M. Roland Lescure, ministre délégué. Merci pour eux !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour explication de vote.

Mme Marie-Claude Varaillas. J’approuve totalement ce qui vient d’être dit.

L’orientation retenue par le Gouvernement est louable en soi, puisqu’il s’agit de favoriser les relocalisations et de réindustrialiser notre pays. C’est une démarche que l’on ne peut que soutenir. Toutefois, il me paraît essentiel de préserver également nos savoir-faire.

Je prendrai pour exemple le couperet qui vient de tomber, dans mon département de la Dordogne, sur les papeteries de Condat au Lardin-Saint-Lazare. Il s’agit de la seule entreprise en France qui détient le savoir-faire de la fabrication du papier couché double face. Or le groupe Lecta a décidé de transférer cette chaîne de production en Espagne, bien sûr pour produire à moindre coût.

Alors que cette entreprise compte aujourd’hui 420 salariés, auxquels il faut ajouter 2 000 emplois induits dans l’économie de notre ruralité, 187 postes seront supprimées. Il existe pourtant un marché de ce papier couché – je pense aux éditions Gallimard, Flammarion, Hachette, etc. Nous avons le devoir de défendre cette entreprise.

Monsieur le ministre, je remercie votre cabinet d’avoir répondu à ma demande d’entretien. Nous avons une bataille à mener ensemble. Et pour ma part, je serai aux côtés des élus locaux et je la mènerai jusqu’au bout : il est inadmissible que nous ne puissions pas empêcher une telle délocalisation, alors même que, dans le même temps, l’entreprise a installé une chaudière biomasse, qui a été subventionnée très largement et à plusieurs reprises par l’État et la région.

Si la démarche visant à réindustrialiser est louable, je crois donc qu’il faut aussi accompagner les savoir-faire existants.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Monsieur le sénateur Montaugé, le programme Territoires d’industrie n’est pas ouvert à tous les territoires.

L’un des conditions est la mobilisation très forte des élus et de l’écosystème local pour tirer un territoire vers l’industrie. Dans la première fournée – ce sera la même chose dans la seconde –, il nous faut des projets pour lesquels tout le monde est motivé et que tout le monde souhaite accompagner. C’est donnant-donnant, si j’ose dire : si vous êtes prêts, nous le sommes aussi, et les services de l’État sont exceptionnels en la matière – je vous remercie des mots aimables que vous avez eus à leur égard.

Toutefois, nous sommes tout de même dans une démarche de labellisation. Les fonds sont limités et nous souhaitons les concentrer.

Bien sûr, le Gers est tout aussi autorisé que les autres départements à déposer une candidature pour ce label. Si les projets sont au rendez-vous, il n’y a aucune raison que le label Territoires d’industrie ne soit pas également.

Je le répète, nous souhaitons conforter, réconforter et accompagner des projets qui s’inscrivent déjà dans une dynamique locale. Si vous connaissez les services, vous pouvez donc leur présenter de manière précise un certain nombre de dossiers dans votre territoire.

Madame Varaillas, la papeterie que vous mentionnez compte deux lignes de production : l’une, extrêmement moderne et accompagnée par l’État et la région, fabrique du carton, et elle va continuer de le faire ; l’autre, qui produit du papier plus traditionnel, s’appuie malheureusement sur un outil de travail très ancien et même obsolète – on m’a indiqué qu’il faudrait investir 80 millions d’euros pour le renouveler –, alors que d’autres outils similaires et compétitifs existent ailleurs.

L’entreprise a donc décidé de délocaliser cette seconde ligne de production, tout en s’engageant à maintenir la première.

Nous allons nous assurer que la pérennité de l’entreprise est garantie, avec une seule ligne de production plutôt que deux. Évidemment, le plan de sauvegarde de l’emploi qui, en raison de la fermeture de la seconde ligne, concernera sans doute une partie des salariés, sera au rendez-vous, afin de garantir les meilleures conditions sociales aux intéressés.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 152 rectifié bis, 181 rectifié, 257, 372 rectifié bis et 334 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article additionnel après l'article 11 - Amendements n° 152 rectifié bis, n° 181 rectifié, n° 257, n° 372 rectifié bis et n° 334 rectifié (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'industrie verte
Discussion générale

3

 
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Discussion générale (suite)

Indices locatifs

Rejet en nouvelle lecture d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs (proposition n° 755, résultat des travaux n° 760, rapport n° 759).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Question préalable (début)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques semaines après la présentation dans cet hémicycle de la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs, nous voilà de nouveau réunis pour débattre de ce texte essentiel.

Bien sûr, je ne vous cacherai pas ma relative déception face à l’absence de débat en première lecture. Je crois en effet pouvoir affirmer que vous partagez comme moi la nécessité de défendre nos petits commerces ; vous l’aviez d’ailleurs prouvé l’an dernier en votant ce dispositif de plafonnement des loyers, qui a permis de protéger nos 430 000 commerçants de proximité.

Or nous connaissons aujourd’hui peu ou prou la même situation que l’an passé, à savoir un contexte inflationniste, qui, en dépit d’améliorations sensibles, demeure délicat. C’est un sujet de préoccupation majeur pour nos petits commerces.

Comme vous le savez, l’inflation ralentit : elle s’établit au mois de mai à 5,1 % sur un an. Cette projection est le commencement d’une bonne nouvelle, même s’il est encore bien trop tôt s’enthousiasmer. Au moins nous fondons-nous sur les projections les plus fiables qui sont à notre disposition. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons dû attendre jusqu’à aujourd’hui pour soutenir cette proposition de prolongation du plafonnement des loyers commerciaux.

Dans ce contexte, il me semble important de prolonger temporairement, jusqu’au premier trimestre 2024, le plafonnement à 3,5 % de l’évolution de l’indice des loyers commerciaux pour les PME. Mon avis n’a pas changé depuis la première lecture : le Gouvernement est favorable au dispositif proposé par ce texte, car il est équilibré et mesuré dans sa durée, dans son intensité et dans son périmètre.

Il s’agit, par cette proposition de loi, de préserver les équilibres.

Tout d’abord, en ciblant les commerçants qui sont les plus exposés, les TPE et les PME, c’est-à-dire les entreprises qui ont les marges les plus faibles et le moins de latitude dans leurs négociations avec bailleurs, en particulier les foncières.

Ensuite, en bornant cette intervention dans le temps, soit jusqu’au premier trimestre 2024, date à laquelle l’inflation, pour soutenue qu’elle demeure, devrait avoir nettement reflué.

Enfin, en conservant le taux de 3,5 %, qui fait l’objet d’un consensus entre les différentes parties prenantes, si tant est que les deux premiers critères soient respectés.

Sur ces trois critères, nous agissons avec prudence, car, en matière d’intervention de l’État sur les relations contractuelles, la jurisprudence du Conseil constitutionnel s’est toujours montrée, à juste titre, pointilleuse : dans un État de droit, l’État n’a pas tous les droits.

Constante dans ma position, je le suis également dans mes propositions. Je souhaite compléter cette mesure d’urgence en ouvrant sur le bail commercial une réflexion plus large, à laquelle j’ai invité vos collègues députés. Le Conseil national du commerce a commencé à travailler sur cette question, et je serais véritablement heureuse que les sénateurs puissent être associés.

Comme vous, j’observe les mutations structurelles de ce secteur et, comme vous, je crois qu’il faut y apporter des réponses de long terme. Je sais que les attentes sont nombreuses, sur le calcul de l’indice des loyers commerciaux (ILC) et, plus largement, sur le bail commercial.

Je ne serai pas plus longue : le Gouvernement défend de façon invariable l’adoption de cette proposition de loi, en soutien indéfectible de nos petits commerçants et, par là même, des consommateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, par quatre fois, en commission, puis en séance publique, l’Assemblée nationale a débattu de ce texte important pour le pouvoir d’achat des locataires.

Par quatre fois, l’Assemblée nationale a adopté, à une large majorité et sans modifications, ce texte. J’espère donc que, à votre tour, vous voterez cette proposition de loi du député Thomas Cazenave, dont je tiens à saluer le travail en tant que rapporteur. Je le remercie également des auditions qu’il a réalisées dans des délais très courts et qui ont permis d’entendre l’ensemble des acteurs du secteur.

Comme ma collègue Olivia Grégoire, je me rappelle que, dans cet hémicycle, il y a près d’un an, la majorité d’entre vous était d’accord pour voter en faveur de mesures équilibrées permettant de minimiser les effets d’une inflation que nous savions croissante.

Il s’agissait du bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie, de la revalorisation des aides personnelles au logement, de la hausse des minima sociaux, mais aussi, bien sûr, du plafonnement de l’indice de référence des loyers, le fameux IRL, le sujet qui nous occupera tous aujourd’hui.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’entends les critiques, notamment sur la forme, à propos d’une éventuelle impréparation, du manque d’évaluation ou de l’absence de concertation.

Le plafonnement de l’IRL doit être voté avant le 1er octobre 2023. Il n’y avait donc pas d’urgence à vous présenter un texte. Nous voulons simplement donner de la visibilité aux Françaises et aux Français dans le contexte actuel et, bien sûr, tenir compte d’un agenda parlementaire contraint, car le Gouvernement et les parlementaires travaillent sur de nombreux textes.

C’est pour cela que nous avons proposé un texte qui pouvait être adopté avant le 30 juin 2023, même s’il n’y a pas d’obligation, puisque, comme je viens de le dire, nous avons jusqu’au 1er octobre pour le faire. Nous pouvons tout de même espérer qu’une mesure simple, reconduisant un dispositif existant et protégeant les locataires confrontés à une crise de grande ampleur puisse être approuvée en moins de quatre mois au Parlement sans que les travaux de ces derniers en soient empêchés…

Par ailleurs, les prévisions d’inflation ont varié jusqu’à récemment, ce qui nous a empêchés de présenter un texte dès le mois de mars dernier. Il fallait attendre de disposer de prévisions les plus stables possible pour prendre la bonne décision.

Aujourd’hui, nous disposons de prévisions de qualité, grâce à la confirmation de la stabilisation de la dynamique économique, comme l’indiquent toutes les banques centrales, qui s’apprêtent à cesser de remonter leurs taux d’intérêt.

J’en viens, enfin, à la critique relative au manque d’évaluation.

Tout d’abord, nous avons des éléments qui permettent d’évaluer. Nous avions réalisé une étude d’impact pour la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Selon les estimations, quelque 490 millions d’euros seront économisés par les locataires en année pleine avec le rythme des revalorisations de loyers si toutes ces dernières se font à l’IRL. Ces estimations sont évidemment toujours valables, même si elles représentent une évaluation haute de l’impact sur les propriétaires.

En effet, les chiffres de l’Insee et de divers observatoires locaux, rendus publics depuis le début du mois, montrent que la hausse des loyers a été, en réalité, contenue à 2 % en 2022, en moyenne. C’est la preuve que le dispositif fonctionne et que les propriétaires eux-mêmes sont dans une logique d’équilibre.

En 2022, un bailleur a donc pu revaloriser son loyer de 3,6 % au maximum. En 2023, sans le vote du prolongement de ce dispositif, un bailleur privé pourrait revaloriser son loyer jusqu’à 6,1 %. Ceux qui refusent le plafonnement acceptent donc une hausse de près de 10 % des loyers pour l’année 2022-2023, soit 60 euros par mois en moyenne de plus pour les locataires du parc privé.

Sous l’effet du prolongement du dispositif, l’impact total s’élèvera à 7 % maximum, contre 12 % si aucune mesure n’est mise en place.

S’il est prolongé, le plafonnement des loyers aura divisé par deux l’inflation des loyers potentiellement sans l’action du Gouvernement et des parlementaires. De plus, il aura permis 1 milliard d’euros d’économies par an pour les locataires du parc privé, qui s’ajoute aux revalorisations structurelles décidées en 2023 pour les aides personnelles au logement (APL).

Enfin, comme je l’ai indiqué en première lecture, les bailleurs sociaux ne sont pas concernés par la prolongation actuelle, même si nous restons ouverts au débat. Les dispositions du texte actuel les laissent donc libres des loyers qu’ils fixeront au 1er janvier 2025, bien que je sache compter sur leur responsabilité pour limiter la hausse.

Mesdames, messieurs les sénateurs, oui, l’inflation diminuera d’ici au début de l’année 2024, mais de façon moins rapide que ce qui était attendu ; les prochains mois resteront difficiles pour nos concitoyens.

Aussi, l’indice de revalorisation des loyers ne va pas s’ajuster immédiatement. La prolongation permet d’agir avec responsabilité, en préparant au mieux un avenir encore incertain.

Au moyen de cette prolongation, le dispositif temporaire aura protégé les Français pendant toute la période de forte inflation et jusqu’à la fin, conformément à l’objectif fixé à l’issue de la concertation avec les professionnels.

Je terminerai en répondant à ceux qui m’opposent que ce texte ne répondrait pas à la crise du logement. Permettez-moi de vous le dire, tel n’est pas son objet ! Cette proposition de loi a pour objet de prolonger les boucliers, afin de protéger les commerçants et les ménages de l’inflation.

Pour répondre à la crise du logement, le Gouvernement est à la tâche. De premières mesures ont été prises depuis la présentation de la feuille de route par Mme la Première ministre, à la suite de la restitution du Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement.

Ce qui compte, c’est d’améliorer la vie des Français. C’est la raison d’être de mon engagement politique. Par exemple, nous avons signé vendredi dernier la convention quinquennale 2023-2027 entre l’État et Action Logement, en présence de Mme la Première ministre, de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, et de l’ensemble des partenaires sociaux.

Pas plus tard que lundi dernier, nous avons lancé le plan Logement d’abord 2.

Enfin, nous avons besoin de développer une offre locative de qualité, sociale et intermédiaire, pour répondre aux besoins de nos concitoyens tout au long de leur parcours résidentiel.

Aujourd’hui, ma priorité est de développer une offre intermédiaire, à destination des classes moyennes, grâce à des financements apportés par des investisseurs institutionnels.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère vivement que ce texte sera adopté. Ne laissons pas les locataires sans protection à cause de considérations étrangères à l’objet de ce texte.

Je compte sur vous. Je sais que beaucoup d’entre vous sont attentifs à la question du pouvoir d’achat des ménages les plus fragiles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, en remplacement de Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, mercredi 7 juin dernier, le Sénat a rejeté, en première lecture, à une large majorité, la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs adoptée une semaine plus tôt par l’Assemblée nationale. Bien qu’ils aient exprimé des motivations différentes, les groupes politiques de notre chambre sont tous parvenus au même constat.

Lundi 12 juin, une commission mixte paritaire s’est réunie. Son issue n’a pas été conclusive.

Mardi 20 juin, l’Assemblée nationale a réexaminé ce texte et l’a voté dans les mêmes termes qu’en première lecture.

Aujourd’hui, notre chambre doit également se prononcer. Comme il est d’usage à l’issue d’une commission mixte paritaire non conclusive et sachant que le texte qui nous est soumis est strictement identique à celui que nous avons déjà rejeté voilà quinze jours, je vous propose d’adopter la motion tendant à opposer la question préalable déposée par notre commission des affaires économiques.

Madame la présidente, mon intervention lors de cette discussion générale vaudra donc également pour la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable. Elle sera soumise à votre approbation à la suite de mon intervention. Son vote interrompra la discussion, et le texte sera renvoyé à l’Assemblée nationale.

Je rappelle les raisons de forme et de fond qui ont conduit notre commission et son rapporteur, Mme Dominique Estrosi Sassone, qui ne pouvait être présente aujourd’hui, à rejeter la proposition de loi et à déposer cette motion tendant à opposer la question préalable.

Sur la forme, la commission des affaires économiques regrette que le Gouvernement n’ait pas anticipé l’examen d’un texte avant l’expiration des effets du bouclier loyer, dont la date était pourtant connue depuis l’été 2022. Ce calendrier contraint nous a obligés à examiner cette proposition de loi dans la précipitation, ce qui a créé une urgence déguisée nous privant ainsi d’un débat constructif et serein.

La commission des affaires économiques a déploré le choix d’une proposition de loi plutôt que d’un projet de loi pour prolonger le plafonnement de la hausse des loyers commerciaux et d’habitation.

Ce choix regrettable a privé les acteurs du commerce et de l’immobilier d’une concertation,…

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. C’est faux !

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. … le Parlement d’une étude d’impact et les locataires et les propriétaires de toute mesure d’accompagnement ou de compensation, comme l’augmentation des APL figurant dans la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, que nous avons votée l’été dernier.

Pourtant, conscients des difficultés des familles et des petites entreprises, face à la hausse persistante de l’inflation, nous aurions très certainement été prêts à accompagner, de nouveau, un projet de loi animé par le même esprit coopératif que celui de l’année dernière.

Je ne comprends pas le Gouvernement, son refus systématique d’associer les différents acteurs, sa volonté récurrente de passer en force vis-à-vis du monde économique et son manque de considération du Parlement, qui devient une simple chambre d’enregistrement.

Si le temps de l’évaluation et de la concertation avait été pris, nous n’aurions pas été moins vite qu’avec cette procédure brusquée – je dirai même bâclée. C’est bien dommage.

Sur le fond, le plafonnement de la hausse des indices locatifs pendant quelques trimestres supplémentaires ne fait pas une politique du logement ou du pouvoir d’achat.

Notre commission relève trois écueils essentiels dans ce texte.

Premier écueil : l’absence de garantie de hausse des APL. L’an passé, la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat assurait leur augmentation. Ce n’est pas le cas ici. Sous-indexées depuis des années, les APL couvrent de moins en moins le montant des loyers des ménages modestes, la part forfaitaire de ces aides ne représentant que 40 % des charges, pourtant en constante augmentation.

Deuxième écueil : l’impact sur les bailleurs sociaux.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que cette proposition de loi n’affectait pas les bailleurs sociaux. C’est inexact, parce que ces derniers encaisseront moins de revenus locatifs consécutifs au plafonnement de la revalorisation des loyers en 2023 et 2024.

C’est inexact, aussi, parce que le taux auquel empruntent les bailleurs sociaux auprès de la Caisse des dépôts et consignations est indexé sur celui du livret A, qui a augmenté de 0,5 % à 3 % cette année. Cette hausse est habituellement compensée par une hausse des loyers et des APL sur la base de l’IRL, ce qui n’aura pas lieu cette année.

L’impact pour les bailleurs sociaux est donc de 3,75 milliards d’euros, et la nouvelle hausse du livret A prévue en août prochain les affectera à hauteur d’un milliard d’euros supplémentaires.

Troisième écueil : l’impact sur les bailleurs privés. Je rappelle que les loyers des uns sont les revenus des autres. Prenons garde, à force de taxations et de contraintes, à ne pas produire le contraire de l’effet désiré, c’est-à-dire une diminution du nombre des logements à la location et une aggravation des difficultés pour les locataires, au moment où l’on voudrait relancer l’investissement locatif et financer la rénovation énergétique des logements.

Enfin, pour ce qui concerne les commerces, il ne faut pas se tromper de débat. Il s’agit moins du problème du plafonnement de l’indexation que, plus généralement, de celui de la hausse des salaires, du pouvoir d’achat et du coût des matières premières.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Allez leur dire…

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Les annonces réalisées par la Première ministre, au début du mois de juin, à l’issue du Conseil national de la refondation, ont suscité de vives déceptions parmi les acteurs du logement, qui se sont sentis floués et même instrumentalisés.

Le Gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure de la crise, bien au contraire. Sur les 10 milliards d’euros d’économies identifiés par le ministère des finances dans le projet de loi de finances pour 2024, des économies à hauteur de 2 milliards ont été prévues au détriment du logement.

Alors que le logement est le principal sujet de préoccupation des Français, il est considéré par le Gouvernement comme le premier poste d’économies budgétaires et la dernière des priorités.

Il est regrettable de constater que le Gouvernement n’a pas apporté, à quelque étape législative que ce soit, d’éléments nouveaux nous conduisant à revoir notre appréciation.

Mes chers collègues, la commission fait donc le constat d’un désaccord persistant sur la méthode et sur l’ampleur de la réponse nécessaire face à une crise du logement et du pouvoir d’achat.

Les Français méritent mieux que de petites mesures élaborées à la va-vite et court-termistes. Bien qu’il soit louable, ce dispositif ne doit pas se substituer à la refonte générale de la politique du logement en France.

C’est pourquoi la commission a de nouveau rejeté le texte. Elle vous propose, mes chers collègues, d’adopter la motion tendant à opposer la question préalable qu’elle a déposée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs
Question préalable (fin)

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de la revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs (n° 755, 2022-2023).

Cette motion est déjà défendue.

La parole est à M. Bernard Buis, contre la motion.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’inflation reste forte au sein de l’OCDE et la guerre en Ukraine perdure. Nous ne pouvons pas relâcher nos efforts.

Nous avions instauré une mesure exceptionnelle de plafonnement de la hausse de l’IRL et de l’ILC à hauteur de 3,5 %, afin de protéger nos concitoyens et les PME. Nous considérons que, si la mesure doit rester exceptionnelle, le contexte justifie de la prolonger.

Nous sommes conscients que ce texte aurait pu bénéficier d’un temps d’examen plus long et qu’une étude d’impact eût été opportune. Le Parlement doit disposer du temps nécessaire pour légiférer correctement.

Néanmoins, il est essentiel de souligner que, au sein du Sénat, nous sommes tout à fait capables de légiférer en situation d’urgence lorsque les circonstances l’exigent, car l’excellente qualité de nos services le permet.

Je réitère mon souhait de voir la Haute Assemblée travailler en bonne intelligence avec l’Assemblée nationale, et ce dès les auditions préparatoires des rapporteurs lorsque nous sommes saisis en urgence. Nos services peuvent organiser des auditions en lien avec leurs homologues du Palais-Bourbon et nos rapporteurs sont également capables de les mener conjointement, si la situation l’exige, au service de nos concitoyens.

Les deux articles contenus dans cette proposition de loi sont aisément compréhensibles. Examinés l’été dernier, ils présentent l’avantage d’avoir d’ores et déjà bénéficié d’une expertise juridique. Aussi, qu’il y ait eu précipitation, peut-être, mais que les éléments d’évaluation aient manqué, certainement pas ! La question est simple et l’équation nous est connue : il s’agit d’un choix politique et toutes les positions sont respectables.

Selon les estimations actuelles, le niveau de l’ILC et de l’IRL devrait rester élevé, probablement autour de 6 % en glissement annuel, et atteindre progressivement 3,5 % au deuxième trimestre de l’année 2024.

L’ILC a connu une hausse de 6,5 % lors du dernier trimestre 2022. Heureusement, nous n’avons pas laissé les commerces de nos centres-villes subir une telle hausse, eux qui doivent déjà affronter l’inflation et la concurrence du e-commerce !

Mes chers collègues, j’entends tout à fait les arguments invoqués pour en appeler au gel des loyers, bien que je ne les partage pas.

J’entends également l’appel à la liberté pleine et entière des propriétaires, qui sont pour la plupart des Français subissant l’inflation. Il est tout à fait respectable. Mais, s’agissant de cette dernière position, je souhaite réellement savoir quelle serait votre solution de rechange. Quelles mesures proposez-vous pour que nous protégions en urgence les Français, dans les semaines à venir, d’une brutale hausse des loyers ?

Il nous paraît utile de prolonger temporairement ce dispositif. Le groupe RDPI, en conséquence, votera contre la motion tendant à opposer la question préalable et réaffirme son soutien plein et entier à cette proposition de loi.