M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 327 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Après les mots :
délai de
insérer les mots :
trois à
II. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
cent quarante-quatre
par les mots :
quatre-vingt-seize
III. – Alinéa 18, première phrase
Remplacer les mots :
sept jours
par les mots :
un mois
IV. – Alinéa 19, première phrase
Remplacer les mots :
quarante-huit
par les mots :
soixante-douze
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires étudie avec attention les travaux parlementaires, mais aussi ceux du Conseil d’État.
La réduction des délais et la simplification du contentieux dans le droit des étrangers ont fait l’objet de l’étude d’un groupe de travail présidé par le conseiller d’État Jacques-Henri Stahl. Celui-ci a formulé de nombreuses préconisations, qui n’ont pas été reprises dans le projet de loi. En effet, ce texte retient comme critère d’urgence le « délai de départ volontaire », ce qui est totalement illisible et injuste pour l’étranger.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Vraiment ?
M. Guy Benarroche. Le seul critère d’urgence sur lequel nous devons fonder toute notre réflexion et mobiliser les moyens de la justice est celui de la restriction des libertés.
Le délai de soixante-douze heures applicable dès lors que la mesure d’éloignement n’est pas assortie d’un départ volontaire, quand bien même l’étranger ne serait pas retenu, va de facto priver de nombreux étrangers d’un recours effectif, donc de l’accès à un juge.
Rien ne justifie que le délai de recours contre une OQTF suivant un rejet de demande d’asile ou une assignation à résidence soit réduit à sept jours, au lieu de quinze jours, qui constituent déjà un délai très bref.
En rétention, l’étranger serait accompagné par l’association présente dans le centre pour exercer ses droits, notamment son droit au recours, y compris le week-end, tandis qu’un étranger libre faisant l’objet d’une mesure d’éloignement se retrouverait seul, sans être accompagné pour la contester, a fortiori le week-end.
En cas de placement en rétention, le délai bref se justifiait par la privation de liberté et la présence d’associations dans les centres de rétention, qui permettent à l’étranger un premier accès au droit effectif et la défense de ses droits.
Aussi cet amendement a-t-il pour objet de réduire le contentieux des mesures d’éloignement à deux procédures distinctes, en fonction du critère de la privation de liberté, celui qui doit compter : un délai de recours de soixante-douze heures et un jugement dans les quatre-vingt-seize heures en cas de placement en rétention ; un délai de recours d’un mois et un jugement dans les trois à six mois dans tous les autres cas.
M. le président. L’amendement n° 328 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’article 21 du projet de loi simplifie le contentieux des étrangers en réduisant d’une dizaine à quatre le nombre des procédures de recours, ce qui constitue en soi une bonne idée.
Il introduit une procédure de recours applicable à l’ensemble des obligations de quitter le territoire français et aux actes administratifs qui y sont liés. Le délai de recours laissé au requérant est de trente jours. Le tribunal administratif statue en formation collégiale, en principe dans un délai de six mois.
Cette simplification du contentieux, directement issue de l’étude du Conseil d’État du 5 mars 2020 que je mentionnais tout à l’heure, demeure cependant imparfaite par rapport aux recommandations qui ont été formulées.
En effet, le projet de loi prévoit un recours dérogatoire urgent pour les OQTF prononcées sans délai de départ volontaire, le requérant ayant soixante-douze heures pour saisir le tribunal administratif, qui statue en juge unique dans un délai de six semaines.
Or il est très difficile pour un requérant de trouver un conseil en soixante-douze heures. Le Conseil d’État recommande de ne réserver une procédure d’urgence que lorsque cela est justifié par une mise à exécution forcée de l’éloignement, c’est-à-dire en cas de placement en rétention.
Le Conseil d’État note dans son avis sur le projet de loi que « sur environ 124 000 OQTF prononcées en 2021, dont près de 70 000 n’étaient pas assorties d’un délai de départ volontaire, moins de 8 000 ont été exécutées ».
La pratique administrative favorise la prise d’OQTF sans délai de départ volontaire, mais ne l’assortit que rarement d’un placement en rétention immédiat qui justifierait le recours à une procédure contentieuse d’urgence.
Il est donc injustifié de mobiliser des moyens nécessaires à un jugement rapide, contraignant tant pour le requérant que pour le magistrat, alors que l’urgence n’est pas constituée, faute de perspectives d’éloignement à bref délai.
Autrement dit, pourquoi suivre des procédures d’urgence, alors que l’on sait déjà qu’elles n’aboutiront pas à un éloignement à bref délai ? Cela semble absurde, comme le Conseil d’État l’avait indiqué. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Vous avez épuisé votre temps de parole !
M. Guy Benarroche. Cet amendement a été travaillé à partir des travaux de certains organismes qui accompagnent les migrants.
M. le président. L’amendement n° 133 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 207, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer les mots :
quarante-huit heures
par les mots :
deux jours ouvrés
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise également l’alinéa 19 de l’article 21 ; je le souligne pour la bonne compréhension de nos débats.
La question ici n’est pas seulement sémantique : elle a un impact concret dans la vie réelle, puisque nous souhaitons préciser la procédure contentieuse liée au droit d’asile.
Un délai de recours de quarante-huit heures, lorsque la décision de placement en rétention a par exemple été délivrée un samedi soir, s’apparente en réalité dans la pratique à un délai de vingt-quatre heures, car il est bien plus difficile de contacter une association ou un avocat pendant le week-end.
Pour cette raison, nous proposons cet amendement, qui est rédactionnel, mais dont l’impact serait important, car décaler le délai laisserait le temps nécessaire pour la procédure et garantirait le respect du droit des personnes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Les amendements proposés ici sont curieux, car leurs dispositions semblent contre-productives.
À l’exception de la demande concernant les deux jours ouvrés, vous avez défendu la position de la commission, chers collègues.
La réforme du contentieux est un sujet considérable, à propos duquel M. le ministre de l’intérieur ne cesse de vanter les mérites du rapport d’information du président de la commission des lois, M. Buffet.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Est-il sincère ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. M. le ministre a raison d’en vanter les mérites et de dire qu’il a voulu copier ce rapport, mais, s’il a copié, il l’a fait malicieusement et en le modifiant, notamment au sujet de la réforme du contentieux.
Concrètement, quel est notre désaccord avec le Gouvernement ? Finalement, nous portons, mes chers collègues, les avis que vous avez exprimés. Le Gouvernement connaît d’autant plus notre position qu’il a renoncé à présenter devant nous un amendement, réservé pour le débat à l’Assemblée nationale.
Le rapport d’information de M. Buffet et l’étude de M. Stahl préconisent de passer d’une quinzaine de procédures contentieuses à trois. Dans la version proposée par le ministre de l’intérieur, le nombre de procédures contentieuses passe à cinq.
Le système à trois procédures obéit à une grille d’appréciation assez simple.
Tout d’abord, la procédure ordinaire est retenue lorsque l’étranger en situation irrégulière se voit accorder un délai. Si cette personne ne pose pas de problèmes particuliers, elle se voit offrir un certain délai pour quitter le territoire.
Ensuite, il y a le cas où l’étranger en situation irrégulière pose un problème, a reçu une OQTF et se voit assigné à résidence. Le tribunal administratif devra alors juger plus vite : au lieu des six mois de la procédure ordinaire, il n’aura plus que quinze jours dans cette procédure spéciale.
Enfin, en cas de problèmes nécessitant de passer dans un centre de rétention administrative (CRA), le délai de recours dans cette procédure d’urgence est de quarante-huit heures et le délai de jugement de quatre-vingt-seize heures.
Telle était la logique que nous avons proposée.
M. le ministre propose d’introduire une autre procédure, dite « prioritaire », qui dans son esprit aura vocation à devenir la procédure principale. Elle est applicable aux OQTF sans délai de départ volontaire. À ce moment-là, le délai de recours est de soixante-douze heures et le délai de jugement de six semaines.
Pour quelles raisons ne partageons-nous pas l’idée d’introduire cette nouvelle procédure ?
Tout d’abord, 40 % des contentieux des tribunaux administratifs relèvent du droit des étrangers. Pour les tribunaux administratifs, juger en six mois ou en six semaines, ce n’est pas la même chose !
Ensuite, créer une procédure spéciale selon laquelle les tribunaux administratifs doivent juger bien plus rapidement que durant les six mois permis par la procédure ordinaire, alors que la personne jugée n’est pas assignée en résidence ou placée en centre de rétention, nous semble totalement contre-productif. Pour éloigner, il faut un peu de coercition. Certes, il peut y avoir quelques départs volontaires, mais c’est tout.
En cas d’assignation à résidence ou de placement en CRA, il est normal de demander aux tribunaux administratifs de juger rapidement et il est normal que les délais de recours soient limités.
En revanche, en l’absence de placement en CRA ou d’assignation à résidence, dans la vraie vie, la décision d’éloignement ne sera pas exécutée. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de demander aux magistrats de se livrer à un sprint infernal.
Pour cette raison, nous sommes en désaccord avec le Gouvernement et souhaitons en rester au texte de la commission.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 304 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéas 29 à 33
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet de s’opposer à la tenue des visio-audiences dans le cadre des contentieux relatifs au droit d’asile.
J’ai apprécié la position de M. le rapporteur, qui disait précédemment qu’il partageait la même position de principe. Cependant, la commission a quelque peu vacillé lors du vote sous la pression de certains de ses membres, ce que je regrette…
Si, aujourd’hui, l’audience devant le juge judiciaire ou administratif doit par principe se tenir au tribunal, l’article 21 du projet de loi prévoit la tenue de l’audience, par principe, dans une salle délocalisée aménagée à proximité du lieu d’enfermement. De plus, sur décision du magistrat, cette audience peut se tenir en visioconférence.
Ainsi, la tenue de l’audience au tribunal devient l’exception. On en revient toujours à la question de savoir quelle est la règle et quelle est l’exception, une distinction qui est importante, sinon, comme je l’ai dit précédemment à M. le ministre, on ne voit pas pourquoi changer la loi…
Ces méthodes ont pour effet de chasser le retenu du tribunal. Dès lors que le juge administratif peut choisir de se rendre dans la salle d’audience délocalisée ou de tenir audience au tribunal, le Conseil d’État, dans son avis, estime que « ces dispositions induiront vraisemblablement, en pratique, un recours accru à la visio-audience ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Conseil d’État !
Ces nouvelles modalités de jugement inhumaines et discriminantes sont, selon le Conseil national des barreaux, contraires au droit au procès équitable, qui suppose l’accès au juge, la publicité de l’audience et une égalité des armes.
La visio-audience prive les justiciables d’une défense effective, a fortiori s’agissant du contentieux de l’urgence de personnes vulnérables.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose fermement à la dématérialisation des audiences, pour des raisons liées à l’exigence de solennité de ces dernières, mais aussi pour défendre le respect du contradictoire.
Je précise que cet amendement a été travaillé à partir des propositions de l’Union syndicale des magistrats administratifs (Usma).
M. le président. L’amendement n° 208, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 29 à 33
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 922-3. – Lorsque l’étranger est placé ou maintenu en rétention administrative ou en zone d’attente, l’audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent.
« L’audience peut également se tenir dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice, spécialement aménagée à proximité immédiate, selon le cas, du lieu de rétention ou de la zone d’attente. Dans ce cas le président du tribunal ou le magistrat désigné à cette fin, après avoir informé le requérant et recueilli son consentement, peut décider de siéger au tribunal dont il est membre. Les salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.
« Dans le cas mentionné à l’alinéa précédent, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle, y compris lorsqu’il assiste à l’audience dans l’autre salle que celle où se trouve son client. L’interprète mis à disposition de l’étranger est présent dans la salle d’audience où ce dernier se trouve. Un procès-verbal est établi dans chacune des salles d’audience attestant de la conformité des opérations effectuées aux dispositions du présent article.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice. »
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Les auteurs de cet amendement constatent la même difficulté que celle qui a été soulevée par M. Guy Benarroche à propos des alinéas 29 à 33 de cet article. Cependant, nous proposons de modifier ces derniers, plutôt que de les supprimer.
Nous avons précédemment plaidé pour préciser les conditions dans lesquelles peuvent se tenir les visio-audiences. Nous voulons ici marquer notre opposition la plus résolue à la généralisation des audiences de ce type en matière de contentieux administratif en droit des étrangers.
Certes, les salles « spécialement aménagées » sont « ouvertes au public », mais elles ne sont pas toujours bien desservies par les transports publics et leur localisation est souvent mal connue.
Par ailleurs, comment en pratique s’assurer que l’étranger reçoive une défense de qualité et soit correctement assisté par son conseil ? L’avocat doit-il choisir d’être présent dans la salle d’audience auprès de son client, donc être éloigné du juge, avec tous les inconvénients que cela représente, ou doit-il être présent dans les locaux du tribunal, ce qui signifie qu’il ne peut pas s’entretenir confidentiellement avec son client ?
Les mêmes causes entraîneront les mêmes effets pour les interprètes. Il n’est donc pas difficile d’imaginer combien il sera difficile de faire respecter les droits de la défense.
Nous voulons donc que le principe reste la tenue de l’audience dans les locaux du tribunal administratif compétent, afin que la visioconférence soit réservée aux seuls cas de force majeure, tel un éloignement géographique rendant impossible la présence physique du requérant. À défaut, elle devrait être conditionnée à l’accord préalable du requérant.
M. le président. L’amendement n° 589, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 29
Supprimer les mots :
, afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications,
II. – Alinéa 31, troisième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. La commission des lois a ajouté ce qu’elle estime constituer des garanties supplémentaires pour le recours à la visio-audience, mais ces ajouts, selon nous inutiles, alourdissent le dispositif, alors que l’objectif est d’alléger les procédures.
L’ajout par la commission des lois de finalités pour recourir à la visio-audience nous semble bien trop rigide. L’appréciation par les juridictions, donc par les juges, est à notre sens largement suffisante.
Par ailleurs, la commission des lois a ajouté une disposition visant à mettre le dossier à disposition de l’étranger, alors qu’une telle communication est déjà prévue.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux et Gold, Mme Girardin, MM. Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 30 à 32
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 33
Remplacer le mot :
premier
par le mot :
précédent
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Le projet de loi prévoit la possibilité de recourir aux visio-audiences, afin de simplifier le déroulement des audiences pour le contentieux des étrangers.
Nous comprenons bien entendu l’objectif de simplification, mais il ne saurait à lui seul justifier des transgressions excessives par rapport au respect des droits des justiciables. Hélas, nous observons cette tendance au renoncement depuis quelques années. Et la crise du covid-19 n’a pas aidé à la freiner.
Par cet amendement, nous nous associons à la Défenseure des droits, qui, dans son avis du 23 février dernier, a souligné que ces mécanismes ne permettaient pas « de garantir la clarté, la sécurité et la sincérité des débats ni d’assurer la confidentialité de la transmission ».
Nous proposons donc de revenir sur cette possibilité en limitant à deux cas de figure le déroulement de l’audience : dans une salle aménagée du CRA ou dans les locaux du tribunal administratif compétent.
M. le président. L’amendement n° 585, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 30 à 32
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Les principaux arguments ont été développés : je n’y reviendrai pas.
Ce qui me semble dangereux dans le texte de la commission, c’est qu’il systématise toutes les procédures d’exception. Or le principe du contradictoire et le fait de tenir une audience dans un lieu défini et institutionnalisé sont essentiels pour garantir le respect des droits de la défense.
M. le président. L’amendement n° 209, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 31, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L’interprète mis à disposition de l’étranger est présent dans la salle d’audience où ce dernier se trouve.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Au travers de cet amendement relatif aux conditions des visio-audiences, nous entendons garantir que l’interprète mis à la disposition de l’étranger soit présent physiquement dans la salle d’audience, aux côtés de ce dernier.
Les avocats, magistrats et associations de soutien aux droits des étrangers nous le signalent, que l’interprète ne soit pas toujours à côté de l’étranger constitue une véritable difficulté. Nous savons à quel point la procédure contentieuse en droit des étrangers est complexe, et c’est encore plus vrai pour les étrangers eux-mêmes, qui ne connaissent ni notre langue ni nos procédures.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux, Gold et Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Remplacer les mots :
ou en cas d’indisponibilité de cette salle
par les mots :
en cas d’indisponibilité de cette salle ou si le magistrat constate que les conditions d’accès à la salle ou au lieu où elle se situe ne permettent pas d’assurer effectivement la publicité et le bon déroulement des débats
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi empêche la délocalisation de l’audience au sein du CRA seulement si aucune salle d’audience n’a été aménagée ou en cas d’indisponibilité des salles aménagées.
Or, au-delà de ces cas de figure, la Défenseure des droits souligne que « la délocalisation de l’audience isole l’ensemble des acteurs – le juge, le greffier, l’étranger, l’avocat et l’interprète – et met à mal le principe de publicité des débats, garant d’une justice de qualité, en raison de l’éloignement géographique de ce lieu de justice ». Aussi, il paraît nécessaire d’offrir au magistrat la faculté de décider souverainement si l’audience peut être délocalisée sans porter atteinte à la publicité et au bon déroulement des débats.
Tel est l’objet de cet amendement, qui tend à ajouter une dérogation supplémentaire : si le magistrat constate que les conditions d’accès à la salle ou au lieu où celle-ci se situe ne permettent pas d’assurer effectivement la publicité des débats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous sommes confrontés dans cette discussion commune à deux types de propositions de sens exactement inverse : les amendements sénatoriaux visent à réduire ou à supprimer les possibilités de visio-audience ; l’amendement du Gouvernement tend à amoindrir les garanties que nous avons prévues.
Faut-il offrir la possibilité de tenir des visio-audiences dans un local de rétention administrative (LRA) ou dans un CRA ? Oui, il faut être raisonnable !
Si un étranger se trouve dans une zone d’attente à l’aéroport de Roissy, faudra-t-il mobiliser une escorte pour se rendre à Montreuil ? Si c’est à l’aéroport de Bâle-Mulhouse ou d’Orly, faudra-t-il aller à Strasbourg ou au tribunal administratif de Versailles ? Cela paraît totalement déraisonnable du point de vue de l’organisation. Je ne vois donc pas comment faire autrement que de prévoir des visio-audiences.
Ainsi, autant nous avons une approche plus réservée pour ce qui concerne les entretiens auprès de l’Ofpra ou de la CNDA, autant, en l’espèce, l’utilisation de la visio-audience nous paraît justifiée.
Reste à définir les garanties. Dans notre pays, une audience doit être publique, sauf quand le juge décide qu’elle doit se tenir à huis clos. Il faut donc qu’il y ait aussi, au sein du CRA ou du LRA, une possibilité d’accès pour le public.
Ensuite, se pose la question de l’interprète ; nos collègues voudraient que celui-ci soit systématiquement sur place.
Encore une fois, prenons l’exemple de l’aéroport de Bâle-Mulhouse. Je ne sais pas combien s’y tiennent d’audiences chaque jour ; je ne pense pas qu’elles soient si nombreuses, mais il me paraît aberrant d’imposer la présence sur place d’un interprète compétent dans la langue requise parmi les plus de cent langues potentiellement pertinentes. C’est impossible à mettre en œuvre ! S’il n’y a pas sur place d’interprète compétent dans la langue concernée, on en trouvera un qui traduira depuis son domicile, en visioconférence, les propos échangés.
Par ailleurs, dans notre esprit, il est évident que l’avocat doit être présent.
Enfin, il nous semble normal que l’on mette le dossier à la disposition de l’intéressé.
Nous avons le sentiment que les garanties que nous proposons sont suffisantes, mais nécessaires, donc nous n’avons pas l’intention de les diminuer. Il ne me paraît pas scandaleux, pour rendre la justice, de prévoir que le local soit adapté à l’accueil du public ni de demander que l’intéressé puisse avoir accès à son dossier. Je sais que vous essaierez de revenir sur ce point à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, mais nous avons tâché d’être équilibrés, tant d’un point de vue pratique qu’au regard des garanties à accorder.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.