Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Vermeillet, vous posez là une question très pertinente, sur l’articulation des services de santé. Face au manque de médecins, comment s’organise-t-on ? Comment sécurise-t-on les infirmières, les sages-femmes et les autres professionnels qui acceptent de pallier le manque de médecins, pour lutter contre les déserts médicaux ?
Je veux d’abord fournir quelques chiffres : 657 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ont été ouvertes en zone rurale ; plus de 5 000 communes rurales sont couvertes par un contrat local de santé. Cela suffit-il ? Non : c’est un premier maillon. Nous y travaillons avec mon collègue François Braun, car nous savons à quel point nous sommes attendus sur le sujet.
Une solution réside dans la mise en œuvre d’un pacte santé avec les professionnels de santé, les élus et les citoyens. Voici les leviers possibles : la rémunération supplémentaire des médecins qui assurent des missions supplémentaires ; la garantie d’accès à un médecin traitant pour les 600 000 patients en affection de longue durée ; l’encouragement de l’innovation dans les pratiques médicales ; enfin, la télémédecine, qui a été citée par l’un d’entre vous : comme elle est extrêmement efficace, nous en encourageons le déploiement toujours plus rapide.
Nous voyons aussi des tiers-lieux émerger dans le domaine de la santé, en trois catégories : des tiers-lieux du secteur médico-social assurant des activités de santé, avec un ADN fort autour de l’inclusion, du mieux-vivre, de l’aidance ou de l’accompagnement ; des tiers-lieux de santé communautaire, qui mettent en œuvre une vision globale et de proximité de la santé, en permettant aux soignants de devenir acteurs de leur parcours de soins ; enfin, des tiers-lieux qui n’ont pas de lien direct avec le soin, mais qui permettent aux soignants ou à d’autres acteurs en lien avec eux d’expérimenter et d’innover dans le secteur de la santé.
Vous m’interrogez sur la garantie juridique offerte à ces infirmières qui ont l’intérêt général chevillé au corps : je ne peux que souscrire à votre demande. Nous y travaillons à l’heure actuelle, pour faire en sorte qu’elles bénéficient d’une garantie juridique et que l’on puisse les protéger dans l’exercice de leurs missions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je comprends que vous embrassez bien la totalité du problème, mais je veux appeler votre attention sur l’urgence de certaines situations en médecine.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Madame la ministre, dans la France rurale, les Français ont de plus en plus de difficultés à se faire soigner, soit parce qu’il n’y a pas assez de médecins, soit parce qu’il n’y en a plus. Dans les hôpitaux, certains services ferment par manque de personnel.
Dans la France rurale, les Français ne peuvent plus se rendre dans les trésoreries, qui ont fermé leurs portes dans une logique d’économie budgétaire, afin de privilégier la dématérialisation. Mais cette réponse ne peut pas être satisfaisante, alors même que 20 % des Français ne peuvent se servir du numérique.
Dans la France rurale, en matière d’éducation, la diminution du nombre d’élèves dans les écoles provoque la fermeture de nombreuses classes, voire d’écoles entières.
Pourtant, depuis la rentrée de 2019, conformément à l’engagement du Président de la République, aucune fermeture d’école ne peut intervenir sans l’accord du maire.
De fait, nous sommes aujourd’hui face à une véritable contradiction. En effet, les maires souhaitent ardemment conserver leurs écoles, ce qui est bien compréhensible, mais ils n’ont plus toujours cette compétence. En effet, c’est bien souvent l’intercommunalité qui gère les affaires scolaires.
Les maires veulent avoir leur école ; les intercommunalités, elles, souhaitent diminuer les coûts de fonctionnement, en frais de personnel et en chauffage. Aussi, face à la baisse du nombre d’élèves dans les écoles rurales, leurs élus sont en train de créer une fausse solution, celle de créer ce que j’appelle des écoles de Parténia, sans professeurs ni élèves.
Ainsi, madame la ministre, que valent les promesses de l’État d’assurer l’égalité des services au public entre tous les Français ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Sido, vous déplorez la fermeture des services publics, en particulier le risque d’un maintien d’écoles sans professeurs et sans élèves, dû au regroupement d’écoles, sans l’accord des maires, par les communautés de communes, qui disposent la plupart du temps de la compétence scolaire.
Avec 63 000 implantations, l’école constitue le premier service public de France et offre un maillage territorial extrêmement dense. Dans un contexte de baisse importante et durable des effectifs d’élèves, la question des fermetures de classes et, le cas échéant, d’écoles est au cœur des préoccupations des familles.
Comme vous le savez, la Première ministre a annoncé le 31 mars dernier la volonté du Gouvernement de bâtir un nouveau plan pour l’école en milieu rural, afin de donner à chaque enfant, où qu’il soit, la même qualité d’éducation.
Ce dispositif, qui vise à anticiper les évolutions, à donner de la visibilité sur les trois ans qui viennent, à répondre aux besoins des territoires et à permettre une meilleure cohérence des politiques publiques en associant pleinement et systématiquement, en amont, les élus locaux aux décisions d’ouverture ou de fermeture de classes, a donc été annoncé à la fin du mois de mars. L’école pourra ainsi, en association avec les collectivités territoriales, renforcer sa contribution à la dynamisation et à l’attractivité des territoires.
Une analyse d’impact de l’application d’une telle mesure à l’ensemble des écoles situées dans des communes relevant des zones de revitalisation rurale, tant les ZRR actuelles que celles qui seront créées à partir de janvier 2024, est en cours. Cette analyse d’impact est au cœur des réflexions que nous menons.
Les écoles sans enseignant, auxquelles vous faites allusion, ne sont évidemment pas ce que nous voulons pour nos enfants dans la ruralité.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.
M. Bruno Sido. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais vous comprenez bien que la situation est intenable !
La parole du Président de la République doit tout de même peser dans la vie démocratique française. Or, aujourd’hui, l’essentiel des compétences scolaires est passé aux intercommunalités. Alors, est-ce l’intercommunalité qui doit consentir à la fermeture d’une école, ou bien le maire ? Il faudrait clarifier cette situation, parce que ce qu’on voit sur le terrain, ce sont des maires qui refusent ces fermetures et des intercommunalités qui les veulent, pour des raisons d’économies que l’on comprend d’ailleurs bien : le résultat, ce sont des écoles vides !
Le clergé avait bien compris cette méthode ; c’était celle du diocèse de Parténia. On y nommait des évêques qui gênaient. Les papes ont dû y avoir recours trois ou quatre fois. Bien entendu, les évêques en question n’y allaient jamais. Les écoles en milieu rural profond sont en train de se changer en écoles de Parténia. C’est bien dommage.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je voudrais prendre un engagement devant vous. J’entends que, quand la compétence scolaire est transférée à l’intercommunalité, le président d’intercommunalité est informé d’une éventuelle fermeture, mais il n’en informe pas toujours le maire. Je pense que cela nécessite une clarification, car l’engagement du Président de la République doit être tenu. Je vais donc de ce pas écrire à mon collègue ministre de l’éducation nationale pour lui demander cette clarification, qui pourrait passer par une circulaire aux directeurs académiques des services de l’éducation nationale (Dasen) ou aux recteurs. En tout cas, je m’engage à lui communiquer votre demande.
M. Bruno Sido. Merci !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Éric Kerrouche. Parce qu’elles sont moins densément peuplées, les zones blanches téléphoniques, voire les zones grises, deviennent des zones de relégation numérique qui pénalisent leurs habitants en matière sociale et économique.
À l’heure où de plus en plus de services publics sont dématérialisés, la numérisation des zones blanches constitue l’une des réponses à la disparition des services au public en zone rurale, eu égard surtout à l’utilisation croissante des smartphones. C’est une question d’égalité dans l’accès au numérique, et un levier majeur de l’attractivité économique territoriale.
Pour répondre à cette question, l’État et les opérateurs ont conclu en 2018 un accord dit New Deal mobile. Si le bilan qui en a été dressé par la Cour des comptes au mois de septembre 2021 était globalement positif, l’accord n’a pas permis de répondre à toutes les attentes : des écarts importants persistent entre les territoires, alors que le terme du dispositif de couverture ciblé approche.
Ce dispositif prévoyait le déploiement de 5 000 sites par les opérateurs, dont 2 000 en zones blanches, d’ici à 2027. Au 13 avril 2023, près de 2 200 sites ont été déployés. Beaucoup manquent donc à l’appel, et nombre d’élus soulignent un manque de dialogue sur le terrain.
Si la crise sanitaire peut justifier une partie du décalage, elle n’est pas l’unique facteur explicatif. Des voix appellent donc à un nouveau plan avec les opérateurs, probablement dans la perspective du renouvellement des fréquences. D’autres y sont réticents.
Madame la ministre, qu’entend faire l’État pour que les engagements des opérateurs soient tenus et que la fracture numérique qui condamne les territoires ruraux se résorbe ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Kerrouche, vous avez raison : aujourd’hui, la couverture ne répond pas à toutes les attentes. Oui, la numérisation de beaucoup de services emporte l’absolue nécessité de beaucoup mieux couvrir nos territoires en téléphonie mobile.
Comme vous l’avez rappelé, le New Deal mobile prévoyait un échelonnement annuel des 5 000 sites que chaque opérateur devait prendre à sa charge dans le dispositif de couverture ciblée. Quant aux réalisations, les chiffres dont je dispose ne sont pas tout à fait ceux que vous avez cités, mais je conviens avec vous qu’il faut accélérer. Les territoires ciblés ont connu ces dernières années une amélioration incontestable de leur couverture mobile. Il reste désormais 4 217 zones à couvrir prioritairement, identifiées par les collectivités et par l’État et inscrites dans un arrêté ; déjà 2 344 pylônes ont été mis en service, qui sortent au moins autant de communes des zones blanches.
Cette réussite ne doit pas nous empêcher de porter un regard objectif sur la couverture des territoires. Nous avons tous conscience que le problème des zones blanches pourrait persister à l’issue du New Deal mobile tel que nous le connaissons.
C’est pourquoi mon collègue Jean-Noël Barrot pilote ce sujet du déploiement d’antennes, en collaboration extrêmement étroite avec l’ANCT, et exerce une pression sérieuse et régulière sur les opérateurs pour que leurs engagements soient tenus.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour la réplique.
M. Éric Kerrouche. Personne ne conteste les progrès accomplis au fil du temps. Néanmoins, madame la ministre, vous n’ignorez pas les enjeux qui demeurent, dans certaines zones en particulier : il ne faudrait pas qu’il y ait des relégués de la relégation… Le problème est bien là : les zones qui ne sont toujours pas couvertes sont justement celles qui cumulent le plus de handicaps. Si elles ne sont toujours pas traitées, cela laissera encore une fois prospérer l’idée que certains peuvent recevoir des avantages tandis que d’autres non, et que des territoires peuvent malheureusement rester durablement à l’écart du progrès, oubliés. Or je suis certain que personne ne souhaite cela ici.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Aux yeux des citoyens, mais aussi des maires, l’État s’incarne essentiellement dans les administrations avec lesquelles ils sont en relation.
Si l’État n’a pas le monopole des services publics, c’est cependant lui qui fixe le cadre juridique dans lequel les autres personnes publiques en créent, en organisent, en gèrent ou en font gérer.
Aujourd’hui, les services publics, c’est l’école, la santé, la sécurité et la justice, les transports, La Poste, les impôts, le numérique, la téléphonie. Ils n’ont cessé de disparaître de nos territoires, de notre quotidien. Ils sont bien moins présents, en tout cas bien moins visibles, aujourd’hui qu’hier. Le numérique y est pour beaucoup ; l’évolution démographique aussi. Pourtant, en face de cela, le poids de la contribution publique n’a cessé de croître. Bref, nul n’en a pour son argent !
Ma question porte donc sur l’approche territoriale de l’organisation des services publics dont l’État a la responsabilité. Les réponses apportées par les maisons France Services, pour utiles qu’elles soient, même si elles constituent de fait un transfert de compétence vers les collectivités – à ce propos, leur lien avec les secrétaires de mairie devrait être renforcé –, ne sauraient cacher toutes les autres fermetures, tous les autres déménagements.
Combien de déserts médicaux pour l’ouverture d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) ? Combien de fermetures de classes ou de trésoreries ? Combien de fractures numériques ?
Si des engagements nouveaux ont été pris par l’État concernant les gendarmeries, le maillage du territoire en matière d’éducation et de santé a, lui aussi, une dimension d’aménagement du territoire, trop ignorée, qui doit s’affranchir des seuls ratios de population.
Comment, madame la ministre, entendez-vous réintroduire cette dimension pour renouer avec un égal accès de tous aux services publics, qui revêt désormais un véritable caractère démocratique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Sautarel, je veux vous redire à quel point je suis convaincue que l’État doit jouer un rôle dans la délivrance de ces services publics. Mais ceux que vous citez sont de deux natures. Quand vous évoquez les trésoreries, je vous réponds que de tels services peuvent et doivent être assurés par nos maisons France Services ; ce n’est pas le cas des écoles.
Il y a en somme deux familles de services publics : ceux pour lesquels nous sommes persuadés – même si je respecte votre opinion en la matière – que les maisons France Services répondent véritablement à la demande, et les autres.
En matière de téléphonie, on a énormément avancé, mais il reste encore beaucoup à faire.
Concernant la santé, vous trouverez un certain nombre d’actions dans France Ruralités, plan qui devrait être annoncé par la Première ministre dans le mois qui vient. Nous avons encore quatre ans difficiles à passer, en attendant l’arrivée des internes en quatrième année. Je peux simplement vous dire que toutes les initiatives qui marchent dans le domaine de la santé, émanent des territoires, avec le soutien de l’État. Je vous invite sur ce point à consulter le site internet Solutions d’élus. L’État, pour sa part, abonde le financement de ces initiatives, en dépenses tant d’investissement que de fonctionnement. Oui, nous avons fort à faire, mais je voulais profiter de ce que vous m’interrogiez sur ce sujet pour vous dévoiler un pan de France Ruralités.
Sur l’école, je viens de répondre à M. Sido. Nous avons encore du travail à faire avec mon collègue. Nous voulons évaluer les annonces que la Première ministre a faites dans l’objectif de donner de la visibilité sur trois ans aux écoles rurales. On peut encore, peut-être, améliorer l’approche. En tout cas, le sujet de l’école reste prioritaire pour les maires que je rencontre à ce jour. Je me suis engagée à leur apporter une réponse sur leur meilleure information en cas de transfert de la compétence scolaire à l’intercommunalité. Plus largement, nous devons encore travailler avec les élus locaux sur le sujet de l’école dans la ruralité.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.
M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, je vous remercie de ces réponses. Ma question est, en fait, celle de la confiance. Aujourd’hui, elle n’existe plus ou a été distendue. Il importe donc qu’il y ait de vraies réponses, notamment sur les questions de santé et d’éducation : avec la sécurité, ce sont les trois services publics prioritaires. Je vous remercie de l’écoute dont vous faites preuve, et j’espère que nous trouverons dans France Ruralités des réponses aux besoins de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. La disparition des divers services publics de proximité, que ce soit par leur fermeture ou par leur dématérialisation, ou encore sous l’effet des mutualisations, n’a fait qu’accroître le sentiment d’abandon des territoires ruraux.
La rupture du maillage territorial, occasionnée par la fermeture de trésoreries, d’antennes de Pôle emploi, de la caisse d’allocations familiales (CAF) ou de l’assurance maladie, pour ne prendre que quelques exemples, accentue les difficultés des habitants et des élus, en les obligeant à rallonger leurs déplacements ou à recourir aux maisons France Services, qui rassemblent souvent services publics, collectivités locales et opérateurs de l’État, sans toutefois avoir le niveau d’expertise de chacun d’entre eux.
Or vous savez comme moi que, pour certains publics, l’isolement géographique peut se doubler d’une exclusion numérique. L’illectronisme est encore très répandu, faute d’une maîtrise suffisante des usages numérique ou en raison d’un défaut d’équipement technique. Les retraités, mais aussi parfois les plus jeunes, ne savent pas toujours surfer correctement sur internet, y remplir une déclaration d’impôts ou consulter leurs remboursements de sécurité sociale en ligne, pas plus qu’ils ne sont systématiquement équipés d’ordinateurs, tablettes ou smartphones dernier cri permettant d’accéder à un certain nombre de sites.
Pour faire face à ce problème, l’État a mis en place en 2020 un dispositif afin de proposer aux 13 millions de Français concernés un accompagnement individuel et une initiation au numérique : je veux parler des conseillers numériques. L’intention était très louable, mais était-elle suffisante ? On a recruté 4 000 conseillers. Très vite s’est posée la question de la pérennité de ce dispositif et, surtout, celle de son financement par les collectivités locales et les associations, qui en sont les principaux employeurs. Étant entendu que l’utilité de ces postes n’est pas à démontrer, la charge supplémentaire que leur maintien va représenter à long terme pour les collectivités, dans un contexte budgétaire contraint, inquiète les élus.
Par ailleurs, le nombre de conseillers numériques étant encore insuffisant pour faire face aux besoins, un déploiement qualitatif, quantitatif et géographique plus ambitieux est attendu. Qui le financera ?
Madame la ministre, nous attendons de votre part un plan ambitieux et, surtout, des projections financières soutenables pour nos collectivités et nos associations, à même de rassurer les acteurs locaux. Pouvez-vous nous les détailler ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, je vais tenter de vous détailler en deux minutes les éléments dont je dispose.
Sur l’exclusion numérique, vous indiquez que nos concitoyens ne sont pas tous équipés d’un smartphone ou d’une tablette… Certes ! Mais un PC suffit pour échanger, envoyer des mails, consulter des sites internet et accéder à divers services publics.
Dans cette optique, les 4 000 conseillers numériques ont été déployés pour former tous nos concitoyens, comme je l’ai expliqué dans mon propos liminaire.
En matière de téléphonie, fixe comme mobile, nous avons franchi des étapes très importantes : 33 millions de locaux sont désormais raccordables à la fibre, dont plus de 10 millions dans les seules zones d’initiative publique. La dynamique est installée ; nous avions fixé des objectifs ambitieux, et nous y répondons.
Toutefois, il faut faire preuve de prudence. Nous constatons actuellement un fort ralentissement du déploiement de la fibre dans les zones d’initiative privée. Peut-être avez-vous assisté à l’une des étapes du tour de France des régions de l’ANCT. Dans ce cadre, nous avons débattu du sujet, que nous avons saisi à bras-le-corps. Dans ces zones, quelque 10 % des locaux doivent encore être rendus raccordables.
En parallèle, l’appropriation de la fibre par nos concitoyens se poursuit : 17 millions de foyers ont souscrit un abonnement Fiber to the Home (FttH). D’après les dernières données de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), au troisième trimestre 2022, 77 % de foyers et d’entreprises étaient raccordés à la fibre optique, dont près de 6 % par des réseaux filaires en câble coaxial, c’est-à-dire en cuivre. Or il nous reste trois ans avant qu’Orange démantèle le réseau cuivré.
En attendant l’arrivée de la fibre partout, l’État a mis en place, afin de faciliter l’accès à des technologies alternatives, le dispositif « cohésion numérique des territoires », qui est piloté par l’ANCT. Concrètement, le dispositif, pensé comme un levier de cohésion des territoires, doit permettre aux foyers et aux entreprises sans solution de bénéficier d’un accès internet de qualité, grâce à une aide à l’installation et l’équipement pour une solution hertzienne pouvant aller jusqu’à 300 euros.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, comme vous le savez, la présence de services publics de qualité est un facteur majeur d’attractivité des territoires.
En l’espèce, deux catégories de services publics me semblent revêtir une importance toute particulière : les structures d’accueil de jeunes enfants et la couverture médicale. Mais, dans les territoires ruraux, les acteurs éprouvent de réelles difficultés à assurer et à maintenir ces services.
Les structures d’accueil des jeunes enfants fonctionnent bien souvent, en milieu rural, sous forme associative. Or la lourdeur de fonctionnement et le coût du service poussent, tôt ou tard, les associations à en confier la gestion aux communes, ce qui, notamment pour certains petits villages, peut constituer une charge insurmontable.
Alors que les budgets des communes rurales sont déjà sous tension, comment l’État envisage-t-il d’accompagner ces dernières pour reprendre l’activité de telles associations et maintenir ainsi ces services publics de proximité essentiels pour les familles ?
En ce qui concerne le maintien d’une bonne couverture médicale dans les zones rurales, là encore, les exemples de difficultés ne manquent pas. J’appelle particulièrement votre attention sur la modification du calcul des indemnités kilométriques des infirmières libérales qui exercent en zone rurale et de montagne, dans des secteurs éloignés ou difficiles d’accès.
Cette décision, prise par plusieurs caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), a des conséquences désastreuses pour les infirmiers libéraux, qui accusent des pertes financières allant jusqu’à 30 %. Dans ces conditions, bon nombre de ces praticiens, découragés, décident de cesser leur activité ou d’aller exercer dans des zones plus densément peuplées.
Il s’agit là d’un coup extrêmement dur en direction des patients vivant en zone rurale ou de montagne et d’une rupture d’égalité criante devant le service public le plus élémentaire : la santé. Comment le Gouvernement envisage-t-il d’y remédier ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Noël, vous évoquez deux axes qui vous paraissent fondamentaux pour l’attractivité de nos territoires ruraux : les structures pour accueillir nos jeunes enfants et l’accès à la santé.
Sur la santé, comme je l’ai déjà indiqué, nous allons connaître trois ou quatre années difficiles, mais France Ruralités devrait – François Braun et moi-même avons travaillé sur la question – rassurer les élus locaux qui souhaitent développer des projets visant à attirer dans leurs territoires des médecins, des internes, des infirmiers ou d’autres professionnels paramédicaux.
Nous agissons au travers des agences régionales de santé (ARS) en investissant et en autorisant des déficits de fonctionnement.
J’ai déjà été interpellée sur le calcul des indemnités. Je m’engage à faire remonter le sujet au ministre de la santé et de la prévention. En effet, nos infirmiers libéraux sont précieux et un remboursement insuffisant de leurs indemnités kilométriques les empêche de travailler dans des conditions satisfaisantes.
En ce qui concerne l’accueil des jeunes enfants, il s’agit, sauf transfert, d’une compétence municipale. Pour que les élus locaux puissent l’exercer, nous investissons également dans ce domaine, par la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), ou encore le fonds vert.