M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre histoire a produit plusieurs lois d’amnistie, dès 1791, après mai 68, après la guerre d’Algérie, après les événements en Nouvelle-Calédonie. Il faut le répéter : celles-ci ont vocation à demeurer exceptionnelles.
Or la proposition de loi que nous examinons prévoit des dispositions particulièrement larges, en fonction des circonstances. Son adoption n’aurait pas pour conséquence, je le crains, de contribuer à l’apaisement social, mais elle pourrait être facilement interprétée comme l’instauration d’un droit à la violence et à la commission de délits dans toute manifestation sociale.
Devons-nous prendre ce risque ? Est-ce là un modèle que nous souhaitons promouvoir ?
Le champ de l’amnistie prévue par l’article 1er est lui aussi très large, puisque peuvent être amnistiées les personnes morales et physiques pour des infractions commises « avant la promulgation de la présente loi ».
J’ai le plus grand respect pour celles et pour ceux qui, par leur action syndicale, associative et politique, ont fait notre pays et continueront de défendre des acquis sociaux pour le bénéfice de tous.
À l’épreuve des faits, cette amnistie serait-elle pour autant juste en toutes circonstances ? Faut-il essentialiser tous les mouvements et acteurs sociaux ? Prenons le cas de l’un des derniers mouvements sociaux connus. Peut-on dire que seul l’intérêt général ait animé les émeutes des mois de juin et juillet derniers ? Si une émotion sincère a entraîné son déclenchement, après des soirs d’émeute, il en est finalement resté la destruction et la souffrance sociale dans des villes et quartiers sans écoles, transports, magasins, services publics.
Pourtant, cette loi d’amnistie pourrait s’appliquer à ces événements, dévoyant la nature même des opinions légitimement défendues, dévoyant sans doute aussi vos propres intentions originelles, mes chers collègues.
Je crains par ailleurs que certains ne se drapent a posteriori dans un intérêt général soudainement révélé pour échapper à leurs responsabilités dans une approche bien individualiste, ce qui serait un comble et deviendrait préjudiciable à l’ensemble des forces associatives et syndicales de notre pays.
Je note que la proposition de loi contient quelques restrictions opportunes, comme celles qui visent les élus. Je doute cependant que celles-ci puissent suffire.
Il me paraît important d’évoquer les victimes et la réparation des dégâts. Il est prévu que, même en cas d’amnistie, les victimes conservent le droit de faire reconnaître le préjudice subi et d’en obtenir réparation. Y a-t-il vraiment réparation si l’on sait que l’infraction ne pourra plus donner lieu à des poursuites ou, si une condamnation est déjà intervenue, qu’un terme sera immédiatement apporté à son exécution ? Nous sommes en droit de nous poser la question.
Mes chers collègues, nous avons plus que jamais besoin que chacun reprenne sa place, que les juges et avocats puissent agir en toute conscience, que les acteurs sociaux et associatifs puissent négocier et agir dans la concertation, manifester quand il le faut et que les actions délictuelles puissent être jugées séparément, avec le plus grand discernement possible.
Pour cette raison, mes chers collègues, je ne crois pas que l’amnistie constitue un outil approprié. Vous l’avez compris, le groupe RDSE votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Claude Kern. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voilà rassemblés pour examiner la proposition de loi déposée par Mme la sénatrice Cathy Apourceau-Poly et plusieurs membres du groupe CRCE-K, dont l’objet est de prévoir l’amnistie de faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives.
Dans le contexte de « polycrise » que nous traversons, les Français sont en proie à de nombreuses inquiétudes, que celles-ci concernent l’emploi, le pouvoir d’achat, leur capacité d’accès aux soins ou encore, plus largement, leur avenir dans une société frappée par le réchauffement climatique. Les élus que nous sommes ne peuvent pas y être insensibles.
Ces inquiétudes ont pu s’exprimer encore récemment dans la rue, à l’occasion de mouvements sociaux et syndicaux.
Si ces mouvements constituent la mise en œuvre concrète de libertés et de droits qui nous sont chers et qui sont garantis par notre bloc de constitutionnalité, comme la liberté syndicale ou le droit de grève, ces mouvements ont aussi été l’occasion pour certains de commettre des actes violents, punis par la loi.
L’idée qui sous-tend ce texte est qu’il y aurait derrière la répression de ces actes une intention de restreindre l’exercice de ces libertés, ce qui constitue un risque pour notre État de droit. Il faudrait donc, pour protéger celles-ci, pardonner les auteurs de faits commis au nom d’un intérêt supérieur, dont l’appréciation est somme toute subjective – comme si la défense de l’intérêt général devait inévitablement conduire à commettre une infraction ou un délit.
Au groupe RDPI, nous tenons à réaffirmer notre attachement à la liberté syndicale et notre plus grand respect pour la mobilisation sociale.
Toutefois, si l’action collective constitue un rouage essentiel de la démocratie, nous considérons que la justice, l’ordre public et l’efficacité de la réponse pénale sont tout aussi importants pour le bon fonctionnement d’une démocratie.
La mise en œuvre par le législateur du pardon républicain, notamment à des fins de rétablissement de la concorde sociale, pourrait, ici, avoir un effet inverse et, au contraire, fracturer un peu plus notre société. Elle heurterait le principe d’égalité devant la loi, auquel les Français sont tout aussi attachés.
Par ailleurs, eu égard au caractère hautement sensible des conséquences qu’implique une telle loi, il est impératif que son champ d’application soit clairement déterminé et le plus restrictif possible. Or, comme cela a été mis en lumière lors de nos discussions en commission, le champ de l’amnistie prévue par ce texte est particulièrement large. En visant les délits survenus « à l’occasion » de conflits sociaux, de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, l’amnistie pourrait concerner des personnes ayant rejoint ces mouvements dans l’intention même de commettre des délits.
C’est absolument inacceptable à nos yeux.
La plus grande fermeté doit s’appliquer à l’encontre de ceux qui, délibérément, n’ont pas hésité à faire usage de la violence, quand bien même celle-ci ne serait dirigée que contre des biens. Il est du rôle, voire du devoir du législateur d’affirmer haut et fort que toute violence est contraire à l’ordre républicain.
Si un texte visant un objet similaire émanant du même groupe parlementaire a pu être adopté en 2013, il faut souligner que le texte présenté aujourd’hui est bien plus généreux. En effet sont visés les délits passibles de moins de dix ans d’emprisonnement, contre cinq ans dans le précédent texte. En outre, toutes les infractions entrant dans le cadre prévu et commises avant la promulgation de la loi seraient susceptibles d’être amnistiées, alors que le texte de 2013 délimitait précisément dans le temps les infractions entrant dans le champ de l’amnistie.
Plus largement, il faut reconnaître que l’acceptabilité de telles lois par l’opinion est aujourd’hui plutôt discutable. Elles pourraient en effet résonner chez nos concitoyens comme un encouragement aux formes les plus violentes de mobilisation, alors que c’est au renforcement du dialogue social et à la définition des bases d’un nouveau contrat social qu’il faudrait travailler.
En conclusion, si nous reconnaissons la nécessité de protéger les droits fondamentaux, nous estimons cependant que cette proposition, telle qu’elle est formulée, soulève des inquiétudes majeures de nature à porter préjudice à la cohésion nationale. Pour ces raisons, les membres du groupe RDPI se prononceront contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je reprends la parole pour rectifier certains propos prononcés par Mme Apourceau-Poly.
Madame la sénatrice, j’ai lu votre tweet m’accusant de faire des amalgames. Non, ce n’est pas le cas !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ma position exprime le droit, et c’est bien naturel.
J’ai parfaitement compris l’objet de cette proposition de loi, mais j’en dénonce les effets de bord, que vous n’avez, à mon sens, pas bien mesurés.
Je reprends votre texte, sous votre contrôle.
« L’amnistie prévue à la présente loi s’applique aux personnes physiques… » Voilà qui ne donne pas matière à contestation.
« Sont amnistiés de droit […] les délits passibles de moins de dix ans d’emprisonnement… » Permettez-moi de vous faire remarquer au passage que vous ne trouverez pas dans l’histoire d’amnisties aussi larges, mais peu importe. Cela n’est pas l’objet de notre débat.
« À l’occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux… » Ainsi, si, dans le cadre d’une manifestation, un manifestant brûle un véhicule, il sera amnistié. Voilà ce que, nécessairement, expressément, et non pas implicitement, cela signifie !
Je suis bien évidemment pour le droit de manifester, qui est consacré par la Constitution, mais certains tordus profiteront de votre texte pour commettre des exactions. Si, un samedi après-midi, je participe à une manifestation en exprimant un certain nombre de revendications et que je dévalise un magasin de prêt-à-porter, je bénéficierai de l’amnistie prévue par cette proposition de loi, parce qu’un tel délit est passible de moins de dix ans d’emprisonnement et qu’il est commis dans le cadre d’une manifestation. Telle est la réalité de votre texte et vous comprenez bien que je ne peux y être favorable.
Puisque vous parlez d’amalgame, je reviens à des déclarations que vous avez reprises et que j’ai faites lorsque j’étais avocat et pas encore ministre. De grâce, resituez ces propos dans le contexte de l’époque, qui était celui du covid-19. J’étais alors convaincu qu’il fallait éviter des contaminations dans le mode clos qu’est la prison en envisageant soit des grâces, soit des amnisties, pour des raisons de santé et de salubrité publiques. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Nicole Belloubet.
Pour ne rien vous cacher, sur la question de la surpopulation carcérale, j’ai moi-même défendu un texte, que le Sénat a voté, prévoyant des libérations sous contrainte pour que, lorsqu’il reste un reliquat de l’ordre de trois mois et que le détenu peut bénéficier d’un logement à l’extérieur, on puisse de droit envisager sa libération pour éviter une sortie sèche.
Je ne suis pas en contradiction avec moi-même, puisque les circonstances sont totalement différentes.
Je persiste à croire que Nicole Belloubet a eu raison d’agir comme elle l’a fait et de prendre ces mesures qui relevaient du domaine réglementaire, puisque prévalait alors l’état d’urgence sanitaire. Cependant, madame la sénatrice, ce que j’ai dit n’aurait en aucune façon permis à des voyous d’échapper à la répression et à l’opprobre social qui doivent s’ensuivre.
Je le répète, j’ai bien compris l’objet de votre texte, mais il est présenté de telle façon qu’il entraîne des effets de bord qui n’ont pas été mesurés. Aussi, comme beaucoup de ceux qui se sont exprimés à la tribune, je ne souhaite pas qu’il soit adopté.
Madame la sénatrice, je ne fais aucun amalgame. J’ai lu votre texte avec beaucoup d’attention et d’intérêt. Son vote serait un très mauvais signal, me semble-t-il, adressé à l’ensemble de nos compatriotes, plus particulièrement au petit commerçant qui a vu son magasin dévasté. Peut-il, lui, entendre que celui qui a fait cela, parce qu’il l’a fait dans le cadre d’une manifestation, doit être amnistié ? C’est invraisemblable !
M. Claude Kern. Invraisemblable !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sur cette question, comme sur certains autres sujets, je pense avoir l’esprit assez clair : s’il y a eu des amalgames aujourd’hui sur l’amnistie, madame la sénatrice, je vous le dis avec infiniment de respect, ils sont de votre fait.
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives
Chapitre IER
Amnistie des délits commis à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives
Article 1er
I. – L’amnistie prévue à la présente loi bénéficie aux personnes physiques et aux personnes morales.
Sont amnistiés de droit, lorsqu’ils ont été commis avant la promulgation de la présente loi, les délits passibles de moins de dix ans d’emprisonnement et les contraventions commis dans les circonstances suivantes :
1° À l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales ou revendicatives de salariés, d’agents publics, de professions libérales ou d’exploitants agricoles, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ;
2° À l’occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes liés à l’éducation, au logement, à la santé, à l’environnement et aux droits des migrants, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics.
II. – Sont exclus de l’amnistie prévue par la présente loi les délits de violences à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, mentionnés au 4° des articles 222-12 et 222-13 du code pénal, et ayant entraîné une incapacité de travail.
Sont enfin exclues de l’amnistie prévue par la présente loi les atteintes volontaires à l’intégrité physique ou psychique d’un mineur de quinze ans ou d’une personne particulièrement vulnérable mentionnées aux 1° et 2° des mêmes articles 222-12 et 222-13 et à l’article 222-14 du même code.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er n’est pas adopté.)
Article 2
Lorsqu’elle intervient après condamnation définitive, l’amnistie est constatée par le ministère public près la juridiction ayant prononcé la condamnation, agissant soit d’office, soit sur requête du condamné ou de ses ayants droit.
La décision du ministère public peut être contestée dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 778 du code de procédure pénale.
En l’absence de condamnation définitive, les contestations sont soumises à la juridiction compétente pour statuer sur la poursuite.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 n’est pas adopté.)
Chapitre II
Amnistie des sanctions disciplinaires
Article 3
I. – Sont amnistiés les faits commis dans les circonstances mentionnées au I de l’article 1er, en tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou qu’ils sont susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur, par tout salarié ou agent public, à l’exception des faits mentionnés au second alinéa du II du même article 1er.
L’inspection du travail veille à ce qu’il ne puisse être fait état des faits amnistiés. À cet effet, elle s’assure du retrait des mentions relatives à ces sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui bénéficient de l’amnistie.
II. – Sont amnistiés les faits commis dans les circonstances mentionnées au I de l’article 1er, par les étudiants ou élèves des établissements universitaires ou scolaires, ayant donné lieu ou pouvant donner lieu à des sanctions disciplinaires.
L’amnistie implique le droit à réintégration dans l’établissement universitaire ou scolaire auquel le bénéficiaire de l’amnistie appartenait, à moins que la poursuite de ses études ne l’exige pas.
Toutefois, l’amnistie n’implique pas de droit à réintégration lorsque l’intéressé a été exclu de l’établissement à la suite de faits de violence.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 n’est pas adopté.)
Chapitre III
Réintégration des salariés licenciés
Article 4
I. – Tout salarié ou agent public licencié pour une faute, autre qu’une faute lourde, commise à l’occasion de l’exercice de sa fonction de représentant élu du personnel, de représentant syndical au comité social et économique ou au comité d’entreprise, ou de délégué syndical et ayant fait l’objet d’une amnistie au titre de la présente loi, est, sauf cas de force majeure, réintégré dans le poste qu’il occupait avant son licenciement ou dans un poste équivalent.
La demande de réintégration est présentée à l’auteur du licenciement dans un délai d’un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit du prononcé de la sanction.
En cas de changement d’employeur en application des articles L. 1224-1 ou L. 1224-3 du code du travail, la réintégration du salarié s’effectue chez l’employeur succédant.
En cas de défaut de réponse de l’employeur à la demande de réintégration, celle-ci est acquise dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.
En cas de refus de l’employeur, le salarié ou l’agent peut saisir, en référé, la juridiction compétente, qui peut ordonner la réintégration sous astreinte.
Le salarié réintégré bénéficie pendant douze mois, à compter de sa réintégration effective, de la protection attachée au délégué syndical prévue aux articles L. 2411-1 à L. 2437-1 du même code.
II. – Les contestations relatives à l’amnistie des sanctions disciplinaires définitives sont portées devant l’autorité ou la juridiction qui a rendu la décision.
L’intéressé peut saisir cette autorité ou juridiction en vue de faire constater que le bénéfice de l’amnistie lui est effectivement acquis.
En l’absence de décision définitive, les contestations sont soumises à l’autorité ou à la juridiction saisie de la poursuite.
L’exécution de la sanction est suspendue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande ; le recours contentieux contre la décision de rejet de la demande a également un caractère suspensif.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 n’est pas adopté.)
Chapitre IV
Effets de l’amnistie et fichage des informations nominatives et des empreintes génétiques
Article 5
I. – L’amnistie prévue à la présente loi efface les condamnations prononcées ou éteint l’action publique en emportant les conséquences prévues aux articles 133-9 à 133-11 du code pénal et aux articles 6 et 769 du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions du présent chapitre.
Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise des peines et des mesures de police et de sûreté.
Elle fait obstacle au recouvrement du droit fixe de procédure mentionné à l’article 1018 A du code général des impôts.
Toute référence à une sanction ou à une condamnation amnistiée sur le fondement de la présente loi est punie d’une amende de 5 000 euros.
Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, de l’infraction définie au quatrième alinéa du présent I. L’article 131-38 du code pénal s’applique aux peines encourues.
II. – En cas d’instance sur les intérêts civils, le dossier pénal est versé aux débats et mis à la disposition des parties.
Si la juridiction de jugement a été saisie de l’action publique avant la promulgation de la présente loi, cette juridiction reste compétente pour statuer, le cas échéant, sur les intérêts civils.
III. – L’amnistie entraîne la suppression des empreintes génétiques issues des traces biologiques recueillies dans les fichiers de police ainsi que l’ensemble des informations nominatives relatives aux infractions mentionnées à l’article 1er recueillies à l’occasion des procédures d’enquête et des procédures judiciaires dans les fichiers de police judiciaire.
L’infraction prévue au premier alinéa du II de l’article 706-56 du code de procédure pénale est amnistiée lorsqu’elle a été commise à l’occasion de faits amnistiés en application du I de l’article 1er de la présente loi.
M. le président. Mes chers collègues, avant de mettre aux voix l’article 5, je vous informe que, comme les articles précédents n’ont pas été adoptés, si celui-ci ne l’était pas non plus, l’article 6, qui est relatif à la mise en application de la loi, deviendrait sans objet.
En conséquence, il n’y aurait dans ce cas plus lieu de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, tous les articles la constituant ayant été rejetés ou étant devenus sans objet. Aucune explication de vote sur l’ensemble ne sera possible.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Une grande partie du groupe GEST aurait aimé voir ce texte aboutir, non pas qu’il soit parfait, des limites ayant été pointées, notamment en ce qui concerne le champ d’application de l’article 1er, mais parce qu’il intervient dans un contexte assez particulier de contraction des libertés publiques, où toutes les formes de militantisme sont contraintes par un certain nombre de dispositions législatives ou des actions administratives ou policières qui ne laissent pas de nous inquiéter.
Dans notre pays, le schéma du maintien de l’ordre est à la dérive et provoque nombre de violences lors de certaines manifestations. Cela va dans les deux sens. Les dispositifs policiers sont parfois tellement disproportionnés qu’ils semblent sonner comme un appel à la confrontation. Ainsi, les dernières manifestations contre la réforme des retraites ont donné lieu à une multiplication des gardes à vue qui n’ont pas débouché sur grand-chose, des centaines de personnes ayant été libérées sans aucune charge. Voilà qui est révélateur d’un problème.
Nous avons aussi observé de nombreuses tentatives d’intimidation de responsables syndicaux, qui se font parfois réveiller à six heures du matin par la police, sans parler du déploiement massif d’outils de surveillance contre les militants écologistes.
Je le répète, nous sommes dans un moment assez particulier pour les libertés publiques, qui touche tant les militants écologistes que les responsables ou militants syndicaux. Ce texte était un signal bienvenu. Il aurait certainement pu être sensiblement amélioré par la navette parlementaire. Pour cela, il aurait fallu que le Sénat le vote. Tel était notre souhait.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.
M. Ian Brossat. Monsieur le garde des sceaux, aucun des arguments développés pour justifier le rejet de cette proposition de loi ne me paraît valable.
Vous avez déclaré que le vote de ce texte conduirait à amnistier des auteurs de propos racistes et antisémites. La présidente du groupe CRCE-K, Cécile Cukierman, vous a répondu.
Je rappelle d’ailleurs que ce sont les communistes qui, à l’Assemblée nationale, par la voix de Fabien Roussel, ont déposé une proposition de résolution visant à lutter contre la banalisation des discours de haine dans le débat public, dont l’objet est de rendre inéligibles les auteurs de propos racistes et antisémites. Or c’est vous, monsieur le garde des sceaux, qui vous êtes à l’époque opposé à son adoption. Je le regrette, car l’on voit en permanence, sur les plateaux de télévision et ailleurs, un individu plusieurs fois condamné pour des propos racistes et antisémites, ce qui ne l’empêche pas d’être candidat à toutes les élections.
Par ailleurs, vous avez déclaré tout à l’heure à la tribune que cette proposition de loi n’était pas opportune dans la mesure où, dans notre pays, le dialogue social était rétabli. Allez discuter avec des syndicalistes qui se battent tous les jours pour l’amélioration des conditions de travail et l’augmentation des salaires : ils sont loin de partager votre sentiment !
Enfin, vous avez répété que vous compreniez l’intention qui nous animait, mais que la rédaction du texte péchait. S’il en était véritablement ainsi, vous aviez tout loisir, comme l’a indiqué Cathy Apourceau-Poly, de proposer des amendements visant à l’améliorer.
Je le répète, nous considérons que cette proposition de loi est absolument nécessaire. Dans notre pays, le monde syndical et le mouvement social doivent avoir la possibilité de s’exprimer sans être criminalisés, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste– Kanaky, l’autre, du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 21 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 280 |
Pour l’adoption | 34 |
Contre | 246 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 6
La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.
M. le président. Je rappelle que, les articles 1er à 5 n’ayant pas été adoptés, cet article est devenu sans objet.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés ou étant devenus sans objet, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire.
En conséquence, la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et représentatives n’est pas adoptée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.