Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Madame la ministre, ma question porte sur ceux que votre collègue Stanislas Guerini a nommés « le cœur battant des communes ». Véritables couteaux suisses, parfois seuls collaborateurs du maire, ils sont aujourd’hui 14 000 à exercer dans 29 000 communes de moins de 3 500 habitants. Je dis « ils », mais je pourrais dire « elles », car il s’agit à 94 % de femmes. Je parle bien entendu des secrétaires de mairie.
La mairie est le seul service public qui existe dans l’intégralité des communes et la secrétaire de mairie est celle qui la fait vivre au quotidien, jouant son rôle de service public, mais aussi de service au public. C’est un service connu, reconnu et lisible pour tous, contrairement aux maisons France Services, qui sont certes une avancée, mais qui demeurent trop éloignées des populations les plus fragiles.
Du fait du manque de reconnaissance, du temps de travail souvent partiel, de la multiplicité des employeurs, mais aussi d’une perte de sens liée aux transferts de compétences vers les intercommunalités, il s’agit de l’un des métiers les plus en tension en termes de recrutement dans la fonction publique territoriale : 1 900 postes sont aujourd’hui vacants. Cette tendance va s’aggraver avec le départ à la retraite d’un tiers des agents d’ici à 2030.
Une telle situation inquiète les maires, qui sont de plus en plus confrontés à la frustration, voire à la colère de leurs administrés.
Le vote sanction des territoires ruraux vers l’extrême droite, lié à un sentiment d’abandon, à l’éloignement des services publics, à leur numérisation à outrance, doit être analysé avec gravité et responsabilité.
Il faut créer les conditions pour réinvestir les territoires ruraux et faire attention aux signaux négatifs qui renforcent ce sentiment d’abandon ; je pense notamment au ZAN.
Le Sénat s’est saisi du sujet des secrétaires de mairie, en adoptant une proposition de loi le 6 avril dernier, tandis qu’une seconde, soutenue par mon groupe, le RDSE, est inscrite à notre ordre du jour pour le 14 juin prochain. J’ajoute qu’une collègue de mon groupe préside une mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire.
Plusieurs options sont envisagées pour revaloriser ce métier et le Gouvernement a assuré travailler sur le sujet. J’aimerais donc savoir quels sont, pour vous, le rôle et l’avenir des secrétaires de mairie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Gold, je partage votre diagnostic. Le Gouvernement a pris à bras-le-corps la question de la revalorisation du métier de secrétaire de mairie. Stanislas Guerini et moi-même y travaillons, que ce soit dans le cadre du plan France Ruralités ou en parallèle du chantier transversal sur l’accès, les parcours et les rémunérations.
Quelles mesures envisageons-nous à ce stade ? Faire en sorte que les fonctions de secrétaire de mairie soient exercées à un niveau d’emploi correspondant davantage aux responsabilités exercées, à savoir a minima celui de la catégorie B. Aujourd’hui, cette fonction peut être exercée par des personnes appartenant à divers cadres d’emploi, y compris la catégorie C.
Pour remplir cet objectif, une proposition de loi d’origine sénatoriale, déposée par le groupe RDPI et soutenue par le Gouvernement, prévoit à la fois d’ouvrir de nouvelles voies de promotion interne en catégorie B pour les fonctionnaires de catégorie C exerçant d’ores et déjà des fonctions de secrétaire de mairie ou pour les autres fonctionnaires souhaitant exercer cette mission à la suite d’une formation qualifiante et de reconnaître les exigences de ce métier, en considérant un tel poste comme un accélérateur de carrière.
Ensuite – cela peut vous paraître secondaire –, nous travaillons sur un changement de dénomination pour tendre vers un terme rendant davantage justice au niveau effectif des responsabilités exercées. Ce changement est demandé par les agents comme par les employeurs territoriaux ; le Gouvernement y est ouvert et a engagé une réflexion en ce sens.
Continuons de travailler ensemble pour l’attractivité de ce métier et pour la mise en place de formations adaptées. Beaucoup de postes sont vacants ; nous en sommes conscients.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Si la crise sanitaire a renforcé l’engouement des Français pour la vie en milieu rural, elle n’en a pas pour autant fait disparaître les difficultés du quotidien. Après des années de réduction des guichets de services publics, le sentiment d’abandon persiste. Il est même accentué par les dépenses de carburant ; l’acuité de cette question y est bien plus forte que dans les zones urbaines.
Face à une telle situation, les solutions mobiles sont particulièrement adaptées aux territoires ruraux. Le principe est simple : « Si tu ne peux pas accéder au service public, alors c’est le service public qui viendra à toi ».
Dans l’Aisne, où il faut parfois quarante-cinq minutes pour accéder à la piscine la plus proche, un camion-piscine itinérant fait le tour des communes rurales pour y proposer aux élèves de maternelle des séances d’aisance aquatique, afin de les familiariser avec l’eau et les sensibiliser aux risques de noyade.
Plusieurs rapports parlementaires récents proposent d’accentuer ce type d’offres itinérantes, comme le déploiement de sous-préfets mobiles ou encore la mise en place d’une aide de 30 % pour les investissements des commerces ambulants.
Si les initiatives locales en la matière sont nombreuses et ingénieuses, elles peinent encore à couvrir les besoins des habitants et peuvent souvent se révéler fort coûteuses. Madame la ministre, comment comptez-vous en encourager le développement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Gruny, depuis son lancement, la politique de soutien aux tiers-lieux est l’exemple d’une politique coconstruite entre l’État et les acteurs de la filière. Les tiers-lieux se positionnent comme des acteurs clés des transitions territoriales, en proposant par exemple une alimentation locale, des activités artistiques, une fabrication relocalisée ou encore un meilleur accès aux droits.
Cette politique s’est incarnée en 2022 par la création du groupement d’intérêt public (GIP) France Tiers-Lieux, dont les membres fondateurs sont l’État et l’Association de préfiguration nationale des tiers-lieux. Le budget 2022 a été fixé à 1,498 million d’euros.
Le programme Nouveaux Lieux, nouveaux liens, porté par l’ANCT depuis sa création en 2020, a également permis de révéler le potentiel créatif et adaptatif des tiers-lieux au moment de la crise sanitaire comme face aux enjeux des transitions, qu’elles soient numériques, écologiques, énergétiques, sanitaires ou liées aux questions de mobilité ou d’organisation du travail.
Ce sont 45 millions d’euros qui ont été mobilisés pour identifier et soutenir 300 fabriques de territoires, financées à hauteur de 150 000 euros par an sur trois ans pour leur capacité à servir d’exemple, à partager des solutions techniques, pédagogiques, logistiques ou juridiques. Dans la plupart des cas, ces structures ont servi de socle à un développement territorial plus équilibré des tiers-lieux. Au total, ce sont près de 140 millions d’euros qui ont été déployés pour les soutenir.
Je veux aussi souligner le rôle du fonds de soutien aux associations, qui est doté de 2 millions d’euros. Ce montant a été doublé pour l’année 2023 : il sert à financer, via l’ANCT, des projets innovants. Vous appelez de vos vœux de l’innovation dans les territoires ruraux et nous partageons cet objectif. Ce financement s’adresse essentiellement aux petites et moyennes associations, tous secteurs confondus.
Enfin, l’ingénierie proposée par l’État au travers de l’ANCT depuis sa création en 2020 participe également du soutien aux initiatives innovantes pour les territoires ruraux. Elle permet notamment la prise en charge complète des prestations d’ingénierie pour les collectivités de moins de 3 500 habitants et pour les établissements publics de coopération intercommunale de moins de 15 000 habitants. Ce sont ainsi 94 % des communes qui peuvent bénéficier d’une aide supérieure ou égale à 80 %.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, je vous remercie de vos précisions, mais quand je parlais d’innovation, je parlais de l’itinérance, pas des tiers-lieux. Certes, c’est une expérience intéressante ; j’en connais dans mon département. Mais ils sont souvent situés dans les centres-bourgs, et il faut une voiture pour s’y rendre…
Ma question était plus précise : comment financer un camion-piscine qui coûte 500 000 euros ? Il y a peu de moyens. Le Gouvernement dit souvent que les dotations ne baissent pas. Mais, pour de tels montants, une attribution au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) est dans les mains du préfet, et les décisions ne correspondent pas toujours aux attentes des gens sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je vous prie de m’excuser, je n’ai en effet pas répondu sur ce volet de votre question. Pour autant, je vous ai indiqué tout à l’heure que l’itinérance était au cœur de nos préoccupations dans le cadre de France Services. J’espère que nous pourrons déployer environ 150 bus itinérants d’ici à la fin de l’année.
J’ai oublié de signaler l’existence d’un fonds de 12 millions d’euros pour amener des commerçants en ruralité. Cela concerne aussi les commerces ambulants.
Vous le voyez, nous travaillons déjà résolument dans le sens de « l’aller vers », mais nous pouvons trouver ensemble les moyens d’aller encore plus loin, afin de rendre tout cela bien réel dans les ruralités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Je vous remercie de nouveau – j’avais en effet soulevé la question des commerces ambulants –, mais vous n’avez pas répondu sur l’idée des camions-piscines, alors que cela concerne directement nos enfants et le risque de noyade.
Nous devons regarder toutes les bonnes idées, toutes les bonnes pratiques qui se mettent en place sur le territoire et essayer de les accompagner, à la fois sur l’investissement et sur le fonctionnement.
Or si les dotations restent au même niveau – soyons gentils… –, malheureusement, les charges, elles, augmentent !
J’ajoute que plusieurs maires m’ont récemment alertée sur leurs difficultés actuelles à trouver des financements auprès des banques.
Comment, dans ces conditions, répondre aux attentes de la population, alors que les gens sont déjà, souvent, en colère ? Faisons attention à ne pas créer deux France, une France des métropoles et une France de la ruralité, et essayons de trouver des solutions pour stopper cette colère ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Notre niveau de prélèvements obligatoires est parmi les plus élevés d’Europe. Les Français ont aujourd’hui le sentiment de ne plus en avoir pour leur argent. Force est de constater que nos services publics se dégradent ; ils se sont affaiblis, tant en effectifs qu’en compétences présentes sur les territoires.
Le phénomène est particulièrement exacerbé dans les territoires ruraux. La création du réseau France Services, qui avait vocation à rapprocher le service public des usagers, a, certes, constitué une avancée, mais cela ne résout pas tout.
Nous constatons que la dématérialisation croissante des démarches administratives renforce encore plus l’isolement de certaines populations.
Il nous faut réarmer nos services publics de proximité, notamment les services déconcentrés de l’État, pour qu’ils répondent aux attentes des administrés. Cela doit passer par un engagement plus fort de l’État et par un renforcement de la présence humaine et des compétences dans les maisons France Services.
Les 34 000 communes de France et leurs secrétaires de mairie forment un réseau unique de maillage territorial. Il serait nécessaire que l’État s’appuie sur cela pour en faire la première porte d’entrée des services publics de proximité. Les secrétaires de mairie pourraient ainsi contribuer à lutter contre l’isolement numérique. Cela passera nécessairement par une formation adaptée et par un accompagnement financier par l’État et l’ANCT.
Madame la ministre, comment créer les conditions d’une complémentarité entre le réseau France Services et les secrétariats de mairie pour que ces derniers deviennent le premier guichet de proximité ? Cela revaloriserait l’institution municipale à l’heure où les maires sont dans le doute.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Menonville, au-delà de ce que j’ai déjà indiqué sur le sujet, je souscris à vos propos.
Nous devons avancer sur le numérique sans déshumaniser nos services publics et abandonner tout accompagnement humain ; c’est une ligne de crête délicate. Les maisons France Services ont deux agents et sont situées à moins de trente minutes de nos concitoyens. En outre, il y a souvent un conseiller numérique présent pour accompagner ces deux agents, ainsi que les personnes dans leurs démarches.
Ce dispositif de conseiller numérique est dans une phase de structuration. Après le temps de la relance, marqué par une mobilisation rapide et massive de financements, 250 millions d’euros sur deux ans, qui a permis de déployer rapidement ce dispositif et donner un souffle nouveau à la médiation numérique, l’objectif est de pérenniser ces emplois dans la durée, en maintenant une part de financement de l’État qui sera dégressive. Les paramètres de ce scénario de pérennisation sont les suivants : 44 millions d’euros sont prévus dans la loi de finances pour 2023 sur le programme 349, dont 9 millions d’euros concernent directement les zones de revitalisation rurale.
Le sujet de la complémentarité entre les maisons France Services et les secrétaires de mairie nous tient particulièrement à cœur.
Nos secrétaires de mairie doivent être formées pour exercer ce rôle de sentinelle et être capables de diriger vers les maisons France Services tous nos concitoyens ne connaissant pas les neuf services qui y sont représentés. Cette formation nous paraît essentielle. Elle doit comprendre l’apprentissage de connaissances de base sur ces services.
Je vous confirme donc bien que la complémentarité entre les maisons France Services et les secrétaires de mairie est un axe de travail important pour nous.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Pierres angulaires de la proximité entre les citoyens et l’État, les services au public sont de précieux thermomètres en matière de cohésion sociale, a fortiori dans les territoires ruraux.
Selon l’Agence nationale de la cohésion des territoires, les espaces ruraux représentent 88 % des communes françaises, 92 % du territoire et 33 % de la population, avec quasiment 22 millions d’habitants. Avec de tels chiffres, l’Hexagone se place au deuxième rang des pays les plus ruraux d’Europe derrière la Pologne.
Dans la France rurale, la présence des services au public représente un enjeu considérable. Madame la ministre, vous connaissez mon intérêt pour les maisons France Services, qui symbolisent à mes yeux une proximité retrouvée dans nos territoires ruraux entre l’État et nos concitoyens.
L’intérêt du programme France Services est désormais indéniable, comme l’a souligné le récent rapport d’information de notre collègue Bernard Delcros. Il réside essentiellement dans la proximité et la dimension humaine de l’accompagnement apporté aux usagers, essentiellement grâce au déploiement des conseillers numériques, à l’heure où le recours au numérique exclut encore une partie de la population de l’accès aux services publics.
Le réseau France Services, qui compte désormais 2 538 structures labellisées réparties sur l’ensemble du territoire, est aujourd’hui salué par une majorité d’usagers et d’élus locaux. Pas moins de 93 % des usagers sont satisfaits de leurs démarches dans ces espaces.
Si le bilan est plutôt positif, je crois néanmoins que nous devons réfléchir ensemble dans l’objectif d’améliorer le dispositif, en nous concentrant notamment sur la question des moyens, mais également sur l’organisation de ces espaces.
Il faut désormais aller vers nos concitoyens : le modèle itinérant peut être une solution, mais l’idée de maisons France Services multisites peut également être intéressante, car tous nos concitoyens ne disposent pas d’un moyen de transport. Je pense ainsi à la maison France Services du Diois, déployée sur 50 communes, celle de Die étant saturée avec plus de 5 000 passages par an. La prise de compétence de la communauté de communes du Diois permet de ramener du service public là où il n’y en avait plus. Le rôle des secrétaires de mairie, qui prennent les rendez-vous dans les communes, est primordial ; ils servent de premier intermédiaire.
Madame la ministre, afin de poursuivre nos efforts en matière de services au public dans les territoires ruraux de notre pays, dans quelle mesure pourrions-nous développer davantage de maisons France Services multisites ou itinérantes ? Quels moyens financiers l’État envisage-t-il d’allouer à ce réseau dont l’efficacité n’est plus à démontrer ?
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Bernard Buis. Une pérennisation de ces structures est-elle à l’ordre du jour ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Buis, vous évoquez tout d’abord l’élargissement du bouquet de services offert dans ces structures.
J’ai déjà évoqué l’enrichissement de l’offre de services auquel nous procédons avec de nouveaux partenaires, tels que le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) ou la Banque de France, mais je pourrais également mentionner quelques expérimentations en cours. Des réflexions sont actuellement menées avec des partenaires comme l’Agence nationale de l’habitat (Anah).
Un point de vigilance demeure toutefois : il faut conserver un bon équilibre entre l’enrichissement du bouquet de services et la soutenabilité de la charge de travail pour les agents. On monte déjà en compétences sur neuf services d’État ; si l’on en ajoutait deux, voire trois, cela deviendrait très compliqué. Nous essayons donc plutôt d’améliorer la qualité de service par un lien renforcé avec chacun de ces neuf services d’État. Si beaucoup de ceux-ci sont accessibles directement par des agents de maisons France Services, on manque en revanche pour d’autres de ce lien particulier et dédié.
Pour renforcer la qualité de service, ce qui reste un objectif fondamental – vous avez raison –, il faut enrichir la formation que nous avons déjà mise en place pour les agents des maisons France Services et la rendre annuelle. Nous engageons aussi un plan triennal de contrôle des labellisations : 900 maisons France Services seront ainsi auditées en 2023, l’opération démarre ce mois-ci. La mesure de la satisfaction des usagers, qui approche bien 94 %, s’est améliorée, mais nous voulons désormais y procéder de façon régulière. C’est pourquoi, à compter de septembre 2023, nous redéploierons 500 bornes de satisfaction et nous renforcerons leur exploitation en direct. Nous voulons enfin approfondir l’engagement de France Services dans Services publics +, avec une expérimentation de comités d’usagers, locaux ou départementaux, et une publication immédiate des résultats des enquêtes de satisfaction.
En conclusion, vous avez évoqué l’organisation de ces espaces et la possibilité d’ouvrir des maisons France Services multisites. Pourquoi pas ? À l’évidence, la présence d’un conseiller numérique représente un apport important. Nous travaillons donc à ce que celui-ci soit situé sur le même lieu que la maison France Services, afin d’en renforcer grandement l’efficacité. On peut raccrocher un guichet ambulant à une maison monosite. J’approfondirai volontiers la question des multisites avec mon collègue Stanislas Guerini.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. La disparition des services publics de proximité est l’une des principales causes de découragement d’une partie des maires de territoires ruraux. Leur engagement est en effet principalement motivé par le service à leurs concitoyens et l’amélioration des conditions de vie de ceux-ci.
Mon département des Hautes-Pyrénées est particulièrement affecté par cette rupture. Je voudrais évoquer spécifiquement les trésoreries, qui font l’objet de fermetures régulières.
Ces projets sont dénoncés tant par les élus locaux que par les usagers comme contraires au maintien du service public de proximité. La fermeture d’une trésorerie accroît en effet les déplacements pour la population, ce qui est particulièrement difficile sur des routes de montagnes.
De nombreuses communautés de communes se sont engagées, en concertation avec l’État et le conseil départemental, dans un schéma d’amélioration de l’accessibilité des services au public. Au regard de ces projets et des conventions signées pour leur mise en œuvre, ces fermetures sont en décalage complet. En effet, qu’il s’agisse d’un paiement ou d’une demande de conseils, la présence physique d’un agent est indispensable à l’écoute et à la compréhension mutuelle.
Les élus comme les habitants des territoires ruraux ne peuvent donc pas se contenter d’annexes installées provisoirement. Celles-ci ne peuvent pas compenser la perte de qualité du service.
Madame la ministre, faire des économies en supprimant des services aussi essentiels contribue au sentiment d’abandon des territoires ruraux. Comptez-vous revenir sur ces fermetures ? Comptez-vous enfin fournir les moyens humains et financiers permettant aux élus et usagers de bénéficier d’un réel service public de proximité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Artigalas, vous abordez un sujet que vous et moi connaissons bien : la fermeture d’une trésorerie dans les Hautes-Pyrénées.
Tout d’abord, je ne partage pas votre point de vue quant au caractère indispensable de cette dernière. Celle-ci rend deux services : l’un au public, l’autre aux élus. Comme vous le savez, j’ai rencontré des élus locaux et des délégués syndicaux de la trésorerie quand je me suis rendue dans les Hautes-Pyrénées et j’ai pris date pour revenir vers eux. Le rendez-vous doit être pris dans les deux ou trois semaines qui viennent, après avoir travaillé le sujet. Je m’y suis déjà employée et j’ai constaté, d’une part, que le nombre de citoyens ayant recours à ce service décroissait de manière vertigineuse, d’autre part, que s’il y a ne serait-ce que cinq ou six maires pour s’y rendre, c’est bien le bout du monde…
Aujourd’hui, partout en France, quand un directeur financier, une secrétaire de mairie ou un maire a besoin d’un service, il téléphone et il l’obtient. En l’occurrence, l’engagement pris est qu’un conseiller des finances publiques se rendra dans les mairies qui le souhaitent. Ce ne sont plus les maires qui se déplaceront à la trésorerie, comme c’était le cas ; c’est un conseiller financier qui se rendra dans les mairies.
Cela dit, je respecte tout à fait la volonté des quelques maires et des quelques citoyens qui s’y rendent d’empêcher la fermeture de la trésorerie. Je ne vous donne pas ma position définitive aujourd’hui, car je me suis engagée à échanger avec les directeurs régionaux et départementaux des finances publiques, les représentants syndicaux de la trésorerie et les maires. Le débat va se poursuivre. Reste que, à l’heure qu’il est, je ne partage malheureusement pas votre diagnostic quant au caractère indispensable de cette trésorerie. Nous sommes habitués à un tel registre de services, mais nous pouvons être plus efficaces, pour nos maires comme pour nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Ces fermetures impliquent que les élus aient recours, d’une part, à un comptable pour l’exécution du budget de la commune, d’autre part, à un cadre conseiller. Ce qui est embêtant, c’est que, quand ils vont téléphoner à la trésorerie principale, ce n’est pas toujours la même personne qui va leur répondre. Il serait plus efficace de pouvoir avoir le même interlocuteur à chaque appel.
Plus largement, ce qui pose problème, c’est cette séparation des deux fonctions, auparavant remplies par une seule et même personne, ce qui était bien plus efficace pour les élus.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je le précise, c’est bien le même conseiller financier qui viendra voir les maires qui le solliciteront. C’est ainsi que le projet est conçu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Non ! Dans les communes où une telle réorganisation des trésoreries a déjà eu lieu, les maires n’ont pas toujours le même interlocuteur – cela m’a été confirmé.
Je voudrais tout de même le rappeler, tout cela est dû à une baisse globale des services dans les centres des finances publiques, alors même que les besoins des communes en matière de conseil augmentent avec leurs difficultés budgétaires. Je vous parle non pas de grandes communes, qui disposent évidemment des services adéquats, mais de petites communes rurales. Les secrétaires de mairie, dont il a déjà été question depuis le début de ce débat, doivent gérer cinq, six ou sept budgets pour être à temps complet, ce qui rend leur travail extrêmement difficile. Pour ces communes, l’éloignement croissant de ces services publics est un véritable problème.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Mme Daphné Ract-Madoux et M. Franck Menonville applaudissent.)
Mme Sylvie Vermeillet. Dans nos territoires ruraux, la première préoccupation exprimée par nos concitoyens en matière de services au public concerne la santé.
Durant la pandémie de covid-19, on a beaucoup parlé de la « première ligne », ces soignants qui ont été en permanence au front dans la lutte contre le virus. Malheureusement, dans nombre de départements, notamment le Jura, cette ligne est de plus en plus fragile : parmi ces soignants de dernier recours, on trouve de moins en moins de médecins.
Chaque fois que l’on supprime une ligne de service mobile d’urgence et de réanimation (Smur) faute de médecins, que se passe-t-il ? Comme le dit l’agence régionale de santé (ARS), on fait avec ceux qui restent… Dans le Jura, que ce soit à Champagnole, à Lons-le-Saunier ou à Saint-Claude, ceux qui restent, ce sont des infirmiers, des aides-soignantes, des pharmaciens, des sages-femmes. Alors, on constitue des équipes de paramédicaux. Dans les territoires ruraux, la première ligne, désormais, ce sont eux.
Ils se retrouvent seuls dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), seuls à pouvoir vacciner en officine, seuls à pratiquer des accouchements au bord de la route. Ils se voient confier des missions et des tâches qui, auparavant, incombaient aux seuls médecins.
Ils le font sans statut, de façon informelle, parce qu’ils ont l’intérêt général chevillé au corps. Mais ils ont peur, car leur responsabilité peut être engagée.
La réalité de la santé au quotidien dans nos territoires, c’est ce bricolage, qui n’est pas assez accompagné par l’État, pas assez structuré. Par-delà même la revalorisation de leur rémunération, il faut protéger ces personnels. Sinon, ils arrêteront leur mission et nous n’aurons plus personne. C’est encore le problème des délégations d’actes qui est posé.
Madame la ministre, comment articulez-vous fermeture des Smur et mise en place de ces équipes de secours ? Quelles garanties juridiques, quelle reconnaissance comptez-vous offrir à ces personnels ?