M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne pensais pas que la question de la réforme du code des douanes susciterait un tel enthousiasme !

M. Albéric de Montgolfier. Je suis donc très heureux de vous voir aussi nombreux. (Sourires.)

Nous le savons, malheureusement, c’est le Conseil constitutionnel qui nous a obligés à réformer ce code. Je dois dire que sa décision a été vécue – M. le ministre le confirmera sans doute – comme un véritable électrochoc par les agents des douanes. Nous nous en serions bien passés. Elle a néanmoins été l’occasion d’aller au-delà d’une réforme minimaliste, pour revoir, comme cela a été dit, un code des douanes qui est parfois très ancien. Je salue à cet égard le travail réalisé par le rapporteur pour avis de la commission des lois, notre collègue Alain Richard.

Dans ce projet de loi – nous ne pouvons que nous en réjouir –, le Gouvernement ne s’est pas contenté de proposer une mise en conformité du droit de visite. Il a également inséré plusieurs dispositions visant à moderniser le code des douanes.

Je note d’ailleurs, monsieur le ministre, que tout cela n’aurait sans doute pas été possible si nous vous avions suivi dans votre choix initial, tel qu’il était formulé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. En effet, vous nous proposiez initialement de légiférer par voie d’ordonnance. Nous aurions raté l’occasion d’aller plus loin. Nous sommes donc heureux que le Conseil constitutionnel se soit finalement opposé à ce cavalier ! Cela nous permet aujourd’hui de débattre de la question et d’aller plus loin qu’une réforme minimaliste…

Nous avons pu avoir des échanges constructifs, ce dont je vous remercie, et, je le répète, réformer pour la première fois un code des douanes parfois très ancien. Il s’agissait de prendre en considération de nombreuses évolutions. Je pense aux évolutions technologiques, qui n’étaient pas intégrées dans un texte vieux de plusieurs dizaines d’années. Il fallait également adapter ce dernier aux changements de comportement des organisations criminelles, notamment en matière de blanchiment ou d’utilisation des cryptoactifs.

Prenons l’exemple des flux d’argent liquide et du blanchiment. L’article 6, que nous allons voter dans un instant, donne aux agents des douanes la possibilité de retenir temporairement l’argent liquide circulant sur le territoire national lorsqu’il existe des indices montrant que cet argent est lié à une activité criminelle, à l’instar de ce qui existe pour la circulation d’argent liquide aux frontières. En effet, on ne peut pas lutter contre les flux illicites si l’on ne lutte pas en parallèle contre les flux financiers, ce qui a sans doute un effet dissuasif beaucoup plus fort.

Vous le savez, les organisations criminelles se sont adaptées aux contrôles aux frontières et recourent de plus en plus à des collecteurs de fonds sur le territoire. Nous devons pouvoir lutter contre ce phénomène, y compris en étendant le périmètre du délit de blanchiment douanier.

Autre signe d’adaptation, ce délit inclura désormais les opérations de blanchiment, de plus en plus nombreuses, effectuées au moyen de cryptoactifs. Là encore, il s’agit de répondre aux évolutions des trafics, en évitant de laisser un coup d’avance aux organisations criminelles.

Sur l’ensemble des articles du projet de loi, le Sénat a travaillé avec un même objectif en tête : défendre les prérogatives des agents des douanes tout en les assortissant des garanties nécessaires. La volonté est claire, il s’agit d’encadrer sans entraver.

Certains – j’ai entendu parler de « compromis » tout à l’heure – y verront une contrainte. Je ne partage pas ce point de vue : cet équilibre n’est pas une contrainte, il est au contraire la condition même du bon fonctionnement des douanes et de la portée opérationnelle des pouvoirs de leurs agents. Nous l’avons d’ailleurs vu avec le droit de visite.

Je citerai ensuite quelques exemples des travaux de notre assemblée. Nous avons clarifié le droit au recours contre les décisions de retenue temporaire d’argent liquide, sécurisé les saisies lors des retenues douanières ou encore encadré la nouvelle prérogative permettant aux agents des douanes de procéder au gel des données numériques dans le cadre d’une visite domiciliaire.

Nous avons aussi voulu donner sa pleine portée à la possibilité accordée à la douane de demander le retrait ou l’inaccessibilité des contenus ayant constitué le moyen de commettre une infraction douanière en ligne. Cette disposition importante représente une avancée indéniable pour mieux lutter contre les ventes de contrefaçons, de tabac et de stupéfiants, nombreuses sur internet.

Ces trafics étant très nombreux, le travail des douaniers s’apparente à un travail de fourmi. Le seul moyen de lutter contre cette multiplication de petites infractions, c’est de donner un pouvoir plus important aux douanes, en leur permettant d’entraver la vente des marchandises en ligne en quelques jours.

Sur l’initiative de la commission des finances, le Sénat a strictement encadré ce dispositif et l’a rendu pleinement opérationnel, en ajoutant une sanction à l’encontre des intermédiaires en ligne qui ne répondraient pas aux demandes de la douane. En un mot, plutôt que d’aller rechercher toutes les infractions sur internet, nous mettons les plateformes en demeure de retirer de leurs sites la vente de marchandises prohibées et prévoyons une sanction en cas d’absence d’exécution de leur part.

Notre groupe soutient également les autres dispositions de ce projet de loi, que ce soit la création de la réserve opérationnelle, l’habilitation à légiférer par ordonnance pour procéder à la recodification du code des douanes, ou encore le renforcement des sanctions encourues pour trafic de tabac.

Je le rappelle, comme M. le ministre l’a fait précédemment en séance : 650 tonnes de tabac ont été saisies en 2022, ce qui était un record. Ce trafic va sans doute malheureusement aller croissant, du fait de l’augmentation du prix du tabac légal. De plus en plus d’organisations criminelles se reportent vers lui, ce trafic étant jugé moins risqué que le trafic de stupéfiants.

Pour autant, nous ne sommes pas naïfs : renforcer les sanctions ne permettra sans doute pas d’assécher les flux illicites de tabac. Nous avons beaucoup à attendre des actions de lutte contre la vente de tabac illégal.

J’en terminerai avec les ajouts de notre assemblée, concernant notamment les échanges d’informations avec l’autorité judiciaire ou la police, ou le recours aux drones.

J’insisterai sur un point : la lutte contre la fraude à la détaxe de TVA. Nous ne le savons peut-être pas encore assez, mais la TVA est l’impôt le plus fraudé. Selon les estimations de la Commission européenne, la fraude à la TVA représente une perte de recettes de l’ordre de 20 milliards d’euros à 25 milliards d’euros pour les finances publiques.

Or cette fraude inclut notamment la fraude à la détaxe, qui se pratique à la frontière, au départ de la France. Il s’agit d’un point de fuite majeur. Nous avons souhaité lutter contre ce schéma de fraude particulier. J’espère, monsieur le ministre, que vous souscrirez à ces dispositions.

Le groupe Les Républicains votera donc l’ensemble de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrebande de tabacs, stupéfiants, contrefaçon, fraude fiscale, mais aussi trafics d’animaux : voilà quelques-unes des menaces qui nous ont préoccupés lors de l’examen de ce texte.

Profitant de l’accroissement des échanges, bénéfique à bien des égards, la contrebande menace à présent bon nombre de secteurs. Tout comme la fausse monnaie érode la vraie, la fraude gangrène notre contrat social. Le Gouvernement l’a compris, c’est tout l’objet de sa feuille de route contre toutes les fraudes aux finances publiques. Je vous remercie d’ailleurs, monsieur le ministre, de nous avoir associés en amont à ce travail.

Nous devons protéger nos entreprises et nos concitoyens de la fraude, car ces infractions minent le budget de l’État et des collectivités, ainsi que notre économie.

Le prix de la contrefaçon pour nos finances est estimé à 10 milliards d’euros par an par la Cour des comptes. Pourtant, les faux sacs à main et les montres en toc ne produisent trop souvent que des haussements d’épaules ou des sourires amusés – à tort.

Délit pénal et civil, la contrefaçon vole le fruit de leurs efforts de créativité, d’innovation et de savoir-faire à nos entreprises et à leurs salariés. De plus, elle met en danger la santé des consommateurs. Les matériaux utilisés pour confectionner ces produits ne sont soumis à aucun contrôle, ce qui ne manque pas d’entraîner de graves conséquences. Il existe en effet – je vous le rappelle, mes chers collègues – des médicaments contrefaisants, mais aussi des plaquettes de frein kamikazes.

La majorité de ces produits arrivent sur notre marché par l’importation. C’est un facteur de déséquilibre de notre balance commerciale. Le travail des douaniers est donc essentiel pour préserver la santé tant de nos concitoyens que de notre économie et de nos finances publiques.

Au total, 11 millions de produits contrefaisants ont été interceptés par les douanes en 2022 et 104 tonnes de stupéfiants ont été saisies la même année. Le tabac de contrebande se distingue particulièrement par son volume croissant : en 2022, il a atteint 650 tonnes.

Les enjeux sont énormes et les trafiquants ne lésinent pas sur les moyens qu’ils emploient. Notre monde est de plus en plus connecté, tant territorialement que technologiquement. À l’heure des charters, des TGV et des cryptomonnaies, les agents des douanes doivent absolument bénéficier d’outils ultramodernes.

Le projet de loi que nous avons examiné contient plusieurs dispositions à même de maintenir les douanes dans la course contre les trafics. La captation audiovisuelle dans les véhicules et locaux, même privés, améliorera sensiblement la recherche d’infractions.

L’expérimentation de l’accès au fichier de lecture automatisée des plaques d’immatriculation constitue une avancée majeure pour la détection des convois de contrebande. Face au développement de l’arsenal technique des trafiquants, il est nécessaire d’améliorer les capacités de renseignement des douanes.

Le texte élargit également les pouvoirs de saisie de données par les agents des douanes. L’information est effectivement stratégique pour identifier les réseaux et leurs modes opératoires.

Le texte prévoit aussi la saisie des actifs numériques issus d’infractions. La contre-valeur des marchandises de contrebande est de plus en plus versée en cryptomonnaies. Immatériels ou non, ces paiements frauduleux ne doivent pas échapper à la douane.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est particulièrement favorable à la procédure de retenue temporaire d’argent liquide. Celle-ci est indispensable si nous voulons arrêter les trafiquants, à l’aller comme au retour.

Nous devons aussi mieux cibler les profits pour assécher les trafics. À cet égard, l’étape du blanchiment, qui fait disparaître les profits de l’infraction, constitue une phase cruciale. Le projet de loi renforce plusieurs dispositions à cet égard, notamment celle de la présomption de complicité des participants à une fraude, dès lors qu’ils en tirent un bénéfice.

Pour susciter des profits, les trafiquants se reposent en effet sur des complices. À cet égard, je veux dire un mot des consommateurs. En achetant les marchandises illicites qui passent nos frontières, ils portent atteinte à la sécurité et à la prospérité de leur propre pays.

Derrière la contrefaçon, comme derrière le trafic de stupéfiants, se trouvent souvent les mêmes organisations criminelles. Les consommateurs financent des organisations violentes qui sont le cancer de nombreux quartiers. Durant la seule année 2022, le trafic de drogue a ainsi causé 32 homicides dans la ville de Marseille. C’est encore la drogue qui se trouve derrière la fusillade de Villerupt, en Meurthe-et-Moselle.

Que ce soit en matière de contrefaçon ou de stupéfiants, les consommateurs doivent prendre conscience des graves conséquences de leurs actes d’achat, tant pour eux-mêmes que pour leurs concitoyens.

Les missions de la douane sont très variées et elles s’exercent sur un volume toujours plus croissant de marchandises. Pour faire face à des surcroîts d’activité ou pour bénéficier de compétences pointues, il est donc salutaire que cette administration puisse s’appuyer sur une réserve opérationnelle.

Enfin, mes chers collègues, je pense qu’il faut également nous appuyer sur toutes les technologies développées par nos entreprises pour contrer les fraudes.

À ce sujet, monsieur le ministre, je vous ai fait part d’une possible expérimentation, via des contenants intelligents, qui permettent non seulement une traçabilité sans faille des contenus, mais aussi une décarbonation importante du transport. J’espère que nos douanes prendront cela en considération, au moins à titre expérimental.

Avec des moyens modernisés et rendus conformes à notre État de droit, les douaniers pourront continuer d’assurer avec efficacité le nécessaire contrôle de nos frontières. L’ensemble du groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme mon collègue Daniel Breuiller l’a indiqué lors de la discussion générale, notre groupe estime que ce texte est en grande partie nécessaire. Les douaniers en ont besoin. Nous ne souhaitons pas entraver cette dynamique, importante pour un service public manquant significativement de moyens, mais aussi utile et efficace face à des trafics et des fraudeurs qui ne cessent de se moderniser.

L’adaptation est un sujet de prédilection pour nous, qu’il s’agisse des bouleversements climatiques ou de tout autre sujet.

Aussi, nous saluons la réécriture de l’article 60 du code des douanes. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 septembre 2022, avait censuré cet article, au motif qu’il contrevenait aux principes à valeur constitutionnelle de liberté d’aller et de venir et du droit au respect de la vie privée.

La possibilité offerte aux agents des douanes d’exploiter et de saisir du matériel ou des documents numériques est également une bonne chose, d’autant qu’elle est liée à une information immédiate du procureur de la République. Nous resterons attentifs au fait que ces nouvelles missions attribuées au procureur soient prises en compte dans les besoins matériels et humains de la justice.

La réécriture en commission de l’article 12 et du dispositif permettant aux agents des douanes de prévenir les infractions commises sur internet nous paraît également utile.

La fraude est grandement facilitée par les spécificités du commerce en ligne : anonymat, sentiment d’impunité, volatilité des sites. Responsabiliser les plateformes et doter les agents des douanes du pouvoir d’inciter leurs opérateurs, selon une procédure graduée, à être plus vigilants quant aux produits disponibles sur leurs sites est une bonne réponse. C’est aussi l’un des grands chantiers menés par l’Union européenne : mise en application à partir de février 2024, la disposition prévue rendra enfin illégal en ligne ce qui est illégal hors ligne. Il était grand temps de le faire !

Globalement, les réponses apportées par le texte nous semblent pertinentes et adaptées. Notre groupe reste cependant particulièrement vigilant quant à l’articulation entre les objectifs de lutte contre la fraude douanière, les moyens qui seront alloués à la douane – notamment en postes pérennes – et les nécessaires garanties des droits et libertés individuelles et de la vie privée.

Nous souhaitons aussi émettre deux réserves d’importance.

La première concerne justement la réserve. Je vais reprendre les mots de mon collègue Daniel Breuiller à ce sujet, pour vous répéter que nous ne comprenons toujours pas, malgré les débats en commission et en séance publique, ce qui justifie cette mesure, si ce n’est une motivation budgétaire. Les missions de la douane justifient plutôt un renforcement des effectifs permanents, qui seront utiles en cas de pic d’activité, voire d’activité normale.

Monsieur le ministre, c’est toujours le même sujet qui revient : après avoir « sous-doté » les services publics d’agents permanents compétents, le Gouvernement émet un constat d’insuffisance, pour pouvoir pallier cette situation au plus vite en mobilisant des personnels n’ayant ni le même statut ni la même formation.

Nous sommes de manière générale très opposés à cette politique de ressources humaines au rabais. Si la douane a besoin de compétences spécifiques, pourquoi ne pourrait-elle pas les recruter ? Les services publics doivent avoir des moyens à la hauteur des ambitions qu’on leur fixe. Certes, la douane est un corps en uniforme, mais c’est aussi une administration civile. La création d’une réserve, ici comme ailleurs, présage une dérive que nous ne souhaitons pas.

Si vous persistez dans la création de cette réserve, il sera nécessaire d’indiquer quels seront les moyens dédiés à la formation et au transfert de compétences associés. En effet, de nombreux agents recrutés dans les années 1980 partiront bientôt à la retraite – ou peut-être pas, attendons le mois de septembre prochain. Or, avec seulement deux écoles des douanes, nous n’avons pas de quoi assurer la formation initiale de leurs remplaçants, sans compter que rien n’est prévu pour compenser le manque de formateurs.

Le second point de vigilance que nous formulons a trait à l’utilisation des drones, par cette administration comme par d’autres. Nous avons bien compris que vous souhaitiez lutter à armes égales avec les criminels. En effet, pourquoi ne pas utiliser les drones pour lutter contre le tabac de contrebande ? Mais uniquement à la condition qu’ils soient utilisés uniquement par la police et la gendarmerie, qui sont seules autorisées par le Conseil constitutionnel à le faire à ce jour. Comme l’a fait valoir le rapporteur pour avis Alain Richard lors de nos débats, il paraît aventureux d’imaginer que cette instance valide l’utilisation de ces caméras pour faire la chasse aux migrants.

Le président de notre groupe, Guillaume Gontard, le rappelait lors des discussions de la proposition de loi Sécurité globale : au-delà de considérations politiques, voire politiciennes, sur une politique migratoire française et européenne inefficace et déshumanisée, la surveillance de la frontière par drone semble particulièrement inopportune. Le retour d’expérience de la surveillance de la frontière américano-mexicaine par drone fait état d’une immense gabegie financière. Cette politique est coûteuse et inefficace.

J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire dans le cadre du débat sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur : nous ne voulons pas de drones à nos frontières. Nous ne voulons pas non plus du « tout surveillance » dans la politique migratoire, y compris à l’intérieur de nos frontières européennes. Nous voulons une véritable réflexion sur les mouvements migratoires à l’échelle européenne, mais aussi une refonte de nos politiques d’accueil.

Cette réflexion et ce débat auraient pu, et même, j’oserai le dire, auraient dû avoir lieu lors de l’examen en séance du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, tel qu’il est ressorti des travaux de la commission des lois en avril dernier. Nous constatons sans surprise, mais avec toujours autant de déception, que le Gouvernement n’envisage le sujet que sous l’aspect de la surveillance autoritaire.

Monsieur le ministre, j’appelle aussi l’attention sur votre volonté de renforcer les sanctions contre la contrebande. Vous multipliez par cinq certaines peines et vous procédez également à l’interdiction du territoire français pour la vente à la sauvette de tabac par une personne étrangère. Je rappelle ce qu’a dit ici le garde des sceaux la semaine dernière : « Il y a des obligations de quitter le territoire français (OQTF) que personne ne peut exécuter. ».

Il ne s’agit donc là, monsieur le ministre, que d’une posture sécuritaire, qui cherche à stigmatiser des étrangers souvent en situation d’extrême précarité, alors que l’on en fait trop peu contre les têtes de réseaux. Ce sont eux qu’il faut traquer, à Marseille comme ailleurs, ceux qui exploitent cette misère et produisent des cigarettes mélangées avec d’autres substances, qui sont pires encore pour la santé que celles qui sont vendues légalement.

Ce type de répression qui ne s’intéresse qu’à l’étranger délinquant nous laisse un goût amer. On retrouve d’ailleurs ici les mêmes termes que ceux qui sont employés par le groupe d’extrême droite de l’Assemblée nationale dans une proposition de loi poujadiste et nauséabonde faite pour conquérir les buralistes. Monsieur le ministre, ce n’est pas vous, je le sais. Ne flirtez pas avec ces idées. C’est dangereux.

Vous l’aurez compris, nous partageons l’intention du projet de loi de redonner aux douanes et aux douaniers les moyens de travailler dans de meilleures conditions. Nous soutenons toujours cet aspect du texte, relatif à la refonte des moyens d’action de cette administration si utile.

Nous restons, comme toujours, vigilants quant à l’équilibre avec les droits et libertés des citoyens, ainsi que sur les nécessaires moyens à déployer au regard de cette ambition.

Cependant, nos réserves exposées précédemment nous contraignent à nous abstenir. L’utilisation des drones pour la surveillance des flux migratoires est une aberration, la création d’une réserve est une mesure absolument opposée au service public fort, composé de moyens humains suffisamment formés, que nous appelons de nos vœux, et la stigmatisation des étrangers est une habitude dont vous devriez vous défaire.

C’est pourquoi le groupe GEST s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe RDPI, je tiens tout d’abord à saluer la qualité du travail de nos deux rapporteurs.

Comme l’a souligné le rapporteur en ouverture de nos délibérations, le texte est le fruit d’un compromis : un compromis visant à mieux encadrer les pratiques des agents des douanes, qui ne sont parfois plus conformes à la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel, et à permettre à ceux-ci de lutter contre des pratiques frauduleuses en constante évolution ; un compromis également destiné à garantir que, quelles que soient les circonstances, nous ne renonçons jamais à la protection des libertés individuelles.

L’expression « encadrer sans entraver » a été reprise par de nombreux collègues. Elle résume parfaitement notre principale préoccupation tout au long de l’examen du texte. Elle rejoint la position du Conseil d’État, qui appelait dans sa langue si particulière le législateur à assurer « une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d’infractions, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. »

Il y a urgence à agir et à voter ce texte.

En effet, la décision du Conseil constitutionnel nous impose de rénover rapidement le cadre juridique de l’action de la douane, avant la date fatidique du 1er septembre 2023, lorsque l’article 60 du code des douanes, dans sa rédaction actuelle, sera abrogé.

La balle est désormais dans le camp de l’Assemblée nationale. Je ne puis qu’espérer que nos collègues députés auront à cœur d’enrichir ce projet de loi et de l’adopter avant que ne tombe le couperet de la censure constitutionnelle.

J’espère que tous prendront conscience de l’urgence de la situation, même si certains manifestent malheureusement de plus en plus leur volonté de faire des projets de loi, y compris des projets de loi les plus nécessaires à la continuité de l’action de l’État, les victimes collatérales de leurs combats.

Nous ne le répéterons jamais assez : sans adoption avant le mois de septembre, la douane n’aura plus les moyens d’accomplir ses missions quotidiennes ni d’exercer son droit de visite.

Ainsi que M. le ministre l’a rappelé, il ne faut pas que la décision du Conseil constitutionnel devienne le prétexte fallacieux de certains malfrats pour contester les procédures douanières.

Les agents de la douane avaient vécu la déclaration de non-conformité à la Constitution de leur droit de visite comme un « électrochoc », pour reprendre les termes de la directrice générale des douanes et des droits indirects.

Mes chers collègues, en votant ce projet de loi, nous enverrons un signal positif aux agents chargés de missions si importantes dans la lutte contre la fraude sous toutes ses formes et dans la restauration de la confiance dans l’action publique.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, est une réforme d’une ampleur inédite depuis 1948,…

M. Rachid Temal. Au moins ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Didier Rambaud. … comme sur les autres volets de la lutte contre les fraudes.

C’est le premier projet de loi qui prévoit de revoir en profondeur le code des douanes et de moderniser les outils à la disposition de cette administration.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Il va être procédé dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces dans le texte de la commission, modifié.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

Je vous invite à insérer dès à présent votre carte de vote dans le terminal et à l’y laisser jusqu’au vote.

Si vous disposez d’une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s’affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant en sélectionnant le nom correspondant, puis en choisissant une position de vote.

Si vous avez donné une délégation et que vous êtes finalement présent, vous pouvez voter directement en insérant votre carte dans votre terminal de vote. La position de vote alors exprimée primera sur un vote exprimé par délégation.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 292 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l’adoption 313
Contre 15

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite remercier le Sénat de ce vote. Je salue les deux rapporteurs, Albéric de Montgolfier et Alain Richard, ainsi que toutes les sénatrices et tous les sénateurs ayant participé à nos travaux.

Il s’agit – cela a été rappelé – d’un débat important, car c’est le premier projet de loi consacré à la douane depuis près de soixante-cinq ans. La douane le mérite : d’une part, nous devons réécrire l’article 60 si nous voulons que les douaniers puissent continuer à exercer leur droit de visite à partir du 1er septembre prochain ; d’autre part, nous devons lui donner les moyens de faire face à de nouvelles menaces, notamment en matière de cyber.

Je vois dans la très large majorité qui s’est constituée autour de ce texte un message très fort de soutien de la part de la représentation nationale envers nos douaniers, qui nous rendent fiers partout sur le territoire, en gardant nos frontières, en contrôlant les marchandises et, plus généralement, en protégeant les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)