M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Guillaume Gontard, aujourd’hui, face aux attaques terroristes menées par le Hamas et le Djihad islamique, Israël traverse un drame épouvantable, et notre solidarité envers le peuple israélien est totale.
Face à une attaque d’une telle ampleur et d’une telle horreur, Israël a le droit de se défendre : personne ne peut le contester. C’est la position de toutes les démocraties et c’est la conviction de la France, car nous soutiendrons toujours la liberté et la lutte contre le terrorisme.
Évidemment, dans un tel contexte, la France est extrêmement active pour veiller à la désescalade et éviter l’embrasement de la région, tout en s’assurant de la protection des civils et du respect du droit international.
Ces derniers jours, le Président de la République a multiplié les contacts avec nos partenaires dans la région. La ministre de l’Europe et des affaires étrangères a fait de même avec ses homologues.
Chacun doit mesurer les risques de la situation.
Monsieur le président Gontard, la France a toujours défendu et cherché le chemin de la paix : nous restons fidèles à cet engagement historique. Le Hamas ne veut pas la paix ; c’est un groupe terroriste, antisémite et meurtrier, dont le seul but est d’anéantir l’État d’Israël.
Se détourner du processus de paix, ce serait concéder une victoire aux terroristes. Je le répète, notre position n’a pas varié : la France cherchera toujours une paix durable et une solution politique au conflit israélo-palestinien. Nous n’y sommes pas ; le chemin sera long, mais rien ne doit nous détourner de cette ambition. Elle seule garantira la stabilité et la sécurité dans la région. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
situation en israël (ii)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Roger Karoutchi. « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », disait Albert Camus.
Madame la Première ministre, nous sommes la France, héritière des philosophes des Lumières, de la Révolution de 1789, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, du Conseil national de la Résistance, de Léon Blum et du général de Gaulle. Nous sommes le pays de la liberté, de la tolérance et de l’universalité.
M. Bruno Sido. Exact !
M. Roger Karoutchi. Nous avons donc une responsabilité éminente.
Nous ne pouvons pas nous contenter de faire des déclarations de type « Quai d’Orsay » – pardon de le souligner, madame la ministre des affaires étrangères –, qu’elles soient sur fiches ou non. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Nous sommes simplement là pour vous dire que l’empathie n’est pas exclusive de l’action politique.
Nous sommes là pour vous dire qu’il faut utiliser les mots « crimes contre l’humanité », car telle est la réalité. Reprenez cette expression, faites en sorte que l’Europe l’emploie elle aussi. Après ce qui s’est passé, c’est bien le minimum.
La légitime défense de l’État d’Israël est un droit incontestable : quand on voit les milliers de missiles qui ont visé ce pays, quand on sait ce qui s’est passé dans les kibboutz, parler de légitime défense, c’est le minimum.
Enfin, madame la Première ministre, faites en sorte que ceux qui, dans notre pays, trahissent les valeurs républicaines…
M. Bruno Belin. Très juste !
M. Roger Karoutchi. … et les valeurs de la Nation en refusant de soutenir l’État d’Israël et en faisant l’apologie du terrorisme soient sévèrement punis. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Karoutchi, vous n’avez pas bien entendu les propos de M. le Président de la République et de Mme la Première ministre, sans même parler des miens, auxquels, il est vrai, je n’ai jamais imaginé que vous puissiez prêter attention… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Pas de polémique !
M. Max Brisson. Ce n’est pas au niveau…
Mme Frédérique Puissat. Un peu de hauteur, madame la ministre !
Mme Catherine Colonna, ministre. Mme la Première ministre vient de rappeler toute l’horreur que nous inspirent les actes barbares commis par le Hamas. Elle vient de dire et de répéter la condamnation absolue, par la France, de ces attentats terroristes, commis par un groupe terroriste et soutenus par d’autres groupes terroristes.
De plus, les prises d’otages abjectes, les assassinats monstrueux et les massacres perpétrés ne laissent aucun doute quant à la nature terroriste du Hamas. Notre condamnation est donc totale et absolue, et cela depuis le premier jour.
Face à l’horreur, nous sommes solidaires du peuple israélien. Nous disons avec force qu’Israël a le droit de se défendre. Nous l’avons dit publiquement, dès le premier jour. Nous le répétons. Et nous le disons à tous nos interlocuteurs, dans la région comme ailleurs.
Dans le même temps – Mme la Première ministre le soulignait à l’instant –, la responsabilité diplomatique de la France est aussi d’éviter un embrasement régional. L’Autorité palestinienne a un rôle à jouer à cet égard ; nous continuerons de la soutenir. Le Président de la République s’est exprimé sur ce point, très clairement, hier.
La diplomatie française est aussi active pour que la situation ne s’aggrave pas à la frontière avec le Liban – je ne doute pas que vous suivez avec attention ce qui s’y passe –, comme à la frontière avec la Syrie.
Depuis samedi dernier, le Président de la République et moi-même avons multiplié les contacts avec nos homologues dans la région – je pense notamment aux dirigeants israéliens et palestiniens –, en Europe et bien au-delà.
Bien sûr, comme l’a dit Mme la Première ministre, quand le calme sera revenu, il faudra se demander comment mieux prendre en compte les aspirations du peuple palestinien et comment mieux répondre au droit absolu d’Israël à la sécurité.
La paix doit rester notre impératif, même si, de toute évidence, ce moment n’est pas venu. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Monsieur le président, madame la Première ministre, mes chers collègues, l’heure est à la gravité, au recueillement et à l’unité, alors que l’horreur n’a cessé de monter depuis samedi dernier et semble avoir atteint son comble.
Mes chers collègues, vous êtes plusieurs à avoir dit votre colère et votre émotion, que, bien entendu, nous éprouvons tous. Les témoignages qui nous parviennent de l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas contre des civils non seulement israéliens, mais aussi étrangers, nous bouleversent et nous révoltent tous.
De véritables carnages ont été perpétrés. On a atteint des sommets dans l’horreur. Des femmes ont été violées, puis exécutées ; des hommes décapités ; des cadavres souillés et calcinés ; parmi les victimes innocentes de cette folie barbare, on trouve également des enfants.
Cette folie résonne durement pour nous qui avons connu le terrorisme islamiste. Elle nous rappelle Daech, Al-Qaïda et Boko Haram – vous l’avez dit, monsieur le président. Aussi, au peuple israélien, nous affirmons haut et fort notre solidarité sans faille.
Une fois encore, ce sont les civils qui payent le prix fort.
J’ai une pensée toute particulière pour nos compatriotes qui ont péri dans ce drame, pour les otages français, dont nous espérons le retour, et, bien sûr, pour leurs familles.
Je pense aussi à nos concitoyens établis sur place. À cet égard, nous remercions vivement notre personnel diplomatique et consulaire, qui est pleinement mobilisé dans cette crise.
Je pense également aux Palestiniens pris en otage par le Hamas. Ils lui servent de bouclier humain et payeront le prix du sang à la place des lâches qui tirent sur des femmes, des enfants et des hommes sans défense.
À ceux qui, soutenant le Hamas, pensent soutenir les Palestiniens, nous disons que cet aveuglement idéologique ne fait qu’ajouter au malheur de ces derniers.
Le monde s’embrase, les foyers de guerre se multiplient, et, alors que nos yeux sont tournés vers l’Ukraine et le Haut-Karabagh, voilà un douloureux rappel de l’instabilité du Proche-Orient.
Madame la Première ministre, trente ans après la signature des accords d’Oslo, le Hamas a décidé de réveiller les démons de la guerre, qu’en Europe aussi nous connaissons. Ils sont aveugles dans la violence et sourds aux appels à la paix.
Comment la France, pays ami et médiateur d’un dialogue pour la paix, peut-elle œuvrer pour que l’espoir né des accords d’Abraham continue de vivre et pour empêcher la radicalisation des peuples face aux menaces ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président François Patriat, après les attaques terroristes effroyables menées contre Israël par le Hamas et le Djihad islamique, la France a immédiatement exprimé sa compassion et sa solidarité au peuple israélien, en condamnant fermement ces agressions.
Nous l’avons dit et je le répète : face à une attaque terroriste aussi barbare, Israël a le droit de se défendre.
Dans cette situation, la France tient sa place, et nous sommes particulièrement actifs pour éviter que le conflit ne dégénère, avec un embrasement en Cisjordanie, au Liban ou ailleurs dans la région.
Le Président de la République s’est entretenu avec de nombreux homologues, parmi lesquels le président israélien Isaac Herzog, son Premier ministre Benyamin Netanyahou, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le président égyptien Sissi, le président du Conseil libanais Najib Mikati, le président émirien Mohammed ben Zayed, et le roi Abdallah de Jordanie. Il a également eu des échanges avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
Nous allons poursuivre ces différents dialogues et nous travaillons à une réponse coordonnée avec nos alliés occidentaux.
Une réunion s’est tenue lundi dernier entre le Président de la République, le président des États-Unis, le Chancelier allemand, le Premier ministre britannique et la présidente du Conseil italien. La ministre des affaires étrangères, Catherine Colonna, a également poursuivi ces contacts et une réunion informelle des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne s’est tenue hier.
J’ajoute que notre diplomatie est mobilisée jour et nuit. Il est essentiel de poursuivre ces échanges pour éviter tout risque d’embrasement, mobiliser tous nos partenaires, protéger les civils et veiller au respect du droit international.
Monsieur le président Patriat, la France sera toujours attachée à la paix, qu’elle continuera de défendre et de rechercher.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire : malgré la barbarie, malgré ces attaques terribles, nous ne devons pas renoncer à trouver une solution de paix durable au Proche-Orient et une issue politique au conflit israélo-palestinien.
Nous aurons besoin d’une approche complète, et cela prendra du temps, mais nous ne perdons pas de vue cet objectif. C’est le seul chemin pour la sécurité et la stabilité dans la région. C’est aussi un chemin pour l’apaisement dans nos démocraties. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
attaques terroristes du hamas contre israël
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Claude Malhuret. Madame la Première ministre, les images insoutenables de l’attaque terroriste du Hamas en Israël imposent une condamnation absolue et une solidarité totale avec les victimes. Mais l’émotion légitime, la colère et le dégoût ne doivent pas nous empêcher, bien au contraire, de comprendre les raisons pour lesquelles de telles horreurs ont pu se produire.
La guerre est revenue, et nous ne voulons pas la voir. Je ne parle pas seulement de la guerre du Hamas contre Israël. Je parle également des conflits et menaces au Moyen-Orient, en Afrique, en mer de Chine et maintenant en Europe. C’est la guerre des dictatures contre les démocraties ; elle est mondiale.
Les mains qui ont tranché la gorge des enfants d’Israël venaient de Gaza, mais le cerveau est à Téhéran.
En 2008, la Géorgie ; en 2011, la Syrie ; en 2014, la Crimée, puis le Sahel et l’Ukraine ; en 2023, l’Arménie ; aujourd’hui Israël : l’internationale des dictateurs s’est reformée. Nous les avions crus vaincus à la fin du XXe siècle. Ils sont de retour pour mettre à bas les démocraties. Ils ne sont pas unis par une idéologie. Ils sont une hydre monstrueuse – pouvoir mafieux en Russie, dictature du parti à Pyongyang et Pékin, folie islamiste en Iran, soldatesque galonnée au Sahel. Une seule idée fixe les rassemble : renverser, à notre détriment, les règles du jeu mondial.
Comme chaque fois, les démocraties sont aveugles à la catastrophe annoncée, non pas parce que leurs ennemis se cachent, mais parce que nous nous voilons la face.
L’Europe a construit une formidable sphère de prospérité, mais elle a oublié qu’il n’y avait pas de prospérité durable sans puissance, et l’Europe puissance n’existe pas encore.
Ce que nous devons à toutes les victimes des attentats en Israël, c’est donner un sens à leur mort. On ne saurait accepter qu’elles soient mortes pour rien. Elles doivent nous faire comprendre que le combat entre les dictatures et les démocraties est de nouveau face à nous.
Notre hymne national nous le rappelle : notre « liberté chérie » ne peut combattre qu’« avec [s]es défenseurs ». Nous devons nous réarmer, militairement, industriellement et surtout – surtout ! – moralement.
C’est la tâche extrêmement difficile des gouvernements européens, dont le vôtre, madame la Première ministre, que d’en convaincre leurs peuples. Mais c’est la seule façon, comme nos aînés l’ont fait au siècle dernier, de résister à la barbarie. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE et UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Claude Malhuret, comme vous, j’ai été choquée – je l’ai dit dès dimanche dernier – par le relativisme de certains responsables politiques, par leur ambiguïté face à ces actes monstrueux, par leur refus répété et assumé d’appeler « terroriste » une organisation pourtant reconnue comme telle.
Ma conviction est que, face au drame terrible qui frappe Israël, notre devoir est de veiller à l’unité et à la cohésion nationales. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté face au terrorisme, aucune ambiguïté pour dénoncer la barbarie.
Nous ne laisserons passer aucun débordement sur notre sol, ni sur la voie publique ni dans l’espace numérique. Nos valeurs républicaines ne sont pas négociables. L’antisémitisme ou l’apologie du terrorisme ne peuvent être tolérés sous aucune forme. Nous ferons preuve de la plus grande fermeté envers ceux qui veulent faire de cette attaque le prétexte de débordements dans nos rues, nos écoles ou nos universités. Nous serons inflexibles !
J’ajoute que nous sommes aux côtés des juifs de France, que cette situation choque et inquiète. La République est avec eux. Dès samedi dernier, le ministre de l’intérieur a donné instruction aux préfets de faire preuve de vigilance et de renforcer la protection des lieux sensibles. Nos services de renseignement sont à l’œuvre pour détecter toute menace.
Je rappelle aussi que, sur la proposition du Gouvernement, le Parlement a d’ores et déjà adopté définitivement deux lois de programmation, pour nos armées et pour nos forces de sécurité intérieure. De même, j’espère que votre assemblée adoptera tout à l’heure le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Nous devons nous garder de toute naïveté. Nous devons assurer notre souveraineté dans tous les domaines, notamment stratégique et industriel.
Monsieur le président Malhuret, je le redis : en ces heures graves, la seule solution, celle qui protège la démocratie et nos valeurs, c’est la cohésion nationale, c’est la défense de la République. Nous ne l’assurerons que collectivement.
L’heure est à la responsabilité et à l’unité. C’est ainsi que nous serons à la hauteur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation en israël (iv)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Le RDSE souhaite s’associer aux autres groupes politiques du Sénat qui, au fil des interventions, ont exprimé la stupeur et la souffrance ressenties à l’annonce des attaques terroristes du Hamas en Israël.
À notre tour, nous tenons à dire toute notre solidarité et notre tristesse aux familles et aux proches de ces milliers de victimes innocentes, sauvagement assassinées ou prises en otage.
De telles atrocités engagent la conscience de la société tout entière. Elles ne laissent aucune place à la nuance ou à la polémique.
Ces derniers jours, une fois de plus, les bombes ont suivi les obus, des morts ont suivi d’autres morts ; deux peuples souffrent et vont souffrir.
Bien que ces considérations soient prématurées au regard de l’escalade à laquelle nous risquons d’assister aux abords de Gaza, il faudra rapidement interroger les responsabilités de chacun dans un processus de paix à l’arrêt.
Si certains rapprochements ont laissé entrevoir une évolution potentiellement favorable – je pense aux pourparlers entre l’Arabie saoudite et Israël –, force est de constater que le drame d’aujourd’hui oblige à repartir d’une page blanche.
Nous ne saurions en aucun cas fermer les yeux en espérant que le temps et la nécessité fassent le travail à notre place.
Madame la Première ministre, quelles seront, demain, la position et l’action de la France au sein de la communauté internationale pour aider les peuples israélien et palestinien à vivre en paix ? Au-delà de cet événement insoutenable, comment accélérer de concert avec tous les pays concernés par le terrorisme, dont la France, la lutte contre ce mal récurrent ?
Yasmina Khadra écrit dans Les Hirondelles de Kaboul : « Zunaira […] s’est égaré […] le temps d’une hystérie collective, parce que les horreurs quotidiennes s’avèrent plus fortes que l’éveil. […] Son geste est la preuve que tout peut basculer sans crier gare. » Ces mots ne parlent pas d’Israël ou de la Palestine, mais ils évoquent avec force la fragilité de la paix, la puissance de l’horreur et le danger permanent de la folie terroriste.
Aujourd’hui, les élus du RDSE souhaitaient formuler ce simple rappel, en hommage à Yahel, Liame et Noiya, tombées au kibboutz de Be’eri le 7 octobre 2023, ainsi qu’à toutes les victimes de ces attentats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la présidente Maryse Carrère, le drame que vit Israël nous touche profondément. Le bilan de cette attaque terroriste est grave et choquant. Dans ce contexte, nous sommes aux côtés du peuple israélien. Israël a le droit de se défendre face au terrorisme.
Nous prenons toute notre part dans ce dossier. Le Président de la République et la ministre des affaires étrangères multiplient les échanges pour permettre la désescalade et éviter tout embrasement régional.
Notre position à plus long terme n’a pas changé. Nous croyons en une paix durable et une solution politique au conflit ; la France jouera pleinement son rôle en ce sens.
Au moment où le droit international est contesté, où les puissances cherchent à s’affirmer par tous les moyens et où les désordres du monde se multiplient, nous devons assurer notre sécurité collective.
La France est mobilisée. Nous continuerons à nous battre pour nos valeurs. Nous continuerons à défendre le respect du droit international des frontières. Nous continuerons à renforcer notre souveraineté, en France, avec des moyens inédits pour nos armées et nos services de renseignement, comme en Europe, en défendant la souveraineté stratégique européenne. Nous continuerons aussi à défendre le multilatéralisme et l’aide au développement. Nous agissons avec un seul but : des résultats concrets sur le terrain.
Madame la présidente Carrère, face au terrorisme comme pour défendre nos valeurs, la France agit et nous continuons à répondre présent. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
situation au haut-karabagh (i)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Madame la Première ministre, rien de ce qui est inhumain ne doit nous être étranger. Aujourd’hui, nous nous sentons tous Israéliens ; nous nous sentons aussi tous Arméniens. Ces deux peuples sont liés par leur destinée tragique, en particulier par deux génocides.
Dans le Caucase du Sud, les plans du satrape de Bakou ont réussi sans rencontrer la moindre opposition, si ce n’est quelques gesticulations. Il a commencé par organiser un blocus pour affamer, pendant de longs mois, toute la population du Haut-Karabagh. Il a ensuite porté le coup de grâce et achevé le travail en jetant sur les routes d’un exode sans retour près de 110 000 Arméniens. Presque trois mille ans de présence arménienne, trois millénaires d’histoire ont ainsi été effacés en trois jours.
Madame la Première ministre, mes questions sont précises, et je sais que vos réponses le seront.
Premièrement, cette opération est-elle, pour vous, une épuration ethnique ?
Deuxièmement, puisque l’Arménie est désormais menacée dans sa souveraineté, quelles mesures comptez-vous prendre pour la protéger ? En particulier, comptez-vous dénoncer l’accord scélérat de Bakou…
Mme Catherine Morin-Desailly. Très bien !
M. Bruno Retailleau. … que Mme von der Leyen a signé en dépit des sanctions prononcées, puisque l’on sait que le gaz dont dispose l’agresseur vient pour partie de Moscou ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Bruno Retailleau, le Sud-Caucase est touché par des événements d’une immense gravité, et l’horreur que connaît Israël depuis samedi dernier ne doit pas nous le faire oublier.
En quelques jours, des familles entières ont dû quitter leurs maisons et leurs terres ancestrales. Un véritable exode visant plus de 100 000 Arméniens du Haut-Karabagh a été organisé.
Je connais votre attachement à l’Arménie et à la défense du peuple arménien. Ce drame a provoqué un véritable choc, et je m’associe évidemment à l’émotion qu’il vous inspire.
Dès le début, la France a été en première ligne. Nous avons fermement condamné l’attitude de l’Azerbaïdjan.
Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères s’est rendue à Erevan le 3 octobre dernier. Nous apportons notre plein soutien politique aux autorités arméniennes pour que l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’inviolabilité des frontières du pays ne soient à aucun moment remises en question.
En parallèle, nous avons triplé notre aide humanitaire, afin d’aider l’Arménie à accueillir les milliers de réfugiés du Haut-Karabagh. Comme l’a dit le Président de la République à Grenade, nous soutenons le renforcement de la coopération de l’Union européenne avec l’Arménie.
Monsieur le président Retailleau, je le rappelle : le président azerbaïdjanais avait pris l’engagement clair de ne pas faire usage de la force dans le Haut-Karabagh. C’était à Prague, au mois d’octobre 2022, lors de la première réunion de la Communauté politique européenne. Force est de constater que cet engagement n’a pas été tenu.
Afin de sortir de cette crise, nous plaidons bien sûr pour que l’Arménie et l’Azerbaïdjan se parlent. Une réunion se tiendra d’ici à la fin du mois à Bruxelles, sous l’égide de Charles Michel. Nous serons extrêmement vigilants sur l’attitude qu’adoptera le président Aliyev. Ces discussions doivent permettre de parvenir à un accord de paix respectueux du droit international. Nous ne transigerons pas sur ce point.
Enfin, tout en excluant la moindre logique d’escalade, nous avons renforcé notre coopération de défense avec l’Arménie. Je vous confirme que nous avons décidé d’autoriser la fourniture de matériel militaire à ce pays, pour qu’il soit en mesure d’assurer sa défense.
Ainsi que l’a indiqué le Président de la République hier, nous voulons continuer à discuter avec tous les acteurs, pour protéger au mieux l’Arménie et pour appeler l’Azerbaïdjan à la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.
M. Bruno Retailleau. Madame la Première ministre, cessez de mettre sur le même plan le bourreau et la victime, l’Azerbaïdjan et l’Arménie !
Le 21 février prochain, le Président de la République fera entrer au Panthéon Missak Manouchian. Orphelin du génocide arménien, celui-ci pénétrera dans ce temple de la gloire nationale accompagné du terrible cortège de ses frères d’armes, qui étaient tous, selon les mots d’Aragon, « des Français de préférence », ayant rejoint la Résistance. Il y entrera accompagné aussi de cette épouvantable clameur anonyme, de toutes ces vies broyées, oubliées, écrasées par le génocide et qui, du fond de leur tombe, implorent la protection de la France pour le peuple arménien d’aujourd’hui.
Au moment où le Président de la République célébrera, dans son discours, l’héroïsme et le courage de Missak Manouchian, peut-être songera-t-il avec quelques regrets à ce même courage qui fait tant défaut aujourd’hui pour être à la hauteur de l’histoire… (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
situation au haut-karabagh (ii)
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Gilbert-Luc Devinaz. Mes interrogations s’inscrivent dans le prolongement de celles qu’a formulées notre collègue Bruno Retailleau.
Depuis quatre ans, nous attirons l’attention de l’exécutif sur les menaces des présidents Aliyev et Erdogan. Ce dernier a déclaré en 2020 vouloir « continuer d’accomplir la mission de nos grands-parents »… Il a fallu vingt-quatre heures à l’Azerbaïdjan pour faire disparaître et tuer la démocratie d’Artsakh.
Je tiens à saluer, tout d’abord, les actions de solidarité des diasporas, notamment françaises, de nos collectivités territoriales, des fondations et des associations.
Je salue aussi la capacité de mobilisation des Arméniens de la ville de Goris, qui font face à tant de besoins et à tant de détresse.
Je salue, ensuite, la résolution du Parlement européen, qui souligne entre autres que les principes internationaux ont été bafoués par l’Azerbaïdjan.
Je salue, enfin, les propos que vous avez tenus à Erevan, madame la ministre des affaires étrangères. Oui, la France doit aider l’Arménie à préserver son intégrité territoriale, notamment en renforçant sa capacité de défense. C’est ce qu’a suggéré le Sénat dans sa deuxième résolution relative au conflit, qui a été adoptée il y a un an. Cette condition, nécessaire, est pour autant insuffisante.
Aussi, qu’envisage la France, plus particulièrement le Gouvernement, pour obtenir la libération des dirigeants de la mourante République d’Artsakh ? Ils ont été arrêtés pour « terrorisme », alors qu’ils ont incarné dans le Caucase du Sud les valeurs démocratiques que nous considérons également comme nôtres !
Qu’envisage la France, à l’échelle européenne, pour faire cesser l’approvisionnement en gaz par l’Azerbaïdjan, lequel provient de Russie ?
« Le temps n’est pas aux sanctions », a déclaré le Président de la République à Grenade. Quand sera-t-il temps de sanctionner cette hypocrisie insupportable et d’y mettre fin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE-K, RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)