M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. Joël Bigot applaudit également.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer l’initiative de notre président, Jean-Claude Requier, auteur de cette proposition de résolution qui pointe du doigt un sujet certes bien connu depuis de nombreuses années, mais, hélas ! toujours aussi actuel.

Parler de crise du service public, c’est faire renaître une vieille marotte du discours sur l’administration française. Nous pourrions croire qu’il s’agit d’un phénomène né de l’émergence de ce que certains qualifient de néolibéralisme, qui a pu conduire à une forme de porosité de la frontière entre les sphères du public et du privé. Il y a là du vrai : il semble que le modèle de l’État providence ne soit plus, depuis longtemps, privilégié par nos institutions. Les politiques publiques favorisent désormais les interventions d’acteurs privés et tendent à restreindre l’État à ses seules missions régaliennes.

J’ai aussi le sentiment que le service public est né en crise et qu’il a toujours subi des vagues d’attaques et de remises en cause. Aussi, le Sénat en tant que représentant des collectivités territoriales, doit tout mettre en œuvre pour défendre cette pierre angulaire de la solidarité sociale et de la cohésion territoriale.

Le service public est le moyen d’assurer l’égalité dans notre pays : l’égalité de l’accès aux soins, aux transports, à l’école, aux services des impôts, à la sécurité ; d’ailleurs, sur ce dernier thème, nous traiterons dans quelques jours des moyens budgétaires de la justice. Ceux-ci devraient continuer d’augmenter et d’être significatifs dans les années à venir ; cette tendance doit s’élargir aux autres administrations.

Ce n’est pas la première fois que notre groupe s’inquiète de l’état des services publics dans notre pays, comme Jean-Claude Requier l’a rappelé tout à l’heure. Je pense aux travaux de Raymond Vall sur l’illectronisme et à ceux d’Alain Bertrand sur l’hyperruralité : ils soulignaient, l’un comme l’autre, à quel point nos territoires subissaient une forme de précarité administrative que le numérique était bien incapable de combler.

Voici deux ans, nous avons consacré dans la loi le principe de différenciation territoriale. Je crois qu’il faut qu’il soit associé aux services publics.

Le cas de la ruralité l’illustre parfaitement : derrière ce mot, nous trouvons des territoires aux caractéristiques souvent très différentes. La ruralité rassemble, comme les zones urbaines, des populations hétérogènes qui ont des modes de vie très différents.

Cette diversité est source de difficulté pour l’implantation des services administratifs, parce qu’il est nécessaire d’adapter les politiques publiques aux besoins de chaque territoire, au plus près de leurs habitants. Certes, il existe un socle commun de services indispensables, mais il est nécessaire d’adapter les dispositifs nationaux aux populations des zones rurales.

Cela doit passer par un accompagnement des projets locaux. Le groupe RDSE est à l’origine de l’initiative parlementaire qui a permis la mise en place de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Le bilan de son action est peut-être encore mince, mais cette insuffisance ne tient qu’à l’étendue des défis auxquels l’agence est confrontée.

Nous saluons également, dans un autre registre, la mise en place du réseau France Services, créé en 2019, et l’établissement de maisons de services au public, même s’il reste à parfaire le maillage territorial et à renforcer les services qui y sont apportés. Nous identifions des progrès à accomplir. De ce point de vue, le manque de moyens se fait largement sentir. Nous appelons donc de nos vœux la pérennisation des moyens déjà offerts, voire un accompagnement supplémentaire des collectivités qui ont relevé le défi de créer des espaces France Services.

Oui, la question des moyens est fondamentale. Nous pourrons établir tous les plans et schémas possibles – je pense aux schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public, ou encore aux schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires –, mais toute programmation sera vaine si elle ne s’accompagne pas de son pendant budgétaire.

Les réponses apportées à ces problématiques ne se trouveront pas dans le réflexe, hélas trop courant, de la dématérialisation. Certes, celle-ci permet d’éviter des files d’attente aux guichets ou des déplacements chronophages et, de ce point de vue, il faut y voir une facilité incontestable pour de très nombreux citoyens. Mais encore faut-il que l’administré soit à même de recourir à cet outil !

Je crois qu’il est possible de trouver d’autres solutions : le numérique n’a pas le monopole de la simplification. Au contraire, s’il simplifie parfois, il peut aussi priver certains usagers de toute autonomie.

J’entends donc la nécessité de poursuivre le développement de ces services numériques, mais il faut aussi les adapter pour nos concitoyens qui souffrent de ne pas savoir s’en servir. Surtout, il est impératif que la numérisation se fasse en parallèle, et non en lieu et place, du développement des guichets physiques, pour qu’il n’y ait pas de génération sacrifiée.

Toutes ces remarques vont dans le sens de la proposition de résolution dont nous débattons. Notre groupe votera donc unanimement en faveur de son adoption. (Exclamations sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il y a bien une prérogative à laquelle les Français n’ont cessé d’exprimer leur attachement, c’est celle de l’accès à leurs services publics.

Le service public est constitutif de notre identité française, comme en témoigne la multitude de secteurs auxquels il apporte son concours. Le haut niveau d’intervention qui est attendu de l’État doit s’accompagner d’un haut niveau d’efficience et de performance.

C’est pour ces raisons que le désengagement progressif de l’État dans certains territoires semble particulièrement déconcertant à nos concitoyens.

Le sentiment d’abandon gagne du terrain, le lien de confiance entre administrés et administration s’étiole. Il est plus particulièrement éprouvé dans les territoires ruraux qui, rappelons-le, rassemblent encore 88 % de nos communes et plus d’un Français sur trois.

Dans une logique de renforcement de la performance publique de l’État, illustrée en matière financière par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), les services publics ont opéré un vaste mouvement de transformation, parfois au détriment de leur accessibilité au grand public : fermetures de bureaux de poste, de trésoreries, de guichets Pôle emploi ou de la sécurité sociale ; déclassement des petites lignes ferroviaires du réseau d’intérêt local ; fermeture de lits d’hôpitaux… Et quasi systématiquement, la compensation apportée a été insuffisante pour assurer leur bonne performance.

Par ailleurs, la hausse de fréquentation de certains services n’a pas toujours été accompagnée d’une hausse adéquate des moyens. Par exemple, le guichet de paiement des amendes de Seine-Saint-Denis, bien qu’il couvre une population de plus de 1,6 million d’habitants, ne propose que neuf heures d’ouverture hebdomadaires au public. Voilà une belle illustration d’un dysfonctionnement sérieux d’un service public pourtant indispensable à la vie quotidienne de milliers d’individus.

Si elle témoigne d’un investissement déterminant de l’État dans le numérique, la dématérialisation des procédures administratives est, hélas ! intervenue à marche forcée pour nombre de nos concitoyens.

Mme Denise Saint-Pé. C’est vrai !

M. Antoine Lefèvre. Je rappelle que plus de 14 millions de Français éprouvent encore des difficultés à comprendre et utiliser des plateformes digitales des services publics.

Dans mon département de l’Aisne, l’État a mis sur pied en mars 2021 un vaste plan quadriennal de lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme, qui se décompose en quatre axes et vingt actions consacrées à l’amélioration de l’offre de formation à destination des personnes en difficulté. De telles démarches doivent être encouragées et approfondies partout dans le pays.

Les zones blanches téléphoniques demeurent une autre préoccupation majeure des territoires concernés, autant que l’absence de très haut débit. Il est indispensable que l’État affermisse son rôle de contrainte auprès des opérateurs.

Parmi les solutions déjà engagées pour résorber le problème, le recrutement de conseillers numériques ou le fléchage de 250 millions d’euros dans le cadre du plan France Relance constituent des éléments encourageants, mais qui demeurent bien insuffisants compte tenu de l’ampleur de la fracture numérique.

Afin d’approfondir ces solutions, une réflexion élargie devra peut-être porter, à terme, sur le rôle des territoires pour notre République et sur le niveau de confiance que le Gouvernement sera disposé à accorder à ceux-ci.

En somme, il semble inacceptable, à long terme, de gérer des services régissant la vie quotidienne de nos concitoyens selon une vision purement comptable et financière. Aussi, le maintien d’un interlocuteur physique en dernier recours est l’une des préconisations mises en valeur par la proposition de résolution. Il doit rester la règle et non l’exception.

De plus, l’accent doit être mis sur l’attractivité des métiers de la fonction publique, en relation avec l’usager. Un tel objectif passera nécessairement par une revalorisation des carrières et des grilles indiciaires.

Dans les territoires, la constitution de pôles centralisés, mutualisés et faciles d’accès doit se poursuivre. Les progrès permis par le déploiement des 2 378 maisons France Services – selon un comptage de janvier 2022 – doivent être salués. Toutefois, l’accessibilité de ces dernières peut être améliorée, moins de 25 % d’entre elles étant, à l’heure actuelle, accessibles en transports en commun.

En outre, les acteurs locaux ont un rôle à jouer, sinon en substitution, du moins en complémentarité avec les administrations publiques. À cet égard, les missions locales ont prouvé leur valeur ajoutée pour renforcer l’action de Pôle emploi dans les politiques d’insertion et d’accompagnement des publics les plus éloignés de l’emploi.

Au bout du compte, le véritable enjeu de l’accès aux services publics est celui de l’accès à la démocratie. Pour fonctionner, la démocratie doit être intelligible pour les citoyens. Les services publics doivent donc agir au service de cette intelligibilité.

Notre groupe salue l’ambition et la portée de la proposition de résolution de nos collègues du groupe RDSE et il la votera. J’en profite pour rappeler avec force la constance du Sénat, qui, depuis une dizaine d’années, rend régulièrement des travaux et ne cesse de tirer la sonnette d’alarme sur la désaffectation des services publics dans les territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE. – Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Martine Filleul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les services publics jouent le rôle fondamental de servir l’intérêt général, en soustrayant certaines activités à la logique du marché et à la recherche du profit. Il nous appartient de protéger cet héritage, dont le délitement progressif érode la base de notre contrat social.

La dématérialisation de l’administration à 100 % provoque un sentiment d’abandon et cristallise les tensions.

Ces tensions, on les observe tout d’abord chez les Français : 13 millions de personnes sont en situation d’illectronisme, véritable illettrisme du XXIe siècle. Contrairement aux idées reçues, toutes les classes sociales et toutes les générations sont touchées, bien que l’illectronisme soit davantage répandu parmi nos concitoyens les plus précaires, pour lesquels l’accès à l’information et à leurs droits est plus que primordial.

De surcroît, même ceux qui utilisent aisément les outils numériques sont confrontés à la complexité des procédures, au jargon employé, aux erreurs de dossiers, qui sont autant d’obstacles à la jouissance des droits.

Mes chers collègues, souvenez-vous : autrefois, on remplissait comme on pouvait un formulaire Cerfa et, une fois au guichet, on le complétait avec un agent du service public. Dorénavant, ce même formulaire Cerfa a été dématérialisé et il n’est plus possible de s’entretenir avec un agent. Par souci d’économies, l’usager est devenu un agent du service public.

Ces tensions, on les observe ensuite chez les élus locaux : cette dématérialisation à marche forcée des services publics a été encore plus douloureusement vécue dans le monde rural.

Je le constate chaque semaine lorsque je rencontre les maires de mon département, dont les secrétaires de mairie sont sursollicités par les administrés pour les assister dans leurs démarches, à tel point que la collectivité est souvent obligée de soutenir complémentairement des associations. Une nouvelle fois, l’État se décharge sur les communes !

Alors oui, le dispositif des conseillers numériques représente une première étape dans le processus de montée en compétence numérique des citoyens et mérite par conséquent d’être fortement renforcé. Quant à celui des maisons France Services, il offre un service très inégal selon les endroits : si certaines apportent toute satisfaction, d’autres sont de réelles coquilles vides.

Mais, contrairement aux déclarations du Gouvernement, de nombreux Français ne se voient proposer aucune alternative physique ou téléphonique – la Défenseure des droits l’a rappelé très récemment.

Il est urgent et plus que nécessaire de mettre en œuvre une véritable politique publique d’inclusion numérique, qui soit cohérente, complète et digne de ce nom. Celle-ci doit s’attaquer au problème par toutes les cibles et par tous les angles. Pour cela, elle doit être financée à la hauteur de l’enjeu.

Pour traiter ce mal à la source, l’école est le premier des leviers, par un apprentissage plus approfondi des outils numériques. De plus, le développement de l’« aller vers » est incontournable.

Ainsi, la question de l’accès aux services publics est bien celle de l’accès aux droits, qui est rendu plus difficile pour certains, au point de virer, pour les naufragés du numérique, à la détresse humaine et sociale.

Renforcer tous les modes d’accès aux services publics est un impératif auquel nous souscrivons. Le groupe socialiste votera donc cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’y aura pas de République sans services publics sur nos territoires ! Ce slogan pourrait résumer l’ambition des auteurs de cette proposition de résolution, et nous ne pouvons qu’y souscrire.

Il faut immédiatement ajouter que le numérique ne pourra pas totalement se substituer aux services publics traditionnels. C’est une question essentielle, à laquelle les auteurs de cette proposition de résolution ont consacré, à juste titre, l’essentiel de leurs développements.

Les limites du numérique sont connues.

La première de ces limites est la persistance de l’illectronisme, fléau à l’origine de multiples fractures : une fracture générationnelle, puisque les seniors sont souvent moins à l’aise avec l’informatique que les jeunes ; une fracture sociale, car les classes populaires sont plus facilement perdues par le numérique que les classes aisées ; enfin, une fracture territoriale entre urbains et ruraux.

En effet, loin d’aider les territoires ruraux, la dématérialisation des services publics ne fait que les enclaver un peu plus, d’autant qu’ils se heurtent à un problème d’accès matériel au numérique. C’est tout le problème du déploiement de la fibre et de la couverture des zones blanches.

Hélas ! la fibre est trop fréquemment déployée à la hussarde. C’est pour faire cesser ces pratiques que le Sénat a voté la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, dont nous espérons qu’elle sera féconde. L’examen de cette proposition de résolution est une bonne occasion, monsieur le ministre, de vous interroger de nouveau sur vos intentions vis-à-vis de ce texte.

La seconde grande limite du numérique pour renforcer l’accès de tous aux services publics tient au fait que tous les services publics ne sont pas numérisables.

Il en va ainsi de l’école. Au sein du premier degré de l’enseignement public, les effectifs scolarisés ont certes amorcé une décrue au cours des dernières années, mais cela ne doit pas impliquer de supprimer des postes à due proportion !

En effet, de telles suppressions de postes n’ont pas les mêmes conséquences selon qu’elles interviennent en zone rurale, où les classes restantes seront surchargées, ou en zone urbaine, où la redistribution des effectifs dans des classes ou des établissements de proximité est plus aisée.

C’est pourquoi une véritable approche prospective territoriale doit être adoptée, en évaluant les situations au cas par cas, afin de prendre en compte l’urbanisation à venir des territoires et non les effectifs à l’instant t.

De plus, des effectifs moins élevés dans les classes permettront des enseignements de meilleure qualité. Notre classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) devrait s’en trouver amélioré.

Mais l’école est loin d’être le seul service public non numérisable à régresser ; il en va de même pour le service postal. Compte tenu de la récente et très importante réévaluation de la mission d’aménagement du territoire confiée à La Poste – qui a porté son montant net à 325 millions d’euros –, il apparaît paradoxal que des décisions soient prises, dans les départements, de fermer des bureaux ou d’en diminuer les horaires d’ouverture, sans concertation à l’échelle des bassins de vie, alors que cela remet en cause l’aménagement du territoire en zone rurale.

Pour toutes ces raisons, je ne peux que remercier les membres du groupe RDSE d’avoir déposé cette proposition de résolution ; le groupe Union Centriste la votera évidemment. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Martine Berthet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution – tout comme le débat d’hier sur la France rurale face à la disparition des services au public – pointe toute l’importance des services publics dans l’attractivité et le dynamisme de nos territoires, en matière de droits sociaux, d’emploi, de santé, d’éducation, de mobilité, d’économie, d’état civil ou de justice, autant de domaines essentiels à la vie quotidienne de nos concitoyens.

Si des politiques publiques palliatives ont été mises en œuvre au fil du temps, la notion même d’accessibilité aux services publics, qu’elle soit physique – par les transports – ou intellectuelle – face à l’illectronisme –, a été trop souvent oubliée.

Parmi les mesures récentes, le déploiement des 2 600 maisons France Services est notable et apporte un premier niveau de satisfaction. Mais au moment où le Gouvernement entend lancer le nouveau dispositif France Ruralité, beaucoup reste à faire, monsieur le ministre. Si chacun dispose effectivement d’une maison France Services à trente minutes de chez lui, comme nous l’a affirmé hier votre collègue Dominique Faure, cela reste loin : cela coûte du carburant, qui est cher, à ceux qui ont une voiture ; quant aux autres, comment peuvent-ils s’y rendre ?

L’engagement de l’État vis-à-vis des collectivités territoriales est indispensable pour apporter de la visibilité à ces dernières et pérenniser le dispositif. Sa participation au coût de fonctionnement des maisons France Service, pour être à la hauteur des besoins, doit être portée à 50 000 euros.

Par ailleurs, il est nécessaire que les opérateurs jouent pleinement leur rôle du second niveau en étant réactifs aux questions des agents d’accueil des espaces France Services. On observe trop souvent des inégalités de réponse des opérateurs selon les départements et d’un opérateur à un autre. Ils doivent respecter les critères : les maisons France Services ont été auditées pour être labellisées, contrairement aux opérateurs. Ils se doivent aussi d’assurer la formation continue des agents France Service, de façon régulière et pertinente.

Je remarque que, malgré les engagements pris par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), les fiches de poste de ces agents n’ont toujours pas été réalisées.

Pour terminer sur les maisons France Services, leur déploiement doit s’adapter aux contextes locaux. Je pense aux territoires de montagne et touristiques, qui sont pénalisés par une lecture stricte des critères concernant l’ouverture et le nombre de personnels d’accueil en période creuse. Ainsi, les espaces saisonniers de mon département de la Savoie n’ont pas tous pu être labellisés.

Le maillage de ces espaces doit aussi s’effectuer en milieu urbain, car ce sont à présent les villes qui souffrent de la fermeture des accueils des opérateurs.

Il est nécessaire d’articuler les acteurs et les démarches selon les différentes échelles territoriales : le lien avec les communes doit être assuré pour une bonne information et une bonne orientation des administrés et des schémas de service au niveau territorial, comme les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDAASP), ont montré toute leur utilité pour le dialogue entre les collectivités, les opérateurs, France Services, l’État et le département. L’animation départementale des maisons France Services est importante, car les conditions de fonctionnement, d’encadrement et d’implication sont très différentes des unes aux autres.

Le 4 mai dernier, en réponse à ma question écrite du 29 septembre 2022 concernant la prolongation des SDAASP, vous m’avez indiqué, monsieur le ministre, qu’une mission relative aux modalités d’accès aux services publics était en cours. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je ne peux achever mon intervention sans aborder la question du numérique.

Tout d’abord, une simplification des portails des opérateurs nationaux, des formulaires et du vocabulaire est plus que souhaitée, comme l’ont notamment appelé de leurs vœux le Défenseur des droits et la Cour des comptes.

De plus, les politiques d’inclusion numérique à destination des différents publics doivent être amplifiées et un chef de file de l’inclusion numérique doit être désigné afin de garantir la coordination et l’égalité territoriales.

Enfin, le déploiement du très haut débit, qui paraît être, en 2023, indispensable à la vie dans nos territoires, ne va pas assez vite. Il s’agit pourtant d’une condition sine qua non pour accéder à l’ensemble des services dématérialisés, y compris la télémédecine et le télétravail.

Pour conclure, le déploiement du numérique pour un meilleur accès aux services publics ne doit pas occulter l’intérêt des locaux physiques de proximité. Les réseaux thématiques de proximité, dont l’accueil social de proximité, doivent être conservés, de même que l’accès aux opérateurs, car il est nécessaire que l’ensemble de nos concitoyens disposent d’un interlocuteur identifié et opérationnel. C’est tout l’objet de cette proposition de résolution.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de résolution incitant le Gouvernement à renforcer l’accès aux services publics, notamment l’accès à la santé, si préoccupant dans nos territoires ruraux.

Ce texte insiste sur la nécessité de renforcer tous les modes d’accès aux services publics et de prévoir, dans le même temps, un partenariat plus équitable entre l’État et les collectivités locales. Il fait état du besoin de proximité que nos concitoyens vivant dans des territoires ruraux expriment très largement en matière d’accès aux services publics.

En effet, ces dernières années, les communes rurales ont été particulièrement affectées par le regroupement et la disparition des services publics, qui se sont accompagnés d’une dématérialisation croissante des démarches administratives. Or ce phénomène pose, en creux, la question de l’égalité d’accès des citoyens à leurs droits.

À l’heure actuelle, 13 millions de Français sont touchés par l’illectronisme. La population concernée étant souvent âgée et précaire, la numérisation croissante des services publics peut avoir pour elle des effets délétères, et lui faire ressentir, au bout du compte, une forme d’abandon de la part de l’État. Si plusieurs dispositifs ont été déployés pour y remédier, des angles morts non négligeables demeurent.

Dans ce contexte, nous pouvons définir trois axes d’action pour améliorer l’accès aux services publics dans nos territoires, en prenant en considération le paramètre numérique.

Tout d’abord, pour rendre accessibles les services publics dématérialisés, notre infrastructure technique doit être renforcée partout sur le territoire. Or des différences substantielles de débit des connexions internet subsistent entre les zones urbaines et les zones rurales.

Faute d’un déploiement complet de la fibre, la connexion internet de certains territoires repose toujours largement sur le réseau en cuivre, qui est voué à disparaître en 2030. La diminution des budgets d’entretien, la sensibilité du réseau et sa vulnérabilité en cas de coupure d’électricité suscitent de nombreuses inquiétudes, notamment sur les capacités de communication avec les services publics de secours. Des réponses adaptées doivent être apportées.

Ensuite, si nous voulons garantir l’accès de tous aux services publics, il faut renforcer les dispositifs d’assistance et d’accompagnement numérique des populations en situation d’illectronisme. En effet, alors que les démarches administratives numériques ne nécessitent plus – ou de moins en moins – l’intermédiaire d’un agent expérimenté, certains usagers se retrouvent livrés à eux-mêmes et finissent par renoncer à leurs droits.

Des conseillers numériques ont été déployés, mais leurs contrats sont temporaires, avec une part dégressive de financement par l’État. Malgré l’annonce de mesures de pérennisation, les modalités de financement et de professionnalisation de ces emplois restent floues.

Les personnes concernées par l’illectronisme sont très souvent isolées, précaires ou âgées. Elles n’ont pas toujours les moyens de s’équiper en matériel informatique ou la capacité de se déplacer pour suivre des ateliers de formation. Ces populations se concentrent très souvent dans les zones de revitalisation rurale.

Il convient donc de cibler ces publics plus vulnérables et de mieux former les acteurs des services publics qui peuvent les accompagner dans leurs démarches. Il est également essentiel de garantir d’autres moyens d’accès aux services publics. Un accès par voie exclusivement numérique est inenvisageable à l’heure actuelle. Monsieur le ministre, nos concitoyens demandent des relations humaines ; cela me semble justifié.

Enfin, je rappelais au début de cette intervention que l’État a fourni quelques efforts pour accompagner la numérisation des services publics, notamment la création des structures labellisées France Services et des schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public. Toutefois, ces dispositifs manquent de lisibilité et de clarté : ils se superposent à l’action des maires, de l’Agence nationale de la cohésion des territoires ou des préfets.

Il nous faut donc gagner en cohérence, en structurant les différentes échelles d’action. Des collectivités concourent à la réalisation de services publics qui ne dépendent pas toujours d’elles, mais qui mobilisent pourtant leurs moyens propres. Le financement actuel de ces coûts par l’État laisse des restes à charge importants. Si le Gouvernement a annoncé le déblocage de fonds supplémentaires, il serait souhaitable de mettre en place un système de financement pérenne et équitable.

De plus, le maillage territorial des maisons France Services gagnerait à être affiné et complété, par exemple par des services itinérants, afin de rendre plus facile l’accès au dernier kilomètre pour les personnes qui ne se déplacent que difficilement. Monsieur le ministre, la question de la mobilité demeure un enjeu majeur, notamment dans nos territoires ruraux.

Ainsi, cette proposition de résolution pourra servir de base à une réflexion autour d’une stratégie claire et de long terme afin de rétablir la proximité et l’accessibilité des services publics partout et pour tous, en lien avec nos communes et nos élus.

C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains votera pour son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE. – M. Daniel Chasseing et Mme Denise Saint-Pé applaudissent également.)