Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Article 6

Article 5

Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° L’article L. 121-4 est remplacé par un article L.O. 121-4 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 121-4. – En cas de vacance d’emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats ou lorsque le renforcement temporaire et immédiat des juridictions du premier degré apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable, le premier président peut, par ordonnance, déléguer les présidents de chambre et les conseillers de la cour d’appel et les juges des tribunaux judiciaires pour exercer, avec leur accord, des fonctions judiciaires dans les tribunaux du ressort de la cour d’appel dont le service est assuré par des magistrats du corps judiciaire.

« Un magistrat ne peut être délégué plus de cinq fois sur une même période de douze mois consécutifs. L’ensemble de ces délégations ordonnées sur le fondement du présent article et de l’article L.O. 121-5 ne peut excéder une durée totale de trois mois au cours de la même période.

« Par dérogation à la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, les magistrats délégués en vue d’exercer les fonctions de juge de l’expropriation peuvent l’être pour une durée totale de six mois sur une même période de douze mois consécutifs.

« L’ordonnance mentionnée au premier alinéa précise le motif et la durée de la délégation ainsi que la nature des fonctions qui seront exercées par le magistrat délégué. » ;

2° La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier est complétée par un article L.O. 121-5 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 121-5. – En cas de vacance d’emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats, ou lorsque le renforcement temporaire et immédiat de la cour d’appel apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable, le premier président de la cour d’appel peut, par ordonnance, déléguer les magistrats du siège des tribunaux judiciaires du ressort de cette cour pour exercer, avec leur accord, des fonctions judiciaires à la cour d’appel.

« Un magistrat ne peut être délégué plus de cinq fois sur une période de douze mois consécutifs. L’ensemble de ses délégations ordonnées sur le fondement du présent article et de l’article L.O. 121-4 ne peut excéder une durée totale de trois mois au cours de la même période.

« L’ordonnance mentionnée au premier alinéa précise le motif et la durée de la délégation ainsi que la nature des fonctions qui seront exercées par le magistrat délégué.

« Les magistrats du siège de la cour d’appel sont en majorité. » ;

3° (Supprimé)

4° La section 2 du chapitre II du même titre II est complétée par des articles L.O. 122-5 à L.O. 122-7 ainsi rédigés :

« Art. L.O. 122-5. – En cas de vacance d’emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats ou lorsque le renforcement temporaire et immédiat des juridictions du premier degré apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable, le procureur général peut déléguer, avec son accord, un magistrat du parquet général ou un magistrat du parquet d’un tribunal judiciaire du ressort de la cour d’appel pour remplir les fonctions du ministère public près les tribunaux du ressort de cette cour. Un magistrat ne peut être délégué plus de cinq fois sur une période de douze mois consécutifs. L’ensemble des délégations prises sur le fondement du présent article et de l’article L.O. 122-6 ne peut excéder une durée totale de trois mois sur une période de douze mois consécutifs.

« La décision mentionnée au premier alinéa du présent article précise le motif et la durée de la délégation ainsi que la nature des fonctions qui seront exercées par le magistrat délégué.

« Art. L.O. 122-6. – En cas de vacance d’emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats, ou lorsque le renforcement temporaire et immédiat de la cour d’appel apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable, le procureur général peut déléguer, avec son accord, un magistrat du parquet d’un tribunal judiciaire du ressort de la cour d’appel pour remplir les fonctions du ministère public près cette cour. Un magistrat ne peut être délégué plus de cinq fois sur une période de douze mois consécutifs. L’ensemble des délégations prises sur le fondement de l’article L.O. 122-5 et du présent article ne peut excéder une durée totale de trois mois sur une période de douze mois consécutifs.

« La décision mentionnée au premier alinéa du présent article précise le motif et la durée de la délégation ainsi que la nature des fonctions qui seront exercées par le magistrat délégué.

« Art. L.O. 122-7. – Pour l’organisation du service de fin de semaine ou du service allégé pendant la période au cours de laquelle les magistrats bénéficient de leurs congés annuels, le procureur général peut désigner, après avis des procureurs de la République concernés, un magistrat du parquet d’un tribunal judiciaire de son ressort pour exercer également les compétences du ministère public près d’au plus deux autres tribunaux judiciaires du ressort de la cour d’appel.

« La décision portant désignation en précise le motif et la durée ainsi que les tribunaux pour lesquels elle s’applique. » ;

5° (Supprimé)

6° Après l’article L. 213-10, il est inséré un article L.O. 213-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 213-10-1. – Pour l’organisation du service de fin de semaine ou du service allégé pendant la période au cours de laquelle les magistrats bénéficient de leurs congés annuels, le juge des libertés et de la détention d’un tribunal judiciaire peut être désigné, avec son accord, afin d’exercer concurremment ces fonctions dans, au plus, deux autres tribunaux judiciaires du ressort de la cour d’appel ; cette désignation est décidée par ordonnance du premier président prise à la demande des présidents de ces juridictions et après avis du président du tribunal judiciaire concerné ; elle en précise le motif et la durée, ainsi que les tribunaux pour lesquels elle s’applique ; la durée totale d’exercice concurrent des fonctions de juge des libertés et de la détention dans plusieurs tribunaux judiciaires ne peut excéder quarante jours sur une période de douze mois consécutifs.

« La désignation prévue au premier alinéa peut également être ordonnée, selon les mêmes modalités et pour une durée totale, intermittente ou continue, qui ne peut excéder quarante jours lorsque, pour cause de vacance d’emploi ou d’empêchement, aucun magistrat n’est susceptible, au sein d’une juridiction, d’exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention. » ;

7° Le chapitre IV du titre Ier du livre III est complété par un article L.O. 314-2 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 314-2. – Le procureur général peut déléguer ses fonctions auprès de la chambre d’appel soit à un magistrat du parquet général près la cour d’appel, soit, avec son accord, à un magistrat du parquet du tribunal judiciaire. » ;

8° L’article L. 513-3 est remplacé par un article L.O. 513-3 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 513-3. – En cas de vacance des postes de magistrat au tribunal de première instance, d’absence, d’empêchement ou d’incompatibilité légale, les fonctions de magistrat dans cette juridiction sont exercées par le président du tribunal supérieur d’appel. » ;

9° L’article L. 513-4 est remplacé par un article L.O. 513-4 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 513-4. – I. – Si, pour l’une des causes énoncées à l’article L.O. 513-3, le président du tribunal supérieur d’appel ne peut intervenir, les fonctions de magistrat du tribunal de première instance sont alors assurées par un magistrat du siège désigné, avec son accord, par le premier président de la cour d’appel de Paris.

« Ce magistrat est préalablement inscrit, avec son accord, sur une liste arrêtée au moins une fois chaque année civile par le premier président de la cour d’appel de Paris.

« II. – Lorsque la venue du magistrat assurant le remplacement n’est pas matériellement possible, soit dans les délais prescrits par la loi, soit dans les délais exigés par la nature de l’affaire, l’audience est présidée par ce magistrat depuis un autre point du territoire de la République, ce dernier se trouvant relié, en direct, à la salle d’audience, par un moyen de communication audiovisuelle.

« Les modalités d’application du premier alinéa du présent II sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

10° L’article L. 513-7 est remplacé par un article L.O. 513-7 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 513-7. – En cas de vacance du poste, d’absence, d’empêchement ou d’incompatibilité légale, les fonctions de président du tribunal supérieur d’appel sont exercées par le président du tribunal de première instance ou, à défaut, par un juge de ce tribunal, avec l’accord de ce dernier. » ;

11° L’article L. 513-8 est remplacé par un article L.O. 513-8 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 513-8. – I. – Si, pour l’une des causes énoncées à l’article L.O. 513-7, aucun magistrat du siège du tribunal de première instance ne peut remplacer le président du tribunal supérieur d’appel, ses fonctions sont assurées par un magistrat du siège désigné avec son accord par le premier président de la cour d’appel de Paris.

« Ce magistrat est préalablement inscrit, avec son accord, sur une liste arrêtée au moins une fois chaque année civile par le premier président de la cour d’appel de Paris.

« II. – Lorsque la venue du magistrat assurant le remplacement n’est pas matériellement possible, soit dans les délais prescrits par la loi, soit dans les délais exigés par la nature de l’affaire, l’audience est présidée par le magistrat depuis un autre point du territoire de la République, ce dernier se trouvant relié, en direct, à la salle d’audience, par un moyen de communication audiovisuelle.

« Lorsque l’audience est collégiale, par dérogation à l’article L. 513-6, la formation de jugement est composée de magistrats, figurant sur la liste prévue au I du présent article, reliés à la salle d’audience selon le même procédé.

« Les modalités d’application du premier alinéa du présent II sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

12° L’article L. 532-17 est remplacé par un article L.O. 532-17 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 532-17. – I. – En cas de vacance de poste du président du tribunal de première instance, d’absence, d’empêchement ou d’incompatibilité légale, les fonctions de ce magistrat sont exercées par un magistrat du siège désigné, avec son accord, par le premier président de la cour d’appel.

« Ce magistrat est préalablement inscrit, avec son accord, sur une liste arrêtée au moins une fois chaque année civile par le premier président de la cour d’appel.

« II. – Lorsque la venue du magistrat assurant le remplacement n’est pas matériellement possible soit dans les délais prescrits par la loi, soit dans les délais exigés par la nature de l’affaire, l’audience est présidée par ce magistrat depuis un autre point du territoire de la République, ce dernier se trouvant relié directement à la salle d’audience par un moyen de communication audiovisuelle.

« Les modalités d’application du premier alinéa du présent II sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

13° L’article L. 532-18 est remplacé par un article L.O. 532-18 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 532-18. – En cas d’empêchement, le procureur de la République est remplacé par un magistrat du parquet appartenant au ressort de la cour d’appel et désigné, avec son accord, par le procureur général. » ;

14° (Supprimé)

15° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre V du livre V est complétée par un article L.O. 552-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 552-9-1. – En cas d’absence ou d’empêchement, le procureur de la République est suppléé avec son accord par un magistrat du parquet général ou un magistrat du parquet du tribunal de première instance désigné par le procureur général.

« En cas d’absence ou d’empêchement du magistrat ainsi désigné, le procureur de la République est remplacé par le magistrat du parquet du tribunal de première instance le plus ancien dans le grade le plus élevé. » ;

16° (Supprimé)

17° La section 1 du chapitre II du titre VI du même livre V est complétée par un article L.O. 562-24-2 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 562-24-2. – En cas d’absence ou d’empêchement, le procureur de la République est suppléé par un magistrat du parquet général, avec son accord, ou un magistrat du parquet du tribunal de première instance désigné par le procureur général.

« En cas d’absence ou d’empêchement du magistrat ainsi désigné, le procureur de la République est remplacé par le magistrat du parquet du tribunal de première instance le plus ancien dans le grade le plus élevé. » ;

18° (Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 17, présenté par Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Sueur, Bourgi, Durain, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I.- Alinéas 3 et 14

Remplacer les mots :

En cas de vacance d’emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats ou lorsque

par le mot :

Lorsque

II.- Alinéas 8 et 16

Remplacer les mots :

En cas de vacance d’emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats, ou lorsque

par le mot :

Lorsque

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est également défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 70, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Au début, remplacer les mots :

En cas de vacance d’emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats, ou lorsque

par le mot :

Lorsque

II. – Alinéa 14, deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

III. – Alinéa 16

1° Au début, remplacer les mots :

En cas de vacance d’emploi ou d’empêchement d’un ou plusieurs magistrats, ou lorsque

par le mot :

Lorsque

2° Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je souhaite revenir sur certaines modifications introduites en commission et ayant trait aux mécanismes de délégation.

En premier lieu, je suis défavorable à l’élargissement des conditions de délégation au profit des cours d’appel, qui ne me semble pas répondre aux besoins des juridictions. Je souhaite privilégier la première instance, à laquelle le rapport Sauvé consacre de très nombreuses lignes. Il s’agit d’éviter de la dévitaliser tout en s’efforçant de concilier tous les impératifs.

En outre, la procédure d’appel est très spécifique, peu compatible avec l’immédiateté et le temps court d’une délégation en cas de vacance d’emploi ou d’empêchement. La même logique vaut pour la fréquence de délégation des magistrats du parquet.

Ces dispositifs existent depuis plusieurs dizaines d’années et ne posent strictement aucune difficulté. Cet amendement vise donc à rétablir la rédaction d’équilibre antérieure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Contrairement à ce qui est indiqué dans son objet, l’amendement n° 17 présenté par Mme de La Gontrie vise non pas à gérer la pénurie, mais à pallier d’éventuelles tensions dans certaines juridictions, à l’échelle du ressort d’une cour d’appel. (M. le garde des sceaux acquiesce.)

Nous sommes opposés au déploiement ponctuel de magistrats venus de Paris ou d’Aix-en-Provence afin de gérer la pénurie.

En l’espèce, il s’agit avant tout d’une faculté de gestion à l’échelle des cours d’appel, qui devront disposer d’effectifs suffisants – nous comptons sur les 5 500 nouveaux magistrats.

Nous sommes par ailleurs favorables à une logique de déconcentration, à laquelle je suis particulièrement attachée, plus forte et laissée à la main des chefs de cour qui seront la future clef de voûte de l’organisation déconcentrée de la justice en France.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne l’amendement n° 70, la rédaction de la commission nous paraît plus pertinente que celle du Gouvernement en ce qu’elle prévoit un équilibre différent et ouvre plus largement les possibilités de délégation à des chefs de cour dotés de moyens de gestion des ressources humaines renforcés.

Si ces dispositifs de délégation n’ont pas vocation à constituer des mesures de gestion, il apparaît toutefois urgent d’en créer.

En effet, plusieurs des chefs de cour que nous avons auditionnés ont déploré l’extrême minceur des leviers de gestion des ressources humaines qui leur sont alloués, toujours dans cette logique de déconcentration.

Si le Gouvernement souhaite évaluer les capacités à diriger des chefs de cour afin de valoriser les fonctions d’encadrement, il importe d’accorder à ces derniers des moyens suffisants.

Par conséquent, la commission est défavorable à l’amendement n° 70.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 17 ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 70.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Sueur, Bourgi, Durain, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 3, 8, 14 et 16

Remplacer les mots :

pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable

par les mots :

en raison d’un délai de traitement du contentieux particulièrement dégradé

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 75, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Rétablir le 5° dans la rédaction suivante :

5° Après le chapitre IV du titre II du livre Ier, il est inséré un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Dispositions particulières aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution et à la collectivité de Corse

« Art. L.O. 125-1. – Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, lorsque les dispositifs de délégation, suppléance et remplacement prévus par le présent code ne sont pas applicables dans la collectivité concernée, ou lorsque leur application n’est pas de nature à assurer la continuité du service de la justice et le renforcement temporaire et immédiat d’une juridiction d’outre-mer ou de Corse, et à la demande du premier président ou du procureur général d’une cour d’appel située en outre-mer ou en Corse, un ou plusieurs magistrats du siège ou du parquet du ressort des cours d’appel de Paris et d’Aix-en-Provence, respectivement désignés, avec leur accord, par les premiers présidents s’agissant des magistrats du siège, ou les procureurs généraux près lesdites cours s’agissant des magistrats du parquet, peuvent compléter les effectifs de la juridiction d’outre-mer ou de Corse pendant une période ne pouvant excéder trois mois.

« Ces magistrats sont préalablement inscrits, avec leur accord, sur une liste arrêtée au moins une fois chaque année civile par leurs chefs de cour.

« L’ensemble des délégations d’un magistrat prises sur le fondement du présent article et des articles L.O. 121-4 et L.O. 121-4-1 pour un magistrat du siège et L.O. 122-5 et L.O. 122-6 pour un magistrat du parquet ne peut excéder une durée totale de trois mois sur une période de douze mois consécutifs.

« La décision de délégation précise son motif et sa durée ainsi que la nature des fonctions qui seront exercées par le magistrat délégué.

« Lorsque la venue du ou des magistrats ainsi désignés n’est pas matériellement possible soit dans les délais prescrits par la loi ou le règlement, soit dans les délais exigés par la nature de l’affaire, les magistrats participent à l’audience et au délibéré du tribunal depuis un point du territoire de la République relié, en direct, à la salle d’audience, par un moyen de communication audiovisuelle.

« Les modalités d’application du cinquième alinéa du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je tiens beaucoup à cet amendement, qui porte sur ce que l’on appelle les brigades d’urgence, déployées en cas de crise.

De quoi s’agit-il ? Il est demandé à des magistrats et à des greffiers déjà en poste d’accepter de se rendre dans des territoires parfois qualifiés de peu attractifs, Mayotte et Cayenne, pour une période de six mois et un jour – ce jour correspond à des avantages fiscaux.

Cet appel d’offres, si je puis dire, a été lancé et nous avons très rapidement obtenu d’innombrables réponses, bien davantage que nos besoins en magistrats pour composer lesdites brigades.

Les magistrats et greffiers retenus sont déjà partis à Mayotte et à Cayenne et nous disposons d’un retour d’expérience extrêmement positif.

Puisque nous agissions hors texte, nous avions demandé au Conseil supérieur de la magistrature l’autorisation de mettre tout cela en œuvre, lequel a bien évidemment accepté.

Ces brigades de renfort destinées à Mayotte et à Cayenne, mises en place depuis février 2023, ont donné d’excellents résultats.

Sur place, les avis sont unanimes. Alors que le tribunal de Mamoudzou à Mayotte s’enfonçait dans la crise, nous avons paré au plus pressé grâce à ces brigades de renfort. Les chefs de cour et de juridiction nous ont indiqué que ces juridictions avaient retrouvé un fonctionnement quasi normal.

Le mécanisme proposé est quelque peu différent, mais il aboutit au même résultat : renforcer rapidement les juridictions en grande difficulté.

Les juridictions d’outre-mer et de Corse attendent ce dispositif d’organisation judiciaire, qui est non pas une mesure de gestion des ressources humaines, mais bien un système ponctuel visant à éviter une crise.

J’y insiste, il s’agit d’un dispositif récent et dont les retours d’expérience démontrent qu’il a fonctionné. Dès lors, pourquoi se priver d’un tel outil ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous comprenons bien les enjeux, monsieur le garde des sceaux. Néanmoins, il nous semble essentiel de rendre les fonctions de magistrats plus attractives dans ces territoires.

Les contrats de mobilité constituent déjà une première réponse, mais il est nécessaire d’aller plus loin. Il faut recruter des magistrats et leur donner les moyens de faire face à cette surcharge de travail.

Depuis 2019, le Sénat s’est toujours opposé à ces mesures de gestion temporaires. Nous faisons preuve de constance : avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Lorsque le garde des sceaux a annoncé la création de ces brigades, j’étais également sceptique.

Je suis ces sujets de près. Dans nos territoires en difficulté, si de surcroît la justice dysfonctionne, la population perd confiance. Or, comme vient de la souligner le garde des sceaux, la satisfaction est totale et unanime.

Les auxiliaires de justice, avocats et huissiers, avec lesquels je suis régulièrement en contact, étaient d’abord circonspects. Mais force est de constater que ces brigades ponctuelles viennent soulager les tribunaux en écumant les énormes retards existants.

Certes, ce n’est pas une solution pérenne, je suis le premier à le reconnaître, mais cet apport ponctuel est utile. Tant que nos territoires ne seront pas attractifs, nous aurons besoin de ces brigades.

Je comprends les réticences légitimes de Mmes les rapporteurs, mais ce dispositif, qui n’a pas vocation à être pérennisé, fonctionne et nous en avons besoin. J’insiste donc pour que nous adoptions cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’entends ce que vous dites, madame le rapporteur. Selon vous, il faut régler la question au fond et ce dispositif ne serait guère plus qu’un emplâtre sur une jambe de bois.

Or ce n’est pas du tout le cas : les brigades règlent l’urgence, la crise. On les réunit et on les envoie très rapidement, pour une durée de six mois.

Ce dispositif n’est pas en contradiction avec vos propos sur la nécessité d’améliorer l’attractivité. Celle-ci progresse via la rémunération et le système de mobilité que nous mettons en place et que vous avez évoqué.

Pardon de le dire, mais à Mamoudzou, il y a beaucoup d’insécurité et pas une salle de spectacle. C’est terriblement difficile, il faut avoir envie d’y aller. Nous avons ainsi mis en place des billets d’avion pour permettre aux plus jeunes magistrats de se rendre de temps en temps sur l’île de la Réunion pour y passer un week-end « normal ».

En matière de mobilité, nous garantissons à ceux qui acceptent d’aller là-bas, une fois leur mission terminée, un poste qu’ils auront choisi à l’avance.

Les brigades ne sont donc pas en contradiction avec nos actions pour favoriser l’attractivité. Il s’agit ici d’une notion de crise et d’urgence. Tout l’écosystème s’est félicité de ce dispositif. Au-delà de ce qui nous oppose, de nos visions qui peuvent être divergentes, et c’est bien le moins dans une grande démocratie et dans un débat parlementaire, les brigades d’urgence fonctionnent.

Pour autant, il ne s’agit pas de ne plus toucher à rien et de dire que les questions d’attractivité sont réglées. Pas du tout ! C’est un plus.

M. Mohamed Soilihi sait l’efficacité et l’efficience de ces brigades d’urgence qui ont été à l’œuvre à Mayotte, où l’on en avait tellement besoin !

Ne nous privons pas de ce dispositif, qui n’a pas vocation à boucher les trous. En situation d’urgence, les brigades peuvent être composées rapidement et présentent une véritable utilité. C’est un outil nouveau, destiné à faire face à une situation de grande crise, et auquel je suis fondamentalement attaché.