compte rendu intégral
Présidence de M. Alain Marc
vice-président
Secrétaire :
M. Mickaël Vallet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Joseph Ostermann, qui fut sénateur du Bas-Rhin de 1991 à 2004.
3
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du panama relatif à l’exercice d’activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque état dans l’autre
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif à l’exercice d’activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, signé à Panama le 7 juillet 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi (projet n° 444 [2022-2023], texte de la commission n° 41, rapport n° 40).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi autorisant l’approbation du protocole entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de macédoine du nord portant application de l’accord du 18 septembre 2007 concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à skopje le 5 juillet 2021
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l’accord signé à Bruxelles le 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 812 [2022-2023], texte de la commission n° 43, rapport n° 42).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
4
Conventions fiscales avec le Danemark et avec la Grèce
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales (projet n° 549 [2022-2023], texte de la commission n° 36, rapport n° 35).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, cher Vincent Delahaye, mesdames, messieurs les sénateurs, le 4 février 2022, la France et le Danemark ont signé une convention pour éliminer la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et prévenir l’évasion et la fraude fiscales.
Le 11 mai 2022, la France et la Grèce ont, quant à elles, signé une nouvelle convention fiscale, de même nature, qui modernisera et remplacera, sous réserve de sa ratification par le Parlement, la convention fiscale en vigueur signée le 21 août 1963.
La France et le Danemark étaient liés par une convention fiscale, signée à Paris, le 8 février 1957. Elle a cessé de s’appliquer à compter du 1er janvier 2009 à la suite de sa dénonciation par le Danemark en 2008. Le Danemark souhaitait se voir attribuer un droit d’imposition des pensions de source danoise perçues par les retraités résidents en France, alors que la convention attribuait ce droit exclusivement à la France.
Bien que des mesures de droit interne transitoires aient été adoptées respectivement par la France et le Danemark, cette situation n’offrait pas une lisibilité juridique suffisante à nos entreprises et à nos concitoyens.
L’objectif essentiel de la négociation de la nouvelle convention fiscale avec le Danemark était de parvenir à un nouvel instrument juridique bilatéral conforme aux derniers standards en matière fiscale.
La nouvelle convention prévoit une imposition partagée des pensions privées, qui garantit la préservation des recettes fiscales de l’État de résidence des retraités.
Concernant les pensionnés actuellement imposés, une clause dite du grand-père permet de garantir leur sécurité juridique. La France conservera un droit d’imposition exclusif sur les pensions privées de source danoise perçues par ses résidents à la date de signature de la convention, tant que ceux-ci restent en France.
Cette convention améliore la perception fiscale de l’exploitation des ressources naturelles en clarifiant la notion d’établissement stable.
La France a également obtenu l’exonération des indemnités de volontariat international en entreprise dans l’État de résidence. Quelque 76 jeunes effectuant un volontariat international en entreprise au Danemark étaient concernés en janvier 2023.
Enfin, la convention intègre une clause large relative à l’imposition des bénéfices tirés du transport international. La solution novatrice du crédit d’impôt inversé satisfait les deux parties et permet de préserver l’intégralité des recettes fiscales de chaque État, tout en éliminant la double imposition.
Pour rappel, les entreprises danoises emploient 40 000 personnes en France et près de 220 entreprises françaises sont implantées au Danemark.
La nouvelle convention entre la France et le Danemark offre un cadre juridique clair et prévisible aux acteurs économiques, ainsi qu’aux particuliers, et permet une consolidation des échanges économiques entre nos pays.
Au sujet de la convention conclue avec la Grèce, la France et ce pays sont liés par une convention fiscale, signée à Athènes, le 21 août 1963. L’objectif principal de la négociation de ce nouveau texte pour les deux parties était également de moderniser le cadre conventionnel bilatéral pour améliorer la situation des particuliers et le climat des affaires.
Pour les entreprises, la convention prévoit également un traitement favorable du volontariat international en entreprise, la suppression des crédits d’impôts forfaitaires, ainsi que l’abaissement des seuils de retenue à la source pour les dividendes et les intérêts.
En contrepartie de ces mesures, la Grèce pourra mieux reconnaître les lieux d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles sous la forme d’établissements stables, afin de percevoir les recettes fiscales tirées de ces activités.
Pour les particuliers, la nouvelle convention prévoit, à ce jour, non plus un partage d’imposition, mais un principe d’imposition exclusive à la source. Cette disposition a notamment pour vocation de pallier la situation de double imposition dans laquelle des enseignants du lycée français d’Athènes se sont trouvés à partir de 2014. La Grèce a accepté d’appliquer rétroactivement cette imposition exclusive à la source, à compter de l’exercice fiscal de l’année 2015.
Cette convention fiscale permet de renforcer les liens économiques existants entre la France et la Grèce. À titre d’exemple, le total des échanges économiques entre ces deux États s’est élevé à 4,295 milliards d’euros en 2021, et la France s’est hissée du septième au quatrième rang des investisseurs en Grèce en 2020.
L’abaissement des seuils de retenue à la source pour les dividendes et intérêts, ainsi que la suppression des crédits d’impôts forfaitaires, permet de préserver au mieux l’assiette fiscale française. En effet, les investissements directs de la France vers la Grèce sont nettement supérieurs à ceux de la Grèce vers la France.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appellent la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark, d’une part, et la convention entre la République française et la République hellénique, d’autre part, qui font l’objet du projet de loi unique soumis aujourd’hui à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre commission a examiné et adopté, la semaine dernière, ce projet de loi qui prévoit l’entrée en vigueur de deux nouvelles conventions fiscales bilatérales, l’une avec le Danemark, l’autre avec la Grèce.
Comme vous le savez, l’article 53 de la Constitution subordonne l’entrée en vigueur de certains accords internationaux, dont les conventions fiscales, à l’autorisation du Parlement. Les pouvoirs de ce dernier sont néanmoins limités en la matière, étant donné que les projets de loi concernés ont pour unique objet de valider, ou de rejeter, les solutions négociées par l’exécutif.
Alors que le Sénat se trouve être la première assemblée saisie, l’examen de ce texte est d’autant plus attendu que les deux conventions qu’il concerne ont été signées par la France voilà plus d’un an : en février 2022 pour le Danemark et en mai 2022 pour la Grèce. Les solutions négociées n’entreront en vigueur qu’à la condition que la loi soit adoptée par le Parlement.
Sans revenir dans le détail sur les stipulations des deux conventions, qui ont été présentées par Mme la secrétaire d’État au nom du Gouvernement, mon propos se concentrera sur les problèmes pratiques qui ont justifié l’ouverture de nouvelles négociations avec ces deux pays partenaires.
En ce qui concerne l’article 1er, c’est-à-dire la convention fiscale avec le Danemark, la principale difficulté à régler concerne la taxation des pensions. En effet, depuis le 1er janvier 2009, la France et le Danemark ne sont plus liés par aucune convention fiscale. Cette situation résulte du choix unilatéral du Danemark de dénoncer la convention antérieure.
Ce choix avait été motivé par le fait que, sous l’empire de l’ancienne convention, les pensions privées versées aux retraités danois, qui sont relativement nombreux en France, étaient exclusivement imposables par le fisc français.
Cette situation apparaissait déséquilibrée à nos amis danois, dès lors que 1 500 pensionnés danois sont installés en France et que les cotisations versées pendant leur vie active bénéficiaient d’un avantage fiscal au Danemark.
Votre rapporteur relève que cette question excède le seul cas de la France : le Danemark a également dénoncé, en 2008, sa convention fiscale bilatérale avec l’Espagne, et aucune nouvelle convention fiscale entre les deux pays n’a été conclue à ce jour.
Le règlement de ce différend concernant l’imposition des pensions privées était à la fois un préalable à l’ouverture des négociations et l’un des principaux enjeux de l’adoption d’une nouvelle convention bilatérale.
L’accord conclu en février 2022, qui repose sur un mécanisme atypique de crédit d’impôt inversé, permet de dégager une solution qui préserve les intérêts du Trésor public français, tout en rétablissant partiellement le droit du fisc danois d’imposer les pensions privées.
Concrètement, une fois la convention entrée en vigueur, les retraités danois installés en France continueront d’être assujettis à l’impôt français pour l’intégralité des montants de pensions privées qu’ils perçoivent. Néanmoins, ils seront également imposables au Danemark à hauteur de la différence entre l’impôt qui est payé en France et celui qu’ils auraient payé au Danemark sur ces revenus.
En pratique, le Trésor public français conserve l’intégralité de son droit à taxer et le fisc danois se voit octroyer un droit résiduel à taxer, uniquement dans le cas où l’impôt dû au Danemark est supérieur à l’impôt dû en France.
Cette solution est donc sans conséquence sur le montant de nos recettes fiscales prélevées sur les retraités danois installés en France et elle permet de satisfaire la demande danoise de taxer les pensions privées de source danoise.
Il faut enfin préciser que cette solution a été assortie d’une clause du grand-père, selon l’expression désormais consacrée, en application de laquelle le régime transitoire en vigueur, qui permet de maintenir les règles fixées par la convention de 1957 pour les retraités installés en France avant le 28 novembre 2007, continue de s’appliquer.
À cet égard, il convient de souligner que la situation actuelle, c’est-à-dire l’absence de convention fiscale bilatérale franco-danoise, n’est pas favorable au climat des affaires entre les deux pays, alors même que le Danemark est un partenaire économique important pour la France.
Par conséquent, la commission a adopté sans le modifier l’article 1er du projet de loi, afin de permettre l’entrée en vigueur de la convention franco-danoise du 4 février 2022.
En ce qui concerne l’article 2, c’est-à-dire la ratification de la convention franco-grecque, la principale difficulté avait trait aux cas de double imposition de résidents français en Grèce.
La convention franco-grecque en vigueur date de 1963. Sa rédaction complexe a donné lieu à l’émergence de deux types de difficultés.
En premier lieu, la Grèce a instauré, en 2011, une contribution exceptionnelle de solidarité assise sur les revenus déclarés. Cette contribution n’était, par la force des choses, pas mentionnée par la convention de 1963. Des résidents français en Grèce ont ainsi pu être doublement imposés sur leurs revenus.
Cette situation est réglée par la nouvelle convention franco-grecque. Son champ d’application mentionne explicitement la contribution exceptionnelle de solidarité. Cette mention vient confirmer l’analyse du Conseil d’État grec, qui, dans une décision de 2018, a assimilé la contribution exceptionnelle de solidarité à l’impôt sur le revenu.
En second lieu, la convention du 11 mai 2022 clarifie la répartition de l’imposition des rémunérations publiques.
La convention de 1963 prévoyait une imposition partagée des rémunérations publiques. En application de la convention, les rémunérations publiques de source française étaient également imposables par la Grèce, sous réserve que cette dernière élimine la double imposition en accordant un crédit d’impôt d’un montant égal à celui de l’impôt qui est perçu par la France.
Ce principe d’une imposition partagée des rémunérations publiques est resté inappliqué jusqu’en 2020. À compter de cette date, les autorités grecques se sont saisies de cette possibilité et ont commencé à imposer ces revenus, en veillant à déduire l’impôt payé en France de celui qui est demandé en Grèce.
Sur ce fondement, la Grèce a réclamé à des résidents français, notamment des enseignants du lycée franco-hellénique Eugène-Delacroix, des arriérés d’impôt au titre des revenus perçus depuis 2014. Les sommes demandées représentaient plusieurs milliers d’euros par contribuable.
La nouvelle convention simplifie largement les règles d’imposition des rémunérations publiques. Elle prévoit un principe d’imposition exclusive, et non plus partagée, des rémunérations publiques dans l’État de source.
Afin de régler concrètement la situation des résidents français faisant l’objet de redressements de la part des autorités grecques, la convention prévoit, dans le protocole annexé, une clause rétroactive jusqu’en 2015. La Grèce renonce ainsi à la perception de ces arriérés d’impôt.
Cette convention présente le double avantage de moderniser les relations franco-grecques en matière fiscale et de régler les difficultés de double imposition qui ont émergé ces dernières années. Par conséquent, la commission a également adopté cet article.
Pour conclure, au regard des avancées permises par la renégociation de ces deux accords par l’exécutif, la commission a adopté ce texte qui autorisera le Gouvernement à faire entrer en vigueur ces deux nouvelles conventions fiscales.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Grégory Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite souligner deux points à l’occasion de l’examen de ce projet de loi.
Le premier point a trait à l’objet de ces conventions. Celles-ci s’inscrivent dans un contexte européen qui vise à éviter progressivement les doubles impositions, en application du principe d’égalité fiscale. De fait, cela contribue à renforcer l’intégration européenne, notamment en évitant la concurrence entre États. C’est la raison fondamentale qui nous conduit à voter en faveur de ce projet de loi.
Nous saluons cette avancée pour les personnes concernées, en particulier les pensionnés.
Néanmoins, une question se pose, madame la secrétaire d’État, s’agissant de la convention avec la Grèce : un manque de clarté existe quant à l’effectivité de la rétroactivité, qui semble limitée à une période insuffisante, qui ne s’étend pas en deçà de 2015. C’est un point de vigilance concernant le dispositif que nous souhaiterions voir améliorer.
Le second point porte sur ce que ne sont pas ces conventions.
Si un pas supplémentaire vers davantage de régulation européenne est effectué au travers de ces textes, cela doit nous permettre d’ouvrir un débat sur l’évasion fiscale. J’illustrerai mon propos en évoquant l’importance du secteur du transport maritime, qui est commun à nos trois pays.
La Grèce, comme chacun le sait, possède le plus important tonnage au monde, avec 16 % des capacités mondiales, devant le Japon, qui en détient 13 %, et la Chine, 11 %. L’armateur danois Maersk est le premier opérateur mondial. Quant à la France, elle dispose de la troisième compagnie mondiale avec la CMA CGM.
Or, dans ces deux conventions, nous voyons bien que le sujet de la fiscalité transfrontalière, pour des secteurs florissants tels que le transport maritime, n’est pas sérieusement traité.
Je regrette que l’administration n’ait pas été en mesure d’apporter d’estimations chiffrées de l’incidence économique et fiscale de ces conventions dans l’étude d’impact ou lors des auditions.
En octobre 2021, une réforme fiscale a été adoptée sous l’égide de l’OCDE, dont sont exemptés les armateurs, alors même que toute multinationale dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros devrait se voir attribuer un taux effectif minimum d’imposition – certes, encore bien faible – de 15 %.
Je rappelle aussi que le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport de 2019, plaidait pour la fin de l’exemption de la taxe sur les carburants dont ils bénéficient, exemption injustifiée et minimisant leur responsabilité quant à leur empreinte carbone.
Par ailleurs, l’Observatoire européen de la fiscalité vient de sortir, en début de semaine, son premier rapport. Il y dresse le constat que l’accord de 2021 comporte de nombreuses « failles ». Ainsi, le dispositif suscite un revenu supplémentaire représentant seulement 4,8 % des recettes fiscales des entreprises, au lieu des 9 % attendus. Le transport maritime est l’un de ces « trous dans la raquette ».
Dans ces conditions, les profits logés offshore, dans des paradis fiscaux, sont encore massifs – 1 000 milliards de dollars en 2022.
En conclusion, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe considère ces conventions, non seulement comme une amélioration incontestable de la situation des particuliers, mais aussi comme un point d’appui pour lutter contre l’évasion fiscale.
À ce titre, il est indispensable de souligner les carences relatives à la fiscalité transfrontalière de certaines entreprises, qui figurent parmi les plus grandes. Nous regrettons que l’étude d’impact soit restée silencieuse sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en raison d’une absence d’étude d’impact digne de ce nom – Grégory Blanc vient de le rappeler –, nous éclairant dans ce maquis fiscal que sont les conventions internationales, nous déplorons que l’information du Parlement soit autant négligée.
Dans son référé du 31 mai 2019, la Cour des comptes regrettait le désarmement de l’expertise fiscale au sein de la direction générale des finances publiques.
Il n’en demeure pas moins que ces conventions conclues avec le Danemark et la Grèce sont loin d’être de simples formalités administratives. Dans le temps qui m’est imparti, j’insisterai sur deux aspects.
Le premier concerne l’imposition du produit du transport maritime de marchandises. C’est peu dire qu’il s’agit d’un enjeu crucial pour nos trois États : CMA CGM dégage quelque 23,5 milliards d’euros de bénéfices en 2022,…
M. Vincent Delahaye, rapporteur. Ce n’est pas énorme !
M. Éric Bocquet. … quand Maersk est la principale entreprise du Danemark et que les armateurs grecs détiennent 21 % de la flotte mondiale.
Pourtant, face à ces enjeux financiers colossaux, ces deux conventions divergent sur les solutions : la Grèce a préféré maintenir une imposition fondée sur l’État d’immatriculation des navires, quand le Danemark a donné son accord à la notion de « siège de direction effective », notion difficilement applicable, malgré une jurisprudence du Conseil d’État qui existe, même si elle est imparfaite – comme vous le savez, un siège de direction peut en cacher un autre…
Madame la secrétaire d’État, quelles sont les implications financières de l’une ou l’autre des options retenues sur les recettes fiscales associées au transport maritime ?
Je vous pose cette question, car nous ne pouvons pas nous satisfaire, ici en France, comme en Grèce ou au Danemark, de la maigre – c’est un euphémisme ! – imposition des bénéfices des transporteurs maritimes. Et pour cause, dans ces trois États s’applique la taxe au tonnage, si bien que Maersk, au Danemark, ne s’est pas acquitté de 22 % d’imposition, comme les autres sociétés du pays, mais de seulement 3 %, créant ainsi 8,4 milliards d’euros de manque à gagner pour les finances danoises.
La distorsion fiscale avec les travailleuses et les travailleurs est abyssale : le niveau d’imposition est treize à seize fois moins élevé que celui d’un salarié moyen au Danemark.
Il n’est pas acceptable de nous inscrire dans ce moins-disant fiscal au prétexte de concurrence internationale ; les conventions fiscales, non seulement bilatérales, mais également mondiales, devraient créer les conditions d’un alignement par le haut, allant dans le sens d’une meilleure répartition des richesses ! Ce sujet est cœur de l’actualité.
Le second point qui nous préoccupe relève de l’alinéa 3 b) de l’article 5 de la convention signée entre la France et le Danemark, qui permet de déroger à la règle sur l’établissement stable, pour une installation, un appareil ou un navire de forage utilisé pour l’exploration de ressources naturelles.
Sans activité pendant douze mois, les recettes associées à cette activité seraient imposées dans l’autre État que celui du lieu de l’activité économique.
Pour le dire clairement – et peut-être n’est-ce qu’une coïncidence –, TotalEnergies a racheté en mars 2018 l’activité pétrolière du Danois Maersk – décidément, toujours lui ! – pour 6,3 milliards d’euros, soit la plus importante acquisition depuis Elf Aquitaine en 2000.
Nous pensons que, en dépit de son engagement, le Danemark ne cessera d’exploiter ni le gaz ni le pétrole en mer du Nord d’ici à 2050. Il s’agit d’une incitation à explorer, voire à forer, si le gisement se révélait prolifique, car le pic de pétrole serait atteint en 2026 et celui du gaz en 2028.
En décembre 2022, TotalEnergies intégrait un programme de deux forages intercalaires dans la région pour augmenter la production de gaz à partir de 2023.
L’importance de cette question est primordiale, le Danemark étant premier producteur et exportateur net de pétrole. Toutefois, elle est proportionnelle au territoire couvert par cette convention fiscale : « Le Royaume du Danemark, y compris toute zone située à l’extérieur de la mer territoriale du Danemark qui, conformément au droit international, […] comme étant une zone à l’intérieur de laquelle le Danemark peut exercer des droits souverains concernant l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles des fonds marins. »
Toute incitation fiscale ou dépossession du coût climatique, donc économique, du dommage causé à la biodiversité devrait être imposée dans l’État où les dommages ont lieu ! En somme, pour paraphraser une désormais célèbre formule : une convention fiscale ne devrait pas permettre cela.
Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Florence Blatrix Contat et Nathalie Goulet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet.
M. Raphaël Daubet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour notre part, nous n’avons aucun doute sur le bien-fondé ou sur l’importance de ces conventions fiscales internationales, qui relèvent d’une pratique diplomatique et législative très courante.
Le texte qui nous est soumis pour approbation revêt, au fond, assez peu d’enjeux politiques. J’espère d’ailleurs que ce n’est pas pour cette raison que mes collègues du RDSE m’ont confié cette première intervention. (Sourires.)
À vrai dire, j’y tenais. La convention avec le Danemark revêt une importance particulière pour moi, puisque mon département du Lot accueille régulièrement, vous le savez, une illustre ressortissante du royaume : la reine Margrethe, qui est propriétaire d’un château au cœur du magnifique vignoble de Cahors.
Néanmoins, pour revenir à nos deux conventions, le RDSE les approuvera sans difficulté, convaincu qu’il était grand temps qu’elles arrivent !