Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers, Mme Victoire Jasmin.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

lutte contre les incendies

M. Emmanuel Capus ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Emmanuel Capus.

crise du logement (i)

M. Jérôme Bascher ; M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; M. Jérôme Bascher.

insuffisances du plan gouvernemental sur le logement

Mme Valérie Létard ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; Mme Valérie Létard.

situation du logement en france

M. Pascal Savoldelli ; M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; M. Pascal Savoldelli.

grève dans les écoles à wallis-et-futuna

M. Mikaele Kulimoetoke ; M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

crise du logement (ii)

Mme Viviane Artigalas ; M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; Mme Viviane Artigalas.

réponses à la banalisation de la violence du quotidien

M. Éric Gold ; M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

rapport sur le financement de la transition écologique

M. Daniel Breuiller ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Daniel Breuiller.

rémunérations dans les hôpitaux

M. Alain Milon ; Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Alain Milon.

harcèlement scolaire

Mme Sabine Van Heghe ; M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Sabine Van Heghe.

agression du maire de magnières

Mme Véronique Del Fabro ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Véronique Del Fabro.

transfert de sans-abri parisiens sans concertation avec les élus des communes d’accueil

M. Jean-Pierre Moga ; M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; M. Jean-Pierre Moga.

grippe aviaire

M. Max Brisson ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ; M. Max Brisson.

« paquet de printemps » du semestre européen

M. Patrice Joly ; M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; M. Patrice Joly.

lutte anti-drones

M. Cédric Perrin ; Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Cédric Perrin.

interdiction des chaudières à gaz

M. Stéphane Piednoir ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique ; M. Stéphane Piednoir.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard

3. Candidatures à une commission mixte paritaire

4. Indices locatifs. – Rejet en procédure accélérée d’une proposition de loi

Discussion générale :

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Valérie Létard

M. Henri Cabanel

Mme Sophie Primas

Mme Colette Mélot

M. Daniel Salmon

M. Bernard Buis

Mme Viviane Artigalas

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Cyril Pellevat

M. Rémi Cardon

M. Olivier Klein, ministre délégué

Clôture de la discussion générale.

Question préalable

Motion n° 5 de la commission. – Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur ; M. Olivier Klein, ministre délégué ; M. Serge Babary ; Mme Marie-Noëlle Lienemann ; M. Daniel Salmon ; Mme Viviane Artigalas ; Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Rejet par scrutin public n° 295.

Article 1er

Amendement n° 2 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Amendement n° 6 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Non soutenu.

Rejet de l’article.

Article 2

Amendement n° 1 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.

Amendement n° 3 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Rejet de l’article.

Après l’article 2

Amendement n° 4 de M. Daniel Salmon. – Rejet.

Tous les articles ayant été rejetés, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

5. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 3

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois

Amendement n° 170 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendements identiques nos 92 de Mme Esther Benbassa et 126 de M. Guy Benarroche. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 74 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° 73 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

7. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 3 (suite)

Amendement n° 171 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendements identiques nos 91 de Mme Esther Benbassa, 122 de M. Guy Benarroche et 172 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 263 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 2 rectifié de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.

Amendements identiques nos 75 rectifié bis de M. Gilbert Favreau et 93 de Mme Esther Benbassa. – Retrait de l’amendement n° 75 rectifié bis et rejet de l’amendement n° 93.

Amendement n° 76 rectifié bis de M. Gilbert Favreau. – Rejet.

Amendement n° 261 rectifié du Gouvernement. – Adoption.

Amendements identiques nos 77 rectifié bis de M. Gilbert Favreau et 173 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 174 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendement n° 175 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendements identiques nos 78 rectifié bis de M. Gilbert Favreau et 176 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 177 de Mme Cécile Cukierman. – Adoption.

Amendement n° 121 de M. Guy Benarroche. – Devenu sans objet.

Amendement n° 131 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 178 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendements identiques nos 5 rectifié de M. Jean-Yves Roux et 150 de M. Guy Benarroche. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 179 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendement n° 215 de M. Thani Mohamed Soilihi et sous-amendement n° 277 de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.

Amendements identiques nos 79 rectifié bis de M. Gilbert Favreau et 180 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 6 rectifié de M. Jean-Yves Roux, 80 rectifié bis de M. Gilbert Favreau et 181 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 182 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendement n° 81 rectifié bis de M. Gilbert Favreau. – Rejet.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

Amendement n° 262 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 216 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Amendement n° 214 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Amendement n° 278 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 13 de Mme Brigitte Devésa. – Rejet.

Amendements identiques nos 132 de M. Guy Benarroche et 183 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 118 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendements identiques nos 133 de M. Guy Benarroche et 185 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 36 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie et 128 de M. Guy Benarroche. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 217 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Amendement n° 14 rectifié de M. Stéphane Le Rudulier. – Rejet.

Amendement n° 11 de Mme Brigitte Devésa. – Rejet.

Amendement n° 124 de M. Guy Benarroche. – Adoption.

Amendement n° 186 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendement n° 229 de Mme Mélanie Vogel et sous-amendement n° 283 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet du sous-amendement et de l’amendement.

Amendement n° 94 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° 230 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.

Amendement n° 85 rectifié bis de M. Bruno Retailleau. – Adoption.

Amendement n° 55 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° 231 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.

Amendement n° 95 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.

Amendement n° 58 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° 232 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.

Amendement n° 279 de la commission et sous-amendement n° 284 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet du sous-amendement et adoption de l’amendement.

Amendement n° 116 de Mme Brigitte Devésa. – Rejet.

Amendement n° 218 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.

Amendement n° 37 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° 219 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Amendement n° 119 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 38 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendements identiques nos 39 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie, 120 de M. Guy Benarroche et 184 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 265 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 187 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Amendement n° 266 du Gouvernement. – Adoption.

Amendements identiques nos 7 rectifié de M. Jean-Yves Roux, 96 de Mme Esther Benbassa et 135 de M. Guy Benarroche. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 127 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 3 rectifié de M. Jean-Yves Roux. – Rejet.

Amendements identiques nos 123 de M. Guy Benarroche et 189 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 134 de M. Guy Benarroche et 190 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 52 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Amendement n° 53 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Amendement n° 188 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 3

Amendement n° 64 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.

Amendements identiques nos 24 rectifié de M. Hervé Marseille et 191 de Mme Cécile Cukierman. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendements identiques nos 63 de M. Jean-Pierre Sueur et 204 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 166 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 50 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Amendement n° 117 de M. Jean-Pierre Sueur. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendements identiques nos 26 rectifié bis de M. Hervé Marseille et 193 rectifié de Mme Cécile Cukierman. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendements identiques nos 25 rectifié de M. Hervé Marseille et 192 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 145 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 54 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Amendement n° 203 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 149 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 202 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 156 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Article 3 bis (nouveau)

Amendement n° 264 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 4

M. Marc Laménie

Amendement n° 21 rectifié ter de M. Alain Marc. – Non soutenu.

Amendement n° 40 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Amendement n° 129 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 220 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Amendement n° 22 rectifié sexies de M. Étienne Blanc. – Retrait.

Amendement n° 151 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 4

Amendement n° 18 rectifié ter de M. Alain Marc. – Non soutenu.

Amendement n° 167 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Retrait.

Amendements nos 20 rectifié ter et 19 rectifié ter de M. Alain Marc. – Non soutenus.

Article 5

Amendement n° 269 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 5

Amendement n° 99 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Amendement n° 103 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Amendement n° 102 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Article 6

M. Jean-Yves Roux

Amendements identiques nos 59 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie, 97 rectifié bis de M. Alain Duffourg et 207 de Mme Céline Brulin. – Rejet des trois amendements.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Ordre du jour

Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Pierre Cuypers,

Mme Victoire Jasmin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer, au cours de nos échanges, l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

lutte contre les incendies

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

M. Emmanuel Capus. Mes chers collègues, voilà vingt et un mois que la France est en situation de sécheresse météorologique, voilà vingt-trois jours qu’il n’a pas plu dans les départements du nord de la France.

Même cet hiver, la sécheresse a été telle que plusieurs territoires ont subi des incendies. Avant cela, l’année 2022 a été dramatique, chacun s’en souvient, avec des feux violents.

Je veux ici de nouveau saluer les sapeurs-pompiers pour leur bravoure et pour leur dévouement. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Je veux saluer nos agriculteurs et les nombreux citoyens qui ont aidé lors des feux dévastateurs de cet été. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Ce que nous a appris 2022, c’est que désormais plus aucun territoire n’est épargné par le réchauffement climatique et que les incendies peuvent frapper même au nord de la Loire. C’était improbable voilà quelques années, mais c’est devenu une réalité.

À Baugé-en-Anjou, à Vivy, à Beaulieu-sur-Layon et même, l’été dernier, dans l’agglomération angevine, comme vous le savez, monsieur le ministre, près de 2 000 hectares sont partis en fumée en quelques jours.

Nous devons nous adapter à cette nouvelle donne. Nos moyens doivent être suffisants face à cette situation, qui s’annonce récurrente.

Un certain nombre de mesures ont été mises en place depuis le mois d’octobre dernier. Il reste encore beaucoup à faire.

Très concrètement, monsieur le ministre, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si nous sommes prêts pour l’été qui arrive, avec une sécheresse qui ne quitte plus nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Capus, avant toute chose, je veux moi aussi saluer les sapeurs-pompiers de ce pays, qui ont été en première ligne l’année dernière et qui, nous le savons, auront de nouveau à faire preuve de courage et de dévouement durant l’été.

L’année dernière, ce sont 72 000 hectares, dont 60 000 hectares de forêts, qui ont été touchés par des feux ayant eu pour particularité de se déplacer sur une partie nord du territoire, compte tenu du dérèglement climatique. Vous avez bien évidemment cité le Maine-et-Loire, mais je pense aussi à la Sarthe ou aux monts d’Arrée. (M. Michel Canévet et Mme Françoise Gatel le confirment.)

Depuis le 28 octobre dernier, date des annonces du Président de la République, tout un ensemble de dispositions ont été prises par l’exécutif, mais aussi, je veux le souligner, par la chambre haute, au travers de sa proposition de loi.

Nous voulons d’abord construire une culture de la prévention des risques, avec la diffusion de près de 3 millions de brochures pour rappeler les obligations légales de débroussaillement (OLD). À ce titre, je salue la commission mixte paritaire qui se réunira le 19 juin prochain pour examiner les dispositions restant en discussion de l’excellente proposition de loi portée par le Sénat, qui, entre autres, clarifie et simplifie les OLD et prévoit une éco-redevance incitative pour financer des campagnes de communication – je n’en ferai pas la publicité ici, puisque vous en êtes à l’origine.

Ensuite, nous mettons en place une météo des forêts, qui s’est déployée dès le 2 juin dernier. L’enjeu est double : il s’agit de fournir une carte et de rappeler les bons gestes, ces informations devant être accessibles sur l’application Météo-France. Mesdames, messieurs les sénateurs, 90 % des feux, dans notre pays, sont d’origine humaine, et plus de la moitié sont liés à des imprudences – une étincelle, un mégot, un barbecue.

Au-delà de la prévention et de la météo, l’idée est également de renforcer les moyens de lutte. Le fonds vert aura permis de flécher 100 millions d’euros pour l’achat de caméras thermiques et de drones par un certain nombre de services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) et pour la réalisation de corridors de sécurité.

Enfin, pour ce qui concerne les sapeurs-pompiers, le nombre de colonnes de renfort est passé de 44 à 51, et les moyens aériens de 38 à 47.

On ne peut jamais dire que l’on est prêt, mais tout ce qui a été fait au cours de ces derniers mois vise à protéger ceux qui nous protègent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour la réplique.

M. Emmanuel Capus. Merci, monsieur le ministre, pour vos précisions et vos réponses.

Vous le savez, la lutte contre le réchauffement climatique et ses conséquences sur notre territoire est une préoccupation principale de nos maires, qui sont en première ligne. Ils ont besoin de notre soutien.

Les annonces que vous faites, notamment sur la prévention, sur le rapprochement des moyens aériens, sur le fonds vert, sur les sentiers, sont une excellente nouvelle. Vous pouvez compter sur le Sénat pour être à vos côtés et améliorer encore les dispositifs annoncés ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe RDPI.)

crise du logement (i)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, madame la Première ministre, mes chers collègues, quand le bâtiment va, tout va ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame la Première ministre, vous avez conclu, lundi, le Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement. Je pense que vous vous êtes trompée de discours et que vous avez lu celui que vous aviez préparé pour la convention citoyenne sur la fin de vie (Sourires.) : fin de vie pour le pavillon individuel ; fin de vie pour les investisseurs dans l’immobilier ; fin de vie pour les emprunteurs modestes.

Vous avez réussi l’exploit d’annoncer un plan de relance qui fait des économies. Quel oxymore ! Cela ne serait pas si grave si le secteur de la construction ne se portait aussi mal. Vous avez oublié toutes les mesures d’offre : rien sur les terrains, rien pour l’investissement et rien pour solvabiliser.

Alors, madame la Première ministre, à quand le second plan, le vrai plan de reconstruction pour la France ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Jérôme Bascher, je m’inscris profondément en faux contre tout ce que vous avez affirmé, et je m’étonne que vous soyez à ce point conservateur. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

D’abord, le CNR a été un succès. (Protestations sur les mêmes travées.) Il a permis de mobiliser plusieurs centaines d’acteurs du logement, dans des proportions inédites. Il s’inscrit dans le prolongement de la mobilisation de ce gouvernement et du précédent en faveur du logement au travers de dispositifs tels que le plan Logement d’abord et MaPrimeRénov’ ou encore de la hausse du budget de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), passé de 5 milliards à 12 milliards d’euros durant le quinquennat précédent.

Je veux surtout rappeler les propositions faites par Mme la Première ministre.

Il s’agit, d’abord, de propositions pour sortir de la crise. Ainsi, 47 000 logements vont être rachetés soit par la Caisse des dépôts et consignations Habitat soit par Action Logement, ce qui représente une force de frappe sans précédent.

Ensuite, Mme la Première ministre a annoncé le maintien du prêt à taux zéro (PTZ), dont l’inscription est effective jusqu’en 2027 – jusqu’à présent, il était réinscrit chaque année.

Vous évoquez les investisseurs, monsieur le sénateur : si le dispositif Pinel a pu démontrer son utilité dans le passé, il a plutôt révélé ses inconvénients ces dernières années. Ainsi, il y a de grands risques pour que le propriétaire bailleur qui achète à Tours un appartement que lui a proposé une banque à Paris se retrouve avec un logement de piètre qualité, dans une copropriété mal entretenue, notamment parce qu’il n’y met jamais les pieds et qu’il ne participe à aucune assemblée générale de copropriété… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Oui, nous faisons le choix du logement intermédiaire, porté par des investisseurs institutionnels, qui géreront bien mieux leurs logements que ne pouvaient le faire un certain nombre d’investisseurs jusqu’à présent.

Ensuite, comme l’a souligné très clairement Mme la Première ministre – mais peut-être n’avez-vous pas bien écouté son discours (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe SER.) –, nous allons mettre en place une lutte contre la spéculation foncière en employant de nouvelles méthodes pour que les services des domaines et les services fiscaux puissent mieux évaluer le prix des terrains. (M. François Patriat applaudit. – Les protestations redoublent sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je vous remercie.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.

M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre, vous appelez « succès » ce que l’ensemble des professionnels du secteur appelleraient un « four ». Vous vous trompez : tous se sont plaints des conclusions du CNR !

Ce n’est pas parce que l’on réunit beaucoup d’acteurs que l’on fait un bon film. C’est un mauvais scénario que vous annoncez pour la construction en France. Vous restreignez l’offre, faute de mesures ciblées !

En outre, vous dites, à tort, que la Caisse des dépôts et consignations fait un effort sans précédent. Pas de chance, je suis membre du conseil de surveillance de cette institution et je connais donc bien le plan en question. Je peux vous dire, par exemple, que nous avons déjà consenti un effort bien supérieur à celui-là en 2016.

Comme tous les Français, comme tous les acteurs, comme tous les maires, nous attendions davantage. De fait, une fois encore – c’est déjà une vieille habitude des gouvernements macroniens –, vous accusez les maires en leur reprochant de ne pas appliquer leur plan local d’urbanisme (PLU).

Tous ces acteurs attendent de vrais gestes pour libérer la construction. Vous avez parlé de petits appartements : c’est avoir une mauvaise vision du problème du logement ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

insuffisances du plan gouvernemental sur le logement

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil national de la refondation du logement était celui de tous les espoirs.

Bénéficiant d’une concertation inédite, d’un engagement total de la part de l’ensemble des acteurs du logement et fort de plusieurs centaines de propositions, le CNR devait constituer un tournant ambitieux pour notre politique du logement face à une crise sans précédent.

Pourtant, il a tout d’un rendez-vous manqué.

M. François Bonhomme. C’est même un rendez-vous raté !

Mme Valérie Létard. Les acteurs du logement sont unanimes : le compte n’y est pas. Pis, l’heure est à la désillusion et votre déni ne change pas le résultat.

La politique du logement ne semble manifestement destinée qu’à être une variable d’ajustement budgétaire. Si l’on fait le bilan comptable de ce CNR, c’est plus de 2 milliards d’euros en moins pour la politique du logement. Ce n’est pas acceptable : c’est la refondation du logement que l’on attend !

« Le CNR n’était pas une fin en soi », a déclaré Olivier Klein. Pouvez-vous nous assurer qu’il est au moins le début de quelque chose ? Pouvez-vous nous dire si, dès le début du mois de juillet, des annonces seront faites pour le logement et si un plan d’ampleur sera enfin annoncé pour répondre à la colère non apaisée du monde du logement ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains, où quelques voix demandent M. Olivier Klein.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Létard, je salue le fait que vous trouviez aujourd’hui au Conseil national de la refondation du logement des mérites que vous ne lui aviez pas nécessairement reconnus au moment de son lancement.

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas la même chose ! Il y a 2,4 millions de demandeurs de logement social !

M. Christophe Béchu, ministre. Comme l’a souligné Mme la Première ministre, et comme Olivier Klein l’avait dit juste avant elle, le CNR n’est pas la fin de l’histoire : c’est un point d’étape qui permet de tenir compte des concertations et de se tourner vers l’avant.

La Première ministre a donné rendez-vous, à la fin du mois de juin, à l’ensemble des ministres concernés et à la Caisse des dépôts et consignations pour aller plus loin sur un certain nombre de sujets.

Au cours de ces dernières semaines, et ce sera officialisé dans les prochains jours, nous avons établi une nouvelle convention quinquennale avec Action Logement, votée à l’unanimité par les partenaires sociaux. Madame Létard, vous savez combien cette convention était attendue.

Un certain nombre de mesures – sur le PTZ, sur le bail réel solidaire (BRS), sur le taux d’usure – ont été précisées. Il nous reste un énorme chantier : celui du pacte de confiance avec les bailleurs sociaux.

Dans un contexte de besoin de fonds propres lié à l’augmentation du taux du livret A, de renchérissement du foncier, de forts enjeux de rénovation énergétique du parc immobilier, comment poser les bases du dispositif seconde vie évoqué par la Première ministre et sur lequel Olivier Klein a déjà travaillé depuis des mois avec l’ensemble des partenaires sociaux ?

Vous savez également que la remise à plat d’une partie de la fiscalité sur la location, souhaitée par certains, a vocation à être examinée avant le début de la période budgétaire – il s’agit, là aussi, d’une annonce de la Première ministre.

Je vous demande de prendre ce point d’étape pour ce qu’il est : une occasion de faire le bilan, dans un contexte de crise des mises en chantier, qui n’est pas propre à la France. La hausse des coûts, d’un côté, et le relèvement des taux d’intérêt, de l’autre, provoquent à la fois une crise de l’offre et une crise de la demande – je le souligne pour répondre au sénateur Bascher.

Nous sommes engagés dans une œuvre de longue haleine. Il y a eu un point d’étape, voilà quelques jours, qui a permis de poser un certain nombre de choses. Nous vous avons entendu : vous ne pouvez dire que rien n’a été fait, mais il reste à faire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour la réplique.

Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, les propositions issues du CNR laissent de trop nombreuses questions en suspens et nous avons besoin de réponses fortes.

En dehors des métropoles, point de salut ! Quelle réponse apportez-vous aux besoins des territoires qui ne sont pas en zones tendues ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann approuve.) Comment accéder à la propriété en dehors des métropoles ?

Quel parcours résidentiel pour les 2,4 millions de demandeurs de logement social ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

Dans le seul Dunkerquois, 14 000 logements seront nécessaires pour faire tourner l’industrie verte voulue par M. Le Maire. Comment allez-vous faire ?

PTZ recentré, Pinel supprimé… Pouvez-vous nous assurer que l’accession à la propriété restera une opportunité offerte au plus grand nombre et non un privilège accordé à quelques-uns ?

Quid du statut du bailleur privé ? Où et quand aura lieu la mobilisation du foncier ? Quid de l’accession sociale ? Les sujets sont nombreux ! Attention aux propositions que vous formulez : on risque d’en finir avec l’accession populaire en province.

Monsieur le ministre,…

M. le président. Veuillez conclure.

Mme Valérie Létard. … nous vous faisons confiance pour, demain, relever ce défi. (On le conteste vigoureusement sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE.) Faites-le, et faites-le vite ! C’est un point de départ.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Valérie Létard. C’est là que nous vous attendons maintenant. Le Gouvernement doit mettre ses actes en accord avec ses engagements ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et RDSE.)

situation du logement en france

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, laissez-moi vous donner quelques chiffres : 330 000 personnes sans abri ; 4,1 millions de mal-logés ; 2,4 millions de ménages en attente d’un logement social. Le Val-de-Marne vient de franchir le cap des 100 000 demandeurs de logements. Dans le même temps, 5,7 millions de personnes consacrent plus de 35 % de leur revenu au logement…

Deux mots me viennent : souffrance et irresponsabilité.

Monsieur le ministre, beaucoup parlent d’une « bombe sociale » : réduction des aides personnelles au logement (APL), manque de construction, nombre record d’expulsions et maintenant suppression du dispositif Pinel ! Pourtant, si le logement coûte 38 milliards d’euros par an au budget de la Nation, il rapporte 88 milliards !

Dès lors, comment expliquez-vous que la part du PIB consacrée au logement n’ait jamais été aussi faible qu’en 2021 avec 1,5 % ? Un record jamais atteint ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Pascal Savoldelli, je vous remercie de votre question, qui me permet de compléter mon intervention précédente.

Je sais votre attachement au logement, en particulier au logement social et à l’hébergement d’urgence.

Je veux vous redire ce qui a été fait lors du précédent quinquennat sur l’hébergement d’urgence. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Grâce au plan Logement d’abord, 440 000 personnes sont passées de la rue au logement.

Mme la Première ministre a annoncé, en conclusion du CNR, le lancement du plan Logement d’abord 2. Sa mise en œuvre a déjà commencé. Les acteurs de la solidarité sont au cœur du dispositif et beaucoup de municipalités ont rejoint les territoires d’accélération du plan Logement d’abord. Ce nouveau volet représentera 160 millions d’euros supplémentaires durant le quinquennat.

Vous le savez aussi, l’hébergement d’urgence fait partie des priorités de ce gouvernement. Je rappelle tout de même que le nombre de places d’hébergement d’urgence est passé de 120 000 en 2017 à plus de 200 000 aujourd’hui, avec plus de 6 millions d’euros dépensés chaque soir.

Oui, il faut continuer d’accompagner le logement social. Ce n’est pas un bâton de maréchal, mais je suis fier d’être un fils du logement social et d’en avoir occupé un longtemps au début de ma carrière d’enseignant.

Mme Sophie Primas. Ce n’est pas le sujet !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Il faut soutenir le logement social. C’est ce que nous avons fait en plafonnant l’augmentation du taux du livret A.

Il faut soutenir le logement social dans sa capacité à rénover. Là encore, nous avons fait une annonce importante sur la seconde vie dans le cadre de rénovations lourdes, ce qui permettra aux bailleurs d’accéder à l’exonération de taxe foncière sur le foncier bâti.

Enfin, nous allons travailler, comme l’a rappelé le ministre Christophe Béchu, à un pacte de confiance extrêmement ambitieux avec l’Union sociale pour l’habitat.

Je puis vous assurer que nous ne sommes pas défaitistes. Au contraire : nous allons signer ce pacte de confiance dans les mois qui viennent, à l’horizon du Congrès HLM qui se tiendra à Nantes. (MM. Thani Mohamed Soilihi et François Patriat applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Madame la Première ministre, vous vous êtes autorisée à reprendre le sigle du Conseil national de la Résistance.

Permettez-moi de vous dire ce que, selon nous, le Conseil national de la Résistance devrait porter face à une crise du logement sans précédent : gel immédiat des loyers, avec une compensation pour les bailleurs sociaux ; généralisation de la TVA à 5,5 % pour la construction de tous les logements sociaux ; généralisation des aides à l’accession sociale à la propriété, mais également interdiction de toutes les expulsions sans solution de relogement ; revalorisation immédiate des APL en tenant compte de l’inflation et de l’indice de référence des loyers ; plafonnement des prix de vente des logements en zone tendue ; plus grande taxation des plus-values immobilières pour financer le Fonds national d’aide au logement et inciter à baisser les prix de vente ; durcissement des sanctions envers les communes qui ne respectent pas les obligations de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) !

Madame la Première ministre, excusez-moi de vous le dire, mais la seule opposition à la conquête du droit universel au logement, c’est vous et votre gouvernement ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

grève dans les écoles à wallis-et-futuna

M. le président. La parole est à M. Mikaele Kulimoetoke, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Mikaele Kulimoetoke. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Monsieur le ministre, la grève des personnels de l’enseignement primaire dure depuis cinq semaines, voire six, à Wallis-et-Futuna, dans l’indifférence presque totale.

Les grévistes sont déterminés à continuer le mouvement, parce que l’État les traite différemment. Voilà cinquante-quatre ans qu’ils assurent une mission de service public sans reconnaissance de l’État.

Pourtant, une ordonnance du 15 février 2006 étendait à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française l’application de la loi du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat. Wallis-et-Futuna a été délibérément exclu du dispositif, au motif que « l’enseignement du premier degré y est concédé […] sans que, pour autant, les maîtres relèvent de l’article L. 914-1 du code de l’éducation. »

Au regard de ces dispositions, la convention de concession avec la direction de l’enseignement catholique (DEC) n’était pas un frein. Pour l’habilitation et conformément aux modalités de recrutement fixées par l’État, nos maîtres sont titulaires d’une licence des métiers de l’enseignement. Ils sont agréés par l’État et signent un contrat de travail avec le vice-rectorat, qui les gère et les paie directement.

Monsieur le ministre, vous en conviendrez, la demande des grévistes que leur soit reconnu le statut d’agent public de l’État dès la rentrée 2024, avec tous les avantages liés, est parfaitement légitime.

Les enseignants, à Wallis-et-Futuna, sont des citoyens français. Nos enfants sont des enfants de la République et doivent retourner en classe.

Comptez-vous mettre un terme à cette situation particulièrement injuste et inéquitable, créée aux dépens des personnels enseignants du premier degré, en étendant la loi relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat, dite loi Censi, à Wallis-et-Futuna ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Kulimoetoke, vous m’interpellez au sujet des maîtres et maîtresses de Wallis-et-Futuna, qui sont en grève depuis le 2 mai pour des raisons salariales.

Je rappelle qu’à Wallis-et-Futuna les enseignants du premier degré sont des agents de droit privé, puisque l’enseignement est concédé à l’enseignement catholique. Ces professeurs sont donc employés par la direction de l’enseignement catholique.

Néanmoins, l’État assure leur rémunération, à hauteur de 4 500 euros brut mensuels, sans compter les primes. En outre, ces enseignants sont recrutés à bac+2, contrairement à la situation ordinaire d’un recrutement à bac+5.

Je sais, monsieur le sénateur, que vous vous êtes entretenu avec mon cabinet, ainsi qu’avec celui du ministre des outre-mer. J’ai donné mandat à la vice-rectrice de Wallis-et-Futuna pour que les négociations avec Force ouvrière éducation aboutissent au plus vite. Nous avons proposé des augmentations de rémunération.

J’ai également donné mon accord pour que des groupes de travail se mettent en place afin de comparer la situation des maîtres et maîtresses de Wallis-et-Futuna avec leurs collègues de Nouvelle-Calédonie et d’étudier la possibilité de leur permettre d’accéder au statut d’agent public de l’État.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous suivons de près la situation des quelque 150 maîtres et maîtresses concernés que vous évoquez. Notre objectif est que les élèves retrouvent au plus vite les bancs de leur école. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

crise du logement (ii)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le ministre, le logement va mal. C’est un secteur en crise. Tous les indicateurs sont à la baisse : ventes de logements, mises en chantier, nouveaux permis de construire. Dans le même temps, on compte plus de 2 millions de personnes en attente d’un logement social : un record !

Après plus de six mois de travail, d’échanges et de concertations, les attentes étaient fortes. Mais lundi soir, lors de la conclusion du CNR Logement, la montagne a accouché d’une souris. La colère du secteur est à la mesure de sa déception face à un plan jugé minimaliste et imprécis, qui n’a conservé que très peu de ses propositions. Les deux copilotes du CNR Logement, les acteurs de l’immobilier, de la construction et de la solidarité, tous se sentent méprisés par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, il faut une impulsion forte pour répondre à la crise du logement. Pourquoi n’avez-vous toujours pas pris la mesure de ses conséquences économiques et sociales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Viviane Artigalas, comme cela a été rappelé plusieurs fois, y compris par vous-même, le CNR a été un moment extrêmement important de mobilisation et de travail des acteurs du logement. Il est tout sauf un point final : c’est un moyen de réfléchir à de nouvelles méthodes de travail sur lesquelles nous allons nous appuyer pour la suite.

Néanmoins, notre priorité – que nous partageons probablement tous ici – est de construire un parcours résidentiel pour les Français, quel que soit l’état de leur compte en banque.

Pour cela, il faut des mesures équilibrées en termes d’accession abordable à la propriété. C’est le sens du maintien du PTZ et du bail réel solidaire. Nous souhaitons mettre l’accent sur ce dernier en ce qu’il constitue une vraie bonne méthode pour permettre aux classes moyennes d’accéder à la propriété ; nous allons le doper dans les mois qui viennent.

C’est également le sens des discussions que nous menons avec Bruno Le Maire et l’ensemble des banques pour l’accès au crédit. De fait, l’une des difficultés qui se posent aujourd’hui est le niveau des taux d’intérêt. Cette situation rend le PTZ encore plus utile dans cette période particulière.

Ensuite, il faut faciliter l’accès à la location pour ceux qui en ont besoin. Le logement locatif intermédiaire est l’un des meilleurs moyens à notre disposition pour faire le lien entre l’emploi et le logement, raison pour laquelle nous allons travailler à le développer dans des zones plus grandes. Le logement locatif intermédiaire vise le même produit final que le Pinel – dispositif que d’aucuns semblent regretter.

Enfin, nous avons décidé de multiplier par deux l’accès à Visale, notamment dans le cadre des accords que nous avons avec Action Logement. Là encore, Visale est une mesure de protection du pouvoir d’achat : c’est la caution de ceux qui n’ont pas de caution. Passer de 1 à 2 millions de Visale est donc extrêmement important et extrêmement utile pour nos concitoyens.

Notre priorité est d’aider les Français dans leur parcours résidentiel.

Je terminerai en évoquant de nouveau le logement social. En effet, le travail que nous avons entamé sur le pacte de confiance est extrêmement important, aussi bien en matière de rénovation que s’agissant des constructions neuves.

De même, nous travaillons sur la hausse du livret A et son mode de compensation,… (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Olivier Klein, ministre délégué. … en lien avec la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu’avec l’ensemble des acteurs du logement.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Voilà beaucoup d’intentions, mais peu d’actions, monsieur le ministre ! Les faits sont têtus : la politique du logement n’est pas la priorité de votre gouvernement.

Quelle réponse adressez-vous aux milliers de familles qui peinent à se loger dignement ? Il n’y a aucune augmentation des aides au logement, et encore moins du forfait des aides personnelles au logement (APL). Et pour cause : toutes ces aides ont été dépouillées durant le premier quinquennat !

Quelle réponse est-elle apportée aux 2,4 millions de citoyens demandeurs de logements sociaux ? Pas de baisse de la réduction de loyer de solidarité (RLS) ni de la TVA pour le logement social, alors que nous manquons de logements avec des loyers abordables.

Quelle réponse est-elle donnée en matière de foncier ? Rien n’a été fait pour rendre un peu d’autonomie fiscale aux élus ni pour permettre aux jeunes d’accéder à la propriété dans les territoires qui les ont vus naître. Aucune mesure n’a été prise non plus pour relancer la dynamique de la construction, perdue depuis 2017.

Où est la refondation promise ? Le ministre délégué chargé des comptes publics a déjà annoncé que le secteur du logement subirait une nouvelle baisse dans le budget 2024.

La crise du logement s’aggravera, et ce sera à cause de votre inaction ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Valérie Létard et Amel Gacquerre applaudissent également.)

réponses à la banalisation de la violence du quotidien

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.) J’en profite pour lui souhaiter bon anniversaire ! (Sourires.)

M. Éric Gold. Monsieur le ministre, la banalisation de la violence dans les écoles, les stades ou l’espace public, envers nos élus et les dépositaires de l’autorité publique ou encore envers ceux qui assurent une mission de service au public est un constat tristement partagé.

Dans cette période émaillée de nombreuses crises, l’augmentation des tensions et le recours à la violence sont des signaux d’alerte à considérer avec une immense gravité. Une partie de la population, y compris la jeunesse, choisit aujourd’hui les extrêmes et l’abstention, qui battent des records toujours plus inquiétants, élection après élection. Ce sont les signes d’un malaise démocratique qui s’accroît.

Comme d’autres élus, je me rends régulièrement dans les écoles, collèges et lycées de mon département, pour rencontrer les plus jeunes. J’y mesure combien, malgré le travail des enseignants, le sens de l’engagement, la République et les valeurs citoyennes peuvent sembler éloignés de leur réalité. J’y mesure également la méconnaissance de nos institutions et de notre fonctionnement démocratique.

Tout cela va de pair avec une moindre compréhension de la décision politique et, de ce fait, avec une moindre acceptation des lois et des institutions.

Ce défi démocratique, nous devons le relever.

Au-delà des dispositifs déjà mis en place, qui relèvent de mesures davantage curatives que préventives, le groupe RDSE, avec notre collègue Henri Cabanel, a engagé un travail collectif pour développer le sens de l’engagement et la culture citoyenne. Ses propositions visent à permettre à chacun de trouver son rôle et sa place dans une société apaisée et de s’inscrire dans un projet commun, avec des références partagées.

Au sein de ces propositions, l’éducation est une priorité, car l’ignorance est le terreau de la défiance et l’école le lieu où sont formés les futurs citoyens.

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes envisagez-vous pour mettre en place une véritable culture citoyenne à l’école ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Évelyne Perrot et M. Alain Richard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Éric Gold, je vous souhaite à mon tour un très joyeux anniversaire. (Exclamations sur des travées des groupes RDSE et UC.)

Votre question renvoie à celle, fondamentale, de l’engagement citoyen de notre jeunesse, donc, en réalité, à celle de l’avenir de notre République et de notre démocratie.

L’enseignement moral et civique, auquel vous faites allusion, fait partie des enseignements obligatoires dispensés du cours préparatoire (CP) à la terminale. Le rapport d’information de votre collègue Henri Cabanel contient des propositions tout à fait pertinentes, sur lesquelles il est possible de s’appuyer.

J’en retiens, tout d’abord, que cet enseignement moral et civique doit être réellement effectif à tous les niveaux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, puisqu’il constitue souvent une variable d’ajustement.

Ensuite, il faut se pencher sur le contenu de cet enseignement moral et civique, à savoir la connaissance de nos institutions, les valeurs de la République, la capacité offerte à chacun de nos élèves d’avoir un engagement éclairé.

Les programmes d’enseignement moral et civique seront donc revus, et nous nous assurerons de leur mise en œuvre dans toutes les classes.

Par ailleurs, nous devons aussi veiller au bon niveau de formation des professeurs. Vous le savez, dans le cadre des concours du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes) et de l’agrégation, une épreuve orale d’admission spécifique portant sur l’appropriation des valeurs de la République, dont la laïcité, a été proposée et mise en œuvre à partir de la session 2022.

Enfin, l’éducation aux médias et à l’information est nécessaire. En effet, nous connaissons le rôle délétère que jouent les réseaux sociaux dans un certain nombre de cas. Par conséquent, il est tout à fait urgent de développer l’esprit critique de nos élèves.

Tant en matière d’enseignement moral et civique que d’éducation aux médias et à l’information, vous pouvez compter sur moi, monsieur le sénateur. (MM. Alain Richard, François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

rapport sur le financement de la transition écologique

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) climatique, pour nous, c’est oui !

Écoutons les scientifiques. Les auteurs du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) le disent et le répètent : l’urgence climatique est là, plus violente et plus rapide que prévu.

Écoutons Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, qui confirment l’absolue nécessité de réorienter les financements publics vers tout ce qui rend notre société plus durable et résiliente.

Écoutons les experts et les élus, dont les écologistes. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Ils vous interpellent pour que les collectivités soient soutenues. Plus de 25 milliards d’euros par an doivent être mobilisés à leur niveau pour amortir les chocs annoncés liés à l’augmentation des températures de 4°C en France.

Monsieur le ministre, nous n’avons plus le choix. Il faut faire en dix ans ce qui ne l’a pas été en trente. C’est un changement d’échelle et d’enjeu. Tous les leviers doivent être activés sans attendre et sans fléchir.

Aussi les plus riches doivent-ils être mis à contribution, d’abord parce que ce sont les plus pollueurs (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.), ensuite parce que les 378 ménages les plus aisés sont ceux qui payent le moins en proportion de leurs revenus, d’après la note de l’Institut des politiques publiques publiée hier, enfin, tout simplement, parce que la transition écologique doit se faire dans la justice sociale.

Monsieur le ministre, comment allez-vous financer la transition et l’adaptation de notre pays au bouleversement climatique ?

Vous dites non à un impôt vert exceptionnel sur le patrimoine financier des 10 % les plus riches.

Vous dites non également à un endettement pourtant légitime afin de faire face à la gravité exceptionnelle de cette crise climatique.

Monsieur le ministre, à quoi dites-vous oui ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, tout d’abord je voudrais souhaiter un bon anniversaire à Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.

J’évoque son titre à dessein : dès le début du rapport Pisani-Ferry, qui compte un peu moins de 160 pages, les auteurs soulignent qu’économie et écologie ne sont pas forcément à opposer, que la décroissance n’est pas le chemin à suivre et que la transition écologique peut s’accompagner d’une trajectoire de croissance.

M. Guy Benarroche. Quelle croissance ?

M. Christophe Béchu, ministre. Ils indiquent également que les mesurettes ou les symboles ne sont pas à la hauteur de la marche à gravir.

M. Thomas Dossus. C’est plus qu’un symbole !

M. Christophe Béchu, ministre. En cela, ils valident la planification écologique portée par la Première ministre et la méthode de ce gouvernement – voilà ce à quoi je dis oui – (Marques dironie sur les travées du groupe GEST.), tout comme la répartition proportionnée des efforts selon les secteurs.

L’angle d’approche que vous avez choisi renvoie à seulement deux pages de ce rapport.

Mme Mélanie Vogel. Ce sont les meilleures !

M. Christophe Béchu, ministre. Or, si aucun tabou n’existe en matière de fiscalité, le débat sur les symboles finit par nuire à l’essentiel. Si l’écologie devient le prétexte pour interdire et pour taxer, nous renforcerons l’impopularité de ces mesures auprès d’une partie de la population et nous nous éloignerons de nos objectifs.

L’enjeu, monsieur le sénateur, est non pas la transition d’un impôt, mais la transition fiscale.

M. Christophe Béchu, ministre. Quelle transition fiscale doit être mise en œuvre pour passer de l’essence à l’électrique, alors que 40 milliards d’euros sont issus de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ?

Comment assurer une trajectoire de transition fiscale qui renchérit l’artificialisation, afin de rendre possible un zéro artificialisation nette (ZAN) assoupli en tenant compte des besoins des territoires ruraux (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.), tout en donnant aux maires les moyens de lutter pour la dépollution des friches ?

Mme Mélanie Vogel. Qu’attendez-vous ?

M. Christophe Béchu, ministre. Comment baisser la fiscalité sur le foncier non bâti pour les agriculteurs, si cela s’accompagne de la réduction d’une partie des rendements ?

M. le président. Il faut conclure !

M. Christophe Béchu, ministre. Il s’agit d’une réflexion globale et collective. Par conséquent, je vous donne rendez-vous dans les semaines à venir pour débattre de cette transition. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour la réplique.

M. Daniel Breuiller. Monsieur le ministre, je vous remercie de me répondre par des questions…

Pour la crise de la covid-19, vous avez mobilisé sans compter, et c’était heureux ! Pour la crise climatique, c’est non, et cela nous choque.

Monsieur le ministre, si la dette financière est un sujet sérieux et la transition fiscale une nécessité, commencez par l’ISF climatique, qui est une demande partagée sur toutes les travées de cet hémicycle (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), ou plutôt sur les travées situées à gauche (Sourires.), ainsi que par nombre de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle 170 élus vous ont demandé de créer cet ISF.

M. le président. Il faut conclure !

M. Daniel Breuiller. Il vous appartient de rendre leur pétition caduque. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

rémunérations dans les hôpitaux

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

Je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur les inégalités de traitement entre les professionnels qui relèvent de la fonction publique hospitalière et ceux qui exercent dans des établissements privés ou privés à but non lucratif. En effet, en juillet 2022, vous avez décidé une majoration exceptionnelle de certaines indemnités horaires, notamment celles du travail de nuit et des heures supplémentaires, majoration qui est reconduite jusqu’au 31 août 2023.

Ces majorations sont accordées aux professionnels des hôpitaux publics. Elles représentaient 531 millions d’euros en 2023 et 760 millions d’euros cumulés en 2022, versés aux 929 000 personnes du secteur public hospitalier, hors personnel médical.

Ces majorations ne concernent que la fonction publique hospitalière, à l’exclusion des professionnels des établissements privés et associatifs, qui sont au nombre de 284 000, alors qu’ils remplissent les mêmes missions et répondent des mêmes modalités de financement et de régulation de leurs activités.

La situation de notre système de santé appelle à la mobilisation de tous, pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens.

La crise sanitaire a montré que des synergies étaient possibles entre les établissements de santé de différents statuts. Cet esprit de la covid-19 doit être préservé. Il passe par la reconnaissance de l’ensemble des professionnels de santé de tous statuts, soumis à de fortes tensions dans un contexte de pénurie des ressources humaines.

Madame la ministre, alors que nous avons besoin de la mobilisation de tous, comment expliquer ce traitement inéquitable et comment comptez-vous être la garante de l’égale reconnaissance de l’engagement de toutes et de tous ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur Milon, vous le savez, le ministère de la santé accorde une forte attention à la protection du pouvoir d’achat des professionnels des hôpitaux dans les différents secteurs.

Aussi, à côté des revalorisations salariales prévues par l’accord du Ségur de la santé pour la fonction publique hospitalière, avons-nous pris des mesures en faveur du pouvoir d’achat des personnels des établissements privés : une revalorisation socle de 183 euros net par agent pour le privé non lucratif, soit un montant équivalent à celui du public, et de 160 euros mensuels net pour un agent dans le secteur privé lucratif.

La revalorisation des carrières et des rémunérations a été appliquée aux métiers du soin de la fonction publique, sur l’ensemble de la carrière, et a été compensée par un montant global d’environ 220 millions d’euros pour le secteur privé.

Les revalorisations des carrières et des rémunérations des sages-femmes, ainsi que la prime d’exercice en soins critiques pour les infirmiers et les cadres de santé, ont également été mises en place dans le privé, avec des financements associés.

Par ailleurs, vous l’avez signalé, en ce qui concerne les majorations des nuits et des gardes, les mesures mises en œuvre à la suite de la mission flash sur les urgences et les soins non programmés sont exceptionnelles et transitoires.

Conformément aux orientations fixées par le Président de la République, et sous l’autorité de la Première ministre, François Braun et moi-même travaillons à des systèmes de valorisation plus pérennes pour reconnaître l’engagement spécifique lié à ce travail de nuit.

Nous menons également un travail en profondeur sur la permanence des soins. Comme vous l’avez souligné, il nous faut mieux associer les acteurs publics et privés pour prendre en charge tous nos concitoyens, même pendant la permanence des soins.

La synergie est possible. Elle l’a été pendant la crise sanitaire, nous essayons de la pérenniser.

Ce sujet sera d’ailleurs débattu dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, qui commence cette semaine à l’Assemblée nationale. (MM. Alain Richard et François Patriat applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.

M. Alain Milon. Je voudrais tout de même rappeler les propos tenus par le ministre à l’époque : il s’agissait de reconnaître les sujétions particulières attachées au travail de nuit et de faire face aux difficultés et aux tensions anticipées en matière d’offre de soins dans les prochaines semaines et les prochains mois.

C’est la mesure que vous avez prise. Celle-ci concerne uniquement, pour l’instant, dans le cas des majorations, les personnels non médicaux des hôpitaux publics, et non pas ceux des hôpitaux privés.

Nous souhaitons que tous les personnels qui travaillent de la même façon soient reconnus. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Bernard Fialaire et Daniel Chasseing applaudissent également.)

harcèlement scolaire

M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le président, mes chers collègues, combien faudra-t-il encore de Lindsay, de Lucas, de Channel et de Dinah pour que l’on s’attaque réellement au harcèlement scolaire ?

Aujourd’hui, l’émotion est forte et la vague d’indignation nous submerge tous. Mais demain, qu’en sera-t-il ? La question du harcèlement risque de retomber dans l’oubli, pendant que des jeunes continueront de souffrir.

Monsieur le ministre, je vous ai rencontré en février dernier avec ma collègue Colette Mélot. Vous sembliez alors très mobilisé et soucieux d’avancer vite et avec force sur le sujet, de mettre en place certaines mesures issues du rapport d’information sénatorial et de veiller à l’application du programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe) sur tout le territoire.

Or je constate sur le terrain des disparités d’un établissement à l’autre : le climat est apaisé et les faits de harcèlement contenus et traités là où l’équipe éducative et les services académiques se sont saisis des dispositifs, mais cela se passe mal là où cette question n’est pas une priorité, quand les moyens manquent ou lorsque l’on préfère le « pas de vague ».

En outre, le programme pHARe n’est pas toujours appliqué ou, pire, n’est pas connu dans de nombreux établissements. Les associations engagées sur ce sujet se voient refuser l’accès à certains collèges, au motif que tout va bien. Tout cela est inadmissible et ne peut plus durer !

Monsieur le ministre, avez-vous enfin l’intention de rendre obligatoire l’application des dispositifs existants ?

Vous déciderez-vous à augmenter les moyens de contrôle de la mise en œuvre effective des mesures par un renforcement des recrutements des personnels éducatifs et médico-sociaux qui manquent cruellement ?

Entendez-vous renforcer la formation des enseignants et des personnels à la prévention, à la détection et au traitement du harcèlement ?

Comment améliorer la coordination entre les services de l’éducation nationale, de la police et de la justice, afin que la parole de l’enfant soit prise en compte et qu’il soit et se sente protégé ?

Enfin, comment comptez-vous contraindre les réseaux sociaux à la modération effective du flux d’information en circulation et à la publication de messages d’alerte à destination du jeune public ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Van Heghe, ces dernières années, nous avons avancé en matière de lutte contre le harcèlement scolaire, mais il nous reste encore beaucoup à faire. Nous avons du pain sur la planche, si je puis dire.

Tout d’abord, le harcèlement scolaire est devenu un délit grâce à la loi visant à combattre le harcèlement scolaire, dite loi Balanant de mars 2022. Les numéros d’appel 3018 et 3020 ont été créés, et leur audience s’élargit. La formation des personnels a été engagée et, comme vous l’avez rappelé, le programme pHARe a été généralisé, certes avec des disparités, à toutes les écoles et à tous les collèges depuis la rentrée 2022.

Pour aller plus loin, nous nous inspirons en partie de l’excellent rapport que vous avez rédigé avec la sénatrice Colette Mélot.

M. Emmanuel Capus. L’excellente sénatrice !

M. Pap Ndiaye, ministre. Parmi les mesures concrètes que j’ai annoncées figure tout d’abord la nomination d’un adulte référent harcèlement dans tous les collèges – infirmiers, conseillers principaux d’éducation (CPE) ou professeurs –, pour assurer le suivi personnalisé et en temps réel des situations de harcèlement.

Il s’agit ensuite d’étendre le programme pHARe au lycée et, d’une manière générale, de s’assurer de sa mise en place effective dans tous les établissements ; de saisir systématiquement le procureur de la République en cas de suspicion avérée de harcèlement ou de situations préoccupantes ; de créer une équipe départementale d’intervention dédiée au harcèlement pour régler les situations les plus complexes ; de déplacer, dans le premier degré, l’élève harceleur, suivant en cela une proposition de la sénatrice Marie Mercier.

M. Max Brisson. L’excellente sénatrice !

M. Pap Ndiaye, ministre. Le décret concernant cette mesure a été transmis hier au Conseil d’État.

Il s’agit enfin de former massivement les personnels de l’éducation nationale et d’augmenter significativement les moyens alloués aux plateformes d’écoute 3018 et 3020.

Madame la sénatrice, avec le Gouvernement et la Première ministre, je suis au premier rang pour faire reculer ce fléau intolérable qu’est le harcèlement scolaire. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour la réplique.

Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le ministre, en réalité, il n’y a là rien de nouveau sous le soleil.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Non, franchement, vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Sabine Van Heghe. Tout ce que vous annoncez existe déjà et n’est pas appliqué. Je vous demande de passer des paroles aux actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

agression du maire de magnières

M. le président. La parole est à Mme Véronique Del Fabro, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Véronique Del Fabro. Ma question s’adressait à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Dans la nuit du 4 juin dernier, Édouard Babel, maire de Magnières, village paisible de 400 habitants dans le Lunévillois, a été violemment agressé par dix individus après avoir tenté de mettre fin à un tapage nocturne.

Malgré cette agression, profondément attaché à son mandat local, le maire, très choqué, ne démissionne pas. Je veux lui dire ici tout mon respect et lui apporter mon plein soutien.

Toutefois, cette énième violence ne doit pas nous faire oublier l’incendie criminel du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins ni le décès du maire de Signes en 2019.

Certes, depuis 2017, l’État a agi pour assurer la protection des élus, en multipliant les dispositifs : renforcement de la protection fonctionnelle par la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité ; instructions de fermeté données aux parquets pour renforcer la réponse pénale ; mobilisation accrue des forces de police et de gendarmerie sur le terrain aux côtés des élus.

Malgré cela, la violence envers les élus est en hausse de 32 % en 2022. D’ailleurs, la violence en général progresse. Le constat est sans appel, monsieur le garde des sceaux : votre action ne suffit plus face à la déshumanisation de la société qui agresse nos policiers, nos pompiers et tue nos soignants, nos enseignants et nos élus !

Monsieur le garde des sceaux, quand agirez-vous pour faire appliquer concrètement des sanctions pénales exemplaires, pour que cesse enfin cette violence devenue un phénomène de société ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Del Fabro, avant tout, au nom de la Première ministre, du ministre de l’intérieur et des outre-mer, ainsi que de l’ensemble du Gouvernement, je tiens à renouveler mon soutien et à exprimer ma solidarité à M. Édouard Babel.

Je tiens aussi à saluer son courage et sa détermination à porter plainte pour, selon ses termes, « défendre l’intérêt général de tous les élus ».

Je tiens aussi à saluer la mobilisation du corps préfectoral, de la gendarmerie et du procureur de la République, qui ont été des soutiens actifs aux côtés de M. Babel dans cette douloureuse épreuve.

C’est ensemble, par une très bonne coordination, que l’ensemble des acteurs – préfet, gendarmes et procureur – ont permis au parquet de Nancy d’ouvrir une information judiciaire, dès le lendemain de l’agression, pour violences aggravées, outrage et menaces de mort sur personne dépositaire de l’autorité publique. L’enquête est en cours, et plusieurs individus ont déjà été interpellés.

En ce qui concerne les solutions, vous en avez cité de nombreuses, déjà mises en œuvre au travers de plusieurs circulaires prises, ces dernières années, par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, ainsi que par le garde des sceaux.

Signaler très tôt, évaluer la menace et la gravité des faits, protéger instantanément et, vous l’avez dit, sanctionner, tel est le sens de notre action, que nous amplifions grâce à ces 3 400 référents violences faites aux élus dans la gendarmerie et la police.

Alors qu’ils étaient connus uniquement de certains élus, ces référents ont aujourd’hui pour consigne claire d’aller à leur rencontre pour être identifiés. (Marques de lassitude sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. On ne vous demande pas de nous faire le sommaire de ce qui a été fait !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En outre, l’augmentation de la cyberviolence a été particulièrement forte ces derniers mois.

Aussi, je rappelle l’existence de la plateforme Pharos,…

M. Hussein Bourgi. Elle n’a plus de moyens ! Donnez-lui des moyens !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … sur laquelle tous nos concitoyens peuvent signaler les faits et indiquer leur gravité.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous travaillons actuellement dans une logique transpartisane : veille fréquente et proactive de nos gendarmes, réaction systématique, rapide et opérationnelle, réponse judiciaire ferme et systématique.

M. le président. Il faut terminer maintenant, s’il vous plaît !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’ai terminé, monsieur le président.

M. le président. C’est chaque fois la même chose ! Il faut respecter votre temps de parole.

La parole est à Mme Véronique Del Fabro, pour la réplique.

Mme Véronique Del Fabro. Je transmettrai à M. Babel votre message. Il est vrai qu’il a été très entouré.

Vous avez dit que plusieurs individus avaient été interpellés ; c’est une bonne chose. Mais, pour ce qui concerne le dernier épisode intervenu à Villerupt en Meurthe-et-Moselle, un département pourtant très calme, l’individu auteur des faits avait été interpellé trente-quatre fois… Aussi, permettez-moi d’être quelque peu étonnée et dubitative.

Il existe véritablement une crise d’autorité dans notre société, où certains – de plus en plus nombreux – s’affranchissent de toutes les règles.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Véronique Del Fabro. Allons-nous attendre que le pays soit à feu et à sang pour avoir une réponse pénale implacable ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

transfert de sans-abri parisiens sans concertation avec les élus des communes d’accueil

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Pierre Moga. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Pierre-Antoine Lévi, s’adresse à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

Depuis quelques semaines, des sans-abri d’Île-de-France sont transférés vers des villes de province. Bien que le Gouvernement s’en défende, le lien avec les jeux Olympiques – et peut-être la Coupe du monde de rugby – s’impose…

Cette pratique a déjà été observée à Rio de Janeiro en 2014 et à Shanghai en 2010 lors de l’exposition universelle, avec les dérives que l’on sait.

Ces déplacements choquent. Ils posent la question de l’accueil et de l’accompagnement des personnes déplacées dans les régions où elles sont envoyées.

Cette pratique suscite également des questions sur les liens entre l’État et les collectivités. En effet, il semble que les maires découvrent ces déplacements sans en avoir été informés en amont et sans que leur avis ait été sollicité.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur les modalités de ces déplacements ? Comment la répartition territoriale des sans-abri franciliens est-elle réalisée ?

Les élus locaux sont-ils consultés ou placés devant le fait accompli ? Quel accompagnement social est-il prévu pour les personnes déplacées ?

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que les maires ont besoin d’un peu plus de transparence et de considération ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Moga, je vous remercie de votre question, qui m’offre l’occasion de rétablir quelques vérités.

L’accompagnement des personnes sans abri depuis la région parisienne vers la province est mené, depuis plusieurs mois, avec les associations de solidarité, qui appuient cette réflexion en cours. En effet, vous le savez, sur les 200 000 places d’hébergement d’urgence que nous ouvrons chaque soir, plus de la moitié se situent dans Paris.

Or nous ne savons pas bien accompagner un aussi grand nombre de personnes en région parisienne. Par conséquent, il est important de trouver de meilleures solutions, en partenariat avec le préfet de région.

J’ai contacté le maire de Bruz – je vous communiquerai son numéro de téléphone si vous le souhaitez – pour vérifier s’il avait été informé en amont. Or tel a bien été le cas ! Plus de trois semaines auparavant, il participait à la concertation. Nous demandons bien évidemment aux préfets d’associer les élus locaux à cette démarche, et nous continuerons de le faire.

Oui, cet accompagnement des sans-abri en petit nombre dans nos régions relève de la solidarité nationale.

C’est l’honneur de la France que d’accueillir les personnes en hébergement d’urgence, car l’hébergement est inconditionnel. Mais nous devons le faire dans de meilleures conditions qu’actuellement, car l’hébergement d’urgence en nuitées dans des hôtels répartis à la façon de taches de léopard en Île-de-France ne permet pas un bon accompagnement social et administratif.

Enfin, cet accompagnement est réalisé, sur la base du volontariat, avec les associations. Les personnes accompagnées en province sont informées ; c’est une proposition qui leur est faite.

Ensuite, au regard de l’évaluation qui sera faite, ils pourront revenir en Île-de-France et si leur situation administrative dans leur pays est insoluble ils seront accompagnés. Sinon, ils resteront en province, là où des tensions en matière d’emploi existent. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le ministre, je prends acte de votre réponse.

Toutefois, vous comprendrez qu’après l’épisode de Saint-Brevin-les-Pins, il serait regrettable de créer de nouvelles tensions avec les maires, qui ont souvent l’impression d’être tenus pour quantité négligeable.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jean-Pierre Moga. Sans verser dans l’amalgame, la comparaison s’impose aussi avec la situation des migrants. Là encore, une répartition territoriale est parfois faite sans que les élus aient leur mot à dire.

Les décisions de ce type, je pense que vous le comprenez, doivent être prises en concertation avec les collectivités locales, ne serait-ce que pour assurer leur succès. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

grippe aviaire

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Monsieur le ministre, le 29 avril dernier, vous faisiez passer le risque de grippe aviaire d’« élevé » à « modéré ». Le 3 mai suivant, cette maladie refaisait son apparition dans les Landes, le Gers, les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques : l’accalmie a été de courte durée.

Dans le Sud-Ouest, c’est la sidération. Depuis sept ans, chaque vague a été plus violente que la précédente. Tous les modèles ont été touchés, particulièrement l’élevage en plein air, toutes les ripostes dépassées, y compris la claustration, tous les territoires frappés et l’ensemble de la filière touchée.

Lundi dernier, vous annonciez « entendre la désespérance », tout en confirmant une campagne de vaccination pour octobre prochain. Enfin ! Enfin semble se briser le tabou relatif à la vaccination aviaire. Mais octobre est un horizon lointain, extrêmement lointain, car la filière avicole, particulièrement la filière gras du Sud-Ouest, est à genoux.

Beaucoup d’éleveurs ont baissé les bras. Beaucoup se sont endettés pour appliquer les mesures de biosécurité. Beaucoup attendent encore les indemnités des abattages antérieurs.

La vaccination n’est pas la panacée, mais c’est une réponse dont on n’a que trop longtemps attendu la mise en œuvre. C’est la raison pour laquelle les quatre chambres d’agriculture des départements concernés réclament pour cet été le déploiement du vaccin.

Monsieur le ministre, je vous pose donc cette question, à laquelle j’associe mon collègue Patrick Chaize : appliquerez-vous la vaccination aux élevages bénéficiant de l’appellation d’origine protégée (AOP), comme dans le pays de Bresse ?

En outre, pouvez-vous préciser quelle sera la part à la charge des éleveurs, eux qui attendent toujours le versement des indemnisations des abattages antérieurs ?

Enfin, et surtout, peut-on dans le Sud-Ouest accélérer le processus de vaccination ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Brisson, je vous remercie de votre question, qui me permet de faire le point sur ce sujet.

Le 14 mars dernier, nous imaginions être sortis de l’épisode de grippe aviaire des années 2022 et 2023 : il n’y avait plus de cas avéré et, de ce fait, un certain nombre de mesures sanitaires ont été levées.

Je rappelle que ces dispositions ont particulièrement bien fonctionné dans votre région de Nouvelle-Aquitaine : grâce au plan Adour de dédensification dans les zones les plus touchées, le nombre de foyers de grippe aviaire a été réduit à 28, contre 361 l’année dernière. On peut donc dire que ces mesures ont porté leurs fruits.

Malheureusement, vous l’avez indiqué, au début du mois dernier, nous avons assisté à la résurgence du virus, tout d’abord dans le Gers, puis dans les Pyrénées-Atlantiques et dans les Landes. L’heure est donc de nouveau à la désespérance.

Face à cette situation, nous avons eu recours aux mesures classiques. Dans les élevages infectés, nous avons procédé à des abattages. Dans d’autres cas, nous avons mis en œuvre la dédensification. Nous avons également opté pour des abattages sanitaires en dehors de ces périmètres.

Vous insistez avec raison sur la désespérance, y compris économique, de nos éleveurs. C’est pourquoi nous travaillons et continuons de travailler, non seulement pour accélérer le versement des indemnités dues, mais aussi pour que, face aux nouveaux cas apparaissant dans cette région, l’indemnisation soit plus rapide.

Enfin, vous m’interrogez au sujet de la vaccination. Nous avons dit que nous serions en mesure de mener des expérimentations à partir du mois de juin 2022, une fois les autorisations européennes obtenues : nous avons été au rendez-vous.

Nous avons dit que nous expérimenterions jusqu’au mois de mars : nous avons été au rendez-vous. Le calendrier a été tenu.

J’ai dit que, à l’automne prochain, nous vaccinerions les animaux, en particulier les palmipèdes, car ce sont eux qui sont les plus touchés : nous serons au rendez-vous.

J’entends l’impatience qui s’exprime : elle se nourrit de la désespérance des éleveurs, qui subissent parfois leur second ou leur troisième épisode de grippe aviaire. Néanmoins, j’insiste sur les précautions que suppose un tel travail. Nous avions besoin que le vaccin soit qualifié : c’est chose faite depuis quelques jours. Nous avons effectué des précommandes, afin d’accélérer le processus, et nous serons bien au rendez-vous de l’automne.

Si nous pouvons accélérer encore un peu plus, nous le ferons, mais il faut procéder en bon ordre, pour s’assurer que, d’un point de vue sanitaire, ce travail est mené dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.

M. Max Brisson. Monsieur le ministre, je comprends les problèmes techniques qui s’opposent à une vaccination rapide. Mais, dans ce cas, il faut un plan d’urgence. Sinon, quand le vaccin arrivera, les éleveurs ne seront plus là ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

« paquet de printemps » du semestre européen

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, le 24 mai dernier, à l’occasion de l’examen annuel de la situation économique et sociale de la France et de ses perspectives, la Commission européenne a dressé ce constat : « La France est caractérisée par des disparités régionales croissantes, qui vont au-delà du clivage persistant entre régions métropolitaines et ultrapériphériques. »

La Commission ajoute que « la fracture entre zones urbaines et zones rurales, en termes de dynamisme économique et de perspectives de croissance, est devenue une préoccupation publique » et qu’il importe de « remédier aux déséquilibres régionaux pour, notamment, améliorer les perspectives de croissance à long terme de la France ».

Enfin, la Commission préconise au Conseil de demander à la France – je reprends sa formulation – de « procéder à la mise en œuvre rapide de programmes de politique de cohésion, en lien avec le plan de relance et de résilience », en vue d’accélérer une transition écologique, sociale, économique et numérique à la fois équitable et inclusive.

Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais entendre votre avis sur ce diagnostic impitoyable et savoir comment le Gouvernement envisage de répondre aux recommandations de la Commission. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Patrice Joly, dans ce « paquet de printemps », la Commission européenne formule en effet un certain nombre de recommandations : telle est son habitude.

Vous en citez quelques-unes, tout en prenant soin d’ailleurs d’en omettre d’autres, qui auraient peut-être moins de succès sur vos travées – la nécessité de réduire la dépense publique, par exemple… (Protestations sur des travées du groupe SER.)

Nous allons dans le sens voulu par la Commission, surtout quand il s’agit de réduire les disparités territoriales et industrielles entre la ruralité et les zones urbaines. C’est tout le sens de la politique conduite depuis plusieurs années. Elle est d’ailleurs en train de s’amplifier, à la faveur des premiers résultats obtenus.

Pendant plusieurs décennies, nous avons vu baisser le nombre d’entreprises et d’industries qui fabriquent et produisent dans notre pays ; mais, depuis trois ans, le mouvement s’est inversé. Le bilan entre les fermetures et les ouvertures d’usine est désormais positif : il est de l’ordre de 300 entreprises. C’est évidemment une bonne nouvelle.

D’ailleurs, à ce titre, où le Président de la République s’est-il rendu ? Dans la région des Hauts-de-France, où le déficit d’entreprises qui fabriquent et qui produisent était encore plus grand qu’ailleurs. Il a souhaité que l’on « mette le paquet » dans ces territoires, qui sont une richesse pour notre pays.

Enfin, vous m’interrogez sur les réflexions de la Commission européenne quant au verdissement de notre économie. C’est tout le sens du projet de loi relatif à l’industrie verte, présenté par la Première ministre, le Président de la République et l’ensemble du Gouvernement.

Ce texte va dans le sens d’une industrie décarbonée. Il nous permettra, demain, de fabriquer de nouveau sur les territoires français et européen les instruments indispensables à la rénovation thermique. Ce sera tout de même mieux de proposer aux Français qui rénovent leur habitat des pompes à chaleur ou des panneaux solaires fabriqués en France !

M. Mickaël Vallet. Vous n’avez même pas réussi à fabriquer des masques…

M. Olivier Véran, ministre délégué. Vous le constatez : en l’occurrence, nous inscrivons nos pas dans ceux de la Commission. Nous pouvons avoir des désaccords sur d’autres aspects, mais, sur les sujets que vous mentionnez, nous disposons de preuves tangibles. (M. Alain Richard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.

M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, il est urgent d’agir !

Nous ne nions pas les avancées que vous avez évoquées, notamment les territoires d’industrie. Mais les chiffres témoignent de cette urgence. En Île-de-France, le PIB par habitant s’élève à 57 600 euros, contre 29 200 euros en moyenne dans les autres régions. La part de la population exposée au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale s’élève à 22,4 % dans les zones rurales, contre 19,2 % dans les agglomérations. Et l’espérance de vie en zone rurale est inférieure de deux ans à celle qui est constatée en ville.

Il est donc urgent de mettre en œuvre une vraie politique d’aménagement du territoire ; une politique globale, avec des moyens à la hauteur des enjeux. Aujourd’hui, la cohésion sociale se délite, et c’est la République tout entière qui est remise en cause.

À l’occasion de la présidence française de l’Union européenne (PFUE), notre assemblée, s’exprimant à l’unanimité, avait demandé au Gouvernement d’agir vigoureusement en faveur d’une véritable politique européenne destinée aux territoires ruraux, au-delà de la politique agricole commune (PAC), et à la hauteur de leur importance démographique.

Aujourd’hui encore, c’est un impératif : nous devons agir de manière déterminée ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – MM. Daniel Breuiller et Pascal Savoldelli applaudissent également.)

lutte anti-drones

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Perrin. Ma question s’adresse à M. le ministre des armées, même s’il est retenu cet après-midi à l’Assemblée nationale.

Dans quelques mois se tiendront les jeux Olympiques de Paris 2024. C’est une chance, mais c’est aussi une charge d’un point de vue sécuritaire.

Nous le savons et le constatons tous les jours en Ukraine : les drones représentent à la fois un atout et une menace considérable.

En 2021, la direction générale de l’armement (DGA) a notifié au consortium mené par Thales et CS Group un marché dénommé Parade, pour doter la France d’un dispositif de lutte anti-drones. Or il semble aujourd’hui que cette solution n’est absolument pas opérationnelle.

Je ne doute pas des efforts déployés par M. le ministre des armées pour atteindre un résultat satisfaisant. Mais de quels matériels disposons-nous ?

Alors que nous sommes longtemps restés une référence au sein de l’Otan, je n’ose imaginer que nous soyons aujourd’hui pris de vitesse.

Je n’ose imaginer que nous soyons contraints de recourir à des importations pour assurer la protection des jeux Olympiques.

Je n’ose imaginer que nos ambitions de souveraineté soient rabaissées à l’heure où le projet de loi de programmation militaire (LPM) laisse précisément espérer le contraire.

L’enjeu est crucial. La représentation nationale, les Français et les visiteurs du monde entier ont besoin d’être rassurés.

Notre dispositif de lutte anti-drones est-il, oui ou non, opérationnel ? Sera-t-il testé au salon du Bourget la semaine prochaine, comme le Gouvernement l’a promis, et pour la Coupe du monde de rugby en septembre prochain ? Enfin, est-il bien made in France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur Perrin, je vous prie d’excuser M. le ministre des armées, qui est retenu à l’Assemblée nationale par le vote solennel du projet de loi de programmation militaire.

Vous avez raison : aujourd’hui, la lutte anti-drones est un sujet absolument essentiel. Il y va non seulement de nos opérations extérieures, mais aussi de notre sécurité intérieure, qui plus est dans la perspective d’événements particulièrement importants à sécuriser, comme les jeux Olympiques et Paralympiques.

Le projet de loi de programmation militaire prévoit évidemment un budget de défense sol-air particulièrement ambitieux, de plus de 5 milliards d’euros. (M. Cédric Perrin manifeste son scepticisme.) À ce titre, 350 millions d’euros seront spécialement consacrés à la lutte anti-drones.

S’y ajoutent de nouveaux moyens législatifs. Ainsi, l’article 27 de ce texte renforce le régime légal permettant d’élargir, entre autres, les possibilités de brouillage ou de neutralisation des drones au titre de la défense nationale, en s’appuyant sur de nouvelles technologies.

De nouvelles menaces ne cessent de se faire jour ; il va sans dire que nous y ferons face. Le ministère des armées développe dès à présent un certain nombre d’innovations indispensables, comme des armes à énergie dirigée ou encore des drones à même d’intercepter d’autres drones menaçants, pour accroître notre sécurité.

Vous évoquez le système Parade. La contractualisation avec Thales et CS Group a bien été conclue en 2021. Au total, six exemplaires ont été commandés en 2022 et neuf autres sont prévus par le projet de loi de programmation militaire.

Ce système est en cours de vérification depuis la fin du mois d’avril dernier. Comme tout système d’armes complexes, il connaît quelques difficultés, mais celles-ci sont en cours de résolution. À cet égard, nous accompagnons évidemment nos industriels.

Monsieur le sénateur, le ministère des armées sera en mesure d’assurer la protection des jeux Olympiques contre les menaces grandissantes que nous connaissons. Nous n’aurons pas recours à des solutions sur étagère : nous mobiliserons des industriels français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.

M. Cédric Perrin. Madame la secrétaire d’État, je suis très heureux de vous entendre souligner que ce sont des industriels français qui garantiront la protection de notre ciel et des spectateurs lors des jeux Olympiques.

La marche à suivre était très simple : il s’agissait, tout d’abord, d’acquérir un système opérationnel ; ensuite, d’assurer sa montée en compétences au Bourget, puis lors de la Coupe du monde de rugby ; enfin, de l’utiliser de manière efficiente lors des jeux Olympiques. Mais, aujourd’hui, le système ne fonctionne pas ; il n’existe pas. Nous ne savons même pas si vous pourrez l’utiliser lors de la Coupe du monde de rugby.

Il est grand temps que le ministère des armées et la direction générale de l’armement coordonnent leurs actions. Nous avons les compétences nécessaires dans notre pays : nos industriels doivent travailler ensemble pour que la France soit enfin à la hauteur dans la lutte anti-drones, lors de la Coupe du monde de rugby, puis des jeux Olympiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

interdiction des chaudières à gaz

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique.

Madame la ministre, après les déclarations successives d’un certain nombre de vos collègues, Mme la Première ministre l’a confirmé lundi dernier : le Gouvernement envisage bel et bien d’interdire l’installation et le remplacement de chaudières à gaz dans l’ensemble du parc immobilier existant, et cela dès 2026, à l’issue d’une concertation avec les acteurs de la filière.

L’objectif de décarbonation de notre mix énergétique est maintenant largement admis, même si la France ne représente que 1 % des émissions de CO2 dans le monde. Il faut bien sûr trouver des solutions rapides et concrètes pour aller dans ce sens, mais certainement pas, comme le dirait le Président de la République, pour « emmerder les Français »…

Or une telle mesure pénaliserait très lourdement les 12 millions de foyers qui se chauffent actuellement au gaz : les solutions de substitution, comme les pompes à chaleur, coûtent environ trois fois plus cher qu’une chaudière à gaz performante.

De plus, cette mesure déstabiliserait une filière en pleine mutation, qui attend des marques de confiance pour continuer à promouvoir la production de biogaz sur notre sol.

En réalité, notre pays a besoin d’une plus grande constance dans la parole de l’État. Il a surtout besoin d’en finir avec une politique écologique punitive, qui multiplie les interdictions.

Aussi, madame la ministre, pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement, en nous indiquant ce qu’il attend de la concertation qui s’ouvre ? Avez-vous la volonté d’entendre les arguments de bon sens qui s’expriment d’ores et déjà ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le sénateur Piednoir, je vous rassure : il n’est pas question d’« emmerder les Français »… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Un peu quand même !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il est surtout question de planifier, afin de donner de la visibilité à l’ensemble des acteurs que vous avez cités : d’une part, les Français qui, aujourd’hui, sont équipés de chaudières fossiles ; de l’autre, toutes les filières qui gravitent autour de ces installations.

La concertation dont il s’agit doit être replacée dans son contexte. Comme vous le savez, le Président de la République nous a assigné une mission on ne peut plus ambitieuse au service de la transition énergétique : que la France soit le premier pays à sortir des énergies fossiles, pour tenir ses objectifs de neutralité climatique à l’horizon de 2050.

C’est pourquoi, sous l’égide de Mme la Première ministre, le Gouvernement travaille méthodiquement, secteur par secteur, pour trouver les voies et moyens permettant de construire cette neutralité carbone.

Nous nous penchons évidemment sur les secteurs du bâtiment et du logement. Notre objectif, c’est d’avoir des logements moins énergivores et moins émetteurs de carbone. C’est une nécessité pour notre planète. C’est aussi plus de confort et moins de factures pour les Français. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Bouloux manifeste sa circonspection.)

Des logements qui émettent moins de carbone, ce sont des logements qui consomment moins de gaz et de fioul pour être chauffés ou refroidis.

Vous le savez, ces efforts ne datent pas d’hier. Ainsi, il n’est plus possible d’installer des chaudières à gaz ou au fioul dans les constructions neuves. Nous avons arrêté tout soutien à ce type d’équipement. Mais, aujourd’hui, nous devons aller plus loin.

C’est pourquoi, avec mes collègues Christophe Béchu et Olivier Klein, j’ai lancé mardi dernier une consultation publique,…

M. François Bonhomme. Pas possible ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … portant sur la décarbonation du secteur du bâtiment et, notamment, l’accélération de la décarbonation des moyens de chauffage.

Cette concertation doit nous permettre d’élaborer des réponses concrètes et accessibles en prix – vous avez mentionné ce point à juste titre –, tout en anticipant la montée en puissance, dans nos usines, de solutions de substitution. À l’instant, mon collègue Olivier Véran a ainsi mentionné la fabrication de nouvelles chaudières bas-carbone.

Vous le constatez, il ne s’agit pas de prendre des solutions drastiques et immédiates. Mais gouverner, c’est prévoir, et prévoir, c’est anticiper. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’est ce que nous faisons, au bénéfice des Français et de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, ici même il y a quinze jours, votre collègue Christophe Béchu nous disait que l’on en avait fini avec l’écologie punitive…

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. C’est vrai !

M. Stéphane Piednoir. De grâce, n’ouvrez pas la voie à une nouvelle colère sociale. Ne faites pas payer aux Français les errements et les volte-face que, ces dernières années, l’exécutif a multipliés – nous savons tous de quoi il s’agit. Ne laissez pas les foyers les plus modestes supporter une mesure totalement déconnectée de leur réalité du quotidien. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot et M. Ludovic Haye applaudissent également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 14 juin, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Discussion générale (suite)

Indices locatifs

Rejet en procédure accélérée d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs (proposition n° 667, résultat des travaux de la commission n° 682, rapport n° 681).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Question préalable

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a près d’un an, dans cet hémicycle, la majorité d’entre vous était d’accord pour voter des mesures tendant à minimiser les effets d’une inflation que nous savions croissante.

Je pense au bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie, à la revalorisation des aides personnelles au logement (APL), à la hausse des minima sociaux, et, bien sûr – sujet qui nous occupe aujourd’hui –, à l’indice de référence des loyers (IRL) et au plafonnement de l’indice des loyers commerciaux (ILC).

Je m’arrête brièvement sur le sujet du commerce, car, je m’en souviens, c’est précisément sur l’initiative des parlementaires de cette chambre que ce premier dispositif a été introduit dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, avait rassemblé autour d’une table les représentants des commerces, des bailleurs, des foncières, ainsi que les parlementaires, pour parvenir à un accord essentiel pour nos commerçants de proximité.

Ainsi, en fixant à 3,5 % la hausse de ces loyers pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), nous avons apporté un précieux bol d’air aux 430 000 petits commerces en France qui ont souscrit des baux commerciaux pour exploiter leur activité, ainsi que, par conséquent, à leurs clients, qui ont été préservés de la hausse des prix qui s’en serait ensuivie.

Sans ce plafonnement, l’indice de référence des loyers se serait établi à 6,26 % sur un an. Ainsi, à la faveur de cette mesure, la hausse de l’IRL a été quasiment divisée par deux.

Désormais, l’enjeu est de ne pas relâcher nos efforts, me semble-t-il. Dans les dernières projections, la hausse de l’indice est encore élevée ; sans doute le demeurera-t-elle dans les prochains mois. Voilà pourquoi la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui revêt une grande importance.

Oui, nous avons encore besoin de protéger nos petits commerces ! Nous devons les protéger en prolongeant un dispositif équilibré dans son périmètre, dans sa durée et dans son intensité. J’insiste sur ces termes, car, s’agissant d’une dérogation aux principes constitutionnels de la liberté et de la stabilité contractuelles, nous redoublons de prudence.

C’est la raison pour laquelle nous rétorquons à ceux qui nous reprochent une impréparation que nous avons agi avec mesure. En effet, une trop grande anticipation des prévisions d’inflation nous plaçait inévitablement dans une situation de fragilité juridique.

Il n’est jamais neutre que l’État intervienne dans les relations contractuelles privées.

C’est pourquoi, au travers de la proposition de loi, nous avons pris garde à cibler les commerçants les plus exposés, à savoir les TPE et les PME, c’est-à-dire les entreprises qui ont les marges les plus faibles et le moins de latitude dans leurs négociations avec les bailleurs, en particulier avec les foncières. Nous avons également veillé à borner cette intervention dans le temps, soit jusqu’au premier trimestre 2024, quand l’inflation, pour soutenue qu’elle demeure, devrait avoir nettement reflué.

Au-delà de cette mesure rapide, ponctuelle et dictée par la nécessité, comme Olivia Grégoire a eu l’occasion de le dire aux députés la semaine dernière, nous avons lancé, voilà quelques semaines, le conseil national du commerce. C’est le lieu où évoquer les mutations du commerce et les thématiques structurelles qui vont bien au-delà du problème conjoncturel de l’inflation.

Aussi, au nom de la ministre déléguée, je réitère l’invitation à participer à une concertation sur la réforme du bail commercial, qui englobera la question de l’ILC, bien sûr, mais pas uniquement. Toutes vos idées seront les bienvenues sur ce sujet crucial.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez émis des critiques sur la forme.

Tout d’abord, certains d’entre vous parlent d’impréparation ou de manque d’évaluation. Pour ma part, je remercie les députés de la majorité de s’être emparés de ce sujet. Le plafonnement de l’IRL doit être voté avant le 1er octobre 2023, j’y insiste. Il n’y avait donc pas d’urgence à présenter un texte. Nous voulions essayer de donner de la visibilité aux Françaises et aux Français, compte tenu du contexte actuel.

C’est pour cela que nous avons proposé un texte qui pouvait être adopté avant le 30 juin 2023, même s’il n’y a pas d’obligation, puisque nous avons, je le répète, jusqu’au 1er octobre. Nous pouvons tout de même espérer que la reconduction d’un dispositif tendant à protéger les locataires confrontés à une crise de grande ampleur puisse être approuvée en moins de quatre mois par le Parlement sans que ses travaux en soient empêchés…

Par ailleurs, les prévisions d’inflation ont évolué jusqu’à récemment. En mars, les prévisions pour le deuxième trimestre 2023 – nous y sommes – n’étaient pas finalisées, puisqu’elles variaient de plus ou moins 1 %, ce qui est un ordre de grandeur considérable.

Il fallait donc attendre que les prévisions soient le plus possible stabilisées pour prendre la bonne décision. Aujourd’hui, les prévisions sont de qualité, grâce à la confirmation de la stabilisation de la dynamique économique, comme l’indiquent toutes les banques centrales, qui s’apprêtent à cesser de remonter leurs taux d’intérêt.

J’en viens, enfin, à la critique relative au manque d’évaluation. Voici, sur la base de plusieurs éléments, nos évaluations : près de 490 millions d’euros seront économisés par les locataires en année pleine avec le rythme des revalorisations de loyers, si toutes les revalorisations se font selon l’IRL ; or la hausse de loyers est de près de 2 % en 2022.

Les éléments très fins d’évaluation sont difficiles à obtenir alors que la crise dure encore et que le deuxième trimestre de cette année n’est pas terminé. Plutôt que d’évaluer trop précisément, nous faisons le pari scientifique d’appliquer aux mêmes problèmes les mêmes solutions – elles ont fait leurs preuves –, à savoir la prolongation technique du dispositif déjà existant, qui a permis de limiter la hausse des loyers à 2 % en 2022.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous laisse donc justifier auprès des 430 000 commerçants la hausse des loyers qu’ils connaîtront si le plafonnement de l’ILC cesse,…

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Aucun problème !

M. Olivier Klein, ministre délégué. … alors que les prévisions de l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, nous indiquent que les prochains mois resteront difficiles.

Je vous laisse aussi la justifier auprès des millions de ménages, notamment les plus modestes, et auprès de leurs élus locaux. (Marques dagacement au banc des commissions.) Ces derniers sont confrontés aux problèmes de logement lors des rendez-vous avec leurs administrés, qui leur demandent ce qui se passera pour eux et ce qu’il en sera de leur pouvoir d’achat si le « bouclier loyer » n’est pas adopté… Nous en avons parlé longuement lors des questions d’actualité au Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en votant contre ce texte, vous acceptez que les locataires du parc privé encaissent une hausse de loyer de près de 10 %, alors que nous voulons tous, je le crois, préserver leur pouvoir d’achat.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Inventons donc le loyer gratuit…

M. Olivier Klein, ministre délégué. En 2022, un bailleur a donc pu revaloriser son loyer d’au maximum 3,6 %.

En 2023, sans le vote du prolongement, un bailleur privé pourra revaloriser son loyer jusqu’à 6,1 %. Ceux qui refusent le plafonnement acceptent donc une hausse de près de 10 % des loyers pour l’année 2022-2023, soit 60 euros par mois en moyenne de plus pour les locataires du parc privé.

Sous l’effet du prolongement, l’impact total s’élèvera à 7 % maximum, contre 12 % si aucun plafonnement n’a lieu après ce débat.

S’il est prolongé, le plafonnement des loyers aura divisé par deux l’inflation des loyers potentiellement en vigueur sans l’action du Gouvernement. De plus, il aura permis 1 milliard d’euros d’économies par an pour les locataires du parc privé, qui s’ajoutent aux revalorisations structurelles décidées en 2023 pour les APL.

Ce dispositif a également fait ses preuves pour protéger les locataires sans fragiliser les propriétaires. Sans le plafonnement, la hausse aurait pu aller jusqu’à 6,3 % dans le parc locatif social et privé. En pratique, la hausse mesurée par l’Insee a été de 2 % en 2022, contre 0,6 % en 2021. Cela montre que le dispositif a un effet, mais aussi que les propriétaires ne revalorisent pas systématiquement les loyers au maximum.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Précisément !

M. Olivier Klein, ministre délégué. J’ai confiance en eux. Je sais que certains sont des propriétaires modestes et qu’ils sont obligés d’augmenter les loyers pour faire face à l’inflation.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je sais que, pour la majorité des autres, quand ils le peuvent, ils prennent part à l’effort de solidarité et n’augmentent pas les loyers. Les propriétaires recherchent, pour beaucoup, un équilibre intelligent.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Faisons-leur confiance !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’inflation va certes diminuer d’ici au début de l’année 2024, mais de façon moins rapide qu’attendu ; les prochains mois resteront difficiles.

Aussi, l’indice de revalorisation des loyers ne va pas s’ajuster immédiatement. La prolongation permet donc d’agir en responsabilité, en préparant au mieux un avenir encore incertain.

Au moyen de cette prolongation, le dispositif temporaire aura protégé les Français pendant toute la période de forte inflation et jusqu’à la fin, conformément à l’objectif fixé à l’issue de la concertation avec les professionnels.

Oui, les professionnels ont été associés, et je salue à cet égard le travail du député Thomas Cazenave,…

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Le pompier de service ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Klein, ministre délégué. … qui a discuté avec plusieurs acteurs avant l’examen du texte.

Je terminerai en mettant en avant deux points.

Premièrement, les bailleurs sociaux ne sont pas concernés par la prolongation actuelle – au reste, nous restons ouverts au débat. Les dispositions du texte actuel les laissent donc libres des loyers qu’ils fixeront au 1er janvier 2025, même si je sais pouvoir compter sur leur responsabilité pour limiter la hausse quand c’est nécessaire.

D’ailleurs, je sais que les bailleurs sont favorables à la protection des locataires et qu’ils n’appliqueront pas de hausse des loyers supérieure à 3,5 % au 1er janvier 2025.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Dans ce cas, pourquoi voter cette proposition de loi ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. J’ai reçu leur engagement en ce sens, et je les crois.

Deuxièmement, on me rétorque que ce texte ne répondrait pas à la crise du logement. Pardonnez-moi de vous le dire, mais tel n’est pas son objet !

Mme Anne-Catherine Loisier. Vraiment ? (Sourires sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Klein, ministre délégué. Ce texte a pour objet de prolonger les boucliers, afin de protéger les commerçants et les ménages de l’inflation.

Je sais que nombre de parlementaires s’intéressent au sujet du logement – nous l’avons vu tout à l’heure –, et je m’en félicite.

D’ailleurs, la restitution du volet logement du Conseil national de la refondation (CNR), qui a eu lieu lundi dernier, a été l’occasion pour la Première ministre de faire nombre d’annonces, que j’ai détaillées tout à l’heure lors des questions d’actualité au Gouvernement avec Christophe Béchu.

M. François Bonhomme. Bravo ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Klein, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que nous débattions des deux articles qui vous sont proposés. Aussi, je ne puis que regretter vivement la question préalable du groupe Les Républicains.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Non, de la commission !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je sais que la majorité des groupes du Sénat souhaitent avoir ce débat, sans que ce texte soit politiquement instrumentalisé, si j’ose dire. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. François Bonhomme. Parlez-en au ministre !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Rejeter l’examen de ce texte…

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Deux articles et quatre amendements !

M. Olivier Klein, ministre délégué. … uniquement pour faire passer un message de colère vis-à-vis de la procédure parlementaire n’est pas à la hauteur des enjeux et de la situation difficile que vivent nos concitoyens.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous n’allez tout de même pas nous donner des leçons de morale !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Je le dis encore une fois : prenons nos responsabilités – notre texte est équilibré –, protégeons les locataires, les commerçants et les petits propriétaires.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis en urgence de cette proposition de loi, déposée à l’Assemblée nationale par le député Thomas Cazenave.

Elle a pour objet de prolonger à hauteur de 3,5 %, jusqu’au premier trimestre 2024, le plafonnement de la hausse de l’indice des loyers commerciaux et de l’indice de référence des loyers d’habitation, qui avaient été décidés, respectivement, jusqu’au premier trimestre 2023 et jusqu’au deuxième trimestre 2023, dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, que nous avons voté l’été dernier.

L’examen de cette proposition de loi m’amène à formuler deux séries de remarques, sur la méthode tout d’abord, sur le fond ensuite.

En ce qui concerne la méthode, je fais le quintuple constat d’une impréparation, d’une précipitation, d’une absence d’évaluation, d’un manque de concertation et d’un non-accompagnement financier des acteurs.

M. François Bonhomme. La totale ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Tout d’abord, alors que les délais sont connus depuis l’an passé, le Gouvernement semble en avoir pris conscience voilà quelques jours seulement.

M. François Bonhomme. Il a été touché par la grâce !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. D’ailleurs, même s’il s’agit d’une prolongation, selon les termes de la proposition de loi, l’encadrement de l’ILC est juridiquement déjà échu, puisqu’il s’achevait au premier trimestre de cette année. C’est donc en janvier ou février dernier que nous aurions dû examiner un projet de loi de prolongation, et non aujourd’hui dans la précipitation.

De fait, cette proposition de loi a été déposée le 23 mai. Elle a été examinée par l’Assemblée nationale moins d’une semaine plus tard en commission et en séance. Dans cette course de vitesse législative, notre commission a été contrainte de l’examiner hier, moins de sept jours après, et vingt-quatre heures seulement avant son examen en séance publique.

M. François Bonhomme. Félicitations !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je voudrais rappeler que, en application de l’article 42, alinéa 3, de la Constitution, la discussion en séance, en première lecture, d’un projet ou d’une proposition de loi ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après son dépôt, puis, devant la seconde assemblée, qu’à l’expiration d’un délai de quatre semaines, et qu’un délai de deux semaines est ménagé entre l’examen en commission et la séance.

Les conditions d’examen de cette proposition de loi dépassent les bornes de ce qui est admissible si l’on veut mener un travail parlementaire sérieux.

Dans ces délais, il est naturellement impossible d’organiser une véritable consultation des multiples parties prenantes. En effet, les différents acteurs ont été pour la plupart placés devant le fait accompli. À ma connaissance, et à la différence du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, dont nous avons été saisis l’été dernier, aucune véritable concertation n’a été organisée entre les parties pour chercher un compromis.

Ce texte va même à l’encontre de la parole donnée par le ministre, qui voyait dans cette loi « un dispositif exceptionnel qui ne serait pas reconduit. »

M. François Bonhomme. On n’est même plus surpris !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. En choisissant de se cacher derrière le faux-nez d’une proposition de loi, le Gouvernement se dispense en outre de toute étude d’impact.

Pourtant, l’an passé, le coût pour les propriétaires du plafonnement de la hausse de l’indice de référence des loyers d’habitation avait été évalué à 705 millions d’euros. Ce n’est pas négligeable !

Quant à la hausse de l’indice des loyers commerciaux, elle avait effectivement été plafonnée par un amendement de notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne. Elle n’avait donc pas fait l’objet d’une étude d’impact, mais, à tout le moins, elle résultait d’une concertation.

Enfin, en passant par une proposition de loi, le Gouvernement se dispense de prendre les indispensables mesures d’accompagnement financier et d’apporter un certain nombre de garanties aux bailleurs comme aux locataires.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’an passé, dans la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, une hausse des APL accompagnait la mesure de plafonnement des indices. Tel n’est pas le cas aujourd’hui, car insérer une telle mesure dans une proposition de loi ou par amendement serait contraire à l’article 40 de la Constitution.

Cet état de fait me conduit à formuler ma seconde série de remarques sur le fond du texte.

La mesure de prolongation que l’on nous présente comme indispensable et urgente ne peut dispenser le Gouvernement d’une véritable politique en matière de logement et de pouvoir d’achat. Limiter la hausse des loyers face à une inflation certes élevée n’est qu’une réponse partielle et de court terme à un problème beaucoup plus large.

Par ailleurs, notre pays est confronté à une crise sans précédent de la construction de logements. Et ce ne sont pas les mesurettes annoncées lors du Conseil national de la refondation qui changeront la donne !

Il nous faut relancer l’investissement et l’accession de manière beaucoup plus ambitieuse. Mais comment voulez-vous encourager la location de logements contre la location saisonnière si vous faites passer le message que les indices de références ne seront pas respectés, alors que les loyers saisonniers, eux, ne sont pas régulés ?

De plus, les charges pesant sur les propriétaires ne sont pas allégées. La revalorisation des valeurs locatives sur l’inflation pour le calcul de la taxe foncière n’a pas été plafonnée. L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) la chiffre à près de 3 milliards d’euros. N’oublions pas non plus que la rénovation énergétique des logements est à la charge des propriétaires.

Le plafonnement n’est pas moins lourd de conséquences pour les bailleurs sociaux. En effet, l’inflation se répercute notamment sur leurs emprunts à long terme, dont le taux varie en fonction du taux du livret A.

À cause d’un encours de dette de l’ordre de 150 milliards d’euros et d’un taux de livret A passé de 0,5 % à 3 % en un an, les charges d’intérêts des organismes de logement social se trouvent alourdies de 3,75 milliards d’euros, ce qui affecte très fortement leur capacité à investir. Or cette hausse se répercute également sur l’IRL, donc les loyers, mais également sur les APL et les salaires.

En bloquant ce mécanisme sans compensation, le Gouvernement impose une nouvelle ponction aux bailleurs sociaux, alors que la réduction de loyer de solidarité (RLS) représente déjà 1,3 milliard d’euros par an. Comment espérer ensuite qu’ils puissent répondre présents aussi bien en matière de rénovation que de construction ?

En prolongeant le plafonnement de la hausse des loyers, le Gouvernement n’apporte en outre qu’une réponse partielle à la baisse du pouvoir d’achat. Comme je l’ai déjà indiqué, ce texte n’offre aucune garantie sur la revalorisation des aides personnelles au logement en faveur des locataires les plus modestes.

Au cours des années passées, la hausse des APL a été déconnectée de l’IRL. L’exemple le plus flagrant est le forfait de charges, dont l’augmentation a été deux fois moins rapide que la dépense réelle au cours des dernières années. D’ailleurs, il ne couvre plus que 40 % des charges effectives. Or, nous le savons tous ici, les charges augmentent plus vite que les loyers !

Enfin, la limitation de la hausse des loyers n’exonère pas le Gouvernement d’une réflexion sur la hausse des salaires. C’est tout particulièrement flagrant dans les commerces qui sont confrontés à une situation difficile : la fréquentation des commerces non alimentaires aurait reculé de 20 %. Selon les chiffres publiés en avril dernier par l’Insee, les achats alimentaires ont diminué de 10 % en un an, et la baisse est beaucoup plus importante sur certaines catégories de produits.

Limiter la hausse des loyers ne permettra pas de redonner vraiment du pouvoir d’achat à certains Français, mais elle en prendra à d’autres : les propriétaires.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que la commission des affaires économiques a décidé de rejeter cette proposition de loi. Nous refusons la méthode et l’absence de prise en compte globale par le Gouvernement de la crise du logement et du pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann. (Mme Viviane Artigalas applaudit.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteure, mes chers collègues, il s’agit là d’un sujet extrêmement important, qui soulève deux problèmes, sur le fond – les dépenses de logement des Français – et sur la forme – le respect des institutions démocratiques.

Sur ce point, Mme Dominique Estrosi Sassone l’a dit, nous ressentons, particulièrement au sein de cette assemblée, un mépris profond à l’encontre du Parlement. Le sentiment de l’impréparation des politiques publiques ne manque pas non plus de nous alarmer : nous aurions escompté qu’un tel débat portant sur l’IRL soit préparé en amont.

Le mépris du Parlement semble désormais chronique, comme en témoigne le non-vote du projet de loi sur les retraites à l’Assemblée nationale, qui en est le dernier avatar.

Sur le fond, les dépenses de logement des Français ont décroché depuis nombre d’années au regard de l’évolution de leurs revenus. C’est un élément déterminant de la chute de leur pouvoir d’achat, en plus de la question du niveau des rémunérations et des salaires. Ce décrochage est d’ailleurs plus fort en France que dans la plupart des autres pays de l’Union européenne.

Nous avons déjà souligné l’an dernier qu’un taux d’IRL à 3,5 % ne réduirait pas l’augmentation continue de la part des dépenses de logement des Français, qui est désormais confirmée.

Premièrement, la plupart des salaires n’ont pas augmenté de 3,5 %. Même si l’évolution s’en rapproche en moyenne, un ensemble de catégories n’est pas concerné.

Deuxièmement, dans la plupart des agglomérations, le taux des rotations de logement – la hausse du loyer est très forte dès que l’on change de logement – entraîne une augmentation des loyers de 7 % à 8 %.

Troisièmement, la quittance comprend non seulement le loyer, mais également les charges locatives, qui pèsent lourdement. Or le bouclier n’a pas supprimé les hausses de charges, qui empirent cette année, en raison de la suppression du tarif réglementé pour le gaz et de celle du bouclier tarifaire.

C’est pourquoi notre groupe plaide pour un gel des loyers durant quelques années. Cette stratégie ne peut être pérenne, je l’entends. Mais, selon nous, la plupart des propriétaires peuvent l’absorber, car les hausses de loyers ont décroché au regard de l’évolution générale des revenus. De plus, c’est pour le logement social qu’il y a besoin de mesures compensatoires.

En effet, les propriétaires de logements privés ont souscrit, pour les acquérir ou pour les rénover, des prêts dont les taux d’intérêt étaient fixes et bas, alors que ceux qui ont été souscrits par les bailleurs sociaux sont indexés au livret A. Aussi, la hausse des taux de ce livret plombe lourdement leurs comptes. Ils ne peuvent pas absorber une baisse de la rémunération des loyers et une hausse du taux du livret A : il leur faut une compensation !

Par ailleurs, nous considérons que le sujet du prix du logement est essentiel. Sur ce point, je ne comprends pas la position de la majorité relative présidentielle…

D’un côté, M. le député Descrozaille explique que, puisque l’on ne peut pas baisser fortement le prix de l’alimentation – au regard de la rémunération de nos agriculteurs, cela se comprend aisément –, il faut jouer sur la baisse des dépenses de logement.

D’un autre, vous ne prenez aucune mesure visant à baisser les dépenses de logement, ni dans ce texte sur l’IRL ni dans aucune des décisions annoncées hier lors du CNR logement, monsieur le ministre.

Il n’y a en effet ni mesures de régulation des prix du foncier, ni extension de la régulation des loyers – au passage, les loyers des communes où s’appliquent les règles relatives à l’encadrement des loyers ont très faiblement augmenté –, ni mesures d’aides à la pierre ou au logement ! L’actualisation des APL, fût-elle de 3,5 %, ne prend pas en compte l’augmentation des coûts de charge.

Mme Dominique Estrosi Sassone a montré à juste titre que l’on ne pouvait prétendre qu’un taux de 3,5 % est suffisant pour les APL, alors que le forfait de charges n’est pas fortement revalorisé.

En réalité, votre politique aura pour effet d’accroître les dépenses de logement de Français, de plomber leur pouvoir d’achat et de durcir des conditions sociales souvent insupportables.

Le Président de la République dit qu’il veut être attentif aux classes populaires, qui ne bénéficieraient pas d’aides sociales comme les autres. Eh bien, je lui réponds que ces populations seront percutées par l’absence de prise en compte de la hausse des dépenses de logement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme le rapporteure et Mme Lienemann ont parfaitement planté le décor, en rappelant le contexte dans lequel nous nous trouvons – au demeurant, presque tous les groupes l’avaient évoqué lors des questions d’actualité au Gouvernement, qui ont permis d’éclairer la réalité à laquelle nous sommes confrontés.

Or, monsieur le ministre, vous nous demandez au même moment de nous prononcer sur une disposition résultant d’une initiative parlementaire totalement déconnectée de la vision globale défendue par le Gouvernement pour traverser la crise dans laquelle nous nous enlisons et qui ne fait que s’amorcer ! Cela suscite nécessairement certaines interrogations.

La situation du logement est sans précédent : quelque 2,4 millions de demandeurs de logement ne trouvent pas de solution ou n’ont pas accès à un logement social ; le parcours résidentiel ne cesse de se compliquer – il est obéré de façon inquiétante –, d’autant que, dans certains pans du territoire, on peine à offrir des solutions d’accession à la propriété pourtant susceptibles de libérer des places en logement locatif.

Le logement est au cœur du quotidien des Français, comme l’a démontré Mme Marie-Noëlle Lienemann, en raison de la part des dépenses de logement dans le pouvoir d’achat des Français. Ceux-ci sont de plus en plus nombreux à traverser des situations de fragilité et ainsi à solliciter un logement social, car leur pouvoir d’achat diminue, et ils n’ont plus d’autre choix.

Il y a donc de plus en plus de demandeurs, qui se trouvent dans des situations financières de plus en plus inquiétantes.

Certes, monsieur le ministre, nous devons réfléchir à la maîtrise de l’évolution des loyers, mais prenez garde au jour où les bailleurs, publics comme privés, ne pourront plus mener ni rénovation ni construction. Il ne sera alors plus question des loyers : on se demandera quel toit on pourra bien mettre au-dessus de la tête des gens ! (Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit.)

C’est pourquoi une telle déconnexion des sujets nous interroge. Comme Mme le rapporteur l’a souligné, il n’y a eu ni recul, ni consultation des acteurs du secteur, ni étude d’impact, ni vision, ni perspective… Comment peut-on dire les choses aussi brutalement et prendre le risque de mettre en péril soit le secteur, soit les locataires ?

Personne ici ne souhaite que les loyers pèsent sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Mais nous devrions nous assurer que le plafonnement des loyers des ménages modestes et des classes intermédiaires soit compensé. Et la solution, c’est l’aide personnalisée au logement, qui permettrait aux bailleurs de continuer à agir.

On demande aux petits propriétaires bailleurs privés de réaliser la rénovation thermique de leurs logements – comment ne pas être pour ? – et, dans le même temps, on plafonne les loyers… Comment feront-ils ? Comment vont-ils s’en sortir ?

Notre rapporteur a remarquablement bien exposé la mécanique, donc je ne la rappellerai pas. Vos propositions ne sont pas vraiment protectrices pour les locataires et elles sont punitives pour les propriétaires, d’autant que la fiscalité est confiscatoire pour ceux qui font l’effort d’investir dans la pierre.

Parlons des plus riches, monsieur le ministre : pas plus tard qu’hier, j’ai lu que les 75 personnes les plus riches de France s’acquittaient de 26 % d’impôt sur leurs revenus, contre 46 % pour les 38 000 suivantes. Les premières sont imposées sur leurs actions, les suivantes sur leurs biens immobiliers… Il y a donc les bons et les mauvais riches.

Ce qui est fou, c’est que, au moment où l’on a besoin de s’engager dans la production de logements pour nos concitoyens, notre fiscalité rédhibitoire envoie le signal qu’il ne faut pas investir dans la pierre ! (Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit.) Comment faire ensuite ?

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Valérie Létard. J’ajouterai une dernière chose à propos du taux du livret A. Une augmentation de 1 % cette année représentera purement et simplement, pour les bailleurs sociaux, une réduction de loyer de solidarité supplémentaire, soit 3,75 milliards d’euros supplémentaires. (Mme Marie-Noëlle Lienemann approuve.) Comment faire ? Ce n’est pas possible !

Voilà pourquoi nous rejetons cette demande déconnectée du reste de la politique du logement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cœur de l’été 2022, le Gouvernement avait mis à l’ordre du jour des débats parlementaires un projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Cette démarche était opportune et très attendue par les Français, qui étaient confrontés à une inflation généralisée.

Le texte a été largement discuté et amendé, et le RDSE a voté pour, malgré un sentiment d’inachevé, compte tenu de l’ampleur des besoins de la population.

L’article 14 de la loi prévoit un dispositif de plafonnement de la variation annuelle de l’indice des loyers des petits commerces, issu, entre autres, d’un amendement de mon groupe. L’article 12 prévoit, quant à lui, le plafonnement de l’indice de référence des loyers au profit des ménages.

Concrètement, la revalorisation n’a pu excéder 3,5 %, pour protéger les locataires, ainsi que les petits propriétaires, qui subissent également une hausse de leurs charges.

Naturellement, le gel des loyers commerciaux et locatifs aurait sans doute été préférable – le loyer représentant le plus gros poste de dépenses des ménages, aux alentours de 34 %. C’est beaucoup, surtout après la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires, qui est évaluée entre 15 % et 20 % sur un an.

Le constat des acteurs du logement est sans appel : 4,1 millions de personnes sont sans logement ou mal logées ; 12,1 millions de Français sont fragilisés par la crise du logement ; 12 millions de nos compatriotes souffrent de précarité énergétique ; 2,3 millions de ménages sont en attente d’un logement social. Il est donc difficile de séparer cette proposition de loi du contexte de véritable crise du logement.

Ce lundi 5 juin 2023, nous avons enfin assisté à la restitution des travaux du Conseil national de la refondation (CNR) Logement pour répondre à cette crise.

Le Gouvernement a classé ses différentes mesures selon cinq axes : favoriser l’accession à la propriété ; favoriser l’accès à la location ; soutenir la production et la rénovation des logements sociaux ; relancer la production de logements ; enfin, amplifier la rénovation énergétique et thermique des logements du parc privé.

Ces pistes sont ambitieuses et salutaires, mais elles doivent être suivies d’effet, pour endiguer la forte baisse de la production de logements privés et sociaux.

Notre groupe s’interroge sur certains points, comme la volonté de « lever les freins juridiques à la production de logements compatibles avec nos objectifs de sobriété foncière » : le célèbre « en même temps » !

Pour le dire avec un peu d’humour, s’agit-il d’une prochaine simplification de l’application de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) fixé par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience ?…

Voilà des années que les acteurs du secteur nous alertent sur leurs difficultés croissantes. Résoudre la crise du logement, c’est notamment redonner des marges de manœuvre sur le terrain, ainsi que du pouvoir d’achat aux Français.

Toutefois, nous avons la responsabilité d’agir avec raison, et non à la va-vite. C’est pourquoi nous sommes nombreux à dénoncer la méthode et l’approche retenues pour cette proposition de loi. Déposé il y a seulement deux semaines, voté à l’Assemblée nationale la semaine dernière et transmis au Sénat dans la foulée, ce texte a un goût de frustration. Pis, il donne un sentiment de panique à bord.

Comment légiférer sans poser les enjeux, sans réunion des parties prenantes, sans véritable analyse des impacts ? L’approche apparaît trop restrictive.

À défaut d’une politique plus ambitieuse, la majorité présidentielle se contente de reconduire, dans l’urgence, un dispositif théoriquement temporaire.

Comme lors de l’examen en commission hier matin, le RDSE s’opposera à la motion tendant à opposer la question préalable, présentée par Mme la rapporteure, même s’il partage nombre de ses arguments. C’est une ligne constante de notre groupe : nous avons des responsabilités face à la crise actuelle de l’immobilier et à l’inflation.

Vous l’avez compris, comme beaucoup, nous aurions préféré un véritable examen législatif. Ce qui, pour le moment, n’est absolument pas le cas. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trop, c’est trop ! À la tribune ce soir, je veux pousser un véritable « coup de gueule » – pardon, monsieur le président, pour cette expression –, en réaction au mépris du Gouvernement pour le Sénat, pour le secteur du logement et pour le pouvoir d’achat des Français.

Oui, les conditions d’examen de cette proposition de loi manifestent un mépris du Parlement en général et du Sénat en particulier.

L’urgence décrétée pour examiner ce texte en deux semaines ne s’explique que par l’impréparation du Gouvernement. Mais peut-être est-elle le fruit de désaccords plus profonds entre ministères – le poison du « en même temps » ?

Nous connaissions tous les dates de fin des dispositifs votés l’année dernière. Il n’y avait donc aucune raison d’examiner dans la précipitation un texte que le Gouvernement aurait dû déposer en janvier. Le Gouvernement prend le Sénat pour une chambre d’enregistrement.

Où est l’étude d’impact ? Nulle part.

Où est l’évaluation des mesures prises l’été dernier ? Nulle part.

De combien les loyers et les valeurs locatives commerciales ont-ils effectivement augmenté ? Mystère.

Quels sont les coûts et les conséquences pour les propriétaires privés et pour les bailleurs sociaux ? Aucune idée.

Mes chers collègues, on nous demande aujourd’hui de voter non seulement à la sauvette, mais aussi à l’aveuglette !

Ce texte manifeste également une forme de mépris à l’égard du secteur du logement et de tous ses acteurs. Il n’a fait l’objet d’aucune concertation, et la plupart des acteurs ont été mis devant le fait accompli. Mais après tout, quoi de surprenant, puisque réunir plusieurs centaines d’acteurs du secteur, pendant plusieurs mois, au sein du Conseil national de la refondation, n’aura finalement servi à rien, ou à si peu de choses ! Pas même à les informer de cette proposition de loi en forme de faux-nez…

Prolonger le plafonnement des indices locatifs en urgence ne fait pas une politique du logement construite et cohérente de long terme.

Le discours de la Première ministre lundi soir a montré que le Gouvernement prenait la crise du logement à la légère ; je le dis avec gravité.

Quelque 18 % ! Tel est, monsieur le ministre, le taux d’augmentation du nombre de demandeurs de logements sociaux depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Voilà le résultat de la politique du logement conduite depuis 2017.

Le CNR Logement est un véritable rendez-vous manqué. De l’avis général, ses conclusions témoignent d’une incompréhension totale des investisseurs, publics ou privés, petits et grands, trop taxés, sans visibilité, sans stabilité, sans respect des engagements ; des entreprises, qui s’inquiètent à juste titre du devenir d’Action Logement pour leurs salariés ; des élus locaux, auxquels on ne donne plus les moyens d’accueillir les nouveaux habitants ; des territoires, qui font face à des injonctions contradictoires, dont une politique intégriste et sans aucune vision prospective du ZAN.

Le logement est le premier poste de dépenses des Français et leur premier sujet de préoccupation, mais c’est aussi le premier poste d’économies budgétaires et la dernière des priorités pour le Gouvernement. Voilà la réalité.

Pourtant, des mesures structurelles pour relancer la construction et débloquer le parcours résidentiel étaient possibles.

Je pense par exemple au soutien aux maires bâtisseurs. Depuis la suppression de la taxe d’habitation, les maires n’ont plus de recettes fiscales dynamiques et pérennes leur garantissant une augmentation de leurs ressources, en lien avec la croissance de la population et les constructions nouvelles. Et vous vous étonnez qu’ils soient plus frileux à construire !

Il est nécessaire d’aller bien au-delà d’une prime au permis ou d’une compensation partielle et temporaire de l’exonération de taxe foncière dont bénéficient les logements sociaux, arrachée de haute lutte au Premier ministre Jean Castex, au Sénat.

Surtout, nous devons leur rendre le pouvoir d’attribution des logements sociaux, car nos maires n’en peuvent plus de devoir construire sous contrainte et de ne pas pouvoir donner satisfaction à leurs propres administrés !

Autre piste que vous auriez pu explorer : la suppression de tout ou partie de la réduction de loyer de solidarité, qui pèse 1,3 milliard d’euros par an sur les capacités d’investissement des bailleurs sociaux, alors que vous leur demandez de construire, de rénover, de mettre en œuvre les politiques publiques et d’accompagner les populations en difficulté. Monsieur le ministre, on en fait des choses avec 1,3 milliard d’euros !

Vous auriez également pu soutenir l’investissement locatif. Le Gouvernement annonce la fin du dispositif Pinel ? Très bien. Mais il ne le remplace par rien. Depuis de nombreuses années, un statut du bailleur privé est pourtant proposé et attendu par de nombreux acteurs, afin de reconnaître l’utilité sociale d’investisseurs qui ne sont ni des rentiers ni des Thénardier.

Enfin, vous auriez pu débloquer le parcours résidentiel, plus particulièrement l’accès à la propriété, ce fameux « rêve français », qui n’est peut-être pas le vôtre, mais qui est légitime pour des milliers de nos compatriotes. Leur dénier ce droit revient à les condamner à une forme de déclassement.

Quant au pouvoir d’achat, ainsi que l’a dit Mme le rapporteur, à la différence du texte voté l’année dernière, vous n’offrez aucune garantie pour les plus modestes. Quelle sera l’augmentation des APL dans le prochain projet de loi de finances (PLF) ? Quelle sera l’augmentation du forfait pour charges ? Mystère.

En rejetant ce texte et en soutenant la question préalable déposée par la commission, le groupe Les Républicains ne souhaite pas s’opposer à une solution pour nos concitoyens et nos PME, solution qui sera vraisemblablement adoptée à l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, nous souhaitons crier notre colère avec force et conviction et dire notre totale opposition à l’ensemble de la politique du logement méticuleusement déconstruite depuis 2017.

Ce texte est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Bien sûr, nous comprenons le souhait d’autres groupes politiques de débattre, donc de ne pas voter cette question préalable ; leur position est tout à fait respectable.

Toutefois, pour le groupe Les Républicains, il s’agit ce soir de renverser la table. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un peu moins d’un an, le 29 juillet dernier, dans cet hémicycle, nous adoptions le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Il s’agissait de protéger les Français, ménages et professionnels, face au choc inflationniste qui frappait notre pays. Parmi les différentes mesures adoptées, l’une d’entre elles consistait à plafonner à 3,5 % la revalorisation annuelle des indices locatifs, dits « IRL » pour les particuliers et « ILC » pour les commerçants.

Pourquoi avoir attendu le début du mois de juin pour proposer la prorogation d’un dispositif qui arrivera à son terme à la fin du mois ? On peut tout de même se poser la question, même si, je l’admets, ce n’est pas vraiment ce qui doit nous préoccuper cet après-midi.

Ce qui doit nous préoccuper, c’est l’objet de cette proposition de loi, qui vise à prolonger d’une année, soit jusqu’au premier trimestre 2024, le dispositif de plafonnement à 3,5 % des indices locatifs dans l’Hexagone et à 2,5 % outre-mer. Rappelons que, sans ce dispositif, cette revalorisation serait aujourd’hui de plus de 6 %.

J’ai bien entendu certains collègues, d’un côté de l’hémicycle, critiquer cette proposition de loi, en considérant qu’elle ne va pas assez loin. Ils diront que, même plafonnée à 3,5 %, une hausse de l’IRL qui s’ajoute à celle des prix au supermarché, à la pompe à essence ou à celle de l’énergie reste difficilement surmontable pour les ménages les plus fragiles.

Ils diront aussi que certains petits commerçants et artisans ne pourront faire face à une hausse de leur loyer qui viendra se conjuguer à celle de l’énergie, des matières premières et à la baisse des commandes. En cela, ils auront raison : beaucoup sont de fait déjà pris à la gorge, avant même toute éventuelle revalorisation du montant de leur loyer.

Faudrait-il ne rien faire et laisser les loyers exploser pour noyer complètement ceux qui parvenaient tout juste à maintenir la tête hors de l’eau ? Bien sûr que non !

Geler totalement les loyers et pénaliser l’intégralité des propriétaires ? Non plus, car, parmi les propriétaires, il y a aussi la femme retraitée, veuve, qui perçoit une petite pension et pour laquelle le loyer est un complément de revenus essentiel. Et parmi les locataires, il y a aussi le jeune couple qui ne veut pas, ou ne peut pas, contracter un prêt immobilier.

Il faut le dire, sans provocation : tous les locataires ne sont pas à plaindre et tous les propriétaires ne sont pas à envier. Évitons les caricatures qui opposent le locataire pauvre au propriétaire nanti, car, dans chacune de ces deux catégories, certains éprouvent exactement les mêmes difficultés à régler leurs charges à la fin du mois, voire bien plus tôt.

Certains propriétaires, comme certains locataires ou certains commerçants, font face à une augmentation des charges de copropriété, de la taxe foncière et des travaux de rénovation énergétique dont beaucoup devront s’acquitter et que les aides de l’État ne couvrent pas intégralement.

Cette proposition de loi nous semble ainsi être une mesure d’équilibre, d’effort réparti : elle protège les ménages et les commerçants d’une hausse brutale de leur loyer, sans pénaliser lourdement les propriétaires.

Souvenons-nous que ce dispositif de plafonnement des indices locatifs est issu d’une loi intitulée « mesures d’urgence pour le pouvoir d’achat ».

S’il peut représenter une solution de court terme, voire de moyen terme en l’espèce, visant à contenir la spirale inflationniste et à préserver le pouvoir d’achat des Français, il n’a pas vocation à perdurer au-delà de 2024, au risque de pénaliser gravement les propriétaires et les bailleurs dans un pays qui connaît déjà une crise du logement – contre laquelle ce dispositif ne permettra pas d’ailleurs de lutter.

La France connaît des problèmes structurels de logement, sur lesquels l’ensemble des acteurs, constructeurs, promoteurs, bailleurs et collectivités locales alertent depuis des années. Il faudrait construire entre 400 000 et 500 000 logements par an. Force est de constater que le compte n’y est pas.

Le Gouvernement partage ce constat : il a dévoilé ce lundi un plan contre la crise du logement. Les difficultés se sont nettement aggravées depuis la hausse des coûts des matériaux et celles des taux d’intérêt, qui rendent de plus en plus difficile l’accès au crédit immobilier pour nombre de Français.

Dans sa très grande majorité, conformément à son ADN, notre groupe votera contre la question préalable et pour cette proposition de loi de transition. (M. Jean-Louis Lagourgue applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour discuter d’une disposition législative essentielle pour la protection des locataires et que le Gouvernement avait néanmoins oubliée, alors même que l’échéance de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat était connue depuis sa promulgation.

Le dépôt précipité de cette proposition de loi et l’urgence de son examen escamotent complètement le débat démocratique.

À l’heure où le logement représente une part majeure des dépenses des ménages, les mesures proposées dans le cadre de ce bouclier de loyer ne doivent pas être prises à la légère. Dans un contexte d’inflation généralisée, n’ajoutons surtout pas la pression de l’augmentation du loyer aux difficultés que les locataires rencontrent d’ores et déjà avec la hausse des prix de l’alimentation et de l’énergie. Le plafonnement de la hausse des indices locatifs à 3,5 % ne répond pas aux enjeux.

Une étude récente de l’Institut français d’opinion publique (Ifop) nous apprend qu’une fois les dépenses essentielles réglées, 31 % des Français se retrouvent avec moins de 100 euros sur leur compte dès le 10 du mois. De plus, de nombreux locataires ne parviennent plus à payer leur loyer dans les temps : selon l’Union sociale pour l’habitat (USH), les retards de paiement de plus de trois mois ont augmenté de 10 % en 2022. Payer son loyer est pour les ménages un défi de taille, parfois insurmontable.

Pour un loyer moyen de 723 euros, le plafonnement à 3,5 % limiterait la hausse à 25 euros par mois. Cela représente néanmoins une somme non négligeable, notamment pour les ménages les plus précaires.

Bien sûr, ce plafond a le mérite d’exister face aux 6 %, 8 % ou 10 % de hausse que l’on nous prédit si ce texte n’était pas adopté. Mais le problème ne vient pas uniquement de l’inflation : il est bien plus profond.

On notait, à la fin de 2022, une hausse de plus de 7 % des demandeurs de logements sociaux, alors même que leur production a atteint un nouveau record à la baisse de 95 000 constructions en 2022, le niveau le plus bas depuis quinze ans.

Les chiffres sont catastrophiques : entre mai 2022 et avril 2023, quelque 431 800 autorisations de construction de logements ont été délivrées, soit 14,3 % de moins que sur les douze mois précédents.

Malheureusement, les moyens financiers des bailleurs sociaux n’ont cessé de baisser ces dernières années – diminution des APL, hausse de la TVA applicable à la production neuve, ponction annuelle sur leur budget –, touchant de fait la construction de logements.

À titre d’exemple, le bailleur social Néotoa, présent en Bretagne, a perdu près de 22 millions d’euros sur un budget de 120 millions d’euros, pour les raisons évoquées plus tôt.

Alors que nous demandons des efforts importants, notamment en matière de rénovation énergétique, s’attaquer aux dépenses d’investissement, c’est mettre à mal toute la politique du logement pour les années à venir.

Face à ces problèmes de construction et d’aggravation de la précarité des ménages, il est de notre devoir d’aider au mieux les locataires, en abaissant le plafonnement de la hausse des indices locatifs.

Alors que les locataires ont déjà subi une hausse de 3,5 % l’an dernier, ils pourraient connaître une nouvelle hausse équivalente si ce dispositif était adopté.

C’est pourquoi nous proposons de fixer le plafonnement à 1 %, ce qui permettrait de protéger les locataires en compensant quelque peu l’inflation pour les propriétaires, sachant que l’augmentation des charges locatives pèse totalement sur les locataires.

Encore une fois, ce bouclier de loyer ne résoudra pas la crise, qui, bien qu’elle soit aggravée par le contexte actuel, est profondément structurelle.

Il y a tout d’abord un véritable problème dans la méthode de calcul des indices locatifs. L’indice de référence des loyers est obsolète. Comment peut-on calculer le montant d’un loyer en 2023 en se fondant sur un indice dont la dernière mise à jour date de 2008 et qui ne tient pas compte de la disparité géographique ? Une révision de l’IRL est primordiale pour améliorer la situation financière des locataires.

Enfin, malgré les annonces du Gouvernement à la suite du CNR Logement, sans trop de surprises, la montagne a encore accouché d’une souris. On ne résoudra jamais cette crise avec des mesurettes et en poursuivant ce désengagement de l’État que vous essayez de faire passer pour un big-bang en faveur du logement.

Les mesures ne sont pas là. Les moyens encore moins. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à l’inflation qui combine les effets de la sortie de la crise sanitaire et le bouleversement géopolitique de la guerre en Ukraine, nous avons fait le choix, parmi une batterie de mesures visant à protéger les Français, d’instaurer un plafonnement exceptionnel de l’IRL à 3,5 %, appliqué également à la variation de l’ILC pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Cette mesure avait été proposée par notre groupe l’an passé au travers d’un amendement de notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne, identique à celui de la présidente Nathalie Delattre. Nous devons désormais nous prononcer sur l’éventuelle prolongation de l’application de ces deux mesures.

Nous sommes d’accord, les délais d’examen de cette proposition sont très courts et nous aurions pu anticiper la prolongation de ces mesures. J’y insiste cependant, il ne s’agit pas ici d’un vote sur le calendrier d’examen du texte, mais sur le maintien, ou non, d’un dispositif protecteur compréhensible par les Français.

Reconnaissons d’ailleurs que nous aurions pu nous saisir du sujet : chaque groupe aurait pu déposer un texte pour proposer des modalités d’application différentes.

Madame le rapporteur, hier, en commission, vous avez déploré l’impossibilité d’organiser un cycle d’auditions compte tenu des délais. Je le regrette également, car cela nuit à la qualité des travaux de notre assemblée, d’autant plus que vous avez eu l’amabilité de bien vouloir reprendre les travaux en cours.

Je note que le rapporteur de l’Assemblée nationale, Thomas Cazenave, a réussi à auditionner dix organismes en trois auditions communes et à tenir compte de quatre contributions écrites, dont celle de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). Dans l’hypothèse où un tel cas de figure d’urgence se reproduirait, un meilleur travail pourrait être réalisé entre les assemblées, avec des auditions communes des rapporteurs des deux chambres.

Le Parlement doit prendre le temps nécessaire pour mieux légiférer. Le temps parlementaire n’est pas accessoire et, à l’avenir, nous souhaitons une meilleure anticipation des mesures législatives provisoires.

Cela étant, le Sénat est capable, grâce à ses exceptionnels fonctionnaires, de légiférer dans l’urgence quand la situation l’exige.

Les deux articles de ce texte de loi sont facilement compréhensibles et ont déjà fait l’objet d’une expertise juridique l’été dernier ; on sait ainsi qu’un gel des loyers risquerait d’être censuré par le Conseil constitutionnel.

Mes chers collègues, nous avons chacun nos convictions, et elles sont respectables. Mais le rapport à charge contre ce texte dépasse largement la problématique visée.

Nos collègues de la gauche sont favorables à un gel des loyers ou à un plafonnement à 1 %. C’est une position claire, que notre groupe ne partage pas.

Il y a une grande absente dans le rapport présenté, et je ne puis croire qu’elle soit volontaire, tant elle est essentielle pour comprendre l’esprit du texte : que prévoyez-vous pour les Français en cas de rejet des prolongations ?

Les estimations montrent que l’ILC et l’IRL resteront à un niveau élevé, probablement autour de 6 % en glissement annuel, pour atteindre progressivement 3,5 % au deuxième trimestre de l’année 2024. Dès le mois de juillet 2023, la croissance de 6 % des loyers des locataires, des TPE et des PME est possible.

Mes chers collègues, je sais que la majorité sénatoriale n’est pas le parti de la pressurisation des Français. Mais quelle autre solution proposez-vous dans la situation d’urgence qui est la nôtre, pour protéger les Français dès le 1er juillet ?

Personne ne peut s’arroger l’apanage de la défense du pouvoir d’achat des Français, même s’il n’est pas rare que ce soit le cas chez certains de nos opposants. Il s’agit de décider, non de gloser.

Ce texte étant présenté dans des délais très contraints, la concertation n’a pu être menée, et nous le regrettons. Mais rejeter le texte, même pour des motifs de forme compréhensibles, ce serait laisser penser que nous serions prêts à laisser les Français et les entreprises subir une éventuelle explosion des loyers.

Notre dispositif doit rester exceptionnel, afin de maintenir l’attractivité des investissements dans la construction, mais nous devons impérativement le prolonger tant que les Français subiront une inflation exceptionnelle provoquée par des événements exogènes aux cycles économiques naturels.

Le Président de la République a promis de tout mettre en œuvre pour protéger les plus faibles dans la tempête que le monde traverse depuis la crise de la covid-19 et la guerre en Ukraine. C’est notre ligne.

Pour ces raisons, le groupe RDPI votera contre la question préalable et réaffirme son soutien plein et entier à cette proposition de loi qui protège les locataires et les commerçants. Mes chers collègues, je vous invite à la voter conforme.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les effets de l’inflation se font sentir depuis février 2022 et n’épargnent aucun secteur. Ils imposent à nombre de familles d’arbitrer entre différents postes de dépenses. Parmi ces derniers, un secteur ne devrait être assujetti à aucune restriction : celui du logement, alors que les difficultés pour accéder à ce droit fondamental et s’y maintenir s’aggravent.

Les charges associées au logement grèvent fortement les dépenses des ménages. Elles peuvent constituer jusqu’à 36 % de leur budget mensuel pour les locataires du parc social et dépasser les 40 % pour les locataires du parc privé.

C’est pourquoi la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat avait prévu un plafonnement à 3,5 % de l’indice des loyers commerciaux pour les PME et les TPE et de l’IRL pour les ménages.

Or la date d’expiration de cette mesure est dans moins d’un mois. Face à l’imminence de cette échéance, le Gouvernement a formulé, une fois de plus en urgence, la proposition de loi que nous devrions examiner aujourd’hui, visant à maintenir ce dispositif jusqu’au premier trimestre 2024.

En optant pour une proposition de loi, le Gouvernement nous prive de toute concertation préalable, de toute évaluation de la situation du pouvoir d’achat des Français, de toute étude d’impact concernant les répercussions financières du texte pour les bailleurs, privés et sociaux.

Certes, le maintien de ce dispositif de plafonnement se veut équilibré, en faisant contribuer propriétaires et locataires, mais nous déplorons l’absence de mesures compensatoires pour les bailleurs.

Le plafonnement des indices locatifs constitue pourtant une pression financière additionnelle sur leur budget, alors que leur capacité d’action est déjà entravée par la multiplication par plus de trois des taux d’emprunt, indexés sur la rémunération du livret A, ainsi que par la diminution du loyer de solidarité, qui représente pour eux une perte annuelle de 1,3 milliard d’euros.

Lors de l’examen de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, il y a moins d’un an, nous avions sollicité un suivi de l’impact de cette mesure de plafonnement sur les familles des locataires et sur les impayés de loyer, ainsi que, si nécessaire, la mise en place d’une clause de rendez-vous.

L’évolution du coût du logement était prévisible. Son augmentation devait être anticipée et maîtrisée. Cela n’a pas été le cas. Nous avons exposé tous les manques entourant l’examen de ce texte et nous partageons les profondes réserves de la commission, ainsi que ses critiques quant à la méthode du Gouvernement.

Pour autant, nous ne pouvons ignorer combien les mesures proposées sont indispensables, compte tenu de l’urgence sociale induite par le contexte inflationniste. Il est de notre devoir d’assister les familles fragilisées et de soutenir nos PME et TPE en souffrance.

Les dispositions de cette proposition de loi doivent bénéficier aux ménages et aux petits commerces, mais le principal écueil de ce texte réside précisément dans cette situation d’urgence, laquelle aurait pu être évitée.

Cependant, ce texte aura eu le mérite de lever les derniers doutes quant à votre volonté politique de traiter le problème du logement en France : l’absence totale d’anticipation dont vous faites preuve est à cet égard révélatrice.

Outre qu’il ne s’est pas préparé à l’expiration du dispositif de plafonnement, le Gouvernement a-t-il, depuis juillet 2022, proposé une politique de logement adaptée aux familles modestes ? Il a peut-être manqué de réflexions sur le sujet ; notre assemblée n’a pas cessé d’être force de proposition, mais toutes nos suggestions sont restées lettre morte.

Depuis 2017, les réformes successives voulues par le Président de la République ont entraîné une diminution de 11 milliards d’euros des fonds consacrés au logement : baisse des aides personnelles au logement (APL), mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS), ponction sur Action Logement et conditions d’obtention du prêt à taux zéro (PTZ) encore plus restrictives.

Preuve de votre désintérêt total pour les plus précaires, le premier texte sur le logement de ce nouveau quinquennat, la fameuse proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat, pénalise surtout les locataires en situation d’impayés de loyer, en les menaçant d’une amende de 7 500 euros et en accélérant les procédures d’expulsion.

Monsieur le ministre, j’attire tout particulièrement votre attention sur la situation des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). En 2022, la moitié des organismes HLM a enregistré une augmentation de plus de 10 % du nombre de loyers en retard de paiement de plus de trois mois.

Cette tendance va se confirmer en 2023. Les élus et les associations attendent de l’État un véritable plan d’urgence répondant aux enjeux économiques, écologiques et sociaux des quartiers populaires. Traiter la question du logement sous un angle uniquement comptable est une erreur qui va coûter très cher à notre cohésion sociale.

Nous ne cessons de vous alerter sur ce point, mais votre gouvernement choisit de rester sourd. Dont acte ! L’absence d’une véritable politique du logement crée toutes les conditions d’une bombe sociale. Lorsque celle-ci explosera, vous en porterez la responsabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mmes Valérie Létard et Brigitte Lherbier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon les données de l’Union sociale pour l’habitat (USH), les deux tiers des offices HLM ont constaté une augmentation du nombre de ménages en difficulté financière en décembre 2022. Cette tendance préoccupante est largement liée à l’explosion des factures de gaz et d’électricité, qui s’ajoutent aux loyers.

Prolonger le double plafonnement des loyers, comme le prévoit ce texte, n’est donc pas une solution suffisante face au coût réel du logement, qui croît en même temps que les charges.

Nous partageons la volonté de maîtriser le coût des loyers, mais il nous semble déplacé, et même risqué pour l’avenir de la construction de logements et pour la transition énergétique, de faire porter le poids de cette mesure exclusivement sur les propriétaires, alors que ceux-ci sont déjà affectés par des réglementations onéreuses au service d’enjeux énergétiques déterminants.

Tout autant touchés par l’inflation que les autres, ils ne sauraient être les variables d’ajustement d’enjeux sociaux, d’accès au logement et de transition climatique et énergétique. Nous refusons de les voir utilisés comme palliatifs à une véritable stratégie gouvernementale ambitieuse et structurelle.

Le groupe Union Centriste réclame donc la mise en œuvre d’une politique globale comportant une remise en question rapide de la RLS, ainsi qu’une revalorisation tout aussi rapide des APL.

Dans la conjoncture inflationniste, et après une économie estimée à plus de 4 milliards d’euros depuis 2018, ces mesures s’imposent à l’État. Elles répondent aux besoins d’investissement comme à la problématique des ménages en difficulté, sans pour autant reporter le problème sur les propriétaires, notamment les plus petits d’entre eux, qui sont souvent des retraités dépendants de ce complément de revenus.

Concernant l’accession à la propriété, espoir qui anime encore aujourd’hui des millions de Français, dans un marché immobilier en chute libre, le volume mensuel des ventes a reculé de 15 % sur un an. Les coûts de construction explosent, alors que la flambée des taux de crédit immobilier rend l’accession encore plus aléatoire dans un contexte de pouvoir d’achat dégradé.

Plutôt que d’empiéter sur la capacité d’investissement et de rénovation des propriétaires, la priorité est de redonner des marges financières aux investisseurs et aux Français, pour que ces derniers concrétisent leur projet de vie : devenir propriétaires de leur logement.

À la fin de 2022, quelque 2,4 millions de ménages attendaient de bénéficier d’un logement social. Parallèlement, le nombre de permis de construire accordés entre décembre 2022 et février 2023 a chuté de manière inédite, de près de 30 % en un an. La réalité, monsieur le ministre, c’est que les choix politiques de votre gouvernement vont à l’encontre des besoins.

La méthode d’examen de ce texte illustre une fois de plus une dérive des pratiques démocratiques, comme si le Parlement n’était plus le lieu d’expression de la démocratie, mais une simple chambre d’enregistrement des desiderata du Gouvernement.

Nous savons faire vite et bien, monsieur le ministre, mais il serait préférable pour les Français d’éviter la méthode consistant à bâcler le travail que vous nous imposez. Nous réclamons un débat et une loi sur le logement de grande envergure, en faveur des acheteurs, des investisseurs et du logement social, pour relever les nombreux défis qui se présentent à nous.

Pour cette raison, le groupe Union Centriste ne votera pas la motion tendant à poser la question préalable, qui nous priverait de débats, non plus que cette proposition de loi partielle et partiale, qui ne résout en rien les causes profondes de la crise du logement à laquelle nos concitoyens sont confrontés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il semble que l’adage selon lequel « les bonnes habitudes ne se perdent pas » ne s’applique guère au Gouvernement et à la majorité présidentielle. Une fois encore, ceux-ci démontrent, avec cette proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs, leur préférence pour les mauvaises habitudes.

S’agissant d’une proposition de loi, déposée en catimini par des députés de la majorité, plutôt que d’un projet de loi émanant du Gouvernement, ni travail préparatoire, ni concertation, ni étude d’impact des mesures proposées, ni avis du Conseil d’État n’ont été permis.

S’y ajoute l’engagement de la procédure accélérée, qui impose un examen du texte dans l’extrême urgence : il ne nous a été laissé qu’une semaine pour élaborer un rapport et une journée seulement sépare l’examen du texte en commission de son passage en séance publique…

Comment espérez-vous que nous travaillions correctement dans ces conditions ?

Cette situation résulte d’un manque total d’anticipation de la part de l’exécutif. Les échéances étaient pourtant connues depuis près d’un an : la loi Muppa, c’est-à-dire portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, qui avait introduit le plafonnement temporaire des indices locatifs, date d’août 2022. Monsieur le ministre, vous faites valoir l’urgence de la situation, mais si vous aviez été plus réactif, nous n’en serions pas là !

Sur le fond, la nécessité de prolonger le dispositif porte également à débat. En effet, bien que l’IRL ait été plafonné à 3,5 % depuis un an, une hausse des loyers de seulement 1,3 % a été constatée, puisque de nombreux bailleurs ne révisent pas leur loyer chaque année. Cette augmentation semble donc raisonnable : elle est bien inférieure à l’inflation que connaît le pays depuis l’année passée.

Notre groupe partage pleinement la volonté de limiter la perte de pouvoir d’achat des Français et d’aider les locataires.

Pour autant, nous nous interrogeons légitimement sur l’intérêt que présente ce dispositif pour les locataires, principalement concernés par la hausse des prix des produits alimentaires, mais aussi pour les propriétaires, qui sont majoritairement des Français ayant investi dans l’immobilier afin de bénéficier d’un complément de revenus qui leur est essentiel. Tomber dans la démagogie en opposant bailleurs et locataires ne saurait être une solution.

L’Union nationale des propriétaires immobiliers estime que, en cas de reconduction du plafonnement, près d’un milliard d’euros d’efforts auront été demandés aux bailleurs, ceux d’entre eux qui n’avaient pas révisé leur loyer depuis plusieurs années étant particulièrement pénalisés. Les propriétaires s’appauvrissent, car leurs coûts d’entretien augmentent plus vite que leurs revenus.

La mesure emporte également des conséquences fiscales pour l’État. De même, les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux subiront une baisse de leurs recettes, alors qu’aucune compensation n’a été envisagée pour eux, ce qui fera baisser leur capacité à construire de nouveaux logements.

Si la prolongation du plafonnement était utile – rien n’est moins sûr, notamment en raison de l’absence d’étude d’impact –, elle serait plus acceptable si elle était compensée, au moins partiellement, par exemple sous la forme d’un crédit d’impôt en faveur des bailleurs. Tel n’est pas le cas.

Ajoutons au tableau une revalorisation insuffisante des APL, après, rappelons-le, leur baisse de 5 euros en 2017. Une augmentation des prestations sociales aurait pourtant permis d’apporter une aide aux locataires les plus précaires, sans pénaliser les bailleurs, privés ou sociaux.

Alors que 82 % des Français estiment que le logement devrait être une priorité du Gouvernement, les propositions émises à la suite du volet du Conseil national de la refondation (CNR) consacré au logement ne sont pas à la hauteur des enjeux et ne contribueront pas à sortir de la crise de l’immobilier à laquelle nous sommes confrontés.

En effet, 2,42 millions de Français sont en attente d’un logement social et 330 000 d’entre eux sont sans domicile fixe – c’est un record.

En réponse, des mesures techniques sont envisagées, dont l’effet sera marginal. Seule l’augmentation des plafonds de revenu pour l’accès au bail réel solidaire peut être considérée comme positive. Et encore faudrait-il que ces plafonds, pour être pertinents, soient adaptés en fonction des particularités des territoires.

Par ailleurs, certaines propositions émanant du groupe de travail sur le logement permanent en zone tendue et touristique relèvent de l’absurde et sont parvenues à dresser contre elles l’ensemble des territoires touristiques.

S’y ajoute l’abolition de la taxe d’habitation, qui conduit à une explosion de la taxe foncière, et l’exclusion de logements du marché, avec l’interdiction de louer les passoires thermiques, qui n’est pas assortie de mesures visant à donner aux bailleurs les moyens financiers suffisants pour rénover leurs biens.

Cette situation est encore aggravée par un calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) qui pénalise l’électricité et une prochaine quasi-interdiction de la construction de nouveaux logements – merci le ZAN ! Tous ces facteurs créent un cocktail explosif.

Monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement, vous avez évoqué une bombe sociale ; nous y fonçons tête baissée, en créant toutes les conditions nécessaires à une baisse de l’offre de logements disponibles. Cette situation ne découle pas de la légère augmentation des loyers par certains bailleurs, mais assurément des signaux très négatifs envoyés par l’exécutif à ceux qui souhaitent investir dans la pierre.

L’observatoire Clameur, pour « connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux », dresse un constat alarmant du bilan du Gouvernement en matière de logement et souligne que les dispositifs de régulation du marché immobilier en place incitent les investisseurs à privilégier la plus-value, plutôt que la rentabilité locative raisonnable basée sur les loyers. Cela rend le marché immobilier privé encore plus spéculatif.

À la fois en raison de la méthode employée, de nos réserves envers le dispositif proposé, qui charge les propriétaires de la responsabilité de l’inflation, alors même que la protection du pouvoir d’achat en matière alimentaire est insuffisante, et de l’absence de mesures visant réellement à remédier à la crise du logement, je considère que les conditions d’examen de cette proposition de loi ne permettent pas un travail serein.

Or il me semble nécessaire d’engager une discussion sur le fond. Je voterai donc en faveur de la motion visant à opposer la question préalable, proposée par notre rapporteur, Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon.

M. Rémi Cardon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes ici rassemblés, quelque peu dans l’urgence, pour débattre de la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.

Oui, nous nous retrouvons dans l’urgence, car le Gouvernement n’a pas su anticiper, une fois de plus, cette question pourtant cruciale en termes de pouvoir d’achat, qui pèse lourdement dans le budget des ménages ; bref, cette question d’urgence sociale.

L’actualité est catastrophique pour le Gouvernement. Alors que ses manquements en matière d’anticipation se multiplient, les conclusions du CNR logement ne font que confirmer ce que nous savions déjà : vous ne parvenez pas à répondre aux attentes des Français, non plus qu’à celles des professionnels du secteur.

Dans une mauvaise mise en scène, sous couvert d’apaisement, vous nous offrez le triste spectacle du CNR logement, que l’on pourrait qualifier d’« acte II de la Convention citoyenne », tant le sentiment de déjà-vu est saisissant.

Pendant six mois, nous avons assisté à une forte mobilisation des acteurs du secteur ; l’union sacrée que vous aviez appelée de vos vœux était à portée de main. Ce travail a permis de produire des centaines de propositions visant à augmenter la production de logements sociaux, pour garantir un accès à un logement durable et abordable, redynamiser les territoires, endiguer les dérives et mettre un terme au mal-logement. Pourtant, cette séquence politique se solde une fois de plus par un camouflet.

L’envers du décor, c’est le Président de la République qui qualifie la politique du logement de notre pays de « système de surdépenses publiques pour de l’inefficacité collective ».

Comme à votre habitude, vous prétendez partager les constats et être conscient de l’ampleur de la crise. Et quelle crise, monsieur le ministre : 2,4 millions de personnes attendent aujourd’hui un logement social et 330 000 personnes restent sans domicile.

Le 3 mai dernier, nous avons examiné une proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique. Quelque 7 millions de passoires thermiques existent encore, et ce chiffre est stable depuis cinq ans ; il relève donc non pas seulement du bilan des précédents gouvernements, mais aussi du vôtre.

Vous avez vous-même admis que la crise du logement que nous traversons présentait le risque majeur de se transformer en « bombe sociale ». Nous attendons donc une réaction, un désamorçage. Rien de tel n’est pourtant prévu : pas d’augmentation significative des APL, dans un contexte d’inflation qui affecte particulièrement les plus précaires, et un prêt à taux zéro resserré, qui ne fera qu’exclure davantage les jeunes ménages en quête d’accession à la propriété.

Les conclusions du CNR logement confirment l’absence de politique qui s’est installée en la matière ces dernières années. Elles sont en parfaite continuité avec vos politiques : austérité et absence de vision comme de refondation.

Vous n’avez pris quasiment aucune mesure pour le logement social, alors que vous avez amputé la capacité financière des bailleurs sociaux de 1,3 milliard d’euros par an ; vous avez fait très peu pour les personnes sans domicile, rien pour lutter contre l’habitat indigne. Ce nouvel acte manqué n’est qu’un rouage supplémentaire de votre « machine à déception », pour reprendre les termes de l’un de vos collègues.

Alors que nos maires, nos élus locaux, sont des bâtisseurs, alors qu’ils connaissent leurs territoires et les acteurs locaux, alors qu’ils sont les mieux placés pour relancer la dynamique de construction perdue depuis 2017, vous leur envoyez des signaux négatifs. Il est grand temps de leur redonner confiance, plutôt que de les ignorer.

Nous avons la désagréable impression que ce CNR n’est qu’un tour de table destiné à réaliser des économies ; c’est bien dommage. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ne chargeons pas ce texte de plus qu’il ne contient, à savoir la volonté de protéger les petits commerçants et les locataires, tout en proposant une réponse équilibrée à l’égard des propriétaires.

J’entends, et d’une certaine manière je m’en réjouis, l’intérêt que l’ensemble des parlementaires porte à la question du logement, ainsi qu’à la réussite du Conseil national de la refondation, qui a su mobiliser l’ensemble des acteurs du secteur. Je le redis après la Première ministre, ce CNR n’est pas un point final. Il y aura une réunion plénière, à l’occasion de laquelle l’ensemble des contributions seront transmises par François Bayrou au Président de la République.

En parallèle, deux actions majeures sont en cours : premièrement, la signature de la nouvelle convention quinquennale avec Action Logement influencera grandement de nombreuses actions en matière de logement : renouvellement urbain Action cœur de ville, visa pour le logement et l’emploi (Visale), etc. Ne faisons pas porter à ce texte des politiques dont la charge ne lui revient pas.

Par ailleurs, la Première ministre nous invite à établir un pacte de confiance, et nous avons déjà commencé à y travailler avec l’Union sociale pour l’habitat. Ce dispositif répondra, j’en suis certain, à nombre d’autres questions que vous posez : comment redonner des fonds propres à nos bailleurs ? Comment leur permettre de produire et de rénover simultanément ?

Une première piste a été esquissée dans les conclusions de ce CNR, notamment la seconde vie, qui est au cœur du programme que nous porterons avec les bailleurs sociaux.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela ne change rien, des dispositifs de ce genre existent déjà !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Enfin, l’accession à la propriété a également été un des sujets. Elle est bien sûr maintenue, possible grâce au PTZ, le prêt à taux zéro, et les promoteurs sont protégés grâce aux 47 000 acquisitions d’Action Logement ou de la Caisse des dépôts et consignations habitat.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mais non !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Pour autant, ce soir, nous ne débattons que des moyens.

Enfin, l’examen de ce texte n’est pas précipité : il était nécessaire de connaître les chiffres réels de l’inflation ; à défaut, notre proposition aurait pu être frappée d’inconstitutionnalité. Il nous fallait donc attendre ces chiffres pour avoir le débat d’aujourd’hui.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Article 1er

M. le président. Je suis saisi, par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, d’une motion n° 5.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs (n° 667, 2022-2023).

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a décidé de déposer cette motion de procédure après la discussion générale, afin de ne pas limiter l’expression des groupes politiques.

Chacun a pu ainsi donner son opinion, avancer ses propositions et, si j’ai bien entendu, faire part, le plus souvent, de son opposition à ce texte.

En déposant cette motion, la commission vous propose de donner un coup d’arrêt, en rejetant une méthode que nous ne pouvons accepter, tant cette présentation d’un texte dans la précipitation témoigne d’un mépris renouvelé du Parlement, ainsi qu’une politique indigente du logement, que nous réprouvons.

Concernant la méthode, beaucoup l’ont souligné, nous entendons dénoncer la fausse urgence qui entoure le parcours de ce texte et qui viendrait justifier un examen brusqué dans des délais complètement anormaux. Cette fausse urgence sert à cacher l’impréparation du Gouvernement sur ce sujet, alors que les délais sont connus depuis un an.

On nous parle de prolongation, mais s’agissant de l’ILC, la mesure est d’ores et déjà échue ; il s’agit donc d’un rétablissement.

Nous entendons également dénoncer une méthode irrespectueuse du Parlement et des acteurs du secteur, fondée sur le fait accompli. Il n’y a pas eu de concertation, non plus que d’évaluation.

Comme je l’ai indiqué, nous ne sommes pas hostiles par principe à des mesures d’urgence, quand celles-ci se justifient ; nous les avons d’ailleurs votées l’an passé. Alors, les conditions du débat n’étaient pas les mêmes : nous faisions face à une véritable situation d’urgence, car la guerre en Ukraine venait d’être déclenchée. Nous avons pourtant pu délibérer d’un projet de loi comportant une véritable étude d’impact, fruit d’une concertation entre les acteurs, dans des délais nettement moins ramassés.

L’inflation montre maintenant de premiers signes de repli, mais le Gouvernement pérennise des dispositions d’exception pesant lourdement sur les bailleurs, privés comme sociaux, sans qu’aucune mesure d’accompagnement soit prise au regard de leur impact dans la durée.

Ce texte ne propose d’ailleurs pas plus de garanties pour les locataires face à une hausse des loyers constituant pour beaucoup d’entre eux un réel problème, que je ne minimise pas.

Par cette motion, la commission souhaite également dénoncer l’indigence de la politique du logement du Gouvernement, deux jours après la conclusion du CNR, laquelle a suscité la désillusion et a été reçue comme un signe de mépris par l’ensemble des acteurs du secteur du logement, qui ont travaillé pendant sept mois pour presque rien.

La construction traverse une crise très grave. Le nombre de réservations auprès des promoteurs est tombé au niveau du printemps 2020, au cœur de la crise sanitaire – c’est dire l’importance du marasme.

La RLS, la réduction de loyer de solidarité, et la hausse du taux du livret A assèchent les capacités de construire et de rénover des bailleurs sociaux, alors que le nombre de demandeurs a franchi la barre des 2,4 millions.

Hier, devant la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, que je préside, Christophe Béchu indiquait qu’un point supplémentaire du taux du livret A représentait l’équivalent de la RLS, c’est-à-dire 1,3 milliard d’euros de charges en plus pour les bailleurs. C’est cela qui nous attend au mois d’août, alors que le taux du livret A pourrait encore augmenter, pour dépasser les 4 %.

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » : c’est cette phrase de Jacques Chirac que m’évoque cette politique de Gribouille.

Il faut relancer la construction, mais on arrête le Pinel sans aucune solution de rechange. On prolonge le PTZ, mais on le limite aux logements collectifs neufs, et uniquement dans les zones tendues, interdisant de facto la primo-accession pour les maisons individuelles et excluant 90 % des communes qui ne sont pas situées en zone tendue. Les demandeurs de logements sociaux n’ont jamais été plus nombreux, mais on continue d’étrangler les bailleurs sociaux, qui seraient des dodus dormants. On veut des investisseurs dans le logement locatif intermédiaire ; pourtant, face à l’inflation, on ne bloque que leurs revenus !

La France serait un paradis fiscal pour investisseurs immobiliers, selon Emmanuel Macron ; drôle de paradis que celui dans lequel, pour 38 milliards d’euros de dépenses, l’État récupère 90 milliards d’euros de recettes !

Depuis 2017, la stratégie du Gouvernement se résume à deux chiffres : 18 % de demandeurs de logements sociaux en plus et 81 % de recettes budgétaires nettes en plus sur le logement. Aujourd’hui, dans le domaine du logement, le dodu dormant, c’est le Gouvernement !

Tout cela a un impact direct sur les Français, qui peinent de plus en plus à se loger ou qui subissent des coûts prohibitifs. Le parcours résidentiel, symbole d’ascension sociale, est bloqué. Les Français se sentent déclassés et profondément lésés, alors que leur aspiration la plus légitime est de donner un toit à leur famille. Le logement est le premier poste de dépense des ménages et il emporte des conséquences immédiates sur le pouvoir d’achat.

Je comprends les inquiétudes exprimées dans cet hémicycle face à la hausse des charges, laquelle s’ajoute à des loyers difficiles à payer, et je les partage largement. J’entends les alertes sur les impayés de loyer et sur les difficultés de la vie qui se traduisent par une baisse jamais vue de la consommation alimentaire des Français.

Pour autant, quelles réponses trouvons-nous dans ce texte ? Quelles réponses avons-nous entendues il y a quarante-huit heures, lors de la conclusion du CNR ? Simplement des mesurettes techniques et court-termistes, bien éloignées des attentes : pas de hausse des APL, pas de hausse du forfait charges, qui ne représente que 40 % des dépenses réelles en la matière, et pas d’espoir pour les Français de retrouver ainsi du pouvoir d’achat immobilier, voire du pouvoir d’achat tout court.

Mes chers collègues, telles sont les raisons qui nous conduisent aujourd’hui à proposer au Sénat d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, afin de marquer clairement notre opposition à cette législation à la sauvette et à une politique du logement sans vision et sans stratégie, faite seulement de mesurettes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Au regard de ce que je me suis efforcé d’expliquer tout au long de ce débat, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour explication de vote.

M. Serge Babary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la motion que nous soumet la commission se justifie tant par des raisons de forme que par des arguments de fond.

Les échéances étaient connues. Il incombait donc au Gouvernement d’anticiper la fin du plafonnement des loyers voté l’été dernier dans un rare consensus politique.

Le texte qui nous est soumis est une insulte au travail du Parlement. La navette doit en effet durer moins d’une semaine, et nous avons disposé d’un délai de vingt-quatre heures seulement entre les travaux de commission et l’examen de ce texte en séance publique. En outre, le choix d’une proposition de loi comme véhicule législatif nous prive de toute étude d’impact.

Les derniers mois ont montré que le Parlement attendait que le Gouvernement le respecte. Le Sénat n’est pas une chambre d’enregistrement comptable des oublis du Gouvernement.

Au-delà de la forme, le contenu du texte qui nous est soumis est lui aussi problématique.

La crise du logement est sans précédent. J’en veux pour preuve la déception unanime de la filière après les annonces relatives aux conclusions du Conseil national de la refondation.

La prolongation du plafonnement des loyers envoie aux propriétaires un message délétère, qui risque de peser sur l’investissement locatif.

Le plafonnement est également une mauvaise manière faite aux bailleurs sociaux, qui subiront cette mesure comme une nouvelle forme de ponction, après celle qui découle de la création de la RLS.

En tout état de cause, monsieur le ministre, cette proposition de loi n’est pas une réponse adéquate à l’inflation qui touche les ménages et les PME. Légiférer dans l’urgence, par des mesures de blocage, n’apporte aucune solution pérenne et efficace.

Nous ne pouvons donc qu’exprimer notre mécontentement en votant cette motion et en renvoyant le Gouvernement à ses responsabilités.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme je l’ai déjà indiqué, s’il conteste la méthode employée, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste estime qu’il importe de débattre, notamment du gel ou de toute autre méthode visant à réduire les loyers.

Mme Estrosi Sassone a souligné à juste titre la nécessité de sanctionner les conclusions du CNR, mais ce débat doit également permettre de rétablir quelques vérités, car on ne peut pas s’exprimer impunément, monsieur le ministre.

Vous ne pouvez pas, par exemple, vous prévaloir du maintien du PTZ, le prêt à taux zéro, alors que, les sommes allouées à ce dispositif étant divisées par deux, les acquéreurs n’y auront de fait plus accès dans 93 % du territoire.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Exactement !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous évoquez par ailleurs le pacte de confiance avec l’USH. Je forme le vœu que vous ayez raison, monsieur le ministre, mais pour qu’un tel pacte existe, encore faudrait-il que vous rectifiiez vos propositions. L’USH regrette en effet qu’aucune de ses demandes n’ait été prise en compte, et elle s’inquiète que les négociations relatives à Action Logement, qui mériteraient du reste elles aussi d’être longuement commentées, n’aboutissent à une réduction des aides à la pierre.

Tout en estimant qu’il convient de sanctionner la politique menée par le Gouvernement et le traitement qu’il réserve au Parlement, je suis d’avis de continuer à débattre.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Le pouvoir d’achat, et plus encore le logement, qui est la plus lourde dépense contrainte des ménages, sont au centre de toutes les conversations.

Dans ce contexte, renoncer à débattre reviendrait à envoyer un très mauvais signal.

Je rejoins Mme le rapporteur et le groupe Les Républicains quant au constat d’une méthode gouvernementale plus que calamiteuse. Nous soumettre ainsi une proposition de loi en dernière minute constitue un véritable déni du rôle du Parlement. Un tel manque d’anticipation et un tel niveau d’approximation sont réellement regrettables.

Pour autant, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite discuter de cette proposition de loi, car les locataires ont besoin de savoir ce qui se passera dans les mois à venir. La semaine prochaine, nous débattrons de l’occupation illicite des logements. Nous tenons à continuer à mener ces débats au sein du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je maintiens les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale : la méthode employée par le Gouvernement pour traiter d’un sujet aussi important que l’encadrement de la hausse des loyers n’est pas acceptable.

Le présent texte n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, le dispositif de plafonnement voté il y a un an n’a donné lieu à aucune évaluation, aucune concertation n’a été menée avec les acteurs institutionnels, et j’en passe.

Au demeurant, après un premier quinquennat et au terme de la première année du second, nous sommes désormais malheureusement habitués à cette manière de procéder, irrespectueuse du Parlement comme de la société civile. Ce texte n’est en effet pas le premier que nous avons à traiter dans l’urgence et de pareille façon ; je vous épargnerai la liste, qui est longue, mes chers collègues.

Pour autant, au-delà des légitimes critiques qu’il est de notre devoir de formuler à l’encontre de la méthode du Gouvernement, nous ne pouvons pas nous abstenir d’examiner un texte, certes proposé dans l’urgence et beaucoup trop tardif, mais nécessaire pour soutenir les ménages et les petits commerces.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera donc contre la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, j’entends votre argument selon lequel cette motion nous priverait de débat. Permettez-moi toutefois de souligner que, à ce stade, nous avons déjà consacré une heure et demie à débattre de cette proposition de loi.

Tout en respectant votre choix, j’estime que, au regard des échanges qui sont déjà intervenus, la discussion des deux articles et des quatre amendements qui ont été déposés ne contribuera à nous éclairer davantage ni par sa durée ni par sa teneur. Il me semble, en revanche, qu’il y a une certaine cohérence dans les arguments qui sont opposés à la discussion de ces articles.

Tout en étant respectueuse de nos débats comme de votre avis, mes chers collègues, je souhaitais simplement attirer votre attention sur ce point.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 295 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 146
Contre 196

Le Sénat n’a pas adopté.

En conséquence, nous passons à l’examen de la proposition de loi.

proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs

Question préalable
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Article 2

Article 1er

À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, l’année : « 2023 » est remplacée par l’année : « 2024 ».

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est ainsi modifié :

1° L’année : « 2023 » est remplacée par l’année : « 2024 » ;

2° Les deux occurrences du taux : « 3,5 % » sont remplacées par le taux : « 1 % ».

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à abaisser à 1 % le plafonnement de la hausse de l’indice des loyers commerciaux, actuellement fixé à 3,5 %.

Pour de nombreux commerçants, TPE et PME, le loyer est en effet le premier poste de charges, son montant atteignant parfois jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires qu’ils réalisent. Or les commerçants doivent déjà faire face à la montée des prix des matières premières et de l’énergie, alors même que leurs revenus directs sont affectés par la diminution des dépenses des ménages causée par l’inflation.

L’augmentation de l’ILC a déjà eu pour conséquence désastreuse la fermeture de nombreux magasins qui n’ont pas réussi à suivre la hausse généralisée des prix. Bien qu’elle soit préférable à des hausses de 6,8 % à 10 %, la hausse de 3,5 % subie par les locataires l’année dernière doit être réduite à 1 % pour les prochains mois, afin d’endiguer la vague de faillites et relancer les petits commerces.

Cette proposition, qui permettra aux commerçants de s’acquitter de leur loyer, paraît constituer un juste point d’équilibre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Par cet amendement, vous proposez, mon cher collègue, de limiter la hausse de l’ILC à 1 %.

Je rappelle que le taux de 3,5 % actuellement en vigueur a été retenu, car il constitue un compromis entre la libre fluctuation de l’ILC dans le cadre de sa composition statistique, très liée à l’inflation, et le gel ou une augmentation beaucoup plus faible de celui-ci.

Si les commerçants peuvent rencontrer des difficultés – je ne le nie pas –, les propriétaires sont eux aussi confrontés à la hausse de leurs charges, ne serait-ce que la revalorisation des valeurs locatives sur la base de l’inflation, qui, elle, n’est pas plafonnée.

Les loyers constituent en outre une part limitée – en moyenne 16 % – des charges d’un commerce.

J’estime enfin que les difficultés que bon nombre de commerçants rencontrent aujourd’hui sont davantage liées à la perte de pouvoir d’achat des Français qu’à la hausse des loyers.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. La proposition du Gouvernement de plafonner l’augmentation à 3,5 % est équilibrée, mais aussi, s’agissant de contrats privés, constitutionnelle.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. En effet, les causes de la fragilité des commerces sont multifactorielles, madame le rapporteur.

Il n’en demeure pas moins que la hausse des loyers affecte les commerçants, sans doute davantage que les propriétaires privés, qui ont plus de capacité de résilience, me semble-t-il. Nous pourrons le vérifier dans les mois à venir.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er nest pas adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 4 (début)

Article 2

L’article 12 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 précitée est ainsi modifié :

1° Au II, les mots : « deuxième trimestre de l’année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 » ;

2° Au III, les mots : « deuxième trimestre de l’année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 » ;

3° Au premier alinéa du IV, les mots : « deuxième trimestre de l’année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1, présenté par Mme Lienemann, M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les quatrième à douzième alinéas de l’article 12 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« II. – L’indice de référence des loyers s’établit, jusqu’au premier trimestre 2024, au niveau de l’indice publié le 16 avril 2023 au Journal officiel. »

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, lors de la discussion générale, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer en faveur du gel des loyers pour cette année.

J’entends les arguments relatifs aux difficultés auxquelles les bailleurs privés sont confrontés. Toutefois, comme mon collègue Salmon, j’estime que les propriétaires privés sont plus résilients que d’autres acteurs. En effet, entre 1984 et 2018, les loyers après inflation ont été multipliés par deux et demi, ce qui n’a été le cas d’aucun autre revenu.

Sur la même période – mes données ne sont certes pas très récentes, mais ces évolutions se sont confirmées depuis 2018 –, le résultat brut courant par logement des bailleurs privés, après déduction de toutes les charges, a été multiplié par 3, soit par environ 2,7 ou 2,8 une fois ôtés les critères de confort.

La catégorie des bailleurs a par ailleurs connu d’importantes mutations, puisque les multipropriétaires à revenus élevés sont de plus en plus nombreux.

Si nous ne prônons pas le gel des loyers ad vitam aeternam, nous pensons que l’instauration d’une telle disposition est aujourd’hui possible, parallèlement à une régulation plus globale des prix du logement, en faveur de laquelle nous plaiderons lors des débats budgétaires.

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 12 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi modifié :

a) Les mots : « deuxième trimestre de l’année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 » ;

b) Le taux : « 3,5 % » est remplacé par le taux : « 1 % » ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) Les mots : « deuxième trimestre de l’année 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 » ;

b) Le taux : « 2,5 % » est remplacé par le taux : « 1 % » ;

3° Au premier alinéa du IV, les mots : « deuxième trimestre 2023 » sont remplacés par les mots : « premier trimestre de l’année 2024 ».

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à abaisser à 1 % le plafonnement de l’indice de référence des loyers, actuellement fixé à 3,5 %. Cela permettrait d’aider sensiblement les locataires sans pour autant – j’y reviendrai – nuire aux bailleurs.

Alors que le montant moyen des loyers s’établit aujourd’hui à 723 euros, les ménages, particulièrement les plus précaires, ont besoin de cette mesure. L’inflation a déjà fortement affecté leurs revenus, au point que l’on a observé, durant l’hiver 2022-2023, une augmentation de 22 % de la fréquentation des banques alimentaires, ainsi qu’une hausse de 10 % des factures d’énergie impayées.

Au sein de la catégorie durement touchée des dépenses dites « essentielles », le loyer n’est pas épargné. Le plafonnement en vigueur a certes permis de limiter la hausse à 25 euros par mois en moyenne, mais cette mesure ne suffit pas.

Depuis 2017, l’État a économisé 4,2 milliards d’euros par an grâce à la réforme de l’aide personnalisée au logement, et depuis l’instauration de la réduction du loyer de solidarité, il ponctionne les organismes de logement social à hauteur de 1,3 milliard d’euros par an.

Si les locataires doivent supporter de nouvelles hausses pouvant atteindre 300 euros par an, certains d’entre eux ne seront plus en mesure de conserver un logement digne ni de respecter les échéances de leur bail. C’est pourquoi le plafonnement de l’augmentation de l’indice de référence des loyers à 1 % nous paraît indispensable.

Plutôt que le gel des loyers proposé par nos collègues communistes, ce plafonnement à 1 % nous permet d’indiquer aux propriétaires que, si nous estimons qu’ils sont davantage en mesure de résister à l’inflation que les ménages, nous ne les oublions pas pour autant.

Il conviendra en effet à l’avenir de prendre en compte les investissements de rénovation thermique qui s’imposeront aux propriétaires, mais c’est un autre sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’amendement n° 1 de Mme Lienemann vise à geler l’indice de référence des loyers, tandis que l’amendement n° 3 de M. Salmon tend à plafonner l’augmentation de cet indice à 1 %. Mon argumentation sera toutefois identique s’agissant de ces deux amendements.

Je comprends tout à fait les inquiétudes qui pèsent sur la situation de bon nombre de locataires et j’ai déploré avec force, lors de la discussion générale, lors de la défense de la motion tendant à opposer la question préalable, ainsi que dans mon rapport, que cette proposition de loi ne comporte aucune garantie en matière de revalorisation des APL et du forfait pour charges.

Néanmoins, la décision de plafonner la hausse de l’IRL à 3,5 % est le fruit d’une volonté de compromis et de partage équilibré des charges entre propriétaires et locataires, au regard des coûts suscités par l’inflation.

Compte tenu des enjeux qu’emporte une telle disposition en matière d’investissement locatif ou de rénovation énergétique du parc privé, il ne me paraît pas souhaitable d’aller au-delà.

Dans le parc social, la compensation évoquée grâce à un allègement ou à une suppression de la réduction du loyer de solidarité est malheureusement un vœu pieux, puisque cette hypothèse vient d’être rejetée par le Gouvernement dans le cadre des conclusions du Conseil national de la refondation.

L’avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement souhaite apporter une réponse équilibrée aux difficultés rencontrées par les locataires privés, les commerçants et les propriétaires privés. Contrairement au gel des loyers ou au plafonnement à 1 % de la hausse de l’indice de référence des loyers, un plafonnement à 3,5 % me paraît satisfaire à cette exigence.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 nest pas adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 4 (fin)

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de réviser le mode de calcul de l’indice de référence des loyers. Il évalue notamment l’opportunité de ne plus le corréler à l’inflation et fait des propositions afin que son évolution protège mieux les locataires et soit mieux corrélée aux charges réelles des propriétaires bailleurs.

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Par cet amendement, je propose la remise d’un rapport relatif à la révision de la méthode de calcul de l’indice de référence des loyers, une méthode que j’estime bien trop désuète pour assurer une protection juste et équitable des locataires.

L’inflation contre laquelle nous luttons a révélé les difficultés, non pas seulement conjoncturelles, mais structurelles, du système de revalorisation des loyers. De fait, l’IRL semble être un indice dépassé.

Il est difficile de répondre au mieux aux besoins des locataires de 2023 quand la formule pour calculer le prix du bail date de 1986…

La révision de 2008 n’a pas porté sur les éléments qui auraient pu légitimer l’IRL, ce dernier ne tenant toujours pas compte des disparités géographiques qui existent entre la capitale, les territoires ruraux ou littoraux, les grandes et petites métropoles et les territoires d’outre-mer, disparités qui entraînent pourtant des différences de coût non négligeables.

Bien qu’elle soit censée protéger le pouvoir d’achat des locataires, la méthode de calcul de l’IRL provoque l’augmentation directe des loyers, parce qu’elle tient compte de l’évolution des prix.

Si nous voulons réellement aider les ménages à accéder à des logements de qualité à coût modéré, il est indispensable de nous interroger sur les modalités de calcul de l’IRL, qui nécessitent indéniablement une révision.

Il s’agit donc non pas de demander un rapport pour demander un rapport, mais d’amorcer la réflexion sur un nouveau mode de calcul de l’IRL.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Par cet amendement, vous proposez, mon cher collègue, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le mode de calcul de l’IRL.

Nonobstant la position de principe du Sénat sur les demandes de rapport, que vous connaissez, je ferai durer quelque peu le suspense, car je considère que le maintien du plafonnement de l’IRL pourrait poser la question de la pertinence de son mode de calcul et de la prise en compte d’autres variables économiques.

Historiquement, à partir de la loi du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, dite loi Quilliot, l’augmentation des loyers a été encadrée en fonction de l’indice des coûts de la construction. Il s’agissait à l’époque de maîtriser les hausses, dans une période où l’inflation était très élevée, et de trouver une solution équitable après l’extinction du régime issu de la loi de 1948.

Ce choix s’est toutefois révélé imparfait, car lorsque l’indice des coûts de la construction baissait, cet encadrement était défavorable à l’investissement locatif, alors que, lorsque l’indice était dynamique en raison du coût des matières premières, les loyers pouvaient augmenter plus rapidement que l’inflation.

En dépit des ajustements législatifs apportés en 1986, 1989 et 1994, cette situation a finalement conduit à l’instauration, par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, de l’IRL pour les loyers d’habitation, dispositif qui reproduit l’inflation avec un certain décalage et en la lissant.

On a en effet considéré que l’inflation, ou plus précisément l’indice des prix à la consommation hors tabac et loyers, était l’indicateur le plus large permettant de tenir compte de l’évolution des coûts des propriétaires, mais aussi des revenus des locataires.

Le principal problème aujourd’hui, dans le secteur privé comme dans le logement social, est sans doute que les locataires devraient être soutenus par une augmentation à due concurrence des APL, celles-ci étant calculées sur l’IRL, ainsi que des salaires, ce qui n’est pas le cas.

Le problème est du reste similaire pour les propriétaires, dont les charges, la taxe foncière par exemple, augmentent également.

Comme vous le savez, mon cher collègue, la commission n’est pas favorable aux demandes de rapport, sauf si leur élaboration relève de la seule compétence technique des services de l’État. En l’espèce, ce travail de fond pourrait être entrepris par des chercheurs ou une mission parlementaire.

L’avis de la commission est donc défavorable, mais je reconnais la pertinence du sujet évoqué et j’estime qu’une mission parlementaire pourrait s’en saisir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Depuis la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat, le calcul de l’IRL tient compte des prix à la consommation sur douze mois hors tabac et loyers. Cette méthode de calcul me paraît la plus pertinente. C’est pourquoi j’estime que, à ce stade, le rapport demandé n’est pas utile.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, mon avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout en comprenant l’argument de Dominique Estrosi Sassone, qui pointe la complexité du sujet pour exclure l’éventualité d’un rapport du Gouvernement, j’estime que l’administration, qui n’est pas simplement greffière, peut tout à fait envisager un certain nombre de scénarios – elle le fait du reste régulièrement –, qui constitueraient un utile point d’appui à une réflexion stratégique sur ce sujet central.

Non, monsieur le ministre, on ne peut pas dire que le mode de calcul de l’IRL est satisfaisant parce qu’il suivrait l’inflation. Je vous rappelle d’ailleurs que cela n’a pas toujours été le cas, et que, au fil du temps, on a adapté l’IRL aux réalités économiques et sociales.

Lorsque les salaires étaient indexés sur l’inflation et que le taux de chômage était bas, constatant que l’effet inflation était faible, on a fait le choix de survaloriser, dans le calcul de l’IRL, l’évolution des coûts des travaux de construction et de rénovation.

A contrario, lorsque le taux d’inflation a chuté et que l’évolution des coûts des travaux s’est ralentie, on a jugé plus raisonnable de s’en tenir essentiellement à la prise en compte de l’inflation dans le calcul de l’IRL.

Nous évoluons dans un paradigme économique nouveau, et nous devons tenir compte des vastes travaux de rénovation énergétique qui s’imposeront.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste étant bien seul à en appeler à une indexation automatique des salaires sur l’inflation, il est impératif de mener une réflexion stratégique sur l’évolution des loyers, à la fois pour préserver le pouvoir d’achat des locataires et pour rendre crédible l’investissement locatif privé.

M. le président. Mes chers collègues, les articles 1er et 2 ayant été rejetés, je vous rappelle que, si cet amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 2 n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi.

Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire sur ce texte ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 4 (début)
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
 

5

Article additionnel avant l'article 3 - Amendement n° 267 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 3 (début)

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (projet de loi n° 569, texte de la commission n° 661, rapport n° 660).

Je rappelle que la procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la section 1 du chapitre II du titre II, à l’article 3.

TITRE II (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION ET À LA MODERNISATION DE LA PROCÉDURE PÉNALE

Chapitre II (Suite)

Dispositions améliorant le déroulement de la procédure pénale

Section 1 (Suite)

Dispositions relatives à l’enquête, à l’instruction, au jugement et à l’exécution des peines

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 3 (interruption de la discussion)

Article 3

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 59, il est inséré un article 59-1 ainsi rédigé :

« Art. 59-1. – Si les nécessités de l’enquête de flagrance relative à l’un des crimes prévus au livre II du code pénal l’exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire peut, à la requête du procureur de la République et selon les modalités prévues aux premier et troisième alinéas de l’article 706-92 du présent code, autoriser par ordonnance spécialement motivée que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient opérées en dehors des heures prévues à l’article 59, lorsque leur réalisation est nécessaire pour prévenir un risque imminent d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d’être commis ou pour permettre l’interpellation de son auteur.

« Ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention. Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. » ;

2° Avant le dernier alinéa de l’article 63-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sur autorisation du procureur de la République, en cas de prolongation de la garde à vue, l’examen médical d’un majeur ayant préalablement fait l’objet d’un examen médical dans les conditions prévues aux premier à troisième alinéas peut être réalisé par vidéotransmission ou tout autre moyen de télécommunication audiovisuelle, si la nature de l’examen le permet, dans des conditions garantissant la qualité, la confidentialité et la sécurité des échanges et selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État. Le médecin se prononce sur la nécessité éventuelle de réaliser un examen physique direct de la personne gardée à vue. S’il l’estime nécessaire, la personne lui est alors présentée dans les conditions prévues au premier alinéa. Dans le cas où l’examen médical est demandé par la personne ou un membre de sa famille, le recours à un moyen de télécommunication est subordonné à l’accord exprès de celui qui sollicite cet examen. Le présent alinéa n’est pas applicable lorsque la personne placée en garde à vue est un mineur ou un majeur protégé. » ;

3° L’article 80-1-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « au cours de l’information, selon les modalités prévues par l’avant-dernier alinéa de l’article 81 » sont remplacés par les mots : « lorsque ce statut lui est notifié puis au cours de l’information » et, après le mot : « sont », sont insérés les mots : « pas ou ne sont » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Cette demande peut être faite lors de la mise en examen et dans un délai de six jours à compter de celle-ci, à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen et tous les six mois suivants. Elle est faite par déclaration lors de la comparution au cours de laquelle la mise en examen est notifiée ou, par la suite, selon les modalités prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article 81. » ;

3° bis (nouveau) Les deuxième et dernier alinéas de l’article 137-1-1 sont supprimés ;

4° Au début du troisième alinéa de l’article 142-6, sont ajoutés les mots : « Sous réserve de l’article 142-6-1, » ;

5° Après le même article 142-6, il est inséré un article 142-6-1 ainsi rédigé :

« Art. 142-6-1. – En matière correctionnelle lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement, s’il n’a pas été procédé à la vérification de la faisabilité technique de la mesure par le service pénitentiaire d’insertion et de probation ou que ces vérifications ne sont pas achevées, le juge des libertés et de la détention peut ordonner le placement conditionnel de la personne mise en examen sous assignation à résidence avec surveillance électronique en décidant de son incarcération provisoire jusqu’à ce que l’assignation puisse être mise en œuvre ou, au plus tard, jusqu’à l’expiration d’une période de quinze jours.

« Cette décision est prise à la suite d’un débat contradictoire tenu conformément aux cinquième et sixième alinéas de l’article 145, la personne étant obligatoirement assistée par un avocat, par une ordonnance motivée mentionnant les raisons pour lesquelles, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure et des objectifs énumérés à l’article 144, la personne ne peut être libérée sans que soit préalablement mis en place ce dispositif technique.

« Le service pénitentiaire d’insertion et de probation transmet au juge des libertés et de la détention, au plus tard dans un délai de dix jours à compter de la décision, un rapport sur la faisabilité de la mesure. En l’absence d’impossibilité technique, il est procédé à la pose du dispositif électronique et à la libération de la personne. Si le rapport constate une impossibilité technique, ou si aucun rapport ne lui a été transmis dans le délai de dix jours, le juge des libertés et de la détention fait comparaître à nouveau la personne devant lui, au plus tard dans un délai de cinq jours, pour qu’il soit à nouveau procédé à un débat contradictoire conformément à l’article 145. Ce débat peut être réalisé en recourant à un moyen de télécommunication conformément à l’article 706-71. En l’absence de débat dans le délai de cinq jours et de décision de placement en détention provisoire, la personne est remise en liberté si elle n’est pas détenue pour une autre cause.

« L’incarcération provisoire ordonnée en application des septième ou neuvième alinéa de l’article 145 est, le cas échéant, imputée sur la durée de l’incarcération provisoire prévue au présent article.

« L’incarcération provisoire ordonnée en application du premier alinéa est, le cas échéant, imputée sur la durée de la détention provisoire pour l’application des articles 145-1 et 145-2. Elle est assimilée à une détention provisoire au sens des articles 149 et 716-4.

« L’ordonnance mentionnée au premier alinéa du présent article peut faire l’objet du recours prévu à l’article 187-1. » ;

6° À la première phrase du premier alinéa de l’article 156, après le mot : « parties », sont insérés les mots : « ou du témoin assisté » ;

7° À la première phrase de l’article 161-2, après le mot : « parties », sont insérés les mots : « et aux témoins assistés » ;

8° Le dernier alinéa de l’article 167 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « peut également notifier » sont remplacés par le mot : « notifie » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

9° L’article 167-2 est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « et les parties » sont remplacés par les mots : « , les parties et les témoins assistés » ;

b) Au second alinéa, après le mot : « partie », sont insérés les mots : « ou un témoin assisté » ;

10° L’article 186 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après la référence : « 142-6, », est insérée la référence : « 142-6-1, » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le témoin assisté peut interjeter appel des ordonnances prévues aux articles 156 et 167. » ;

c) (nouveau) Le dernier alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, les mots : « non visée aux alinéas 1 à 3 » sont remplacés par les mots : « non mentionnée aux premier à quatrième alinéas » ;

– à la deuxième phrase, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;

11° Le premier alinéa de l’article 186-1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « les articles 82-1 et 82-3 » sont remplacés par les mots : « l’article 82-1 » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les parties et le témoin assisté peuvent interjeter appel de l’ordonnance prévue à l’article 82-3. » ;

12° Après l’article 230-34, il est inséré un article 230-34-1 ainsi rédigé :

« Art. 230-34-1. – Lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction relative à un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement l’exigent, le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou le juge d’instruction peut autoriser, dans les mêmes conditions que celles mentionnées aux 1° et 2° de l’article 230-33, l’activation à distance d’un appareil électronique, à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou possesseur, aux seules fins de procéder à sa localisation en temps réel. La décision comporte alors tous les éléments permettant d’identifier cet appareil.

« L’activation à distance mentionnée au présent article ne peut concerner les appareils électroniques utilisés par les personnes mentionnées à l’article 100-7. » ;

13° L’article 230-36 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En vue d’effectuer l’activation à distance de l’appareil électronique mentionnée à l’article 230-34-1, le procureur de la République ou le juge d’instruction peut désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l’une des listes prévues à l’article 157. Le procureur de la République ou le juge d’instruction peut également prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier. » ;

14° L’article 397-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre » et le mot : « six » est remplacé par le mot : « dix » ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

c) Au début du troisième alinéa, les mots : « Dans les cas prévus par le présent article » sont supprimés ;

15° L’article 397-2 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Celui-ci donne alors à l’affaire les suites qu’il estime adaptées. » ;

b) La première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « Lorsqu’il fait application du deuxième alinéa du présent article, le tribunal statue au préalable sur le maintien du prévenu en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant un juge d’instruction si le procureur de la République décide de faire application de l’article 80. » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas où le tribunal est à nouveau saisi, dans les conditions prévues au présent paragraphe, d’une affaire dans laquelle il a fait application des dispositions du deuxième alinéa du présent article, il ne peut la renvoyer à nouveau au procureur de la République. » ;

16° L’article 397-3 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique » ;

b) La dernière phrase du même premier alinéa est ainsi rédigée : « Si le prévenu se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, le deuxième alinéa de l’article 141-2 est applicable. » ;

c) Après le dit premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le prévenu a été placé sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique en application du présent article ou de l’article 394, le juge des libertés et de la détention peut, à tout moment, sur réquisitions du ministère public ou à la demande du prévenu, décider par ordonnance motivée d’imposer à ce dernier une ou plusieurs obligations nouvelles, de supprimer tout ou partie des obligations comprises dans la mesure, de modifier une ou plusieurs de ces obligations ou d’accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d’observer certaines d’entre elles. Le juge des libertés et de la détention statue au vu des réquisitions du ministère public et, sauf s’il fait droit à la demande du prévenu, après audition de celui-ci, assisté le cas échéant par son avocat. L’ordonnance rendue est susceptible d’appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l’instruction. » ;

d) À la première phrase du troisième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

e) Le dernier alinéa est supprimé ;

16° bis (nouveau) À l’article 696-120, après la référence : « 142-6 », est insérée la référence : « , 142-6-1 » ;

17° L’article 706-96-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour la transcription des opérations mentionnées à l’article 706-96, les troisième et quatrième alinéas de l’article 100-5 du présent code sont applicables. » ;

18° Après le même article 706-96-1, il est inséré un article 706-96-2 ainsi rédigé :

« Art. 706-96-2. – Le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, peut autoriser l’activation à distance d’un appareil électronique, à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, aux seules fins de procéder aux opérations mentionnées à l’article 706-96. La durée d’autorisation mentionnée au premier alinéa de l’article 706-95-16 est alors réduite à quinze jours renouvelables une fois. Celle mentionnée au deuxième alinéa du même article 706-95-16 est réduite à deux mois, sans que la durée totale d’autorisation des opérations ne puisse excéder six mois.

« Le procureur de la République ou le juge d’instruction peut désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l’une des listes prévues à l’article 157, en vue d’effectuer l’activation à distance d’un appareil électronique mentionnée au présent article. Le procureur de la République ou le juge d’instruction peut également prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier.

« L’activation à distance d’un appareil électronique mentionnée au présent article ne peut concerner les appareils électroniques utilisés par les personnes mentionnées à l’article 100-7. S’il apparaît que des données collectées au moyen de cette activation proviennent d’un appareil se trouvant dans l’un des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5, celles-ci ne peuvent être retranscrites. Les dispositions du présent alinéa sont prescrites à peine de nullité. » ;

19° L’article 706-97 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’activation d’un appareil électronique a été autorisée en application de l’article 706-96-2, la décision comporte tous les éléments permettant d’identifier cet appareil. » ;

20° Après le troisième alinéa de l’article 803-5, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Au cours de la garde à vue d’une personne majeure ou de son audition libre prévue à l’article 61-1, l’intervention de l’interprète lors de la notification de ses droits ainsi que son assistance par un interprète peuvent se faire, par dérogation à l’article 706-71 et selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État, par l’intermédiaire de moyens de télécommunication dans des conditions garantissant la qualité, la confidentialité et la sécurité des échanges, notamment avec son avocat. Le présent alinéa n’est pas applicable lorsque la personne placée en garde à vue est un majeur protégé.

« Au-delà de quarante-huit heures de garde à vue, l’interprète intervient dans les conditions prévues au quatrième alinéa du présent article, en cas de nécessité résultant de l’impossibilité pour lui de se déplacer, et sur autorisation du magistrat chargé de la procédure. » ;

21° Aux premier et second alinéas de l’article 803-7, après chaque occurrence du mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou sous assignation à résidence sous surveillance électronique ».

II. – L’article L. 612-1 du code pénitentiaire est ainsi modifié :

1° Les mots : « dispositions de l’article 142-6 » sont remplacés par les mots : « articles 142-6 et 142-6-1 » ;

2° Sont ajoutés les mots : « ou par le juge des libertés et de la détention ».

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous abordons l’article 3, portant diverses dispositions relatives à la procédure pénale.

Cet article traite d’enjeux aussi divers que les perquisitions de nuit dans le cadre des enquêtes de flagrance pour les crimes contre des personnes, le recours à la vidéotransmission pour les examens médicaux pendant la garde à vue, le renforcement du statut de témoin assisté, le recours au placement en détention provisoire préalable à la mise en place d’une assignation à résidence sous surveillance électronique (Arse), l’activation à distance des appareils électroniques pour la géolocalisation ou pour la captation d’images et de sons, l’accroissement des pouvoirs du juge des libertés et de la détention (JLD) pour modifier les obligations du contrôle judiciaire ou d’une Arse ou encore le recours aux moyens de télécommunication pour les interprètes.

Ces mesures différentes, qui visent toutes à simplifier le code de procédure pénale, ont été complétées par de nouvelles dispositions techniques introduites par le Gouvernement ou des sénateurs de la majorité.

Sans remettre en cause l’intérêt de telles mesures, sur lesquelles nous aurons de longs débats, notamment sur le juste équilibre entre la garantie de l’ordre public et les libertés individuelles, la méthode employée prouve – force est de le constater – que la simplification du code de procédure pénale reste une montagne à gravir.

Regroupées dans un seul article sans véritable cohérence, les dispositions sont difficiles à étudier et portent souvent à confusion, loin de la clarification que vous appelez de vos vœux, monsieur le garde des sceaux.

En matière de procédure pénale, nous avons besoin de cohérence et de stabilité. Cet article, où se juxtaposent des mesures très techniques et des dispositions très sensibles, a du mal à y contribuer.

M. le président. L’amendement n° 170, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article 57-1, il est inséré un article 57-… ainsi rédigé :

« Art. 57 -… – Même s’il n’est pas procédé à l’audition de la personne, l’officier de police judiciaire ou le magistrat qui procède à une perquisition ne peut s’opposer à la présence de l’avocat désigné par la personne chez laquelle il est perquisitionné, si ce dernier se présente sur les lieux des opérations, y compris lorsque celle-ci a déjà débuté.

« S’il existe contre la personne des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement et qu’il est prévu qu’elle soit entendue au cours de ces opérations, elle est préalablement informée de son droit d’être assistée par un avocat au cours de cette audition conformément au 4° de l’article 61-1 ou conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3.

« L’avocat présent au cours de la perquisition peut présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure ; l’avocat peut également adresser ces observations au procureur de la République. Si l’avocat demande qu’il soit procédé à la saisie d’objets ou documents qu’il juge utiles à la défense de son client, l’officier de police judiciaire ou le magistrat ne peut refuser de procéder à la saisie demandée que s’il apparaît que celle-ci n’est manifestement pas utile à la manifestation de la vérité. Dans ce cas, il en est fait mention dans le procès-verbal prévu par l’article 57.

« Dans les cas prévus aux deux premiers alinéas du présent article, les opérations de perquisition peuvent débuter sans attendre la présence de l’avocat. Dans le cas prévu au deuxième alinéa, si la personne a été placée en garde à vue, son audition ne peut débuter avant le délai prévu par l’article 63-4-2.

« Hors le cas prévu par le deuxième alinéa du présent article, il peut être refusé l’accès de l’avocat sur les lieux de la perquisition pour des motifs liés à la sécurité de celui-ci, de la personne chez laquelle il est perquisitionné ou des personnes participant aux opérations. Il en est alors fait état dans le procès-verbal prévu par l’article 57. S’agissant des documents mentionnés au deuxième alinéa de l’article 56-1, il est renvoyé aux dispositions de l’article 56-1-1. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement a pour objet de renforcer les garanties procédurales lors des perquisitions, afin de tenir compte des enseignements tirés de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire en 2021.

Il s’agit de trouver un équilibre entre efficacité des enquêtes et renforcement des droits des personnes faisant l’objet d’une perquisition.

Pour ce faire, nous proposons que l’avocat puisse être présent lors des perquisitions : l’officier de police judiciaire ou le magistrat ne pourraient pas s’opposer à sa présence à son arrivée sur les lieux, même si la perquisition est déjà en cours.

Si la personne est suspecte et si une audition est prévue pendant la perquisition, elle doit être informée de son droit d’être assistée par un avocat, conformément aux règles sur l’audition libre ou la garde à vue.

Par ailleurs, l’amendement tend à permettre à l’avocat de formuler des observations écrites, qui seront ajoutées au dossier et pourront ainsi être envoyées directement au procureur de la République.

Des demandes de saisie pourront également être formulées, mais les enquêteurs pourront décider de ne pas y donner suite s’ils jugent qu’elles ne sont pas nécessaires à l’établissement de la vérité.

Nous proposons enfin qu’en cas de danger pour les personnes la présence de l’avocat puisse être refusée, et ce pour des raisons de sécurité évidentes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ma chère collègue, c’est un débat que nous avons déjà eu longuement ici, notamment lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. L’Assemblée nationale avait alors adopté de telles dispositions, mais le Sénat les avait supprimées.

Nous pensons qu’un tel mécanisme n’est pas une meilleure solution aujourd’hui. La question de la sécurité de l’avocat avait été soulevée notamment par les policiers. Nous avions considéré que le droit en vigueur offrait suffisamment de garanties.

Au demeurant, pour l’effectivité du droit à ne pas s’auto-incriminer, le code de procédure pénale prévoit déjà le droit de se taire, qui est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie avant tout recueil de ses observations ou avant tout interrogatoire. Nous pensons que la présence d’un avocat est inutile et risque de complexifier davantage la procédure pénale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Mme la rapporteure a rappelé qu’une mesure analogue avait été adoptée par l’Assemblée nationale, puis supprimée par le Sénat, avant d’être abandonnée lors de la réunion de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Le sujet est essentiel et d’une grande complexité.

La commission des lois du Sénat avait supprimé le dispositif au triple motif que le droit actuel offrait déjà des garanties suffisantes, puisque, en cas d’audition au cours de la perquisition, la personne doit déjà pouvoir, à peine de nullité, être assistée par un avocat, qu’une telle mesure entraînait une nouvelle complexification de la procédure pénale pour les enquêteurs et qu’elle risquait d’accentuer les inégalités entre citoyens dans le cadre de la défense pénale.

J’ai la certitude qu’en l’état actuel des choses, la réouverture d’un tel débat ne sera pas plus porteuse de cohésion qu’il y a un an et demi et qu’elle ravivera d’anciennes querelles.

Lorsque le code de procédure pénale aura été réécrit à droit constant et que les règles sur les perquisitions seront présentées plus clairement, une telle évolution pourra, le cas échéant, être envisagée dans le cadre du prochain projet de loi de ratification.

Mais, pour le moment, je suis défavorable à un tel amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 170.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 92 est présenté par Mme Benbassa.

L’amendement n° 126 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 92.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer l’extension des perquisitions au domicile en dehors des heures légales, c’est-à-dire de six heures à vingt et une heures.

Autoriser les perquisitions de nuit et les étendre à l’ensemble des crimes de droit commun constituent une violation disproportionnée du droit à la vie privée. Il est à craindre une généralisation, voire une banalisation d’une mesure de procédure pénale dite pourtant « d’exception ».

Quelles seront les garanties procédurales qui permettront d’empêcher les abus de pouvoir de la police ?

Les services d’enquête bénéficient pourtant déjà de larges moyens d’intervention. Nécessité et proportionnalité sont de rigueur, surtout quand il s’agit de porter atteinte aux libertés individuelles.

Si le juge d’instruction autorise de manière anticipée une perquisition de nuit dans un lieu d’habitation en raison d’un risque prévisible de dépérissement des preuves, la présence d’un avocat devra être obligatoire et systématique.

Cette réflexion a déjà été engagée durant l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Il est enfin temps de la consacrer.

La présence de l’avocat est essentielle lors des perquisitions pour permettre de constater la régularité de la procédure dans la récolte des preuves. Cela empêcherait de surcroît toute violence policière au cours des interpellations.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 126.

M. Guy Benarroche. Cet amendement a été élaboré à partir des travaux réalisés par le Syndicat de la magistrature.

Je le rappelle, le champ des perquisitions de nuit a progressivement été étendu aux infractions relevant du terrorisme, aux crimes et délits en bande organisée, d’abord en cas d’enquête en flagrance, puis en cas d’enquête préliminaire.

Cette nouvelle extension des perquisitions de nuit à des crimes de droit commun, certes en cas d’atteinte aux personnes, vient mettre à mal, comme l’a souligné ma collègue Esther Benbassa, l’équilibre entre les différents principes à valeur constitutionnelle, faisant reculer encore le principe d’inviolabilité du domicile et, ainsi, la protection attachée au domicile.

Je rappelle aussi que les services d’enquête disposent déjà de nombreux moyens d’intervention, de jour comme de nuit, comme les surveillances, les dispositifs de sécurisation, les filatures et les interpellations, et qu’ils peuvent déjà pénétrer dans les domiciles en cas de réclamation de l’intérieur.

Enfin, dans un contexte où les pouvoirs de l’autorité judiciaire s’estompent au profit du ministère de l’intérieur, et alors que les effectifs des juges des libertés et de la détention, qui n’ont par ailleurs pas les moyens de mener de manière cohérente leurs missions, sont insuffisants, la mise en œuvre pratique de ces perquisitions de nuit interroge.

Nous sommes en effet toujours attentifs à l’affaiblissement des prérogatives du juge des libertés et de la détention ou à sa surcharge de travail, qui rend impossible l’exercice de sa mission.

Nous pensons que le texte est trop déséquilibré en termes de contrôle par l’autorité judiciaire du respect des droits des personnes. Nous demandons donc la suppression de la possibilité d’étendre les perquisitions de nuit.

Enfin, selon le Conseil national des barreaux, le critère de nécessité n’est pas satisfait en l’état, les conditions notifiées étant non cumulatives. De ce fait, toutes les perquisitions de nuit pourraient être à terme justifiées.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pas du tout !

M. le président. L’amendement n° 74, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

intégrité physique,

par les mots :

intégrité physique et

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 74 et 73, le premier étant un amendement de repli par rapport au second.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 73, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces opérations ne peuvent avoir pour préalable uniquement la recherche de preuves et indices des infractions mentionnées au premier alinéa.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les perquisitions de nuit sont évidemment un sujet délicat. Elles ne peuvent être autorisées que si leur mise en œuvre respecte les droits et les libertés constitutionnellement garantis. Or ces derniers incluent le droit au respect de la vie privée et, partant, l’inviolabilité du domicile. C’est toujours à l’aune d’un tel principe que l’on doit apprécier les dérogations.

C’est pourquoi l’amendement n° 73 tend à préciser que de telles opérations ne peuvent avoir comme seul motif la recherche de preuves et des indices des infractions.

À tout le moins, et c’est l’objet de l’amendement de repli n° 74, les perquisitions de nuit ne doivent être autorisées qu’en cas de risque imminent d’atteinte à l’intégrité physique, lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves et des indices du crime qui vient d’être commis, ou pour permettre l’interpellation de son auteur.

Il faut éviter ce que l’on qualifie parfois dans la police de « filets dérivants », c’est-à-dire une augmentation très large des possibilités ouvertes sans lien avec l’objectif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous sommes évidemment défavorables aux amendements identiques nos 92 et 126, qui visent à supprimer les perquisitions de nuit.

Ces dernières sont déjà autorisées en cas de terrorisme et de criminalité organisée. Nous pensons que leur extension aux crimes de flagrance contre les personnes est suffisamment encadrée pour ne pas porter une atteinte excessive aux droits des personnes par rapport à l’objectif. De plus, elle contribuera à une plus grande efficacité, d’autant qu’un certain nombre de garanties sont d’ores et déjà prévues.

Je vous rappelle en effet que le juge des libertés et de la détention pourra autoriser les enquêtes entre vingt et une heures et six heures du matin en cas de crime flagrant si le procureur le demande, dans trois cas : pour prévenir un risque d’atteinte à la vie – nous avons, sur l’initiative de notre collègue Benarroche, précisé que la menace devait être imminente –, pour empêcher la destruction immédiate des preuves, ou pour appréhender l’auteur des faits.

Pour nous, la mesure prévue à l’article 3 préserve un juste équilibre.

Nous considérons en outre que les amendements nos 74 et 73 sont déjà satisfaits, dès lors que Mme de La Gontrie a bien pour objectif de rechercher uniquement les preuves et indices des infractions mentionnées. En effet, le texte prévoit que ces opérations ne pourront se dérouler qu’en cas de risque immédiat de disparition des preuves et des indices de crimes qui viennent d’être commis. C’est un peu l’histoire de la couette dans la machine à laver, référence qui doit sans doute vous rappeler quelque chose. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis défavorable à ces quatre amendements.

D’abord, permettez-moi de vous dire qu’il n’existe pas de filets dérivants, parce que nous sommes dans le cas d’un crime flagrant contre les personnes, avec un mort ou une morte.

Imaginons que, dans un domicile, une femme et deux enfants viennent d’être tués. Doit-on ou non y entrer ? Voilà l’hypothèse qui nous préoccupe.

Je précise aussi, comme l’a fait Mme la rapporteure, que le dispositif est encadré, puisqu’un juge devra autoriser l’opération. Il n’y a, me semble-t-il, rien d’autre à ajouter.

Le risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique concerne aussi l’auteur du crime. Nous savons qu’un nombre important d’auteurs de féminicide se suicident. La mesure proposée est aussi destinée à éviter cela.

Il faut évidemment faire en sorte que l’auteur ne puisse pas nettoyer les lieux de son crime. Vous avez cité l’exemple de la couette, madame la rapporteure ; je ne peux pas le commenter davantage, s’agissant d’une affaire en cours. Les médias en ont beaucoup parlé.

Selon certains, ce qui est envisagé serait d’une sorte de généralisation des perquisitions de nuit. Pas du tout ! Les opérations seront clairement circonscrites aux crimes flagrants contre les personnes, autrement dit les crimes les plus graves. D’ailleurs, il existe déjà, comme l’a rappelé Mme la rapporteure, un certain nombre d’exceptions.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 92 et 126.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 73.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article 3 (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Discussion générale

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Mes chers collègues, je suis très heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d’honneur de M. le président du Parlement de Géorgie, M. Shalva Papuashvili, et d’une délégation de députés géorgiens.

Après avoir été accueillie aujourd’hui à l’Assemblée nationale, la délégation vient de s’entretenir avec M. le président du Sénat. Elle est notamment accompagnée par nos collègues Alain Houpert, président du groupe d’amitié France-Caucase, et Philippe Tabarot, président délégué pour la Géorgie.

Cette visite s’inscrit dans le cadre des échanges interparlementaires réguliers entre nos deux assemblées. Elle porte en particulier sur l’actualité internationale et européenne, dans le contexte à la fois de la guerre en Ukraine et du souhait de la Géorgie d’accéder au statut de « pays candidat ». À ce titre, la délégation s’entretiendra demain avec notre collègue Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes.

Permettez-moi de souhaiter à nos amis géorgiens un séjour et des échanges fructueux, en formulant le vœu que cette rencontre interparlementaire contribue à renforcer encore nos liens d’amitié.

Nous leur souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (Applaudissements.)

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Article 3 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 3

Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 3.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 64 rectifié

Article 3 (suite)

L’amendement n° 171, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au neuvième alinéa de l’article 61-1, les mots : « Si le déroulement de l’enquête le permet, lorsqu’ » sont remplacés par les mots : « Sauf urgence, » ;

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Le présent amendement a pour objet d’améliorer le processus des auditions libres en convoquant les personnes concernées par écrit.

Actuellement, il est fréquent que la convocation à une audition libre se fasse uniquement par voie orale sans que les personnes mises en cause sachent qu’elles ont le droit d’être accompagnées par un avocat. Cette lacune peut compromettre leur droit à une défense adéquate et équitable.

En instaurant une convocation écrite, nous souhaitons garantir une meilleure compréhension des droits aux personnes auditionnées. La notification écrite permettra d’expliciter clairement les droits qui leur sont accordés, y compris le droit d’être assisté par un avocat lors de l’audition libre.

Les auditions seront ainsi transparentes et équitables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Avis défavorable. Une telle disposition aurait pour effet d’alourdir la procédure.

En effet, lors de la convocation, les droits des personnes mises en cause sont énoncés. Celles-ci sont donc déjà clairement informées, notamment de leur droit au recours à un avocat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 171.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 91 est présenté par Mme Benbassa.

L’amendement n° 122 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 172 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 5 et 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 91.

Mme Esther Benbassa. La téléconsultation médicale est une fausse bonne idée. Comment établir un diagnostic médical derrière un écran ?

Il est énoncé qu’en cas de violences policières, une consultation médicale physique est obligatoire.

Les personnes interpellées se trouvent parfois en état de choc et d’angoisse. Le médecin reste alors la seule personne rassurante et objective dans un milieu hostile : l’enceinte d’un commissariat. La consultation médicale physique a alors toute son importance, puisqu’elle permet de dresser un constat réel de l’état du gardé à vue.

La téléconsultation médicale risque de compromettre la confidentialité des échanges entre le gardé à vue et le médecin. Il y a de sérieuses interrogations quant à la protection des données. Quelles sont alors les garanties pour protéger le gardé à vue ?

Il n’est pas rare que les agents de police aient recours à l’intimidation et aux menaces lors d’une garde à vue. Il semble donc nécessaire que le premier examen médical du gardé à vue soit établi physiquement par le médecin, d’autant plus que cette consultation sert non pas à soigner, mais seulement à constater la compatibilité de la garde à vue avec l’état de santé de la personne interpellée.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 122.

M. Guy Benarroche. Notre groupe souhaite la suppression de la possibilité qu’un examen médical soit réalisé par vidéotransmission pendant les gardes à vue.

L’examen médical comme l’auscultation clinique ne peut et ne doit se faire qu’en présentiel. En l’occurrence, le médecin établit la compatibilité de l’état de la personne suspectée avec la garde à vue, en prenant en compte un certain nombre d’éléments, comme l’environnement ou encore le lieu de la garde à vue.

Le Syndicat de la magistrature rappelle aussi que la vidéotransmission soulève de sérieux problèmes en matière de confidentialité de l’examen médical et, donc, de respect du secret médical. J’ai personnellement pu le constater une ou deux fois au cours des visites que j’ai effectuées.

Même si le Gouvernement, suivant ainsi l’avis du Conseil d’État, a conditionné la possibilité d’un examen médical par vidéotransmission à l’existence de garanties en matière de qualité, de confidentialité et de sécurité des échanges, garanties dont les modalités seront précisées par décret en Conseil d’État, il n’en demeure pas moins que, souvent, la disposition des locaux de garde à vue ne permet pas d’assurer de manière concrète et efficace cette confidentialité dans le cadre d’une visioconférence.

De même, la nécessaire autorisation du procureur de la République pour recourir à la téléconsultation ne constitue pas une garantie suffisante, dans la mesure où la décision sera prise sans que le magistrat ait vu la personne privée de liberté.

La pénurie de médecins ne doit pas être contournée ou instrumentalisée aux dépens des droits des plus fragiles.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 172.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement est défendu.

M. le président. L’amendement n° 263, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Supprimer les mots :

ayant préalablement fait l’objet d’un examen médical dans les conditions prévues aux premier à troisième alinéas

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La commission des lois souhaite qu’il y ait d’abord un examen en présentiel.

Or une telle disposition met à mal l’avancée prévue dans le texte, qui vise notamment à régler un problème auquel il est régulièrement fait référence ici, celui des déserts médicaux.

Je fais en sorte d’être pragmatique et d’éviter toute posture idéologique. Il y a un principe de réalité.

Je tiens à rappeler, pour vous convaincre, que la téléconsultation ne concerne que les majeurs non protégés.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Certes, mais encore faut-il le dire !

La téléconsultation doit être mise en place avec l’accord du procureur de la République. Encore heureux, me direz-vous là aussi, mais il s’agit tout de même d’un contrôle du parquet.

La téléconsultation doit garantir la qualité, la sécurité et la confidentialité des échanges. Je ne fais que rappeler ce que préconise le Conseil d’État et répéter ce que vous avez signalé voilà quelques instants.

Surtout, puisque vous vous demandez comment un diagnostic peut être établi à distance, le médecin peut parfaitement estimer qu’un examen physique de la personne est nécessaire. S’il considère que la téléconsultation, qui se pratique très régulièrement aujourd’hui, n’est pas suffisante, il peut parfaitement faire savoir que ce vecteur de consultation ne lui permet pas de dresser un diagnostic correct.

Les médecins ont cette faculté, et nous pouvons compter sur eux et sur leur conscience professionnelle pour l’exercer.

Enfin, si l’examen médical est demandé par la personne gardée à vue ou par un membre de sa famille, le recours à la téléconsultation doit être expressément accepté par celui qui sollicite l’examen. Il n’est pas imposé.

Je viens d’égrener cinq raisons de considérer que la procédure est bel et bien simplifiée et que la problématique des déserts médicaux n’en est plus vraiment une, puisqu’il faut de toute façon opérer un contrôle de l’état de santé du gardé à vue.

Les mesures que nous proposons dans ce texte me semblent garantir les principes auxquels nous sommes tous très attachés.

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

peut être réalisé

insérer les mots :

, avec l’accord exprès de la personne gardée à vue,

La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Le projet de loi prévoit notamment l’extension du recours aux technologies de communication audiovisuelle pour l’exercice du droit à un examen médical.

Nous comprenons bien l’intérêt d’un tel dispositif, dans la mesure où l’examen à distance permet en effet d’alléger et d’accélérer les procédures, mais nous croyons également que le rôle du médecin est trop important pour que ces procédures fassent l’objet de mesures d’allégement.

Aussi, nous considérons que l’examen à distance doit rester une option et pouvoir être refusé par la personne en garde à vue si cette dernière souhaite que l’examen médical soit physique.

Il y a lieu de l’indiquer expressément dans la loi pour éviter toute ambiguïté. Tel est l’objet du présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous sommes défavorables aux trois premiers amendements, qui tendent à la suppression du recours à la téléconsultation médicale.

Nous partageons en effet la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre les mesures de simplification figurant dans le texte.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez soulevé à cet égard la question prégnante des déserts médicaux, sujet auquel nous sommes très attentifs au Sénat. Mais s’il s’agit d’une réalité, nous considérons que ce n’est pas en modifiant le code de procédure pénale et les garanties en vigueur que nous résoudrons le problème.

L’enjeu est plutôt de trouver le moyen d’avoir un plus grand nombre de médecins pour réaliser ces consultations, d’autant plus que le Sénat a renforcé le dispositif en prévoyant une visite physique préalable.

Je vous rappelle par ailleurs que les principales difficultés posées par la garde à vue tiennent aux suspicions de violences policières, aux problèmes médicaux et aux traitements médicaux des personnes mises en cause ou encore à leurs problèmes d’addiction.

Souvent, ces problèmes ne peuvent être décelés que par l’intermédiaire d’un contrôle médical sur place, la téléconsultation n’intervenant qu’en second lieu au moment du renouvellement éventuel de la garde à vue.

Nous sommes défavorables à l’amendement n° 263, pour les raisons que je viens d’évoquer.

Enfin, nous considérons que l’amendement n° 2 rectifié est satisfait, car le droit en vigueur prévoit déjà l’accord exprès de la personne gardée à vue. C’est pourquoi nous en demandons le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable sur les amendements identiques nos 91, 122 et 172, ainsi que sur l’amendement n° 2 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91, 122 et 172.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 263.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Jean-Yves Roux. Je retire l’amendement n° 2 rectifié, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 75 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc et Charon, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez et M. Rapin.

L’amendement n° 93 est présenté par Mme Benbassa.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… ° Au premier alinéa de l’article 63-3-1, les mots : « peut demander à être » sont remplacés par le mot : « est » ;

La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 75 rectifié bis.

M. Gilbert Favreau. Cet amendement concerne les droits de la défense dans le cadre de la garde à vue.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 63-3-1 du code de procédure pénale, qui traite de l’organisation des gardes à vue, prévoit seulement la possibilité pour le gardé à vue de solliciter la défense d’un avocat.

C’est pourquoi nous proposons la présence systématique de l’avocat dans le cadre de l’entretien, ce qui ne me paraît pas excessif. Il me semble normal qu’au cours d’une garde à vue, dont les conséquences peuvent être importantes, la personne suspectée puisse être assistée d’un avocat.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 93.

Mme Esther Benbassa. L’article 63-3-1 du code de procédure pénale dispose actuellement que toute personne peut demander à être assistée par un avocat dès le début de sa garde à vue.

Le présent amendement vise à rendre cette possibilité systématique et obligatoire. En effet, la présence de l’avocat dès la première audition est indispensable et contribuera au renforcement des droits de la défense. La présence d’un avocat permet un équilibre des pouvoirs entre le suspect et les enquêteurs.

Au cours des auditions, la personne gardée à vue peut faire face à des intimidations. Il n’est pas rare d’entendre des prévenus témoigner que des agents de police les ont dissuadés d’appeler leur avocat pour la première audition.

De telles méthodes ne sont pas acceptables. L’avocat est une garantie que, dès le début de la garde à vue, les droits du gardé seront préservés.

Il est nécessaire que la personne mise en cause soit accompagnée dans toutes les étapes de la garde à vue. La présence d’un avocat assure un juste équilibre entre le principe du contradictoire, l’intérêt de l’enquête et la protection des libertés individuelles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat à de multiples reprises.

Aujourd’hui, la présence de l’avocat est obligatoire dès lors que la personne placée en garde à vue en fait la demande. À nos yeux, c’est une garantie suffisante pour assurer les droits de la défense.

A contrario, l’obligation générale de présence de l’avocat dès le début de la garde à vue aurait pour conséquence de bloquer le système.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est sûr !

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Quand on est en garde à vue, on a le droit d’appeler un avocat. Pour moi, c’est largement suffisant.

Comme l’indique très justement Mme la rapporteure, pour bloquer le système, il suffit de désigner un avocat qui n’est pas disponible. Cela bloque tout ; tout s’arrête.

De surcroît, certains gardés à vue répondent par la négative quand on leur demande s’ils souhaitent être aidés par un avocat ; c’est un fait.

Si le dispositif proposé par les auteurs de ces amendements identiques devenait du droit positif, cela risquerait d’emboliser un certain nombre de gardes à vue. Ce n’est pas souhaitable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voterons évidemment ces amendements.

Je suis très choquée d’entendre les propos du garde des sceaux, qui a pourtant une connaissance pratique assez importante, me semble-t-il, de telles situations. Nous sommes nombreux à gauche – et, visiblement, pas seulement à gauche ! – à nous être battus pendant des années pour obtenir le droit à la présence de l’avocat pendant la garde à vue. Car, comme vous le savez très bien, l’avocat n’y assiste pas ; il s’agit en réalité d’entretiens.

Je trouve donc très choquant d’entendre le garde des sceaux, qui devrait être le défenseur des libertés, indiquer que la présence de l’avocat serait un blocage ; en plus, ce n’est pas exact.

En tout cas, du côté gauche de l’hémicycle – j’allais dire « de la barre » –, nous sommes totalement favorables à la présence de l’avocat en garde à vue.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Une telle personnalisation ne me semble pas opportune, madame la sénatrice. Vous indiquez vous être battue pour que l’avocat soit présent en garde à vue ? Moi aussi, voyez-vous !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Eh bien, justement !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Et l’on pourrait dresser un comparatif des efforts qui ont été réalisés par les uns et par les autres pour avancer sur le sujet.

Encore une fois, l’obligation de présence d’un avocat aurait pour effet d’emboliser totalement le système dans l’hypothèse où l’on n’en trouverait aucun pour une personne gardée à vue. C’est une absolue réalité.

Et puisque vous faites mention de mon expérience professionnelle d’avocat, je vous répète que certains gardés à vue ne souhaitent pas l’intervention d’un avocat.

La même question s’était également posée à propos des perquisitions. Les forces de sécurité intérieure nous ont interpellés. Que fait-on si aucun avocat n’est disponible ? Abandonne-t-on la perquisition ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n’êtes pas le ministre de l’intérieur !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Peut-être, mais je suis chargé de défendre des intérêts qui sont aussi ceux de la justice. Et je vous précise au passage que cela n’a rien d’infamant d’être ministre de l’intérieur, pas plus que ça ne l’est d’être avocat, madame la sénatrice.

Je vous fais observer d’ailleurs qu’il aurait suffi à la gauche de rendre la présence de l’avocat obligatoire quand elle était aux manettes. Or ce n’est pas le choix que vous avez fait ! C’est tout de même extraordinaire !

À d’autres moments, vous m’avez déjà reproché d’être avocat, mais pour d’autres raisons.

Il y a un droit : le gardé à vue peut faire appel à un avocat. Nous nous en félicitons tous. C’est une très grande avancée qui nous vient de Strasbourg. Il me paraît utile de le rappeler en ces temps où il y a de plus en plus d’eurosceptiques ; pour le coup, ce n’est évidemment pas vous que je vise, madame la sénatrice.

Je suis navré de vous signaler qu’un garde des sceaux se soucie aussi des risques de blocage du système ; ce n’est pas la préoccupation du seul ministre de l’intérieur.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour explication de vote.

M. Gilbert Favreau. J’ai bien entendu ce que vient d’indiquer M. le garde des sceaux.

Je souhaiterais simplement avoir une précision : déclare-t-on à celui qui vient d’être mis en garde à vue qu’il a le droit de solliciter un avocat ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Bien sûr ! À peine de nullité, d’ailleurs.

M. Gilbert Favreau. Dans ce cas, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 75 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 93.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 76 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J. B. Blanc, Charon et Genet, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez et M. Rapin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au deuxième alinéa de l’article 63-4-3, les mots : « l’issue de » sont supprimés ;

La parole est à M. Gilbert Favreau.

M. Gilbert Favreau. Cet amendement vise à permettre à l’avocat, à supposer qu’il ait été choisi par le gardé à vue, de poser des questions au cours de l’audition.

En effet, au cours de la garde à vue, on peut interdire à l’avocat de s’exprimer, ce qui ne paraît pas susceptible de faire avancer l’audition dans de bonnes conditions. Je pense donc que pour renforcer les droits de la défense, il faut autoriser l’avocat à poser des questions en cours d’audition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Mon cher collègue, vous connaissez bien par votre pratique le fonctionnement des gardes à vue. Celles-ci sont sous le contrôle de l’officier de police judiciaire (OPJ), qui doit mener les débats. L’objectif de l’audition est d’obtenir des éléments pour établir la véracité des faits. Je pense que l’avocat n’a pas à intervenir à ce moment-là. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je pense que la présence de l’avocat en garde à vue ne prospérera pas longtemps, chers collègues…

Pour autant, j’indique à ma collègue rapporteure que son raisonnement devrait conduire à interdire à l’avocat de poser des questions au cours d’une audition par le juge d’instruction.

Le sujet est de savoir non pas qui mène l’audition, mais quels sont les droits reconnus à la personne auditionnée. Votre référence n’est donc pas la bonne.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je souhaite apporter une précision qui me paraît indispensable.

L’avocat a la possibilité de s’exprimer à la fin de l’audition et de poser des questions. Il peut même prononcer un mot de conclusion pour indiquer, par exemple, que telle ou telle manière de procéder ne correspond pas à l’idée qu’il se fait de l’impartialité. Simplement, il lui est demandé de le faire à l’issue de l’audition, et non pendant.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Pour ne pas perturber !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il y a donc une expression libre des droits de la défense en garde à vue ; l’expérience qui est la mienne me permet de faire ce rappel… (Mme le rapporteur sourit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 261 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer neuf alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 75-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance » sont remplacés par les mots : « d’audition libre, de garde à vue ou de perquisition d’une personne, y compris si cet acte est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance, lorsque cette personne en fait la demande » ;

b) Au troisième alinéa, la dernière phrase est ainsi rédigée : « Tout acte d’enquête concernant la personne ayant formulé la demande prévue au premier alinéa intervenant après l’expiration de ces délais est nul. » ;

c) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À titre exceptionnel, à l’issue du délai de trois ans, le procureur de la République peut toutefois, selon les modalités prévues par le V de l’article 77-2, décider de la continuation de l’enquête pendant une durée d’un an, renouvelable une fois par décision écrite motivée versée au dossier de la procédure. » ;

d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La demande prévue au premier alinéa peut être faite par la personne ou son avocat à l’issue de son audition ou de la perquisition auprès de l’officier ou de l’agent de police judiciaire ayant procédé à l’acte ou, auprès des mêmes personnes, pendant un délai d’un an à compter de celui-ci ; le procureur de la République en charge de l’enquête en est alors immédiatement informé. » ;

…° Le V de l’article 77-2 est ainsi rédigé :

« V. – Lorsque l’enquête fait l’objet d’une prolongation en application du quatrième alinéa de l’article 75-3, les investigations ne peuvent se poursuivre à l’égard des personnes ayant fait l’objet depuis plus de deux ans de l’un des actes mentionnés aux 1° et 2° du II du présent article et à l’encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteurs ou complices, une infraction sans que le procureur de la République fasse application du I à leur profit ainsi qu’à celui du plaignant ; le délai de deux ans est porté à trois ans si l’enquête porte sur des crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 ou 706-73- 1 ou relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste. Dans ce cas, l’intégralité de la procédure doit alors être communiquée aux intéressés et l’avocat de la personne doit être convoqué au moins cinq jours ouvrables avant toute audition réalisée conformément à l’article 61-1. » ;

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avant la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, dite loi Confiance, il n’y avait aucun délai pour l’enquête préliminaire, de sorte que celle-ci durait parfois très longtemps ; le code d’instruction criminelle l’appelait d’ailleurs « l’enquête officieuse ».

On assistait à des choses assez singulières : des investigations pouvaient traîner en longueur pendant quatre ans, parfois plus, et, de temps en temps, on lisait dans la presse que telle ou telle personne se voyait suspectée à raison de tel ou tel élément. Le suspect lui-même, qui est tout de même le premier concerné, apprenait dans la presse ce qui lui était reproché.

Avec la loi Confiance, nous avons indiqué qu’il fallait désormais fixer des limites. C’est tout simplement une question de droits de l’homme. Nous avons également prévu une autre disposition : si l’on retrouve des violations du secret de l’enquête dans la presse, l’intéressé a le droit de demander l’ouverture au contradictoire.

C’est tout de même bien le moins que le suspect soit mieux informé que tel ou tel journaliste ayant bénéficié d’une violation du secret de l’enquête, d’autant que certains organes de presse se plaisent à feuilletonner – un petit morceau par-ci, un petit morceau par-là, la semaine suivante… – à propos d’affaires concernant des personnalités ; les droits de la défense n’y trouvent à l’évidence pas leur compte.

J’ai donc présenté ces dispositions qui ont été votées par le Parlement, mais nous avons rencontré une difficulté pratique, pragmatique : les forces de sécurité intérieure nous ont indiqué – il faut être attentif à ce qu’elles nous disent, même quand on n’est pas ministre de l’intérieur ! – avoir du mal à réaliser les enquêtes dans de tels délais. Je précise d’ailleurs que le présent projet de loi, dont l’objet est notamment de donner davantage de moyens à la justice, se construit en parallèle d’une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) dont l’objet de donner davantage de moyens aux forces de sécurité intérieure.

L’idée est à présent d’affirmer non pas – surtout pas ! – que l’on reviendra sur le principe, mais que l’on permettra la réalisation d’enquêtes sur un temps un peu plus long. Nous proposons ainsi d’allonger le délai au travers d’une première prolongation possible d’un an et d’une seconde de même durée avec motivation spéciale.

Évidemment, c’est un recul. J’en accepte l’augure. Mais, afin qu’il ne s’agisse pas d’un recul pour le suspect lui-même, et en vue d’équilibrer les dispositions que nous sommes contraints d’adopter au nom du pragmatisme, nous ouvrons totalement le contradictoire : si l’enquête préliminaire se poursuit au-delà du délai, l’intéressé aura le droit à une connaissance complète de son dossier et à un accès intégral à celui-ci. Son avocat pourra demander un certain nombre d’actes et de vérifications.

J’ai souvent vécu des enquêtes préliminaires très longues. Je ne souhaite pas du tout que l’on retourne à l’état antérieur du droit. Pendant quatre ans, on fouille chez le notaire, à la banque, chez les amis et dans l’entourage périphérique, et on sort de temps en temps un papier, qui se retrouve naturellement dans la presse. On livre ainsi aux chiens l’honneur d’un homme qui n’a aucune possibilité de se défendre.

Dans mon esprit, il n’est évidemment pas question de revenir à ce qui prévalait avant l’adoption de la loi Confiance. Mais il nous faut prendre en considération la difficulté que les délais posent. Même si nous ne reviendrons pas sur le principe, ces délais étant trop importants pour notre droit, nous nous adaptons et nous permettons en échange, si j’ose dire, un accès total au contradictoire pour que le suspect puisse enfin faire valoir complètement les droits qui sont les siens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Monsieur le garde des sceaux, nous avons déjà eu ce débat – je parle sous le contrôle de M. Bonnecarrère, qui était alors corapporteur – au moment de l’examen de la loi Confiance. À cette occasion, nous avions attiré l’attention sur la réduction des délais, enjeu sur lequel repose la confiance dans la justice, qui est également l’objectif des textes dont nous sommes saisis aujourd’hui.

Les délais sont actuellement un handicap majeur pour l’efficacité de la justice française. Le problème commence par les enquêtes. En 2020, seulement 3 % d’entre elles duraient au-delà de trois ans. Mais certaines, particulièrement complexes, avec des ramifications à l’étranger, posent des difficultés en pratique.

Nous entendons les enjeux. Vous les avez clairement exprimés, monsieur le garde des sceaux. Néanmoins, nous avons eu en commission des difficultés techniques à comprendre votre amendement complexe, dont l’exposé des motifs n’était pas tellement plus éclairant.

Nous voyons que vous assouplissez les délais « par les deux bouts » : d’un côté, vous repoussez le moment où débutera la comptabilisation ; de l’autre, vous donnez la possibilité, à la demande de la personne, d’étendre le délai.

Une disposition qui figure dans votre amendement nous chagrine. Je veux parler du d), relatif à « la demande prévue ». En effet, cette demande peut être faite à partir de l’audition ou de la perquisition : on ne voit pourtant pas très bien comment la personne pourrait, dès le début, savoir si les délais seront insuffisants, et ce pendant un an. Le dispositif nous paraît peu clair, voire perfectible.

Sur cette base, la commission a émis un avis défavorable. Toutefois, nous entendons la réalité des besoins, en termes de moyens des OPJ, de réponse à l’urgence… C’est pourquoi j’inclinerais plutôt à titre personnel pour un avis de sagesse, voire favorable, sachant qu’il conviendra d’améliorer le texte dans le cadre de la navette.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La proposition est intéressante, parce que les enquêtes préliminaires sont une zone totalement obscure pour les personnes concernées, indépendamment des exemples qui ont pu être donnés. Elles ne donnent pas toujours lieu à des articles dans la presse ou à un feuilleton.

En tout état de cause, nous avons beaucoup réfléchi à la manière dont on pourrait permettre un exercice du contradictoire au cours de ces enquêtes préliminaires. En réalité, c’est un peu la quadrature du cercle.

Évidemment, la proposition de prolongation du délai n’est pas plaisante.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Non.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais nous sommes assez intéressés par l’introduction du contradictoire. Nous sommes donc bien embêtés… (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous êtes embêtés par le contradictoire ? (Nouveaux sourires.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous sommes favorables à cet amendement, mais je pense qu’il faut entendre ce qu’a indiqué Mme la rapporteure : des améliorations rédactionnelles s’imposent pour que les choses soient mieux articulées. La navette peut le permettre.

À ce stade, nous sommes donc favorables à l’amendement uniquement en raison de l’ouverture du contradictoire.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Dans le rappel qui a été fait par Mme le rapporteur et par M. le garde des sceaux, nous retrouvons bien les deux idées qui sont au cœur du débat : d’un côté, l’ambition initiale de réduire le délai d’enquête préliminaire, qui pouvait poser problème ; de l’autre, l’introduction d’une forme de contradictoire lorsqu’une publication a eu lieu, ce qui était, à l’époque de l’examen de la loi Confiance, la demande en particulier du garde des sceaux ; nous avions alors indiqué qu’il fallait aussi veiller à ce que ne soit pas la personne concernée qui soit elle-même à l’origine de cette communication.

Monsieur le garde des sceaux, dans le cadre de votre amendement, vous continuez à explorer cette voie en reconnaissant être peut-être allé trop loin sur les délais et en indiquant qu’une prolongation de la durée de l’enquête au-delà de ce qui était prévu initialement pourrait avoir pour contrepartie une ouverture plus large du principe du contradictoire. Cela se comprend.

Je n’ai que deux observations à formuler.

Premièrement, comme vous l’a indiqué Mme le rapporteur, la rédaction de votre d) n’est pas conforme à ce que vous nous avez présenté, du moins nous semble-t-il. Le point de départ du contradictoire tel que vous nous l’avez expliqué voilà quelques secondes ne correspond pas à ce que nous lisons. Je pense que les rapporteurs ont raison de vous mettre en garde et de vous encourager à revoir la rédaction envisagée.

Deuxièmement, vous souhaitez revenir à une position plus pragmatique, celle que nous avions soutenue à l’époque. Il n’y a aucun cri de victoire de notre part. Je pense simplement que les données de l’étude d’impact étaient inexactes et que vous avez pu voir à l’expérience que les stocks de procès-verbaux (PV) dans les commissariats et les gendarmeries étaient beaucoup plus importants et anciens que vous ne l’aviez pensé initialement. D’où votre pragmatisme actuel.

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.

Mme Marie Mercier. Monsieur le garde des sceaux, il est habituel d’affirmer que la plus grande des injustices dans la justice est la question des délais.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous sommes d’accord !

Mme Marie Mercier. Les délais sont très longs. Quand un justiciable arrive devant la justice sans en avoir l’habitude ni la connaissance, il entre dans un monde difficile, avec des termes compliqués.

J’ajouterai une réflexion d’ordre général : quand on a un patient qui ne va pas bien, on lui demande souvent s’il a des ennuis dans sa famille, avec son conjoint, s’il est chômage… Dorénavant, on lui demande aussi s’il a affaire à la justice, tant celle-ci peut être une machine à broyer destructrice.

Je pense que le contradictoire est absolument indispensable, conformément à notre droit. Je suivrai l’avis du rapporteur et je voterai cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’entends ce que vous indiquez, monsieur le sénateur : il est possible de revenir sur la rédaction de l’amendement.

Je vous assure que le texte clarifie le point de départ, ce qui était extrêmement important. Nous nous sommes posé la question du moment où commence l’enquête préliminaire : démarre-t-elle quand un certain nombre de suspicions arrivent dans la tête du policier ? Là, c’est clair : le point de départ est la perquisition ou l’audition. À partir de ce moment-là, on notifiera à l’intéressé que, le délai expiré, il pourra accéder au contradictoire. En effet, quand la situation commence à durer, parfois on s’inquiète, on va voir un avocat. Ce dernier veut connaître la durée écoulée depuis l’audition : si les délais sont dépassés, le contradictoire sera naturellement mis en œuvre.

Ce n’est évidemment pas de gaieté de cœur que je demande à allonger ces délais. Je suis bien entendu convaincu qu’il faut que la justice soit rapide ; être suspecté sans vraiment savoir de quoi est inconfortable, et même insupportable.

Mais il y a un autre risque : si le projet de loi n’était pas rectifié aujourd’hui, un certain nombre de nullités seraient prononcées, notamment dans des affaires d’agression.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Information judiciaire !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’entends bien, mais le risque – on l’avait déjà évoqué au moment de la loi Confiance – est d’emboliser l’instruction, qui n’a pas besoin de cela. Nous sommes tout de même ici pour alléger considérablement la charge de travail de nos magistrats, de nos greffiers et de nos agents administratifs.

La solution que je vous propose est celle qui me paraît la plus équilibrée et la plus adéquate.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 261 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 77 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J. B. Blanc, Charon, Cuypers, Genet et Cadec, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez et M. Rapin.

L’amendement n° 173 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le premier alinéa de l’article 77-2 est ainsi rédigé :

« I. – Dans le cadre d’une convocation en vue d’une audition libre ou d’une garde à vue, le dossier, expurgé des éléments risquant de porter atteinte à l’efficacité des investigations, est mis à la disposition du suspect et de son avocat. » ;

M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié bis.

M. Gilbert Favreau. Cet amendement concerne également l’introduction d’une forme de contradictoire dans le cadre d’une garde à vue.

Il paraîtrait normal qu’un gardé à vue puisse, par le simple effet du contradictoire, avoir accès aux documents concernés pour se défendre, voire pour avoir des précisions sur les faits qui lui sont reprochés.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 173.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté. Nous partageons l’objectif de renforcer les droits de la défense lors des enquêtes préliminaires en permettant au suspect et à son avocat d’accéder au dossier dès le début de la garde à vue ou de l’audition libre.

M. le président. L’amendement n° 174, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 77-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « observations » sont insérés les mots : « ou demandes d’actes » ;

b) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une décision de refus de demande d’acte est susceptible de recours devant le juge des libertés et de la détention avec la possibilité d’un appel devant la chambre de l’instruction selon des modalités définies par décret pris en Conseil d’État. » :

c) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une décision de refus de demande d’acte est susceptible de recours devant le juge des libertés et de la détention avec la possibilité d’un appel devant la chambre de l’instruction selon des modalités définies par décret pris en Conseil d’État. » ;

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise également à renforcer les droits de la défense et le principe du contradictoire dans les enquêtes préliminaires. Pour cela, nous proposons deux mesures.

D’une part, nous souhaitons permettre au mis en cause et à son avocat de présenter des observations et de formuler des demandes d’acte au procureur de la République pendant l’enquête préliminaire, ainsi qu’au plaignant et à son avocat une fois qu’ils ont accès au dossier. En cas de refus, un recours devant le JLD serait possible avec la faculté de faire appel devant la chambre de l’instruction.

D’autre part, nous souhaitons autoriser le mis en cause et son avocat à demander la nullité d’actes devant le juge des libertés et de la détention, avec une possibilité d’appel devant la chambre de l’instruction. À l’heure actuelle, il existe finalement peu de moments où le contradictoire est possible dans les enquêtes préliminaires, ce qui désavantage à nos yeux les droits de la défense.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Dans les amendements identiques nos 77 rectifié bis et 173, M. Favreau et Mme Cukierman évoquent la possibilité d’avoir accès à un dossier expurgé. Nous pensons que l’article 61-1 du code de procédure pénale contient déjà des garanties suffisantes puisque la personne est déjà informée « de la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ». Cet accès à un dossier expurgé viendrait alourdir la procédure et ne nous semble pas utile eu égard aux garanties qui existent déjà. Avis défavorable.

L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 174. Nous pensons que l’article 77-2 du code de procédure pénale offre actuellement des garanties suffisantes pour la protection des droits des personnes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77 rectifié bis et 173.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 174.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 175, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après le mot : « plainte », la fin du onzième alinéa de l’article 77-2 est ainsi rédigée : « et après un délai de six mois à compter du premier acte de l’enquête, a accès avec son avocat au dossier de l’enquête. L’avocat du plaignant peut demander une copie du dossier de l’enquête et la transmettre au plaignant sous réserve de l’autorisation préalable du procureur de la République. » ;

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise, là encore, à renforcer les droits de la défense et le principe du contradictoire dans les enquêtes préliminaires en permettant l’accès au dossier au plaignant et à son avocat après un délai de six mois.

Actuellement, l’absence d’accès au dossier entrave la construction d’une défense solide et compromet le principe du contradictoire, ainsi que le droit à une défense équitable. Il est difficilement justifiable que l’avocat n’ait accès au dossier de son client que plusieurs années après le début de l’enquête, comme c’est le cas aujourd’hui.

Notre amendement a donc pour objet d’autoriser l’accès au dossier après un délai de six mois à compter du début de l’enquête préliminaire. L’avocat du plaignant pourra obtenir une copie du dossier et la transmettre à son client sous réserve, bien évidemment, de l’autorisation préalable du procureur de la République.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis défavorable. Si nous comprenons l’objectif de permettre un meilleur accès dossier, nous pensons que la solution, c’est vraiment la réduction des délais de l’enquête. Il n’est pas utile d’alourdir considérablement les enquêtes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 175.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 78 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon, Genet, Anglars et Cadec et Mme Lopez.

L’amendement n° 176 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article 80-1, après le mot : « examen », sont insérés les mots : « par décision motivée » ;

La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié bis.

M. Gilbert Favreau. Cet amendement vise à prévoir la motivation systématique de la décision de mise en examen par le juge d’instruction.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 176.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission sollicite le retrait de ces deux amendements identiques, faute de quoi l’avis serait défavorable, car la demande de nos collègues nous paraît déjà satisfaite.

L’article 80-1 du code de procédure pénale prévoit déjà que le juge ne peut mettre en examen que les personnes « à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants […] ». La motivation se bornerait donc à constater la présence de tels indices. Les dispositions proposées par les auteurs de ces amendements identiques n’ont donc pas d’utilité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ajoute à ce qui vient d’être indiqué par Mme la rapporteure que l’on peut évidemment contester la mise en examen devant la chambre de l’instruction. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 78 rectifié bis et 176.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 177, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 10

1° Première phrase

a) Remplacer la première occurrence du mot :

six

par le mot :

dix

b) Supprimer les mots :

, à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen et tous les six mois

2° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle peut également être faite à l’issue d’un délai de six mois après la mise en examen et tous les six mois suivants.

3° Seconde phrase

Supprimer les mots :

, par la suite,

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise, dans le cadre de la mise en examen, à apporter deux modifications.

Tout d’abord, il s’agit de porter à dix jours, au lieu des six jours prévus initialement, le délai prévu pour contester devant le juge d’instruction sa propre décision.

En effet, le délai de six jours proposés par le texte n’est pas un délai connu et usité en procédure pénale, contrairement au délai de dix jours, qui offre aux personnes mises en examen un temps suffisant pour préparer leur contestation et exercer pleinement leur droit de défense.

Nous ne pouvons pas le nier, la mise en examen est une étape cruciale dans une procédure pénale, au regard des conséquences qu’elle peut avoir sur la personne concernée. Nous considérons donc qu’il est essentiel de garantir un délai raisonnable pour préparer une défense adéquate.

En allongeant le délai de contestation à dix jours, cet amendement tend à favoriser le respect des droits de la défense.

Nous proposons également des ajustements rédactionnels, afin de rendre le texte plus clair et compréhensible.

M. le président. L’amendement n° 121, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10, première phrase

Remplacer la première occurrence du mot :

six

par le mot :

dix

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. L’alinéa 9 de cet article, qui offre au mis en examen la possibilité de solliciter une « démise » en examen, immédiatement, sans attendre le délai de six mois, va dans le bon sens.

Cependant, le délai de six jours semble trop court, surtout dans les dossiers volumineux pour lesquels la copie n’a pas été transmise en amont à l’avocat.

Nous proposons que ce délai soit allongé et harmonisé avec le délai de dix jours prévu à la suite de la notification d’une expertise ou d’un interrogatoire portant sur les déclarations des tiers. Cela permettrait de faciliter la compréhension et d’éviter les erreurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Le délai de six jours nous paraissait cohérent avec l’idée qu’il s’agit d’apporter rapidement des éléments dont le juge d’instruction n’avait pas connaissance.

Néanmoins, nous entendons vos demandes d’unification et de coordination avec les autres délais.

La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, mais nous pouvons peut-être évoluer sur le sujet aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je pense que ces deux amendements sont excellents !

Le futur mis en examen qui sort de garde à vue n’a pas une connaissance intégrale de son dossier. Certes, son avocat a pu lui communiquer avant la mise en examen un certain nombre d’éléments. Mais si le dossier est volumineux, il est parfois compliqué d’en avoir une connaissance complète.

Je suis donc tout à fait favorable à ces deux amendements, qui visent à prévoir un délai plus large pour contester plus efficacement une mise en examen.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 177.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 121 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 131, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et les observations de la partie civile » ;

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le présent amendement, qui est issu d’une recommandation du Conseil national des barreaux, vise à instaurer l’information de la partie civile lors d’une demande de « démise » en examen.

Le principe du contradictoire doit être intégré au sein de la procédure de démise en examen, afin que la partie civile puisse former des observations en défense, avant la décision du juge d’instruction.

Il est donc nécessaire de prévoir que la demande de démise en examen soit communiquée par le juge et la partie civile plaignante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’adoption de cet amendement ne ferait qu’ajouter de la complexité à la procédure. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La partie civile ne peut pas avoir les mêmes droits que le mis en examen ni les mêmes prérogatives que le parquet ; le Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs rappelé dans une décision.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 131.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 178, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le dernier alinéa de l’article 82-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les avocats des autres parties sont informés dans les mêmes conditions. » ;

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous cherchons à introduire une disposition obligeant le juge d’instruction à informer toutes les parties concernées lorsqu’il accède à une demande d’audition émanant d’une partie, qu’il s’agisse d’un témoin, d’une partie civile ou d’une autre personne mise en examen.

À l’heure actuelle, il n’est pas obligatoire pour le juge d’instruction d’informer les autres parties, qui n’ont pas le droit de demander à être présentes lors de ses auditions.

Il s’agit de renforcer le principe du contradictoire dans la procédure pénale, en informant toutes les parties de la décision favorable du juge d’instruction. Cet amendement vise donc à faire connaître aux autres parties les auditions prévues, ce qui leur permettrait de participer activement à la procédure, en demandant à être présents lors de ces auditions ou à être entendus.

L’idée est également de garantir les droits de toutes les parties impliquées dans la procédure judiciaire. En étant informées des auditions prévues, elles auront une meilleure compréhension de l’avancement de l’enquête et pourront pleinement exercer leurs droits à la défense. Il s’agit finalement de garantir un peu plus de transparence dans la procédure judiciaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Une telle mesure permettrait, certes, d’apporter un peu plus de transparence, mais elle aboutirait surtout à un alourdissement des procédures. Or notre objectif est de simplifier tout en garantissant les droits de la défense. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice Cukierman, ce qui compte, c’est que le témoignage soit porté à la connaissance de toutes les parties. Devant un juge d’instruction, c’est forcément le cas, puisque les parties civiles constituées et les mis en examen ont accès aux témoignages et à leur teneur.

Le fait d’être informé que tel ou tel témoin sera entendu ne me paraît pas utile. Le juge d’instruction mène son information. Une fois qu’il a entendu le témoin, toutes les parties ont naturellement accès au dossier.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 178.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini.

L’amendement n° 150 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le deuxième alinéa de l’article 85 est supprimé ;

La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.

M. Jean-Yves Roux. Cet amendement a pour objet de faciliter les constitutions de partie civile.

Depuis la loi du 5 mars 2007, une plainte avec constitution de partie civile visant un délit n’est recevable que si le plaignant a préalablement saisi le procureur de la République d’une plainte simple et que celui-ci soit a rejeté sa plainte, soit n’a pas répondu dans un délai de trois mois.

Un tel dispositif alourdit considérablement la démarche procédurale d’une victime et retarde l’entrée en action du juge d’instruction.

Un certain nombre d’acteurs de la justice nous ont alertés sur cette difficulté, que nous souhaitons faire disparaître. Cet amendement vise donc à supprimer la condition de recevabilité et à revenir au système antérieur à la loi de 2007.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 150.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vient d’être magistralement défendu par mon collègue des Alpes-de-Haute-Provence ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La suppression des conditions préalables au dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile concernant un délit risque de considérablement compliquer la tâche des juridictions. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Complexification et embolisation ! C’est tout à fait contraire à ce que nous recherchons tous ici.

Je suis donc magistralement défavorable à ces deux amendements identiques !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 150.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 179, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° Le quatrième alinéa de l’article 86 est ainsi modifié :

a) Après la troisième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Les réquisitions de non informer ou de non-lieu sont notifiées à la partie civile, laquelle peut formuler des observations auprès du juge d’instruction dans un délai de quinze jours à compter de cette notification. » ;

b) À la dernière phrase, après les mots : « passe outre » sont insérés les mots : « les réquisitions du ministère public » ;

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Dans tous les cas, le juge d’instruction ne peut statuer avant d’avoir reçu les observations de la partie civile ou avant l’écoulement du délai de quinze jours mentionné au présent alinéa. Faute par le juge d’instruction d’avoir statué dans le délai d’un mois à compter des réquisitions, le procureur de la République peut, dans les dix jours suivants, saisir la chambre de l’instruction qui doit statuer dans un délai d’un mois. À défaut de saisine de la chambre de l’instruction, le juge d’instruction reprend son information. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à garantir la notification des réquisitions de non informer et de non-lieu à la partie civile, ainsi qu’à instaurer l’établissement d’un délai pour que le juge d’instruction rende son ordonnance à la suite des réquisitions du ministère public.

Il est primordial d’assurer l’équité et la transparence dans la procédure pénale. La partie civile a le droit de connaître les réquisitions du procureur, qui peuvent influencer sa réparation et avoir des implications importantes sur l’issue de l’affaire.

En lui accordant la possibilité de prendre connaissance de ces réquisitions et de présenter des observations à leur sujet, nous renforçons le principe du contradictoire et préservons ainsi les droits de la partie civile.

Nous considérons que l’introduction d’un délai pour la prise de décision par le juge d’instruction est essentielle pour assurer l’efficacité de la procédure. En l’absence d’un tel délai, il peut y avoir des retards injustifiés dans le déroulement de l’information. Un délai clair et raisonnable permettra d’éviter les blocages et d’assurer une gestion efficace des réquisitions du ministère public, tout en préservant les droits des parties impliquées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Là encore, nous pensons qu’il s’agit d’un alourdissement des procédures. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 179.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 215, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article 97-1, il est inséré un article 97-1-… ainsi rédigé :

« Art. 97-1-. – Si les nécessités de l’information ouverte pour l’un des crimes prévus par le livre II du code pénal l’exigent, le juge d’instruction peut, lorsqu’il s’agit d’un crime flagrant, autoriser par ordonnance spécialement motivée que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient opérées en dehors des heures prévues par l’article 59 lorsque leur réalisation est nécessaire pour prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d’être commis ou pour permettre l’interpellation de son auteur.

« Ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions mentionnées dans la décision du juge d’instruction. Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles mentionnées dans la décision du juge d’instruction ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. »

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement prévoit la possibilité pour le juge d’instruction d’autoriser les perquisitions de nuit, c’est-à-dire entre vingt et une heures et six heures, lorsqu’une information est ouverte pour des crimes flagrants contre les personnes : meurtres, assassinats, enlèvements et séquestrations, etc.

À l’instar des perquisitions de nuit réalisées dans le cadre d’une enquête de flagrance, ces perquisitions de nuit ne pourraient être autorisées que dans trois hypothèses : soit la perquisition est nécessaire afin de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou un risque d’atteinte grave à l’intégrité physique ; soit il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d’être commis ; soit la perquisition est nécessaire pour permettre l’interpellation de l’auteur du crime.

M. le président. Le sous-amendement n° 277, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 215, alinéa 4

Après la première occurrence du mot :

risque

insérer le mot :

imminent

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 215.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement n° 215 vise à étendre les possibilités de recours aux perquisitions de nuit des juges d’instruction, à l’instar de ce qui a été introduit s’agissant des procureurs.

La commission y est favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 277, afin d’aligner le dispositif en question sur celui qui s’applique aux procureurs, en prenant en compte la notion de « risque imminent », que nous avons retenue précédemment sur l’initiative de M. Benarroche.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce que l’officier de police judiciaire fait dans le cadre de l’enquête préliminaire, le juge d’instruction doit pouvoir le faire. Je suis donc tout à fait favorable à l’amendement n° 215 et au sous-amendement n° 277, qui me semblent d’excellente facture.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 277.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 215, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 79 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon, Genet, Anglars et E. Blanc et Mme Lopez.

L’amendement n° 180 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… ° Le dernier alinéa de l’article 100 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le bâtonnier ou son délégué peut s’opposer à cette décision s’il estime que cette transcription serait irrégulière, selon les modalités définies aux troisième à neuvième alinéas de l’article 56-1 du présent code. » ;

La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 79 rectifié bis.

M. Gilbert Favreau. Cet amendement a pour objet de prévoir la possibilité pour le bâtonnier de contester les transcriptions téléphoniques concernant un avocat.

En procédure pénale, le bâtonnier est garant du secret professionnel des avocats. Or son intervention n’est pas prévue en cas d’écoute téléphonique sur la ligne d’un avocat sur le fondement de l’article 100 du code de procédure pénale.

Il est donc nécessaire que le bâtonnier puisse contester les transcriptions des écoutes téléphoniques d’un avocat, de la même façon qu’il peut déjà s’opposer à la saisie d’un document ou d’un objet dans le cadre de perquisitions au cabinet d’un avocat.

Il s’agit donc d’un transfert parfaitement compréhensible, compte tenu de la nouvelle possibilité offerte par le code de procédure pénale.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 180.

Mme Céline Brulin. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons déjà eu ce débat à de multiples reprises. Nous considérons que l’article 100 du code de procédure pénale offre des garanties suffisantes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 rectifié bis et 180.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 6 rectifié est présenté par MM. Roux, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini.

L’amendement n° 80 rectifié bis est présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Cuypers et Panunzi, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon, Genet, Anglars et E. Blanc, Mmes Boulay-Espéronnier et Lopez et M. Rapin.

L’amendement n° 181 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au troisième alinéa de l’article 100-5, après les mots : « ne peuvent être », sont insérés les mots : « interceptées, enregistrées et » ;

La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.

M. Jean-Yves Roux. Cet amendement concerne l’une des préoccupations principales du texte : la possibilité d’enregistrer à distance des conversations liées à l’activation de téléphones portables.

Nous nous faisons ici le relais des avocats, qui s’inquiètent d’un tel dispositif, susceptible de porter atteinte à la confidentialité de leurs relations avec leurs clients.

Cet amendement a pour objet d’interdire l’enregistrement des conversations entre un avocat et son client.

En effet, alors que l’article 100-5 du code de procédure pénale interdit la transcription des correspondances entre un avocat et son client relevant de l’exercice des droits de la défense, il serait néanmoins possible d’écouter et d’enregistrer ces mêmes correspondances.

De telles dispositions portent une atteinte directe au secret professionnel de l’avocat et aux droits de la défense.

Les auteurs de cet amendement proposent donc d’interdire explicitement l’interception et l’enregistrement des échanges entre un avocat et son client dans le cadre de l’exercice des droits de la défense.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Favreau, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié bis.

M. Gilbert Favreau. Cet amendement a pour objet d’interdire l’enregistrement des conversations entre un avocat et son client dans le cadre de l’exercice des droits de la défense.

En effet, alors que l’article 100-5 du code de procédure pénale interdit la transcription des correspondances entre un avocat et son client relevant de l’exercice des droits de la défense, il est néanmoins, de manière implicite, possible d’écouter et d’enregistrer ces mêmes correspondances.

De telles dispositions portent une atteinte directe au secret professionnel de l’avocat et aux droits de la défense.

Par conséquent, il est proposé, dans le cadre de l’article 100-5 du code de procédure pénale, d’interdire explicitement l’interception et l’enregistrement des échanges ente un avocat et son client dans le cadre de l’exercice des droits de la défense.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 181.

Mme Cécile Cukierman. Nous souhaitons faciliter et garantir une communication franche et sans réticence entre l’avocat et son client, ce qui est essentiel à une défense solide et éclairée dans le cadre de laquelle le client peut s’exprimer librement et toute confiance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je tiens à le préciser, ces amendements ne concernent pas directement les dispositifs d’activation à distance – je pense à la géolocalisation ou à la captation des images et du son –, que nous examinerons par la suite.

Il s’agit ici d’une protection plus générale des échanges entre les avocats et leurs clients, avec l’interdiction de retranscription des interceptions et enregistrements.

La transcription est interdite par la loi. Toutefois, il est techniquement impossible de trier, au moment où l’on intercepte les échanges, ceux qui relèvent de l’avocat et ceux qui n’en relèvent pas.

Or, à l’heure actuelle, ces transcriptions sont d’ores et déjà largement interdites. Il n’est donc pas utile d’ajouter des précisions à cet égard.

La commission est donc défavorable à ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces murs ont des oreilles, mais ils ont aussi une mémoire !

Souvenons-nous de la situation qui prévalait avant l’adoption de la loi Confiance. Selon la Cour de cassation, la relation entre un avocat et quelqu’un qui n’était pas placé en garde à vue ou qui n’était pas mis en examen n’était pas couverte par le secret professionnel.

Certains avocats s’étaient émus d’une telle situation et avaient mis en ligne une pétition qui avait recueilli 10 000 signatures d’avocats français, italiens, suisses ou belges. Avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons fait bouger les choses. Aujourd’hui, quelqu’un qui appelle un avocat bénéficie du secret professionnel avant même d’avoir décidé s’il choisira cet avocat pour le défendre. Nous avons ainsi considérablement renforcé le secret de la défense.

À l’époque, je n’avais pas caché vouloir aller plus loin, en mettant en place un système technique permettant de couper l’interception s’il s’agissait d’une discussion entre un avocat et son client, comme cela se pratique dans certains pays. Mais, en France, le coût d’un tel dispositif serait exorbitant.

Si l’on ne peut pas faire autrement que d’enregistrer, la police ne peut pas retranscrire les conversations.

Par ailleurs, j’examine en ce moment la question de la conservation des enregistrements. Je souhaite qu’on ne puisse pas les conserver ad vitam aeternam.

Il faut le dire et le redire, il n’y a pas de défense sans secret de la défense : ce n’est pas plus compliqué que cela ! Ce secret ne protège pas l’avocat, comme on l’entend dire parfois ; il protège le justiciable, qui racontera des choses qui ne sont pas forcément des ignominies, par exemple qu’il est cocu ou qu’il a une maîtresse ; sa vie intime est ainsi faite. Cela ne mérite-t-il pas d’être totalement protégé ? C’est aussi une question de liberté et de droit à l’intimité et à la vie privée.

Je suis évidemment sensible à vos préoccupations, qui sont aussi les miennes. Pour autant, on ne peut pas aller trop loin. Si quelqu’un est placé sous surveillance téléphonique, on ne peut pas savoir qu’il appelle un avocat avant qu’il ne l’ait effectivement fait.

Une fois qu’on a l’enregistrement, on ne peut pas le retranscrire. Mais, en l’état, il n’est pas possible d’aller plus loin. Nous avons beaucoup travaillé avec les avocats sur ces questions. Selon moi, la technologie nous apportera un certain nombre de solutions nouvelles, notamment s’agissant de la conservation des enregistrements.

Très franchement, je vois difficilement comment on pourrait deviner que le correspondant d’une personne surveillée est un avocat. C’est très compliqué, voire impossible. Les officiers de police judiciaire, en dépit de leurs grandes qualités, ne disposent pas du don de médiumnité.

C’est la raison pour laquelle, presque à regret, je suis défavorable à ces trois amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié, 80 rectifié bis et 181.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 182, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’article 114 est ainsi modifié :

a) Aux première et seconde phrases du troisième alinéa, après les mots : « personne mise en examen » sont insérés les mots : « , ou du témoin assisté, » ;

b) Au quatrième alinéa, après les mots : « Après la », sont insérés les mots : « réception de la convocation à la » ;

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. En accordant aux parties le droit d’accéder au dossier avant leur audition ou leur interrogatoire, cet amendement vise à garantir l’effectivité du droit à un procès équitable.

Autoriser les parties à accéder au dossier avant leur audition et leur interrogatoire permettrait aux mis en cause de mieux appréhender les accusations portées contre eux et de préparer leurs arguments de défense.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement émane également du Conseil national des barreaux. Il s’agit d’étendre explicitement le droit à l’accès au dossier avant l’audition ou l’interrogatoire des parties.

La commission a du mal à voir s’il s’agit d’une vraie clarification ou bien d’un alourdissement. C’est la raison pour laquelle elle demande l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice Cukierman, vous proposez d’inscrire à l’article 114 du code de procédure pénale que le témoin assisté a accès au dossier de la procédure.

Je vous le rappelle, l’article 113-3 du même code prévoit déjà un tel accès pour le témoin assisté, dans les conditions prévues à l’article 114. Cet amendement me paraît donc superfétatoire.

La seconde partie de l’amendement prévoit que les parties ont accès au dossier de la procédure après la réception de la convocation de la première comparution ou audition et donc préalablement à celle-ci.

À mon sens, une telle disposition n’est ni souhaitable ni réalisable, l’interrogatoire de première comparution ayant lieu souvent dans le cadre d’une présentation immédiate, à l’issue de la garde à vue. En outre, cet accès, prévu uniquement après l’interrogatoire de première comparution, ne met pas en péril les droits de la défense, la personne pouvant, si elle le souhaite, garder le silence et ainsi attendre d’avoir accès à la procédure pour s’exprimer.

Par ailleurs, si un avocat a été désigné et s’il est présent, il aura la possibilité d’avoir accès aux procès-verbaux.

Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 182.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 81 rectifié bis, présenté par MM. Favreau, D. Laurent, Cambon, Panunzi et Cuypers, Mme Goy-Chavent, M. Sautarel, Mmes Imbert et Malet, MM. J.B. Blanc, Charon, Genet, Anglars et Cadec et Mmes Lopez et Boulay-Espéronnier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… ° Le premier alinéa de l’article 115 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le greffier de la juridiction, informé de ce choix, informe tous les avocats précédemment désignés de la désignation d’un ou plusieurs nouveaux avocats. » ;

La parole est à M. Gilbert Favreau.

M. Gilbert Favreau. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission sollicite l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 81 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de l’article 3.

L’amendement n° 262, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 115 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’avocat désigné par la personne mise en examen détenue, ou l’avocat commis d’office à sa demande en application de l’article 116, peut indiquer les noms des associés et collaborateurs pour lesquels la délivrance d’un permis de communiquer est sollicitée. Le permis de communiquer est alors établi au nom de ces différents avocats. » ;

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Les avocats, lorsqu’ils appartiennent au même cabinet et lorsqu’ils sont nombreux, ont parfois beaucoup de difficultés pour obtenir des permis de communiquer leur permettant de rencontrer leurs clients. Chaque avocat doit effectuer des démarches fastidieuses.

Je suggère de permettre à tous les avocats, nommément désignés et collaborant directement avec l’avocat choisi par la personne mise en examen, de disposer d’un permis de communiquer avec elle lorsque celle-ci est détenue.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de bon sens, d’autant que la permission d’accorder des permis de communiquer aux avocats d’un même cabinet, et nommément désignés, est assortie de garanties suffisantes. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 262.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 216, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 141-1 est ainsi rédigé :

« Art. 141-1. – Les pouvoirs conférés au juge d’instruction par les articles 139 et 140 appartiennent, en tout état de cause, à la juridiction compétente selon les distinctions de l’article 148-1.

« Lorsque le prévenu renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance du juge d’instruction a été placé sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, le juge des libertés et de la détention peut, à tout moment, sur réquisitions du ministère public ou à la demande du prévenu, décider par ordonnance motivée d’imposer à ce dernier une ou plusieurs obligations nouvelles, de supprimer tout ou partie des obligations comprises dans la mesure, de modifier une ou plusieurs de ces obligations ou d’accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d’observer certaines d’entre elles. Le juge des libertés et de la détention statue au vu des réquisitions du ministère public et, sauf s’il fait droit à la demande du prévenu, après audition de celui-ci, assisté le cas échéant par son avocat. L’ordonnance rendue est susceptible d’appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l’instruction.

« En cas d’appel de la décision de ce juge porté devant la chambre de l’instruction, celle-ci est composée de son seul président. Celui-ci peut toutefois, si la complexité du dossier le justifie, décider d’office ou à la demande de personne poursuivie ou du ministère public de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la chambre. La décision de renvoi constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas susceptible de recours. » ;

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement de coordination vise à élargir le dispositif prévu à l’article 3 en permettant au JLD de modifier ou de lever la mesure de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence sous surveillance électronique après une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.

Une coordination est également prévue en cas d’appel d’une ordonnance de renvoi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement concerne la compétence du juge des libertés et de la détention pour les demandes de modification du contrôle judiciaire après une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. Ces compléments, qui peuvent sembler techniques, sont cohérents avec le choix de confier au JLD l’examen des demandes de modification ou de mainlevée. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 216.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 214, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

I. Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’article 141-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans tous les cas prévus au présent article, le juge des libertés et de la détention, s’il estime que la détention provisoire n’est pas justifiée, peut modifier les obligations du contrôle judiciaire ou placer l’intéressé sous assignation à résidence avec surveillance électronique. » ;

II. Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’article 142-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, le juge des libertés et de la détention, s’il estime que la détention provisoire n’est pas justifiée, peut modifier les obligations de l’assignation à résidence avec surveillance électronique. » ;

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement vise à prévoir la possibilité pour le JLD, lorsqu’il est saisi d’une demande de révocation de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique (Arse), de modifier les obligations du contrôle judiciaire et de l’assignation à résidence avec surveillance électronique, ou de placer l’intéressé sous assignation à résidence.

Ce dispositif permettrait, notamment, d’aggraver le contrôle judiciaire ou les conditions de l’assignation à résidence d’une personne ne respectant pas ses obligations, et d’éviter ainsi un placement en détention provisoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement est tout aussi cohérent que le précédent. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 214.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 278, présenté par Mmes Canayer et Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au quatrième alinéa de l’article 142-5, les mots : « l’article 138 » sont remplacés par les mots : « les articles 138 et 138-3 ».

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’article 3 prévoit un dispositif tendant à favoriser le recours à l’Arse.

Le présent amendement vise à apporter une clarification en prévoyant directement la possibilité de prévoir conjointement à l’Arse le port d’un bracelet anti-rapprochement, notamment en cas de violences conjugales. C’est plus clair de l’inscrire à l’article 152-5 du code de procédure pénale. Il s’agit en effet d’une obligation essentielle en matière de lutte contre les violences conjugales.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 278.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 13, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :

Alinéas 12 à 19 et 29

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Mme Brigitte Devésa. L’article 142-6 du code de procédure pénale prévoit la possibilité d’assigner à résidence, avec surveillance électronique, une personne mise en examen.

Cependant, le troisième alinéa de cet article précise que le juge « statue après avoir fait vérifier la faisabilité technique de la mesure ».

Le projet de loi vise, dans le cas où la vérification de la faisabilité technique de cette mesure n’aurait pas encore été effectuée ou serait toujours en cours, à permettre l’incarcération provisoire de la personne mise en examen, le temps que l’assignation à résidence puisse être mise en œuvre, ou pour une période de quinze jours au maximum.

Cet amendement vise à supprimer une telle possibilité. En effet, l’accroissement des possibilités de placement en détention des personnes mises en examen, c’est-à-dire de personnes qui restent présumées innocentes, doit rester exceptionnel.

De plus, ce n’est pas à la personne mise en examen de payer, par une incarcération provisoire, pour le temps que met l’administration judiciaire à vérifier la faisabilité technique d’une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 132 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 183 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Remplacer le mot :

quinze

par le mot :

cinq

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 132.

M. Guy Benarroche. Si la nouvelle mesure de placement conditionnel sous Arse est la bienvenue, le nouveau délai d’incarcération de quinze jours, qui est fixé par ce texte, nous paraît excessif et ne permet pas de limiter le recours à la détention provisoire, alors que la France subit un taux de surpopulation carcérale historique.

Le délai de quinze jours équivaut à dix jours de plus que le délai prévu par l’article 723-7-1 du code de procédure pénale, relatif à la fixation des modalités de la faisabilité de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique.

Afin de renforcer la proportionnalité de la mesure, les auteurs du présent amendement demandent de baisser le délai d’incarcération du mis en cause à cinq jours, conformément au délai prévu à l’article 723-7-1.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 183.

Mme Cécile Cukierman. Dans le cadre de l’examen de la faisabilité de l’assignation à résidence sous surveillance électronique, cet amendement vise à réduire le délai d’incarcération du mis en cause à cinq jours, au lieu des quinze jours prévus par le texte actuel.

M. le président. L’amendement n° 118, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 16, première phrase

Après le mot :

jours

insérer les mots :

renouvelable une fois

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. En raison des difficultés des services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip), le présent amendement vise à instaurer un renouvellement possible du délai impératif imposé pour l’étude de faisabilité technique.

Les Spip, maillons pourtant essentiels dans la vision d’une politique pénale et carcérale au-delà de l’enfermement, manquent de moyens. Le Sénat a d’ailleurs pris des dispositions, afin d’augmenter considérablement dans les années à venir les ressources humaines de ces services.

Toutefois, pour l’instant, le manque d’effectifs, comme partout, grève les possibilités d’actions des Spip. L’absence d’attractivité de la branche pénitentiaire est aussi due à l’inaction de l’administration dans la gestion des revalorisations statutaires.

C’est pourquoi, afin de ne pas supprimer des chances de bénéficier d’une Arse, nous proposons de permettre de doubler les délais pendant lesquels les Spip effectuent leur étude de faisabilité. Il s’agit de leur laisser le temps de travailler, malgré leurs manques d’effectifs.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 133 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 185 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16, troisième phrase

Après les mots :

pour qu’il soit

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

prononcé la mesure prévue à l’article 138 du code de procédure pénale. En l’absence d’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire prise dans ces délais, la personne est remise en liberté si elle n’est pas détenue pour une autre cause.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 133.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à prévoir, dans le cadre d’une création d’une Arse sous condition suspensive de faisabilité et avec incarcération provisoire, qu’en cas d’absence d’enquête de faisabilité, un contrôle judiciaire est prononcé en lieu et place de l’ouverture d’un débat contradictoire sur la détention provisoire.

Nous craignons en effet que la mesure proposée ne soit utilisée au détriment du contrôle judiciaire, ce qui irait à l’encontre des objectifs fixés visant à diminuer le recours à la détention provisoire, compte tenu de la crise de surpopulation carcérale que connaît la France.

Le présent amendement vise donc à pallier cette difficulté en réintroduisant le prononcé d’un contrôle judiciaire dans le dispositif.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 185.

Mme Cécile Cukierman. Comme l’a souligné notre collègue Guy Benarroche, l’objectif est bien évidemment de remplacer l’ouverture d’un débat contradictoire sur la détention provisoire par le prononcé d’un contrôle judiciaire en cas d’absence d’enquête et de faisabilité.

Nous craignons en effet, notamment la présidente de notre groupe, Éliane Assassi, que la détention provisoire ne puisse être privilégiée au contrôle judiciaire, ce qui serait contraire à l’objectif initial de limiter son recours et contribuerait à augmenter la surpopulation carcérale.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 36 est présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 128 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16, quatrième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 36.

Mme Laurence Harribey. Le présent amendement vise à supprimer la possibilité du recours au dispositif de visioconférence pour l’organisation du second débat contradictoire prévue dans le cadre de la création de la nouvelle procédure d’Arse sous condition suspensive de faisabilité.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 128.

M. Guy Benarroche. Ces nouvelles modalités de jugement sont, selon le Conseil national des barreaux, contraires au droit au procès équitable, qui suppose un accès au juge, la publicité de l’audience, une égalité des armes.

Le Syndicat de la magistrature, lui aussi, déplore que la visioconférence ne cesse d’être étendue pour des raisons de gestion, au mépris de la qualité de la justice et des droits des personnes en cause.

Pourtant, le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises « l’importance de la garantie qui peut s’attacher à la présentation physique de l’intéressé devant la juridiction pénale ». Il a également indiqué qu’un réel accès au juge et une réelle oralité des débats priment les objectifs de bonne administration de la justice et de protection de la santé publique.

Enfin, la question restera celle de la mise en œuvre d’une telle disposition en juridiction, les effectifs actuels de JLD rendant impossible l’absorption d’une telle charge supplémentaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement n° 13 vise à supprimer la possibilité d’incarcération des personnes dans le cadre de la détention provisoire le temps strictement nécessaire à la mise en place d’une Arse.

Or cette possibilité vise à éviter que les personnes ne disparaissent dans la nature et de se donner le temps de vérifier la faisabilité du dispositif. Il s’agit d’un dispositif très encadré et dont les garanties sont proportionnelles à l’objectif. Je vous rappelle qu’il ne concerne que des peines encourues supérieures ou égales à trois ans d’emprisonnement. La durée de quinze jours maximum de détention provisoire doit permettre de vérifier la faisabilité technique par les services de probation et d’insertion pénitentiaire, d’organiser un débat contradictoire et de garantir que le placement en détention fasse l’objet d’une ordonnance motivée, avec des éléments précis et circonstanciés.

La suppression d’un tel dispositif ne nous paraît pas justifiée dès lors que celui-ci répond à un vrai objectif d’efficacité et de faisabilité. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos 132 et 183 visent à abaisser la période de quinze jours de détention provisoire préalable à une Arse. Selon moi, un délai de cinq jours n’est pas suffisant et ne permettra pas de mener une vraie enquête. Il faut, par exemple, s’assurer que la personne dispose d’un logement et que la mise en place du bracelet électronique est adaptée. Avis défavorable.

L’amendement n° 118 vise à prévoir une prolongation du délai pour vérifier la faisabilité technique de l’Arse. Contrairement aux amendements précédents, il s’agit d’allonger le délai de la détention provisoire. Une telle mesure pose, à nos yeux, un problème de cohérence. La durée de dix jours donnée au Spip pour rendre son rapport est conçue pour s’intégrer au temps de la détention provisoire, qui est de quinze jours. Comment pourrions-nous l’allonger ?

La vraie solution consiste à donner plus de moyens au Spip. C’est la raison pour laquelle nous avons voté dans la loi de programmation le fléchage de 600 emplois pour les Spip. Il s’agit de pouvoir accompagner une exécution des peines adaptée. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos 133 et 185 visent à recourir au contrôle judiciaire plutôt qu’à la détention provisoire avant la mise en en place de l’Arse. En général, la détention provisoire est prononcée dès lors que le contrôle judiciaire n’est pas adapté ou n’a pas fonctionné. Le choix du contrôle judiciaire doit donc être laissé aux magistrats. Il s’agit non pas de dispositifs concurrents, mais complémentaires. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos 36 et 128 visent à supprimer la possibilité de recourir à la visioconférence pour l’audience qui doit statuer sur la mise en place de la détention provisoire en cas d’impossibilité de recourir à l’Arse.

Lorsque la mise en œuvre de l’Arse n’est pas possible, le prévenu pourra être maintenu en détention provisoire ou orienté vers un contrôle judiciaire. Néanmoins le recours à la visioconférence est une procédure complémentaire, qui intervient à la suite de la première décision prise sur le recours à la détention provisoire préalable à la mise en place de l’Arse. Cela semble proportionné. La suppression proposée aggraverait la procédure. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En réalité, on utilise beaucoup moins l’Arse dans le cadre de la mise en examen que dans le cadre d’une mise en liberté ultérieure. Pourquoi ? Parce que quand on met en examen, on ne dispose pas de tous les éléments, et il faut du temps pour les recueillir.

L’incarcération vise évidemment à éviter que le mis en examen ne disparaisse. Mais – pardonnez-moi d’insister lourdement – elle limite aussi de facto la détention provisoire. En effet, une fois que les recherches ont été faites, si elles sont positives, on s’oriente alors vers la mise en œuvre de l’Arse, et c’est un détenu de moins. Voilà la réalité du texte que je défends.

Sur ces amendements, tout a parfaitement été dit par Mme la rapporteure. Vous souhaitez, par exemple, limiter à cinq jours le délai d’incarcération. Mais si le 1er mai tombe un lundi, soit juste après le week-end, combien de temps restera-t-il pour effectuer les vérifications ? Si ces dernières n’aboutissent pas, l’Arse ne pourra pas être mise en œuvre et nous aurons un détenu de plus. Or je sais, monsieur le sénateur Benarroche, que vous vous battez corps et âme contre la surpopulation carcérale. Par ailleurs, vous proposez de porter le délai imposé pour l’étude de faisabilité technique à dix jours, ce qui établirait à vingt-cinq jours au lieu de quinze le délai d’incarcération !

Je suis donc défavorable à tous ces amendements, car notre objectif – je le redis ici – est de limiter la détention.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 132 et 183.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 118.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 133 et 185.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 36 et 128.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 217, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 148-2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Toute juridiction appelée à statuer en application de l’article 148-1, sur une demande de mise en liberté se prononce après avoir entendu le ministère public, le prévenu, auquel est préalablement notifié son droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés, ou son avocat. Si la personne a déjà comparu devant la juridiction moins de quatre mois auparavant, le président de cette juridiction peut en cas de demande de mise en liberté refuser la comparution personnelle de l’intéressé par une décision motivée qui n’est susceptible d’aucun recours. » ;

b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Toutefois, lorsqu’au jour de la réception de la demande il n’a pas encore été statué soit sur une précédente demande de mise en liberté, soit sur l’appel d’une précédente décision de refus de mise en liberté, les délais prévus ci-dessus ne commencent à courir qu’à compter de la décision rendue par la juridiction compétente. Faute de décision à l’expiration des délais, il est mis fin à la détention provisoire, le prévenu, s’il n’est pas détenu pour une autre cause, étant d’office remis en liberté. »

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement de coordination vise à modifier l’article 148-2 du code de procédure pénale, qui organise les audiences du tribunal correctionnel après renvoi du juge d’instruction en cas de demande de mise en liberté ou de mainlevée totale ou partielle du contrôle judiciaire.

Il convient de supprimer ce dernier cas, dans la mesure où l’article 3 tend à confier au juge des libertés et de la détention l’examen des demandes de modification ou de mainlevée de la mesure de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence sous surveillance électronique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement nous est présenté comme un amendement de coordination pour les modalités de prise de décisions relatives aux demandes de liberté par le JLD, mais nous pensons qu’il va au-delà, en supprimant, notamment, des conditions de délai.

Nous aimerions que M. le garde des sceaux nous donne davantage de précisions, car il s’agit d’un sujet extrêmement technique. En l’état, la commission des lois a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En réalité, on donne compétence au JLD. Il faut par conséquent beaucoup moins de temps pour que le JLD se réunisse avec lui-même que pour recomposer une juridiction dans sa complétude.

Cet amendement me semble opportun et utile. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Certains points restent obscurs. Mais la navette permettra peut-être d’améliorer le texte. Avis de sagesse, à titre personnel.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 217.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Bascher et Belin, Mme Belrhiti, MM. Brisson, Cambon, Cardoux, Chatillon et Cuypers, Mme Devésa, M. Duffourg, Mme Dumont, MM. Frassa et Genet, Mmes F. Gerbaud et Goy-Chavent, M. Guerriau, Mmes Joseph, Lassarade et Lavarde et MM. Milon, Pellevat, Retailleau, Tabarot et C. Vial, est ainsi libellé :

Alinéas 20 à 27, 29 à 31

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Mme Brigitte Devésa. L’article 3 tend notamment à renforcer les droits du témoin assisté, en particulier en matière d’expertises.

Or ces dispositions sont de nature à alourdir sensiblement la procédure devant le juge d’instruction, au détriment du travail des enquêteurs, par la multiplication des demandes et des recours.

De telles mesures aboutiront nécessairement à augmenter les délais, déjà longs, du traitement des dossiers d’instruction.

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 20, 21, 25 à 27, 30 à 34

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 37

Supprimer les mots :

et le témoin assisté

La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Mme Brigitte Devésa. Le statut de témoin assisté est un statut intermédiaire entre celui de témoin et celui de mis en examen. Il est appliqué aux personnes contre lesquelles il existe des soupçons de culpabilité, mais des soupçons moins forts que ceux qui pèsent contre les personnes mises en examen.

Comme le statut de mis en examen, le statut de témoin assisté confère un certain nombre de droits au cours de la procédure judiciaire. Ces droits semblent aujourd’hui suffisants pour garantir le droit à la défense des témoins assistés sans qu’il soit besoin de les étendre davantage.

Cet amendement vise donc à supprimer l’extension des droits du témoin assisté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement n° 14 rectifié vise à supprimer le renforcement des droits du témoin assisté. Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, nous sommes au milieu du gué concernant ce statut du témoin assisté. La proposition du Gouvernement ne va pas jusqu’au bout des préconisations des États généraux de la justice, qui demandaient que le statut de témoin assisté soit réellement la règle, la personne n’étant mise en cause qu’au terme de ce statut de témoin assisté.

Néanmoins, il est prévu de renforcer les droits du témoin assisté. Même si le dispositif n’est pas totalement abouti, les droits renforcés permettront de mieux défendre la place du témoin assisté. Par ailleurs, la possibilité de faire constater la prescription de l’action est exigée par le Conseil constitutionnel. Il nous semble donc, là aussi, que les garanties sont suffisamment assurées même si le statut tel qu’il est prévu n’est, selon nous, pas encore totalement efficient.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 11.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Les États généraux préconisaient en effet que le statut de témoin assisté devienne la règle. Mais, au fond, il s’agit d’une espèce de basculement sémantique, puisque les mis en examen deviennent alors témoins assistés, ce qui ne change pas grand-chose à leur sort.

Je le dis avec toutes les précautions qui s’imposent, mais le témoin assisté est plus « présumé innocent » encore que le mis en examen. Il me paraît donc tout à fait naturel qu’il ait autant de droits. Il ressent sans doute le besoin et l’envie de faire triompher son innocence, d’être totalement blanchi. Bien qu’il ne soit pas encore mis en examen, il est tout de même dans une procédure judiciaire dont on peut penser a priori qu’elle n’est pas formidablement agréable !

Si l’on détaille les droits que l’on confère aux mis en examen, on lui donne, par exemple, la possibilité de demander une expertise. Le mis en examen a également la possibilité de contester une décision du juge qui refuse de faire droit à une demande de constatation de la prescription de l’action publique. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour le témoin assisté ?

Si les faits qui lui sont « reprochés » sont prescrits, quand fera-t-il valoir ses droits ? Il doit attendre la fin de la procédure, qui est pesante. Or le témoin assisté a des droits. Je souhaite véritablement que l’on s’aligne ici sur les droits du mis en examen. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 124, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 20

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article 161-1, après les mots : « aux parties », sont insérées les mots : « et aux témoins assistés » ;

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cette proposition s’inscrit dans la volonté de réforme du statut de témoin assisté engagée par les États généraux de la justice et reprise dans le projet de loi.

Par souci de cohérence, les mesures doivent être étendues à l’ensemble de la section traitant de l’expertise dans le code de procédure pénale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement vise à compléter l’information des témoins assistés en leur communiquant les demandes d’expertise.

La commission avait émis un avis défavorable, pensant qu’une telle mesure alourdirait les procédures. Néanmoins, je comprends l’objet de cet amendement et, à titre personnel, j’y suis plutôt favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis de sagesse bienveillante. Si l’on donne davantage de droits aux témoins assistés, les magistrats auront davantage recours à ce statut. C’est aussi l’un des objectifs.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 124.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements et deux sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 186, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 38 à 42

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéas 60 à 67

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Nous entamons une série d’amendements portant sur les enjeux de l’activation à distance d’un appareil électronique sans le consentement de son propriétaire. Nous proposons de supprimer cette possibilité.

Les nouvelles techniques d’enquête prévues dans le projet de loi diffèrent considérablement des pratiques de sonorisation de lieux et d’écoutes téléphoniques en raison, notamment, de l’omniprésence des appareils connectés dans la vie quotidienne.

À nos yeux, le volume et la qualité des données qui seront écoutés en temps réel par les officiers de police judiciaire sont disproportionnés.

Nous nous inquiétons également du fait que les journalistes ne soient pas exclus de l’application de ces dispositions, ce qui constitue un risque pour la liberté d’information et la démocratie.

Nous dénonçons le fait que, bien que les avocats soient exclus du dispositif, les enquêteurs pourraient toujours écouter et prendre connaissance des conversations entre un client et son avocat dans un cadre confidentiel, sans les retranscrire. Une telle disposition remettrait en question la sincérité et la confidentialité des échanges avec l’avocat.

Nous considérons donc nécessaire d’interdire l’activation à distance pour les personnes qui résident ou qui exercent habituellement leur activité professionnelle dans les lieux visés par l’article 706-96-1 du code de procédure pénale.

M. le président. L’amendement n° 229, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 38 à 42

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéas 62 à 67

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Nous pensons qu’il faut toujours être extrêmement vigilant quand nous sommes face à de nouvelles techniques susceptibles de porter atteinte à la vie privée. La proposition du Gouvernement d’autoriser l’activation à distance des appareils connectés à internet dans le contexte de l’instruction et de l’enquête portant sur certains délits et crimes nous paraît porter indéniablement une atteinte à la vie privée particulièrement grave. Ce n’est pas seulement nous qui le disons ; le Conseil d’État l’a aussi relevé.

Une fois activés, ces appareils seront utilisés pour localiser des suspects, pour capter des conversations et des images via la caméra. C’est particulièrement grave, parce que la captation concerne aussi des personnes tierces. Prenons le cas où un portable est activé à distance, un seul suspect étant visé. Quand ce dernier va prendre son téléphone avec lui dans le métro, toutes les conversations seront alors captées. Idem s’il va au restaurant. Ainsi, tout échange dans l’espace public est alors potentiellement sous écoute. C’est inédit !

Pire, imaginons maintenant que le suspect se rende dans le bureau de son avocat avec son portable. L’entretien sera alors capté et transmis par l’appareil. Non seulement cela met à mal le secret professionnel de l’avocat, mais cela contourne aussi l’interdiction de mettre sous écoute le téléphone des avocates et des avocats.

Les garanties potentielles resteront toujours insuffisantes, car elles interviennent seulement ex post, une fois les conversations et les images captées et transmises.

Enfin, il y a déjà des techniques d’enquête permettant de mettre des suspects sous écoute et de les suivre dans leurs mouvements, mais les atteintes à la vie privée qu’elles causent sont moins importantes.

Pour ces raisons, les avantages que représente cette nouvelle technologie spéciale d’enquête ne peuvent pas justifier les graves atteintes portées aux droits individuels. C’est pourquoi les écologistes au Sénat s’y opposent avec véhémence.

M. le président. Le sous-amendement n° 283, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 229, alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Je ne reprends pas tout l’argumentaire qui vient d’être développé. Ce sous-amendement vise à supprimer la possibilité d’activer à distance un appareil connecté à des fins de captation sonore ou d’image, tout en maintenant la possibilité d’activer à distance un appareil connecté à des fins de géolocalisation.

M. le président. L’amendement n° 94, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :

Alinéas 38 à 42

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer les dispositions permettant l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu de son propriétaire.

La mesure prévue par l’article 3 est particulièrement problématique, car elle ne se résume pas uniquement aux téléphones portables et aux ordinateurs. Son périmètre comprend en réalité tous les objets dotés d’un micro, d’une caméra ou de capteurs de localisation, c’est-à-dire les télévisions connectées, les radios de voiture, les assistants vocaux, les montres connectées, etc. Pourtant, les officiers de police judiciaire sont déjà dotés de moyens d’enquête très larges. L’ajout d’une telle disposition semble disproportionné.

L’article autorise l’utilisation d’une telle activation à distance uniquement pour les crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. En somme, le Gouvernement vise davantage les infractions graves, comme le terrorisme, qui peut être puni de dix ans d’emprisonnement, mais le quantum est assez large. Quid des actions militantes qualifiées voilà peu par le ministre de l’intérieur d’« écoterrorisme » ?

Nous entrons dans une ère dangereuse. Ce que ce texte veut permettre aujourd’hui peut compromettre de manière manifeste le secret professionnel et la liberté individuelle. La création d’une telle mesure intrusive pousse à de futures dérives sécuritaires dépassant le cadre strict de l’enquête et de l’instruction.

M. le président. L’amendement n° 230, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 39, première phrase

Remplacer les mots :

puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement l’exigent.

par les mots :

contre les personnes puni d’au moins vingt ans d’emprisonnement l’exigent, les actes de terrorisme ou si cette opération est exigée par les nécessités d’une procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition prévue aux articles 74, 74-1 et 80-4,

II. – Alinéa 63, première phrase

Remplacer les mots :

de procéder aux opérations mentionnées à l’article 706-96

par les mots :

d’une enquête ou d’une instruction relative à des actes de terrorisme

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à notre amendement n° 229

Si l’on autorise l’activation à distance des appareils connectés, comme c’est inscrit dans le texte, il faut au moins pouvoir la limiter aux délits et aux crimes les plus graves. Chaque fois que l’on a recours à cette technique spéciale d’enquête, on empiète un peu plus sur le droit à la vie privée et chaque autorisation porte en elle un risque de dérive.

Sans supprimer totalement la disposition, nous souhaitons faire en sorte de limiter au strict minimum les délits et crimes qui pourraient justifier le recours à une telle technique. Nous proposons donc d’autoriser l’activation à distance dans les cas suivants : la géolocalisation pour les crimes contre les personnes punis d’au moins vingt ans ; la géolocalisation pour la recherche des causes de la mort ou en cas de disparition d’une personne ; la géolocalisation et l’accès au micro et à la caméra de l’appareil pour les seules personnes poursuivies pour acte de terrorisme. Chacun conviendra que le fait de pouvoir activer le micro et la caméra va au-delà de la possibilité de géolocaliser. Il s’agit de restreindre l’usage de cette technique à la lutte contre le terrorisme.

M. le président. L’amendement n° 85 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Brisson, Buffet, Burgoa, Cadec, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon et Chatillon, Mmes Chauvin et de Cidrac, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deroche, Drexler, Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet, Gueret, Houpert, Hugonet et Husson, Mme Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et Laménie, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, Longuet, de Legge, de Nicolaÿ et Le Rudulier, Mmes Lopez et Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Panunzi, Pellevat et Piednoir, Mmes Pluchet et Puissat, M. Regnard, Mme Richer, MM. Saury et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et M. J.P. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 39, première phrase

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

dix

La parole est à Mme Nadine Bellurot.

Mme Nadine Bellurot. L’article 3 permet au JLD d’autoriser l’activation à distance d’un appareil électronique, à l’insu ou sans le consentement de son détenteur.

Cette mesure est susceptible de porter gravement atteinte au respect de la vie privée.

Dès lors, il apparaît indispensable de limiter cette possibilité aux infractions punies d’au moins dix ans d’emprisonnement, le quantum de cinq ans prévu par le projet de loi nous paraissant bien trop large.

M. le président. L’amendement n° 55, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 40

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Elle ne peut également s’appliquer aux appareils électroniques situés dans les lieux mentionnés aux articles 56-1 à 56-5, ou le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7. Les dispositions du présent alinéa sont prescrites à peine de nullité.

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Nous proposons de compléter les dispositions relatives à la géolocalisation par activation d’appareil électronique à distance.

Ces précisions permettent d’exclure la mise en œuvre du dispositif dans les lieux suivants : le cabinet d’un avocat ou son domicile, les locaux d’une entreprise de presse, le cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier, les lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, les juridictions, ainsi que le domicile d’un magistrat. De même, cela ne peut *pas concerner le véhicule, le bureau ou le domicile d’un député, d’un sénateur, d’un avocat ou d’un magistrat.

M. le président. L’amendement n° 231, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 40

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

S’il apparaît que des données collectées au moyen de cette activation proviennent d’un appareil se trouvant dans l’un des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5, il est mis immédiatement fin à l’activation à distance de l’appareil. Le juge des libertés et de la détention est immédiatement informé.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Il s’agit encore d’un amendement de repli. Il s’agit d’éviter que certaines personnes ne puissent être géolocalisées, en particulier celles qui sont en contact ou travaillent régulièrement avec des parlementaires, des magistrats ou des journalistes.

D’après la rédaction de l’article, si mon collaborateur, qui n’est pas parlementaire, mais qui est souvent à mes côtés, y compris dans mon bureau, fait l’objet, pour je ne sais quelle raison, d’une géolocalisation ou d’une mise sur écoute, je peux moi aussi être concernée. Il en va de même pour les personnes travaillant dans des organes de presse sans être journalistes, par exemple les agents d’entretien, qui sont susceptibles, si elles sont visées par une telle mesure d’enquête, de permettre la captation de conversations de journalistes, qui sont protégés par un autre droit.

Cet amendement vise donc à exclure du champ d’application de cette disposition certaines personnes. J’y insiste, nous devons tout faire pour assurer la garantie des droits et des libertés fondamentales nécessaires au bon fonctionnement de notre démocratie.

M. le président. L’amendement n° 95, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :

Alinéa 65

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 65.

En effet, l’article 3 n’intègre pas les journalistes dans le régime d’exception prévu à l’article 100-7 du code de procédure pénale, qui dispose notamment : « Aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne d’un député ou d’un sénateur sans que le président de l’assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d’instruction. Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d’instruction ».

Les journalistes ne figurent pas dans le champ de cette prohibition de principe, alors qu’ils bénéficient du secret des sources, qui, comme le secret professionnel de l’avocat, est le cœur de la démocratie et de l’État de droit.

Autoriser l’activation à distance des appareils électroniques des journalistes, c’est nuire gravement à la liberté de la presse et à la protection des sources.

M. le président. L’amendement n° 58, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 65

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L’activation à distance d’un appareil électronique mentionnée au présent article est interdite lorsqu’elle concerne les appareils électroniques utilisés par les personnes mentionnées à l’article 100-7 ainsi que les appareils utilisés par les personnes se trouvant dans l’un des lieux mentionnés aux articles 56-1 à 56-5. » ;

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Cet amendement s’inscrit dans la même veine que les précédents. Il vise à exclure de l’activation à distance d’un appareil électronique certaines personnes pour préserver le secret des sources, le secret professionnel, le secret du délibéré ou le secret médical. Pour nous, il est nécessaire de clarifier la rédaction de l’article 3 en ce sens.

M. le président. L’amendement n° 232, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 65

1° Première phrase

Remplacer les mots :

les appareils électroniques utilisés par les personnes mentionnées à l’article 100-7

par les mots :

les personnes résidant ou exerçant habituellement leur activité professionnelle dans l’un des lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5

2° Deuxième phrase

a) Remplacer les mots :

se trouvant

par le mot :

utilisé

b) Remplacer les mots :

celles-ci ne peuvent être retranscrites

par les mots :

la retranscription est immédiatement suspendue et toute trace est détruite

3° Après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le juge des libertés et de la détention est immédiatement informé.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. C’est encore un amendement de repli, qui a pour objet, d’une part, d’exclure de la possibilité de géolocalisation les portables utilisés par les parlementaires, avocats et magistrats et, d’autre part, d’éviter que les personnes résidant ou exerçant habituellement leur activité professionnelle dans les cabinets d’avocat, les locaux de presse, les juridictions, les cabinets médicaux ou les offices notariaux ne puissent être mises sur écoute.

Aujourd’hui, d’après ce que je comprends – j’aimerais bien que M. le garde des sceaux me dise que je me trompe –, la rédaction du texte permet que des conversations soient captées, alors qu’elles ne devraient pas l’être. Apparemment, avec ce texte, nous garantissons juste que les échanges indûment écoutés entre un avocat et son client, entre journalistes dans des locaux de presse, entre des médecins ou des juges, ne soient pas transmis à la justice.

Pour nous, il faut aller plus loin : si l’on se rend compte que l’on est en train d’écouter des personnes par erreur, il faut au minimum que l’on arrête et que l’on détruise les enregistrements. J’aimerais avoir des précisions sur le dispositif envisagé, qui représente un risque énorme pour nos libertés publiques.

Si l’on capte par erreur des conversations de journalistes, d’avocats, de médecins, de juges, il ne faut pas se contenter de ne pas transmettre les enregistrements ; il faut les détruire et, surtout, arrêter d’enregistrer !

M. le président. L’amendement n° 279, présenté par Mmes Canayer et Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 65, première phrase

Remplacer les mots :

mentionnées à l’article 100-7

par les mots :

qui résident ou exercent habituellement leur activité professionnelle dans les lieux visés au dernier alinéa de l’article 706-96-1

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Tout d’abord, je voudrais bien repréciser les choses. Il y a deux sujets différents, qui n’ont en commun que l’activation à distance.

Il y a d’abord la géolocalisation, qui permet de connaître les déplacements des personnes. Elle est, pour l’heure, prévue pour les infractions punies de cinq ans d’emprisonnement, dix ans si nous votons l’amendement n° 85 rectifié bis. À cet égard sont protégés spécifiquement les avocats, les parlementaires et les magistrats.

Beaucoup plus intrusive est la seconde technique spéciale d’enquête, en l’occurrence la captation du son et de l’image, qui permet un accès au contenu des données échangées. Cela n’est possible – je vous le rappelle – que pour le terrorisme et la criminalité organisée, c’est-à-dire avec des personnes extrêmement déterminées et dangereuses ayant commis ou s’apprêtant à commettre des infractions graves. Cette technique de captation de son ou d’image est par ailleurs encadrée, puisqu’elle n’est prévue que pour quinze jours, renouvelables une fois. Nous en reparlerons plus tard.

Des protections sont enfin prévues pour les appareils électroniques utilisés par les parlementaires, dans les cabinets ou domiciles des avocats et des magistrats, ainsi que dans les cabinets médicaux, les entreprises de presse, les entreprises de communication audiovisuelle, les domiciles des journalistes, les études des notaires et des huissiers. Dans tous ces cas, il n’y a pas de retranscription possible.

L’amendement que je présente vise à mettre le texte en conformité avec l’avis du Conseil d’État, selon lequel les garanties proposées par le Gouvernement ne sont pas suffisamment proportionnées. Nous devons aller plus loin en introduisant la protection des personnes qui résident et travaillent dans ces lieux protégés.

M. le président. Le sous-amendement n° 284, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 279, alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette interdiction s’applique également aux organes de presse et aux journalistes tels que définis à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je remercie nos deux rapporteurs d’avoir, à la suite de nos échanges en commission, noté que toutes ces dispositions extraordinairement complexes ne devaient pas s’appliquer aux journalistes. Par parenthèse, monsieur le garde des sceaux, j’espère qu’une heureuse réécriture du code de procédure pénale permettra de clarifier tous ces points.

Cependant, le mécanisme de citation et de renvoi d’article en article fait que l’amendement proposé par la commission n’atteint pas totalement l’objectif. En effet, il est prévu de protéger les interceptions des personnes qui exercent habituellement leur activité professionnelle dans les lieux que vous avez cités. Cela signifie que tous les journalistes, notamment les journalistes freelance, ne sont pas concernés.

Nous proposons donc de compléter la proposition de la commission en indiquant que l’interdiction s’applique également aux journalistes « tels que définis à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 ».

M. le président. L’amendement n° 116, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :

Alinéa 65, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

L’activation à distance d’un appareil électronique ne peut être effectuée qu’aux fins de géolocalisation ou de captation de sons et d’image de personnes suspectées d’un crime ou d’un délit puni d’au moins dix ans d’emprisonnement.

La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Mme Brigitte Devésa. Il convient de restreindre à la criminalité et à la délinquance organisées l’activation à distance d’un appareil électronique pour les personnes citées à l’article 100-7 du code de procédure pénale. En effet, une telle technique ne devrait pouvoir être utilisée qu’à des fins de géolocalisation ou de captation de son et d’image de personnes susceptibles de commettre ou d’avoir commis un crime ou un délit puni d’au moins dix ans d’emprisonnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement n° 186 vise à supprimer les deux techniques, que ce soit la géolocalisation ou l’activation à distance de la captation de son et d’image. Nous considérons que ces deux techniques sont suffisamment encadrées et nécessaires pour lutter contre les délits les plus graves.

La géolocalisation est prévue de manière proportionnée et limitée. La captation, quant à elle, est plus intrusive, mais elle est limitée, d’une part, dans son objet, c’est-à-dire au terrorisme et à la criminalité organisée, et, d’autre part, dans sa durée, à savoir quinze jours renouvelables. Les enquêteurs ont à affaire à des criminels aguerris.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. En effet !

Ces derniers maîtrisent toutes les techniques de dissimulation. Pour lutter contre ces réseaux de violence et de corruption, nous avons besoin de tous les moyens nécessaires. Avis défavorable.

L’amendement n° 229 de Mme Vogel est assez similaire au précédent. Avis défavorable également, de même que sur le sous-amendement n° 283, même si le dispositif proposé est mieux encadré.

L’amendement n° 94 de Mme Benbassa vise à supprimer la géolocalisation. Avis défavorable.

L’amendement n° 230 de Mme Vogel tend à augmenter le quantum des peines à vingt ans pour la mise en œuvre des deux techniques. Nous préférons l’amendement n° 85 rectifié bis, qui est mieux proportionné, puisqu’il vise à porter le quantum à dix ans d’emprisonnement pour utiliser la technique de géolocalisation. Cela nous semble être un juste équilibre pour garantir un recours ciblé à ce procédé. Avis défavorable sur l’amendement n° 230 et avis favorable sur l’amendement n° 85 rectifié bis.

L’amendement n° 55 vise à interdire la géolocalisation dans certains lieux. Je comprends bien l’intention, mais il faut au préalable une géolocalisation pour savoir que l’appareil se trouve dans les lieux visés. La mise en œuvre de cet amendement me paraissant impossible, l’avis est défavorable.

Même avis sur l’amendement n° 231, présenté par Mme Vogel. Ma chère collègue, vous confondez la collecte des données et la géolocalisation.

L’amendement n° 95 vise à supprimer l’alinéa 65, considérant que les journalistes ne sont pas suffisamment protégés. Cette profession est déjà couverte par une interdiction de captation de son et d’image dans certains locaux, notamment ceux des entreprises de presse, ainsi que dans leurs véhicules et domiciles. Il y a non pas une protection personnelle des journalistes, mais une protection des sources des journalistes, prévue par la loi de 2010, contre l’utilisation de techniques spéciales d’enquête. Avis défavorable.

L’amendement n° 58 tend à prévoir l’interdiction d’activation des appareils qui se trouvent dans des lieux protégés par la loi. Nous souhaitons, pour notre part, l’interdiction de la retranscription. Nous avons déjà eu ce débat tout à l’heure. Avis défavorable.

Mme Vogel, par l’amendement n° 232, souhaite une extension des interdictions relatives à la captation par l’intermédiaire d’un appareil électronique activé à distance. Nous sommes sensibles à cette volonté de mieux encadrer ces techniques, mais nous préférons notre amendement n° 279, qui est plus proportionné et protecteur, en reprenant les propositions du Conseil d’État dans son avis, ce qui nous préservera d’une éventuelle déclaration d’inconstitutionnalité.

Par conséquent, nous sommes défavorables à l’amendement n° 232 et nous demandons le retrait du sous-amendement n° 284.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et pour les journalistes ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je le répète, les journalistes sont protégés non pas intuitu personae, mais dans les lieux dans lesquels ils travaillent, et ce pour préserver leurs sources. Il en va de même pour les personnes qui travaillent avec eux.

Enfin, l’amendement n° 116, qui tend à alourdir le quantum des peines pour pouvoir utiliser les techniques déjà citées, serait satisfait par l’adoption de l’amendement n° 85 rectifié bis. J’en demande donc le retrait, faute de quoi l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il me paraît essentiel de remettre l’église au milieu du village en précisant deux ou trois choses.

J’entends des cris d’orfraie à droite et à gauche, mais personne n’a pris soin de rappeler que ces techniques existaient déjà ni qu’elles étaient déjà appliquées.

Je veux rappeler simplement quelles sont ces deux techniques. La première est la technique dite de géolocalisation. Elle permet de localiser en temps réel quelqu’un qui est suspecté d’une infraction. Elle permet de suivre ses déplacements et de voir les lieux que la personne fréquente. Cette possibilité existe aujourd’hui au moyen d’une balise, qui est posée par des OPJ. L’idée est de leur faire prendre le moins de risques possible. Il s’agit de protéger non seulement leur intégrité physique, mais également l’enquête, les voyous aguerris sachant très bien ce qu’est une balise. Certains policiers renoncent quand ils considèrent que c’est « trop chaud », pour reprendre un jargon policier un peu familier, et qu’ils risquent d’être repérés. Sans balise, pas de repérage, et l’on perd des traces.

Pour résumer, cette technique existe déjà, et elle figure à l’article 230-32 du code pénal. Elle permet de localiser, mais en aucun cas d’écouter ou de voir.

La seconde technique, qui existe elle aussi déjà, est la captation du son ou de l’image. Elle permet de voir une personne ou d’entendre des conversations dans une pièce ou dans un véhicule. Elle est autorisée aujourd’hui par l’article 706-96-1 du code de procédure pénale, mais elle suppose, là encore, la pose d’un micro ou d’une caméra sur place par un OPJ, avec tous les risques que cela implique.

Avec ce texte, nous proposons une technique tout à fait équivalente de sonorisation artisanale en passant par le micro et la caméra du téléphone d’une personne suspectée. C’est ce que l’on appelle la captation à distance.

Je pourrais presque m’arrêter là.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Certains semblent presque découvrir la lune et s’émeuvent d’une mesure qui serait « liberticide ». Les grands mots en entraînent d’autres, mais personne ne s’arrête sur la réalité, qui est celle que je viens de vous décrire.

J’en viens aux différents amendements.

Mmes Cukierman, Vogel, de La Gontrie et Benbassa souhaitent la suppression totale ou partielle de ces dispositions. Pourtant, ces dernières constituent une réelle avancée. Elles tendent à moderniser nos capacités d’enquête et à protéger des risques nos policiers et gendarmes, tout en aboutissant aux mêmes résultats que ceux qui sont aujourd’hui permis par les textes.

Je vous rappelle tout de même que l’activation à distance est entourée de garanties importantes. Sa mise en œuvre est subordonnée à l’autorisation du juge, ce qui n’est pas rien.

Par ailleurs, pour activer la géolocalisation, il faut enquêter sur un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Et pour la captation de son et d’image, il faut être dans une affaire de criminalité organisée ou de terrorisme. Je veux rassurer tout le monde, l’écologie terroriste ou le terrorisme écologique n’entrent évidemment pas dans le champ d’application de la mesure ! (M. Guy Benarroche fait une moue dubitative.)

J’aurais tellement aimé convaincre les auteurs de l’amendement n° 85 rectifié bis de le retirer. Cet amendement vise à limiter le recours à la technique d’enquête qui permet l’activation à distance à fin de géolocalisation aux infractions punies d’au moins dix ans d’emprisonnement. Quid du proxénétisme ? Quid des atteintes sexuelles sur mineurs de 15 ans ? De toute façon, on peut déjà le faire aujourd’hui, et on ne s’en prive pas.

Pourquoi s’interdire d’utiliser ces moyens sur de tels faits, qui sont graves, mais qui sont passibles de moins de dix ans d’emprisonnement ? Les motifs tenant à la protection des OPJ et à la qualité de l’enquête se posent dans les mêmes termes pour ce type d’infractions. Nous devons donc autoriser les enquêteurs à utiliser ces techniques, comme c’est, en quelque sorte, déjà le cas.

Madame la sénatrice Vogel, vous proposez, par l’amendement n° 230, de limiter le recours aux techniques spéciales d’enquête (TSE) aux fins de géolocalisation ou de captation aux seules infractions commises contre les personnes punies d’au moins vingt ans d’emprisonnement, ainsi qu’aux actes de terrorisme. Je viens d’expliquer qu’une telle limitation n’était pas possible et qu’elle ne me semblait pas réaliste.

Les amendements nos 55 et n° 231 visent à interdire les TSE dans certains lieux. Là encore, il faut préciser les choses.

Il est proposé d’exclure la possibilité de procéder à l’activation à distance d’un appareil connecté aux fins de procéder à sa géolocalisation lorsque l’appareil en cause est situé dans certains lieux. Or la technique d’enquête dont nous parlons, la géolocalisation, vise à localiser un appareil, et non à capter des images ou des paroles. Il n’y a aucune raison de s’inquiéter !

Je ne comprends pas l’intérêt d’empêcher la géolocalisation d’un appareil sous prétexte que celui-ci se trouverait dans un cabinet d’avocats ou dans un organe de presse. Ce que l’on veut savoir, c’est où se trouve l’appareil. Il ne s’agit en aucun cas d’une captation d’images ou de son.

Par l’amendement n° 58, vous souhaitez, madame la sénatrice de La Gontrie, exclure la possibilité de procéder à l’activation à distance d’un appareil aux fins de capter des images et du son lorsqu’il est situé dans certains lieux. Or le projet de loi prévoit l’interdiction, à peine de nullité, de procéder à la retranscription en procédure des éléments qui proviennent d’un appareil se trouvant dans certains lieux. Les garanties sont donc d’ores et déjà prévues.

Votre amendement vise à interdire non pas une transcription, mais une activation à distance. C’est en réalité impraticable, dès lors qu’il est impossible de savoir a priori si l’appareil se trouvera dans tel ou tel autre lieu ; cela réduirait à néant ces techniques d’enquête.

Avis défavorable sur l’amendement n° 95, dont l’adoption aurait pour effet de supprimer l’interdiction d’activer à distance la ligne d’un avocat.

L’amendement n° 232 et l’amendement n° 279 visent à interdire les TSE aux fins de captation d’images ou de son lorsque l’appareil est utilisé par une personne résidant ou exerçant habituellement son activité professionnelle dans les lieux protégés.

Ces amendements vont bien au-delà des garanties qui sont déjà prévues par le projet de loi : il est proposé d’interdire l’activation à distance d’un appareil aux fins de captation lorsqu’il est utilisé par une personne résidant ou exerçant habituellement son activité professionnelle dans un cabinet médical, une entreprise de presse, une étude notariale ou d’huissier, une juridiction ou un cabinet d’avocats.

La disposition prévue me paraît excessive, puisqu’elle aurait pour conséquence l’interdiction de la captation à distance du téléphone d’une secrétaire, qu’elle travaille dans un cabinet médical ou d’avocats, auprès d’un clerc de notaire ou d’un agent de sécurité d’un tribunal ou en tant que secrétaire juridique. Pourquoi une secrétaire devrait-elle être particulièrement protégée lorsqu’elle se trouve hors du lieu où elle travaille ? C’est la véritable question.

Cette extension considérable du champ des personnes bénéficiant d’un statut protégé en vertu du code de procédure pénale est en contradiction avec le dispositif des TSE. Avis défavorable sur ces deux amendements.

Avis également défavorable sur le sous-amendement n° 284, qui vise à interdire le recours aux TSE aux fins de captation d’images ou de son lorsque l’appareil est utilisé par un organe de presse ou par un journaliste.

Le présent projet de loi préserve la liberté de la presse. Il est ainsi interdit, à peine de nullité, de procéder à la retranscription en procédure des éléments provenant d’un appareil se trouvant dans certains lieux sensibles et protégés, ce qui inclut les locaux d’une entreprise de presse et le domicile d’un journaliste.

Il est également interdit de procéder à la retranscription des correspondances permettant d’identifier les sources d’un journaliste. Nous avons modifié spécialement en ce sens l’article 706-96-1 du code de procédure pénale, relatif aux opérations de captation.

Ce sous-amendement va bien au-delà : il prévoit d’interdire l’activation à distance d’un appareil lorsque celui-ci est possédé par un journaliste. Or il n’y a pas lieu d’interdire ces TSE, y compris en dehors de l’exercice de l’activité professionnelle du journaliste.

Je suis donc défavorable à l’ensemble des amendements et sous-amendements en discussion commune.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Je souhaite que les rapporteurs et M. le garde des sceaux nous donnent quelques explications sur les conséquences pratiques des mesures que nous nous apprêtons à voter.

Les garanties afférentes à la nature des infractions et aux autorisations judiciaires ne me posent pas de problème. J’ai bien entendu à cet égard les observations de M. le garde des sceaux portant, d’une part, sur la géolocalisation, avec la complexité de poser une balise, et, d’autre part, sur la captation, avec la difficulté d’installer une caméra ou un enregistreur audio dans un véhicule.

Mais regardons les choses d’un point de vue pratique, afin de remettre l’église au milieu du village.

Les difficultés auxquelles doivent faire face les services d’enquête en matière de criminalité organisée – plus concrètement, dans les affaires de trafic de stupéfiants ou d’armes – sont liées au fait que nombre de connexions passent aujourd’hui par des systèmes cryptés. Je voudrais donc que l’on m’apporte une précision complémentaire sur la notion de prise de contrôle à distance des appareils mobiles.

Si l’on prend le contrôle d’un mobile avant le début de la communication, que celle-ci soit cryptée ou non, je suppose que l’on peut savoir qui est la personne appelée. La mesure d’activation à distance proposée dans le projet de loi permettra-t-elle, ou non, d’accéder aux connexions des personnes liées au grand banditisme, notamment au trafic de stupéfiants, et donc d’intercepter des communications cryptées ?

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je ne suis pas une spécialiste du sujet. J’ai cependant retenu des échanges que nous avons eus dans le cadre de la mission d’information sur les modalités d’investigation recourant aux données de connexion, dont je suis l’un des rapporteurs, que toutes les données utilisées sur les messageries cryptées n’étaient pas accessibles ; c’est le cas lorsque l’on utilise WhatsApp, par exemple. Aujourd’hui, les grands réseaux organisés de criminalité sont tout à fait capables de contourner les dispositifs.

Par ailleurs, l’intérêt de l’activation à distance est de protéger les agents qui posent les balises. Vivant près d’un grand port qui connaît, malheureusement, de nombreux cas de criminalité organisée, je sais en effet quels dangers ces personnels encourent. Il s’agit donc d’une mesure de sécurité visant à les protéger et à faciliter la mise en place de ces techniques.

On assiste à une course de vitesse entre les criminels et les forces de l’ordre. Il convient donc de donner à celles-ci les mêmes moyens, ou des moyens qui soient le moins en retard possible, que ceux dont disposent les criminels ; ces derniers ont toujours une longueur d’avance. C’est pourquoi la technique proposée me semble, compte tenu des garanties prévues, particulièrement intéressante.

Il est en effet possible, monsieur le garde des sceaux, que l’amendement n° 279 induise des effets de bord. Nous devrons néanmoins retravailler sur le sujet au cours de la navette parlementaire. En effet, nous n’avons fait que reprendre les préconisations du Conseil d’État.

Il conviendrait peut-être de préciser que la protection s’applique dans les locaux protégés, que la personne suivie y réside ou y travaille, et non en dehors de ces locaux. Pour autant, il faudra aller un peu plus loin pour garantir la proportionnalité, et donc la constitutionnalité du dispositif que vous préconisez.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Monsieur le garde des sceaux, je ne mets aucunement en cause vos objectifs, pas plus que les motivations sous-tendues par la mise en place d’une captation généralisée des sons et des images. Mais vous nous dites que ces dispositifs, loin d’être nouveaux, sont de même nature que ceux qui existent aujourd’hui, soit la pose de caméras ou de micros dans des véhicules. (M. le garde des sceaux le confirme.) Vous ajoutez que cela réduit considérablement les risques, en évitant l’installation de ces appareils dans des endroits dangereux.

Je ferai deux remarques.

Tout d’abord, la pose d’une caméra ou d’un micro dans un lieu défini n’est pas du tout de même nature que l’écoute de millions d’appareils électroniques en tous lieux. (M. le garde des sceaux sen étonne.) En effet, les captations ne concernent pas seulement les téléphones et les ordinateurs, mais n’importe quel objet électronique permettant d’envoyer du son et de l’image ; il y en a de plus en plus, par exemple les compteurs électriques.

Sont concernés, je le répète, des millions d’équipements électroniques : ceux qui appartiennent aux personnes que l’on veut écouter et ceux de toutes les personnes qui passent à proximité.

Ensuite, pour en revenir à la question de Philippe Bonnecarrère, sur un sujet dont je ne suis pas spécialiste, j’ai bien entendu la réponse de Mme la rapporteure.

Si l’on ne peut pas décrypter tous les éléments cryptés, ne vaudrait-il pas mieux poser une caméra ou un micro, car, au moins, cela permettrait de voir et d’entendre ? C’est une hypothèse que je pose, car je n’ai pas la réponse à cette question.

Par ailleurs, vous devez être conscient, monsieur le garde des sceaux, que des millions de gens s’interrogent sur l’utilisation de tels dispositifs. Nous ne sommes pas à l’abri de vivre sous un régime plus totalitaire que celui que nous connaissons aujourd’hui : c’est la porte ouverte à une surveillance généralisée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite poser une question dans la droite ligne de celle de Philippe Bonnecarrère, et inspirée par les travaux que nous menons dans le cadre de la mission d’information sur les modalités d’investigation recourant aux données de connexion liées aux enquêtes pénales.

Il me semble, madame la rapporteure, qu’en prenant à distance le contrôle d’un appareil, on a ainsi à sa disposition l’ensemble des éléments qu’il contient. Il est donc possible d’accéder à l’ensemble du fonctionnement de l’appareil. (M. le garde des sceaux le conteste.) À moins que vous n’ayez prévu, monsieur le garde des sceaux, des mesures qui ne vont pas jusqu’au bout de cette logique…

Si l’on n’est pas capable d’entendre la conversation, mais que l’on peut identifier l’interlocuteur, cela ne pose pas de problème pour l’enquête ; la technologie et les méthodes de communication évoluant, il n’est pas scandaleux d’envisager d’aller dans cette direction. Toutefois, la capacité d’identifier les interlocuteurs de la personne suivie nécessite de prévoir une des protections complémentaires, notamment en faveur des journalistes, au vu des risques encourus.

On nous a expliqué à plusieurs reprises que la prise de contrôle d’un appareil permettait d’accéder à l’ensemble des messageries et des interlocuteurs : cet accès élargi aux informations n’est pas l’équivalent de celui que permet une simple caméra.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je le répète, la géolocalisation évite la pose de balise et les dangers inhérents. Je ne peux pas être plus clair ! Personne, me semble-t-il, ne peut être défavorable à une telle mesure compte tenu des risques – vous les connaissez aussi bien que moi – que prennent les policiers.

La géolocalisation permet de connaître le lieu où se trouve la personne suivie.

Sur la captation, la question que vous posez, monsieur le sénateur, est très importante.

La captation concerne le son et l’image, et non d’autres contenus.

M. Jean-Yves Leconte. Et donc l’écran ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Non, juste le son et l’image, en temps réel.

Il ne s’agit pas d’une mesure inventée à je ne sais quelle fin diabolico-liberticide, puisqu’elle existe déjà et simplifie le travail des forces de l’ordre. Il faut avoir le courage d’aller poser un micro dans certains appartements de certains quartiers ; je veux rendre hommage à ceux qui le font, car ce n’est pas sans risque.

Par le truchement du téléphone portable, on a accès – j’y insiste – au son, à l’image, et non pas aux messages cryptés ; ceux-ci relèvent d’une autre technique.

M. Jean-Yves Leconte. Donc, cela dépend !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Non, monsieur le sénateur. Dans le dossier EncroChat, – une très grosse affaire de criminalité de haute intensité –, les forces de l’ordre ont pu aboutir parce qu’il existait en Europe des équipes communes d’enquête qui ont décrypté les messages, et ont ainsi pu découvrir des tonnes de produits stupéfiants, et même des salles de torture. Dans le cadre de cette affaire, je le rappelle, une princesse néerlandaise avait été séquestrée en vue d’être échangée contre l’un des principaux suspects, et mon homologue belge, Vincent Van Quickenborne, ainsi que sa famille avaient fait l’objet de menaces. Il existe donc des techniques qui permettent de décrypter.

Étant attaché, tout comme vous, à la protection des libertés individuelles, je me permets de souligner que ces procédures sont mises en place sous le contrôle d’un juge. Or, aux termes de la Constitution, le juge est garant de la liberté individuelle. Il ne faut tout de même pas l’oublier !

Nous passons donc de techniques d’ores et déjà prévues dans le code de procédure pénale, et qui sont artisanales, à des techniques permettant à des OPJ de prendre des risques inutiles. Il s’agit, d’une part, de capter le son et l’image – pas plus, pas moins – et, d’autre part, de géolocaliser.

Pour ce qui est de la captation du son et de l’image, je rappelle que nous parlons de criminalité organisée et de terrorisme !

Pour ce qui est du délai de dix ans, j’adresse une supplique au Sénat : il convient de bien y réfléchir. Il me semble que le quantum que nous proposons permet une plus grande efficacité.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Puisque nous en sommes à l’heure des suppliques, je souhaite revenir sur le sous-amendement n° 284, que nous avons déposé sur l’amendement n° 279. Il s’agit de la protection des journalistes.

Sur ce sujet complexe, la pédagogie de la rapporteure et du garde des sceaux en termes de différence entre géolocalisation, captation de son et d’images, était bienvenue.

Je pense, madame la rapporteure, que dans votre amendement n° 279, vous faites une confusion entre les lieux et les personnes ; il est ainsi possible de protéger les députés et les sénateurs, mais pas les journalistes.

Votre erreur consiste à considérer qu’un journaliste travaille assis dans un bureau situé dans une entreprise de presse. C’est méconnaître la réalité de cette profession ! Par ailleurs, certains de ces professionnels, qui sont freelance, travaillent pour plusieurs organes et ne se rendent jamais dans une entreprise de presse.

Vous assumez donc l’idée de ne pas protéger les journalistes de la captation de son et d’images, ce qui est une atteinte formelle à la liberté d’informer, qui est une liberté constitutionnelle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 186.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 283.

(Le sous-amendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 229.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 94.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 230.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 85 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 231.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 95.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 232.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 284.

(Le sous-amendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 279.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 116.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 218, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au dernier alinéa de l’article 396, les deuxième et troisième phrases sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Le prévenu doit alors comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. » ;

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Afin de permettre un jugement plus rapide en cas de procédure de comparution immédiate et lorsque les poursuites concernent un prévenu qui n’est pas placé en détention provisoire, le présent amendement vise à ce que le prévenu puisse comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la décision du JLD lorsque celui-ci estime que la détention provisoire n’est pas nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il s’agit là d’une question d’équilibre entre le temps nécessaire pour préparer sa défense et la nécessité d’un jugement rapide. Un délai de dix jours nous semble nécessaire à la préparation de la défense, sauf si la personne y renonce. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à permettre le maintien de la procédure de comparution immédiate, y compris si aucun prévenu n’est placé en détention provisoire, et dans le cadre des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) si aucun prévenu n’est placé en détention provisoire.

L’audience ne pourra avoir lieu que dans un délai de dix jours à six mois, alors même qu’une comparution immédiate est initialement prévue et que le prévenu, y compris libre ou sous contrôle judiciaire, souhaite être jugé plus rapidement – c’est d’ailleurs très souvent son souhait. Lorsque la justice va plus vite, le justiciable y trouve son compte.

Je suis donc favorable à cet amendement très opportun.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 218.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 37, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 44

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le projet de loi prévoit que le tribunal puisse renvoyer l’affaire à une prochaine audience lorsque le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante. Vous proposez d’allonger le délai, actuellement compris entre deux et six semaines, de quatre à dix semaines.

Si l’on voit bien l’objectif gestionnaire visé, cela n’est pas neutre par rapport à la détention – le problème n’est pas anodin, puisque nous parlons d’une personne présumée innocente – et à la question de la surpopulation carcérale.

Il serait donc de bon sens d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Au travers de cet amendement, vous supprimez l’unification des délais de jugement en matière de détention provisoire. Or cette harmonisation, en opérant une moyenne entre les différents délais, est un facteur de clarté. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 219, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Alinéa 49

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) La première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « Si le procureur de la République le requiert, le tribunal statue, après avoir entendu les observations de la personne et de son avocat s’il y a lieu, sur le placement ou le maintien de la personne en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le juge des libertés et de la détention ou devant le juge d’instruction. » ;

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement de clarification prévoit de permettre au procureur de la République de solliciter le placement, et non pas seulement le maintien, en détention provisoire du prévenu lorsque le tribunal correctionnel estime que la complexité de l’affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement vient combler un trou dans la procédure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis favorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 219.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 119, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 51

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le tribunal peut, dans les mêmes conditions, s’il estime que la complexité de l’affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies, renvoyer le dossier au procureur de la République pour qu’il requiert l’ouverture d’une information judiciaire ou qu’il abandonne les poursuites. » ;

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le projet de loi supprime, en matière de comparution immédiate, l’obligation jurisprudentielle imposée au ministère public d’ouvrir une information judiciaire quand le tribunal estime que l’affaire est complexe et nécessite l’accomplissement d’actes d’enquête supplémentaires. Cette modification nous paraît restreindre les droits de la défense.

En effet, alors qu’auparavant le ministère public n’avait que deux choix – soit l’abandon des poursuites, soit l’ouverture d’une information judiciaire –, il pourrait, en cas d’adoption de cette modification, recourir à l’enquête préliminaire, et donc à des investigations par nature secrètes et non contradictoires.

Le présent amendement vise donc à confirmer la jurisprudence en précisant qu’une information judiciaire doit être ouverte ou que les poursuites doivent être abandonnées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la « deuxième chance » donnée au procureur de décider des suites à donner à l’affaire. Or la possibilité qu’il a de procéder à de nouveaux actes d’enquête est une souplesse qui paraît adaptée aux besoins du contentieux. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 119.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 38, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 55 et 56

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Le projet de loi prévoit de confier au JLD l’examen des demandes de modification ou de mainlevée de la mesure de contrôle judiciaire ou d’Arse. Cette mesure conduit à retirer ces procédures à la compétence du tribunal correctionnel, alors qu’il revient à ce dernier le soin de connaître du contentieux de la détention provisoire.

Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, une telle mesure, qui vise à alléger l’organisation des audiences et la charge du tribunal correctionnel, ne nous semble pas adéquate.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous pensons que la mesure prévue est de bonne administration, le JLD devant être plus réactif, et qu’elle n’amoindrit pas les droits du demandeur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 39 est présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 120 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 184 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 57

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 39.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La disposition que nous proposons de supprimer est contraire à l’objectif de réduction des délais contenu dans ce projet de loi, puisqu’elle porte de deux à trois mois celui du jugement au fond suivant le jour de comparution devant le tribunal, par exemple lorsque le prévenu est placé en détention provisoire. C’est paradoxal. Nous y sommes défavorables.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 120.

M. Guy Benarroche. J’ajoute aux propos de Mme de La Gontrie qu’au-delà de l’allongement de ce délai, qui est en effet en contradiction avec l’objectif visé dans le projet de loi, et des atteintes aux droits des individus, une telle disposition fait courir le risque d’une gestion purement managériale des détentions préventives.

Nous connaissons tous les difficultés des tribunaux, et nous ne pouvons pas écarter l’idée selon laquelle cet allongement s’expliquerait uniquement par la surcharge des juridictions, qui ne sont plus en mesure de maintenir des délais équilibrés. Les juges sont surchargés ? Permettons-leur de laisser les personnes en détention le temps de trouver un créneau d’audience, donc un mois de plus !

Cet allongement va à l’encontre de tous les principes défendus dans ce texte et de ce qu’il faudrait faire pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale. Cette solution n’est absolument pas cohérente !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 184.

Mme Cécile Cukierman. Je me permets de rappeler que la surpopulation carcérale atteint aujourd’hui son record – nous y reviendrons –, avec 73 000 détenus pour 60 000 places.

Prolonger le délai de détention provisoire, c’est de fait rendre inopérants tous les dispositifs de régulation carcérale que nous pouvons envisager.

Gardons tout de même à l’esprit un élément capital dans le cadre de la comparution immédiate : la détention provisoire concerne des personnes qui demeurent présumées innocentes et qui sont incarcérées provisoirement pour les délits présentant une faible gravité.

Nous l’avons déjà souligné, les prisons sont aujourd’hui confrontées à des capacités d’accueil dépassées, des conditions de détention difficiles et une surcharge de travail pour le personnel pénitentiaire. Allonger le délai de détention provisoire ne ferait qu’exacerber ces problèmes et rendrait les conditions de détention encore plus précaires pour les détenus, en mettant en péril leurs droits fondamentaux.

Enfin, n’oublions pas que l’allongement du délai de détention provisoire a des conséquences négatives sur la célérité de la justice. Le principe de célérité est essentiel pour garantir une administration de la justice équitable et efficace.

Prolonger la durée de la détention provisoire pourrait entraîner des retards supplémentaires dans le traitement des affaires pénales, ce qui est contraire au principe de célérité consacré par la Convention européenne des droits de l’homme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à supprimer l’alinéa 57, qui est un tout petit début de clarification du code de procédure pénale, puisqu’il harmonise les délais grâce à un compromis sur l’unification des délais de jugement autour d’une durée de trois mois. Étant favorables à cet alinéa, nous sommes défavorables aux amendements visant à le supprimer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le long délai de quatre mois est supprimé. Au lieu des deux mois plus deux mois, nous proposons trois mois.

Pardon de vous le dire, madame de La Gontrie, mais vous n’avez pas dû bien regarder notre dispositif, parce que nous cherchons à aller plus vite en gagnant un mois de détention provisoire.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39, 120 et 184.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 265, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 58

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le premier alinéa de l’article 495-12 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut toutefois, à une seule reprise, saisir à nouveau le président du tribunal judiciaire ou le juge délégué par lui d’une requête en homologation d’une peine conformément aux dispositions de l’article 495-8, sous réserve de son acceptation par la personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés. » ;

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous souhaitons qu’il soit possible, après l’échec d’une CRPC, d’en proposer une nouvelle.

Pour l’avoir vu souvent, je peux vous dire que, si le procureur propose une peine de huit mois, par exemple, que le juge n’homologue pas, on file directement en correctionnelle.

Le procureur ne pourrait-il pas, avec l’assentiment, naturellement, du prévenu, proposer une peine un peu supérieure pour que la CRPC puisse aboutir ? Je trouve que c’est une belle idée, et je la soumets au Sénat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous pensons qu’une telle mesure de simplification évitera le renvoi à des procédures plus longues et permettra une acceptation par les parties. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 265.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 187, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 58

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article 568, le nombre : « cinq » est remplacé par le nombre : « dix » ;

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement a pour objet d’harmoniser les délais de pourvoi en cassation avec ceux de l’appel. Nous considérons qu’il est nécessaire d’unifier les délais en matière pénale, afin de simplifier la procédure.

Dans cette optique, nous proposons d’aligner le délai prévu à l’article 568 du code de procédure pénale sur celui du délai d’appel, soit dix jours.

Actuellement, le délai de pourvoi en cassation diffère de celui de l’appel, ce qui peut entraîner des complications et des incohérences dans le déroulement des procédures.

En alignant ces délais, il serait donc possible d’établir une cohérence dans les délais de recours et, ainsi, de faciliter le travail des parties concernées et des juridictions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Une telle mesure relèvera de la simplification globale du code de procédure pénale que nous souhaitons. Pour le moment, nous pensons que c’est un peu prématuré. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sur le fond, pourquoi pas ? Mais cette disposition est un peu en dehors du texte, si j’ose dire. Surtout, il faudrait concerter les procureurs généraux, les procureurs, les avocats à la Cour de cassation, pour savoir s’ils estiment que cette mesure est utile.

En l’état, je suis donc défavorable à cet amendement, mais, si l’on me dit qu’il faut absolument en passer par là, je serais tout à fait ravi d’adopter une position contraire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 187.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 266, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 59

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 706-24-2 est ainsi rétabli :

« Art. 706-24-2. – Les interprètes mentionnés à l’article 803-5 peuvent être nominativement autorisés par le procureur général près la cour d’appel de Paris, dans les procédures relatives aux infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16, à ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms, lorsque la révélation de leur identité est susceptible, compte tenu des conditions d’exercice de leur mission, de mettre en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celle de leurs proches.

« Cette décision permet à l’interprète qui en bénéficie d’être identifié par un numéro anonymisé.

« L’état civil des interprètes visés au premier alinéa ne peut être communiqué que sur décision du procureur général près la cour d’appel de Paris. Il est également communiqué, à sa demande, au président de la juridiction de jugement saisie des faits.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement est très simple : il vise à ce que les interprètes qui interviennent en matière de terrorisme puissent bénéficier de l’anonymat. Ce serait, pour eux, une mesure de sécurité.

Cela me paraît très utile. Je ne veux pas que ces personnes, qui collaborent à la justice, soient éventuellement menacées, poursuivies, inquiétées, recherchées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 266.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 7 rectifié est présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini.

L’amendement n° 96 est présenté par Mme Benbassa.

L’amendement n° 135 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 67

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…°Au premier alinéa de l’article 719, après les mots : « zones d’attente », sont insérés les mots : « , les hôpitaux psychiatriques » ;

La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.

M. Jean-Yves Roux. Cet amendement a un objet très simple : inclure les hôpitaux psychiatriques dans la liste des lieux de privation de liberté susceptibles de faire l’objet d’un droit de visite par les parlementaires ou le bâtonnier.

Pour mémoire, la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes a autorisé les députés et sénateurs à visiter à tout moment les locaux de garde à vue. En 2015, ce droit avait été élargi aux centres éducatifs fermés.

Je crois que nous devons aller plus loin et inclure les services de psychiatrie. En effet, si l’hôpital n’est pas, par définition, un lieu de privation de liberté, il s’y trouve des patients admis sans leur consentement et dont la liberté d’aller et venir est restreinte, parfois dans des conditions très discutables.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 96.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à inclure dans la liste des lieux de privation de liberté susceptibles de faire l’objet d’un droit de visite des parlementaires et des bâtonniers les hôpitaux psychiatriques.

Certes, les hôpitaux psychiatriques ne sont pas considérés comme des lieux de privation de liberté. Toutefois, on y trouve des patients admis sans leur consentement, dont la liberté d’aller et venir est forcément restreinte et qui, parfois, se retrouvent, dans leur chambre, complètement isolés.

Le patient peut même faire l’objet d’une mesure de contention. Celle-ci limite la liberté de mouvement d’un patient et est appliquée sans son consentement libre et éclairé. Elle restreint en tout point la liberté individuelle du patient et peut porter atteinte à sa dignité.

Ainsi, étendre l’article 719 du code de procédure pénale, en ajoutant les hôpitaux psychiatriques dans la liste de contrôle des lieux de privation de liberté, permettra aux parlementaires et aux bâtonniers de s’assurer du respect des droits fondamentaux des personnes hospitalisées dans ces établissements.

Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, j’effectue souvent des contrôles en prison. Je suis atterrée du nombre de détenus aux problèmes psychiatriques sévères non pris en charge et laissés à l’abandon dans leur cellule ! Ils n’ont absolument pas leur place en détention. Leur situation devrait faire l’objet d’une réflexion approfondie.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 135.

M. Guy Benarroche. Si le problème que vient d’évoquer Esther Benbassa ne constitue pas l’objet de cet amendement, il est primordial.

J’ajoute que j’ai eu l’occasion, depuis deux ans et demi, de visiter un grand nombre de tribunaux judiciaires, comme beaucoup d’entre nous. Cette possibilité d’aller visiter les hôpitaux psychiatriques a été très souvent évoquée, par de nombreux professionnels, des magistrats, des avocats, qui nous ont fait part de la nécessité d’intégrer les hôpitaux psychiatriques dans des lieux de privation de liberté.

On sait très bien que les hôpitaux psychiatriques sont des lieux de privation de liberté, non par nature, mais parce qu’ils accueillent des malades dont le droit d’aller et venir est restreint : hospitalisations sous contrainte, chambres d’isolement…

On le sait d’autant plus qu’un contrôle des chambres d’isolement est désormais effectué régulièrement par les JLD – je ne reviendrai pas sur la récente loi qui l’a permis –, et c’est tant mieux.

Notre demande nous paraît tout à fait légitime, et je ne vois pas de raison particulière de s’y opposer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Madame Benbassa, le sujet n’est pas l’incarcération des personnes qui ont des difficultés psychiatriques !

Nous avons voté hier l’amendement de M. Benarroche dans le rapport annexé sur l’évaluation préalable aux unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA).

C’est un autre sujet qui nous est soumis aujourd’hui : la possibilité pour les bâtonniers et les parlementaires de visiter les hôpitaux psychiatriques parmi l’ensemble des lieux de privation de liberté dans lesquels nous sommes autorisés à pénétrer.

Ce débat est récurrent : le sujet revient régulièrement à la surface. Néanmoins, une telle évolution poserait tout de même un certain nombre de difficultés, notamment au regard du secret médical et du droit des autres patients.

Avis défavorable sur les trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié, 96 et 135.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 127, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 69, première phrase

Remplacer les mots :

Au cours de

par les mots :

À compter des dix premières heures de

II. – Alinéa 70

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le projet de loi ajoute un alinéa à l’article 803-5 du code de procédure pénale, prévoyant qu’au cours de la garde à vue ou de l’audition libre d’une personne majeure – les majeurs protégés sont bien entendu exclus –, l’intervention de l’interprète lors de la notification de ses droits, ainsi que son assistance par un interprète peuvent se faire par l’intermédiaire d’un moyen de télécommunication audiovisuelle.

Nous avons souvent alerté, dans plusieurs domaines, sur la dénaturation des rapports humains qu’engendre la vidéocommunication.

La mesure du texte a une visée particulière : pallier, là encore, un manque d’organisation ou un déficit d’interprètes disponibles.

Le Conseil d’État a, d’ailleurs, relevé une difficulté : il a estimé que, si le recours à un interprète par un moyen de télécommunication était justifié par les circonstances de la garde à vue ne permettant pas de programmer la présence d’un interprète, cette justification n’était plus valable au-delà de quarante-huit heures. Pourtant, ce n’est pas la solution qui a été retenue par le Gouvernement dans son projet de loi.

Cette possibilité de recours à la visioconférence n’est même pas assortie d’un contrôle par le procureur de la République.

Comme lors de l’examen en commission du texte sur l’immigration au mois de en mars dernier, notre groupe insiste sur le besoin d’échanges en direct du justiciable et de son interprète, afin d’améliorer les conditions d’exercice des droits de la défense.

Ayant eu l’occasion d’assister à la réception des migrants de l’Ocean Viking à Hyères, j’ai vu toutes les difficultés que posait cette question d’interprète à distance.

Je le rappelle, mes chers collègues, l’interprétariat n’est pas de la traduction pure !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Le texte prévoit le recours à la visioconférence pour permettre la traduction et, surtout, qu’au bout de quarante-huit heures de garde à vue, pour les infractions les plus graves, la présence physique du traducteur est nécessaire. Le présent amendement tend à ramener le délai aux dix premières heures de la garde à vue.

Cela paraît aujourd’hui compliqué. Il nous semble que le délai de quarante-huit heures permet une préservation suffisante des droits des personnes gardées à vue. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Guérini, est ainsi libellé :

Alinéa 69, première phrase

Après les mots :

peuvent se faire,

insérer les mots :

avec l’accord exprès de la personne gardée à vue,

La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Dans la continuité de l’amendement que nous avons examiné précédemment sur les examens médicaux en garde à vue, nous regrettons que ce projet de loi propose l’extension de recours aux technologies de communication audiovisuelle pour l’intervention de l’interprète lors des gardes à vue.

Certes, le recours à un interprète à distance est une facilité qui peut permettre d’alléger et d’accélérer les procédures, mais il doit rester une option pour le gardé à vue, qui doit pouvoir le refuser s’il souhaite la présence physique de l’interprète, notamment pour limiter tout risque de mauvaise compréhension.

Le bon fonctionnement de la justice tient aussi au bon déroulé de la garde à vue, qui est souvent le socle des affaires et constitue un moment clé des investigations.

Il faut donc s’assurer que cette phase de l’instruction ne soit pas entachée de maladresses et d’erreurs aux conséquences potentiellement très graves.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Votre amendement, monsieur Roux, pose un vrai problème pratique, puisque, pour obtenir l’accord express, il faut un interprète ! C’est un peu la quadrature du cercle. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 123 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 189 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 71

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 123.

M. Guy Benarroche. L’alinéa 71 de l’article 3 nous pose réellement problème.

En effet, cet alinéa prévoit d’instaurer la faculté d’un placement sous Arse – nous en avons parlé – en cas d’irrégularité constatée du placement en détention provisoire. Autrement dit, malgré une irrégularité constatée dans cet écrou, on va mettre la personne en cause sous assignation à résidence avec surveillance électronique !

Bien sûr que l’assignation à résidence sous surveillance électronique nous paraît pertinente lorsqu’elle se substitue à l’incarcération : sur ce point, nous sommes d’accord à 100 % avec le garde des sceaux.

En revanche, elle ne nous semble pas pertinente lorsqu’elle se substitue à ce qui aurait dû être une liberté du fait d’une irrégularité de la procédure. Cette irrégularité constatée découle d’un vice de procédure dont le justiciable est victime. En aucun cas, on ne doit faire payer au justiciable les frais d’une irrégularité procédurale dont il n’est pas à l’origine !

Je ne parviens vraiment pas à comprendre la logique de cet alinéa. La conséquence d’une détention provisoire irrégulière ne peut être que la liberté, comme c’est le cas actuellement ! Il nous semble que nous ne rentrons pas du tout dans le respect des droits de la défense en plaçant sous Arse un individu libre.

Remplacer un écrou irrégulier par un nouvel écrou revient à ne pas tirer les conséquences nécessaires de cette irrégularité.

Nous demandons donc au Gouvernement, monsieur le garde des sceaux, de ne pas modifier l’article 803-7 du code de procédure pénale. Laissons-le tel quel, afin de préserver les libertés individuelles de chacun !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 189.

Mme Cécile Cukierman. Comme l’a dit notre collègue Guy Benarroche, nous sommes là dans un cas très particulier, qui fait suite à une irrégularité.

Il nous semble qu’il serait contradictoire et disproportionné de remplacer une mesure privative de liberté jugée nulle par une autre mesure privative de liberté, d’autant plus que le code de procédure pénale assimile l’assignation à résidence sous surveillance électronique à une privation de liberté.

Ainsi, en maintenant la possibilité d’assignation à résidence sous surveillance électronique en cas de détention provisoire irrégulière, on aboutit à une situation où la sanction de l’irrégularité de la détention provisoire perdrait tout son sens.

Nous considérons qu’il est nécessaire de supprimer cette disposition, afin de garantir la cohérence et l’équité du système judiciaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Je rappelle que les dispositions du projet de loi prévoient la possibilité de prononcer une Arse en cas de détention devenue irrégulière du fait du non-respect des délais de jugement. Ce sont les difficultés à respecter ces délais – nous les déplorons – qui peuvent conduire à la libération de personnes dangereuses. C’est une réalité.

Il n’est pas question de remettre ces personnes en prison, mais il faut prévoir une mesure alternative : l’Arse. C’est ce que prévoit le texte.

Nous sommes évidemment opposés à la suppression d’une telle disposition. Nous émettons un avis défavorable sur ces deux amendements, parce que nous pensons que le dispositif tel qu’il est prévu aujourd’hui instaure un point d’équilibre entre la protection des droits et celle des victimes.

On sait que les délais sont souvent difficiles à tenir, notamment quand ils sont contingentés. L’actualité récente nous l’a encore montré, avec la libération pour non-respect des délais par la cour d’appel à la suite d’une erreur de saisine par le parquet – de Rennes – de l’auteur d’un homicide lié à un crime organisé.

Cette mesure permet de protéger par les personnes une peine de substitution. Elle nous paraît donc nécessaire, et sa suppression ne nous semble pas une bonne idée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 123 et 189.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 134 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 190 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 71

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 803-8 est ainsi modifié :

a) La dernière phrase du cinquième alinéa du I est supprimée ;

b) Le deuxième et le dernier alinéas du II sont supprimés.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 134.

M. Guy Benarroche. Par cet amendement, nous proposons de supprimer la possibilité de transfèrement de l’article 803-8 du code de procédure pénale, relatif aux recours contre les conditions de détention indignes.

Comme le note le comité des ministres du Conseil de l’Europe dans le suivi de l’arrêt J.M.B. et autres contre France, dans ce cas précis, la procédure de transfèrement, qui est censée permettre le respect de la dignité des personnes détenues, n’est pas efficace et n’est pas effective.

Le risque de transfert auquel s’expose le détenu l’incite à ne pas effectuer ce recours, parce que cela le conduira vraisemblablement à un éloignement familial et, in fine, à un transfèrement dans une autre prison, dans laquelle les conditions de détention ne seront pas forcément meilleures.

Il convient donc, pour rendre effectif le recours, de supprimer cette possibilité de transfèrement.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 190.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vient d’être excellemment défendu par notre collègue Guy Benarroche.

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 71

Insérer cinq alinéas ainsi rédigé :

…. – L’article 803-8 est ainsi modifié :

a) Le cinquième alinéa du I est ainsi modifié :

- la deuxième phrase est ainsi rédigée : « Le juge peut enjoindre à l’administration pénitentiaire de prendre des mesures déterminées afin de mettre fin aux conditions indignes de détention. » ;

- est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Si une situation d’indignité a été constatée dans une cellule, cette dernière ne pourra être à nouveau occupée que si la situation d’indignité y a définitivement cessé. » ;

b) Le 1° du II est complété par les mots : « , dans ce cas, le requérant doit être assuré que cette situation ne se renouvellera pas dans le nouvel établissement pénitentiaire » ;

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Avec cet amendement et le suivant, nous arrivons à un sujet sur lequel votre projet de loi présente un grand vide, monsieur le garde des sceaux : dans une loi de programmation aussi importante, il eût été logique que l’on parle de la surpopulation carcérale et, surtout, des moyens d’y mettre fin.

Je sais que vous avez déjà répondu qu’il y aura quelques constructions, mais nous savons déjà que la surpopulation va de pair avec les constructions, qui aboutissent d’ailleurs parfois avec difficulté.

Le présent amendement vise à améliorer la procédure de recours contre les conditions indignes de détention instaurées par la loi du 8 avril 2021.

Il est d’abord nécessaire que le juge puisse enjoindre à l’administration pénitentiaire de prendre des mesures déterminées pour mettre fin aux conditions indignes de détention.

Afin de respecter plusieurs recommandations de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et de la Cour européenne des droits de l’homme, il doit être assuré que la cellule où a été constatée une situation d’indignité ne pourra pas être occupée avant que cette situation n’y ait cessé.

De plus, si le détenu est transféré dans un autre établissement pénitentiaire, il doit être assuré qu’une situation d’indignité ne se renouvellera pas dans le nouvel établissement.

M. le président. L’amendement n° 53, présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 71

Insérer quatre alinéas ainsi rédigé :

…° Le II de l’article 803-8 est ainsi modifié :

a) Le 1° est abrogé ;

b) Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Soit il ordonne le transfèrement de la personne dans un autre établissement pénitentiaire après un examen approfondi de la sauvegarde de la vie privée et familiale, du respect de ses droits à la réinsertion, à la santé et à la défense. » ;

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à améliorer la procédure de recours contre les conditions indignes de détention.

Il est proposé de décaler le transfèrement dans un autre établissement pénitentiaire en dernier recours, et non plus en premier recours pour le juge judiciaire.

De plus, ce transfèrement sera conditionné à plusieurs garanties démontrées par le juge : sauvegarde de la vie privée et familiale ; respect de ses droits à la réinsertion, à la santé et à la défense.

En effet, le transfèrement ne doit pas être la première solution, puisqu’il implique de lourdes conséquences pour une personne détenue.

Il est contre-productif et dissuade de nombreux prévenus d’intenter un recours, de peur d’être éloignés de leur famille.

Déplacer les personnes détenues d’un établissement à un autre est une pratique déjà courante, mais qui ne règle ni la question de la surpopulation carcérale ni celle des conditions de détention indignes, puisque celles-ci nécessitent d’être traitées par la mise en œuvre de moyens concrets.

Le texte déplace le problème plus qu’il ne met fin à des conditions de détention indignes.

J’ajoute, monsieur le garde des sceaux, que de nombreuses propositions ont été faites pour la régulation carcérale, que les amendements que nous présentons ne sont qu’une partie de celles-ci et que de nombreux exemples, en Europe – vous le savez –, montrent qu’il est possible d’avancer dans cette voie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous ne pouvons effectivement pas nous satisfaire de ces conditions indignes de détention.

Nous avons tous ici déjà visité des établissements pénitentiaires : force est de constater que, dans certains cas, les conditions sont en effet plus que déplorables. La France a déjà été condamnée à plusieurs reprises.

C’est la raison pour laquelle nous avons, il n’y a pas très longtemps – à peine deux ans –, adopté une procédure, sur l’initiative du président de la commission des lois, François-Noël Buffet, pour permettre des recours et se mettre en adéquation avec les attentes de la jurisprudence européenne, qui protège évidemment les droits et les libertés des détenus.

Néanmoins, la suppression de la possibilité du transfèrement pour remédier à une situation de détention indigne ne nous paraît pas une bonne solution.

En effet, cette possibilité de transfèrement est une solution qui est nécessairement limitée, particulièrement en cette période où existe une surpopulation carcérale quasiment dans tous les établissements.

Mais même si une telle mesure n’est pas complètement satisfaisante, elle est tout de même utile. Elle est décidée par un juge, qui peut prendre en compte l’ensemble des éléments liés aux prisonniers, notamment la proximité avec sa famille.

C’est pourquoi une suppression pure et simple ne nous semble pas une solution adaptée. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 134 et 190.

J’en viens à l’amendement n° 52, sur l’amélioration de la procédure contre les conditions de détention indignes. Le dispositif proposé nous paraît peu convaincant. Surtout, sa portée nous semble assez incertaine.

Selon nous, la solution réside plutôt dans le développement des moyens de l’administration pénitentiaire, qu’il s’agisse de l’immobilier, des personnels, des gardiens – nous y reviendrons –, mais aussi, et de manière très importante, des personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip). Nous en avons déjà débattu. Avis défavorable.

Idem s’agissant de l’amendement n° 53, puisque la loi du 8 avril 2021, dont le président de la commission des lois, François Buffet, est à l’origine, permet de répondre aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de lutte contre les conditions indignes de détention.

La question du transfèrement est tout à fait sensible, mais nous voyons bien que, dans un contexte de surpopulation carcérale généralisé, son efficacité est limitée.

D’ailleurs, le transfèrement est soumis au contrôle du juge.

Nous ne pensons pas qu’il faille être plus restrictif en la matière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Sueur, je sais votre attachement à la dignité des conditions de détention et à toutes ces questions.

Cependant – je le dis sans aucun esprit de polémique –, si, à l’époque où vous étiez aux manettes, vous aviez consacré autant d’argent à la rénovation des prisons que nous le faisons actuellement, la question des conditions indignes serait réglée ! Je le dis sans forfanterie. C’est une réalité.

J’ai soutenu bec et ongles le texte qui a été présenté par le président des lois du Sénat. Il me semble toujours d’actualité.

La réalité est claire et nette : nous sommes dans une situation de surpopulation carcérale.

Face à cette situation, il existe différents leviers : libération sous contrainte, travail d’intérêt général (TIG)…

Je pense à l’Arse, ainsi qu’à quelques autres mesures que nous n’avons pas encore abordées et qui seront évoquées ultérieurement, relatives, notamment, au TIG.

De fait, on constate la peine de travail d’intérêt général est de moins en moins prononcée, alors qu’il y a de plus en plus de postes offerts. Nous devons peut-être y travailler ensemble. Ce sont des sujets qui sont trop importants pour en rester à des postures partisanes.

Je suis défavorable aux amendements qui ont été présentés, parce que je les trouve sans nuance. Sur ces sujets extrêmement difficiles, on ne peut se contenter de dire qu’il faudrait faire ceci ou cela.

Bien sûr, le transfèrement est une solution : on passe d’un établissement où le taux de surpopulation est insupportable à un établissement un peu moins surpeuplé… Cette idée a été portée et votée ici. Je l’ai soutenue, et je répète qu’elle est toujours d’actualité, et que l’on ne démolit pas quelque chose qui marche.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, vous nous dites que nous n’en serions pas là si ce qui avait été fait auparavant avait fonctionné. Il n’est pas très difficile d’agiter un tel argument dans le discours politique !

Nous reconnaissons – nous l’avons dit les uns et les autres – l’effort considérable que vous faites en termes de créations de postes et de moyens. Toutefois, je ne pense pas, contrairement à Mme la rapporteure, qu’une augmentation des moyens permettra de tout régler.

Comment expliquez-vous que le taux de surpopulation dans les prisons françaises ait atteint aujourd’hui un niveau record ?

Comment expliquez-vous que, ce soir, 2 151 personnes dorment sur des matelas posés à même le sol dans des cellules de 9, 10 ou 11 mètres carrés, où sont détenues trois personnes ? Ce n’est pas digne !

On peut certes améliorer tous les dispositifs qui nous sont proposés, mais il n’est pas vrai qu’il n’existe pas de solution pour réduire certaines peines de détention et y substituer, sous le contrôle du juge, les mesures alternatives que vous venez de citer, monsieur le garde des sceaux. Nous proposons juste de donner un pouvoir de décision au juge afin de mettre fin à cette difficulté.

En ce qui concerne les transfèrements, vous avez bien lu notre amendement, nous proposons non pas de les supprimer, mais de les utiliser en dernier recours.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 134 et 190.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 188, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – À l’article L. 3222-4-1 du code de la santé publique, les mots : « et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France » sont remplacés par les mots : « , les sénateurs, les représentants au Parlement européen élus en France et les bâtonniers sur leur ressort ou leur délégué spécialement désigné au sein du conseil de l’ordre ».

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à étendre le droit de visite dans les lieux de privation de liberté aux établissements de santé chargés d’assurer les soins psychiatriques sans consentement. Ce droit de visite permettrait ainsi au bâtonnier de s’assurer que les droits fondamentaux sont respectés dans ces établissements.

Bien que les hôpitaux ne soient pas considérés, par définition, comme des lieux de privation de liberté, ils accueillent des patients qui y sont admis sans leur consentement et dont la liberté d’aller et venir est restreinte.

En outre, certains patients peuvent être soumis à des mesures de contrainte physique, telles que l’isolement en chambre ou la contention.

Dès lors, il est essentiel de garantir le respect des droits fondamentaux des personnes hospitalisées sans leur consentement en leur accordant la possibilité de recevoir la visite du bâtonnier. Cela permettrait de mieux surveiller les conditions de leur prise en charge au sein des hôpitaux psychiatriques et d’être vigilant sur le respect de leurs droits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat précédemment. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 188.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-trois, est reprise à vingt-trois heures trente-neuf.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 3
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Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 24 rectifié et n° 191

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 64 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À sa demande ou à l’initiative du procureur général, le ministre de la justice est destinataire d’informations relatives à des affaires individuelles qui soulèvent une question de droit nouvelle, présentent un intérêt pour la conduite de la politique pénale, mettent en cause le fonctionnement du service public de la justice ou revêtent, en raison de leur retentissement ou du trouble qu’elles causent, une dimension nationale. Les informations transmises au ministre de la justice portent sur des actes passés, et aucune pièce de procédure n’est communicable à l’appui de ces informations. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 30 du code de procédure pénale, vous le savez, monsieur le garde des sceaux, définit les attributions du ministre de la justice en matière de politique pénale.

Depuis la loi du 25 juillet 2013 qui a supprimé le pouvoir du garde des sceaux d’adresser des instructions au ministère public dans des affaires individuelles – excellente initiative ! – et qui a donné une base légale à la communication d’informations au garde des sceaux sur les affaires individuelles, les parquets sont sollicités par la direction des affaires criminelles et des grâces et par les parquets généraux pour fournir des informations à intervalles très réguliers et de façon quasi systématique.

Ce flux montant d’informations vers la Chancellerie mérite d’être mieux encadré par la loi afin de préserver le secret de l’enquête et de l’instruction et de rendre plus efficace la politique pénale conduite par le Gouvernement.

Responsable de la politique pénale déterminée par le Gouvernement, le garde des sceaux est légitimement destinataire de rapports sur certaines affaires individuelles. Dans le prolongement des conclusions du rapport Refonder le ministère public, il est proposé, par cet amendement, de définir le cadre dans lequel les remontées d’informations sur des affaires individuelles sont légitimes.

Elles seraient légitimes quand une affaire individuelle soulève une question de droit nouvelle, notamment des difficultés d’application d’un texte en matière civile ou pénale, lorsqu’elle présente un intérêt évident pour la conduite de la politique pénale, lorsqu’elle met en cause le bon fonctionnement du service public de la justice ou a un retentissement national.

La prise en compte de ces critères objectifs, qui préservent l’intérêt général et les attributions du garde des sceaux, permettrait de mettre fin à un usage systématique, irraisonné et déraisonnable au regard des capacités de traitement de l’information des services du ministère.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Vous souhaitez revenir sur les conditions d’information du garde des sceaux sur les affaires individuelles.

Les précisions que vous proposez doivent s’inscrire dans une réforme plus globale du code de procédure pénale, qui serait l’occasion de poser les véritables questions en matière de simplification, notamment celle de la place du parquet.

L’adoption de cet amendement serait aujourd’hui orthogonale, notamment avec l’objectif de simplification à droit constant. Cette question devra être abordée par le comité scientifique.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.

M. Jean-Pierre Sueur. Je retire l’amendement, monsieur le président !

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 64 rectifié
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Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 63 et n° 204

M. le président. L’amendement n° 64 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Marseille et Bonnecarrère, Mmes N. Goulet, Gatel, Tetuanui et Vérien et MM. de Belenet et L. Hervé.

L’amendement n° 191 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article 41-4 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa, dans le cadre d’affaires criminelles non résolues, telles qu’elles sont définies à l’article 706-106-1, la destruction des scellés est interdite jusqu’à l’expiration d’un délai de dix ans révolus à compter de l’acquisition de la prescription de l’action publique. »

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.

M. Philippe Bonnecarrère. Il est défendu !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 191.

Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous proposons des dispositions spécifiques pour régir la conservation des scellés criminels en prenant en compte les délais de prescription de l’action publique.

L’objectif est double : favoriser l’établissement de la vérité et limiter les recours en responsabilité engagés contre l’État pour défaut de conservation des scellés.

En effet, nous considérons que la conservation des scellés criminels revêt une importance cruciale dans le cadre des procédures judiciaires. Elle permet de préserver les éléments de preuve matérielle liés à une infraction, contribuant ainsi à établir la vérité et à assurer une justice équitable.

Il est essentiel de prendre en considération les délais de prescription de l’action publique qui déterminent la durée au-delà de laquelle les poursuites pénales ne peuvent plus être engagées.

En visant à fixer des règles spécifiques pour la conservation des scellés criminels en harmonie avec les délais de prescription, notre amendement tend à prévenir les situations où les preuves matérielles seraient altérées ou détruites avant la fin des délais de prescription.

Notre amendement vise également à limiter les recours en responsabilité engagés contre l’État en raison d’un défaut de conservation des scellés.

Il est donc possible de réduire le risque de telles poursuites en encadrant spécifiquement la conservation des scellés criminels, en garantissant la bonne conservation des preuves et en évitant les potentielles défaillances qui pourraient donner lieu à des recours en responsabilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ces amendements répondent à une demande des magistrats. La commission y est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je prépare actuellement un communiqué sur la question des scellés.

Vous le savez, nous avons créé un pôle cold cases. Je vais donc inciter les procureurs de la République à faire preuve d’une vigilance particulière sur la question des scellés.

Pour autant, quel est l’intérêt de conserver des scellés dix ans après la date d’acquisition de la prescription, pour des faits pour lesquels aucune poursuite ne pourra jamais être engagée ?

Systématiser la conservation des scellés pourrait emboliser les services de scellés, poser des problèmes de stockage et entraîner des frais de justice.

Cette question est importante et nous allons y travailler. Pourquoi pas ensemble, madame la sénatrice ?

Pour l’heure, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Monsieur Bonnecarrère, l’amendement n° 24 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Bonnecarrère. Oui, monsieur le président.

M. le président. Madame Cukierman, l’amendement n° 191 est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je les mets aux voix.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 24 rectifié et n° 191
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Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 166

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 63 est présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 204 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l’article 75-3 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces délais sont également portés à trois ans et à deux ans lorsque l’enquête porte sur des délits mentionnés aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, aux articles 433-1, 433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal, ainsi que sur le blanchiment de ces délits. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 63.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet de prolonger la durée des enquêtes portant sur des délits économiques et financiers.

En effet, une durée de trois ans, pouvant être prolongée de deux ans, paraît justifiée, car ces enquêtes peuvent être particulièrement complexes. L’objet de l’amendement est assez explicite à cet égard.

Il serait bon d’anticiper et de surmonter les problèmes de délais auxquels nous allons être confrontés du fait des dispositions de la loi du 22 décembre 2021.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 204.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement est proche de celui que vient de défendre notre collègue Jean-Pierre Sueur. Il vise à reconnaître la complexité et la longueur des enquêtes sur les délits économiques et financiers.

Ces infractions nécessitent souvent des investigations approfondies, impliquant la collecte de nombreuses preuves, l’analyse de documents techniques et la collaboration avec diverses autorités et nombre d’experts spécialisés.

En prolongeant la durée de l’enquête, on permettrait aux enquêteurs de disposer de plus de temps pour mener à bien leur travail, notamment en cas d’enquête de grande envergure. On renforcerait ainsi l’efficacité de la justice en matière de délits économiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement vise à reprendre une disposition adoptée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, mais que nous avions dû abandonner en commission mixte paritaire. Le Sénat est donc attaché à cette mesure.

Néanmoins, nous considérons qu’il ne s’est pas écoulé assez de temps depuis l’entrée en vigueur de cette loi et que nous n’avons pas suffisamment de recul pour revenir sur ses dispositions.

Je rappelle que les magistrats réclament aujourd’hui que les procédures applicables soient stables, l’instabilité étant facteur d’insécurité. Je pense que ce n’est donc pas le moment de revenir sur cette question.

Ensuite, nous avons adopté précédemment un amendement du Gouvernement visant à étendre la durée des enquêtes. Votre demande est donc partiellement satisfaite.

Enfin, une réflexion plus globale sur la durée des enquêtes devra avoir lieu dans le cadre de la simplification du code de procédure pénale.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous avons en effet débattu de cette question un peu plus tôt, il me semble qu’elle a été tranchée.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 et 204.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 63 et n° 204
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 50 et n° 117

M. le président. L’amendement n° 166, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article 464-2 du code de procédure pénale, le mot : « un » est remplacé par le mot : « deux ».

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le garde des sceaux, nous avons évoqué les leviers permettant de réduire la surpopulation carcérale. Vous en avez cité plusieurs, nous sommes très attachés à leur développement.

D’une manière générale, nous sommes également très attachés, pas seulement pour lutter contre la surpopulation carcérale, aux peines autres que l’enfermement. En effet, de nombreuses études tendent à montrer que ces peines ne sont ni moins efficaces ni plus onéreuses, bien au contraire !

Par cet amendement, nous proposons non pas de créer un levier supplémentaire, mais de supprimer un frein introduit dans la loi du 23 mars 2019, qui a modifié les règles relatives au prononcé ainsi qu’à l’aménagement de la peine d’emprisonnement. Elle a notamment abaissé de deux ans à un an la durée de la peine permettant aux juridictions correctionnelles de prononcer une mesure d’aménagement.

La personnalisation de la peine est un critère essentiel de la justice pénale. Aussi nous proposons de permettre au juge de l’application des peines de pouvoir aménager les peines de prison d’une durée pouvant atteindre deux ans, contre un an actuellement, c’est-à-dire de revenir à la règle qui prévalait antérieurement à la loi de 2019.

Cette avancée constituerait par ailleurs un levier pour réduire la surpopulation carcérale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous pensons qu’il ne s’agit pas véritablement d’une bonne idée et nous y sommes opposés.

Aménager une peine de prison ferme d’une durée inférieure à un an est déjà une mesure d’adaptation. Un an de prison est une condamnation forte et une durée longue, aussi un aménagement de peine ne nous paraît-il pas adapté. En outre, un tel aménagement ne permettra pas de résoudre, contrairement à ce que vous dites, les problèmes de surpopulation carcérale.

Il faut d’abord renforcer, on l’a dit à de multiples reprises, l’exécution des peines et les moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 166.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 166
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Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 26 rectifié bis et n° 193 rectifié

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 50, présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 689-11. – Hors les cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée d’avoir commis à l’étranger l’une des infractions suivantes :

« 1° Le crime de génocide défini au chapitre Ier du sous-titre Ier du titre Ier du livre II du code pénal ;

« 2° Les autres crimes contre l’humanité définis au chapitre II du même sous-titre Ier ;

« 3° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.

« Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général près la cour d’appel de Paris est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République antiterroriste, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 117.

M. le président. L’amendement n° 117, présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aux 2° et 3° de l’article 689-11 du code de procédure pénale, après le mot : « commis », sont insérés les mots : « , sans besoin que la qualification pénale des faits soit identique dans les deux législations, ».

Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous abordons avec ces amendements un sujet particulièrement important.

Vous le savez, mes chers collègues, voilà exactement dix ans, le Sénat a voté à l’unanimité une proposition de loi que j’avais déposée visant à permettre au juge français d’exercer les prérogatives prévues par le statut de la Cour pénale internationale pour les crimes relevant de cette cour.

Ce texte visait à supprimer les verrous empêchant le juge français d’exercer ces prérogatives. Depuis l’adoption de ce texte, la situation a peu évolué, bien que j’aie déposé d’innombrables amendements sur ce sujet en d’autres occasions.

Deux points posent problème : la double incrimination et la question de savoir s’il est possible d’interpeller la personne incriminée si elle est présente occasionnellement en France ou uniquement dans le cas où elle y a sa résidence habituelle.

L’amendement n° 50 vise à revenir au dispositif adopté par le Sénat voilà dix ans et à accorder au juge français toutes les prérogatives prévues dans le statut de Rome. Ce dernier prévoit que la Cour pénale internationale n’a qu’une compétence subsidiaire par rapport aux juridictions des États.

Mes chers collègues, vous le savez, ces questions ont suscité de nombreux débats et la Cour de cassation a récemment rendu un arrêt particulièrement clair à cet égard. Cet amendement vise donc à en tirer toutes les conséquences.

J’en viens à l’amendement n° 117, car j’ai dans l’idée qu’il pourrait être adopté si le premier ne l’était pas ! Il faut parfois savoir avancer pas à pas, mes chers collègues, même si je ne vous cache pas que je préférerais que l’on fasse un grand pas, pour répondre aux demandes de M. Robert Badinter et de Mme Mireille Delmas-Marty, qui se sont longtemps battus dans cette affaire, mais aussi de toutes les associations qui soutiennent notre position.

Ce second amendement, dont l’adoption est essentielle, vise à reprendre les termes exacts utilisés par la Cour de cassation dans son arrêt très important du 12 mai dernier. Il tend ainsi à prévoir que la qualification pénale des faits n’a pas besoin d’être identique dans les deux législations, contrairement aux dispositions en vigueur. Ces dernières avaient pour conséquence de nous obliger, en quelque sorte, à nous aligner sur les dispositions pénales d’États dont les conceptions de la liberté et des droits de l’homme n’ont rien à voir avec les nôtres.

Enfin, monsieur le garde des sceaux, dans le communiqué que vous avez cosigné avec le ministre de l’Europe et des affaires étrangères de l’époque, M. Le Drian, vous aviez indiqué que dès lors que la justice adopterait une position – je crois que c’est fait ! –, le Gouvernement prendrait rapidement des initiatives législatives. Par cet amendement, nous vous donnons – et nous nous donnons – les moyens d’en prendre rapidement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous ne pouvons que reconnaître la constance de l’engagement de Jean-Pierre Sueur s’agissant des poursuites contre les auteurs de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis dans le monde par l’ensemble des juridictions françaises.

S’il était adopté, l’amendement n° 50, qui vise à fixer un certain nombre de conditions, aurait pour effet de bouleverser la compétence des juridictions françaises. En outre, son impact sur les relations internationales et sur l’action de la France dans le monde est difficilement mesurable. La commission y est donc défavorable.

L’amendement n° 117 est un amendement de repli. Il vise à modifier la loi afin de prendre en compte l’avancée que constitue l’arrêt du 12 mai dernier de la Cour de cassation réunie en assemblée plénière, dans lequel elle précise le sens donné à la notion de double incrimination pour la poursuite par les juridictions françaises des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre survenus à l’étranger. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Sueur, Mme la rapporteure vient de louer votre constance, je dirai pour ma part que vous avez également un don de médiumnité. En effet, vous pressentez que l’amendement n° 50 ne bénéficiera pas de notre mansuétude, mais vous subodorez que nous retiendrons l’amendement n° 117. Figurez-vous, monsieur le sénateur, que c’est ce que nous allons faire !

Voilà cinq ans que j’y suis défavorable, toutefois, chose promise, chose due, en tous les cas chose expliquée.

Vous l’avez rappelé, M. Le Drian et moi avions rédigé un communiqué commun sur ce sujet, que me rappelle également votre collègue député Guillaume Gouffier Valente, qui est comme vous très investi sur cette question particulière.

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 50 et je m’en remettrai à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 117. C’est là un signe que le Gouvernement vous adresse. Il a été très attentif aux arrêts rendus récemment par la Cour de cassation, qui sont – disons-le – sans aucune ambiguïté sur cette question de compétence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le garde des sceaux, vous prenez acte de l’arrêt de la Cour de cassation : c’est bien le moins que l’on puisse faire quand il s’agit de lutter contre l’impunité.

Aujourd’hui, un certain nombre de personnes présentes de manière momentanée ou durable sur le territoire de la République sont suspectées de crimes de guerre, parfois à l’encontre d’individus qui sont eux aussi sur notre sol. Or elles ne sont pas poursuivies sous prétexte que, dans leur pays d’origine, le crime de guerre n’existe pas en droit. Trouvez-vous cela normal ? Moi non ! Jean-Pierre Sueur non plus ; et un certain nombre de nos collègues sont du même avis que nous.

Il y a peu, le Sénat a voté une proposition de résolution européenne dénonçant les transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie. Ces crimes de guerre, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ne sauraient rester impunis. À présent, il faut donc passer à l’acte, ce qui suppose de voter non seulement l’amendement n° 117, mais aussi l’amendement n° 50.

Consultez l’avis oral du procureur général près la Cour de cassation : il est parfaitement clair. Un certain nombre de demandeurs d’asile sont déboutés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), car, d’après ses informations, ils ont commis des crimes de guerre dans leur pays d’origine. Ces personnes sont sur notre territoire. Étant donné la situation de leur pays d’origine, elles ne sont pas expulsables ; mais elles ne sont pas non plus punissables, pour les raisons que j’ai indiquées.

Si nous ne votons pas l’amendement n° 50, rien ne changera.

M. le président. Merci, cher collègue !

M. Jean-Yves Leconte. Si nous ne votons pas l’amendement n° 50, notre proposition de résolution européenne en faveur des enfants ukrainiens restera lettre morte…

M. Jean-Yves Leconte. Mes chers collègues, le Sénat doit dire clairement non à l’impunité pour ces criminels de guerre présents sur notre territoire,…

M. le président. Votre temps de parole est écoulé !

M. Jean-Yves Leconte. … même à titre provisoire. (M. Guy Benarroche applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 117.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 50 et n° 117
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Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 25 rectifié et n° 192

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 26 rectifié bis est présenté par MM. Marseille et Bonnecarrère, Mmes N. Goulet, Gatel, Tetuanui et Vérien et MM. de Belenet et L. Hervé.

L’amendement n° 193 rectifié est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 693, après la référence : « 706-75 », est insérée la référence : « 706-106-1 » ;

2° Le premier alinéa de l’article 706-106-1 est ainsi rédigé :

« Un ou plusieurs tribunaux judiciaires désignés par décret exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 382 et 693 du présent code pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-1, 222-3 à 222-6, 222-23 à 222-26 et 224-1 à 224-3 du code pénal et de tous les crimes et délits connexes à ces crimes, lorsque l’une au moins des deux conditions ci-après est remplie et que les investigations les concernant présentent une particulière complexité : ».

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié bis.

M. Philippe Bonnecarrère. La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a déjà été évoquée plusieurs fois au cours de cette soirée. Je m’y réfère de nouveau pour aborder la compétence confiée, depuis le 1er mars 2022, au tribunal judiciaire de Nanterre pour les crimes sériels ou non élucidés, mieux connus sous le nom anglais de cold cases.

Cette innovation semble entraîner quelques frictions entre juridictions françaises. Prêtant une oreille attentive à la situation du tribunal judiciaire de Nanterre, M. Marseille propose quelques rectifications rédactionnelles afin de mettre un terme à ces débats. Il s’agit de confirmer la plénitude juridictionnelle dont ce tribunal dispose, dans l’esprit de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, pour les crimes sériels ou non élucidés.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 193 rectifié.

Mme Cécile Cukierman. Il convient en effet de modifier les dispositions relatives à la compétence matérielle et territoriale du pôle dédié au traitement des crimes sériels ou non élucidés du tribunal judiciaire de Nanterre : ce dernier doit disposer de la pleine juridiction.

En outre, nous souhaitons pouvoir accorder au pôle dédié une compétence exclusive pour traiter les faits d’atteinte grave aux personnes non résolus, qu’ils aient été commis en France ou à l’étranger sur des ressortissants français. La compétence dont la juridiction spécialisée serait investie engloberait tous les crimes connexes à l’affaire principale examinée. Notre amendement vise ainsi à renforcer l’efficacité de la lutte contre les crimes sériels ou non élucidés en conférant au pôle dédié une compétence étendue.

En rassemblant les compétences nécessaires au sein d’une même juridiction, il deviendrait possible de mener des enquêtes approfondies et de coordonner efficacement les investigations relatives à ces affaires complexes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Évidemment, nous sommes favorables au pôle cold cases : comme l’a rappelé M. Bonnecarrère, nous avons voté sa création dans le cadre de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Néanmoins, de telles dispositions accroîtraient grandement les besoins du pôle de Nanterre dédié au traitement des crimes sériels ou non élucidés. Elles posent donc nécessairement la question des moyens dont dispose cette entité ; c’est pourquoi nous demandons l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur Bonnecarrère, madame Cukierman, je vous remercie des évolutions que vous proposez : elles sont effectivement utiles. Elles seront même indispensables au pôle cold cases.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. À condition qu’il ait les moyens correspondants !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’émets donc un avis favorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est, en conséquence, l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 rectifié bis et 193 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 26 rectifié bis et n° 193 rectifié
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Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 145

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.

Mes chers collègues, en accord avec la commission et avec M. le garde des sceaux, je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à une heure.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 25 rectifié est présenté par MM. Marseille et Bonnecarrère, Mmes N. Goulet, Gatel, Tetuanui et Vérien et MM. de Belenet et L. Hervé.

L’amendement n° 192 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 706-106-3 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« S’il n’est pas à l’origine de la demande, le procureur de la République près un tribunal judiciaire autre que celui ou ceux mentionnés à l’article 706-106-1 doit requérir dans un délai de trois mois à compter de la réception de la requête des parties. » ;

b) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « ou, à défaut, à compter de l’expiration du délai mentionné au deuxième alinéa du présent article » ;

c) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’ordonnance rendue en application du présent article est susceptible d’un appel des parties dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification de la décision. »

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.

M. Philippe Bonnecarrère. Mes chers collègues, en fins analystes politiques que vous êtes, vous n’aurez pas manqué de constater qu’au cours de ce débat les amendements de M. Marseille sont systématiquement suivis d’un amendement identique de Mme Cukierman. Nous verrons jusqu’où iront les convergences. (Sourires.)

En tout cas, cet accord se confirme au sujet des cold cases. Les relations entre juridictions de notre territoire ne semblent pas très simples en la matière, en particulier avec les juridictions interrégionales spécialisées (Jirs).

Les quelques précisions que nous proposons ici tendent, si je puis dire, à fluidifier les modalités de dessaisissement. Le cas échéant, il serait possible de recourir à des mécanismes impératifs, par des modalités d’appel d’ordonnance statuant sur le dessaisissement.

Ces amendements s’inscrivent dans le droit fil des deux amendements identiques qui viennent d’être adoptés.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 192.

Mme Cécile Cukierman. Dans le même esprit de convergence, j’observe que ces dispositions ont été excellemment défendues par M. Bonnecarrère. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il s’agit là d’amendements très techniques : nous sollicitons l’avis du Gouvernement pour mieux en comprendre la portée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, monsieur le sénateur, je salue évidemment les convergences à l’œuvre. Toutefois, sur ce sujet, nous souhaitons approfondir le travail avec vous. L’idée est bonne, mais la rédaction mérite peut-être quelques rectifications.

Pour l’heure, je vous propose donc de retirer vos amendements : nous poursuivrons ce travail au cours de la navette.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Oui !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Votons maintenant, quitte à modifier ces dispositions ensuite !

M. le président. Monsieur Bonnecarrère, l’amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Bonnecarrère. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 25 rectifié est retiré.

Madame Cukierman, l’amendement n° 192 est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Je le retire également, monsieur le président.

Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 25 rectifié et n° 192
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Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 54, n° 203 et n° 149 rectifié

M. le président. L’amendement n° 192 est retiré.

L’amendement n° 145, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 721 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 721. – Chaque condamné bénéficie d’un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et, pour une peine de moins d’un an ou pour la partie de peine inférieure à une année pleine, de sept jours par mois ; pour les peines supérieures à un an, le total de la réduction correspondant aux sept jours par mois ne peut toutefois excéder deux mois.

« En cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le juge de l’application des peines peut être saisi par le chef d’établissement ou sur réquisitions du procureur de la République aux fins de retrait, à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois, de cette réduction de peine. Il peut également ordonner le retrait lorsque la personne a été condamnée pour les crimes ou délits, commis sur un mineur, ou commis à l’encontre de son conjoint, de son concubin ou du partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle et qu’elle refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l’application des peines, sur avis médical, en application des articles 717-1 ou 763-7. Il en est de même lorsque le juge de l’application des peines est informé, en application de l’article 717-1, que le condamné ne suit pas de façon régulière le traitement qu’il lui a proposé. Il peut également ordonner, après avis médical, le retrait lorsque la personne condamnée dans les circonstances mentionnées à la première phrase du second alinéa de l’article 122-1 du code pénal refuse les soins qui lui sont proposés. La décision du juge de l’application des peines est prise dans les conditions prévues à l’article 712-5 du présent code.

« En cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit commis par le condamné après sa libération pendant une période égale à la durée de la réduction résultant des dispositions du premier alinéa et, le cas échéant, du deuxième alinéa du présent article, la juridiction de jugement peut ordonner le retrait de tout ou partie de cette réduction de peine et la mise à exécution de l’emprisonnement correspondant, qui n’est pas confondu avec celui résultant de la nouvelle condamnation.

« Lors de sa mise sous écrou, le condamné est informé par le greffe de la date prévisible de libération compte tenu de la réduction de peine prévue par le premier alinéa, des possibilités de retrait, en cas de mauvaise conduite ou de commission d’une nouvelle infraction après sa libération, de tout ou partie de cette réduction. Cette information lui est à nouveau communiquée au moment de sa libération.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Ces dispositions ont peu de chances d’être adoptées : il s’agit de rétablir l’ancien régime de crédit de réduction des peines,…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ah !

M. Guy Benarroche. … donc d’abroger le régime actuel, voté au Sénat dans le cadre du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, texte promulgué le 23 décembre 2021. Lors de l’examen de ce texte, les élus de notre groupe s’étaient déjà opposés à ce nouveau régime.

Dans l’ancien régime, les crédits de réduction de peine, accordés dès le placement sous écrou, étaient d’emblée décomptés de la peine d’emprisonnement. Représentant trois mois la première année, puis deux mois par année, ils étaient octroyés automatiquement. Néanmoins, le juge de l’application des peines (JAP) pouvait les retirer partiellement ou intégralement en cas de mauvaise conduite du condamné.

Ce système permettait au détenu de connaître, dès son entrée en détention, la date prévisible de sa fin de peine : cette information lui était très utile pour préparer sa réinsertion ou faire une demande d’aménagement de peine.

En outre, pour les professionnels de la justice et de l’administration pénitentiaire, ces crédits étaient un outil encourageant l’adoption d’un comportement respectueux des règles internes.

Ce régime d’octroi ou de retrait de crédits a été remplacé par de nouvelles règles, en vertu de la loi relative à la confiance dans l’institution judiciaire. On s’est ainsi privé d’un moyen de sanction et de régulation des comportements de la population carcérale.

Le nouveau régime s’étant révélé contre-productif, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demandent son abrogation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cher collègue, il n’est pas question pour nous de revenir sur ce dispositif, d’autant qu’il a été adopté il y a dix-huit mois seulement, dans la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Je rappelle que la stabilité des normes est indispensable à la sécurité juridique.

J’émets, en conséquence, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 145.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 145
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 202

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 54, présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 712, il est inséré un chapitre Ier … ainsi rédigé :

« Chapitre Ier …

« Du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire

« Section 1

« Du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire et des conditions de sa mise en place

« Art. 712-1 A. – Aucune détention ne peut ni être effectuée ni mise à exécution dans un établissement pénitentiaire, au-delà du nombre de places disponibles.

« Pour permettre l’incarcération immédiate des nouveaux condamnés, des places sont réservées dans chaque établissement, afin de mettre en œuvre le mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire prévu au premier alinéa. Un décret définit la proportion de places nécessaire à la mise en œuvre de ce mécanisme.

« Section 2

« De la mise en œuvre du mécanisme de prévention de la surpopulation pénitentiaire par l’administration pénitentiaire et par le juge de l’application des peines

« Art. 712-1 B. – Lorsque l’admission d’un détenu oblige à utiliser l’une de ces places réservées, la direction doit :

« – soit mettre en œuvre une procédure d’aménagement de peine pour une des personnes détenues condamnées à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est égal à deux ans ou condamnées à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans selon la procédure simplifiée d’aménagement des peines prévue pour les condamnés incarcérés. Cet aménagement de peine peut prendre la forme d’un placement extérieur, d’une semi-liberté, d’une suspension de peine, d’un fractionnement de peine, d’un placement sous surveillance électronique, ou d’une libération conditionnelle ;

« – soit mettre en œuvre le placement sous surveillance électronique prévu comme modalité d’exécution de fin de peine d’emprisonnement à l’article 723-28 pour toute personne condamnée à laquelle il reste quatre mois d’emprisonnement à subir ou, pour les peines inférieures ou égales à six mois à laquelle il reste les deux tiers de la peine à subir.

« Le service d’insertion et de probation prépare sans délai cette mesure.

« Art. 712-1 C. – La décision d’aménagement de peine ou de mise en œuvre du placement sous surveillance électronique prévu par l’article 723-28 du code de procédure pénale doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la date d’écrou du détenu entré en surnombre. Elle doit être mise en œuvre sans délai.

« Art. 712-1 D. – À défaut de décision dans le délai de deux mois, le détenu le plus proche de la fin de peine dans l’établissement, choisi parmi ceux condamnés à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est égal ou inférieur à deux ans ou ceux condamnés à une ou des peines dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est égal ou inférieur à deux ans bénéficie d’un crédit de réduction de peine égal à la durée de l’incarcération qu’il lui reste à subir.

« Art. 712-1 E. – En cas d’égalité de situation entre deux ou plusieurs personnes condamnées, le crédit de réduction de peine prévu à l’article 712-1 D est octroyé en prenant en compte les critères et l’ordre des critères suivants à :

« – la personne détenue qui n’a pas fait l’objet de procédure disciplinaire, ou qui en compte le moins à son encontre ;

« – la personne détenue qui a été condamnée à la peine la plus courte.

« Art. 712-1 F. – La décision d’octroi du crédit de peine doit intervenir dans les huit jours à l’expiration du délai de deux mois prévu à l’article 712-1 D. » ;

2° Après l’article 733, sont insérés des articles 733-1 A à 733-1 G ainsi rédigés :

« Art. 733-1 A. – Sous réserve des dispositions de l’article 132-23 du code pénal, la libération conditionnelle est accordée de droit aux personnes condamnées lorsque la durée de la peine accomplie est égale au double de la durée de la peine restant à subir et ce sauf avis contraire du juge d’application des peines.

« Art. 733-1 B. – Le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation examine en temps utile le dossier de chacun des condamnés relevant de l’article 723-19, afin de déterminer, après avis du chef d’établissement pénitentiaire, la mesure de libération conditionnelle la mieux adaptée à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale.

« Sauf en cas d’absence de projet sérieux d’insertion ou de réinsertion ou d’impossibilité matérielle de mettre en place une mesure de libération, le directeur, après avoir obtenu l’accord du condamné à la mesure qui lui est proposée, adresse au procureur de la République, en vue de la saisine du juge de l’application des peines, une proposition de libération comprenant, le cas échéant, une ou plusieurs des obligations et interdictions énumérées à l’article 132-45 du code pénal. À défaut, il lui adresse, ainsi qu’au juge de l’application des peines, un rapport motivé expliquant les raisons pour lesquelles un aménagement de peine ne peut être proposé et en informe le condamné.

« S’il estime la proposition justifiée, le procureur de la République transmet celle-ci pour homologation au juge de l’application des peines. Celui-ci dispose alors d’un délai de trois semaines à compter de la réception de la requête le saisissant pour décider par ordonnance d’homologuer ou de refuser d’homologuer la proposition.

« S’il n’estime pas la proposition justifiée, le procureur de la République en informe le juge de l’application des peines en lui transmettant cette proposition. Il avise également le condamné de sa position. Le juge de l’application des peines peut alors ordonner un aménagement de peine, d’office ou à la demande du condamné, à la suite d’un débat contradictoire conformément à l’article 712-6 du présent code. Il peut également le faire après avoir reçu le rapport prévu au deuxième alinéa du présent article.

« Art. 733-1 C. – Si le juge de l’application des peines refuse d’homologuer la proposition, il doit rendre une ordonnance motivée qui est susceptible de recours par le condamné et par le procureur de la République devant le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel selon les modalités prévues par le 1° de l’article 712-11.

« Art. 733-1 D. – À défaut de réponse du juge de l’application des peines dans le délai de trois semaines, le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation peut, sur instruction du procureur de la République, ramener à exécution la mesure d’aménagement. Cette décision constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas susceptible de recours. Elle est préalablement notifiée au juge de l’application des peines.

« Art. 733-1 E. – Le juge de l’application des peines ou le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel saisis en application des dispositions de l’article 733-2 ou de l’article 733-3 peuvent substituer à la mesure de libération conditionnelle proposée une autre mesure d’aménagement : une semi-liberté, un placement à l’extérieur, un placement sous surveillance électronique. Ils peuvent de même modifier ou compléter les obligations et interdictions énumérées à l’article 132-45 du code pénal et accompagnant la mesure. La mesure est alors octroyée, sans débat contradictoire, par ordonnance motivée.

« Lorsqu’elle est rendue par le juge de l’application des peines, cette ordonnance peut faire l’objet d’un appel de la part du condamné ou du procureur de la République selon les modalités prévues par le 1° de l’article 712-11.

« Art. 733-1 F. – Lorsque la proposition d’aménagement de la peine est homologuée ou qu’il est fait application des dispositions de l’article 733-1 D, l’exécution de la mesure d’aménagement est directement mise en œuvre dans les meilleurs délais par le service pénitentiaire d’insertion et de probation. En cas d’inobservation par le condamné de ses obligations, le directeur du service saisit le juge de l’application des peines aux fins de révocation de la mesure conformément aux dispositions de l’article 712-6. Le juge peut également se saisir d’office à cette fin, ou être saisi par le procureur de la République.

« Art. 733-1 G. – Pour les condamnés mentionnés à l’article 723-19 et afin de préparer une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de libération conditionnelle selon les modalités prévues par le présent paragraphe, le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation peut adresser au procureur de la République, aux fins de saisine du juge de l’application des peines, une proposition de permission de sortir, selon les modalités prévues par les articles 733-1 B à 733-1 F. »

II. – Le 1° du I entre en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, vous avez bien voulu relever ma ténacité : non seulement je vous en remercie, mais je tiens à vous en donner une nouvelle preuve (Sourires.) en revenant sur la question de la régulation carcérale, dont vous ne voulez pas trop entendre parler.

En réalité, je ne suis pas l’auteur de cet amendement de trois pages : il constitue la reprise pure et simple d’une proposition de loi déposée il y a treize ans maintenant par notre ancien collègue député M. Dominique Raimbourg, qui fut président de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

M. Raimbourg préconisait, de manière sans doute prémonitoire, un mécanisme de régulation carcérale.

Nous nous étonnons que le présent texte ne contienne pas la moindre mesure visant à réduire la surpopulation carcérale.

Loin d’être un numerus clausus, le mécanisme que nous proposons impliquerait de définir un taux d’occupation dont le dépassement « entraînerait la réunion des différents acteurs de la chaîne pénale, qui pourraient alors envisager certaines mesures de régulation ». Ce « seuil de criticité » correspondrait au taux « à partir duquel les services de l’établissement ne sont plus en mesure de fonctionner sans affecter durablement la qualité de la prise en charge des condamnés ».

D’autres pays européens présentent un bien meilleur bilan que la France à cet égard. Parmi eux figure l’Allemagne, qui a fixé comme seuil d’alerte un taux d’occupation de 90 %. Lorsque ce niveau est atteint, un processus de régulation est enclenché.

La France devra, elle aussi, y venir : avec cet amendement, nous lançons un nouvel appel en ce sens.

M. le président. L’amendement n° 203, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le chapitre III du titre Ier du livre II du code pénitentiaire, il est ainsi inséré un chapitre III… ainsi rédigé :

« Chapitre III…

« Prévention de la surpopulation carcérale

« Art. L. 213-10. – Aucun établissement pénitentiaire et aucun quartier le composant ne peut accueillir de nouveaux détenus au-delà du nombre de places disponibles.

« Pour permettre l’incarcération immédiate des personnes écrouées, des places sont réservées dans chaque établissement et dans chaque quartier arrivant. Un décret définit la proportion de places nécessaire à la mise en œuvre de ce mécanisme.

« Art. L. 213-11. – I. – Lorsque l’admission d’un détenu oblige à utiliser l’une des places réservées prévues à l’article L. 213-10, le juge de l’application des peines est saisi par le procureur de la République afin de mettre en œuvre une procédure de libération sous contrainte, dans les conditions prévues à l’article 720 du code de procédure pénale.

« II. – La décision d’octroi de libération sous contrainte intervient dans un délai de quinze jours à compter de la date d’écrou du détenu entré en surnombre.

« Art. L. 213-12. – À défaut de décision et à défaut de décision d’octroi d’aménagement prise en application de l’article L. 213-11 dans le délai de quinze jours, une réduction de peine exceptionnelle d’un quantum égal au reliquat de la peine restant à subir, liée aux circonstances exceptionnelles de surpopulation carcérale, est accordée par le juge de l’application des peines à un condamné détenu en exécution d’une ou de plusieurs peines privatives de liberté dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à six mois. Ces réductions de peine sont ordonnées, avec avis de la commission de l’application des peines, recueilli par tous moyens.

« Art. L. 213-13. – Les modalités d’application du présent chapitre sont prises par décret en Conseil d’État. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la présente loi.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, les élus de notre groupe proposent d’introduire dans le code pénitentiaire les dispositions figurant à l’article 1er de la proposition de loi de la présidente Assassi, afin de créer un système de régulation carcérale efficace.

Tout d’abord, notre amendement tend à instaurer un mécanisme contraignant : un établissement pénitentiaire ne pourra pas accueillir de nouveaux détenus lorsqu’il n’aura plus de places disponibles. Pour y parvenir, nous proposons de réserver des places dans chaque établissement et quartier afin de garantir que le nombre de détenus n’excède pas les capacités d’accueil.

Ensuite, notre amendement vise à renforcer les aménagements de peine pour en faire le principal levier de la régulation carcérale.

Par ailleurs, pour rendre ce mécanisme plus contraignant, nous proposons une forme de grâce légale consistant en une réduction de peine exceptionnelle équivalente au reliquat de la peine restante, lorsque le temps d’incarcération restant au détenu est inférieur ou égal à six mois.

Enfin, ce mécanisme de régulation doit être mis en œuvre de manière progressive. Une période de dix-huit mois est envisagée pour que l’administration pénitentiaire puisse recenser les personnes susceptibles d’en bénéficier, organiser les dispositifs nécessaires et déterminer les paliers de réservation de places. Ce faisant, l’on mettra en œuvre la régulation carcérale de manière réfléchie et efficiente.

M. le président. L’amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, une expérimentation est mise en place dans, au plus, cinq territoires, aux fins de mise en place d’un mécanisme de régulation carcérale. Ce mécanisme a pour objet de définir un taux d’occupation des établissements pénitentiaires dont le dépassement entraînerait la réunion des différents acteurs de la chaîne pénale, qui pourraient alors envisager certaines mesures de régulation. Ce « seuil de criticité » correspond au taux à partir duquel les services de l’établissement ne sont plus en mesure de fonctionner sans affecter durablement la qualité de la prise en charge des personnes détenues.

Sont concernés par cette expérimentation : les parquets et le service de l’application des peines, les présidents du tribunal judiciaire, les directeurs de l’administration pénitentiaire ainsi que les directeurs du centre pénitentiaire et du service pénitentiaire d’insertion et de probation.

L’expérimentation comprend la définition d’indicateurs concernant le taux d’occupation des établissements pénitentiaires ainsi que les différentes mesures de régulation qui pourraient être enclenchées.

II. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation, un comité scientifique en réalise l’évaluation afin de déterminer les suites qu’il convient de lui donner. Ce comité comprend notamment des représentants du ministre de la Justice, des magistrats, des représentants des services de l’administration pénitentiaire, des représentants du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Sa composition est fixée par arrêté du ministre de la Justice.

Cette évaluation s’attache notamment à définir les effets de l’expérimentation sur le taux de surpopulation carcérale dans les territoires participants. Elle détermine, le cas échéant, les conditions dans lesquelles l’expérimentation peut être prolongée, élargie ou pérennisée.

Sur la base de cette évaluation, le comité réalise un rapport qu’il remet au Parlement et au ministre de la Justice.

III. – Les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation prévue au I sont définies par un décret en Conseil d’État. La liste des territoires participant à l’expérimentation est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la Justice

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Ces dispositions sont proches de celles que tendent à introduire les amendements précédents, qui ont été très bien présentés par Jean-Pierre Sueur et Cécile Cukierman.

Je précise simplement que cette mesure fait écho à un certain nombre d’expérimentations locales menées actuellement, notamment à la prison de Varces, près de Grenoble, et aux Baumettes, à Marseille.

Ces expérimentations, qui reposent sur le volontariat des professionnels de la justice, doivent recevoir un soutien à l’échelle nationale. À nos yeux, les pratiques collectives de régulation carcérale sont un levier important pour lutter contre la surpopulation carcérale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Mes chers collègues, sur ce sujet, dont nous avons déjà débattu hier, nos visions sont manifestement opposées.

Selon nous, la solution est ailleurs. Il faut augmenter le nombre de places de prison, développer des peines alternatives véritablement efficaces et accroître les moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip). Aussi, la commission est défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La réunion de tous les acteurs – magistrats, représentants de l’administration pénitentiaire, chefs d’établissement, etc. – existe d’ores et déjà…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En outre, la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) ne manque pas de nous alerter lorsque le taux d’occupation supportable est dépassé.

Quant au mécanisme de grâce, j’y suis totalement hostile. C’est tout simplement une question de justice. Dans un tel système, vous renoncez à sanctionner et à mettre à exécution les peines prononcées en cas de surpopulation carcérale : quelle injustice pour les personnes incarcérées à une époque ou dans une région où la population carcérale était moindre ! Il est très compliqué de mettre en œuvre un tel système.

Comme vous le savez, je m’efforce d’assumer une politique pénale ferme sans être démagogique, et humaniste sans être angélique. Avec de telles dispositions, il me semble que l’on va un peu trop loin.

Enfin, une fois que les différents acteurs se sont réunis pour constater qu’il y a beaucoup de détenus, a-t-on réellement avancé ? Une telle mesure n’est-elle pas de nature cosmétique ? D’ailleurs – je le répète –, grâce aux remontées de terrain, je suis au fait des réalités et je sais que ces réunions ont déjà lieu.

Dans ces conditions, je suis défavorable à ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 203.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 149 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 54, n° 203 et n° 149 rectifié
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Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 156 rectifié

M. le président. L’amendement n° 202, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étayant la nécessité de mettre en œuvre une politique pénale et carcérale réductionniste qui prenne en compte les différents facteurs de l’inflation pénale, ainsi que les différentes réorientations budgétaires afférentes à engager.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, l’amendement n° 203 tendait à reprendre l’article 1er de la proposition de loi de Mme Assassi ; l’amendement n° 202 tend, quant à lui, à en reprendre l’article 2, afin d’engager une vaste réflexion sur notre système carcéral. En effet, si contraignant soit-il, un mécanisme de régulation carcérale doit s’inscrire dans une réflexion plus globale sur la nécessité d’engager une politique carcérale réductionniste dans notre pays.

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, le souligne avec force dans son dernier rapport d’activité : « l’inertie » doit cesser. La lutte contre la surpopulation carcérale doit devenir une véritable politique publique, à laquelle des moyens propres et durables doivent être alloués. Selon nous, il est donc crucial que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étayant la nécessité d’une politique carcérale axée sur la réduction de l’incarcération.

De surcroît, il faut prendre en compte les différents facteurs contribuant à l’inflation pénale, comme la détention provisoire avant une comparution immédiate.

En agissant sur ces facteurs, nous pourrons à terme réduire le recours excessif à la peine d’emprisonnement. Cet effort pourrait également se traduire par le réajustement du champ d’application de l’incarcération en vertu du principe de nécessité des peines. Il s’agirait notamment de remplacer certaines peines de prison par d’autres formes de sanction et de dépénaliser certaines infractions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il s’agit d’une demande de rapport : j’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, vous savez que vos collègues députées Caroline Abadie et Elsa Faucillon mènent en ce moment une mission d’information sur les alternatives à la détention. Je serai évidemment très attentif aux conclusions de leurs travaux.

Cela étant, je me suis déjà exprimé sur le sujet que vous abordez et je suis naturellement défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 202.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 202
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Article 3 bis (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 156 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est institué, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, un comité d’évaluation de la mise en œuvre de l’article 720-1-1 du code de procédure pénale.

Ce comité comprend deux députés et deux sénateurs, respectivement désignés par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat.

Sa composition, ses missions et ses modalités de fonctionnement sont précisées par décret. Les membres du comité d’évaluation ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement de ce comité ne peut être pris en charge par une personne publique

Il établit un rapport public au plus tard dans les dix-huit mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi. Il établit un constat statistique précis de la situation sanitaire, médicale et psychiatrique des détenus, du nombre d’aménagements prononcés pour raisons médicales et formule des préconisations visant à améliorer les procédures de suspension ou aménagement de peine pour raisons médicales.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement tend à instituer un comité d’évaluation de la mise en œuvre de l’article 720-1-1 du code de procédure pénale. En effet, les conditions médicales des détenus ne sont que faiblement prises en compte pour déterminer une suspension de peine, ce qui nous préoccupe.

Il s’agit de personnes dont l’état de santé dégradé devient « durablement incompatible avec le maintien en détention » : tels sont les termes de cet article, qui n’est pas appliqué de manière convenable aujourd’hui.

De nombreuses informations communiquées par les professionnels nous laissent penser que trop peu de personnes dont l’état de santé psychiatrique ou physiologique est dégradé bénéficient d’aménagements ou de suspensions de peine, exception faite, bien entendu, des détenus dont le pronostic vital est engagé à court terme.

Nous devons donc disposer d’éléments précis afin de dresser un véritable état des lieux statistique et, ce faisant, d’envisager une nouvelle politique d’aménagement des peines. J’y insiste : tous les troubles doivent être pris en compte, qu’ils soient psychiatriques ou physiologiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Mon cher collègue, comme vous le savez, le Sénat n’est que rarement favorable aux demandes de rapport.

La situation médicale des détenus est un réel sujet : nous en sommes bien conscients. D’ailleurs, nous avons déjà eu l’occasion d’en parler et des études épidémiologiques sont régulièrement menées.

En l’état, la création d’un tel comité ne nous paraît pas opportune. Mieux vaut éclairer les juges par le recours aux expertises et favoriser la prise en charge sanitaire des détenus. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 156 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 156 rectifié
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Article 4

Article 3 bis (nouveau)

Après l’article 48-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 48-2 ainsi rédigé :

« Art. 48-2. – Les services de la statistique publique dépendant du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice sont autorisés, aux seules fins d’exploitations statistiques, à accéder aux données ou informations concernant une enquête ou une instruction en cours contenues dans les traitements de données à caractère personnel relevant de ces ministères. Ces données ou informations font l’objet d’un procédé d’anonymisation ou de pseudonymisation par le service de la statistique publique concerné. Les agents de ce service sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne ces informations, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »

M. le président. L’amendement n° 264, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En vertu de cet article, issu des travaux de la commission des lois du Sénat, les services statistiques des ministères de l’intérieur et de la justice sont autorisés à accéder aux données concernant une enquête ou une instruction, aux seules fins d’exploitation statistiques.

Toutefois, ces dispositions ne sont pas nécessaires. La loi de 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques autorise l’accès des services statistiques aux données couvertes par le secret professionnel, après avis du Conseil national de l’information statistique (Cnis). En résulte d’ailleurs un risque d’a contrario qui doit être écarté, s’agissant de données figurant parmi les plus sensibles.

À l’aune d’un travail interministériel approfondi et afin de lever toute divergence d’interprétation, il convient d’affirmer l’absence de toute difficulté d’ordre juridique attachée au secret de l’enquête et de l’instruction pour l’accès des services statistiques aux données relatives aux affaires en cours. Je propose donc de supprimer l’article 3 bis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Monsieur le garde des sceaux, vous souhaitez revenir sur une avancée que nous avons apportée en commission : nous sommes évidemment défavorables à votre amendement. Votre formulation très technocratique nous confirme d’ailleurs qu’il y a un réel problème. (Sourires. – Mme Marie-Pierre de La Gontrie rit.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. S’il y a un problème chaque fois qu’il y a de la technocratie… (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 264.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis.

(Larticle 3 bis est adopté.)

Article 3 bis (nouveau)
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 167 rectifié

Article 4

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 131-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce travail peut également être réalisé au profit d’une personne morale de droit privé remplissant les conditions définies à l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, poursuivant un but d’utilité sociale au sens de l’article 2 de la même loi et habilitée à mettre en œuvre des travaux d’intérêt général, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article 131-9 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « ou plusieurs des peines prévues par les articles 131-5-1, 131-6 ou 131-8, la juridiction peut fixer » sont remplacés par les mots : « peine de travail d’intérêt général prévue à l’article 131-8, la juridiction fixe » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’elle prononce une ou plusieurs des peines prévues aux articles 131-5-1 et 131-6, la juridiction de jugement peut, dans les mêmes conditions, faire application du présent alinéa. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le 2° du I de l’article 464-2 est complété par les mots : « , sans préjudice de la possibilité pour le juge de l’application des peines de décider d’une libération conditionnelle ou d’une conversion, d’un fractionnement ou d’une suspension de la peine » ;

2° Le dernier alinéa de l’article 474 est ainsi modifié :

a) La première phrase est complétée par les mots : « , à une peine de travail d’intérêt général ou à une peine d’ajournement avec probation » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « cette hypothèse » sont remplacés par les mots : « ces hypothèses » ;

3° À la première phrase du premier alinéa de l’article 712-6, les mots : « et de libération conditionnelle » sont remplacés par les mots : « , de libération conditionnelle et de conversion » ;

4° La dernière phrase des articles 723-2 et 723-7-1 est complétée par les mots : « ; il peut également ordonner la conversion de la peine conformément à l’article 747-1 » ;

5° Le premier alinéa de l’article 747-1 est ainsi modifié :

a) Après la première occurrence du mot : « sursis », sont insérés les mots : « et y compris si elle fait l’objet d’un aménagement, » ;

b) Après le mot : « jours-amende », sont insérés les mots : « , en un emprisonnement assorti d’un sursis probatoire comportant nécessairement l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général ».

III. – Au deuxième alinéa de l’article L. 122-1 du code de la justice pénale des mineurs, les mots : « permettant de fixer » sont remplacés par les mots : « prévoyant que la juridiction fixe ».

IV. – La période d’expérimentation prévue au XIX de l’article 71 de la loi n° 2019-22 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, relative à la réalisation du travail d’intérêt général prévu à l’article 131-8 du code pénal et du travail non rémunéré prévu à l’article 41-2 du code de procédure pénale au profit de sociétés dont les statuts définissent une mission qui assigne à la société la poursuite d’objectifs sociaux et environnementaux, est prorogée pour une période de trois ans à compter de la publication de la présente loi.

Les conditions spécifiques d’habilitation de ces personnes morales de droit privé et d’inscription des travaux qu’elles proposent sur la liste des travaux d’intérêt général ainsi que les obligations particulières mises à leur charge dans la mise en œuvre de ces travaux sont prévues par décret en Conseil d’État.

Les départements dans lesquels cette mesure peut être prononcée pendant la durée de cette nouvelle période d’expérimentation sont déterminés par arrêté du ministre de la justice.

Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Je tiens à saluer le travail accompli par nos collègues de la commission des lois, en particulier par Mmes les rapporteures, et par l’ensemble des orateurs qui prennent part à ce débat.

Monsieur le garde des sceaux, vous l’avez rappelé en préambule : ce projet de loi de programmation budgétaire prévoit une augmentation des moyens financiers et humains de la justice. Les crédits concernés doivent augmenter de plus de 10 milliards d’euros en 2024 et de 10,7 milliards d’euros en 2027 – j’associe bien sûr à ce propos M. le rapporteur spécial de la mission « Justice », mon collègue de la commission des finances.

L’article 4 entend favoriser le recours aux travaux d’intérêt général (TIG), qui, dès l’origine, ont été organisés en lien étroit avec les collectivités territoriales et les associations.

Depuis quelques années, on tente d’augmenter l’offre de TIG : de tels travaux ont ainsi été expérimentés en 2019 dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire, secteur qui a toute son importance.

En parallèle, cet article modifie le code pénal pour fixer une peine maximale de prison en cas de non-respect des TIG et organiser un suivi par les magistrats et les professionnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Mmes les rapporteures l’ont souligné, les travaux d’intérêt général sont une solution intéressante pour limiter le recours à la détention ; mais encore faut-il assurer le suivi des encadrants. Je pense notamment aux communes, à commencer par les plus petites d’entre elles, dont les élus doivent s’investir en ce sens.

Je soutiendrai cet article.

M. le président. L’amendement n° 21 rectifié ter n’est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 40, présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 7 et 16

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je m’apprêtais à dire tout le mal que je pense de l’amendement n° 21 rectifié ter, mais il ne sera pas débattu… (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Par cet amendement, nous proposons de supprimer les alinéas qui empêcheraient, demain, le juge d’application des peines d’adapter la sanction prononcée en cas de non-exécution du travail d’intérêt général.

Dans la rédaction actuelle du présent texte, le TIG et la peine encourue en cas de non-exécution de celui-ci sont prononcés en même temps. Or ce mécanisme interdit le travail d’adaptation dont le juge d’application des peines est précisément chargé.

Un travail d’intérêt général se déroule sur plusieurs mois. La manière dont le condamné se comporte et accomplit ledit travail est un paramètre important : on ne peut pas raisonner de manière binaire, en considérant d’emblée que la non-exécution doit être condamnée de telle ou telle manière.

M. le garde des sceaux nous expliquera sûrement que cette disposition a une vertu « pédagogique ».

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il s’agit de faire comprendre à l’intéressé que le TIG n’a rien de facultatif. Néanmoins – je le répète –, il faut préserver le pouvoir d’adaptation dont dispose le JAP : à mon sens, c’est un gage de bonne exécution de la peine prononcée.

M. le président. L’amendement n° 129, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement a été excellemment défendu par Marie-Pierre de La Gontrie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous pensons en effet que les dispositions prévues ont une vertu pédagogique.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Voilà !

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La personne condamnée doit savoir ce qu’elle encourt en cas de non-réalisation de son travail d’intérêt général : c’est un gage d’efficacité de cette mesure, que nous entendons développer.

Aujourd’hui, on ne peut que constater le faible recours aux travaux d’intérêt général. Non seulement les offres sont peu nombreuses, mais, faute de moyens suffisants, les Spip ont le plus grand mal à garantir l’exécution de ces peines.

Aussi, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, quand une personne est condamnée à trois ans de prison avec sursis, elle sait que si, durant cette période, elle bouge une oreille – passez-moi cette familiarité –, elle ira trois ans en prison. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

Aujourd’hui, quand le TIG n’est pas exécuté, que se passe-t-il ? Le juge d’application des peines doit transmettre le dossier au parquet, qui peut ensuite engager des poursuites.

À cet égard, le présent texte est sans ambiguïté. Dans un souci d’efficacité et de simplification, il clarifie l’application du contradictoire. Le JAP gère directement les difficultés d’exécution du TIG ; il est le mieux informé de l’évolution de la situation de la personne concernée.

Dans le même esprit, je souhaite renforcer la lisibilité de la peine de TIG. Je souhaite garantir une meilleure réactivité face aux incidents, dans le respect du principe du contradictoire. Je souhaite, enfin, assurer une meilleure adaptation de la réponse aux incidents et difficultés d’exécution en raison du pouvoir d’individualisation du JAP.

Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 129.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 220, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Patriat, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article 385-2, il est inséré un article 385-3 ainsi rédigé :

« Art. 385-3. – Lorsque le tribunal est saisi d’une procédure pour laquelle la juridiction pour enfants, après avoir rendu un jugement sur la culpabilité, s’est déclarée incompétente conformément aux articles L. 13-2 et L. 521-23-1 du code de la justice pénale des mineurs, il statue sur la peine dans les conditions prévues aux articles 132-61 et 132-65 du code pénal. »

II. – Après l’alinéa 16

Insérer douze alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 13-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« S’il apparaît à l’une des juridictions mentionnées aux 1°, 2°, 3° bis ou 5° de l’article L. 12-1 que la personne présentée ou comparaissant devant elle était majeure au moment des faits, elle se déclare incompétente et renvoie le dossier au procureur de la République. » ;

…° L’article L. 423-14 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« S’il apparaît que la personne présentée ou comparaissant devant le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention saisi en application de l’article L. 423-9 ou la juridiction de jugement saisie en application de l’article L. 423-7 était majeure au moment des faits, le magistrat ou la juridiction saisie procède conformément aux dispositions de l’article L. 13-2. » ;

b) Au deuxième alinéa, après les mots : « Le juge des enfants », sont insérés les mots : « , statuant en cabinet ou présidant le tribunal pour enfants » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l’alinéa précédent sont applicables devant la chambre spéciale des mineurs. » ;

…° Après l’article L. 521-23, il est inséré un article L. 521-23-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 521-23-1. – S’il apparaît, au cours de la période de mise à l’épreuve éducative, que la personne dont la culpabilité a été déclarée, était majeure au moment des faits, le juge des enfants met fin aux mesures provisoires et procède conformément aux dispositions de l’article L. 13-2.

« La déclaration de culpabilité et la décision sur l’action civile prononcées par la juridiction pour enfants conservent leur autorité.

« Le juge des enfants statue au préalable, après avoir entendu les réquisitions du procureur de la République et les observations de la personne et de son avocat, sur le maintien en détention provisoire précédemment ordonnée jusqu’à la comparution devant le tribunal correctionnel. Si la détention est maintenue, la personne doit comparaître devant le tribunal correctionnel au plus tard le troisième jour ouvrable suivant. À défaut, si elle n’est pas détenue pour autre chose, elle mise d’office en liberté. »

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement vise à permettre le renvoi devant une juridiction compétente pour les majeurs d’une personne poursuivie devant la juridiction pour mineurs, dont il est révélé postérieurement qu’elle était en réalité majeure lors de la commission des faits. Cette réorientation serait possible quel que soit le stade de la procédure.

Par ailleurs, nous proposons de préciser les modalités de la réorientation…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Très bien !

M. Thani Mohamed Soilihi. … dans deux cas spécifiques : lorsque l’état de majorité est découvert à l’occasion de l’audience d’examen de la culpabilité et lorsqu’il est découvert durant la période de mise à l’épreuve éducative.

Il ne s’agit pas d’un cas d’école, je vous l’assure, ma chère collègue Marie-Pierre de La Gontrie.

Dans certaines parties de notre territoire, où certains justiciables ont souvent, pour ne pas dire systématiquement, un état civil douteux, cette procédure permettrait de gagner en rapidité et en efficacité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement n° 220, qui est placé au milieu de l’examen d’amendements relatifs aux TIG, a pour objet le code de la justice pénale des mineurs.

Nous n’aimons pas modifier les textes peu de temps après leur entrée en vigueur ; or le code de la justice pénale des mineurs est relativement récent.

Néanmoins nous savons que cet amendement tend à répondre à une véritable difficulté rencontrée sur le terrain et qu’il n’est pas facile de régler aujourd’hui.

Aussi, nous émettons un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 220.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 22 rectifié sexies, présenté par MM. E. Blanc, Mizzon, D. Laurent, Pellevat, Duffourg, Bouchet, Milon, Grosperrin, Bascher, Henno, Brisson et Cardoux, Mme Goy-Chavent, MM. Laménie, Belin et Pointereau, Mmes Jacquemet et Thomas, MM. Genet, Charon et Segouin, Mmes Lassarade et Belrhiti, M. Longuet, Mme F. Gerbaud, MM. Tabarot et Cuypers, Mme Dumont, MM. C. Vial, Duplomb, Cadec, Gueret et Piednoir, Mme Lopez et MM. Levi, Husson et Retailleau, est ainsi libellé :

Alinéas 8 à 15

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Dans un souci d’efficacité, je vais dire que cet amendement est défendu ! (Sourires.)

M. le président. L’amendement n° 151, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

et est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L’avis du représentant de l’administration pénitentiaire mentionné au présent alinéa est communiqué aux parties dix jours avant l’audience. »

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à prévoir, dans le cadre du jugement relatif à une conversion de peine, la transmission de l’avis du représentant de l’administration pénitentiaire aux parties dix jours avant l’audience.

En effet, les auteurs de cet amendement considèrent que la transmission préalable de l’avis aux parties, notamment à l’avocat du condamné, est impérative afin que ces dernières puissent formuler les observations pouvant éclairer utilement la décision du juge de l’application des peines et faire respecter le principe du contradictoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il est déjà possible de convertir les courtes peines. Or nous aurions tout intérêt à ce qu’elles le soient en TIG, car cette mesure peut être efficace, selon nous. Aussi, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 22 rectifié sexies.

Par ailleurs, le délai de dix jours que tend à prévoir l’amendement n° 151 semble trop rigide ; la transmission préalable à l’audience est déjà prévue dans le code. Aussi, j’émettrai également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

M. Marc Laménie. Je retire l’amendement n° 22 rectifié sexies, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 22 rectifié sexies est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 151.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Après l’article 4

Article 4
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Article 5

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié ter n’est pas soutenu.

L’amendement n° 167 rectifié, présenté par Mmes Conconne, de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. 706…. – Aux fins de bonne administration de la justice, les magistrats et le procureur de la République relevant des juridictions spécialisées mentionnées au présent chapitre peuvent, selon des conditions prévues par décret, recourir à des moyens de télécommunication audiovisuelle pour les interrogatoires de première comparution mentionnés à l’article 116, les débats relatifs au placement en détention provisoire mentionnés à l’article 137-1 et le jugement des personnes libres. »

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je présente cet amendement au nom de notre collègue Catherine Conconne, sénatrice de la Martinique.

Après avoir discuté avec les magistrats de la Martinique, ma collègue souhaite attirer l’attention sur la situation des juridictions interrégionales spécialisées, dont la compétence territoriale est extrêmement étendue. Ainsi, la Jirs de Fort-de-France est compétente dans l’ensemble du bassin antillo-guyanais. Cela contraint les magistrats à se déplacer parfois jusqu’en Guyane, parfois pour des interrogatoires ou des auditions très courtes, ce qui complique les procédures, sans parler du coût du transport pour l’État.

Par cet amendement, il est proposé d’autoriser la visioconférence seulement pour les interrogatoires de première comparution, les débats relatifs au placement en détention provisoire et les jugements de personnes libres.

Notre collègue sénatrice de Saint-Barthélemy, ici présente, pourrait également témoigner de cette difficulté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous connaissons les difficultés en outre-mer et nous comprenons que des adaptations sont nécessaires, eu égard à la topographie des îles ultramarines. Néanmoins, il faut trouver un juste équilibre, car les Jirs traitent d’affaires extrêmement sensibles.

Pour le moment, notre avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, je me suis rendu il y a peu en Martinique. J’y ai rencontré Mme la sénatrice Conconne, ainsi que Mme la procureure du tribunal judiciaire de Fort-de-France, qui est, elle aussi, sur cette même ligne.

Dans la proposition qui nous est faite, il est question des Jirs en général et non pas seulement des Jirs outre-mer. Il faut retravailler sur ce point, notamment au cours de la navette, et voir comment nous pourrions avancer sur cette question.

J’ai parfaitement conscience du problème que vous soulevez, mais j’émets pour l’instant un avis défavorable, en raison de ce problème rédactionnel, qui n’est pas rédhibitoire.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Si M. le garde des sceaux s’engage à examiner la question, nous pourrions retirer l’amendement n° 167 rectifié.

Le problème de cet amendement, tel qu’il est rédigé, c’est qu’il tend à s’appliquer à l’ensemble des Jirs. Pour tout dire, je ne sais pas s’il est possible, d’un point de vue constitutionnel, de ne l’appliquer qu’aux Jirs d’outre-mer.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est bien le problème !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le garde des sceaux, est-ce que vous vous engagez à regarder ce problème ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je m’y engage !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dans ces conditions, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 167 rectifié est retiré.

Les amendements nos 20 rectifié ter et 19 rectifié ter ne sont pas soutenus.

Section 2

Dispositions améliorant l’indemnisation des victimes

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 167 rectifié
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Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 99

Article 5

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le 2° de l’article 706-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« – soit lorsqu’ils sont commis sur un mineur ou par le conjoint ou le concubin de la victime, ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou un ancien conjoint ou concubin de la victime, ou un ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et sont prévus et réprimés par l’article 222-12 du code pénal ou par les quatrième et sixième alinéas de l’article 222-14 du même code, y compris lorsque ces faits ont été commis avec d’autres circonstances aggravantes. Par exception au premier alinéa du présent article, le montant maximal de la réparation des dommages subis à raison de ces faits, lorsqu’ils ont entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois, est défini par voie réglementaire ; »

1° bis (nouveau) Le premier alinéa de l’article 706-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si la victime était mineure lors de la commission de l’infraction, le délai de forclusion commence à courir à compter de sa majorité. » ;

2° L’article 706-14 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « appartenant, », sont insérés les mots : « d’un chantage, d’un abus de faiblesse ou d’une atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données, » ;

b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « les faits générateurs de celui-ci ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois » sont remplacés par les mots : « à condition que les faits générateurs de celui-ci aient entraîné une incapacité totale de travail » ;

3° Après l’article 706-14- 2, il est inséré un article 706-14- 3 ainsi rédigé :

« Art. 706-14- 3. – L’article 706-14 est applicable sans condition de ressource à toute personne victime sur le territoire français du délit de violation de domicile, prévu au deuxième alinéa de l’article 226-4 du code pénal, et qui se trouve, du fait de cette infraction et de l’absence d’indemnisation à un autre titre, dans une situation matérielle grave.

« Le montant maximal de l’indemnité est défini par voie réglementaire. »

II. – Le présent article est applicable à la réparation des dommages résultant de faits commis à compter de la publication de la présente loi.

M. le président. L’amendement n° 269, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 7

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 706-14-2 est ainsi rédigé :

« Art. 706-14- 2. – Toute personne physique de nationalité française, ou ses ayants droit, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non, commis à l’étranger, peut, lorsque ces faits présentent le caractère matériel d’une infraction et répondent aux conditions prévues à l’article 706-3 du présent code ou à l’article L. 126-1 du code des assurances, obtenir du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions une aide financière au titre des frais de voyage, de l’indemnité de comparution et de l’indemnité journalière de séjour pour répondre à une convocation à l’audience de jugement d’un procès pénal tenu à l’étranger, selon des modalités et conditions prévues par voie réglementaire.

« Lorsqu’elles concernent des infractions répondant aux dispositions de l’article 706-3, les demandes d’aide financière sont assimilées aux demandes d’indemnisation prévues par cet article pour l’application des dispositions des articles 706-4 et 706-5-1 et de l’article L. 214-1 du code de l’organisation judiciaire.

« Lorsqu’elles concernent des actes de terrorisme, les demandes d’aide financière sont assimilées aux demandes d’indemnisation formées en application de l’article L. 126-1 du code des assurances pour l’application des dispositions des articles L. 422-1 à L. 422-6 du même code et de l’article L. 217-6 du code de l’organisation judiciaire.

« Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions est subrogé dans les droits que possède le bénéficiaire de l’aide contre toute personne sur qui pèse à un titre quelconque la charge définitive de tout ou partie des frais et indemnités mentionnés au premier alinéa du présent article. » ;

II. – Après l’alinéa 10

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° L’article L. 214-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 214-1. – Chaque tribunal judiciaire comporte une commission d’indemnisation de certaines victimes d’infractions qui revêt le caractère d’une juridiction civile. Cette commission est compétente pour :

« 1° Connaître des demandes d’indemnisation relevant des articles 706-3, 706-14, 706-14- 1 et 706-14- 3 du code de procédure pénale ;

« 2° Connaître des demandes formées par les victimes mentionnées à l’article 706-14- 2 du code de procédure pénale et répondant aux conditions prévues à l’article 706-3 du même code.

« Elle statue en premier ressort. » ;

2° Le premier alinéa du 1° de l’article L. 217-6 est ainsi rédigé :

« 1° Des demandes formées par les victimes mentionnées à l’article L. 126-1 du code des assurances, ainsi que des demandes formées par les victimes mentionnées à l’article 706-14- 2 du code de procédure pénale et répondant aux conditions prévues à l’article L. 126-1 du code des assurances, après saisine du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, et relatives : » ;

3° Aux articles L. 532-2, L. 552-2 et L. 562-2, les mots : « n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice » sont remplacés par les mots : « n° … du … ».

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet d’accroître la prise en charge des frais de déplacement des victimes souhaitant se rendre à l’étranger pour assister à un procès pénal.

Nous avons déjà abordé cette question, sur laquelle Mme Vogel nous avait demandé d’avancer.

Il me semble normal que les frais de déplacement d’une victime se rendant à l’étranger pour assister à son procès soient pris en charge.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il est difficile de s’opposer à cet amendement ! Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 269.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
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Article additionnel après l'article 5 - Amendements n° 103 et n° 102

Après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 99, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article 114 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La victime présumée est informée par tout moyen de son droit de refuser la confrontation avec l’auteur présumé. »

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. À cette heure avancée de la nuit, je vais défendre les amendements déposés par notre collègue Laurence Rossignol portant sur la lutte contre les violences intrafamiliales et les violences sexuelles.

Par l’amendement n° 99, nous proposons que la victime présumée soit informée par tout moyen de son droit de refuser la confrontation avec l’auteur présumé. De fait, il est établi que la confrontation contribue à réactiver le traumatisme qu’elle a subi.

D’ailleurs, la convention d’Istanbul, ratifiée par la France en 2014, prévoit que les États parties doivent faire en sorte de toujours protéger les victimes dans le cadre du procès pénal. Ainsi, la victime pourrait – elle n’y serait pas obligée – refuser la confrontation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Il est clair que ces confrontations ne sont pas forcément les bienvenues, au point que certains pays, notamment l’Espagne et le Royaume-Uni, ont déjà prévu des aménagements en la matière.

Toutefois, cette question relève du domaine réglementaire.

Je suis persuadée que nous trouverons des solutions, en raison des avancées qui seront réalisées en la matière. De plus, les policiers et les gendarmes, qui bénéficient d’une formation de plus en plus poussée, sauront éviter ce genre de confrontations.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Non, ce n’est pas du tout réglementaire !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ma chère collègue, vous le précisez vous-même : le droit de refuser la confrontation existe déjà. Votre amendement ne tend donc pas à créer un tel droit, puisqu’il existe déjà dans le code de procédure pénale, il vise simplement à informer la victime de son existence. Une fois que le policier aura été formé, il pourra l’en aviser.

J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis très surpris par l’utilisation des expressions « victime présumée » et « auteur présumé ». De telles expressions ne sont pas utilisées dans le code de procédure pénale !

La rédaction de cet amendement me laisse pour le moins circonspect ; elle ne me semble pas opportune. Aussi, j’y suis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 99.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 99
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Article 6 (début)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 103, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par voie d’expérimentation, en redéployant les moyens existants, et pour une durée de six ans, les cours d’appel volontaires peuvent expérimenter en leur sein la mise en place d’un outil informatique permettant de favoriser le suivi transversal et pluridisciplinaire des situations à risque par la juridiction. Cet outil permet la prévention du risque de réitération en matière de violences intrafamiliales, et l’adaptation en conséquence de la politique de protection des victimes de ces violences.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

M. le président. L’amendement n° 102, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Marie, Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la mise en place d’un outil informatique permettant de favoriser le suivi transversal et pluridisciplinaire des situations à risque par la juridiction. Cet outil permettra la prévention du risque de réitération en matière de violences intrafamiliales, et l’adaptation en conséquence de la politique de protection des victimes de ces violences.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est également défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement n° 103 vise à expérimenter un outil comparable au logiciel VioGén, utilisé en Espagne, qui permet de mesurer les risques liées aux violences intrafamiliales.

Je demande l’avis du Gouvernement, qui travaille, me semble-t-il, sur ce point.

L’amendement n° 102 a pour objet de demander la remise d’un rapport. Or vous connaissez notre jurisprudence en la matière : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je demande aussi le retrait de l’amendement n° 103. Nous travaillons en effet sur cette question.

J’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 102.

M. le président. Madame de La Gontrie, l’amendement n° 103 est-il maintenu ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102.

(Lamendement nest pas adopté.)

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES À LA JUSTICE COMMERCIALE ET AUX JUGES NON PROFESSIONNELS

Chapitre Ier

Diverses dispositions portant expérimentation d’un tribunal des activités économiques

Article additionnel après l'article 5 - Amendements n° 103 et n° 102
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Article 6 (interruption de la discussion)

Article 6

I. – À titre expérimental, les compétences du tribunal de commerce sont étendues dans les conditions prévues au II du présent article. Dans le cadre de cette expérimentation, le tribunal de commerce est renommé tribunal des activités économiques.

Le tribunal des activités économiques, qui siège en lieu et place du tribunal de commerce, est composé des juges élus du tribunal de commerce, d’un greffier et, pour la durée de l’expérimentation, par dérogation au second alinéa de l’article L. 722-6-1 et au chapitre III du titre II du livre VII du code de commerce, de juges nommés par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les membres élus et sur la proposition des chambres d’agriculture départementales et des instances représentatives départementales, à défaut nationales, des professions réglementées mentionnées au second alinéa de l’article L. 722-6-1 du même code. Les juges nommés qui exercent une des professions réglementées mentionnées au même article L. 722-6-1 siègent dans un tribunal des activités économiques situé dans le ressort d’une cour d’appel différent de celui de leur lieu d’exercice.

Le greffe du tribunal des activités économiques est assuré par le greffier du tribunal de commerce.

Le tribunal des activités économiques est soumis aux dispositions du livre Ier du code de l’organisation judiciaire.

Les décisions du tribunal des activités économiques sont susceptibles de recours dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre VI du livre VI du code de commerce.

II. – Par dérogation au premier alinéa du I de l’article L. 611-2 et au premier alinéa de l’article L. 611-2-1 du code de commerce, relatifs au pouvoir de convocation du président du tribunal, au 6° du I de l’article R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire, relatif aux procédures amiables, au deuxième alinéa de l’article L. 611-3 du code de commerce, relatif au mandat ad hoc, et à l’article L. 611-4 du même code ainsi qu’au premier alinéa de l’article L. 611-5 dudit code, relatifs à la conciliation, le président du tribunal des activités économiques connaît de la procédure d’alerte et des procédures amiables, quels que soient le statut et l’activité de la personne physique ou morale qui éprouve des difficultés.

Par dérogation à l’article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime, la demande de désignation d’un conciliateur est introduite devant le président du tribunal des activités économiques.

Par dérogation au 8° de l’article R. 211-3-26 et au 6° du I de l’article R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire, relatifs aux procédures collectives, et à l’article L. 621-2 du code de commerce, relatif à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, applicable en redressement judiciaire sur renvoi de l’article L. 631-7 du même code et en liquidation judiciaire sur renvoi de l’article L. 641-1 dudit code, le tribunal des activités économiques connaît des procédures collectives, quels que soient le statut et l’activité du débiteur.

Par dérogation au 11° de l’article R. 211-3-26 et au 2° du I de l’article R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire, et sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal des activités économiques, saisi de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur, connaît de toutes les actions ou contestations relatives aux baux commerciaux nées de la procédure et qui présentent avec celle-ci des liens de connexité suffisants ainsi que toutes les actions ou contestations relatives aux baux commerciaux, aux baux professionnels et aux conventions d’occupation précaire conclus entre les personnes mentionnées à l’article L. 721-3 du code de commerce.

Lorsque le tribunal des activités économiques est par ailleurs un tribunal de commerce spécialisé en application de l’article L. 721-8 du même code, celui-ci connaît des procédures mentionnées aux 1° à 4° du même article L. 721-8, sous les mêmes conditions, quels que soient le statut et l’activité du débiteur.

III. – Le I du présent article est applicable, à titre expérimental, à au moins neuf et au plus douze tribunaux de commerce désignés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pendant une durée de quatre ans à compter de la date fixée par cet arrêté, et au plus tard dans les douze mois suivant la publication du décret pris pour l’application du présent article, pour le jugement des procédures ouvertes à compter de la date fixée par l’arrêté mentionné au présent alinéa.

Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation. L’ensemble des acteurs judiciaires et économiques est associé à cette évaluation. Cette dernière associe également, dans le respect du principe de parité entre les femmes et les hommes, deux députés et deux sénateurs, dont au moins un député et un sénateur appartenant à un groupe d’opposition, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. L’évaluation repose notamment sur la durée des procédures de liquidation judiciaire, le taux de réformation des décisions, la qualité du service rendu au justiciable et l’appréciation des auxiliaires de justice, au vu des statistiques fournies par le ministère de la justice, d’une part, et de questionnaires de satisfaction, d’autre part.

Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de désignation et de nomination des juges du tribunal des affaires économiques, de pilotage et d’évaluation de l’expérimentation ainsi que les règles d’information des usagers.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, sur l’article.

M. Jean-Yves Roux. J’interviens au nom de notre collègue Nathalie Delattre, qui souhaite faire part de sa satisfaction s’agissant de la rédaction de l’article 6 retenue par notre commission. En effet, celle-ci est revenue sur le texte initial et y a supprimé la présence des magistrats professionnels au sein du tribunal des activités économiques.

Nous avons été alertés à ce sujet par certains professionnels, qui considèrent qu’il ne paraît pas souhaitable de déroger au principe électif des juges des tribunaux de commerce, qui sont des juges bénévoles, des chefs d’entreprise.

L’introduction d’une composition mixte comprenant des magistrats viendrait déstabiliser le fonctionnement des tribunaux de commerce. Or leur l’activité est déjà efficiente, non seulement du point de vue des délais de rendu des décisions, mais également au regard du taux d’appel, qui est inférieur à la moyenne de celui des tribunaux judiciaires, et du taux d’infirmation des décisions rendues par les cours d’appel, lesquelles sont constituées de juges de carrière.

Au regard de ces éléments, il y a donc lieu d’espérer que la rédaction du Sénat sera retenue dans le texte définitivement adopté par le Parlement.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 59 rectifié est présenté par Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Sueur, Pla, Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte et Marie, Mme Briquet, M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 97 rectifié bis est présenté par MM. Duffourg, Longeot et Pellevat, Mme Perrot, MM. Genet, J.M. Arnaud, Kern, Chasseing, Canévet et Moga, Mme Lopez et M. Babary.

L’amendement n° 207 est présenté par Mme Brulin, M. Lahellec, Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour présenter l’amendement n° 97 rectifié bis.

M. Alain Duffourg. Je demande la suppression de l’article 6 pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, on nous demande de débaptiser les tribunaux de commerce et de les nommer tribunaux des activités économiques, alors que ces juridictions, créées sur l’initiative de Michel de l’Hospital, existent depuis l’édit du roi Charles IX de 1563. Elles ont été nommées tribunaux de commerce en 1790.

Alors que cette juridiction consulaire fonctionne parfaitement, on voudrait lui adjoindre des magistrats professionnels, comme vient de le rappeler notre collègue à l’instant. Je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner !

Je précise qu’il existe 227 tribunaux de commerce et que l’on manque déjà de magistrats dans l’ordre judiciaire. Escomptez-vous faire venir ces magistrats dans les tribunaux de commerce ? À mon sens, ce serait une hérésie !

Ensuite, il faut savoir que les juges consulaires connaissent bien l’activité économique. Ils sont élus par leurs pairs, par les sociétés commerciales, par les artisans ou par les commerçants. Je ne vois pas comment l’on pourrait en ajouter d’autres, qu’ils émanent de la société civile ou qu’ils soient agriculteurs, comme cela a été proposé dans cet article.

Il faut savoir que les tribunaux de commerce ont à connaître de tous les litiges opposant les entreprises, les artisans, les commerçants et de tous les actes de commerce pratiqués entre toutes les parties.

Enfin, il est prévu de transférer aux tribunaux des activités économiques les procédures collectives concernant ces entreprises. Or ces procédures sont déjà mises en œuvre par les tribunaux de commerce : la médiation, la conciliation, le mandat ad hoc, la sauvegarde, le redressement et le règlement judiciaires.

Pour toutes ces raisons, je pense que cet article n’est pas opportun, d’autant plus que l’on voudrait également transférer à cette juridiction le contentieux des baux commerciaux. Il s’agit pourtant d’une matière particulièrement technique, …

M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

M. Alain Duffourg. … qui doit continuer d’être de la compétence des tribunaux judiciaires.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l’amendement n° 207.

M. Gérard Lahellec. Par cet amendement, nous souhaitons que soit prise en considération la spécificité du secteur agricole.

En effet, les procédures collectives des agriculteurs, qui sont aujourd’hui de la compétence du tribunal judiciaire, relèveront désormais des tribunaux des activités économiques, composés de juges consulaires.

Il ne s’agit pas ici de jeter l’opprobre sur ces juges ou de douter de leur engagement, mais la pérennité économique des activités agricoles obéit à des impératifs dont les contours sont définis selon des critères très spécifiques et différents, d’ailleurs, de ceux des activités des commerçants et des artisans. C’est la raison pour laquelle le contentieux doit continuer à ressortir de la compétence de la juridiction judiciaire.

D’ailleurs, cette approche est corroborée par l’analyse des décisions de juridictions judiciaires et commerciales, qui montrent que les décisions des tribunaux judiciaires s’orientent davantage vers le redressement que vers la liquidation judiciaire des exploitations familiales.

Ainsi, alors que la conjoncture est défavorable aux agriculteurs, il ne nous paraît pas opportun de bouleverser cette situation.

Cette expérimentation est préjudiciable, dans la mesure où elle prévoit également le transfert aux tribunaux des activités économiques des litiges relatifs aux baux commerciaux, lesquels sont aujourd’hui traités par des juges, pour ne pas dire des gardiens, spécialisés dans le droit fondamental de ces justiciables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ces amendements visent tous à supprimer l’article 6.

Notre avis sera évidemment défavorable puisque le Sénat préconise depuis un certain temps la création de tribunaux des activités économiques regroupant l’ensemble des professionnels.

Certains se sont inquiétés de l’introduction d’une forme d’échevinage, avec des juges professionnels qui deviendraient des assesseurs. Or la commission a supprimé cette possibilité, car les tribunaux de commerce n’en voulaient pas. En outre, les juges professionnels ne souhaitaient pas siéger en tant qu’assesseurs. La formule proposée n’était donc acceptée par aucune des deux parties !

D’autres, qui s’opposaient également à cet article, se demandaient par exemple comment traiter la question des agriculteurs, qui présente une véritable spécificité. Nous avons pleinement entendu cet argument.

Contrairement à ce qui était initialement prévu, nous avons donc souhaité introduire, dès la phase de l’expérimentation, des juges consulaires agriculteurs et des professionnels du droit, lesquels sont à même de traiter des affaires agricoles.

D’autres encore nous ont dit que les agriculteurs allaient s’intéresser aux terres de leurs voisins ! Tout d’abord, le même risque existe pour les entreprises. Ensuite, une règle de déport – obligatoire – s’appliquera aux agriculteurs, comme aux autres juges consulaires. Je pense donc qu’un agriculteur ne court pas plus de risque à cet égard qu’un commerçant, un artisan ou une entreprise.

Aussi je vous propose de ne pas supprimer l’article 6. La commission l’ayant déjà bien amendé, il est tout à fait acceptable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. D’abord, je rappelle que nous souhaitons mettre en place une expérimentation, et j’insiste sur ce point.

Ensuite, supprimer la possibilité d’expérimenter le tribunal des activités économiques équivaut à nier, comme vient de le rappeler Mme la rapporteure, l’expression d’un besoin qui a été clairement identifié par le Sénat, notamment grâce aux travaux des sénateurs François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi, mais aussi par le Comité des États généraux de la justice.

Il faut évidemment que les agriculteurs soient particulièrement bien pris en charge. Le fait que des juges consulaires soient issus du monde agricole devrait être de nature à les rassurer pleinement. D’ailleurs, pour ne rien vous cacher, j’ai pensé aux agriculteurs il y a quelque temps lors d’une visite officielle à Orléans. Je me suis alors rendu au tribunal de commerce, où l’on a regardé de près les mesures mises en place en amont pour sauver les petites entreprises en particulier. Cela fonctionne très bien !

Enfin, le diagnostic unanime est le suivant : en première instance pour les procédures collectives, le partage des compétences par secteur d’activité entre les tribunaux de commerce et les tribunaux judiciaires manque de lisibilité. C’est un constat sur lequel on peut tous être d’accord.

La solution fait également globalement consensus, à savoir la mise en place d’un guichet unique, d’un bloc unique de compétences, dans un objectif, bien sûr, de bonne administration de la justice. Cela ne signifie pas que le projet du Gouvernement ne puisse pas être amélioré s’agissant du champ de compétence et de la représentation des nouveaux professionnels. Nous affinerons ces points au cours des débats parlementaires.

L’expérimentation du tribunal des activités économiques répond à un véritable besoin. Or vous ne proposez, avec ces amendements de suppression, aucune solution de remplacement. C’est la raison pour laquelle, vous le comprendrez, j’y suis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. En complément des explications de Mme la rapporteure et de M. le garde des sceaux, je tiens à rassurer pleinement certains de nos collègues.

La création du tribunal des activités économiques ne tombe pas du ciel. Au contraire, elle procède d’une réflexion de longue date. Comme l’a précisé M. le garde des sceaux précédemment, mon collègue François Bonhomme et moi-même avons mené une mission d’information sur les outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l’aune de la crise de la covid-19. Nous avons rendu notre rapport d’information en mai 2021, après avoir auditionné nombre d’acteurs du monde judiciaire.

À l’issue de ces auditions, nous avons émis un certain nombre de préconisations, dont la création de ce tribunal des activités économiques. Ainsi, ce tribunal n’est véritablement pas quelque chose qui tombe spontanément du ciel ; il a fait l’objet d’une étude très importante et très sérieuse.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. J’examine avec intérêt cette proposition du Gouvernement, qui est soutenue par les rapporteures. Comme notre collègue Thani Mohamed Soilihi vient de le rappeler, cette proposition est issue des travaux d’une mission d’information que ce dernier a conduite avec François Bonhomme.

Monsieur le garde des sceaux, l’expérimentation est un exercice que nous apprécions toujours au Sénat, parce qu’il permet d’oser en toute sécurité.

En revanche, je m’interroge sur les conditions de l’évaluation de l’expérimentation. Les expérimentations sont très souvent généralisées alors même que personne n’a vu le temps passer ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie marque son approbation.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59 rectifié, 97 rectifié bis et 207.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance.

Nous avons examiné 126 amendements au cours de la journée ; il en reste 71.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 6 (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Discussion générale

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 8 juin 2023 :

À dix heures trente, quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 661, 2022-2023) et du projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (procédure accélérée ; texte de la commission n° 662, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 8 juin 2023, à zéro heure cinquante-cinq.)

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de léventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : Mmes Sophie Primas, Dominique Estrosi Sassone, Micheline Jacques, MM. Pierre Louault, Denis Bouad, Jean-Jacques Michau, et Julien Bargeton ;

Suppléants : MM. Serge Babary, Daniel Gremillet, Laurent Duplomb, Mme Sonia de La Provôté, MM. Rémi Cardon, Henri Cabanel et Mme Marie-Noëlle Lienemann.

nomination de membres dune commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission spéciale sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre lintensification et lextension du risque incendie pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre lintensification et lextension du risque incendie a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. Jean Bacci, Olivier Rietmann, Laurent Burgoa, Pascal Martin, Mmes Laurence Harribey, Gisèle Jourda et Patricia Schillinger ;

Suppléants : M. Bruno Belin, Mmes Else Joseph, Anne Ventalon, Anne-Catherine Loisier, M. Hussein Bourgi, Mmes Nathalie Delattre et Marie-Claude Varaillas.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER