvent procéder, à l’occasion de la visite, à la saisie des marchandises et des documents, quel qu’en soit le support, se rapportant aux délits visés à l’article 64, ainsi qu’à la saisie des biens et avoirs provenant directement ou indirectement des délits précités.
« Le juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, le procureur de la République est informé par tout moyen de la saisie et peut s’y opposer.
« Les agents des douanes visés à l’article 64, les personnes auxquelles ils ont éventuellement recours en application de l’article 67 quinquies A, l’occupant des lieux ou son représentant et l’officier de police judiciaire ou l’agent des douanes mentionné à l’article 64-1 peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie.
« Lorsque la copie sur place de données stockées dans un système informatique non implanté sur les lieux visités s’avère impossible, les agents habilités peuvent appliquer toute mesure permettant de protéger l’accès en ligne aux données en cause afin de veiller à la conservation des indices susceptibles de disparaître. Ils peuvent procéder, dans un délai de trente jours à compter de la visite, à leur téléchargement à distance. Ne sont saisies que les données se rapportant aux infractions recherchées. L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister au téléchargement des données qui a lieu en présence d’un officier de police judiciaire ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale. Cette opération est effectuée dans les locaux du service chargé de la procédure selon les mêmes modalités que celles prévues par les quatrième à septième alinéas de l’article 57-1 du même code.
« Art. 64-6. – Lorsque l’occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l’accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mention en est portée au procès-verbal prévu par l’article 64-8.
« Les agents des douanes visés à l’article 64 peuvent alors procéder à la copie de ce support et saisir ce dernier, qui est placé sous scellés. Ils disposent de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, à leur lecture et à la saisie des données se rapportant aux infractions recherchées, ainsi qu’à la restitution du support informatique. Ce délai est prorogé sur autorisation écrite et motivée délivrée par le juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, par le procureur de la République.
« À la seule fin de permettre la lecture des pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, les agents des douanes procèdent aux opérations nécessaires à leur accès ou à leur mise au clair. Ces opérations sont réalisées sur la copie du support.
« L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister à l’ouverture des scellés, à la lecture des pièces et documents présents sur ce support informatique et à la saisie des données se rapportant aux infractions recherchées.
« Un procès-verbal décrivant les opérations réalisées pour accéder à ces pièces et documents et pour procéder à leur mise au clair et à leur lecture est dressé par les agents des douanes. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé, s’il y a lieu.
« Le procès-verbal et l’inventaire sont signés par les agents des douanes visés à l’article 64, par un officier de police judiciaire ou par l’agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale visé à l’article 64-1, ainsi que par l’occupant des lieux ou son représentant ; en l’absence de celui-ci ou en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
« Le procès-verbal et l’inventaire sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, au procureur de la République.
« Il est procédé concomitamment à la restitution du support informatique et de sa copie. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’administration accomplit sans délai toutes diligences pour les restituer.
« Art. 64-7. – Si, à l’occasion de la visite, les agents habilités découvrent l’existence d’un coffre situé dans un établissement de crédit, dont est titulaire la personne occupant les lieux visités et où des pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant aux infractions visées à l’article 64 sont susceptibles de se trouver, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, après en avoir informé par tout moyen le procureur de la République, qui peut s’y opposer, procéder immédiatement à la visite de ce coffre aux fins de saisie.
« Si, à l’occasion de la visite, les agents habilités découvrent des éléments révélant l’existence en d’autres lieux de biens ou avoirs se rapportant aux agissements visés à l’article 64, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, après en avoir informé par tout moyen le procureur de la République, qui peut s’y opposer, procéder immédiatement à la visite de ces lieux aux fins de saisir ces biens et avoirs.
« Le juge des libertés et de la détention vérifie que les demandes d’autorisation qui lui sont soumises sont bien fondées.
« La demande d’autorisation ou l’information doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier la visite.
« Mention de cette autorisation ou, en cas de flagrant délit, de cette information est portée au procès-verbal prévu à l’article 64-8.
« Art. 64-8. – Un procès-verbal relatant le déroulement des opérations de visite domiciliaire est établi sans délai par l’officier de police judiciaire ou par l’agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale. Un inventaire des marchandises, documents, biens et avoirs saisis lui est annexé. Il mentionne le délai et la voie de recours prévus à l’article 64-9.
« Le procès-verbal est signé par les agents des douanes ayant pris part à la visite, par l’officier de police judiciaire ou par l’agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale ainsi que par l’occupant des lieux ou son représentant ou, à défaut, par les témoins requis en application de l’article 64-1 ; en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
« Le procès-verbal est transmis au juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, au procureur de la République, copie en ayant été remise à l’occupant des lieux ou à son représentant s’il était présent. Nonobstant les dispositions de l’article 59 bis, une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’auteur présumé des délits douaniers visés à l’article 64 s’il est différent de l’occupant des lieux ou de son représentant.
« Si le magistrat constate que les biens et avoirs saisis ne proviennent pas directement ou indirectement des délits dont la preuve est recherchée ou que les marchandises et documents saisis ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité, il ordonne la mainlevée de la saisie et la restitution des objets, biens et avoirs concernés.
« Si l’inventaire sur place présente des difficultés, les pièces, documents, objets, biens et avoirs saisis sont placés sous scellés. L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister à l’ouverture des scellés ; l’inventaire est alors établi. Il est transmis sans délai au magistrat compétent, copie en ayant été remise à l’occupant des lieux ou à son représentant s’il a assisté à l’ouverture des scellés.
« Art. 64-9. – I. – L’ordonnance prévue par l’article 64-3 peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.
« Cet appel est exclusivement formé, suivant les formes prévues par le code de procédure civile, par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l’ordonnance. L’appel n’est pas suspensif.
« Le greffe du tribunal judiciaire transmet sans délai le dossier de l’affaire au greffe de la cour d’appel où les parties peuvent le consulter.
« L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les formes prévues par le code de procédure civile. Le délai de pourvoi en cassation est de quinze jours.
« II. – Le premier président de la cour d’appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite domiciliaire ou de saisie. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.
« Ce recours est exclusivement formé, suivant les prévues par le code de procédure civile, par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l’inventaire. Ce recours n’est pas suspensif.
« L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les formes prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. »
I bis. – À l’article 413 ter et au premier alinéa de l’article 416 du code des douanes, les mots : « au c du 2 de l’article 64 » sont remplacés par les mots : « à l’article 64-6 ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Les dispositions de cet amendement comportent deux volets.
Le premier est une remise en forme. Je tiens à signaler au Gouvernement et au Sénat que l’article 64 du code des douanes, sur lequel nous travaillons, comporte 49 alinéas. Sa manipulation se révèle donc extrêmement difficile.
Mon amendement vise à réorganiser ce texte, tout comme cela a été fait pour l’article 60, relatif au droit de visite. Il s’agit ici de structurer le droit de visite domiciliaire, sa procédure et les conditions légales de sa mise en œuvre en plusieurs articles.
Le second volet concerne une question de fond : la décision de procéder à une visite domiciliaire, hors flagrance, est prise par le juge des libertés et de la détention, et non par un agent de police ou des douanes.
Dans le cas d’une flagrance, la commission des lois propose que le procureur soit informé, lui permettant ainsi de s’opposer à la procédure si nécessaire. Cette proposition nous semble le minimum requis pour une mesure aussi contraignante que la visite domiciliaire inopinée, impliquant un droit de fouille intégral et une retenue des personnes concernées à leur domicile.
Je le répète, nous estimons que cela nécessite un encadrement judiciaire minimal : l’information du procureur assortie de la possibilité pour ce dernier d’y mettre fin.
Enfin, il nous semble que, dans un texte faisant suite à une annulation constitutionnelle, alors qu’il y en a eu d’autres concernant le code des douanes, une telle précaution est nécessaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 6 et 16, troisième phrase, au début
Insérer les mots :
Après consultation de ces données,
II. - Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
I bis. – Les articles 413 ter et 416 du code des douanes sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est également applicable en cas d’obstacle à l’accès aux données stockées dans un système informatique non implanté, à leur lecture ou à leur saisie, mentionné au b du 2 de l’article 64. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je le retire au profit des amendements nos 74 et 75 de la commission des finances, madame la présidente.
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 64 est retiré.
L’amendement n° 74, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 6, troisième phrase
Après le mot :
saisies
insérer les mots :
, à l’issue de ce téléchargement,
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. L’amendement n° 75, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
I bis. – À l’article 413 ter et au premier alinéa…
La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié bis, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 12 à 19
Remplacer ces alinéas par cinquante-quatre alinéas ainsi rédigés :
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 38 est ainsi rédigé :
« Art. L. 38. – Pour la recherche et la constatation des infractions aux dispositions du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts et des chapitres III et IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services, les agents habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où sont susceptibles d’être accessibles les pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant à ces infractions ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement.
« Peuvent également procéder à de telles visites, les agents habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, pour la recherche et la constatation des infractions aux dispositions de l’article 290 quater et du III de l’article 298 bis du code général des impôts.
« La visite ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heures. Dans les lieux ouverts au public, elle peut être commencée pendant les heures d’ouverture de l’établissement. Sous réserve de l’article L. 38 A, elle est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant.
« La visite domiciliaire est organisée soit sur autorisation du juge des libertés et de la détention, dans les conditions fixées par l’article L. 38 B, soit, en cas de flagrant délit, après information du procureur de la République, dans les conditions fixées par l’article L. 38 C. Le magistrat compétent peut se rendre dans tous les lieux en faisant l’objet et décider, à tout moment, sa suspension ou son arrêt. » ;
2° Après l’article L. 38, sont insérés des articles L. 38 A à L. 38 I ainsi rédigés :
« Art. L. 38 A. – Les agents visés à l’article L. 38 sont accompagnés, tout au long de la visite domiciliaire, d’un officier de police judiciaire ou d’un agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale.
« Celui-ci fait ouvrir les portes en cas de refus d’ouverture de l’occupant des lieux, est présent pour l’ouverture des scellés prévue aux articles L. 38 E et L. 38 G, ainsi que pour le téléchargement des données prévu par l’article L. 38 D, et veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 56 du code de procédure pénale. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, il requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l’administration des douanes. Il tient le magistrat compétent informé du déroulement de la visite et en dresse le procès-verbal.
« L’article 58 du code de procédure pénale est applicable.
« Art. L. 38 B. – Hormis le cas du flagrant délit, la visite domiciliaire est autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.
« Lorsque la visite a lieu en dehors du ressort de son tribunal judiciaire, le juge délivre une commission rogatoire au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel s’effectue la visite afin qu’il en assure le contrôle.
« Il désigne l’officier de police judiciaire ou l’agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale chargé d’assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement.
« Le juge motive sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des infractions visées à l’article L. 38 dont la preuve est recherchée.
« Outre cette motivation, l’ordonnance comporte :
« - l’adresse des lieux à visiter ;
« - le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l’autorisation de procéder aux opérations de visite ;
« - la mention de la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant, ainsi que l’auteur présumé des infractions visées à l’article L. 38, de faire appel à un conseil de son choix. L’exercice de cette faculté n’entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie.
« L’ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute. Elle est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu à l’article L. 38 G. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée après la visite par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis. Nonobstant les dispositions de l’article L. 103, une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’auteur présumé des délits douaniers mentionnés à l’article L. 38 s’il est différent de l’occupant des lieux ou de son représentant.
« À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte de commissaire de justice.
« Le délai et la voie de recours prévus par l’article L. 38 H sont mentionnés dans l’ordonnance.
« Art. L. 38 C. – En cas de flagrant délit, le procureur de la République territorialement compétent est informé par tout moyen dès le début de la visite domiciliaire ; il peut s’y opposer.
« Art. L. 38 D. – Les agents visés à l’article L. 38 peuvent procéder, à l’occasion de la visite, à la saisie des pièces et documents, quel qu’en soit le support, ainsi que des objets ou des marchandises se rapportant aux infractions visées à l’article précité. Ils peuvent saisir les biens et avoirs provenant directement ou indirectement des infractions précitées uniquement dans le cas de visites autorisées en application de l’article L. 38 B.
« Le juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, le procureur de la République est informé par tout moyen de la saisie et peut s’y opposer.
« Les agents visés à l’article L. 38, les personnes auxquelles ils ont éventuellement recours en application de l’article L. 103 B, l’occupant des lieux ou son représentant et l’officier de police judiciaire ou l’agent des douanes mentionné à l’article L. 38 A peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie.
« Lorsque la copie sur place de données stockées dans un système informatique non implanté sur les lieux visités s’avère impossible, les agents habilités peuvent appliquer toute mesure permettant de protéger l’accès en ligne aux données en cause afin de veiller à la conservation des indices susceptibles de disparaître. Ils peuvent procéder, dans un délai de trente jours à compter de la visite, à leur téléchargement à distance. Ne sont saisies que les données se rapportant aux infractions recherchées. L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister au téléchargement des données qui a lieu en présence d’un officier de police judiciaire ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du code de procédure pénale. Cette opération est effectuée dans les locaux du service chargé de la procédure selon les mêmes modalités que celles prévues par les quatrième à septième alinéas de l’article 57-1 du même code.
« Art. L. 38 E. – Lorsque l’occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l’accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mention en est portée au procès-verbal prévu par l’article L. 38 G.
« Les agents visés à l’article L. 38 peuvent alors procéder à la copie de ce support et saisir ce dernier, qui est placé sous scellés. Ils disposent de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, à leur lecture et à la saisie des données se rapportant aux infractions recherchées, ainsi qu’à la restitution du support informatique. Ce délai est prorogé sur autorisation écrite et motivée délivrée par le juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, par le procureur de la République.
« À la seule fin de permettre la lecture des pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, les agents des douanes procèdent aux opérations nécessaires à leur accès ou à leur mise au clair. Ces opérations sont réalisées sur la copie du support.
« L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister à l’ouverture des scellés, à la lecture des pièces et documents présents sur ce support informatique et à la saisie des données se rapportant aux infractions recherchées.
« Un procès-verbal décrivant les opérations réalisées pour accéder à ces pièces et documents et pour procéder à leur mise au clair et à leur lecture est dressé par les agents des douanes. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé, s’il y a lieu.
« Le procès-verbal et l’inventaire sont signés par les agents visés à l’article L. 38, par un officier de police judiciaire ou par l’agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale visé à l’article L. 38 A, ainsi que par l’occupant des lieux ou son représentant ; en l’absence de celui-ci ou en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
« Le procès-verbal et l’inventaire sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, au procureur de la République.
« Il est procédé concomitamment à la restitution du support informatique et de sa copie. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’administration accomplit sans délai toutes diligences pour les restituer.
« Art. L. 38 F. – Si, à l’occasion de la visite, les agents habilités découvrent l’existence d’un coffre situé dans un établissement de crédit, dont est titulaire la personne occupant les lieux visités et où des pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant aux infractions visées à l’article 64 sont susceptibles de se trouver, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, après en avoir informé par tout moyen le procureur de la République, qui peut s’y opposer, procéder immédiatement à la visite de ce coffre aux fins de saisie.
« Si, à l’occasion de la visite, les agents habilités découvrent des éléments révélant l’existence en d’autres lieux de biens ou avoirs se rapportant aux agissements visés à l’article 64, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, après en avoir informé par tout moyen le procureur de la République, qui peut s’y opposer, procéder immédiatement à la visite de ces lieux aux fins de saisir ces biens et avoirs.
« Le juge des libertés et de la détention vérifie que les demandes d’autorisation qui lui sont soumises sont bien fondées.
« La demande d’autorisation doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier la visite.
« Mention de cette autorisation ou, en cas de flagrant délit, de cette information est portée au procès-verbal prévu à l’article L. 38 G.
« Art. L. 38 G. – Un procès-verbal relatant le déroulement des opérations de visite domiciliaire est établi sans délai par l’officier de police judiciaire ou par l’agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale. Un inventaire des marchandises, documents, biens et avoirs saisis lui est annexé. Il mentionne le délai et la voie de recours prévus à l’article L. 38 H.
« Le procès-verbal est signé par les agents des douanes ayant pris part à la visite, par l’officier de police judiciaire ou par l’agent des douanes habilité sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale ainsi que par l’occupant des lieux ou son représentant ou, à défaut, par les témoins requis en application de l’article L. 38 A ; en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
« Le procès-verbal est transmis au juge des libertés et de la détention ou, en cas de flagrant délit, au procureur de la République, copie en ayant été remise à l’occupant des lieux ou à son représentant s’il était présent. Nonobstant les dispositions de l’article L. 103, une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’auteur présumé des délits douaniers visés à l’article L. 38 s’il est différent de l’occupant des lieux ou de son représentant.
« Si le magistrat constate que les biens et avoirs saisis que les marchandises et documents saisis ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité ou, en cas de visite autorisée sur le fondement de l’article L. 38 B, qu’ils ne proviennent pas directement ou indirectement des délits dont la preuve est recherchée, il ordonne la mainlevée de la saisie et la restitution des objets, biens et avoirs concernés.
« Si l’inventaire sur place présente des difficultés, les pièces, documents, objets, biens et avoirs saisis sont placés sous scellés. L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister à l’ouverture des scellés ; l’inventaire est alors établi. Il est transmis sans délai au magistrat compétent, copie en ayant été remise à l’occupant des lieux ou à son représentant s’il a assisté à l’ouverture des scellés.
« Art. L. 38 H – I. – L’ordonnance prévue par l’article L. 38 B peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.
« Cet appel est exclusivement formé, suivant les formes prévues par le code de procédure civile, par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l’ordonnance. L’appel n’est pas suspensif.
« Le greffe du tribunal judiciaire transmet sans délai le dossier de l’affaire au greffe de la cour d’appel où les parties peuvent le consulter.
« L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les formes prévues par le code de procédure civile. Le délai de pourvoi en cassation est de quinze jours.
« II. – Le premier président de la cour d’appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite domiciliaire ou de saisie. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.
« Ce recours est exclusivement formé, suivant les prévues par le code de procédure civile, par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l’inventaire. Ce recours n’est pas suspensif.
« L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les formes prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours.
« Art. L. 38 I. - Les pièces et documents saisis sont restitués à l’occupant des lieux après exécution de la transaction consécutive à la rédaction du procès-verbal de constatation des infractions prévu par l’article L. 212 A ; en cas de poursuites judiciaires, leur restitution est autorisée par l’autorité judiciaire compétente.
« Les informations recueillies ne peuvent être exploitées dans le cadre d’une procédure de vérification de comptabilité ou de contrôle de revenu qu’après restitution des pièces ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 47. »
II bis. – À la première phrase de l’article 1735 quater du code général des impôts, les mots : « au 4 bis de l’article L. 38 » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 38 E ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à transposer aux visites domiciliaires fiscales les dispositions que nous venons d’examiner pour les visites domiciliaires douanières.
L’objectif reste d’assurer un équilibre entre le droit d’intervention des services de douane et leur capacité à pénétrer de manière très intrusive dans les documents et dans les lieux privés, d’une part, et la nécessité d’un encadrement judiciaire minimal, de l’autre.
Mme la présidente. L’amendement n° 76, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 16, troisième phrase
Après le mot :
saisies
insérer les mots :
, à l’issue de ce téléchargement,
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. L’amendement n° 69, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa de l’article 1735 quater du code général des impôts, les mots : « au 4 bis » sont remplacés par les mots : « aux 4 et 4 bis ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’amendement n° 69 est un amendement de coordination.
Je souscris aux propos d’Alain Richard concernant l’article 64 du code des douanes : sa version actuelle, avant l’examen par le Sénat, est longue et comporte de très nombreux alinéas. Il aurait mérité d’être réécrit, pour une meilleure lisibilité. Je rejoins donc le rapporteur pour avis de la commission des lois : cet article pourrait être mieux ordonné.
En revanche, les dispositions de l’amendement n° 49 rectifié vont au-delà de cette préoccupation : elles modifient les dispositions relatives à la visite domiciliaire en cas de flagrant délit.
Cette modification ne risque-t-elle pas d’alourdir excessivement la procédure, voire d’entraver l’action des douaniers ? Sur cette question opérationnelle, je sollicite l’avis du Gouvernement, qui possède sans doute une expérience pratique plus approfondie sur le déroulement des opérations douanières, en particulier les visites domiciliaires.
L’amendement n° 50 rectifié bis, quant à lui, tend à réécrire l’article L. 38 du livre des procédures fiscales, relatif aux visites domiciliaires des douaniers en matière fiscale.
Son adoption, à mon sens, remettrait en cause de manière significative les prérogatives des douanes dans leur travail de recherche d’infractions de nature fiscale, concernant notamment les contributions indirectes, qui relèvent de leurs compétences. Mes réserves portent en particulier sur la question des systèmes de données à distance, les serveurs – les clouds.
Le Gouvernement pourra peut-être nous apporter plus de précisions sur le déroulement pratique de ces visites domiciliaires.
Quoi qu’il en soit, je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Le sujet que nous abordons revêt une importance certaine, justifiant que nous prenions un moment pour en débattre.
Notre objectif commun est de répondre aux exigences du Conseil constitutionnel pour assurer la conformité de notre texte à la Constitution, tout en garantissant l’efficacité opérationnelle de nos douaniers, qui sont souvent appelés à agir en urgence et avec la plus grande efficacité possible. Pour autant, les débats sont légitimes.
Permettez-moi d’annoncer d’emblée mes avis sur les amendements en question, en précisant bien qu’ils ne reflètent pas une évolution de ma position politique et sont fondés seulement sur le contenu des dispositions proposées (Sourires.) : je suis favorable aux amendements déposés par Albéric de Montgolfier, mais défavorable à ceux d’Alain Richard.
En effet, l’amendement n° 49 rectifié vise à réécrire entièrement le dispositif. Indépendamment du sujet sur lequel je vais revenir, à savoir l’information du procureur de la République, je considère que certains aspects de cette réécriture – clarification accrue et création de subdivisions – sont utiles. Il serait profitable de les reprendre dans le cadre de la recodification que nous envisageons.
Cependant, cet amendement tend à prévoir que les visites domiciliaires à la suite d’un flagrant délit ne puissent être conduites qu’après information du procureur de la République, qui peut s’y opposer.
À mon sens, il s’agit là d’une évolution lourde, source de risques opérationnels pour les opérations douanières. La réécriture complète du texte suscite une forme d’insécurité si l’on ne vérifie pas immédiatement ses implications.
Rappelons que le flagrant délit, qu’il soit douanier ou non, requiert une action en urgence que l’adoption de cet amendement risque de fragiliser : l’information du procureur nécessite un délai pour lui permettre de s’y opposer.
À mon sens, une telle procédure est incompatible avec les situations concernées, dans lesquelles la rapidité d’action pour collecter les informations nécessaires à la caractérisation des faits est cruciale.
Cette obligation d’information en flagrance pourrait être une source d’encombrement inutile pour les services de traitement en temps réel des parquets. Ceux-ci recevront des appels ou des courriels pour les informer de cette visite domiciliaire, alors même qu’une mesure restrictive de liberté ne sera pas en cours et que la procédure douanière ne sera pas suffisamment avancée, dans de nombreux cas, pour caractériser une infraction justifiant l’ouverture d’une enquête pénale.
En outre, cette évolution n’est pas juridiquement nécessaire. La proportionnalité de la procédure n’est pas mise en péril, dès lors que l’article 64 du code des douanes dispose déjà qu’un officier de police judiciaire doit être présent ; que ladite procédure ne s’applique qu’à des délits douaniers passibles d’au moins trois ans d’emprisonnement ; que celle-ci ne peut être mise en œuvre que le jour même, ou le lendemain si le flagrant délit est commis après vingt et une heures ; enfin, que le principe du contradictoire – c’est-à-dire la présence de la personne concernée ou de deux témoins – est respecté.
Par conséquent, une telle évolution constituerait un frein opérationnel.
La pratique actuelle satisfait en outre largement les besoins d’encadrement : compte tenu des investigations à mener après la constatation d’un flagrant délit, les agents des douanes placent le plus souvent les infracteurs en retenue douanière, ce qui implique nécessairement l’information du procureur de la République dès le début de la mesure, par tout moyen.
Cet amendement tend donc à introduire un risque opérationnel, alors même que les préoccupations qui ont présidé à son dépôt me semblent déjà satisfaites par les dispositions actuelles.
Cette proposition aboutirait à un régime plus contraignant que celui de la procédure pénale ; l’introduction d’une information préalable du procureur de la République avant le déclenchement de la visite reviendrait en effet à introduire des garanties supérieures à celles qui existent dans le code de procédure pénale.
Nous avons eu de nombreux débats sur ce sujet, et vous êtes en désaccord avec ce point de vue, je le sais. Il n’en reste pas moins que les perquisitions effectuées pendant l’enquête de flagrance ne sont soumises à aucune information préalable du procureur.
De surcroît, la mise en place de cette procédure serait très complexe pour les agents des douanes. La visite domiciliaire en flagrance fait partie des prérogatives de contrôle auxquelles ceux-ci sont très attachés, en raison de son efficacité opérationnelle. Ils ne comprendraient pas qu’elle subisse une évolution restrictive et ils s’inquiètent déjà de la rédaction du droit de visite à la suite de l’examen parlementaire de ce texte.
Il m’a donc semblé important de préciser tous ces points.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Il est utile de poursuivre cette discussion : nous légiférons à la suite d’une déclaration d’inconstitutionnalité relative à l’insuffisance de l’encadrement des capacités d’enquête et des mesures coercitives de la douane.
Monsieur le ministre, il semble discutable de considérer que la proposition formulée dans cet amendement par la commission des lois, tendant à imposer que le procureur soit avisé et puisse s’opposer à tout moment à la procédure, serait excessive comparativement à la procédure pénale.
En effet, le code de procédure pénale prévoit que le procureur contrôle l’ensemble des actes d’enquête et d’instruction menés par les officiers de police judiciaire, y compris la perquisition. Ainsi, en droit général, celle-ci est bel et bien soumise à l’autorisation et au contrôle du procureur.
Il serait à mon sens imprudent de laisser passer ce texte sans corriger le risque constitutionnel lié au droit de perquisition douanier. Il me paraît donc préférable de conserver une disposition permettant au procureur d’être informé des infractions poursuivies.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même souligné que cela ne pouvait s’appliquer que dans le cadre d’infractions punissables d’au moins trois ans de prison. Il ne s’agit donc pas de dispositions banales !
Dès lors, il semble logique que le procureur exerce un contrôle minimal d’opportunité sur ces perquisitions, qui sont des mesures très intrusives dans la vie privée.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Nous sommes partagés entre deux positions : j’entends bien les problèmes que soulève Alain Richard, mais l’aspect opérationnel me préoccupe.
La saisie de marchandises, par exemple, est une opération courante ; la nécessité d’impliquer le procureur à chaque saisie pourrait entraver le travail des douanes.
La présence d’un officier de police judiciaire (OPJ) dans le cadre des douanes apporte déjà une première garantie ; lorsque l’on en vient à d’autres procédures, le procureur est informé par tous moyens.
Je ne souhaite donc pas qu’un changement révolutionnaire soit mis en œuvre, même si je n’en mesure pas bien le risque à ce stade. Je suis donc plus enclin à maintenir mon avis défavorable, suivant ainsi le Gouvernement. Mais M. le ministre pourrait sans doute nous apporter des précisions supplémentaires.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pour répondre à M. Richard, ces sujets sont en effet importants, et il nous revient donc d’éclairer la décision du Sénat.
Dans le code de procédure pénale, il est spécifié que les perquisitions en flagrance sont placées sous le contrôle du procureur. Cela signifie non pas que celui-ci en est préalablement informé, mais qu’un officier de police judiciaire est présent durant l’opération et rend compte ensuite à la justice.
C’est également ce que prévoit le code des douanes : un officier judiciaire est présent, apportant les mêmes garanties, et rend des comptes au procureur et à la justice par la suite.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 50 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 76.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
11
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 7 juin, après la séance de questions d’actualité au Gouvernement, sous réserve de sa transmission, de la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.
Acte est donné de cette demande.
La commission des affaires économiques se réunira le mardi 6 juin, à neuf heures trente, pour l’examen du texte et du rapport.
Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance serait fixé au mercredi 7 juin, à onze heures, et le délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale, au mardi 6 juin, à quinze heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
12
Douane
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre II, à un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 10.
TITRE II (suite)
MODERNISER LE CADRE D’EXERCICE DES POUVOIRS DOUANIERS
Chapitre Ier (suite)
Moderniser les capacités d’enquête
Après l’article 10
M. le président. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Malhuret, Mme Mélot et MM. Lagourgue, A. Marc, Chasseing, Grand et Guerriau, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre II du code des douanes est complété par un article 59… ainsi rédigé :
« Art. 59 … – Les agents des douanes et les agents placés sous l’autorité du ministre chargé de l’industrie ou du ministre des armées, ayant pour mission la mise en œuvre de la Convention de Paris du 13 janvier 1993 sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, ainsi que les personnels des entités agissant pour leur compte, ou les assistant, peuvent se communiquer, spontanément ou sur demande, tous les renseignements ou documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions respectives. »
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement vise à permettre les échanges de données entre les agents des douanes de Bercy et les agents du ministère de la défense, et cela afin d’éviter la prolifération des armes chimiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances. La menace par arme chimique n’est pas nouvelle. Il me semble que des échanges d’informations avec les services douaniers sont d’ores et déjà possibles – peut-être M. le ministre pourra-t-il nous le confirmer.
En ce qui concerne cet amendement, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Cet amendement est utile, car il est nécessaire de permettre un tel échange d’informations pour mieux lutter contre les armes chimiques et identifier les entreprises qui seraient défaillantes au regard de leurs obligations déclaratives en matière de produits chimiques.
L’introduction de cet article additionnel permettra l’information réciproque des services chargés du contrôle de la convention du 13 janvier 1993 sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, y compris des personnels des entités qui les assistent, et des services douaniers.
La rédaction proposée prévoit en effet une dérogation – pour ce motif dont chacun conviendra qu’il est particulièrement sensible – au secret professionnel auquel sont soumis les agents des douanes.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Article 10 bis (nouveau)
L’article 343 bis du code des douanes est ainsi rédigé :
« Art. 343 bis. – L’autorité judiciaire communique à l’administration des douanes toute information qu’elle recueille, à l’occasion de toute procédure judiciaire, de nature à faire présumer une infraction commise en matière douanière ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre le recouvrement de droits ou taxes prévus au présent code. » – (Adopté.)
Chapitre II
Moderniser les capacités d’action de la douane
Article 11
I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à dater de l’entrée en vigueur du décret mentionné au III, pour la seule finalité de prévention et de constatation des infractions de contrebande, d’importation ou d’exportation commises en bande organisée, prévues et réprimées par le dernier alinéa de l’article 414 du code des douanes, ainsi que la constatation, lorsqu’elles portent sur des fonds provenant de ces mêmes infractions, de la réalisation ou de la tentative de réalisation des opérations financières définies à l’article 415 du même code et afin de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, l’administration des douanes et des droits indirects peut exploiter les données collectées au titre de l’article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure au moyen d’un traitement de données à caractère personnel destiné exclusivement à détecter des mouvements de véhicules ou les événements prédéterminés susceptibles de révéler les infractions précitées.
Ce traitement est soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Dans le cadre de l’expérimentation, et par dérogation à l’article L. 233-2 du code de la sécurité intérieure, les données collectées sont conservées durant un délai maximum de quatre mois, sous réserve de la nécessité de leur conservation pour les besoins d’une procédure pénale ou douanière. L’expérimentation porte sur plusieurs durées de conservation des données, comprises entre deux et quatre mois, et dont l’efficacité est évaluée et comparée dans les conditions prévues au II du présent article.
La mise en œuvre du traitement est réservée aux seuls agents des douanes affectés au sein d’un service spécialisé de renseignement, individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre chargé des douanes.
Ce traitement exclut toute exploitation de la photographie des occupants des véhicules.
Il ne peut procéder à aucune consultation d’autres traitements de données à caractère personnel que ceux visés à l’article L. 233-2 du même code.
Il procède exclusivement à un signalement d’attention, strictement limité à la détection des mouvements de véhicules précités ou d’événements prédéterminés qu’il a été programmé à détecter. Il ne peut fonder, par lui-même, aucune décision individuelle ni aucun acte de poursuite.
L’État assure la collecte, le traitement et la conservation des données à caractère personnel ainsi recueillies ; il assure la conception du traitement ou la confie à un tiers.
II. – L’expérimentation fait l’objet de rapports d’évaluation transmis au Parlement ainsi qu’à la Commission nationale de l’informatique et des libertés dans les délais suivants :
1° Un an à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au III ;
2° Deux ans à compter de l’entrée en vigueur du même décret ;
3° Six mois avant le terme de l’expérimentation.
Ces rapports évaluent la pertinence des données utilisées dans le cadre du traitement décrit au I aux fins de détecter des mouvements de véhicules ou des événements prédéterminés. Ils établissent la liste des garanties mises en place pour assurer la protection des données personnelles et le respect de la vie privée et analysent leur effectivité. Ils évaluent l’efficacité de durées de conservation inférieures à quatre mois et présentent les éléments permettant d’apprécier le caractère proportionné des différentes durées retenues au cours de l’expérimentation ; à ce titre, ils intègrent des indications statistiques permettant notamment, pour chaque durée expérimentée, de rendre compte de la quantité totale de données collectées, de la quantité de données conservées au-delà du délai maximum expérimenté pour les besoins d’une procédure pénale ou douanière, du nombre de mouvements de véhicules ou d’événements prédéterminés détectés, ainsi que du nombre de procédures d’enquête engagées sur le fondement desdites détections.
Ils comportent des développements spécifiques, établis par les services du ministère de la justice, sur l’efficacité du traitement décrit au I en matière de répression pénale des infractions mentionnées au premier alinéa du même I.
III. – Par dérogation à l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités de mise en œuvre du présent article. Il autorise le traitement et détermine notamment les critères de recherche utilisés par ce dernier, les catégories de données traitées, les mesures mises en œuvre pour écarter l’exploitation des photographies des véhicules et pour assurer la sécurité des données stockées, le nombre maximal de dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules concernés, ainsi que les axes de circulation où ils sont installés sur le territoire.
Par dérogation au même article 31, la demande d’avis adressée à la Commission nationale de l’informatique et des libertés est accompagnée d’une analyse d’impact relative à la protection des données à caractère personnel conformément à l’article 90 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.
Ce décret n’est pas publié. Toutefois, le sens de l’avis émis par la Commission nationale de l’informatique et des libertés est rendu public.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous pensons que cet article important, présenté comme un outil de lutte contre les go fast, comporte un risque d’inconstitutionnalité. La Cnil l’a certes validé pour ce qui concerne les atteintes à la vie privée, mais elle ne peut se prononcer sur la constitutionnalité du dispositif.
Par ailleurs, la durée excessive de l’expérimentation, fixée à trois ans, la non-publication du décret qui précise les modalités encadrant celle-ci et la possibilité de confier à un acteur privé une partie de la conception de cette expérimentation renforcent les réserves du groupe communiste républicain citoyen et écologiste sur cet article.
J’en demande donc la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission est convaincue de l’intérêt de cette expérimentation, dont elle a encadré les modalités. Je ne puis donc qu’être défavorable à cet amendement de suppression.
Je vous rappelle du reste, mon cher collègue, que le Conseil constitutionnel, pour apprécier la constitutionnalité d’un dispositif, prend en compte non seulement les risques et les limites que celui-ci emporte vis-à-vis des droits de la personne, mais aussi l’impératif constitutionnel de recherche des auteurs d’infractions.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cette expérimentation est importante.
Les lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation sont aujourd’hui très largement utilisés, et même plébiscités par nos douaniers. Lors de chacun de mes déplacements sur le terrain, ils me le confirment et me demandent bien souvent des lecteurs supplémentaires.
Ces dispositifs scannent les plaques d’immatriculation et déclenchent une alerte, par exemple lorsque le numéro correspond au véhicule d’une personne que l’on recherche ou qu’il s’agit d’un véhicule volé. Les données sont conservées quinze jours, mais cette durée peut être étendue à un mois lorsqu’une telle alerte est déclenchée.
Par cette expérimentation, nous portons la durée de conservation des données à quatre mois et nous ouvrons la possibilité d’effectuer des recherches multicritères qui permettront, par exemple, d’identifier deux véhicules circulant ensemble, car nous savons que le transport de stupéfiants ou de produits prohibés s’effectue souvent dans des convois constitués d’au moins deux véhicules, dont un véhicule « ouvreur ».
Nous pourrons ainsi évaluer l’utilité d’un tel dispositif au regard de la lutte contre les trafics, notamment de stupéfiants.
Je précise qu’il n’est question ni d’algorithme ni d’intelligence artificielle, puisqu’il s’agit simplement de conserver les données plus longtemps et d’effectuer des recherches multicritères pour identifier des plaques d’immatriculation qui circulent ensemble régulièrement.
Je précise également que cette expérimentation ne concerne que le service des douanes, à l’exclusion, par exemple, des services de la police nationale.
Je me suis rendu à la frontière avec l’Espagne, où des trafics nombreux, notamment de tabac, transitent par la route. La possibilité d’identifier de manière automatisée des véhicules qui circulent ensemble permettra à nos services d’être plus efficaces dans le cadre de la lutte contre ces trafics.
L’avis du Gouvernement est donc résolument défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 47, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
ou les événements prédéterminés
II. – Alinéa 7 et alinéa 13, dernière phrase
Supprimer les mots :
ou d’événements prédéterminés
III. – Alinéa 13, première phrase
Remplacer les mots :
ou des événements prédéterminés
par les mots :
mentionnés au même I
IV. – Alinéa 15, seconde phrase
Après le mot :
photographies
insérer les mots :
des occupants
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Cet amendement de précision vise à retirer la mention, qui peut être ambiguë, même si M. le ministre a expliqué le fonctionnement du dispositif, d’« événements prédéterminés ».
Si l’information peut ensuite être traitée de différentes façons, seuls les passages de plaques d’immatriculation seront recensés et enregistrés.
M. le président. L’amendement n° 45, présenté par MM. Leconte, Cozic et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sueur, Raynal et Féraud, Mme Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
ou d’événements prédéterminés
par les mots :
et à l’identification des infractions mentionnées au présent I
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Par cet amendement, je propose de rétablir la rédaction initiale du texte.
En effet, si la rédaction issue des travaux de la commission resserre davantage la portée du traitement des données collectées par le dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (Lapi), en précisant non seulement que le traitement doit susciter exclusivement un signalement d’attention, mais également que celui-ci est strictement limité à la détection des mouvements de véhicules ou d’événements prédéterminés, la version initiale du projet de loi est plus précise, puisqu’elle vise « l’identification des infractions précitées ».
Il doit être entendu que les critères de recherche qui seront définis par décret en Conseil d’État et qui seront exploités par les agents de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) seront destinés exclusivement à détecter des mouvements susceptibles de révéler les infractions visées au premier alinéa de l’article 11 du présent projet de loi.
M. le président. L’amendement n° 46, présenté par MM. Leconte, Cozic et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sueur, Raynal et Féraud, Mme Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel, P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13, première phrase
Remplacer les mots :
ou des événements prédéterminés
par les mots :
et l’identification des infractions mentionnées au présent I
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois sur les amendements nos 45 et 46 ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Nous avons le même objectif, mon cher collègue, mais je préfère évidemment l’amendement que j’ai proposé.
Je sollicite donc le retrait des amendements nos 45 et 46 au profit de l’amendement n° 47. À défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Ces amendements visent à revenir sur l’ajout, par la commission, des termes « événements prédéterminés ».
La commission a sans doute souhaité observer un parallélisme des formes avec la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Pour ma part – c’est d’ailleurs une preuve supplémentaire de la portée plus restreinte du présent texte –, je ne souhaite pas conformer notre modèle douanier à la législation applicable aux jeux Olympiques.
Je suis donc favorable au retrait des termes « événements prédéterminés » et, partant, à l’amendement n° 47 de M. Richard, dont la rédaction me paraît la plus opportune.
Par conséquent, je demande le retrait des amendements n° 45 et 46, auxquels, à défaut, je serais défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Je n’ai pas eu l’occasion d’expliquer mon vote sur l’amendement n° 12, celui-ci ayant été retiré. Permettez-moi toutefois d’indiquer que, si le groupe du RDSE est très attaché aux libertés individuelles, cette expérimentation nous paraît indispensable.
Tout d’abord, il s’agit seulement d’une expérimentation, permettant de porter à quatre mois la durée de conservation des données, ce qui, au regard de l’objectif fixé, est très court.
Mon département n’est certes pas transfrontalier, mais il est tout de même situé non loin de la frontière. Et la Gironde est inondée de trafics, notamment de stupéfiants. Si le respect des libertés individuelles est essentiel, l’arrêt des trafics l’est aussi. Il faut permettre aux services douaniers de remplir leurs missions, notamment la lutte contre ces trafics qui ont pour conséquence l’arrivée de stupéfiants sur le marché.
Les élus de mon département sont donc favorables à l’instauration de contrôles permettant d’identifier des véhicules qui circulent régulièrement de façon groupée, afin de démanteler les trafics qui s’organisent.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 45 et 46 n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 35 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
L’expérimentation permet d’évaluer, dans les conditions prévues au II du présent article, l’efficacité comparée de différentes durées de conservation des données, comprises entre deux et quatre mois.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’objectif d’une expérimentation est de tester des solutions, afin de fixer les modalités d’un éventuel dispositif pérenne.
Lors des travaux de la commission, le rapporteur pour avis et les commissaires ont exprimé le souhait que différentes options, notamment différentes durées de conservation des données, soient testées.
J’estime toutefois que la rédaction adoptée par la commission peut être interprétée comme prescrivant une durée de conservation des données nécessairement inférieure à quatre mois. Or cela se heurte à notre objectif partagé d’une évaluation portant sur les différentes durées de conservation des données, afin de trouver le point de convergence entre un minimum de contraintes et un maximum d’efficacité.
La rédaction que je vous propose me paraît répondre au souhait exprimé par la commission, puisqu’elle prévoit une évaluation comparée de l’efficacité de différentes durées de conservation comprises entre deux et quatre mois. Nous nous assurons ainsi de disposer des éléments nécessaires pour, in fine, retenir la meilleure option.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Nous partageons en effet le même objectif. Nous souhaitons que l’expérimentation permette d’évaluer les résultats de détection obtenus en fonction de la durée de conservation des données – deux, trois ou quatre mois.
La rédaction proposée par le ministre me convient tout à fait. Mon avis sur cet amendement est donc favorable.
M. le président. L’amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le mot :
consultation
par les mots :
interconnexion ou mise en relation automatisée avec
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. C’est un point rédactionnel, mais il a son importance.
L’alinéa 6 interdit le traitement automatique. Lors de ses travaux, la commission a introduit le terme « consultation ». Or j’estime que, au regard de l’objectif visé, c’est-à-dire l’absence de traitement automatique, il est préférable de réintroduire les mots « interconnexion ou mise en relation automatisée » avec d’autres traitements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Ayant contribué, dans un autre millénaire, à la préparation de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite loi Informatique et libertés, je retrouve tout à fait les formules qui étaient alors en débat.
La formule proposée par le ministre me paraît juridiquement plus sûre. L’avis de la commission des lois est donc favorable.
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer les mots :
Un an
par les mots :
Dix-huit mois
II. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les rapports d’évaluation comprennent une partie établie par les services du ministère de la justice, sur l’utilité du dispositif en matière de réponse pénale apportée aux infractions mentionnée au premier alinéa décrit au I.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement tend à fixer le calendrier d’évaluation de l’expérimentation. Ses dispositions tiennent compte des échanges que nous avons eus avec la Chancellerie, pour préciser chacune des étapes de cette évaluation et les modalités de transmission des rapports d’évaluation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Ce qui nous importe, c’est qu’au moins deux points d’évaluation soient effectués durant l’expérimentation – il faut reconnaître que, au-delà, l’ordre du jour parlementaire pourrait se trouver encombré par le débat qui serait organisé à chaque fois.
En ce qui concerne les précisions apportées par les services de la Chancellerie, il nous importe que les rapports d’évaluation comportent une contre-expertise de l’autorité principale en matière de poursuite des infractions quant à l’efficacité des dispositions expérimentées.
L’avis de la commission des lois est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 11, modifié.
(L’article 11 est adopté.)
Après l’article 11
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié quinquies, présenté par M. Bascher, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Pellevat, Burgoa et Tabarot, Mme Joseph, MM. E. Blanc et Mouiller, Mme Dumont, MM. Cambon et Savary, Mme Jacques, MM. H. Leroy et Sautarel, Mmes Noël et Lavarde, MM. Bouchet, Reichardt, Daubresse et Courtial, Mme Belrhiti, MM. Panunzi, Joyandet, Cadec et Somon, Mme Bellurot, M. Darnaud, Mmes Ventalon et Delmont-Koropoulis, MM. Allizard, Cardoux et Karoutchi, Mme Richer, MM. Rietmann, Perrin, Brisson, Meurant, Chaize et Mandelli, Mme Micouleau, M. Lefèvre, Mmes Imbert et Gruny, MM. Pointereau, Anglars et Piednoir, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, Cuypers et Charon, Mmes Lassarade et Thomas, MM. Bazin, Klinger, Belin, Gremillet, B. Fournier et Duplomb, Mme Borchio Fontimp et MM. Genet et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des douanes est ainsi modifié :
Le chapitre III du titre II du code des douanes est complété par un article 59… ainsi rédigé :
« Art. 59…. – Les agents des douanes, les agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale chargés des missions de police aux frontières peuvent se communiquer sur demande ou spontanément tous les renseignements et documents détenus ou recueillis à l’occasion de leurs missions respectives en matière de franchissement des frontières au sens du règlement 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016. »
La parole est à M. Laurent Somon.
M. Laurent Somon. Le présent amendement vise à créer un dispositif d’échange d’informations spontané ou sur demande entre les agents des douanes et les agents de la direction centrale de la police aux frontières, en leur qualité partagée de garde-frontières au sens du règlement 2016/399, que celle-ci s’exerce sur des ports, dans les aéroports ou sur des points de la frontière terrestre disposant du statut de points de passage frontalier (PPF).
Cette disposition permettrait d’améliorer leurs capacités d’analyse des risques migratoires pour la mise en œuvre du code frontières Schengen et trouverait également à s’appliquer sur le territoire dans le cadre des missions identiques qu’exercent les deux entités. En effet, les agents des douanes comme les agents de la police aux frontières peuvent réaliser des contrôles des titres d’entrée et d’entrée en zone frontalière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Il paraît en effet opportun de permettre de tels échanges d’informations.
La commission était favorable à l’amendement de M. Bascher sous réserve de légères modifications rédactionnelles. Ces dernières ayant été réalisées, mon avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il s’agit d’un amendement important pour la sécurisation de nos frontières, qui est un objectif partagé par tous.
Les agents des douanes et de la police aux frontières sont soumis au secret professionnel, mais ils ont été désignés en qualité de gardes-frontières à la Commission européenne au sens du code frontières Schengen. Ils exercent par ailleurs sur le territoire des contrôles de titres d’entrée et de séjour en zone frontalière. L’échange d’informations entre les agents de ces deux administrations permettra de renforcer leur coopération.
L’avis du Gouvernement est donc favorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Mon groupe soutiendra également cet amendement, car il importe de faciliter les échanges entre nos différentes polices.
Je saisis l’occasion pour vous interroger, monsieur le ministre. Lors d’un contrôle autoroutier réalisé par les services douaniers auquel j’ai participé en début de semaine, j’ai pu constater que, si ces services sont équipés d’un matériel très performant, contrairement à notre police nationale, ils ne disposent pas des tablettes NEO, pour nouvel équipement opérationnel, qui permettront bientôt, notamment, de mettre en place une messagerie WhatsApp.
Le matériel dont les services douaniers sont équipés est certes plus performant, puisqu’il dispose par exemple de la 4G, mais une harmonisation de l’équipement permettrait des échanges optimaux. Est-il prévu d’équiper la police nationale du même matériel que les services douaniers ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Les forces étant amenées à échanger davantage d’informations à la frontière, il convient bien sûr qu’elles puissent le faire dans les meilleures conditions technologiques possible. Le projet « Réseau radio du futur », ou RRF, qui est en cours de développement, doit permettre d’effectuer ce saut technologique et qualitatif, qui fait partie des objectifs que nous visons.
Par ailleurs, des expérimentations seront sans doute menées, afin d’évaluer différentes possibilités pour favoriser le travail en commun de ces agents et aller vers la création de la border force que le Président de la République a appelée de ses vœux.
En tout état de cause, vous avez raison, madame la sénatrice, la question technologique sera au cœur de ce travail en commun.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
L’amendement n° 42 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 28-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 28-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 28-1-1. – I. – Des agents des douanes ayant satisfait à une formation sanctionnée par un examen certifiant leur aptitude à assurer les missions que la loi leur confie et spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget, peuvent exercer les missions dévolues aux agents de police judiciaire dans les enquêtes judiciaires menées par les agents des douanes mentionnés au I de l’article 28-1. Ils sont dénommés : « agents de douane judiciaire ».
« Les agents de douane judiciaire ont, pour l’exercice de leur mission, compétence sur l’ensemble du territoire national.
« II. – Pour l’exercice des missions mentionnées au I, les agents de douane judiciaire disposent des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux agents de police judiciaire, y compris lorsque ces prérogatives et obligations sont confiées à des services ou unités de police ou de gendarmerie spécialement désignés.
« Ces agents sont autorisés à déclarer comme domicile l’adresse du siège du service dont ils dépendent.
« III. – Les dispositions des V, VII et VIII de l’article 28-1 s’appliquent aux agents de douane judiciaire. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement vise à transposer dans la loi une mesure que j’ai annoncée dans le cadre du plan de lutte contre les fraudes.
L’efficacité du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) étant unanimement reconnue, la commission des finances du Sénat, dans un excellent rapport d’information intitulé Fraude et évasion fiscales : faire les comptes et intensifier la lutte – M. le rapporteur général Husson s’en souvient –, mais aussi plusieurs sénateurs, dont Sylvie Vermeillet, dans le cadre du débat sur la fraude fiscale, ont appelé au renforcement des moyens de ce service. J’ai donc annoncé dans mon plan le doublement du nombre d’officiers fiscaux judiciaires du SEJF d’ici à 2025.
Dans ce cadre, et afin de continuer à renforcer le SEJF, celui-ci sera transformé en Office national antifraude, avec l’objectif de décharger les officiers de douane judiciaire d’un certain nombre de tâches pour leur permettre de se concentrer sur leurs missions d’enquête.
Cet amendement a donc pour objet de créer la nouvelle fonction d’agent de douane judiciaire.
Très concrètement, ces agents travailleront auprès des officiers de douane judiciaire, qu’ils pourront décharger d’une partie des formalités administratives qui leur incombent actuellement, ce qui permettra aux officiers de douane judiciaire de se concentrer sur leurs missions d’enquête.
J’invite donc le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 68, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 42 rectifié
I. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 28-1-1. – I. – Des agents des douanes ne remplissant pas les conditions prévues par l’article 28-1 peuvent être habilités, sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction, à exercer les fonctions dévolues aux agents de police judiciaire dans les enquêtes judiciaires. Ces agents sont désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget, après avoir satisfait à une formation sanctionnée par un examen certifiant leur aptitude à assurer les missions prévues au présent article, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces agents sont compétents pour contribuer à la recherche et à la constatation des infractions mentionnées aux 1° à 8° de l’article 28-1.
III. – Alinéa 5
1° Remplacer les mots :
Les agents de douane judiciaire
par les mots :
Ils
2° Remplacer les mots :
de leur mission
par les mots :
des missions prévues par le présent article
IV. – Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« II. – Lorsque, sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, les agents des douanes mentionnés au I du présent article concourent à des enquêtes judiciaires, ils disposent des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux agents de police judiciaire, y compris lorsque ces prérogatives et obligations sont confiées à des services ou unités de police ou de gendarmerie spécialement désignés.
« Ils ne peuvent pas disposer des prérogatives mentionnées à l’article 230-46.
V. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
de douane judiciaire
par les mots :
mentionnés au I du présent article
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission des lois sur l’amendement n° 42 rectifié.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Il s’agit au fond de doter les enquêteurs d’assistants, comme cela a été fait pour la police judiciaire.
Par l’amendement n° 42 rectifié, le Gouvernement propose d’instaurer une fonction d’assistant technique des agents de douanes qualifiés judiciairement pour faciliter l’exercice des missions d’enquête de ces derniers et accroître leurs moyens.
Le présent sous-amendement vise à clarifier l’étendue des missions auxquelles ces assistants peuvent participer et les conditions dans lesquelles ils s’en acquittent en lien avec les agents judiciaires de la douane, comme cela a été fait pour les adjoints de police judiciaire, de manière à éviter tout risque de débordement de compétence.
Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, l’avis de la commission sera favorable sur l’amendement n° 42 rectifié du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 68 ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je regrette que l’on ne puisse pas sous-amender les sous-amendements ! (Sourires.)
Monsieur le rapporteur pour avis, si certaines des dispositions que vous proposez permettent de clarifier et de préciser utilement les missions de ces nouveaux agents, d’autres posent des difficultés.
La rédaction que vous suggérez exclut en effet la possibilité, pour les agents du SEJF, de mener des enquêtes sous pseudonyme. Les agents de la police judiciaire disposent, eux, de cette faculté, dont il me paraît important de ne pas priver les enquêteurs.
Par ailleurs, la rédaction que vous proposez semble impliquer que les agents de douane judiciaire seront désignés et nommés par des magistrats, ce qui n’est pas le cas des officiers de douane judiciaire. Les agents de douane judiciaire ayant vocation à exercer leurs fonctions sous la responsabilité des officiers de douane judiciaire, il serait étonnant de prévoir une telle nomination pour les premiers, alors qu’elle n’est pas prévue pour les seconds.
Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable. Si ce sous-amendement n’était pas adopté, comme je le souhaite, certaines de ses dispositions pourraient toutefois être utilement intégrées au texte dans le cadre de la navette.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je souhaite que nous soyons bien d’accord, monsieur le ministre, car, en vous appropriant les bonnes idées du Sénat, vous vous engagez dans une forme de course à l’échalote. Comment comptez-vous assurer le doublement des effectifs du SEJF d’ici à 2025 ?
Dans le rapport d’information que vous avez cité, la commission des finances proposait un doublement des effectifs du SEJF sur cinq ans par redéploiement.
Le doublement du nombre de postes que vous promettez d’ici à 2025 sera-t-il assuré par des créations de postes ou par des redéploiements ?
Avec notre collègue Alain Richard, vous venez de pointer un certain nombre de difficultés juridiques. Je regrette que ce travail n’ait pas été mené dès le mois de septembre dernier, car nous nous trouvons en quelque sorte dans un corner, et cette situation nous expose à des fragilités juridiques. Il est regrettable d’avoir attendu aussi longtemps, alors que nous aurions pu mener ce travail bien plus tôt, ensemble.
C’est ce qui s’appelle travailler dans le sens de l’intérêt général, monsieur le ministre, d’autant que ce travail aurait permis de dégager des recettes supplémentaires plus tôt.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Pour répondre à l’avis donné par M. le ministre sur le sous-amendement n° 68, je rends les armes pour ce qui est de la nomination judiciaire des agents. Celle-ci n’est en effet pas nécessaire, et il conviendra de modifier la rédaction en ce sens.
Pour ce qui concerne l’anonymisation des enquêteurs, en revanche, le code de procédure pénale précise bien que les assistants de police judiciaire ne peuvent effectuer d’actes d’enquête. S’ils préparent le travail des enquêteurs, ils n’ont aucune raison de bénéficier de mesures d’anonymisation. Il doit en être de même pour les agents des douanes. Je pense que nous pourrons aisément nous accorder sur ce point dans la suite de la navette, monsieur le ministre.
Je maintiens donc le sous-amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Husson, un amendement au projet de loi de finances visait en effet à doubler ou, du moins, à renforcer les effectifs d’officiers fiscaux judiciaires du SEJF à l’horizon de 2027. Nous n’avons pas vraiment perdu de temps – nous proposons même d’aller plus vite, en doublant ces effectifs à l’horizon de 2025.
Le SEJF compte aujourd’hui une quarantaine d’officiers fiscaux judiciaires, dont j’ai proposé de doubler l’effectif d’ici à 2025. Nous disposons pour effectuer ces recrutements du vivier de la direction générale des finances publiques, qui propose un concours ouvert aux vérificateurs pour intégrer le cadre des officiers fiscaux judiciaires. Les lauréats suivent ensuite une formation au SEJF, qui leur permet de réaliser des enquêtes.
Dès la prochaine promotion de ce concours, nous allons renforcer le nombre de places ouvertes, de manière à atteindre l’objectif que j’ai fixé, c’est-à-dire le recrutement de quarante nouveaux officiers fiscaux judiciaires d’ici à 2025. Au reste, cet objectif semble tout à fait atteignable.
M. Jean-François Husson. Il s’agit donc de créations nettes ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Tout à fait !
Monsieur Richard, il faudra que l’on clarifie le point que vous soulevez, car l’appréciation de l’équipe qui m’entoure diffère de la vôtre… Nous pourrons continuer d’y travailler dans le cadre de la navette.
Vous êtes par ailleurs convenu que la disposition relative à la nomination des agents posait une difficulté, et vous m’avez donné quitus sur ce point.
Je vous propose donc de retirer le sous-amendement n° 68, dont nous pourrons reprendre les dispositions relatives aux missions des agents et, éventuellement, à l’anonymisation, en fonction des échanges que nous aurons dans le cadre de la navette.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Je choisis l’autre option ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Il me paraît important de rassurer nos douaniers au regard des recrutements, non seulement d’assistants-enquêteurs, mais aussi d’assistants pour assurer la surcharge de travail découlant de l’obligation d’information préalable du procureur de la République.
Les douaniers s’en inquiètent, d’autant plus que, si elle n’est pas menée de manière suffisamment rigoureuse, cette information du procureur pourra donner lieu à des vices de procédure. Il importe donc de les rassurer sur les augmentations d’effectifs.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
L’amendement n° 52 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au II de l’article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « prohibées », sont insérés les mots : « et de tabac ainsi que dans l’exercice des missions visées au 5° du I ».
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement tend à actualiser le régime d’utilisation des drones par les services douaniers.
Les douaniers peuvent d’ores et déjà recourir à des drones, notamment dans le cadre de la lutte contre le trafic transfrontalier de marchandises prohibées.
Par cet amendement, je vous propose de leur permettre d’utiliser des drones pour contrôler les flux migratoires. Les autres forces de l’ordre – police et gendarmerie – ont déjà la possibilité de le faire. Dans le cadre des échanges d’informations et de la coopération que nous souhaitons favoriser entre les forces de l’ordre et les services douaniers, une telle évolution paraît opportune.
Par ailleurs, il s’agit de lutter contre les trafics de tabac. En effet, au sens juridique du terme, le tabac, y compris de contrebande, n’est pas considéré comme une marchandise prohibée – il n’entre pas dans la liste.
De ce fait, les services douaniers ne peuvent recourir à des drones pour rechercher des véhicules qui franchiraient la frontière en transportant du tabac de contrebande.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Je suis favorable à cet amendement pour ce qui concerne la lutte contre le trafic de tabac, qui doit en effet faire l’objet d’une précision législative.
En revanche, pour ce qui concerne la surveillance des frontières, permettez-moi, monsieur le ministre, d’exprimer un doute important. En effet, la surveillance des frontières par l’utilisation de drones est une mission confiée à la police et à la gendarmerie nationales.
Compte tenu des mésaventures que nous avons connues en matière d’utilisation de drones, le Conseil constitutionnel considérant ces derniers comme des caméras et réclamant une utilisation restrictive et justifiée pour chaque type d’utilisateur, il me semble risqué de créer un doublon sur la mission de surveillance des frontières.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de la suppression de sa seconde partie.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je répondrai en deux points.
Tout d’abord, des douaniers surveillent d’ores et déjà la frontière : environ 1 500 douaniers ont le statut de garde-frontières et remplissent donc déjà cette mission. Ils peuvent d’ailleurs être amenés à travailler avec les policiers. À cet effet, il existe, par exemple dans les Pyrénées, où je me suis rendu, des centres de coopération policière et douanière (CCPD).
Or, à l’heure actuelle, parmi les agents qui ont pour mission de surveiller la frontière, certains peuvent recourir aux drones, alors que les autres n’y sont pas autorisés. En outre, il ne s’agit que d’une actualisation, puisque les douaniers utilisent déjà des drones pour surveiller le transport de diverses marchandises.
Si nous voulons que les différents corps travaillent mieux ensemble et soient plus efficaces pour sécuriser et protéger nos frontières, si nous voulons créer une border force à la française, il me semble important de procéder à une telle actualisation.
Il ne s’agit nullement d’une bascule, qui ouvrirait subitement aux douaniers la possibilité d’utiliser des drones – ils le font déjà dans le cadre de plusieurs missions. Il s’agit simplement de leur permettre d’être plus efficaces.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Je persiste à penser qu’il s’agit là d’une prise de risque constitutionnelle et je maintiens donc mon avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.
M. Cédric Perrin. Je suis tout à fait favorable à cette mise à jour, qui est pour moi une avancée. Je le suis d’autant plus que des fabricants français produisent des drones MALE, c’est-à-dire de moyenne altitude longue endurance, qui sont de plus en plus utilisés pour surveiller les frontières.
Toutefois, je vous mets en garde, monsieur le ministre, contre l’acquisition de certains types de drones. J’ai écrit à plusieurs reprises au ministre de l’intérieur, sans avoir reçu de réponse à ce jour, à propos de l’achat de drones chinois, dont je ne citerai pas la marque – chacun, dans cet hémicycle, la connaît.
J’estime que nous devons acquérir des drones qui soient sécurisés par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). D’ailleurs, l’armée corrige d’ores et déjà ses dispositifs d’acquisition de drones pour recourir de moins en moins à des produits chinois. Les drones produits par des entreprises françaises sont plus sécurisés que ceux qui proviennent de Chine.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
Article 12
Après le chapitre V du titre II du code des douanes, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE V BIS
« Prévention des infractions commises par l’intermédiaire d’internet
« Art. 67 D- 5. – Pour l’application du présent chapitre :
« 1° Les intermédiaires sont les opérateurs de plateforme en ligne, au sens du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, et les hébergeurs, au sens du 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;
« 2° Une interface en ligne, au sens du 15 de l’article 3 du règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004, s’entend de tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finals d’accéder aux biens ou aux services qu’il propose.
« Art. 67 D- 6. – Lorsque les agents des douanes constatent, au sens du 1 de l’article 323, qu’une infraction mentionnée à l’article 414 se rapportant à des marchandises réputées avoir été importées en contrebande au sens de l’article 419 du présent code ou qu’une infraction de vente ou d’acquisition à distance de tabac mentionnée au 10° de l’article 1810 du code général des impôts est commise à partir d’une interface en ligne ou en ayant recours à un moyen de communication électronique, les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur, spécialement habilités par le directeur général, peuvent inviter l’intermédiaire à leur faire connaître, dans un délai qu’ils fixent et qui ne peut être inférieur à sept jours, si les services de communication au public en ligne qu’il propose, ou le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages auquel il procède, ont permis la commission de l’infraction.
« Après avoir pris connaissance des observations de l’intermédiaire ou en l’absence d’observations dans le délai imparti, les agents des douanes habilités peuvent lui signifier, par un avis motivé, que les services de communication au public en ligne qu’il propose ou que le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages fournis auquel il procède ont permis la commission de l’infraction.
« Après réception de cet avis, et dans le délai imparti par ce dernier, qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, l’intermédiaire informe l’autorité qui l’a émis de la suite qu’il lui a donnée. Il précise les mesures qu’il entend prendre ou qu’il a prises afin que les contenus manifestement illicites par lesquels les infractions visées au premier alinéa ont été commises soient retirés ou rendus inaccessibles, ainsi que la date de leur effectivité.
« Art. 67 D- 7. – Lorsqu’il apparaît que, malgré l’envoi de l’avis motivé, les contenus manifestement illicites par lesquels les infractions visées à l’article 67 D- 6 ont été commises n’ont pas été retirés ou rendus inaccessibles, les agents des douanes habilités peuvent demander à tout opérateur de registre, bureau d’enregistrement de domaines ou exploitant de moteur de recherche, d’annuaire ou de service de référencement de prendre toutes mesures utiles destinées à faire cesser leur référencement ou de procéder à la suspension du nom de domaine pour une durée de trois mois renouvelable une fois.
« Lorsqu’il apparaît que, malgré cette demande et dans le délai imparti par cette dernière, qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, les contenus manifestement illicites par lesquels les infractions visées à l’article 67 D- 6 ont été commises n’ont pas été retirés ou rendus inaccessibles, les agents des douanes habilités peuvent demander au tribunal judiciaire, selon la procédure prévue au 8 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, la suppression, en raison du caractère illicite de leurs contenus, d’un ou de plusieurs noms de domaine auprès de tout opérateur de registre ou de tout bureau d’enregistrement de domaines, ou d’un ou de plusieurs comptes de réseaux sociaux auprès d’un opérateur de plateforme en ligne.
« Ces mesures peuvent faire l’objet d’une mesure de publicité. Lorsqu’elles sont prises par le tribunal judiciaire, seul ce dernier décide de la mesure de publicité.
« Art. 67 D- 8. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent chapitre, et en particulier les conditions d’habilitation des agents des douanes, le contenu de l’avis motivé et des demandes adressées par les agents des douanes en application des articles 67 D- 6 et 67 D-7 ainsi que les conditions dans lesquelles les mesures peuvent faire l’objet d’une mesure de publicité. »
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. J’invite Éric Bocquet à relire le rapport de la commission, qui donne quelques chiffres sur les lieux où se déroule le trafic de produits prohibés, comme le tabac.
Je travaille sur ce sujet depuis longtemps et, selon les chiffres officiels de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), 11,5 millions d’articles contrefaits ont été retirés du marché l’année dernière, sachant que les sites de vente en ligne ont enregistré l’année dernière 2,3 milliards d’euros de transactions, pour un chiffre d’affaires global du e-commerce de 146,9 milliards d’euros.
Mon cher collègue, votre amendement est motivé par le souci de l’utilisation des moyens humains de la douane. Il y a en quelque sorte deux solutions : soit nous embauchons des milliers et des milliers de douaniers pour surveiller ces milliards de transactions – un travail de fourmi évidemment voué à l’échec ! –, soit nous signalons aux plateformes qu’elles vendent des marchandises prohibées et nous leur demandons de les retirer, auquel cas, si elles ne s’exécutent pas, nous avons le pouvoir de les sanctionner.
Cela a fonctionné pour le dispositif de fraude à la TVA sur internet. Vous savez que, depuis des années, la commission des finances s’inquiète de l’érosion de la TVA. Nous sommes allés jusqu’à introduire, dans le cadre de la loi relative à la lutte contre la fraude, un régime de responsabilité solidaire des plateformes en ligne en matière de TVA, lesquelles sont sommées de faire le ménage sur leur propre site.
Peut-être faudrait-il aller plus loin, mais j’estime que le dispositif de signalement aux plateformes est plus efficace que l’hypothétique déploiement de milliers de douaniers derrière des milliards de transactions.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Bocquet. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 63, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 13
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
« Art. 67 D- 6. – Lorsque les agents des douanes constatent qu’une infraction mentionnée à l’article 414 ou une infraction de vente ou d’acquisition à distance de tabac mentionnée au 10° de l’article 1810 du code général des impôts est commise en ayant recours à un moyen de communication électronique, les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur, spécialement habilités par leur chef de circonscription, peuvent inviter un intermédiaire à leur faire connaître, dans un délai qu’ils fixent et qui ne peut être inférieur à trois jours, si les services de communication au public en ligne qu’il propose, ou le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages auquel il procède, ont permis la commission de l’infraction.
« Après avoir pris connaissance des observations de l’intermédiaire ou en l’absence d’observations dans le délai imparti, les agents des douanes habilités peuvent lui signifier, par un avis motivé, que les services de communication au public en ligne ou le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages fournis par celui-ci ont permis la commission de l’infraction.
« Après réception de cet avis, et dans le délai imparti par ce dernier, qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, l’intermédiaire informe l’autorité qui l’a émis de la suite qu’il lui a donnée. Il précise les mesures qu’il entend prendre ou a prises afin que les contenus ayant permis la commission des infractions visées soient retirés ou rendus inaccessibles, ainsi que la date de leur effectivité.
« Art. 67 D- 7. – Lorsqu’il apparaît que, malgré l’envoi de l’avis motivé, les contenus ayant permis la commission des infractions visées à l’article 67 D- 6 n’ont pas été retirés ou rendus inaccessibles, les agents des douanes habilités peuvent :
« 1° Demander à tout opérateur de registre, bureau d’enregistrement de domaines ou exploitant de moteur de recherche, d’annuaire ou de service de référencement de prendre toutes mesures utiles destinées à faire cesser leur référencement ou de procéder à la suspension du nom de domaine pour une durée de trois mois renouvelable une fois, afin de prévenir la communication de l’adresse électronique des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites donnant accès aux services fournis au public par l’intermédiaire concerné ;
« 2° Demander au tribunal judiciaire, selon la procédure prévue à l’article 375, la suppression, en raison du caractère illicite de leurs contenus, d’un ou de plusieurs noms de domaine auprès de tout opérateur de registre ou de tout bureau d’enregistrement de domaines, ou d’un ou de plusieurs comptes de réseaux sociaux auprès d’un opérateur de plateforme en ligne.
« Les mesures prises au titre du 1° et 2° ci-dessus peuvent faire l’objet d’une mesure de publicité. Celle-ci est décidée par le tribunal judiciaire en cas de mise en œuvre du 2°.
« Art. 67 D- 8. – Un décret précise les modalités d’application du présent chapitre. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Comme l’a souligné M. le rapporteur, l’article 12 est important pour permettre aux services douaniers de faire retirer des plateformes les annonces commerciales de biens prohibés ou de contrefaçon.
Les rapporteurs ont déposé sur cet article plusieurs amendements, dont les dispositions, je le dis tout de suite, vont dans un sens qui nous convient. J’émettrai simplement deux réserves, qui me conduisent à leur préférer l’amendement n° 63 du Gouvernement.
Tout d’abord, la rédaction de l’habilitation des agents ne nous convient pas, même si c’est un sujet quelque peu secondaire.
Ensuite, et surtout, la procédure de saisine du tribunal judiciaire sur réquisition, telle qu’elle est formulée dans ces amendements, nous pose problème. La Chancellerie nous alerte sur la lourdeur d’une telle procédure, qui semble inadaptée, d’autant que nous avons pour objectif de faire preuve de réactivité, afin que soient retirées au plus vite les annonces des plateformes.
C’est pourquoi je privilégierai la procédure prévue au travers de l’amendement n° 63 du Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 77, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Après les mots :
se rapportant
insérer les mots :
à des marchandises prohibées au sens de l’article 38 ou
2° Remplacer le mot :
sept
par le mot :
trois
La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le champ infractionnel de l’article 12, en ramenant le délai accordé aux plateformes pour répondre à un signalement des services douaniers de sept jours à trois jours.
Pourquoi un délai aussi court ? Tout simplement parce que, sur internet, les marchandises sont renouvelées en permanence. Les plateformes doivent répondre aux agents des douanes sous un délai bref, de manière que ces derniers puissent, à défaut, saisir le juge.
Les plateformes doivent faire preuve de réactivité. Dès lors qu’on leur a signalé qu’elles vendaient des marchandises illicites, nous souhaitons qu’elles répondent sous trois jours, et non sept.
M. le président. L’amendement n° 78, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 7 et 8
Remplacer les mots :
permis la commission de
par les mots :
constitué le moyen de commettre
II. – Alinéa 9, seconde phrase
Remplacer les mots :
manifestement illicites par lesquels les infractions visées au premier alinéa ont été commises
par les mots :
qui ont constitué le moyen de commettre les infractions mentionnées au premier alinéa
III. – Alinéas 10 et 11
Remplacer les mots :
manifestement illicites par lesquels les infractions visées à l’article 67 D- 6 ont été commises
par les mots :
qui ont constitué le moyen de commettre les infractions visées à l’article 67 D- 6
La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle, dont l’objet est de rendre le dispositif plus sûr d’un point de vue juridique.
M. le président. L’amendement n° 51, présenté par M. Richard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 7 et 8
Remplacer les mots :
permis la commission de
par les mots :
constitué le moyen de commettre
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Richard, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à clarifier la rédaction de l’article 12, de manière à prévoir que l’infraction est établie lorsque l’utilisation de la plateforme a « constitué le moyen de commettre » l’infraction. Il s’agit d’une tentative d’amélioration rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 63 et 51 ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’amendement n° 63 est incompatible avec les amendements de la commission, que nous lui préférons. J’émets donc un avis défavorable.
L’amendement n° 51 me semble satisfait par l’amendement n° 78. Nous avons pris en considération les remarques de notre collègue Alain Richard, dont l’amendement deviendra sans objet si nous adoptons l’amendement n° 78.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 77, 78 et 51 ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 51 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 79, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 67 D- 9. – Le non-respect des mesures ordonnées en application de l’article 67 D- 7 est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Cet amendement vise à rendre le dispositif opérationnel en prévoyant une sanction en cas de refus de rendre inaccessibles des contenus en ligne. En effet, s’il s’agit seulement d’incantations, cela ne donnera rien.
Par conséquent, si la plateforme ne s’exécute pas, elle pourra être sanctionnée d’une amende.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. La question posée est la suivante : quel régime de sanctions prévoyons-nous si une plateforme ne se soumet pas à l’injonction qui lui est adressée de retirer son contenu ?
Je précise que, dans le dispositif que nous proposons, une sanction est déjà prévue, sous la forme d’un déréférencement de la plateforme. De plus, la sanction est rendue publique, dans une démarche de name and shame. Est-ce suffisant ? Nous pouvons en débattre.
M. le rapporteur propose quant à lui d’étendre aux produits prohibés de contrefaçon une sanction pénale, assez lourde, qui est appliquée dans les cas où les plateformes refusent de retirer des contenus faisant, par exemple, l’apologie du terrorisme ou de la pédopornographie. Voilà tout du moins la manière dont mes services interprètent cet amendement.
Aussi, nous voyons bien qu’une question de proportionnalité se pose. Les faits les plus graves, comme ceux que je viens d’évoquer, sont heureusement assez rares. Il ne me semble pas pertinent d’appliquer le même régime de sanction à la vente de produits de contrefaçon, qui est beaucoup plus courante.
Je propose donc d’en rester au régime de sanctions tel qu’il est prévu dans le texte. Nous verrons par la suite si les plateformes coopèrent ou non, de manière à renforcer le cadre des sanctions si nous constatons que l’incitation est insuffisante.
En tout état de cause, le dispositif que vous proposez nous semble disproportionné et très lourd pour des situations dont nous ne savons pas dans quelles proportions elles se présenteront.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je suis quelque peu étonné de votre réponse, monsieur le ministre. Le dispositif que nous proposons constitue simplement une transposition de celui qui existe en matière de consommation et qui est mis en œuvre par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Je ne comprendrais pas qu’une plateforme ne retirant pas de la vente un produit prohibé ne soit pas sanctionnée d’une amende. Le service de la répression des fraudes peut infliger une amende à une plateforme qui ne retire pas un produit dangereux ou portant atteinte aux droits des consommateurs, alors qu’elle est sommée de le faire. Pourquoi ne pourrait-il pas faire de même pour la vente de produits prohibés ?
Le name and shame, c’est très bien, mais, dans la pratique, cela ne sert pas à grand-chose. J’estime que frapper au portefeuille via des sanctions financières constitue un moyen de dissuasion beaucoup plus efficace.
Il serait tout de même étonnant que la vente de marchandises prohibées – produits de contrefaçon, etc. – soit moins sanctionnée qu’une atteinte aux droits des consommateurs. Je le répète, nous n’inventons pas l’eau tiède : nous transposons simplement le dispositif de la DGCCRF, qui ne vise pas seulement l’apologie du terrorisme ou la pédopornographie.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je pense qu’il faut distinguer deux choses : d’une part, la sanction qui doit s’appliquer à la personne ou à l’entité qui commercialise le produit prohibé, et, de l’autre, celle qui doit s’appliquer à la plateforme sur laquelle est vendu le produit.
Les sanctions de la DGCCRF visent les personnes ou les plateformes qui elles-mêmes, pour leur intérêt propre, font l’apologie de crimes ou vendent des produits prohibés.
En l’occurrence, le régime que nous prévoyons vise non pas des plateformes qui commercialisent elles-mêmes des produits prohibés, mais des plateformes légales sur lesquelles se retrouvent des annonces de vente de produits prohibés.
Il faut bien distinguer entre la sanction qui va frapper celui qui cherche à commercialiser un produit prohibé pour en tirer un intérêt financier et la plateforme sur laquelle est publiée une annonce, sans intérêt financier ou volonté de sa part. C’est pourquoi nous prévoyons deux régimes distincts.
Je le répète, observons d’abord le volume des saisines et des déréférencements qui interviendront ; ensuite, nous ajusterons le dispositif si c’est nécessaire. Adopter dès maintenant une échelle de sanctions comparable à celle qui vise les personnes qui, intentionnellement et pour leur intérêt financier propre, mettent en ligne des produits prohibés me semble disproportionné.
M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Après l’article 12
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Kern et Levi, Mme Férat, M. P. Martin, Mme Vermeillet, MM. Le Nay et Henno, Mme Perrot, M. Détraigne et Mme Herzog, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est complété par huit alinéas ainsi rédigés :
« 9. Les personnes mentionnées aux 1 et 2 garantissent sur leurs services de communication au public en ligne le respect de l’interdiction de procéder à des opérations de vente de produits du tabac manufacturés interdites par le code général des impôts en modérant de façon automatisée l’espace numérique contre la diffusion de contenus révélant des violations des dispositions des articles 565 à 574 du code général des impôts, en procédant au retrait ou en rendant inaccessible tout contenu contrevenant sans délai à compter de sa publication, en mobilisant notamment des moyens humains dédiés et des technologies de contrôle pour la reconnaissance et le filtrage des contenus. Elles garantissent la protection des droits fondamentaux des utilisateurs dans le cas où elles bloqueraient par erreur ou sans fondement juridique des contenus licites par la mise en place d’un dispositif interne de traitement des plaintes et de recours à la disposition des utilisateurs.
« Concomitamment, elles signalent, sans délai ou au plus tard dans un délai maximal de 5 jours ouvrables, tout contenu violant les dispositions susvisées en transmettant aux autorités douanières compétentes, tout contenu illicite selon une procédure définie par décret.
« Sans préjudice de leur droit de saisir le juge, l’utilisateur des services des personnes mentionnées aux 1 et 2 du présent I peut saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en cas de litige sur le retrait de contenu.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique procède selon les dispositions de l’article L. 331-32 du code de la propriété intellectuelle. Toutefois, à défaut de conciliation dans le délai d’un mois à compter de sa saisine, elle dispose d’un délai de deux mois à compter de celle-ci pour rendre sa décision.
« Le recours prévu au dernier alinéa du même article L. 331-32 n’est pas suspensif.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique n’est pas tenue de donner suite aux saisines abusives, en particulier par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.
« Le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale exerçant l’une des activités définies aux 1 et 2 du présent I, de ne pas satisfaire aux obligations définies au présent 9 est passible d’une contravention douanière de cinquième classe d’un montant forfaitaire de 1 500 euros par contenu illicite et d’une amende civile de 500 000 euros.
« Les agents des douanes peuvent constater par procès-verbal les contraventions aux dispositions du présent article, et procèdent à cette fin à tous les actes de recherches et de poursuites nécessaires, le cas échéant au moyen de captures d’écran. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Alors que les produits du tabac font l’objet d’une interdiction stricte de toute vente à distance, force est de constater que la vente illégale de cigarettes sur internet est en expansion.
Les répercussions sont doubles : d’une part, la santé des comptes publics est affectée, l’État se trouvant privé des recettes fiscales issues de la vente légale de ces produits aux fumeurs adultes ; d’autre part, l’ordre public est troublé par l’émergence d’une filière du crime organisé.
Cet amendement vise à responsabiliser les plateformes de partage de contenus en ligne quant à leur participation de fait à l’essor du commerce parallèle illicite de tabac, en limitant le risque de dissémination de contenus illicites. À cet effet, il tend à obliger les plateformes à repérer, retirer ou rendre inaccessibles les contenus liés à la vente illicite de produits du tabac.
De plus, je souhaite que les utilisateurs puissent contester devant l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) tout retrait de contenu jugé illicite, sans que cette dernière soit tenue de donner suite aux saisines abusives.
Enfin, cet amendement vise à introduire une contravention douanière de cinquième classe en cas de manquement des plateformes à leurs obligations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Les chiffres donnés par notre collègue sur la vente de tabac en ligne sont tout à fait exacts. Il s’agit d’un sujet important. C’est la raison pour laquelle l’article 12 permet aux agents des douanes de demander le déréférencement des sites vendant du tabac, qui, par définition, sont illégaux, puisque les buralistes ont le monopole du tabac dans notre pays.
Faut-il aller plus loin ? L’amendement vise à obliger les plateformes à surveiller l’ensemble de leurs ventes et à signaler les contenus illicites. Il me semble que, d’un point de vue juridique, cela porterait une atteinte disproportionnée à d’autres droits, comme la liberté d’expression.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Kern, l’amendement n° 43 rectifié est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Il s’agit d’un véritable sujet, sur lequel il va nous falloir engager une réflexion. Nous devons mettre fin à de telles ventes illicites.
Toutefois, au vu des explications de M. le rapporteur, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié est retiré.
L’amendement n° 16, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les transferts du contrôle et du recouvrement de différentes taxes réalisés depuis 2019, notamment sur le montant des droits perçus, sur le nombre de contrôles effectués et sur l’organisation du travail de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction générale des finances publiques.
Ce rapport analysera l’opportunité de transférer le recouvrement de la taxe spéciale des consommations des départements d’outre-mer et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Entre 2019 et 2021, les douanes ont été dépossédées de la gestion et du recouvrement de ce que l’on a tout d’abord appelé les « petites taxes », sans que nous nous rendions compte que cela ouvrait un appel d’air.
La TVA pétrole, qui représente 11,4 milliards d’euros – il ne s’agit donc plus d’une « petite taxe » ! –, la taxe à l’essieu, qui a remplacé la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR), le droit annuel de francisation et de navigation (DAFN), les taxes sur l’énergie, pour un total de 10,2 milliards d’euros, et, enfin, la TVA à l’import ont suivi.
De plus, d’autres transferts sont en attente d’application, à commencer par le recouvrement des contributions indirectes et de la taxe spéciale de consommation (TSC) dans les départements d’outre-mer en 2024.
La taxe sur les biocarburants et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui rapportent 33 milliards d’euros – sauf la partie contrôle – parachèveront les transferts de fiscalité au 1er janvier 2025.
Résultat, 80,923 milliards d’euros de recettes, sur la base de celles de 2019, seront, au bout du compte, transférés, soit 95 % des impôts que percevait la direction des douanes, avec, à la clé, la suppression de 700 emplois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Monsieur Bocquet, vous connaissez la position de la commission sur les demandes de rapports…
Par ailleurs, j’exprimerai un doute sur l’un de vos arguments, selon lequel le transfert aurait pour conséquence une baisse des recettes.
Nous pouvons débattre de la répartition des compétences entre la DGFiP et les douanes, mais, en matière de recouvrement, un transfert au profit de cette dernière ne semble pas tendre à une baisse des recettes ni à une perte de savoir-faire. Si c’était le cas, cela m’inquiéterait en effet. Mais peut-être M. le ministre pourra-t-il nous éclairer sur la question.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je conteste l’idée que le transfert de fiscalité se serait accompagné d’une baisse de recettes.
En ce qui concerne la TVA pétrole, par exemple, 12,016 milliards d’euros de recettes ont été perçus en 2021, contre environ 11 milliards d’euros en 2019, c’est-à-dire avant le transfert.
Monsieur Bocquet, nous vous adresserons l’ensemble des chiffres pour que vous disposiez d’une comparaison ; cela ira plus vite que la réalisation d’un rapport.
Ce transfert a du sens : il permet d’unifier le recouvrement fiscal et la gestion de plusieurs taxes à la DGFiP, pour gagner en efficacité et concentrer les services des douanes sur les missions de protection de la frontière, de contrôle des marchandises et de lutte contre la fraude.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre III
Adapter les infractions et les sanctions à la réalité des fraudes
Article 13
Le code des douanes est ainsi modifié :
1° L’article 399 est ainsi modifié :
a) Au 1, les mots : « à un délit de contrebande ou à un délit d’importation ou d’exportation sans déclaration » sont remplacés par les mots : « aux délits prévus aux articles 414, 414-2 et 415 » ;
b) Le a du 2 est ainsi rédigé :
« a) Les personnes physiques ou morales qui ont un intérêt à la fraude ; »
2° L’article 415 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « au présent code » sont remplacés par les mots : « par toute législation que les agents des douanes sont chargés d’appliquer » ;
– sont ajoutés les mots : « y compris si les activités à l’origine de ces fonds ont été exercées sur le territoire d’un autre État membre ou sur celui d’un pays tiers » ;
b) Après le même premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le présent article est également applicable :
« 1° Aux opérations de transport et de collecte des fonds d’origine illicite au sens du premier alinéa qui sont réalisées sur le territoire douanier ;
« 2° Lorsque l’opération se rapporte à des actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10- 1 du code monétaire et financier. » ;
3° L’article 415-1 est ainsi modifié :
a) Après les deux occurrences du mot : « fonds », sont insérés les mots : « ou les actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10- 1 du code monétaire et financier » ;
b) Les mots : « d’un délit prévu au présent code ou portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, ou d’une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants » sont remplacés par les mots : « de l’une des infractions mentionnées à l’article 415 du présent code » ;
c) Les mots : « ou de compensation » sont remplacés par les mots : « , de compensation, de transport ou de collecte ». – (Adopté.)
Article 14
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 414, après les mots : « masquer la fraude, », sont insérés les mots : « de la confiscation des biens ayant servi à commettre l’infraction ou qui étaient destinés à la commettre et dont l’auteur de l’infraction est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, » ;
2° Après l’article 432 bis, il est inséré un article 432 ter ainsi rédigé :
« Art. 432 ter. – L’interdiction du territoire français peut être prononcée pour une durée pouvant aller jusqu’à dix ans à l’encontre de tout étranger coupable du délit mentionné à l’article 414 du présent code et portant sur les produits du tabac manufacturé ou les stupéfiants, dans les conditions prévues aux articles 131-30 à 131-30- 2 du code pénal. »
II. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 1810, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « , portée à trois ans pour les infractions mentionnées au 10° » ;
2° À l’article 1811, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy et Bascher, Mmes Bellurot, Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa, Chatillon, Cuypers et Daubresse, Mme Dumont, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Goy-Chavent, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Karoutchi, Klinger, Laménie, Lefèvre, Mandelli et Meurant, Mmes Micouleau et Muller-Bronn, MM. Piednoir, Pointereau, Reichardt et Tabarot, Mme Thomas, M. Charon, Mme Borchio Fontimp, M. Savary et Mme Imbert, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Au même premier alinéa, les mots : « ou aux produits du tabac manufacturé » sont supprimés ;
…° Au deuxième alinéa du même article 414, après les mots : « portent sur » sont insérés les mots : « des produits du tabac manufacturé ou » ;
II. – Alinéa 6
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
cinq
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 716-9 est ainsi modifié :
a) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les délits prévus au présent article portent sur des produits de tabac manufacturé, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500 000 euros d’amende. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les délits prévus au présent article ont été commis en bande organisée ou sur un réseau de communication au public en ligne et lorsque les faits portent sur produits de tabac manufacturé, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende. » ;
2° L’article L. 716-10 est ainsi modifié :
a) Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les délits prévus aux a à d portent sur des produits de tabac manufacturé, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500 000 euros d’amende. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les délits prévus aux a à d ont été commis en bande organisée ou sur un réseau de communication au public en ligne et lorsque les faits portent sur produits de tabac manufacturé, les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende. »
La parole est à M. Laurent Burgoa.
M. Laurent Burgoa. Cet amendement de notre collègue Henri Leroy vise à harmoniser et à augmenter les peines encourues par les trafiquants de tabac, ce qui permettra de maintenir la hiérarchie entre les infractions simples et en bande organisée, tout en tenant compte de la spécificité criminologique des trafics et en répondant plus efficacement aux propositions de M. le ministre dans le cadre du plan de lutte contre les trafics 2023-2025.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 19 rectifié bis est présenté par MM. H. Leroy, Burgoa et Chatillon, Mme Dumont, M. Bascher, Mmes Bellurot, Belrhiti et Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Brisson, Cuypers, Daubresse et B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Goy-Chavent, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Karoutchi, Klinger, Laménie, Lefèvre, Mandelli et Meurant, Mmes Micouleau et Muller-Bronn, MM. Piednoir, Pointereau, Reichardt et Tabarot, Mmes Thomas et Imbert, M. Charon et Mme Borchio Fontimp.
L’amendement n° 21 rectifié est présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Malhuret, Mme Mélot et MM. Lagourgue, A. Marc, Chasseing, Grand, Guerriau, Verzelen et Wattebled.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Au même premier alinéa, les mots : « ou aux produits du tabac manufacturé » sont supprimés ;
…° Au deuxième alinéa du même article 414, après les mots : « portent sur », sont insérés les mots : « des produits du tabac manufacturé ou » ;
II. – Alinéa 6
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
cinq
La parole est à M. Laurent Burgoa, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié bis.
M. Laurent Burgoa. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Malhuret, Mme Mélot et MM. Lagourgue, A. Marc, Chasseing, Grand, Guerriau, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 716-9 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » et le nombre : « 400 000 » est remplacé par le nombre : « 500 000 » ;
b) Au cinquième alinéa, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « dix » ;
2° L’article L. 716-10 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » et le nombre : « 300 000 » est remplacé par le nombre : « 500 000 » ;
b) Au septième alinéa, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « dix ».
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Il est lui aussi défendu.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’article 14 renforce déjà les peines, y compris d’emprisonnement, qui sanctionnent le trafic de tabac.
Nous devons maintenir le principe de la gradation des peines. Or un emprisonnement de cinq ans punit des infractions extrêmement graves, par exemple l’exportation de biens à double usage, civil et militaire. Cela reviendrait à multiplier par cinq la durée d’emprisonnement définie actuellement par l’article 1810 du code général des impôts…
Peut-être ai-je mal entendu, mais il m’a semblé que M. le ministre a dit vouloir aligner les pénalités en matière de trafics de tabac sur celles qui s’appliquent aux trafics de stupéfiants. Pour ma part, j’estime que nous aggravons suffisamment les peines et devons maintenir une gradation des peines.
La commission demande donc le retrait de ces quatre amendements ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, des réseaux mafieux, qui se consacraient jusqu’à présent au trafic de stupéfiants, se tournent désormais, avec toute leur logistique, toute leur organisation, tous leurs moyens et toutes leurs complicités vers le trafic de tabac, parce que le marché est juteux et que les sanctions encourues sont moins importantes.
C’est pourquoi j’assume vouloir renforcer les sanctions visant le trafic de tabac. Il s’agit d’ôter de certains esprits l’idée que cette activité serait moins risquée que le trafic de stupéfiants.
Cela étant, je pense moi aussi qu’il nous faut garder une certaine gradation des peines. À cet effet, ce projet de loi instaure, de la même manière que pour la vente sur la voie publique de stupéfiants pour une personne étrangère, une peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour la vente à la sauvette de tabac.
Ces quatre amendements visent à renforcer les peines encore davantage que ne le prévoit actuellement le projet de loi. Or, comme M. le rapporteur, je suis attaché au principe de la gradation des peines. Je rappelle que nous passons d’un an à trois ans d’emprisonnement et de cinq ans à dix ans en cas de bande organisée, ce qui renforce déjà substantiellement les peines.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Monsieur Burgoa, les amendements nos 20 rectifié bis et 19 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Laurent Burgoa. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 20 rectifié bis et 19 rectifié bis sont retirés.
Madame Paoli-Gagin, les amendements nos 21 rectifié et 22 rectifié sont-ils maintenus ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Non, je les retire également, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 21 rectifié et 22 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Article 14 bis (nouveau)
Après l’article L. 83 A du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 83 A bis ainsi rédigé :
« Art. L. 83 A bis. – Pour les besoins de l’application des deuxième à dernier alinéas du 2° du I de l’article 262 du code général des impôts, des agents des douanes dûment habilités disposent d’un droit d’accès direct aux informations détenues par la direction générale des finances publiques permettant de déterminer si les conditions prévues au a du même 2° sont respectées.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, et notamment, la nature des informations consultables, les modalités de désignation et d’habilitation des agents ayant un accès direct à ces informations, ainsi que les conditions de traçabilité des consultations effectuées par ces agents. » – (Adopté.)
TITRE III
HABILITATION DU GOUVERNEMENT À PROCÉDER À LA CODIFICATION DE LA PARTIE LÉGISLATIVE DU CODE DES DOUANES
Article 15
I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toutes mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la refonte de la partie législative du code des douanes afin :
1° D’en aménager le plan ainsi que d’y inclure :
a) Des dispositions non codifiées relevant du domaine de la loi et entrant dans son champ d’application ;
b) Les dispositions contenues dans d’autres codes relatives aux contributions indirectes et réglementations assimilées, portant sur les pouvoirs de contrôle, le régime de sanctions, les procédures devant les tribunaux, les remises et transactions à titre gracieux et le recouvrement des créances ;
2° D’améliorer la lisibilité du droit en adaptant, en tant que de besoin, les dispositions relevant du domaine de la loi prévues par d’autres codes ou textes non codifiés, afin d’assurer leur coordination avec les dispositions recodifiées, en harmonisant et en simplifiant la rédaction des textes, ainsi qu’en abrogeant les dispositions, codifiées ou non, obsolètes ou devenues sans objet ;
3° D’harmoniser les éléments mentionnés au b du 1° du présent article avec ceux relatifs aux droits de douane et réglementations contrôlées et réprimées comme ces derniers ;
4° D’étendre l’application des dispositions mentionnées aux 1° à 3°, avec les adaptations nécessaires, aux îles Wallis et Futuna, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Les dispositions ainsi codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l’ordonnance, sous seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour mettre en œuvre les 3° et 4°, assurer le respect de la hiérarchie des normes, adapter les dispositions de droit interne au droit de l’Union européenne ainsi qu’aux accords internationaux ratifiés, et adapter les renvois au pouvoir réglementaire à la nature et à l’objet des mesures d’application concernées.
II. – L’ordonnance prévue au I est prise dans un délai de trente-six mois suivant la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Si le Sénat n’a guère d’appétence pour les rapports, il n’en a pas davantage pour les ordonnances. Nous proposons donc de supprimer l’article 15.
Demander au Parlement l’autorisation de légiférer par ordonnance sur un domaine aussi vaste que la refonte de toutes les dispositions non codifiées dans d’autres codes, en vue d’améliorer et d’adapter le droit et d’étendre ces dispositions aux outre-mer est à tout le moins cavalier et suscite de fortes suspicions de la part de notre groupe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Si je partage la quasi-allergie d’Éric Bocquet pour les habilitations à légiférer par ordonnance, force est de reconnaître que le code des douanes, comme l’a souligné Alain Richard, est très complexe et obsolète. Un véritable travail de recodification, très technique et fastidieux, est nécessaire. Dans mon esprit, il sera réalisé à droit constant. En l’occurrence, cette habilitation me semble donc justifiée.
La commission émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je connais l’allergie du Sénat à la fois pour les rapports et pour les habilitations à légiférer par ordonnance. Aussi pouvez-vous imaginer que, avant de vous proposer de voter cet article, nous avons étudié le problème avec les rapporteurs.
Compte tenu du volume massif de recodification nécessaire, et sachant que l’habilitation nous engage à y procéder à droit constant, les ordonnances nous semblent le véhicule législatif approprié.
Cela ne remet nullement en cause le fait que les évolutions juridiques sont votées, discutées, débattues par le Parlement. Aussi, pour répondre à la préoccupation exprimée par Michel Canévet lors de la discussion générale, l’ordonnance sera évidemment soumise au Parlement pour ratification.
Le code des douanes comportant des références totalement datées, il me semble important de conserver cet article, pour que nous procédions au travail très technique qui doit être réalisé.
M. Éric Bocquet. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.
L’amendement n° 41 rectifié n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
Après l’article 15
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le ministre chargé des douanes rencontre les organisations représentatives du personnel afin de déterminer leurs propositions en vue de l’élaboration d’un code de procédure douanière.
Le Gouvernement transmet un rapport qu’il adresse aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat qui retranscrit ces propositions et exprime la position du Gouvernement sur l’élaboration du code susmentionné.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
Article 16
I. – La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République dans les conditions prévues au présent article.
II. – A. – Dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, l’article 1er, le II de l’article 10 et le II de l’article 14 ne sont pas applicables.
B. – En Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, les II à IV de l’article 2 ne sont pas applicables.
III. – Dans les départements d’outre-mer, dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, à l’article 67 du code des douanes, les mots : « au chapitre II du titre II et au chapitre II du titre III du règlement 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) » sont remplacés par les mots : « par les titres III et VI du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que des textes réglementaires pris pour leur application ».
IV. – Pour l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises de la section 1 du chapitre IV du titre II du code des douanes :
1° Au deuxième alinéa de l’article 60, les mots : « du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union et de ses règlements d’application » sont supprimés ;
2° À l’article 60-3, les mots : « aux articles 215 à 215 ter » sont remplacés par les mots : « à l’article 215 » ;
3° À l’article 60-4, les mots : « en application de l’article 134 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union » sont supprimés ;
4° Le dernier alinéa de l’article 60-8 est supprimé ;
5° Au premier alinéa des articles 62 et 63, les mots : « , du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union et de ses règlements d’application » sont supprimés.
V. – Pour l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon de l’article 67 ter C du code des douanes, les mots : « la cour d’appel » sont remplacés par les mots : « le tribunal supérieur d’appel ».
VI. – Pour l’application dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie du chapitre II bis du titre II du code des douanes :
1° Le quatrième alinéa de l’article 52 septies n’est pas applicable ;
2° Les références au code du travail et au code de la sécurité sociale sont remplacées par les références aux dispositions en vigueur localement ayant le même objet.
VII. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Au 1 de l’article 1er, les mots : « et des départements d’outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et La Réunion » sont remplacés par les mots : « de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte et de Saint-Martin » ;
2° À la fin de l’article 452, les mots : « dans les territoires d’outre-mer » sont remplacés par les mots : « sur l’ensemble du territoire de la République ». – (Adopté.)
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi, dans le texte de la commission.
Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi se dérouleront le mardi 30 mai 2023, à quatorze heures trente.
La suite de la discussion est renvoyée à cette prochaine séance.
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 mai 2023 :
À quatorze heures trente et le soir :
Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (procédure accélérée ; texte de la commission n° 615, 2022-2023) ;
Débat sur la France rurale face à la disparition des services au public ;
Explications de vote puis vote sur la proposition de loi visant à verser automatiquement une bourse d’études (échelon 7) aux étudiants dont au moins l’un des deux parents est porteur d’un handicap (dont le taux d’incapacité est supérieur à 80 %), par M. Jean-François Rapin et plusieurs de ses collègues (texte n° 880, 2021-2022) ;
Proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l’étranger, présentée par Mme Évelyne Renaud-Garabedian, M. Jean-Pierre Bansard et plusieurs de leurs collègues (texte n° 391, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures trente.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mmes Valérie Boyer, Brigitte Lherbier, Dominique Vérien, Marie-Pierre de La Gontrie, M. Hussein Bourgi et Mme Patricia Schillinger ;
Suppléants : Mme Catherine Di Folco, M. François Bonhomme, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Hervé Marseille, Jérôme Durain, Mmes Maryse Carrère et Cécile Cukierman.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER