Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. « Notre combat contre le cancer est juste ; notre combat pour les personnes atteintes du cancer est éminemment juste. » Dans ces mots du président d’honneur de la Ligue contre le cancer, le très regretté professeur Axel Kahn, transparaît ce qui nous rassemble et nous anime : nous engager, nous investir et innover, pour avancer chaque jour dans l’amélioration des connaissances scientifiques en oncologie, qui permettent de toujours mieux traiter et mieux accompagner les patients souffrant d’un cancer.
Je sais que c’est l’objectif qui a présidé à l’élaboration de cette proposition de loi. Et je tiens à saluer l’engagement qui est le vôtre, madame la rapporteure, en tant que représentante politique et en tant que médecin, pour faire avancer cette cause importante, ainsi que le vôtre, madame Sonia de La Provôté, qui l’avez rappelé dans votre préambule.
La cause est importante et nous concerne tous. Près de 4 millions de nos concitoyens vivent aujourd’hui, à différents degrés, avec le cancer.
Derrière les diagnostics, toujours difficiles, il y a des individus qui se battent. Il y a des vies, des familles et des projets que l’on peut reconstruire.
Oui, le cancer tue ; le cancer laisse souvent des fardeaux de séquelles. Mais, aujourd’hui, grâce aux progrès de la science, on peut guérir du cancer. Grâce aux avancées de la médecine, les traitements sont de plus en plus ambulatoires, de moins en moins aliénants et plus faciles à supporter : on vit mieux avec le cancer.
Dépistage, prévention, prises en charge innovantes, nouvelles thérapies… sont autant d’armes contre le cancer, qui font que les chances de guérison des malades progressent de jour en jour.
Au XXIe siècle, nous touchons réellement et résolument du doigt l’espoir de vaincre cette maladie.
À la racine de tous ces progrès, de tous ces espoirs et de toutes ces avancées, il y a toujours la recherche scientifique, notamment la collecte et l’analyse de données, qui nous permettent de progresser, chaque jour, dans l’évaluation des facteurs de risque du cancer ou dans la classification des tumeurs.
En effet, que ce soit en épidémiologie, bio-informatique ou biostatistique, la data est une clé majeure pour mieux comprendre les différents cancers et leurs spécificités. En effet, le terme « cancer » recouvre plus d’une centaine de maladies différentes, sans compter un grand nombre de sous-catégories.
Aussi, c’est une priorité forte du ministère de la santé et de la prévention que de se donner les moyens d’observer et de suivre, de manière exhaustive et approfondie, la prévalence, les déterminants et les évolutions des cancers, pour agir de la manière la plus anticipée et la plus ciblée possible sur la maladie.
En matière de données de santé, il faut souligner combien notre pays est avancé et dispose d’atouts considérables.
Notre SNDS, en particulier, est un ensemble unique au monde par sa richesse et son exhaustivité. Il est composé de toute la base médico-administrative de l’assurance maladie, mais aussi du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), ainsi que du registre des causes de décès.
Le cancer est une maladie qui nécessite un suivi et des soins coûteux prolongés. À ce titre, tous les patients atteints sont naturellement, de droit et automatiquement, considérés comme relevant du régime de l’affection de longue durée (ALD), qui leur permet de bénéficier de soins pris en charge à 100 % par l’assurance maladie.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, les données relatives au traitement de chacun des patients pris en charge en France pour un cancer sont déjà répertoriées dans notre système national des données de santé.
Et c’est sans compter la multiplicité des initiatives complémentaires. Je pense aux registres spécialisés, pour les cancers digestifs ou les cancers pédiatriques, par exemple, ou encore à l’Onco Data Hub, piloté par Unicancer.
La mise en place de Mon espace santé, le carnet de santé numérique, créé pour déjà plus de 60 millions de nos concitoyens, ouvre également de nouvelles perspectives pour une vision, qualitative et quantitative, toujours plus exhaustive de l’état de santé de la population et de son évolution, en particulier concernant le cancer.
Vous le voyez, la croissance des données émises, stockées, utilisées et échangées chaque jour par les établissements, administrations, laboratoires et professionnels de santé est exponentielle.
C’est pourquoi, aujourd’hui, le débat n’est pas tant de constituer une base de données nationale des cancers, qui, je le répète, existe, et s’enrichit en temps réel. L’enjeu est de mettre cette ressource précieuse au service des progrès de la recherche et de répondre au défi d’avenir que constitue le traitement algorithmique des données de santé.
C’est tout l’objet de la mise en place, depuis 2019, de la Plateforme des données de santé. Cette infrastructure numérique innovante nous permet de faciliter le partage et, surtout, l’analyse croisée des données de santé, issues de sources variées, et, en premier lieu, de la base anonymisée du SNDS.
La dynamique actuelle de déploiement d’entrepôts de données de santé hospitalières vient soutenir cette démarche. Avec 40 millions d’euros de financements dédiés, issus de la stratégie d’accélération de la santé numérique du plan France 2030, six projets ont déjà été sélectionnés. Ces lauréats, pleins de potentiel, constituent la première pierre d’un vaste réseau national interopérable de production partagée et de partage fluide de données hospitalières que nous voulons, à terme, constituer.
Ces données hospitalières sont particulièrement profitables à la recherche en oncologie. Elles viennent utilement compléter les informations administratives de l’assurance maladie d’informations cliniques de « vie réelle ».
Ces données de « vie réelle » sont les plus utiles, les plus pertinentes et les plus intéressantes.
C’est pourquoi nous continuons de resserrer le maillage des hôpitaux équipés pour le traitement de leurs données. La seconde vague de l’appel à projets d’entrepôts hospitaliers a ainsi bénéficié d’une enveloppe supplémentaire de 25 millions d’euros.
Il faut bien garder en tête que la valeur de toutes ces données de santé n’est pas intrinsèque.
La valeur de la donnée est définie par son utilisation, et non par sa nature, par le service rendu pour l’utilisateur, et les progrès qu’elle permet.
Elle est proportionnelle à la connaissance intégrée et se détermine par le niveau de partage, la qualité et la quantité des échanges et des connexions qu’il est possible d’établir entre les différentes sources de données.
Ainsi, il s’agit tout autant d’explorer toutes les possibilités d’usage et de valorisation de ces données que de développer encore de nouveaux outils technologiques qui auront la capacité de décupler leurs facultés, par exemple en observant différentes échelles simultanément et en multipliant les croisements d’informations.
C’est ce à quoi s’attachent aujourd’hui nos organismes spécialisés dans la lutte contre le cancer, comme l’INCa, institution à laquelle je veux rendre hommage et dont je salue l’expertise sanitaire et scientifique des membres.
C’est également l’un des objectifs majeurs poursuivis lorsque nous déployons des efforts inédits pour mettre en place et développer dans notre pays les structures de pointe que sont les instituts hospitalo-universitaires (IHU) et les bioclusters.
Le premier biocluster, inauguré au mois de février dernier, le Paris-Saclay Cancer Cluster, est d’ailleurs centré autour de l’enjeu qui nous préoccupe aujourd’hui, comme le reflet de l’importance prioritaire que le Gouvernement attache à cette question.
Je voudrais aussi mentionner combien il est important, pour avancer dans la connaissance du cancer, d’adopter une vision globale.
Les données concernant la maladie doivent être croisées entre elles, mais aussi mises en perspective avec toute la richesse qu’offre notre système national, et même au-delà.
La recherche contre le cancer ne pourra que bénéficier d’un meilleur partage international des informations administratives, cliniques et statistiques.
Sur cette question aussi, la France fait figure de leader. La présence du Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à Lyon, où sont mises à disposition des chercheurs les bases de données mondiales de référence en oncologie, nous permet d’enrichir encore notre panel scientifique en la matière.
Vous l’aurez compris, si je soutiens tout à fait la démarche transpartisane à l’origine du texte que nous examinons, il me semble bel et bien qu’en 2023, l’heure n’est plus à la constitution de registres !
Nous disposons aujourd’hui d’une ressource formidable, exhaustive et immense en matière de données de santé, et particulièrement en oncologie. Le défi du XXIe siècle est, je le crois, de concentrer nos efforts à en explorer les possibilités.
J’entends néanmoins vos arguments, qui témoignent de l’importance que vous accordez à cet enjeu prioritaire.
C’est pourquoi, malgré les réserves exprimées sur l’opérationnalité de la mesure et, surtout, conscient que la lutte contre le cancer doit mobiliser les énergies et les bonnes volontés, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat sur cette proposition de loi, en soulignant que, si la navette devait se poursuivre, le texte nécessitera encore un travail collectif soutenu.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duffourg. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Alain Duffourg. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de ma collègue du groupe Union Centriste Sonia de la Provôté, qui vise à mettre en place un registre national général des cancers, géré par l’Institut national du cancer.
Cette proposition de loi a été cosignée par la quasi-totalité des membres de notre groupe et, au-delà, par une centaine de membres de la Haute Assemblée au total, ce qui démontre l’intérêt et la pertinence de ce texte.
Cela a été souligné, mais je tiens à le rappeler : le cancer est la première cause de mortalité pour les hommes et la deuxième pour les femmes. Le nombre de décès dus au cancer est estimé à plus de 150 000 par an. La lutte contre cette maladie apparaît donc comme une priorité, et ce registre national des cancers comme un outil essentiel en cancérologie.
La création de ce registre national fait consensus sur son utilité et sa pertinence, mais quelques réserves ont été émises quant à son coût financier par l’Institut national du cancer, qui sera chargé de sa gestion. Or il nous semble que le coût généré représentera, sur le long terme, une économie d’échelle et un investissement pour la recherche et la prévention.
L’Académie nationale de médecine préconise de garantir la pérennité de son financement en optimisant l’utilisation des finances publiques et en mobilisant des fonds dédiés au programme national du numérique en santé.
Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre sur le sujet ? Pouvez-vous rassurer l’INCa en garantissant que, si cette proposition de loi devenait loi, une augmentation de ses crédits serait prévue en projet de loi de finances ?
Selon le Panorama des cancers en France de l’INCa, la prise en charge actuelle des cancers s’élève, en 2020, à 5,9 milliards d’euros de dépenses hospitalières, liées au diagnostic, au traitement ou au suivi des personnes malades.
Un registre national serait un outil déterminant au service d’une priorité majeure pour la santé publique : une véritable politique de prévention d’une maladie dont l’incidence a augmenté, en trente ans, de 65 % chez les hommes et de 93 % chez les femmes.
Il existe actuellement 33 registres, 19 registres généraux, couvrant 24 départements, et 14 registres spécialisés dans des cancers localisés dans des organes spécifiques. Au total, ils ne couvrent que 22 % de la population française. C’est donc par extrapolation que les données sont établies.
Madame la ministre, vous ne me contredirez pas si je dis que le corps humain n’est pas une formule mathématique. Ce sont bien les effets de l’environnement et les mutations induites qui nous ont fait passer de Luca, dernier ancêtre commun universel, à Homo sapiens. En matière de santé, chaque individu possède des spécificités et nos territoires nous exposent de manière différente. La recherche en santé ne peut donc pas se satisfaire de l’extrapolation et de l’intelligence artificielle.
D’ailleurs, notre rapporteur, que je salue, a souligné la sous-exploitation du potentiel des registres : le panorama fourni par leurs données est une estimation, et non une cartographie précise, la population couverte présentant, de plus, quelques biais et lacunes. Élargir la couverture du territoire est donc une nécessité, et la création d’un registre général à l’échelon national y contribuerait.
Cette proposition de loi répond à une forte demande, exprimée par de nombreuses institutions depuis plusieurs années.
Ainsi, les commissions d’enquête sénatoriales sur les risques industriels et sur la pollution des sols, en 2020, ont formulé des conclusions en ce sens.
L’Igas a souligné, la même année, que des données à échelle géographique plus fine sont nécessaires, particulièrement lors de repérages de clusters à des fins de recherche et de santé publique.
L’Académie nationale de médecine, dans son rapport de 2021, appelle à la création d’un registre national des cancers, afin de collecter les données épidémiologiques et d’assurer progressivement un enregistrement national des cancers géographiquement représentatif.
L’objet de ce registre national serait, sur la base des registres existants, de centraliser les données et de recenser les cas de cancers de façon exhaustive sur l’ensemble du territoire national, mais aussi de constituer un outil de veille sanitaire et d’alerte épidémiologique. L’INCa en serait l’hébergeur et le gestionnaire administratif, et le réseau Francim des registres des cancers pourrait assurer les aspects techniques et scientifiques, l’évaluation des données et leur analyse.
Cette initiative s’inscrit dans un mouvement européen de création et d’harmonisation des registres des cancers, la couverture de l’ensemble de la population étant déjà disponible dans 22 pays européens ; le retard actuel de notre pays serait ainsi comblé.
Cela permettrait également que la France rejoigne le Réseau européen des registres des cancers, qui vise à créer une base pour la surveillance de l’incidence du cancer et de la mortalité par cancer dans l’Union européenne.
Cette base de données à l’échelle de l’Europe constitue une source précieuse, pouvant être exploitée à des fins de recherche, sur la base d’un protocole établi par les équipes scientifiques et validé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Le champ des recherches est vaste : l’épidémiologie, les facteurs de risques éventuels, la qualité des soins, l’efficacité des traitements, les conséquences environnementales sur les cancers, dont l’importance croissante mérite une veille accrue. Il comprend également l’évaluation de déterminants géographiques et sociaux, qui pourraient être à l’origine de politiques et d’actions de réduction des inégalités en matière de santé que nous connaissons à l’heure actuelle.
Notre groupe a choisi d’inscrire à l’ordre du jour qui lui est réservé cette proposition de loi en raison de sa contribution décisive à l’intérêt général et à la santé publique. L’ensemble des membres du groupe Union Centriste voteront évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le cancer est une réalité à laquelle nous sommes tous confrontés, directement ou indirectement, à travers nos familles ou nos proches. Il ne connaît ni frontières ni préférences. Il frappe sans discernement, quels que soient notre âge, notre sexe ou notre origine.
Selon les données de l’OMS, le cancer est l’une des principales causes de décès dans le monde, avec des millions de nouveaux cas diagnostiqués chaque année.
En France, avec 382 000 nouveaux cas et 157 000 décès annuels, le cancer est la première cause de mortalité chez l’homme et la deuxième chez la femme.
Ces chiffres sont alarmants, mais ils ne doivent pas nous décourager. Au contraire, ils doivent nous inciter à agir et à développer des stratégies, afin de lutter contre cette terrible maladie.
C’est pourquoi le RDSE salue l’initiative de notre collègue, le docteur Sonia de La Provôté, ainsi que le travail de notre rapporteure, Nadia Sollogoub. Le texte que nous examinons aujourd’hui entend en effet donner les outils nécessaires pour mettre en place des stratégies plus efficaces de prévention, de dépistage et de diagnostic.
La surveillance épidémiologique des pathologies cancéreuses repose sur l’enregistrement et le suivi continu et exhaustif des nouveaux cas de cancer grâce aux registres qui ont été créés progressivement depuis les années 1970. Mais la couverture du territoire reste partielle, puisque l’on ne dénombre que 33 registres et que les registres généraux non spécialisés ne couvrent que 22 % de la population française.
La mise en place d’un registre national est une demande récurrente depuis plusieurs années. Le Conseil scientifique international estimait en 2020 que l’INCa devrait jouer « un rôle de leader dans la création de ressources nationales pour le partage et l’intégration des données, le soutien et la recherche en matière de nouvelles initiatives thématiques. » Plus récemment, l’Académie nationale de médecine a appelé à la création d’un registre national des cancers, afin d’accélérer les remontées d’informations nécessaires à l’exercice d’une mission de surveillance sanitaire élargie.
La mise en place d’un tel outil marquerait par ailleurs une étape importante en vue d’une prochaine harmonisation européenne. Rappelons qu’un nombre croissant de nos voisins, tels que l’Allemagne, le Royaume-Uni ou encore la Suède, se sont dotés de registres ayant une couverture nationale.
Mes chers collègues, je le répète, la centralisation des données relatives aux cancers sur l’ensemble du territoire national est nécessaire pour améliorer la prévention et le dépistage, dont le rôle est essentiel pour lutter contre cette maladie et sauver des vies.
Une étude lancée au mois de février 2021, l’étude Cascade, dont l’objectif est de dépister le cancer du poumon grâce à un scanner à faible dose, chez les femmes, en France, vient de livrer ses premiers résultats : une participante sur trente a été dépistée positive. Il en ressort qu’à consommation de tabac égale, les femmes seraient plus exposées que les hommes au risque de développer cette maladie. Alors qu’il baisse nettement chez les hommes, le cancer du poumon continue de monter de façon exponentielle chez la femme et tend à devenir la première cause de mortalité par cancer, devant celui du sein.
Cette étude relance l’idée d’un dépistage systématique des fumeurs. Souvent diagnostiqué à un stade tardif, le cancer du poumon est l’un des cancers de plus mauvais pronostic et celui qui occasionne le plus de décès. Un dépistage organisé permettrait d’agir de manière proactive et de détecter les cas de cancer du poumon à un stade précoce lorsque les chances de guérison sont les plus élevées.
Pour toutes les raisons que je viens de développer, le RDSE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec 380 000 nouveaux cas diagnostiqués par an, le cancer reste la première cause de mortalité prématurée en France. C’est un ennemi à combattre !
Depuis les années 1970, il existe des registres généraux ou spécialisés qui permettent une surveillance épidémiologique des cancers.
Pour rappel, un registre est une structure qui réalise « un recueil continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées ».
Les registres des cancers sont un dispositif indispensable à la surveillance des cancers, mais aussi à l’observation et à l’évaluation de leur prise en charge.
Ils permettent de connaître, globalement et selon les organes concernés, le nombre et le taux de cancers, la durée de survie, et l’évolution de ces paramètres dans le temps. Les données populationnelles recueillies dans ces registres contribuent à l’orientation, au suivi et à l’évaluation des politiques de santé publique dans le domaine de la lutte contre les cancers. Elles participent également aux actions préventives et curatives, ainsi qu’à la recherche.
Ces registres sont nécessaires au suivi épidémiologique et à la programmation des besoins en structures de soins.
Il est vrai que la couverture des registres de cancers permet déjà de disposer de chiffres robustes. Le dispositif national s’appuie sur les données de 33 registres, qui couvrent environ 22 % de la population française métropolitaine et trois départements et régions d’outre-mer. Pour les enfants, le registre national des cancers de l’enfant est exhaustif sur l’ensemble du territoire national depuis 2011.
La surveillance des cancers repose actuellement sur un dispositif qui est piloté par l’Institut national du cancer et Santé publique France, en partenariat avec les registres des cancers fédérés au sein du réseau Francim et le service de biostatistique et bio-informatique des Hospices civils de Lyon.
Ce partenariat prévoit la publication d’estimations nationales d’incidence et de survie tous les cinq ans.
La collecte des données épidémiologiques du cancer en France a fait de réels progrès grâce aux efforts des registres régionaux et départementaux.
Cependant, la couverture du territoire reste partielle, et il existe une hétérogénéité des structures et des modalités de recueil des données. De plus, les difficultés financières sont réelles et le rendu des données est lent, avec la production d’un rapport tous les cinq ans seulement.
La récupération de données est, en effet, complexe. Elle demande du temps et un financement non négligeable. L’enregistrement des données doit être exhaustif et précis, et l’utilisation de celles-ci doit respecter la loi Informatique et libertés, avec notamment une obligation de sécurité.
Il ne faudrait pas que la complexité du recueil et du traitement des données au niveau national constitue un obstacle dirimant à la mise en place d’un registre national des cancers.
Malgré l’évidente utilité des registres existants, le dispositif présente certaines limites, qui nous interrogent sur l’efficience du modèle actuel, notamment l’exhaustivité du recueil des données et leur financement.
Par ailleurs, l’absence d’une stratégie nationale et d’une coordination entre les registres fragilise l’utilisation de ces données, avec la production d’un rapport tous les cinq ans seulement.
C’est pourquoi je suis favorable à la création d’un registre national des cancers.
De nombreux pays, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, réalisent déjà des compilations à l’échelle nationale, ce qui leur permet de mieux comprendre et prendre en charge les cancers.
Dès 1995, l’Allemagne a légiféré sur l’obligation, pour les seize états fédérés, de mettre en place des registres épidémiologiques des cancers, afin de bénéficier d’un registre national. Ces registres contiennent des données importantes, du diagnostic à l’issue de la maladie, en passant par les traitements et les récidives.
Je tiens à souligner que la création du registre national s’est accompagnée de financements importants. Le budget alloué à la mise en place des registres cliniques des cancers est de 7,2 millions d’euros. Il est financé par la ligue allemande contre le cancer. Les frais courants des registres s’élèvent à 140 euros par cas et sont pris en charge à 90 % par les caisses d’assurance maladie et à 10 % par les Länder. Le coût d’un registre est donc important.
En France, pour les registres des cancers, qui couvrent environ 20 % de la population, 8 millions d’euros sont dépensés chaque année pour le seul recueil des cas, auxquels viennent s’ajouter les coûts d’exploitation des données et des études portant sur ces données.
La création d’un registre national des cancers doit donc impérativement être accompagnée d’un financement à la hauteur des enjeux de santé publique qu’il représente. Nous attendons du Gouvernement qu’il s’engage à la soutenir financièrement.
Par ailleurs, ce registre national pourrait être articulé avec d’autres sources de données, par exemple des données d’exposition, ce qui pourrait permettre l’identification d’associations entre exposition et survenue de cancer. À titre d’exemple, la Suède a ainsi pu établir très tôt un lien entre le tabagisme au cours de la grossesse et le cancer de l’enfant.
Le registre national des cancers permettra de couvrir l’ensemble du territoire et de procéder à l’enregistrement continu de toutes les données permettant la production d’un rapport annuel.
Pour conclure, je tiens à saluer l’initiative de notre collègue, le docteur Sonia de La Provôté, qui est l’origine de la proposition de loi. Je remercie également Nadia Sollogoub de son rapport.
Ce texte ajoute aux missions de l’INCa la « mise en œuvre d’un registre national des cancers », qui centralisera les données relatives aux cancers sur l’ensemble du territoire national, afin d’améliorer la prévention, le dépistage, le diagnostic et la prise en charge thérapeutique des malades du cancer, mais aussi de constituer un outil de suivi et d’alerte épidémiologique, ainsi qu’une base de données à des fins de recherche.
Le rapatriement des données du registre à l’INCa facilitera leur appariement avec celles du système national des données de santé, auxquelles l’Institut a un accès permanent.
Ce texte complète également les missions de l’INCa, en l’autorisant à labelliser des entités de recherche en cancérologie, afin d’encourager la constitution d’équipes de collecte de données, et l’habilite à développer et à héberger des systèmes d’information dans les domaines de la cancérologie, afin de faciliter l’hébergement des données des registres existants par l’Institut, dont la solution technique est sûre et souveraine.
La mise en place de ce registre national des cancers sera un outil supplémentaire et précieux dans la lutte contre cette maladie. Pour être réellement efficace, l’outil aura besoin de financements. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme mes collègues l’ont déjà rappelé – je pense qu’il est nécessaire de le refaire, pour bien cerner l’enjeu de cette proposition de loi –, il est question de la première cause de décès chez l’homme et de la deuxième chez la femme.
En 2018, on dénombrait 382 000 cas de nouveaux cancers. L’incidence de certains types de cancers, comme ceux du foie, du poumon ou du pancréas, ne cesse d’augmenter. Et, depuis les années 1990, partout dans le monde, le nombre de personnes de moins de 50 ans atteintes d’un cancer ne cesse de croître.
Ainsi, quelle ne fut pas ma surprise en découvrant, grâce à cette proposition de loi, que la France ne disposait pas d’un registre national des cancers ! Je ne suis ni médecin ni chercheur, et j’étais persuadée qu’un tel outil existait déjà dans notre pays. Sa création est pourtant l’objet de la proposition de loi de notre collègue Sonia de La Provôté, qui préconise de mettre en place un registre qui centraliserait les données relatives aux cancers sur l’ensemble du territoire. Cette idée mérite considération.
Il existe déjà une vingtaine de registres qui couvrent différents départements, et une douzaine d’autres, spécialisés et ciblés sur le recensement de certains types de cancers. Mais ces registres ne couvrent au final que 24 % de la population. Le calcul de l’incidence et de la prévalence à l’échelon national se fait donc avec des estimations, qui, aussi utiles qu’elles puissent être, n’en restent pas moins des extrapolations.
La collecte de données de ce type représente un véritable travail de fourmi, qui nécessite de croiser de nombreuses sources : celles des hôpitaux, des laboratoires d’analyses médicales et des centres d’imagerie médicale ou encore celles de l’assurance maladie.
Même si les méthodes ont fait beaucoup de progrès, différentes études ont montré que les modes de recueil des données varient entre les registres existants. Il peut en résulter un manque d’exhaustivité ou des doublons. En outre, la restitution reste lente, le rendu se faisant tous les cinq ans.
Des extrapolations ne peuvent pas tenir compte, à mon sens, des spécificités et des facteurs propres à un territoire, d’autant plus quand certains liens de cause à effet sont encore méconnus.
En 2010, par exemple, des manifestants ont envahi l’agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et réclamé les chiffres du nombre de cancers à Fos-sur-Mer et, plus largement, autour de l’étang de Berre, site particulièrement industrialisé. Certains habitants pensaient qu’on leur cachait des choses, mais le fait est que ces chiffres étaient tout simplement indisponibles, car il n’existait pas de registre pour cette zone.
Autre exemple : un article que j’ai lu il y a peu disait qu’environ 100 000 nouveaux cas de cancers de la peau sont dépistés chaque année en France. Ce chiffre double tous les dix ans. En 2022, on comptait même 150 000 nouveaux cas. Cet article indiquait également que les départements de Loire-Atlantique et de Vendée étaient les plus touchés. Or ces deux territoires sont justement dotés chacun d’un registre des cancers.