compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin,
M. Philippe Tabarot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Allocution du président du Sénat
M. le président. Mes chers collègues, lundi dernier, le président de séance a partagé avec vous l’émotion qui nous a saisis après le drame survenu à Arras.
Avant de commencer nos travaux, je souhaite à la fois saluer la mémoire de l’enseignant qui a été assassiné et rappeler la souffrance qui étreint l’ensemble de la communauté nationale, tout particulièrement la ville d’Arras et les élèves qui ont vécu cet événement.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce qui s’est passé. Je souhaite que nous le fassions dans la dignité.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun de vous, mes chers collègues, sera attentif à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou encore du respect du temps de parole.
conflit israélo-palestinien
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Au préalable, je présente mes condoléances à la famille de Dominique Bernard, victime d’un attentat terroriste vendredi dernier.
Samedi 7 octobre, nous avons tous été meurtris par l’attaque terroriste islamiste du Hamas contre la population israélienne : des jeunes terminant un festival et des populations de kibboutz ont été sauvagement abattus, violentés, pris en otage. Nous avons basculé dans une inhumanité que nous pensions révolue.
Nous pensons à tous les otages, dont nous demandons la libération.
Depuis lors, l’escalade de la violence s’accélère. Les Palestiniens sont victimes de représailles ; des centaines de civils sont tués. Hier, un hôpital a été bombardé, faisant des centaines de morts supplémentaires.
Avec gravité, je veux dire ici que nous refusons de trier les morts civils.
Le déplacement exigé par le gouvernement de Benyamin Netanyahou d’un million d’habitants de la bande de Gaza est intolérable et impossible. Il annonce un drame humanitaire sans précédent.
Face à l’engrenage militaire, je reprends ici les mots d’Ofer Bronchtein, président du Forum international pour la paix et la réconciliation au Moyen-Orient, ancien collaborateur d’Yitzhak Rabin : « Il n’y a pas de solution militaire au conflit, la seule solution sera diplomatique. »
Je suis et je serai toujours, à l’instar des autres membres de mon groupe, une ardente combattante de la paix, dans la continuité du combat de Jean Jaurès.
La France doit faire entendre sa voix dans le concert des nations. Elle doit affirmer haut et fort le respect des accords internationaux qui assoient la création de deux États, ainsi que la fin de l’occupation et de la colonisation.
Madame la Première ministre, faisant nôtres les propos d’António Guterres, secrétaire général des Nations unies, nous exigeons un cessez-le-feu immédiat.
La France va-t-elle porter à l’ONU une résolution en ce sens et faire reprendre à tous le chemin de la paix, si nécessaire à l’humanité ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la présidente Cukierman, vous l’avez rappelé, le 7 octobre dernier, une attaque terroriste sans précédent a touché Israël. Nous l’avons condamnée fermement, à plusieurs reprises – notamment avec vous, la semaine dernière.
Au cours de cette attaque, vingt-quatre de nos compatriotes ont perdu la vie. Sept sont encore portés disparus et plusieurs sont probablement retenus en otage à Gaza.
Nous l’avons dit, face à l’horreur, Israël a le droit à la sécurité. Israël a le droit de se défendre dans le respect du droit international humanitaire. Comme l’a affirmé le Président de la République, rien ne justifie jamais que des civils soient pris pour cible.
Aussi, à mon tour, permettez-moi de dire mon effroi face à la frappe qui a touché l’hôpital al-Ahli de Gaza, causant de nombreuses victimes palestiniennes. Je veux avoir une pensée pour les familles et les proches des victimes.
Cela ne fait aucun doute, chaque vie compte. Les hôpitaux et le personnel médical sont protégés par le droit international humanitaire. Celui-ci doit s’appliquer en toutes circonstances.
Dès hier, le Président de la République a condamné très fermement cette attaque.
Toute la lumière devra être faite sur ce drame. Les auteurs devront être identifiés et rendre des comptes.
Madame la présidente Cukierman, dans ce contexte dramatique, la position de la France est très claire.
Tout d’abord, nous sommes aux côtés de nos compatriotes. Je tiens à ce propos à saluer le travail de nos diplomates mobilisés jour et nuit. D’ici à ce soir, nous aurons permis à 3 500 de nos concitoyens de rejoindre la France.
La France demande la libération de tous les otages, sans délai et sans condition. Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, a rencontré dimanche dernier les familles à Tel-Aviv. Comme l’a déclaré le Président de la République hier, nous travaillons activement à leur libération.
Plusieurs dizaines de nos concitoyens sont par ailleurs bloqués à Gaza, dans une situation extrêmement précaire. Nous les suivons individuellement et faisons notre maximum pour leur permettre de quitter ce territoire.
Ensuite, je l’affirme de nouveau, les populations palestiniennes ne sont pas responsables de la situation. Nous avons annoncé un soutien supplémentaire de la France de 10 millions d’euros pour l’aide humanitaire à Gaza. Nous appelons à un accès humanitaire immédiat à Gaza, afin que l’aide des Nations unies puisse être acheminée et parvienne aux populations palestiniennes. C’est une urgence, des milliers de vies en dépendent.
Enfin, du point de vue diplomatique, nous multiplions les contacts avec les pays de la région pour éviter l’escalade et un embrasement régional. Notre position est constante : une issue politique avec deux États vivant en paix et en sécurité. C’est le seul horizon pour la paix.
Aux Nations unies, la France soutiendra cette après-midi le projet de résolution présenté par le Brésil, qui condamne sans ambiguïté l’attaque terroriste tout en rappelant la nécessité de permettre l’accès de l’aide humanitaire et la protection de la population civile de Gaza.
Madame la présidente Cukierman, la France cherchera toujours le chemin de la paix. Elle sera toujours une artisane de la sécurité et de la stabilité au Proche-Orient. Elle sera toujours du côté du droit international. C’est le sens de notre mobilisation et il continuera d’en être ainsi.
Madame la présidente, je vous confirme que le Parlement aura l’occasion de débattre de la situation au Proche-Orient dès la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
arras, sécurité des établissements scolaires, des agents et des élèves
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la Première ministre, mes chers collègues, trois années ont passé. La douleur de l’assassinat de Samuel Paty est encore présente. Elle vient d’être rouverte à vif par le meurtre de Dominique Bernard à Arras, ma ville, où l’émotion est à son comble.
Une fois de plus, l’école est une cible pour ceux qui en veulent à nos valeurs, qui en veulent à notre République.
Cependant, le terroriste a trouvé sur son chemin des héros. Avec un sang-froid admirable, enseignants, agents et policiers, au péril de leur propre vie, en ont sauvé de nombreuses. Les mots sont trop faibles pour les remercier et leur rendre hommage.
Si le temps est au deuil et au recueillement, il n’occulte pas tout à fait celui des questions.
Après trois décennies d’attentats et une trentaine de lois, l’arsenal juridique et policier existe. Est-il suffisant ? L’attentat d’Arras montre malheureusement qu’il y a des failles.
Pour autant, une énième loi de circonstance n’a guère d’intérêt. J’en appelle donc à la sagesse du Sénat pour trouver, dans la future loi Immigration, les réponses justes et fermes.
Reste qu’il faut miser aussi et surtout sur une véritable politique éducative et parentale, impérative pour réarmer moralement la jeunesse.
L’école doit demeurer un sanctuaire à l’abri de la violence de certains foyers et des idéologies mortifères, un lieu où l’on apprend et où l’on s’émancipe.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, vous avez rencontré à Arras les enseignants, bouleversés par le drame. Ils attendent vos réponses à leurs questions. Pour ma part, je vous en pose deux.
Premièrement, qu’allez-vous faire, pour assurer la protection des établissements scolaires ? Les grilles et les circulaires ne suffiront pas !
Deuxièmement, qu’allez-vous faire pour que le travail éducatif et civique qui a été réalisé par Samuel Paty et Dominique Bernard et que mènent tous les enseignants de notre pays ne soit pas vain ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Vanlerenberghe, nous étions ensemble vendredi dernier à Arras. Nous y avons rencontré une communauté éducative profondément traumatisée, mais qui reste debout et qui a fait le choix de rouvrir l’établissement scolaire dès le lendemain de l’attentat, le samedi, pour accueillir les enseignants, les élèves et les familles.
Je veux à mon tour, comme vous l’avez fait, monsieur le sénateur, rendre hommage à cette exemplaire mobilisation dans des circonstances absolument terribles et dramatiques.
Vous l’avez dit, Dominique Bernard est tombé en héros. Ses collègues qui sont intervenus sont des héros. Toutefois, ce sont des héros qui n’auraient pas dû l’être en de telles circonstances. La mission d’un enseignant, sa vocation, c’est de sauver des vies par la pédagogie, et non en s’interposant entre un terroriste armé et des élèves.
C’est pourquoi notre responsabilité absolue est de garantir à nos enseignants, à tous les personnels et aux élèves les conditions de sécurité qui sont évidemment nécessaires pour que l’école remplisse sa mission dans la sérénité.
Monsieur le sénateur, vous avez abordé deux questions.
Pour ce qui concerne la sécurité des bâtiments, j’ai rencontré ce midi l’ensemble des présidentes et présidents d’associations d’élus et nous publierons une déclaration commune dans les prochaines heures. Je puis néanmoins vous en livrer la substance : nous sommes unis autour de cet objectif de protection de nos agents et de nos élèves. Des efforts et des progrès ont été réalisés ces dernières années, notamment depuis 2015, quand le gouvernement d’alors avait engagé un plan massif de sécurisation et des plans de mise à l’abri.
Je le dis, ces mesures ont probablement permis d’éviter un carnage à Arras, où la réaction du personnel enseignant et éducatif a été tout à fait exemplaire.
Il faut probablement aller plus loin, et nous sommes déterminés à travailler de concert en ce sens.
J’en viens à la sécurité intellectuelle de nos enseignants, pour qu’ils puissent continuer à assumer leur mission. Oui, l’école doit rester un sanctuaire. Je suis conscient que, dans certains endroits, elle doit même le redevenir. Il s’agit là d’une mission profondément structurante, sur laquelle nous aurons à avancer tous ensemble.
J’ai un peu dépassé le temps de parole qui m’est imparti, monsieur le président, je vous prie de m’en excuser. D’autres questions me permettront d’approfondir ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
attentat d’arras (i)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Vendredi dernier, trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, Dominique Bernard est mort poignardé devant son lycée. Lui aussi était professeur. Nos pensées vont à ses proches, ses élèves et ses collègues.
C’est la richesse humaine qui fait toute la force de l’éducation nationale, mais elle s’amenuise.
Au travers de nos enseignants, c’est le savoir et nos valeurs qui sont attaqués. L’école est en première ligne, mais elle ne peut être la seule réponse à cette violence qui trouve son lit dans l’effondrement de l’État social.
L’école doit rester un lieu de transmission de savoirs et d’émancipation, un lieu où l’on apprend la tolérance et le vivre ensemble, un lieu où la communauté éducative se sent entendue. Malgré la sidération, la colère et la tristesse, il va de soi que l’école ne doit pas devenir une forteresse.
Lundi dernier, une minute de silence a été observée dans tous les établissements scolaires. Hasard du calendrier, la commission d’enquête sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes reprenait ses travaux. À cette occasion, la faiblesse de la formation et de la préparation à la vie de classe des enseignants a été pointée du doigt.
Il y a trois ans presque jour pour jour, monsieur le ministre, j’ai interpellé votre prédécesseur sur cette question. Rien n’a changé. On nous parle aujourd’hui d’un retour aux écoles normales, mais est-ce vraiment le cap ?
Hier, devant la commission d’enquête, la sœur de Samuel Paty nous a informés du défaut d’accompagnement institutionnel auquel s’était heurté son frère, alors qu’il cherchait soutien et protection avant son assassinat. Elle nous a également appris que les dernières circulaires n’avaient apporté aucune amélioration dans la prise en compte de la parole des enseignants.
Cette surdité institutionnelle est accablante.
Au-delà des discours de circonstance, nous attendons des actes et non des mots, monsieur le ministre. Quels seront les vôtres ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice de Marco, je vous remercie d’avoir rappelé la mission fondamentale de l’école, qui est la raison même pour laquelle les terroristes islamistes s’en prennent à elle.
Les islamistes veulent éloigner du savoir le plus grand nombre pour imposer leur obscurantisme. Notre école accueille tout le monde.
Les islamistes veulent soumettre les femmes. Notre école accueille toutes les petites filles de France, avec tous les petits garçons de France.
Les islamistes veulent imposer le règne de la religion. Notre école impose celui de la République et de la laïcité.
Il est extrêmement important de réaffirmer ces enjeux.
Madame la sénatrice, vous m’interrogez plus spécifiquement sur la question du respect de la laïcité à l’école et du soutien dû aux enseignants en la matière. Je vous rejoins totalement sur le fait que ce soutien doit être absolu et qu’il passe par des actes.
Sur les questions du respect de la laïcité à l’école, j’ai eu l’occasion, lors de la dernière rentrée scolaire, de prendre une décision sur les tenues religieuses à l’école, qui me paraît importante, dans le respect de la loi de 2004. Il s’agit là un acte clair.
Je le dis, madame la sénatrice, il me semble que certaines voix ont manqué politiquement au soutien que je jugeais indispensable pour cette mesure absolument nécessaire pour faire respecter nos règles à l’école. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme Amel Gacquerre. Très bien !
Mme Françoise Gatel. Tout à fait !
M. Gabriel Attal, ministre. Je pense que nous, responsables politiques, avons aussi la responsabilité d’être unis derrière ces valeurs, notamment la défense de la laïcité dans notre école, et derrière les actes qui sont mis en place pour la faire respecter.
Pour autant, nous n’avons évidemment pas épuisé le sujet. Vous l’avez dit, madame la sénatrice, il y a un enjeu de formation.
Je pense à la formation initiale que nous sommes en train de refondre profondément, en lien avec les organisations syndicales représentatives des enseignants. J’aurai l’occasion de formuler des annonces dans les prochains mois sur ce sujet.
Je pense aussi à la formation continue. Je le réaffirme ici, nous avons mis en place une formation sur les questions de laïcité, avec pour objectif que tous les personnels de l’éducation nationale – soit près de 1,3 million d’agents – soient formés d’ici à 2027. Chaque année, des centaines de milliers de personnels sont formés.
Il s’agit d’un enjeu absolument structurant et essentiel pour les valeurs de notre école et de notre République, et j’espère pouvoir compter sur l’ensemble de la représentation nationale pour nous accompagner. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
attentat d’arras (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Amel Gacquerre et M. Olivier Cigolotti applaudissent également.)
M. Jean-François Rapin. Les mots ne réparent pas les cœurs, les mots n’assèchent pas les pleurs, mais, parfois, les mots réconfortent.
Voilà les quelques mots que je convoque quand il m’est demandé de prononcer un éloge funèbre, monsieur le ministre. Mais comment voulez-vous que j’utilise des mots aujourd’hui pour exprimer l’impensable en perpétuelle répétition, l’impensable qui s’est reproduit à Arras la semaine dernière ?
Tant de colère nous envahit tous, même si l’on doit rester digne – comme toujours en de telles circonstances… Cette dignité que l’on nous demande depuis toujours et à chaque fois ; cette retenue politiquement correcte dont nous sommes coupables après le père Hamel, après Nice, après Charlie, après le Bataclan et le Stade de France, après Samuel Patty et, aujourd’hui, après Dominique Bernard.
Oui, c’est la colère qui nous submerge. Face à cette colère, monsieur le ministre, quels sont vos mots et, surtout, quels sont vos actes pour tenter de l’apaiser ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Rapin, je partage vos mots et votre colère, après l’attaque d’un professeur dans cette région qui est la nôtre.
Je veux souligner la réaction extrêmement digne et courageuse du corps enseignant, qu’a rappelée le ministre de l’éducation nationale, ainsi que le courage des policiers, qui sont intervenus en moins de quatre minutes pour interpeller le terroriste islamiste.
Nous devons évidemment prendre, sans faiblir, des mesures pour que cela ne se reproduise pas.
Dans trois semaines, le projet de loi relatif à l’immigration sera examiné dans cet hémicycle. La commission des lois du Sénat l’a adopté avec de nombreux changements. Je ferai miennes les modifications du Sénat. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le sénateur, j’ai une boussole : la fermeté – fermeté dans les mesures que nous adopterons, fermeté dans l’intégration, fermeté contre tous les délinquants étrangers que nous accueillons et qui ne peuvent rester sur notre sol.
Monsieur le sénateur, j’ai une autre boussole, celle qui guide chaque politique, femme ou homme : l’efficacité.
Je veux dire à M. le président du Sénat et à l’ensemble des sénateurs que je vais vers ce texte compliqué avec des idées simples : si des propositions supplémentaires, d’où qu’elles viennent, permettent, conformément à la ligne suivie par le Gouvernement depuis l’élection du Président de la République, de faire montre de fermeté contre tous ceux qui veulent toucher les valeurs françaises, attenter aux libertés publiques et fondamentalement blesser la Nation, je leur donnerai un avis favorable.
Puissions-nous, monsieur le sénateur, dans un esprit de concorde nationale, dans un esprit qui traduise en actes les mots prononcés ces derniers jours, y travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.
M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Vous l’avez dit, la situation ne peut que perdurer si rien n’est fait. Pourquoi en arrivons-nous là, sinon parce que, pendant des années, les ennemis de la France ont fait l’objet de trop de tolérance ?
Face à ceux qui nuisent ou qui vont nuire à la France, nous ne pouvons plus montrer de faiblesse.
Ces faiblesses, elles apparaissent au grand jour : ce sont des expulsions ou des obligations de quitter le territoire français qui sont prononcées et reconnues légales par la justice, mais qui sont dénoncées et contrariées par des structures activistes minoritaires, mais trop écoutées et, malheureusement, trop entendues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Murmures sur les travées des groupes SER et GEST.)
Monsieur le ministre, il ne faut pas se limiter à la surveillance. Il faut agir contre les ennemis de la République.
À ceux qui n’aiment pas la France, je le dis : qu’ils partent, nous ne les retenons pas.
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
M. Jean-François Rapin. Surtout, nous ne devons plus les attirer, ni en France ni en Europe, car, moi, la France, je l’aime ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
unité derrière nos valeurs communes après l’attentat d’arras
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nadège Havet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le ministre, dimanche à Arras, lundi dans toute la France, nous nous sommes rassemblés pour rendre hommage à Dominique Bernard, enseignant assassiné, trois ans après que l’a été Samuel Paty. Tous les deux ont été victimes de la barbarie, et celle-ci porte un nom : le terrorisme islamiste.
Nous témoignons notre soutien à sa famille, à ses collègues et à l’ensemble de la communauté éducative.
Nous saluons le courage de celles et de ceux qui se sont interposés, ainsi que des forces de l’ordre qui sont intervenues rapidement. Nous pensons également aujourd’hui à nos amis belges et suédois, eux aussi endeuillés.
Dominique Bernard est mort parce qu’il était un enseignant, un « porteur de flambeau », et parce que le djihadisme se projette contre l’école.
Dominique Bernard est mort pour s’être interposé entre l’école, qui est au cœur de notre République et de sa promesse d’émancipation, et le fanatisme, dont l’objectif est exactement inverse.
Après Arras comme après Conflans-Sainte-Honorine, il ne faut absolument pas tomber dans les pièges tendus par les défenseurs de cette idéologie mortifère, celle-là même qui voudrait que nous fassions des amalgames ou que nous nous divisions. Il nous faut au contraire nous rassembler derrière nos valeurs communes, notamment la laïcité, et les réaffirmer.
Je pense à Caroline Fourest, qui, avec d’autres, défend ce qu’elle nomme justement « le génie de la laïcité » et qui dénonce depuis longtemps certains renoncements, au travers du « pas de vague » ou par cynisme électoral. « Il faut arrêter de penser que l’école laïque est islamophobe », rappelait-elle voilà quelques jours.
Il est temps, en effet, que certains cessent de faire de l’école une cible. La laïcité, c’est ce principe qui permet de croire ou de ne pas croire. Nous devons défendre ce cadre de neutralité et rappeler que, loin d’être la source de nos problèmes, il est au contraire la condition de notre vie collective.
Monsieur le ministre, il est impératif que la parole puisse se libérer lorsque des propos se font menaçants. Comment mieux protéger nos enseignants tout en réaffirmant ce cadre qui nous est cher ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Havet, vous avez raison : il faut que la parole soit libre.
Pour que la parole soit libre, pour que les enseignants, les personnels de direction et l’ensemble des équipes éducatives puissent signaler un certain nombre d’atteintes à nos valeurs, notamment au principe de laïcité, il faut qu’ils aient l’absolue conviction que, quand ils le font, ils sont soutenus et suivis.
Cela passe par une attitude d’une très grande fermeté et d’une très grande clarté. Avant-hier, partout en France se sont tenus des hommages à la mémoire de Samuel Paty et de Dominique Bernard. La veille, j’avais tenu des propos extrêmement clairs et indiqué que toute contestation, toute provocation, toute perturbation donnerait lieu à des sanctions exemplaires et à la saisine de la justice.
Nous en sommes à près de 360 signalements de contestation et de perturbation, qui s’apparentent parfois à des menaces de mort ou à l’apologie du terrorisme. Ce sont autant de signalements que j’ai adressés au procureur de la République, autant de procédures disciplinaires qui sont engagées.
Pour les cas les plus graves – plusieurs dizaines d’entre eux –, j’ai demandé aux chefs d’établissement l’exclusion de ces élèves sans délai, c’est-à-dire sans attendre la réunion des conseils de discipline. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si nous ne sommes pas fermes et clairs, nous n’arriverons pas à faire appliquer nos règles à l’école. J’entends ou je lis ici ou là que certains parlent de « criminalisation d’élèves ». Or le crime, ce serait de laisser faire, ce serait de ne pas réagir !
Je le dis ici et je le réaffirme : oui, je continuerai à faire preuve d’une très grande fermeté sur ce sujet.
Je rappelle deux règles élémentaires : le souvenir de professeurs qui sont tombés pour l’école, on ne le piétine pas, on l’honore ; l’autorité de l’école et de la République, on ne la conteste pas, on s’y soumet. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
assassinat du professeur dominique bernard