M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à l’inflation qui combine les effets de la sortie de la crise sanitaire et le bouleversement géopolitique de la guerre en Ukraine, nous avons fait le choix, parmi une batterie de mesures visant à protéger les Français, d’instaurer un plafonnement exceptionnel de l’IRL à 3,5 %, appliqué également à la variation de l’ILC pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Cette mesure avait été proposée par notre groupe l’an passé au travers d’un amendement de notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne, identique à celui de la présidente Nathalie Delattre. Nous devons désormais nous prononcer sur l’éventuelle prolongation de l’application de ces deux mesures.

Nous sommes d’accord, les délais d’examen de cette proposition sont très courts et nous aurions pu anticiper la prolongation de ces mesures. J’y insiste cependant, il ne s’agit pas ici d’un vote sur le calendrier d’examen du texte, mais sur le maintien, ou non, d’un dispositif protecteur compréhensible par les Français.

Reconnaissons d’ailleurs que nous aurions pu nous saisir du sujet : chaque groupe aurait pu déposer un texte pour proposer des modalités d’application différentes.

Madame le rapporteur, hier, en commission, vous avez déploré l’impossibilité d’organiser un cycle d’auditions compte tenu des délais. Je le regrette également, car cela nuit à la qualité des travaux de notre assemblée, d’autant plus que vous avez eu l’amabilité de bien vouloir reprendre les travaux en cours.

Je note que le rapporteur de l’Assemblée nationale, Thomas Cazenave, a réussi à auditionner dix organismes en trois auditions communes et à tenir compte de quatre contributions écrites, dont celle de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). Dans l’hypothèse où un tel cas de figure d’urgence se reproduirait, un meilleur travail pourrait être réalisé entre les assemblées, avec des auditions communes des rapporteurs des deux chambres.

Le Parlement doit prendre le temps nécessaire pour mieux légiférer. Le temps parlementaire n’est pas accessoire et, à l’avenir, nous souhaitons une meilleure anticipation des mesures législatives provisoires.

Cela étant, le Sénat est capable, grâce à ses exceptionnels fonctionnaires, de légiférer dans l’urgence quand la situation l’exige.

Les deux articles de ce texte de loi sont facilement compréhensibles et ont déjà fait l’objet d’une expertise juridique l’été dernier ; on sait ainsi qu’un gel des loyers risquerait d’être censuré par le Conseil constitutionnel.

Mes chers collègues, nous avons chacun nos convictions, et elles sont respectables. Mais le rapport à charge contre ce texte dépasse largement la problématique visée.

Nos collègues de la gauche sont favorables à un gel des loyers ou à un plafonnement à 1 %. C’est une position claire, que notre groupe ne partage pas.

Il y a une grande absente dans le rapport présenté, et je ne puis croire qu’elle soit volontaire, tant elle est essentielle pour comprendre l’esprit du texte : que prévoyez-vous pour les Français en cas de rejet des prolongations ?

Les estimations montrent que l’ILC et l’IRL resteront à un niveau élevé, probablement autour de 6 % en glissement annuel, pour atteindre progressivement 3,5 % au deuxième trimestre de l’année 2024. Dès le mois de juillet 2023, la croissance de 6 % des loyers des locataires, des TPE et des PME est possible.

Mes chers collègues, je sais que la majorité sénatoriale n’est pas le parti de la pressurisation des Français. Mais quelle autre solution proposez-vous dans la situation d’urgence qui est la nôtre, pour protéger les Français dès le 1er juillet ?

Personne ne peut s’arroger l’apanage de la défense du pouvoir d’achat des Français, même s’il n’est pas rare que ce soit le cas chez certains de nos opposants. Il s’agit de décider, non de gloser.

Ce texte étant présenté dans des délais très contraints, la concertation n’a pu être menée, et nous le regrettons. Mais rejeter le texte, même pour des motifs de forme compréhensibles, ce serait laisser penser que nous serions prêts à laisser les Français et les entreprises subir une éventuelle explosion des loyers.

Notre dispositif doit rester exceptionnel, afin de maintenir l’attractivité des investissements dans la construction, mais nous devons impérativement le prolonger tant que les Français subiront une inflation exceptionnelle provoquée par des événements exogènes aux cycles économiques naturels.

Le Président de la République a promis de tout mettre en œuvre pour protéger les plus faibles dans la tempête que le monde traverse depuis la crise de la covid-19 et la guerre en Ukraine. C’est notre ligne.

Pour ces raisons, le groupe RDPI votera contre la question préalable et réaffirme son soutien plein et entier à cette proposition de loi qui protège les locataires et les commerçants. Mes chers collègues, je vous invite à la voter conforme.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les effets de l’inflation se font sentir depuis février 2022 et n’épargnent aucun secteur. Ils imposent à nombre de familles d’arbitrer entre différents postes de dépenses. Parmi ces derniers, un secteur ne devrait être assujetti à aucune restriction : celui du logement, alors que les difficultés pour accéder à ce droit fondamental et s’y maintenir s’aggravent.

Les charges associées au logement grèvent fortement les dépenses des ménages. Elles peuvent constituer jusqu’à 36 % de leur budget mensuel pour les locataires du parc social et dépasser les 40 % pour les locataires du parc privé.

C’est pourquoi la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat avait prévu un plafonnement à 3,5 % de l’indice des loyers commerciaux pour les PME et les TPE et de l’IRL pour les ménages.

Or la date d’expiration de cette mesure est dans moins d’un mois. Face à l’imminence de cette échéance, le Gouvernement a formulé, une fois de plus en urgence, la proposition de loi que nous devrions examiner aujourd’hui, visant à maintenir ce dispositif jusqu’au premier trimestre 2024.

En optant pour une proposition de loi, le Gouvernement nous prive de toute concertation préalable, de toute évaluation de la situation du pouvoir d’achat des Français, de toute étude d’impact concernant les répercussions financières du texte pour les bailleurs, privés et sociaux.

Certes, le maintien de ce dispositif de plafonnement se veut équilibré, en faisant contribuer propriétaires et locataires, mais nous déplorons l’absence de mesures compensatoires pour les bailleurs.

Le plafonnement des indices locatifs constitue pourtant une pression financière additionnelle sur leur budget, alors que leur capacité d’action est déjà entravée par la multiplication par plus de trois des taux d’emprunt, indexés sur la rémunération du livret A, ainsi que par la diminution du loyer de solidarité, qui représente pour eux une perte annuelle de 1,3 milliard d’euros.

Lors de l’examen de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, il y a moins d’un an, nous avions sollicité un suivi de l’impact de cette mesure de plafonnement sur les familles des locataires et sur les impayés de loyer, ainsi que, si nécessaire, la mise en place d’une clause de rendez-vous.

L’évolution du coût du logement était prévisible. Son augmentation devait être anticipée et maîtrisée. Cela n’a pas été le cas. Nous avons exposé tous les manques entourant l’examen de ce texte et nous partageons les profondes réserves de la commission, ainsi que ses critiques quant à la méthode du Gouvernement.

Pour autant, nous ne pouvons ignorer combien les mesures proposées sont indispensables, compte tenu de l’urgence sociale induite par le contexte inflationniste. Il est de notre devoir d’assister les familles fragilisées et de soutenir nos PME et TPE en souffrance.

Les dispositions de cette proposition de loi doivent bénéficier aux ménages et aux petits commerces, mais le principal écueil de ce texte réside précisément dans cette situation d’urgence, laquelle aurait pu être évitée.

Cependant, ce texte aura eu le mérite de lever les derniers doutes quant à votre volonté politique de traiter le problème du logement en France : l’absence totale d’anticipation dont vous faites preuve est à cet égard révélatrice.

Outre qu’il ne s’est pas préparé à l’expiration du dispositif de plafonnement, le Gouvernement a-t-il, depuis juillet 2022, proposé une politique de logement adaptée aux familles modestes ? Il a peut-être manqué de réflexions sur le sujet ; notre assemblée n’a pas cessé d’être force de proposition, mais toutes nos suggestions sont restées lettre morte.

Depuis 2017, les réformes successives voulues par le Président de la République ont entraîné une diminution de 11 milliards d’euros des fonds consacrés au logement : baisse des aides personnelles au logement (APL), mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS), ponction sur Action Logement et conditions d’obtention du prêt à taux zéro (PTZ) encore plus restrictives.

Preuve de votre désintérêt total pour les plus précaires, le premier texte sur le logement de ce nouveau quinquennat, la fameuse proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat, pénalise surtout les locataires en situation d’impayés de loyer, en les menaçant d’une amende de 7 500 euros et en accélérant les procédures d’expulsion.

Monsieur le ministre, j’attire tout particulièrement votre attention sur la situation des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). En 2022, la moitié des organismes HLM a enregistré une augmentation de plus de 10 % du nombre de loyers en retard de paiement de plus de trois mois.

Cette tendance va se confirmer en 2023. Les élus et les associations attendent de l’État un véritable plan d’urgence répondant aux enjeux économiques, écologiques et sociaux des quartiers populaires. Traiter la question du logement sous un angle uniquement comptable est une erreur qui va coûter très cher à notre cohésion sociale.

Nous ne cessons de vous alerter sur ce point, mais votre gouvernement choisit de rester sourd. Dont acte ! L’absence d’une véritable politique du logement crée toutes les conditions d’une bombe sociale. Lorsque celle-ci explosera, vous en porterez la responsabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mmes Valérie Létard et Brigitte Lherbier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon les données de l’Union sociale pour l’habitat (USH), les deux tiers des offices HLM ont constaté une augmentation du nombre de ménages en difficulté financière en décembre 2022. Cette tendance préoccupante est largement liée à l’explosion des factures de gaz et d’électricité, qui s’ajoutent aux loyers.

Prolonger le double plafonnement des loyers, comme le prévoit ce texte, n’est donc pas une solution suffisante face au coût réel du logement, qui croît en même temps que les charges.

Nous partageons la volonté de maîtriser le coût des loyers, mais il nous semble déplacé, et même risqué pour l’avenir de la construction de logements et pour la transition énergétique, de faire porter le poids de cette mesure exclusivement sur les propriétaires, alors que ceux-ci sont déjà affectés par des réglementations onéreuses au service d’enjeux énergétiques déterminants.

Tout autant touchés par l’inflation que les autres, ils ne sauraient être les variables d’ajustement d’enjeux sociaux, d’accès au logement et de transition climatique et énergétique. Nous refusons de les voir utilisés comme palliatifs à une véritable stratégie gouvernementale ambitieuse et structurelle.

Le groupe Union Centriste réclame donc la mise en œuvre d’une politique globale comportant une remise en question rapide de la RLS, ainsi qu’une revalorisation tout aussi rapide des APL.

Dans la conjoncture inflationniste, et après une économie estimée à plus de 4 milliards d’euros depuis 2018, ces mesures s’imposent à l’État. Elles répondent aux besoins d’investissement comme à la problématique des ménages en difficulté, sans pour autant reporter le problème sur les propriétaires, notamment les plus petits d’entre eux, qui sont souvent des retraités dépendants de ce complément de revenus.

Concernant l’accession à la propriété, espoir qui anime encore aujourd’hui des millions de Français, dans un marché immobilier en chute libre, le volume mensuel des ventes a reculé de 15 % sur un an. Les coûts de construction explosent, alors que la flambée des taux de crédit immobilier rend l’accession encore plus aléatoire dans un contexte de pouvoir d’achat dégradé.

Plutôt que d’empiéter sur la capacité d’investissement et de rénovation des propriétaires, la priorité est de redonner des marges financières aux investisseurs et aux Français, pour que ces derniers concrétisent leur projet de vie : devenir propriétaires de leur logement.

À la fin de 2022, quelque 2,4 millions de ménages attendaient de bénéficier d’un logement social. Parallèlement, le nombre de permis de construire accordés entre décembre 2022 et février 2023 a chuté de manière inédite, de près de 30 % en un an. La réalité, monsieur le ministre, c’est que les choix politiques de votre gouvernement vont à l’encontre des besoins.

La méthode d’examen de ce texte illustre une fois de plus une dérive des pratiques démocratiques, comme si le Parlement n’était plus le lieu d’expression de la démocratie, mais une simple chambre d’enregistrement des desiderata du Gouvernement.

Nous savons faire vite et bien, monsieur le ministre, mais il serait préférable pour les Français d’éviter la méthode consistant à bâcler le travail que vous nous imposez. Nous réclamons un débat et une loi sur le logement de grande envergure, en faveur des acheteurs, des investisseurs et du logement social, pour relever les nombreux défis qui se présentent à nous.

Pour cette raison, le groupe Union Centriste ne votera pas la motion tendant à poser la question préalable, qui nous priverait de débats, non plus que cette proposition de loi partielle et partiale, qui ne résout en rien les causes profondes de la crise du logement à laquelle nos concitoyens sont confrontés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il semble que l’adage selon lequel « les bonnes habitudes ne se perdent pas » ne s’applique guère au Gouvernement et à la majorité présidentielle. Une fois encore, ceux-ci démontrent, avec cette proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs, leur préférence pour les mauvaises habitudes.

S’agissant d’une proposition de loi, déposée en catimini par des députés de la majorité, plutôt que d’un projet de loi émanant du Gouvernement, ni travail préparatoire, ni concertation, ni étude d’impact des mesures proposées, ni avis du Conseil d’État n’ont été permis.

S’y ajoute l’engagement de la procédure accélérée, qui impose un examen du texte dans l’extrême urgence : il ne nous a été laissé qu’une semaine pour élaborer un rapport et une journée seulement sépare l’examen du texte en commission de son passage en séance publique…

Comment espérez-vous que nous travaillions correctement dans ces conditions ?

Cette situation résulte d’un manque total d’anticipation de la part de l’exécutif. Les échéances étaient pourtant connues depuis près d’un an : la loi Muppa, c’est-à-dire portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, qui avait introduit le plafonnement temporaire des indices locatifs, date d’août 2022. Monsieur le ministre, vous faites valoir l’urgence de la situation, mais si vous aviez été plus réactif, nous n’en serions pas là !

Sur le fond, la nécessité de prolonger le dispositif porte également à débat. En effet, bien que l’IRL ait été plafonné à 3,5 % depuis un an, une hausse des loyers de seulement 1,3 % a été constatée, puisque de nombreux bailleurs ne révisent pas leur loyer chaque année. Cette augmentation semble donc raisonnable : elle est bien inférieure à l’inflation que connaît le pays depuis l’année passée.

Notre groupe partage pleinement la volonté de limiter la perte de pouvoir d’achat des Français et d’aider les locataires.

Pour autant, nous nous interrogeons légitimement sur l’intérêt que présente ce dispositif pour les locataires, principalement concernés par la hausse des prix des produits alimentaires, mais aussi pour les propriétaires, qui sont majoritairement des Français ayant investi dans l’immobilier afin de bénéficier d’un complément de revenus qui leur est essentiel. Tomber dans la démagogie en opposant bailleurs et locataires ne saurait être une solution.

L’Union nationale des propriétaires immobiliers estime que, en cas de reconduction du plafonnement, près d’un milliard d’euros d’efforts auront été demandés aux bailleurs, ceux d’entre eux qui n’avaient pas révisé leur loyer depuis plusieurs années étant particulièrement pénalisés. Les propriétaires s’appauvrissent, car leurs coûts d’entretien augmentent plus vite que leurs revenus.

La mesure emporte également des conséquences fiscales pour l’État. De même, les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux subiront une baisse de leurs recettes, alors qu’aucune compensation n’a été envisagée pour eux, ce qui fera baisser leur capacité à construire de nouveaux logements.

Si la prolongation du plafonnement était utile – rien n’est moins sûr, notamment en raison de l’absence d’étude d’impact –, elle serait plus acceptable si elle était compensée, au moins partiellement, par exemple sous la forme d’un crédit d’impôt en faveur des bailleurs. Tel n’est pas le cas.

Ajoutons au tableau une revalorisation insuffisante des APL, après, rappelons-le, leur baisse de 5 euros en 2017. Une augmentation des prestations sociales aurait pourtant permis d’apporter une aide aux locataires les plus précaires, sans pénaliser les bailleurs, privés ou sociaux.

Alors que 82 % des Français estiment que le logement devrait être une priorité du Gouvernement, les propositions émises à la suite du volet du Conseil national de la refondation (CNR) consacré au logement ne sont pas à la hauteur des enjeux et ne contribueront pas à sortir de la crise de l’immobilier à laquelle nous sommes confrontés.

En effet, 2,42 millions de Français sont en attente d’un logement social et 330 000 d’entre eux sont sans domicile fixe – c’est un record.

En réponse, des mesures techniques sont envisagées, dont l’effet sera marginal. Seule l’augmentation des plafonds de revenu pour l’accès au bail réel solidaire peut être considérée comme positive. Et encore faudrait-il que ces plafonds, pour être pertinents, soient adaptés en fonction des particularités des territoires.

Par ailleurs, certaines propositions émanant du groupe de travail sur le logement permanent en zone tendue et touristique relèvent de l’absurde et sont parvenues à dresser contre elles l’ensemble des territoires touristiques.

S’y ajoute l’abolition de la taxe d’habitation, qui conduit à une explosion de la taxe foncière, et l’exclusion de logements du marché, avec l’interdiction de louer les passoires thermiques, qui n’est pas assortie de mesures visant à donner aux bailleurs les moyens financiers suffisants pour rénover leurs biens.

Cette situation est encore aggravée par un calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) qui pénalise l’électricité et une prochaine quasi-interdiction de la construction de nouveaux logements – merci le ZAN ! Tous ces facteurs créent un cocktail explosif.

Monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement, vous avez évoqué une bombe sociale ; nous y fonçons tête baissée, en créant toutes les conditions nécessaires à une baisse de l’offre de logements disponibles. Cette situation ne découle pas de la légère augmentation des loyers par certains bailleurs, mais assurément des signaux très négatifs envoyés par l’exécutif à ceux qui souhaitent investir dans la pierre.

L’observatoire Clameur, pour « connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux », dresse un constat alarmant du bilan du Gouvernement en matière de logement et souligne que les dispositifs de régulation du marché immobilier en place incitent les investisseurs à privilégier la plus-value, plutôt que la rentabilité locative raisonnable basée sur les loyers. Cela rend le marché immobilier privé encore plus spéculatif.

À la fois en raison de la méthode employée, de nos réserves envers le dispositif proposé, qui charge les propriétaires de la responsabilité de l’inflation, alors même que la protection du pouvoir d’achat en matière alimentaire est insuffisante, et de l’absence de mesures visant réellement à remédier à la crise du logement, je considère que les conditions d’examen de cette proposition de loi ne permettent pas un travail serein.

Or il me semble nécessaire d’engager une discussion sur le fond. Je voterai donc en faveur de la motion visant à opposer la question préalable, proposée par notre rapporteur, Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon.

M. Rémi Cardon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes ici rassemblés, quelque peu dans l’urgence, pour débattre de la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.

Oui, nous nous retrouvons dans l’urgence, car le Gouvernement n’a pas su anticiper, une fois de plus, cette question pourtant cruciale en termes de pouvoir d’achat, qui pèse lourdement dans le budget des ménages ; bref, cette question d’urgence sociale.

L’actualité est catastrophique pour le Gouvernement. Alors que ses manquements en matière d’anticipation se multiplient, les conclusions du CNR logement ne font que confirmer ce que nous savions déjà : vous ne parvenez pas à répondre aux attentes des Français, non plus qu’à celles des professionnels du secteur.

Dans une mauvaise mise en scène, sous couvert d’apaisement, vous nous offrez le triste spectacle du CNR logement, que l’on pourrait qualifier d’« acte II de la Convention citoyenne », tant le sentiment de déjà-vu est saisissant.

Pendant six mois, nous avons assisté à une forte mobilisation des acteurs du secteur ; l’union sacrée que vous aviez appelée de vos vœux était à portée de main. Ce travail a permis de produire des centaines de propositions visant à augmenter la production de logements sociaux, pour garantir un accès à un logement durable et abordable, redynamiser les territoires, endiguer les dérives et mettre un terme au mal-logement. Pourtant, cette séquence politique se solde une fois de plus par un camouflet.

L’envers du décor, c’est le Président de la République qui qualifie la politique du logement de notre pays de « système de surdépenses publiques pour de l’inefficacité collective ».

Comme à votre habitude, vous prétendez partager les constats et être conscient de l’ampleur de la crise. Et quelle crise, monsieur le ministre : 2,4 millions de personnes attendent aujourd’hui un logement social et 330 000 personnes restent sans domicile.

Le 3 mai dernier, nous avons examiné une proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique. Quelque 7 millions de passoires thermiques existent encore, et ce chiffre est stable depuis cinq ans ; il relève donc non pas seulement du bilan des précédents gouvernements, mais aussi du vôtre.

Vous avez vous-même admis que la crise du logement que nous traversons présentait le risque majeur de se transformer en « bombe sociale ». Nous attendons donc une réaction, un désamorçage. Rien de tel n’est pourtant prévu : pas d’augmentation significative des APL, dans un contexte d’inflation qui affecte particulièrement les plus précaires, et un prêt à taux zéro resserré, qui ne fera qu’exclure davantage les jeunes ménages en quête d’accession à la propriété.

Les conclusions du CNR logement confirment l’absence de politique qui s’est installée en la matière ces dernières années. Elles sont en parfaite continuité avec vos politiques : austérité et absence de vision comme de refondation.

Vous n’avez pris quasiment aucune mesure pour le logement social, alors que vous avez amputé la capacité financière des bailleurs sociaux de 1,3 milliard d’euros par an ; vous avez fait très peu pour les personnes sans domicile, rien pour lutter contre l’habitat indigne. Ce nouvel acte manqué n’est qu’un rouage supplémentaire de votre « machine à déception », pour reprendre les termes de l’un de vos collègues.

Alors que nos maires, nos élus locaux, sont des bâtisseurs, alors qu’ils connaissent leurs territoires et les acteurs locaux, alors qu’ils sont les mieux placés pour relancer la dynamique de construction perdue depuis 2017, vous leur envoyez des signaux négatifs. Il est grand temps de leur redonner confiance, plutôt que de les ignorer.

Nous avons la désagréable impression que ce CNR n’est qu’un tour de table destiné à réaliser des économies ; c’est bien dommage. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ne chargeons pas ce texte de plus qu’il ne contient, à savoir la volonté de protéger les petits commerçants et les locataires, tout en proposant une réponse équilibrée à l’égard des propriétaires.

J’entends, et d’une certaine manière je m’en réjouis, l’intérêt que l’ensemble des parlementaires porte à la question du logement, ainsi qu’à la réussite du Conseil national de la refondation, qui a su mobiliser l’ensemble des acteurs du secteur. Je le redis après la Première ministre, ce CNR n’est pas un point final. Il y aura une réunion plénière, à l’occasion de laquelle l’ensemble des contributions seront transmises par François Bayrou au Président de la République.

En parallèle, deux actions majeures sont en cours : premièrement, la signature de la nouvelle convention quinquennale avec Action Logement influencera grandement de nombreuses actions en matière de logement : renouvellement urbain Action cœur de ville, visa pour le logement et l’emploi (Visale), etc. Ne faisons pas porter à ce texte des politiques dont la charge ne lui revient pas.

Par ailleurs, la Première ministre nous invite à établir un pacte de confiance, et nous avons déjà commencé à y travailler avec l’Union sociale pour l’habitat. Ce dispositif répondra, j’en suis certain, à nombre d’autres questions que vous posez : comment redonner des fonds propres à nos bailleurs ? Comment leur permettre de produire et de rénover simultanément ?

Une première piste a été esquissée dans les conclusions de ce CNR, notamment la seconde vie, qui est au cœur du programme que nous porterons avec les bailleurs sociaux.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela ne change rien, des dispositifs de ce genre existent déjà !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Enfin, l’accession à la propriété a également été un des sujets. Elle est bien sûr maintenue, possible grâce au PTZ, le prêt à taux zéro, et les promoteurs sont protégés grâce aux 47 000 acquisitions d’Action Logement ou de la Caisse des dépôts et consignations habitat.