Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Khalifé Khalifé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que je me réjouissais de discuter d’un texte visant à « améliorer l’accès aux soins », j’ai le regret de constater que la montagne a accouché d’une souris.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Khalifé Khalifé. Durant ma longue carrière de médecin hospitalier, j’ai vu émerger les difficultés croissantes de notre système de santé, qui provoquent aujourd’hui le désarroi des usagers et des acteurs de soins.
Agir rapidement à travers une nouvelle loi est bien sûr nécessaire, mais ne confondons pas urgence et précipitation !
Entre avancées mineures et mesures contraignantes, ce texte n’est clairement pas à la hauteur du défi qu’il s’était proposé de relever.
Les professionnels libéraux sont-ils prêts à l’accepter, alors même que les négociations conventionnelles n’ont pas encore repris ? Les professionnels hospitaliers, particulièrement désespérés, sont-ils prêts à y adhérer ?
Malgré quelques idées judicieuses, ce texte demeure un amas de mesurettes qui ne permettront pas de redonner à notre système de soins les outils nécessaires pour accomplir sa mission.
Sans entrer dans les détails, j’évoquerai trois points majeurs.
En ce qui concerne le conseil territorial de santé, je m’interroge depuis 2016 sur sa place et son efficacité. Le faire passer d’un rôle consultatif à un rôle plus exécutif nécessiterait d’autres leviers et, surtout, une certaine indépendance. C’est loin d’être le cas aujourd’hui et le texte n’apporte pas de garanties suffisantes.
Pour l’accès aux soins, si certaines mesures proposées ont un intérêt, elles restent subordonnées à l’évolution de la démographie des soignants, que le texte évite d’aborder clairement.
S’agissant des professionnels non médicaux, les régions se sont adaptées pour assurer les besoins et la répartition territoriale des instituts de formation. En revanche, il revient à l’État d’adapter la grille salariale aux qualifications demandées. Cette proposition de loi n’y fait pas allusion. Quant aux professionnels médicaux, à part quelques dispositions de portée limitée, nous n’avons pas non plus trouvé de propositions visant notamment à évaluer les études médicales, que ce soit la procédure Pass-LAS ou le concours de l’internat, et à les envisager dans une démarche d’aménagement du territoire qui nous est chère. Nous déplorons aussi que cette situation ait donné lieu au développement d’une autre médecine totalement éloignée des règles de bonne pratique clinique et de la pertinence des soins.
Les déserts médicaux inquiètent nos concitoyens et préoccupent les collectivités, qui essaient tant bien que mal d’y faire face avec force et conviction, mais il revient à l’État, dont c’est la compétence, d’activer en priorité tous les leviers nécessaires.
Le texte proposé n’y fait pas allusion, et c’est bien regrettable.
Enfin, en ce qui concerne la permanence des soins, il est rassurant et satisfaisant de constater que les urgences vitales ou graves sont prises en charge avec professionnalisme, efficacité, et sans dysfonctionnement, par les services dédiés. En revanche, il importe de revoir la prise en charge des situations dites « urgences ressenties ».
Nous aurions aimé voir apparaître dans le texte quelques solutions telles que la généralisation des consultations de médecine générale aux côtés des services d’urgence, le recentrage du rôle de médecin urgentiste, la plus grande implication des services hospitaliers en aval des urgences afin de fluidifier le parcours des patients.
Pour conclure, je ne peux que regretter que la santé fasse l’objet d’une politique de petits pas. Ce texte ne répond pas aux problématiques de fond affectant ce grand malade qu’est notre système de santé. J’appelle de mes vœux une grande loi-cadre qui permettrait enfin de redonner au monde médical la sérénité suffisante pour accomplir sa mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains que ce texte ne soit qu’une occasion de se donner bonne conscience en évitant soigneusement le grand chantier des politiques de santé que méritent nos compatriotes.
La pandémie de covid-19 a été, pour ceux qui niaient l’évidence, un dramatique révélateur : le système de santé français est devenu un champ de ruines ! Des personnels hospitaliers au bout du rouleau, une faiblesse générale des moyens, une médecine de ville qui s’épuise, une désertification qui, loin de concerner aujourd’hui uniquement nos campagnes, commence à gagner nos villes moyennes, et une dépendance pharmaceutique et matérielle qui a empêché toute réactivité lorsque le covid-19 est apparu.
La question de la désertification médicale et des territoires carencés n’était pas nouvelle, il faut tout de même le rappeler, et la quasi-totalité de l’échiquier politique ayant géré le pays a été témoin de cette chute sans jamais pouvoir l’enrayer.
Les conséquences sont fatalement dramatiques, avec des personnes qui abandonnent leur parcours de soins par fatigue ou par lassitude, qui voient des opérations sans cesse retardées, ou qui sont victimes de diagnostics tardifs, ce qui entraîne une prise en charge plus difficile de leur pathologie et un moindre taux de réussite des soins.
Malheureusement, la désertification médicale tend à se généraliser et nous craignons le grand nombre de départs à la retraite de généralistes et de spécialistes, mais aussi de professionnels du paramédical, jusque dans les zones urbaines et périurbaines, dans les années à venir.
Aujourd’hui, la question est non plus de savoir où sont les déserts médicaux, mais où ils ne sont pas, et tout cela accrédite fatalement le sentiment de déclassement français. Autant de problématiques auxquelles cette proposition de loi ne répond pas !
Mes chers collègues, c’est toute notre politique de santé publique qu’il faut remettre à plat. Ce texte élude la question de la formation massive de nouveaux médecins, du recrutement difficile d’infirmiers et d’aides-soignants, la question globale de la gouvernance et de l’échec des agences régionales de santé.
Il n’y a aucune mesure d’invitation ou d’incitation des professionnels à exercer dans les territoires carencés, urbains comme ruraux. Excusez-moi d’être trivial, mais cette proposition de loi est une rustine sur un bateau qui prend l’eau de toute part, bref, un cautère sur une jambe de bois.
C’est un acte de bonne conscience, mais guère plus, et je suis à peu près sûr que, fondamentalement, nous sommes une majorité à le penser ici, toutes travées confondues.
Pour autant, presque rien, c’est toujours mieux que rien du tout, alors nous nous abstiendrons. Mes chers collègues, il y a urgence, et vous le savez. Le « pas de vague » ne doit pas être généralisé à l’offre de santé que méritent nos compatriotes. Sans mauvais jeu de mots, je vous invite à ruer dans les brancards. (MM. Aymeric Durox et Joshua Hochart applaudissent.)
M. Michel Savin. C’est bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 83 % des Français placent la santé au premier rang de leurs préoccupations, alors que plus de 6 millions d’entre eux n’ont pas de médecin traitant. Il est donc nécessaire d’améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens, et notamment, la prise en charge des soins non programmés.
Je rappelle qu’actuellement il y a plus de médecins « thésés » qu’en 1990. Malheureusement, beaucoup d’entre eux ne souhaitent pas s’installer ou préfèrent être salariés. Il faut donc mettre l’accent sur la formation.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est issu d’une proposition de loi du député Frédéric Valletoux. Il vise à apporter des mesures pragmatiques pour améliorer l’accès aux soins de nos compatriotes, en misant notamment sur l’échelon local.
L’article 1er renforce l’action des conseils territoriaux de santé, avec comme objectif un meilleur accès aux soins. Il fait du CTS l’échelon central de l’organisation locale de la politique de santé, donnant ainsi une place primordiale aux professionnels de santé du territoire. Nous regrettons que la liste précisant la composition des CTS ait été supprimée, car elle permettait d’assurer une représentation exhaustive de l’ensemble des acteurs du territoire.
Nous soutenons le dispositif prévu à l’article 2 bis, qui permet de lutter contre le nomadisme médical en limitant à une fois tous les dix ans les aides et exonérations fiscales liées à l’installation d’un médecin.
De même, nous sommes favorables à la suppression de la majoration du ticket modérateur pour les patients dont le médecin a récemment quitté son cabinet. Cela leur évite très justement une double peine.
Nous approuvons également l’élargissement du contrat d’engagement de service public aux étudiants du premier cycle, ainsi que l’encadrement de l’intérim des professionnels de santé. Sur ce point, nous partageons la version adoptée en commission.
À l’article 2 quater, le rehaussement à 75 ans de l’âge jusqu’auquel le cumul emploi-retraite est possible pour les médecins est également une mesure de bon sens. Je connais des hôpitaux qui n’auraient pas pu fonctionner sans ces médecins cet été.
Nous regrettons la suppression de l’article 2 ter issu de la proposition de loi du sénateur Dany Wattebled, qui permettait la mise à disposition, pendant trois mois et contre remboursement, d’un fonctionnaire auprès d’un médecin s’installant dans un désert médical. Ce dispositif aurait représenté une véritable aide pour un médecin arrivant dans un territoire qu’il ne connaît pas. Je soutiendrai donc tous les amendements tendant à rétablir cet article.
À titre personnel, je regrette également la suppression de l’adhésion automatique des professionnels aux CPTS, prévue à l’article 3. Cette mesure est de nature à permettre une meilleure coopération entre tous dans la prise en charge des soins. De surcroît, elle n’est pas contraignante, puisqu’elle s’accompagne d’un droit de retrait. Aussi, j’ai déposé un amendement visant à la rétablir.
Nous soutenons évidemment le rééquilibrage de la permanence des soins en établissement de santé proposé à l’article 4, mais, à mon sens, la permanence des soins ambulatoires de jour est tout aussi importante.
La prise en charge des soins non programmés est organisée pour être assurée la nuit de vingt heures à huit heures, ainsi que les dimanches et jours fériés, mais je constate qu’entre huit heures et vingt heures, certains besoins en soins non programmés ne sont pas satisfaits.
Il est donc impératif de renforcer la permanence des soins ambulatoires. Aussi, j’ai déposé un amendement visant à ce que les maisons de santé et les cabinets médicaux membres d’une CPTS s’organisent pour assurer, à tour de rôle, la prise en charge effective des soins ambulatoires non programmés. Il s’agit de renforcer les CPTS afin que moins de malades arrivent aux urgences.
Je ne suis pas favorable à la création d’un infirmier référent, qui introduirait une confusion avec le médecin référent. Le médecin traitant doit conserver la compétence du diagnostic et de l’orientation.
Nous approuvons l’augmentation du délai avant l’action en dissolution d’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa) portant une maison de santé lorsqu’il ne reste qu’un seul médecin. Je regrette que mon amendement permettant leur création à partir d’un seul médecin et d’un auxiliaire médical ait été jugé irrecevable.
Nous soutenons enfin les articles facilitant l’exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne, notamment la proposition d’une attestation d’exercice provisoire qui serait attribuée après avis d’une commission – nous pensons qu’une commission régionale pourrait suffire –, composée de professionnels de santé et de représentants de l’ordre compétent.
Parce qu’il contient plusieurs mesures pragmatiques de bon sens axées sur les territoires, notre groupe adhère à l’esprit de ce texte et le soutiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier Mme Corinne Imbert, rapporteure de ce texte pour la commission des affaires sociales, qui a fait un travail consciencieux, et Dieu sait s’il a été difficile.
Cette proposition de loi qui est soumise à notre examen aujourd’hui vise à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.
Répondre aux inégalités territoriales, encourager la coordination entre ville et hôpital, entre libéraux et salariés, tout en impliquant les élus locaux : tels sont les objectifs principaux de ce texte. Cependant, il se présente comme un ensemble disparate de mesures insuffisantes touchant à l’organisation des soins de ville, aux études de santé et à l’hôpital.
Faute d’un projet de loi structurant en matière de santé, qui est très attendu, mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans la lignée de plusieurs autres initiatives parlementaires.
Toutefois, vous l’aurez compris, ces actions hétérogènes, extrêmement dispersées, dépourvues de cohérence d’ensemble, présentent un impact limité sur la crise actuelle de notre système de soins, en ville comme à l’hôpital. C’est comme poser un pansement sur une jambe de bois !
De surcroît, l’inscription à l’ordre du jour de ces textes avec un calendrier politique déraisonnable, voire brutal, suscite des interrogations sur la pertinence du traitement de ce sujet ô combien important pour les Français. La méthodologie adoptée est en trompe-l’œil. Par conséquent, nous soutenons les amendements de suppression de la commission qui portent, par exemple, sur la mesure qui entend automatiser l’adhésion des professionnels de santé aux CPTS, celle qui prévoit d’ouvrir à certains cabinets et maisons de santé la mise à disposition de fonctionnaires – une idée déjà rejetée au Sénat en mars dernier –, ou encore celle qui propose de créer un indicateur territorial de l’offre de soins. De nombreuses données statistiques existent, qui permettent de documenter les inégalités d’accès aux soins.
Enfin, nous approuvons également la suppression de la mesure qui tend à rétablir pour les professionnels l’obligation de participer à la permanence des soins ambulatoires. Celle-ci revient en effet sur des dispositions votées à l’occasion de la proposition de loi de Mme Rist sur l’accès aux soins qui n’ont pas encore produit tous leurs effets !
Si l’on peut reprocher à ce texte un manque de vision d’ensemble et des mesures de faible portée, comme des évolutions décevantes pour les conseils territoriaux de santé, certaines dispositions, sensiblement enrichies par les travaux de la commission, nous semblent de bon sens : rehaussement à 75 ans de l’âge limite pour les médecins exerçant en cumul emploi-retraite en établissement public de santé ou dans un centre de santé géré par une collectivité territoriale ; préavis de trois mois pour les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes cessant leur activité pour lutter contre le nomadisme, qui n’est le fait que d’une minorité des professionnels de santé ; suppression de certains freins dans la gestion des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires, qui abritent la plupart des maisons de santé pluriprofessionnelles, et de la majoration du ticket modérateur et des tarifs des spécialistes hospitaliers pour les assurés dont le médecin traitant a pris sa retraite ou déménagé lors des douze derniers mois.
Les sénateurs du groupe Union Centriste sont également favorables à l’intégration des professionnels de la médecine scolaire dans les CPTS, ainsi qu’à la création de la fonction d’infirmier référent, chargé d’une mission de prévention et de suivi.
Le texte comprend aussi une réforme substantielle du régime applicable aux Padhue visant à assouplir les conditions d’autorisation d’exercice et à améliorer l’attractivité de la procédure. Ces dispositions contribuent à répondre aux besoins de recrutement des hôpitaux.
Pour conclure, notre message est clair : ces efforts ne sont pas à la hauteur des attentes. Néanmoins, en dépit de ces remarques, dont nous espérons qu’elles seront entendues, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi, visiblement enrichie par les travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes Solanges Nadille et Kristina Pluchet, ainsi que M. Michel Savin, applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Olivier Bitz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la première fois que je m’exprime au sein de cette assemblée. J’y porterai, avec ma collègue Nathalie Goulet, les aspirations du département de l’Orne, territoire rural qui connaît, comme d’autres, une situation dramatique concernant l’accès aux soins de sa population.
Alors que la moyenne nationale est de 149 médecins généralistes pour 100 000 habitants, nous ne pouvons compter dans l’Orne que sur 60 médecins généralistes pour 100 000 habitants. Concrètement, il faudrait plus que doubler le nombre de généralistes ornais juste pour atteindre la moyenne nationale !
Par ailleurs, 43 % de nos médecins ont plus de 60 ans. Le pire est donc devant nous, alors que, déjà, aujourd’hui, près de 20 % des assurés sociaux ornais sont sans médecin traitant.
Si la situation ornaise est particulièrement grave, malgré l’engagement fort des collectivités locales, elle correspond à ce que vivent certains autres territoires. Cependant, les disparités territoriales sont énormes, et il est trompeur d’affirmer que, grosso modo, 87 % du territoire serait un désert médical : on agglomère ainsi des situations qui sont peu comparables dans leur intensité.
C’est la raison pour laquelle je regrette que notre commission soit revenue sur la création par ce texte d’un indicateur territorial de l’offre de soins, qui est aujourd’hui l’outil statistique qui nous manque pour objectiver ces disparités territoriales avec une méthodologie indiscutable. La connaissance précise et partagée de la situation est le préalable à l’affirmation d’une politique encore plus ambitieuse.
L’engagement n’a pas manqué ces dernières années : suppression du numerus clausus, recrutement de médecins salariés et d’assistants médicaux, création et développement des CPTS, développement de la télésanté, soutien aux centres de santé pluriprofessionnels, mesures incitatives à l’installation, bientôt le déploiement des médicobus et des délégations de tâches.
Pourtant, il va falloir aller plus loin pour faire face à l’aggravation à venir de nos difficultés. À cet égard, la présente proposition de loi contient des points positifs. Il faut les prendre sans attendre.
Je forme toutefois le vœu que nous puissions aussi débattre prochainement, de nouveau, de la question de la régulation de l’installation des médecins, une régulation concertée avec les professionnels concernés, selon un accord donnant-donnant, car nous préférerons toujours la négociation à la coercition. Si les négociations avec les médecins n’aboutissent pas, n’ayons pas peur de passer à une méthode plus directive. Observons ce qu’il a été possible de faire avec les kinés, les infirmiers et, plus récemment, avec les chirurgiens-dentistes, dont les deux principaux syndicats ont signé avec la Caisse nationale de l’assurance maladie une convention le 21 juillet dernier. Parmi les mesures retenues par les parties figure le non-conventionnement par l’assurance maladie des dentistes qui s’installent dans des zones jugées non prioritaires.
Évidemment, une telle mesure appliquée aux médecins ne réglerait pas toutes les difficultés, tant s’en faut. Il y en aurait d’autres à adopter qui seraient tout aussi utiles, mais face à la gravité de la situation qui s’annonce, tous les leviers vont devoir effectivement être actionnés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Goulet et M. Claude Kern applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Demas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi en discussion aujourd’hui n’a pas l’ambition ni même l’objet de régler par des mesures fortes le manque de médecins et le problème prégnant des déserts médicaux, auquel, comme beaucoup d’autres, mon département des Alpes-Maritimes est confronté.
Je pense aux communes rurales qui m’ont saisie, au travail herculéen des maires de Roquestéron, de Puget-Théniers, de Guillaumes, et de bien d’autres édiles qui se démènent partout en France pour trouver un médecin et obtenir désespérément, comme j’ai pu le constater à plusieurs reprises, une autorisation d’exercice pour des médecins étrangers volontaires pour s’installer en zones sous-denses.
À mon sens, il est utile de se pencher sur les circuits de validation des diplômes étrangers, certainement perfectibles, car assurément trop longs et, surtout, opaques pour les maires.
Force est de constater le silence du Centre national de gestion (CNG), particulièrement difficile à comprendre. Trop souvent, les candidats, découragés, abandonnent, ce qui est bien malheureux pour les populations privées d’accès à un médecin généraliste. Je regrette l’absence dans ce texte de solutions véritablement satisfaisantes.
J’en viens à présent à la création de la fonction d’infirmier référent, qui est une mesure favorable à l’amélioration de notre système de santé, encore que les contours n’en soient pas définis. Notre rapporteure, Corinne Imbert, dont je salue le travail et les propositions, a souhaité d’ailleurs l’encadrer en réservant ce dispositif aux malades en ALD. Des textes d’application seront de toute façon nécessaires.
Je tenais ici à rendre hommage aux infirmiers, ces professionnels de santé dont la présence et les fonctions sont très précieuses dans les territoires ruraux, où la désertification médicale se combine avec le vieillissement de la population. Et je me demandais, monsieur le ministre, s’il ne serait pas souhaitable, a minima, de commencer par revoir le décret de compétence des infirmiers, en date du 29 juillet 2004, et resté en l’état depuis bientôt vingt ans malgré plusieurs réformes du système de santé intervenues depuis lors, sans parler de la crise de la covid-19, qui a confirmé le rôle crucial de ces professionnels dans le dispositif sanitaire.
M. François Bonhomme. Absolument !
Mme Patricia Demas. D’ailleurs, comme vous me l’avez indiqué en réponse à une question que je vous avais posée, l’évolution du cadre d’exercice de cette profession est nécessaire. Alors, monsieur le ministre, j’ose cette question : quand ce décret sera-t-il enfin actualisé ?
J’ajoute, pour finir, que je ne comprends pas pourquoi les professionnels de santé libéraux, censés pallier les effets néfastes de cette désertification médicale, ne sont pas tous soumis au même régime d’indemnité kilométrique pour leurs déplacements. La simple équité impose d’aligner le montant de cette indemnité, déconnectée de l’acte lui-même. Rien ne justifie objectivement l’écart constaté, surtout en cette période d’augmentation du prix des carburants.
Aussi, je vous invite, monsieur le ministre, à ne pas oublier de consolider l’existant, celui qui contribue à assurer les soins au quotidien des Français dans tous nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, les crises successives ont bouleversé et mis à l’épreuve les fondements du système de santé français. Si celui-ci a tenu le choc des vagues épidémiques à répétition, les symptômes de ces dysfonctionnements sont de plus en plus vifs, au premier rang desquels une désertification médicale qui inquiète nos concitoyens.
Ainsi, 87 % du territoire national fait partie de ce que l’on nomme le désert médical. La France a perdu 5 000 médecins généralistes entre 2010 et 2021, alors qu’elle gagnait 2,5 millions habitants.
Pour remplacer un médecin, il en faut désormais deux ou trois, en raison du vieillissement de la population, des avancées sociales, comme la semaine de 35 heures, de la féminisation de la profession, du rapport à la parentalité et au travail.
Si le constat est sans appel sur le manque de praticiens de la santé, nous devons prendre garde que le remède ne soit pire que le mal.
Certaines mesures pourraient en effet avoir des conséquences encore plus graves sur l’attractivité des métiers du soin : nous ne pouvons pas nous permettre une augmentation du déconventionnement. Les mesures coercitives ne régleront pas le déficit de praticiens.
C’est pourquoi nous devons faire émerger des mesures nouvelles, solides et pérennes afin de renforcer l’accès aux soins.
D’abord, il faut impérativement revaloriser la rémunération des professionnels de santé. Nous devons ensuite favoriser davantage la coopération entre eux pour dégager du temps médical. Je pense ici aux CPTS, en particulier celles du Sud Manche ou du territoire Granville-Villedieu. Elles ont permis d’accompagner les praticiens au développement et à la coordination de l’offre de santé sur ces territoires.
Cependant, nous constatons que ces CPTS sont tributaires de l’engagement des professionnels de santé. Les figer dans la loi n’apporterait rien de plus.
Accompagnons les structures d’exercice coordonné et soutenons le recrutement d’assistants médicaux. Les médecins libéraux doivent pouvoir être de vrais employeurs à la tête de leur cabinet. Je regrette d’ailleurs que nous ne sachions toujours pas reconnaître ni valoriser davantage les compétences spécialisées de certains infirmiers en pratique avancée (IPA), qui apportent pourtant beaucoup à la prise en charge des patients.
Je tiens à saluer les dispositions prises par notre rapporteure pour le suivi des patients de longue durée par ces IPA.
La Manche est en effet engagée contre la désertification médicale : ce département finance des idées novatrices au service de la santé des Français ; mais cela n’est toujours pas suffisant. Certaines collectivités salarient des médecins, d’autres mettent à disposition des cabinets médicaux et des logements. Attention cependant aux effets de bord : pour pallier l’insuffisance de l’offre de soins dans des territoires, l’ARS a identifié des zones sous-denses en médecins, mais celles-ci peuvent créer des distorsions entre communes voisines. Ainsi, une municipalité de la Manche ayant investi dans une maison médicale est concurrencée par une collectivité voisine bénéficiant de ce zonage.
Mais l’État ne doit pas compter uniquement sur ces initiatives locales. Il doit prendre toutes ses responsabilités dans ce combat et s’approprier les mots d’Hippocrate : rétablir, préserver et promouvoir la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)