PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à définir, pour la première fois en droit, le statut d’entrepreneur français à l’étranger.

Elle jette les bases d’un recensement qui permettra d’octroyer aux entrepreneurs français à l’étranger un label afin de les valoriser et d’en faire la tête de pont de notre diplomatie économique.

Ce texte reprend une partie des préconisations d’un rapport de la délégation sénatoriale aux entreprises, de décembre 2020, visant à renforcer la résilience des entreprises françaises à l’étranger.

Ses auteurs alertaient alors sur la situation des entrepreneurs français à l’étranger pendant la crise sanitaire, car beaucoup d’entre eux se sont trouvés dans des situations très préoccupantes, voire périlleuses. Ces entrepreneurs n’ont pas pu bénéficier des aides que le gouvernement de l’époque avait instaurées pour les entreprises implantées en France. Pourtant, ils participent à la valorisation de la France à l’étranger et, pour beaucoup d’entre eux, à l’essor des exportations françaises, car ils achètent en France les produits nécessaires à leur activité ou commercialisent des produits français.

Cela fait déjà longtemps que des travaux sont menés sur ce sujet, notamment au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger. Lorsque je siégeais à la commission du commerce extérieur, nous avions fait, avec mes collègues, des propositions pour remédier à l’absence de prise en compte, par le ministère des affaires étrangères, des très petites entreprises, qu’elles soient implantées en France et désireuses de se tourner vers le marché international, ou implantées à l’étranger, mais avides de recréer un lien économique avec la France.

À plusieurs reprises, le CNCCEF a souligné la petite taille de la majorité des structures créées par les entrepreneurs français à l’étranger : il s’agit bien souvent d’artisans, de commerçants, d’autoentrepreneurs, de PME et de TPE, qui contribuent directement ou indirectement au commerce extérieur de la France. Le manque de reconnaissance de leur valeur ajoutée pour notre pays pourrait décourager certains de revenir ou d’investir en France en y installant une filiale de l’entreprise qu’ils ont créée à l’étranger.

Nous avions demandé que soit mis en place pour les TPE et les entrepreneurs individuels un accès personnalisé, adapté à leurs spécificités, notamment financières, aux organismes d’aide aux entreprises et que soient faits pour eux les mêmes efforts que ceux qui ont été consentis pour les PME.

De telles aides peuvent susciter l’incompréhension en métropole, mais il ne faut pas sous-estimer l’interdépendance entre entrepreneurs de France et entrepreneurs français à l’étranger. La plupart des entreprises françaises à l’étranger contribuent très fortement à la chaîne de valeur du commerce extérieur de la France et, in fine, à la préservation de l’emploi en France.

Par ailleurs, CCI France international et les conseillers du commerce extérieur de la France constatent, depuis la pandémie, que ces entrepreneurs ont de plus en plus tendance à revenir en France, où leurs entreprises peuvent aussi prospérer.

Dans son article 1er, cette proposition de loi reprend la définition établie par le CNCCEF dans son enquête de 2020 : les entrepreneurs français de l’étranger sont des entreprises créées localement à l’étranger, fondées ou détenues en majorité par des citoyens de nationalité française implantés à l’étranger, sans relation capitalistique ou structurelle directe avec un établissement enregistré en France.

Néanmoins, nous partageons la volonté du rapporteur de privilégier une définition générale de l’entrepreneur français à l’étranger, qui ne soit pas trop limitative, compte tenu de la diversité des situations et des contraintes locales.

En tout état de cause, il reviendra au comité d’identification prévu à l’article 2 de prendre la décision finale d’octroyer ou non le statut d’entrepreneur français à l’étranger.

À cet égard, il nous paraît indispensable de réintroduire, comme le prévoyait initialement la proposition de loi, les ambassades dans le recensement des entrepreneurs français à l’étranger. Elles jouent un rôle pivot en termes de diplomatie économique et d’influence stratégique, notamment lorsqu’il s’agit de coordonner les stratégies des différents acteurs économiques implantés localement à l’étranger et de pénétrer des marchés. Leurs missions économiques œuvrent par ailleurs à l’implantation d’entreprises françaises à l’étranger. Elles sont ainsi l’un des interlocuteurs privilégiés de Business France, avec qui elles travaillent en étroite collaboration.

Par ailleurs, je défendrai un amendement visant à intégrer au comité d’identification les représentants des Français établis hors de France que sont les conseillers élus des Français de l’étranger, mais aussi les associations représentatives à l’échelon national des Français établis hors de France, au regard du rôle que la loi confère aux conseillers et conseillères des Français de l’étranger.

L’article 3 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France prévoit que le « conseil consulaire est chargé de formuler des avis », notamment sur des questions d’intérêt économique et social. L’article 3 du décret du 18 février 2014 relatif aux conseils consulaires, à l’Assemblée des Français de l’étranger et à leurs membres, autorise les conseils consulaires à recevoir « des informations concernant l’implantation locale des entreprises françaises ou de leurs filiales et leur activité ». C’est d’ailleurs à ce double titre que nous réclamons, depuis des années, par de multiples résolutions adoptées à l’Assemblée des Français de l’étranger, que les postes diplomatiques associent tous les conseillers et conseillères élus des Français de l’étranger aux conseils économiques et d’influence.

Les conseillers des Français de l’étranger et les représentants des associations reconnues d’utilité publique sont des acteurs de terrain. Souvent installés de longue date dans leur pays d’accueil – là où nos diplomates ne sont que de passage pour trois ans –, nos élus sont souvent une mine d’information et d’expertise, sous-exploitée.

Fins connaisseurs des dynamiques locales, ils sont souvent les mieux à même de repérer les entrepreneurs français à l’étranger, ou de faire connaître le recensement prévu à l’article 2 auprès des communautés françaises, y compris les plus éloignées des postes diplomatiques et consulaires. Il nous paraît donc essentiel d’associer au comité d’identification ce réseau d’élus et d’associations représentatives, qui constitue un maillage unique de notre « territoire » des Français de l’étranger.

Enfin, à l’article 3, nous nous réjouissons que la commission ait décidé que le nom du label dont bénéficieront les entrepreneurs français à l’étranger sera fixé par décret, afin que le plus grand nombre puisse se l’approprier. Si l’usage de l’anglais peut se justifier dans un contexte commercial international, il nous paraît nécessaire d’y accoler un équivalent français, comme c’est le cas, par exemple, de « Made in France », aussi dénommé « Fabriqué en France ».

Enfin, notre groupe proposera de prévoir quelques garde-fous dans l’octroi de ce label afin d’éviter que certains entrepreneurs, en contradiction avec l’esprit de la proposition de loi, ne cherchent, en s’établissant à l’étranger, à contourner le droit français, via des stratégies d’optimisation, voire d’évasion fiscales.

Les entrepreneurs français à l’étranger gardent souvent un lien fort avec la France, où ils s’approvisionnent en produits fabriqués chez nous. Par leur activité, ils soutiennent donc fortement les exportations françaises et contribuent au rayonnement de notre économie.

Nous voterons donc ce texte, qui permet de reconnaître les entrepreneurs français à l’étranger comme des maillons essentiels de notre commerce extérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l’étranger a du sens à bien des égards et peut se révéler utile pour la vie économique du pays, pour son rayonnement international et pour ses coopérations diplomatiques.

Nous ne sommes pas opposés par principe à cette proposition de loi, mais nous nous interrogeons sur ses trois articles, qui portent respectivement sur la définition de l’entrepreneur français à l’étranger, sur les modalités de recensement et sur l’octroi d’un label. Sur chacun de ces points, des zones de flou demeurent, s’agissant notamment des publics visés et de la finalité du dispositif.

J’évoquerai tout d’abord le public visé. Les entrepreneurs français à l’étranger constituent une myriade de réalités très différentes, au regard notamment des raisons qui les conduisent à s’établir à l’étranger.

M. Fabien Gay. Certains le font poussés par des événements de la vie, pour retrouver une partie de leur famille, rejoindre une conjointe ou un conjoint. D’autres, passionnés par un pays et sa culture, veulent y vivre, y travailler et s’y épanouir. C’est compréhensible, on ne saurait le leur reprocher.

Pour d’autres, enfin, les motivations sont différentes. C’est la raison pour laquelle il faut poser la question du public visé : certaines installations à l’étranger sont motivées par l’évasion ou l’évitement fiscal et prennent la forme de montages très bien ficelés entre des filiales et des sociétés mères.

Vous me direz que ce n’est pas illégal et qu’il s’agit plus d’optimisation que d’évasion fiscale. Certes, mais il y a là un angle mort dans la loi française, qui s’explique d’ailleurs bien plus par de la complaisance politique que par les difficultés à combattre le phénomène.

Dans une proposition de loi comme celle-ci, il faut préciser clairement la procédure d’identification des entreprises à l’étranger et aller au-delà des critères fixés à l’article 1er, afin d’établir les raisons qui motivent l’installation en dehors de France, les liens avec l’économie française et l’activité économique réelle.

À cet égard, l’article 3, qui prévoit la création d’un label « Made by French » – veuillez excuser mon anglais, très mauvais, chacun le sait ! (Sourires.) – soulève des interrogations majeures : pourquoi un tel label ? Pour qui ?

Mélanger, pêle-mêle, tous les entrepreneurs français à l’étranger – en se fondant sur la seule condition que le ressortissant français détienne 50 % des parts d’une société – n’est pas satisfaisant. Ce n’est pas encourager l’exportation et le rayonnement de nos savoir-faire et de nos compétences. C’est au contraire envoyer le message que le label peut à la fois bénéficier à celui qui travaille véritablement et qui porte un véritable projet dans son pays d’installation, et à celui qui ne s’installe que pour contourner l’imposition française, via des sociétés-écrans.

Il faudrait aussi poser la question des influenceurs, dont nous avons parlé il y a quelques semaines, exemple qui souligne bien la grande diversité des entrepreneurs français installés à l’étranger.

Installer sa boulangerie à l’étranger, travailler pour une grande boîte française qui ouvre une filiale à l’étranger ou monter son agence de conseil pour influenceurs : ce sont là des réalités différentes. Aussi le label unique qui nous est proposé pose-t-il problème.

J’évoquerai à présent la finalité du dispositif, sur laquelle notre groupe s’interroge. Cette proposition de loi s’apparente à une première étape, de recensement, d’identification et d’information. Mais recenser, pour faire quoi ensuite ?

Si l’objectif est d’aller vers des incitations à l’installation à l’étranger, qui pourraient s’apparenter à des aides, alors nous sommes formels : nous sommes contre. Nous sommes résolument contre le versement d’aides à des entrepreneurs qui partent s’établir sous un régime fiscal différent de celui de la France.

Si l’objectif est plutôt de faciliter le lien de ces entrepreneurs avec les services français, de leur permettre de bénéficier de conseils ou d’entretenir un lien plus fort avec la France, pourquoi ne pas travailler sur l’existant ?

En effet, une multitude de dispositifs existe déjà : chambres de commerce et d’industrie, France Business, chambres consulaires, ou d’autres labels comme celui de la French Tech. Pourquoi en ajouter un ? Dans quel but ?

Mes chers collègues, la portée et les objectifs du texte ne nous paraissent pas suffisamment explicites. Nous n’y sommes toutefois pas frontalement opposés : nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà longtemps que l’on cherche à définir la nationalité d’une entreprise implantée à l’étranger.

En fonction des critères retenus, elle aura accès à différentes aides d’opérateurs institutionnels dont la vocation est d’encourager l’export et le développement international des sociétés françaises.

Pendant la crise sanitaire, des appels ont été lancés à travers le monde pour alerter sur la situation de certains entrepreneurs français à l’étranger. CCI France international, présidée à l’époque par Renaud Bentégeat, et le Conseil national des conseillers du commerce extérieur de la France, présidé par Alain Bentejac, ont mené, dès 2020, une enquête pour recenser les entreprises françaises à l’étranger et identifier leurs besoins, face aux restrictions sanitaires qui, partout dans le monde, ont mis en péril leurs activités.

L’objectif était clair : leur faire bénéficier d’un filet de sécurité, afin d’éviter que ces acteurs méconnus et pourtant essentiels de la diplomatie économique française ne disparaissent.

L’Assemblée des Français de l’étranger, plus particulièrement sa commission du commerce extérieur, alors présidée par Geneviève Béraud-Suberville, avait proposé de très intéressantes pistes de réflexion.

M. Olivier Cadic. Depuis, nos collègues députés Anne Genetet et Stéphane Vojetta ont déposé une proposition de loi analogue à celle que nous examinons aujourd’hui.

Lors d’une table ronde organisée en novembre 2020 par Serge Babary, président de la délégation sénatoriale aux entreprises, j’avais proposé sept pistes d’action.

L’une d’elles consistait à cartographier les entreprises françaises ayant un impact positif sur notre commerce extérieur, afin d’identifier les opportunités de les accompagner si nécessaire.

Avec cette proposition de loi, l’objectif de nos collègues du groupe Les Républicains Évelyne Renaud-Garabedian et Jean-Pierre Bansard est de reconnaître et de soutenir les entrepreneurs français à l’étranger.

Je suis convaincu que ces entrepreneurs jouent un rôle essentiel. C’est pourquoi j’avais fait adopter un amendement à la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, présentée par Jean-Yves Le Drian, alors ministre de l’Europe et des affaires étrangères, pour reconnaître nos entrepreneurs à l’étranger et les soutenir, via l’Agence française de développement (AFD) – vous l’avez souligné, monsieur le ministre.

La loi prévoit déjà ainsi que « la France reconnaît le rôle actif des entrepreneurs français à l’étranger » comme vecteurs de l’efficacité de notre politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.

Je proposerai donc de modifier le titre de la proposition de loi et de l’intituler : « Identifier et valoriser les entrepreneurs français à l’étranger ». En effet, il me paraît important de donner une portée plus utile au texte, ainsi que l’a souhaité notre collègue Fabien Gay, en nous concentrant sur les entrepreneurs français à l’étranger qui ne sont pas étrangers à la France.

Pour ce faire, il convient, dans un premier temps, de les cartographier, de mesurer leur flux d’activités avec la France et de communiquer les données concernant l’impact de l’activité entrepreneuriale française à l’étranger.

La proposition de loi déposée par les sénateurs Garabedian et Bansard du groupe Les Républicains comptait 187 mots, répartis en trois articles : une minute et quinze secondes pour la lire, montre en main ! À trois mois d’une échéance sénatoriale, je félicite et remercie ses auteurs de leur concision.

Le texte de nos deux collègues assimilait les entrepreneurs français de l’étranger aux seuls Français chefs d’entreprise à l’étranger, majoritaires au capital de leur société. Nous étions loin de la start-up nation… Les entrepreneurs de la tech abandonnent pourtant très vite la majorité de leur capital aux fonds d’investissement ; ce sont pourtant de véritables entrepreneurs : ne les oublions pas !

Les trois articles du texte initial ont été judicieusement remaniés par le rapporteur de la commission des affaires économiques, Serge Babary, et je l’en remercie.

J’ai toutefois déposé huit amendements sur le texte de la commission afin d’y ajouter des précisions qui me paraissent importantes. Ils s’inspirent de mon expertise d’entrepreneur français au Royaume-Uni et d’échanges avec les entrepreneurs que j’ai rencontrés au cours de mes 483 déplacements.

À l’article 1er, je proposerai d’inclure la fonction de cadre dirigeant dans la définition de l’entrepreneur français de l’étranger afin que soient pris en compte tous les entrepreneurs.

La question des modalités du recensement prévu à l’article 2 reste entière. Des inquiétudes me remontent déjà sur le caractère intrusif, non désiré par des entrepreneurs binationaux en particulier, et sur le sort des données recueillies par ces comités de recensement. La notion de volontariat, qui n’apparaît pas, doit impérativement être précisée.

Une cartographie est nécessaire pour identifier les entrepreneurs. Comme toujours, pour atteindre sa cible, il faut la connaître. Il serait souhaitable que les conseils consulaires, dont la compétence économique est établie par la loi, soient associés, au même titre que les chambres et les conseillers du commerce extérieur.

L’article 3 crée un label. Je salue cette initiative, qui souligne le dynamisme entrepreneurial français dans le monde, déjà incarné par la French Tech. Le nom « Made by French » proposé par les deux sénateurs Les Républicains a été supprimé par la commission. Comme l’objectif de ce label n’est pas encore défini, le baptiser dès aujourd’hui reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs.

Je proposerai également que le label puisse être attribué automatiquement si les critères objectifs attendus sont remplis, afin d’éviter tout arbitraire et tout conflit d’intérêts au sein des comités.

Nous proposons également d’inclure dans la définition des entrepreneurs français à l’étranger des entrepreneurs qui ne commercialisent pas un savoir-faire particulier, mais qui œuvrent en faveur de l’attractivité de notre territoire. C’est le cas des conseillers financiers, qui favorisent l’investissement en France.

Il revient aux acteurs locaux de décider de l’opportunité de rendre public leur label ou pas. En effet, la publicité du répertoire des entrepreneurs labellisés peut être risquée dans certaines régions géopolitiquement instables. Voilà pourquoi je proposerai la suppression du quatrième alinéa de l’article 3.

Monsieur le ministre, vous déployez d’immenses qualités et faites preuve d’un dévouement total et exemplaire en soutien à nos entrepreneurs à l’étranger.

J’ai une grande confiance dans votre capacité à animer directement un tel label, mais je vous sais soucieux de respecter le droit de la concurrence, notamment le droit communautaire, ainsi que vous l’avez rappelé. C’est pourquoi j’avais déposé un amendement visant à restreindre votre action à la désignation de l’organisme chargé de délivrer ce label. Malheureusement, l’article 40 y a été opposé.

Pour que ce label ne connaisse pas le même sort que celui du Deutsche Qualität de nos amis allemands, il conviendra d’être prudent, si ce texte devait être examiné à l’Assemblée nationale, avec le rattachement du label au ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Si les Philippins de l’étranger sont des héros dans leur pays, c’est parce que tous leurs compatriotes restés au pays savent à quel point l’argent qu’ils renvoient chaque année est déterminant pour l’économie du pays.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à insérer un article additionnel dans le texte : il tend à prévoir que le Gouvernement communique annuellement les données globalisées des entreprises labellisées afin d’évaluer les flux financiers réalisés avec la France.

Nos compatriotes comprendront alors que les petits ruisseaux des entrepreneurs français à l’étranger font les grandes rivières de l’exportation française !

Notre groupe votera ce texte, en espérant que, à l’issue de notre débat, il ne restera pas qu’une initiative dont l’objectif resterait à définir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial.

M. Édouard Courtial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France ne manque pas de richesses qui font sa renommée et lui permettent de rayonner à l’étranger : une exception culturelle, des monuments millénaires, une gastronomie vivante – j’en sais quelque chose ! –, des paysages diversifiés, un art de vivre que tant de pays nous envient…

Mais il en est une autre dont j’ai pu très concrètement prendre la mesure lorsque j’ai eu l’honneur de participer au Gouvernement : ce sont ces femmes et ces hommes qui font le choix courageux d’entreprendre à l’étranger et qui portent des projets parfois novateurs et d’avenir au-delà de nos frontières.

Comme l’avait déclaré en 2021 le Président de la République : « Notre diaspora est une chance. » Ces entrepreneurs participent au terreau économique de leur État d’accueil, mais leur succès est également celui de notre pays, grâce notamment à la formation qu’ils ont reçue et aux liens qu’ils entretiennent avec leur patrie.

Ces biens et services qu’ils créent profitent aussi à la diaspora française sur place, entretenant un esprit de communauté qui fait vivre notre pays par-delà les mers et les continents. Ils participent également, bien souvent, au commerce extérieur de la France, qui, au regard de son déficit abyssal, en a bien besoin.

Pourtant, ces entrepreneurs, qui sont autant de relais de notre pays à l’étranger, souffrent d’un manque de reconnaissance, voire d’une indifférence coupable. La crise sanitaire a été une illustration criante de ce manque de considération. Elle a placé bon nombre d’entrepreneurs français à l’étranger dans des situations plus qu’inconfortables du fait de leur statut, ou plutôt de l’absence de statut. Cette proposition de loi vise à y remédier et je la soutiendrai.

Une définition légale de ce statut permet à la fois d’offrir à ces femmes et à ces hommes la reconnaissance qu’ils méritent, mais aussi de mieux appréhender leur situation particulière. L’exigence d’inscription au registre des Français établis hors de France permet de témoigner, de la part de l’investisseur, d’une volonté de maintenir des liens avec notre pays. En effet, cette inscription est une condition d’exercice des droits de vote lors des élections nationales.

En parallèle, le texte adopté par la commission, qui a assoupli les critères du texte initial, permet à un plus grand nombre d’entrepreneurs de bénéficier de ce nouveau statut légal. En outre, la diversité de leurs situations sera mieux prise en compte.

Le recensement des entrepreneurs français à l’étranger que prévoit le texte est un point essentiel, que je tiens à saluer. En effet, le nombre précis de ces entrepreneurs est aujourd’hui inconnu. Le réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises, le Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France et les autres acteurs du secteur estiment aux alentours de 130 000 le nombre d’entreprises créées et détenues par des Français à l’étranger.

La création d’une liste claire et actualisée de ces ressortissants à l’étranger contribuera à une meilleure appréhension et à un meilleur suivi du phénomène, tout en permettant aux services de l’État de les aider au mieux en cas de crise. Elle permettra également aux acteurs étrangers souhaitant faire appel au savoir-faire français de trouver un prestataire de qualité.

La commission a décidé de confier cette mission de recensement aux acteurs locaux plutôt qu’aux services diplomatiques, comme le prévoyait le texte original. En effet, une telle tâche aurait alourdi la charge déjà importante de nos ambassades et de nos consulats ; de surcroît, les acteurs en lien plus régulier avec le terrain sont un échelon judicieux pour la mener à bien.

Toutefois, la relative liberté accordée à ce comité doit nous conduire à nous assurer que le décret d’application garantira l’efficacité du recensement, afin de prévenir tout détournement hypothétique de ce label par des acteurs malveillants cherchant à tirer indûment profit de la renommée internationale de la France.

Nos entrepreneurs établis à l’étranger représentent un atout de taille et une chance pour notre pays. Véritables ambassadeurs économiques de l’excellence française où qu’ils se trouvent, ils contribuent aussi bien à la construction d’un réseau économique dense dans leur pays d’accueil qu’à la qualité de vie de la diaspora française.

Ils méritent donc toute notre reconnaissance pour leur travail et leur contribution au rayonnement international de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, pour commencer, de remercier à mon tour nos collègues Évelyne Renaud-Garabedian et Jean-Pierre Bansard, auteurs de la proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l’étranger, du travail qu’ils ont accompli.

La délégation sénatoriale aux entreprises a elle aussi travaillé sur la question des entrepreneurs français à l’étranger, en particulier notre ancienne collègue Jacky Deromedi, qui, en 2020, soulignait la difficulté d’appréhender correctement, cela a été dit par tous les intervenants, cette catégorie d’entrepreneurs, pourtant essentielle.

C’est indiqué dans le rapport : 2,5 millions de Français résident à l’étranger, dans 169 pays. C’est un nombre important.

Cette proposition de loi comporte trois articles : l’article 1er définit ce qu’est un entrepreneur français à l’étranger, l’article 2 prévoit le recensement de ces entrepreneurs et l’article 3 la création d’un label « Made by French ».

Il a souvent été dit que ces entrepreneurs contribuaient à la valorisation du savoir-faire français et au rayonnement de notre pays dans le monde. Lorsque nous participons, dans nos territoires respectifs – c’est mon cas, en tant que représentant du département des Ardennes –, aux assemblées générales des chambres consulaires – chambres de commerce et d’industrie, chambres de métiers et de l’artisanat ou des chambres d’agriculture –, nous veillons toujours à rappeler le mérite des entrepreneurs, quelle que soit la taille de leur entreprise.

Nos compatriotes installés aux quatre coins du monde, sur les cinq continents, jouent ainsi un rôle crucial d’ambassadeurs de notre pays.

Serge Babary a bien souligné dans son rapport le rôle fondamental que jouent les représentants des CCI françaises et les conseillers du commerce extérieur de la France. Il a également fourni des chiffres : on estime à 130 000 le nombre d’entreprises créées et détenues par des Français de l’étranger et à 500 000 le nombre de Français salariés par ces entreprises.

Il me semble essentiel de maintenir une collaboration étroite entre l’État et le monde économique, d’autant plus que plusieurs ministères sont concernés, tout en veillant à prendre en compte les contraintes propres aux chefs d’entreprise.

En conclusion, je soutiendrai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)