M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Louis Vogel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Samuel Paty, Dominique Bernard : comment en sommes-nous arrivés là ?
L’école républicaine est en principe le lieu où chacun peut tirer le meilleur de lui-même.
L’école républicaine, c’est aussi le creuset de notre démocratie, le meilleur moyen d’intégrer et de souder notre communauté nationale.
Or nous avons laissé le pacte se faire entamer et grignoter par petits bouts. En réalité, nous sommes aujourd’hui engagés dans un combat de valeurs : les valeurs républicaines contre l’intégrisme, les Lumières contre l’obscurantisme, la démocratie contre le fanatisme.
Ce n’est pas un hasard si les professeurs d’histoire sont les premières cibles dans ce combat, si tous les enseignants sont en première ligne. Leurs témoignages se multiplient. Ils dénoncent les agressions verbales ou physiques, les intimidations qu’ils subissent au quotidien, encore amplifiées aujourd’hui par les réseaux sociaux et leur immédiateté.
Au même titre que les élus, les professeurs sont les meilleurs garants de l’ordre républicain. Les enseignants doivent pouvoir transmettre nos valeurs communes en toute liberté.
Pour leur permettre d’exercer leur métier, nous devons bien sûr assurer leur protection, mais cela ne suffira pas. Nous devons davantage valoriser leur rôle, peut-être organiser les enseignements, notamment civiques, de façon à les laisser moins seuls dans l’accomplissement de leur mission et peut-être intervenir dès leur formation pour mieux les préparer et leur permettre de continuer d’être ce qu’ils ont toujours été, les hussards de la République.
Monsieur le ministre, l’heure est grave. Que comptez-vous faire pour mieux protéger et mieux aider nos enseignants dans l’exercice de leur mission, qui est essentielle à notre démocratie ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Louis Vogel, un enseignant sur deux déclare s’être déjà autocensuré dans ses enseignements par crainte de réactions ou de représailles. C’est dire à quel point ce phénomène est structurant.
Il concerne, comme vous l’avez mentionné, les professeurs d’histoire-géographie, mais il peut également toucher des professeurs de lettres et de philosophie, ainsi que des professeurs de sciences de la vie et de la terre dans un certain nombre d’établissements. Nous devons regarder ce phénomène en face et nous montrer implacables.
Si nous voulons lutter contre l’autocensure, la première chose à faire, c’est d’être en toutes circonstances aux côtés de nos enseignants, en les soutenant lorsqu’ils font face à ces situations, en les encourageant à les signaler et en nous montrant exemplaires en matière de sanctions. C’est la première étape.
La seconde chose à rappeler constamment – ce n’est pas toujours fait –, c’est que la relation entre un enseignant et ses élèves n’est pas une relation d’égal à égal.
M. Laurent Duplomb. Enfin !
M. Gabriel Attal, ministre. Il y a celui qui sait et qui tire autorité de ce savoir, et il y a ceux qui apprennent.
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
M. Gabriel Attal, ministre. Cela paraît une évidence, mais, malheureusement, cela ne l’est plus partout dans notre pays, et il est nécessaire de le rappeler.
La troisième chose, comme vous l’avez souligné, monsieur Vogel, c’est de travailler en collaboration avec les enseignants, en adaptant parfois, s’ils le demandent, le format de certains cours, afin de garantir que ceux-ci soient dispensés en toute sérénité.
Lors de mes déplacements sur le terrain, a été évoquée la possibilité de prévoir pour certains sujets, tels que la laïcité, un renfort de personnes extérieures venues du ministère, comme nos formateurs de laïcité ou les équipes Valeurs de la République des rectorats, qui viendraient soutenir les enseignants, sur leur demande, pour les décharger d’une partie du poids qu’ils subissent face à certains élèves.
Cette approche fait partie des pistes que j’explore en collaboration avec les organisations syndicales représentatives des enseignants. Je sais que je pourrai compter sur le soutien de la représentation nationale pour progresser dans ce chantier, qui revêt une importance fondamentale pour notre école et, par conséquent, pour notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE.)
professeur assassiné au sein de son établissement
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Alors que l’école devrait être, comme disait Jean Zay, « l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas », un enseignant a une nouvelle fois été assassiné, au sein même de son établissement.
Aujourd’hui se mêlent des sentiments de colère, de révolte et de sidération. Le groupe RDSE s’associe aux hommages rendus depuis vendredi dernier à Dominique Bernard, tombé parce que professeur, tombé parce que, comme l’aurait dit Jean Jaurès, il tenait entre ses mains « l’intelligence et l’âme des enfants ».
Lieu d’instruction, d’inclusion et d’apprentissage de la liberté, notamment de conscience, l’école est devenue une cible.
L’assaillant d’Arras a attaqué à dessein le symbole d’une République laïque, le lieu où se forme l’esprit critique, qui questionne les croyances et permet l’émancipation. Il a grandi en France et a été éduqué dans l’école de la République, là même où il a décidé de frapper. Au-delà de l’obscurantisme et du fanatisme, ce drame doit nous interroger sur notre modèle républicain et sa pérennité.
Lors d’une récente séance de questions au Gouvernement, je vous avais interrogé sur les réponses apportées à la banalisation de la violence du quotidien. La violence prend ici une forme particulièrement horrifiante.
Toutefois, comme en juin dernier, je veux vous parler de culture citoyenne et de solutions de moyen et de long terme pour soutenir les équipes éducatives, porter les valeurs républicaines et valoriser le sens de l’engagement dès le plus jeune âge.
Je sais le Gouvernement attentif à ces sujets, comme en témoigne notamment le déploiement du service national universel (SNU).
Vous nous trouverez à vos côtés dans ce combat. Le groupe RDSE défendra ainsi, dans quelques semaines, une proposition de loi, déposée par notre collègue Henri Cabanel, visant à renforcer la culture citoyenne. Ce texte comporte des propositions pour permettre à chacun de s’inscrire dans un projet commun, mais aussi de trouver son rôle et sa place dans une société apaisée.
Monsieur le ministre, quels sont vos projets pour renforcer les outils d’éveil à la citoyenneté et favoriser le vivre ensemble ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Éric Gold, vous rappelez ici la mission fondamentale de l’école : former des républicains et des citoyens éclairés.
J’ajouterai, car nous partageons tous deux cette conviction, que le rôle de l’école est également de former une communauté de républicains et de citoyens éclairés. À cet égard, vous avez raison, l’enseignement moral et civique, autrefois appelé éducation civique, est fondamental.
Nous avons entrepris des travaux sur ce sujet. Mon prédécesseur avait saisi le conseil supérieur des programmes pour nous éclairer sur une refonte de l’enseignement moral et civique. Les constats sont bien connus.
Tout d’abord, cet enseignement n’est pas dispensé partout, car il est souvent, de manière compréhensible, une sorte de variable d’ajustement pour certains enseignants, s’ils veulent terminer les programmes – ce qui montre qu’il est impératif de revoir certains de ces derniers.
Ensuite, cet enseignement doit être revu dans ses objectifs et dans son contenu. De nombreuses modifications ont déjà été apportées, parfois au détriment des objectifs initiaux.
Enfin, nous devons probablement renforcer le volume horaire de cet enseignement pour un certain nombre d’élèves et de classes.
Avec Prisca Thevenot, la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel (SNU), et avec la représentation nationale, je vais avancer sur ce sujet. J’ai été auditionné par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sous la présidence de Laurent Lafon, et j’ai exprimé ma volonté de progresser sur ces questions dans les mois à venir, notamment en lien avec le Sénat, qui travaille activement sur ces sujets.
Nous allons également poursuivre le déploiement du SNU, un projet auquel je tiens beaucoup, que j’ai lancé en 2018 en tant que secrétaire d’État et dont Prisca Thevenot assure aujourd’hui le suivi.
Je souhaite profondément faire du SNU un élément clé dans la formation des citoyens en France, ce qui pourrait impliquer des évolutions. Je crois fermement que nous devons aller vers la généralisation du SNU, afin que l’école puisse pleinement assumer sa mission de former une communauté de républicains et de citoyens éclairés et unis – un objectif auquel nous souscrivons tous, me semble-t-il. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
attentat d’arras (iii)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Darras, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. Jérôme Darras. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Vendredi dernier, à Arras, alors que les manifestants quittaient tranquillement la place des Héros, au terme de leur défilé, dans le cadre du débat démocratique qui fait l’identité et la grandeur de notre pays, les rues de la ville retentissaient des sirènes hurlantes des forces de police et de secours.
À quelques dizaines de mètres, Dominique Bernard tombait sous les coups de couteau d’un individu animé par une idéologie terroriste islamiste. Arras, le Pas-de-Calais et la France entière étaient cruellement frappés par la barbarie, au cœur de la mission la plus noble de la République : l’éducation de ses enfants.
L’horreur absolue s’abattait sur nous, nous replongeant dans les funèbres souvenirs des attentats de janvier et novembre 2015, faisant écho à l’assassinat de Samuel Paty, et nous rappelant qu’il est encore possible, en 2023, de mourir par le seul fait de transmettre le savoir.
La République est en deuil.
Je veux ici rendre hommage au courage de Dominique Bernard et saluer sa mémoire, assurer sa famille de notre soutien, former des vœux de rétablissement aux blessés et exprimer notre entière solidarité avec les élèves et les membres de la communauté éducative. Permettez-moi également de saluer la réactivité et le courage de nos forces de sécurité et de nos services de secours.
En ce temps de deuil, prenons la mesure de ce qui nous rassemble autour de ce que nous avons de plus cher, les valeurs de notre République : la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité. Rappelons avec détermination que la République et la Nation doivent faire bloc face au fanatisme.
Monsieur le ministre, vous avez établi un lien entre les événements qui se sont déroulés en Israël et cet attentat.
Faisiez-vous allusion au climat de haine et à l’effet de contagion suscités par ces événements ou avez-vous connaissance d’une entreprise organisée et coordonnée, au-delà des cellules terroristes familiales ou isolées, sur le territoire national ou en dehors de celui-ci, qui viserait particulièrement notre pays ?
Alors que, en matière d’alerte, nous sommes passés au niveau urgence attentat, pouvez-vous nous éclairer sur la bonne manière de résoudre la redoutable équation qui permet de concilier la fermeté contre le terrorisme et le respect de l’État de droit, inventé par nos Lumières et marqueur des démocraties adultes telles que la nôtre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K. – MM. Jacques Fernique et Bernard Fialaire applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, depuis que je suis ministre de l’intérieur, je n’ai de cesse de rappeler aux Français que la menace terroriste, singulièrement islamiste, est extrêmement importante.
Quelque 43 attentats islamistes ont été déjoués par les services de mon ministère, soit un tous les un mois et demi. Au cours des cinq dernières années, quelque 1 500 personnes ont été interpellées pour avoir des liens directs avec l’apologie du terrorisme ou la préparation d’un attentat. Et, chaque année, nous utilisons nos techniques de renseignement à l’encontre de 6 500 personnes.
Nous avons expulsé 922 fichés S qui se trouvaient en situation irrégulière sur le territoire national. En cinq ans, nous avons fait passer le nombre de fichés S de 1 142 à 449. Plus de la moitié sont en prison, les autres étant en centre de rétention administrative, assignés à résidence ou en contentieux juridique. Et nous espérons que le projet de loi sur l’immigration nous permettra d’agir plus rapidement et de manière plus déterminée.
Monsieur le sénateur, même s’il n’y a pas, à notre connaissance, de menace organisée exogène, le risque persiste en raison de la situation au Sahel, au Proche-Orient, en Afghanistan et au Levant : des cellules pourraient se reconstituer en Europe.
Cependant, la principale menace demeure endogène, avec une ubérisation du terrorisme, si j’ose dire, favorisée par la propagation de théories complotistes sur internet. La publication de caricatures, de prétendus blasphèmes ou les difficultés particulières de telle ou telle communauté fantasmée sont autant de prétextes pour passer à l’acte : oui, un djihadisme d’atmosphère existe, alimenté par un écosystème islamiste, et nous devons le combattre.
Le Gouvernement s’est engagé dans cette lutte, avec la loi Séparatisme, avec la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et avec les textes relatifs au renseignement – je salue d’ailleurs le courage de nos services de renseignement dans ce combat.
Ainsi, monsieur le sénateur, bien qu’il n’y ait pas actuellement de menace caractérisée et organisée, les attaques terroristes islamistes contre Israël créent à l’évidence un climat négatif.
La menace est très forte. J’ai une pensée particulière pour nos compatriotes de confession juive, qui ont peur : la République les protège chaque jour et chaque nuit. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
attentat d’arras (iv)
M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annick Petrus. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Alors qu’un double hommage a été rendu aux professeurs Dominique Bernard et Samuel Paty, lâchement assassinés par des terroristes islamistes, une rage sourde et une crainte certaine envahissent le monde enseignant.
Comment peut-on mourir d’enseigner en France en 2023 ? J’ai passé plus de trente-cinq ans de ma vie à enseigner et j’étais heureuse de me rendre à mon établissement chaque matin. Aujourd’hui, cela ne serait certainement plus le cas. L’école est devenue la cible du terrorisme. Nous en avons la confirmation avec ces tragiques événements.
À la colère et à la tristesse que nous éprouvons s’ajoute aussi l’effroi à l’idée que n’importe quel enseignant peut être aujourd’hui une cible. Dans une société de plus en plus violente, les enseignants se retrouvent souvent bien seuls, face à des assaillants qui peuvent profiter d’un interclasse pour entrer tranquillement dans un établissement scolaire et tuer.
Ils sont tout aussi démunis face à leur hiérarchie. Nos enseignants veulent un siècle de parole, non une minute de silence, le bras le long du corps, la montre en main. Ils veulent vivre pour enseigner, éduquer, instruire et élever : c’est leur mission et leur destin.
Monsieur le ministre, nos enseignants attendent un soutien clair et sans faille de l’État.
Aussi, quels moyens entendez-vous mettre au service de nos établissements et de notre école, afin que celle-ci puisse assurer sa mission essentielle, à savoir transmettre nos valeurs ?
Par ailleurs, comment comptez-vous réarmer nos enseignants et leur assurer une formation, à l’image de ce que furent les écoles normales à la fin du XIXe siècle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Dominique Théophile applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Petrus, vous avez raison, notre école a été la cible des terroristes islamistes parce qu’elle promeut des valeurs profondément contraires à celles qu’ils défendent. L’important est qu’elle ne cède jamais un iota sur ses valeurs.
Depuis vendredi dernier, comme cela avait déjà été le cas après l’assassinat de Samuel Paty, 860 000 enseignants se rendent dans leur établissement en se disant que cela aurait pu être eux, et notre responsabilité est de leur apporter la sécurité.
J’ai rencontré l’ensemble des associations d’élus ce midi : nous sommes unis dans notre détermination à leur apporter cette sécurité. Beaucoup d’investissements et d’efforts ont été réalisés ces dernières années, je le rappelle, en termes de formation au sein des établissements – pour mettre en sécurité lorsqu’il y a une alerte intrusion – ou en termes d’équipement – pour limiter au maximum le risque d’une intrusion extérieure dans les établissements et, le cas échéant, lutter contre celle-ci. Évidemment, il faut aller plus loin, et c’est ce sur quoi nous nous sommes accordés ce midi avec les associations d’élus.
Vous posez la question des moyens. L’État ne s’est jamais dérobé à ses responsabilités en la matière. Au contraire, depuis 2017, sur le budget de mon collègue Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, 100 millions d’euros ont été consacrés à la sécurisation d’établissements publics locaux dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Cela a permis d’aider des collectivités territoriales à sécuriser des écoles, par exemple.
Nous continuerons évidemment à accompagner les collectivités locales dans ces investissements pour la sécurisation. Au cours des débats budgétaires qui s’annoncent, je suis certain que cela fera partie des sujets sur lesquels vous vous pencherez, dans votre rôle de parlementaires, afin que l’État, avec les collectivités locales, puisse continuer à agir en toutes circonstances pour assurer ce que nous devons à notre communauté enseignante et à nos personnels : la sécurité de leur établissement, pour la sérénité de leurs enseignements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
prélèvements agirc-arrco
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Après cette série de questions d’une particulière gravité, qui étaient compréhensibles et nécessaires en raison du drame que notre République a vécu la semaine dernière, je suis obligée de changer de sujet, et ce n’est pas chose aisée.
Je souhaite interroger M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion pour savoir s’il confirme ce que j’ai lu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Le Gouvernement a-t-il réellement l’intention de ponctionner les caisses de l’Agirc-Arrco d’un montant de 1 milliard à 3 milliards d’euros ? Et quels arguments invoque-t-il pour agir de cette façon ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Lubin, vous m’interrogez au sujet de l’Agirc-Arrco. C’est l’occasion pour moi de revenir sur plusieurs points.
L’Agirc-Arrco est une caisse complémentaire gérée par les partenaires sociaux.
M. Rachid Temal. Ah, la démocratie sociale…
M. Olivier Dussopt, ministre. Elle est bien gérée, notamment parce que, il y a quatre ans, les mêmes partenaires sociaux – organisations syndicales et patronales – ont voté la mise en place d’une décote provisoire sur les pensions de retraite de ceux qui partent avant l’âge de 65 ans.
L’Agirc-Arrco dégage déjà des excédents, ce qui est une bonne chose. Mais nous considérons que la réforme des retraites, telle qu’elle a été votée par le Parlement et promulguée en avril dernier, contribuera à susciter pour cette caisse des excédents supplémentaires d’ici à 2026.
Le Gouvernement estime que des excédents d’un montant de 1,2 milliard d’euros n’existeraient pas sans cette réforme des retraites. (Protestations sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Rachid Temal. Ils n’existeraient pas sans les salariés !
M. Olivier Dussopt, ministre. Les services de l’Agirc-Arrco partagent cet avis et considèrent que, sans la réforme des retraites, un excédent de 1 milliard d’euros n’existerait pas. Entre ces deux montants, l’écart n’est pas si considérable… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Avec la Première ministre, j’ai demandé aux partenaires sociaux, dans le cadre des négociations en cours, que cet excédent puisse contribuer à rétablir l’équilibre du régime général.
Les partenaires sociaux ont fait d’autres choix et décidé de dépenser ces fonds d’une manière qui n’était pas prévue. Ils ont opté pour une revalorisation des pensions au-delà de ce qui est habituel et supprimé la décote pour les retraités actuels comme pour les retraités futurs. Cette décision entraînera des dépenses sociales supplémentaires de 1 milliard d’euros en 2026, et ces dépenses sont incluses dans les dépenses publiques selon les normes de l’Union européenne.
Nous devons trouver des marges dans les trois ans qui viennent. Nous poursuivons les discussions avec les partenaires sociaux afin de déterminer la façon dont ces excédents supplémentaires pourraient contribuer au rétablissement de l’équilibre général du système de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, je suis heureuse de vous entendre dire que les excédents de l’Agirc-Arrco sont liés à des sacrifices qui ont été consentis par les salariés du secteur privé de notre pays !
À partir de la génération de 1957, ces salariés ont accepté une réduction de 10 % de leurs pensions de retraite complémentaire pour renflouer les caisses de l’Agirc-Arrco.
Cependant, la génération qui arrive, celle qui devrait prendre sa retraite, se trouve dans l’obligation de travailler deux à trois ans de plus. Vous affirmez que c’est grâce à cela que les comptes de l’Agirc-Arrco vont s’améliorer encore et qu’il faudrait donc mettre cette génération à contribution pour combler le déficit du régime général.
Bref, dans ce pays, ce sont les salariés qui font tous les sacrifices : ils doivent travailler plus longtemps et perçoivent des retraites moins élevées ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Il est grand temps que nous engagions un débat sérieux sur les salaires, car les travailleurs sont clairement la force vive de la Nation.
Pourtant, ce gouvernement semble ne pas beaucoup les aimer. En témoignent les propos du ministre chargé des relations avec le Parlement : celui-ci n’a pas hésité à fustiger les partenaires sociaux, les qualifiant implicitement d’irresponsables, au motif qu’ils préfèrent dépenser leur argent plutôt que de le remettre au Gouvernement afin de combler les déficits que ce dernier n’est pas capable de réduire autrement ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mme la Première ministre proteste.)
filet de sécurité pour les collectivités territoriales (I)
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Genet. Madame la Première ministre, votre gouvernement a publié hier les montants définitifs que percevront les collectivités territoriales au titre du filet de sécurité énergétique.
Ce soutien de l’État était attendu, et je veux relayer ici les profondes inquiétudes des maires confrontés à l’explosion de leurs dépenses d’énergie, à l’inflation, à l’augmentation des charges de personnel, mais aussi à la remontée des taux d’emprunt.
Ce soutien était d’autant plus attendu qu’il devait appuyer la formidable mobilisation des élus locaux, qui cherchent à faire face à cette dégradation des conditions budgétaires et à trouver des économies, afin d’investir pour plus de sobriété.
Le Sénat vous avait alertée, madame la Première ministre, sur ces réels besoins des collectivités, dès l’été 2022. Avec Mathieu Darnaud et plusieurs de nos collègues, je vous avais mise en garde contre l’usine à gaz inventée par Bercy.
Finalement, ce filet s’est transformé en une véritable nasse pour les 22 000 communes auxquelles le Gouvernement avait initialement promis un soutien, une nasse insidieuse qui, finalement, ne soutient que 2 942 collectivités territoriales, soit dix fois moins que ce qui avait été annoncé.
Cette nasse n’aurait pas déplu au marquis de Sade, puisque les critères de Bercy contraignent maintenant près de 3 500 collectivités territoriales à rembourser l’acompte perçu, alors qu’elles ont vu leurs dépenses exploser ! Dans mon département de Saône-et-Loire, près de deux communes sur trois ayant perçu un acompte vont devoir le rembourser.
Dans ces conditions, madame la Première ministre, vous rendez-vous compte que, après le piteux échec de vos contrats de confiance, ce dispositif est devenu le filet de la défiance entre l’État et les collectivités locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Genet, à l’été 2022, vous n’avez pas été parmi les derniers à plaider, ici au Sénat, en faveur de l’ajout d’un article 14 à la loi de finances rectificative.
Cet article prévoyait la création d’un filet de sécurité doté de 430 millions d’euros. À l’époque, la nécessité de mettre en place un tel filet de sécurité n’était pas immédiatement évidente pour l’ensemble des membres du Gouvernement. Mais vous avez argué du fait qu’il y avait lieu de soutenir les communes, affectées par la hausse du prix de l’énergie et par l’augmentation du point d’indice.
Conjointement, nous avons arrêté trois principes, ainsi qu’un montant qui a été revu à la hausse par le Sénat, atteignant 430 millions d’euros.
Les trois critères pour bénéficier de ce dispositif étaient les suivants : l’épargne brute ne devait pas être inférieure à 22 % ; le potentiel fiscal ne devait pas dépasser deux fois la moyenne de la strate ; enfin, l’épargne brute devait baisser de 25 % sur l’année considérée.
Je tiens à souligner que, tant que nous n’avions pas les comptes administratifs de l’année 2022, nous ne pouvions établir la liste définitive des bénéficiaires. Je sais que vous le savez, et personne ne le conteste. Cette liste a été arrêtée il y a quelques jours, après que les chiffres ont été consolidés par la direction générale des finances publiques (DGFiP).
Il y a deux manières de lire cette situation. Comme vous l’avez mentionné, certaines communes ont touché des acomptes, mais il est apparu à la fin de ce processus, en se fondant sur les critères que nous avons partagés, qu’elles n’y avaient pas droit.
Voici quelques chiffres pour illustrer la situation : 4 000 acomptes ont été versés, principalement de faible montant, et 3 000 communes ont finalement bénéficié du dispositif. Le montant consolidé s’élève à 405 millions d’euros, ce qui est très proche de la somme globale que nous avions envisagée.
Certaines sommes versées sont très significatives : 9 millions d’euros pour Lille ou 7 millions d’euros pour Rennes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)