Sommaire
Présidence de M. Pierre Ouzoulias
Secrétaires :
M. Joël Guerriau, Mme Marie-Pierre Richer.
2. Immigration et intégration. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 551 rectifié bis de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 96 rectifié ter de Mme Brigitte Devésa. – Rejet.
Amendement n° 553 rectifié bis de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 409 rectifié bis de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 194 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet par scrutin n° 41.
Amendement n° 195 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 196 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 443 de M. Ian Brossat. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 254 rectifié de M. Stéphane Le Rudulier. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 312 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 272 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 273 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 274 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 276 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 488 de M. Saïd Omar Oili. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 410 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 555 rectifié bis de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 556 rectifié bis de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 457 de M. Ian Brossat. – Rejet.
Amendement n° 641 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 326 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 600 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 15 rectifié bis de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 199 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 156 de M. Hussein Bourgi. – Adoption.
Amendement n° 413 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 416 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 487 rectifié de M. Georges Patient. – Adoption.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 105 rectifié de M. Christopher Szczurek. – Rejet.
Amendement n° 106 rectifié de M. Christopher Szczurek. – Rejet.
Amendement n° 247 rectifié de M. Stéphane Le Rudulier. – Retrait.
Amendement n° 642 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 48 rectifié bis de Mme Valérie Boyer et 643 de la commission
Suspension et reprise de la séance
Amendements identiques nos 48 rectifié bis de Mme Valérie Boyer et 643 de la commission (suite). – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendement n° 108 de M. Christopher Szczurek. – Retrait.
Amendement n° 200 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 202 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
3. Mise au point au sujet de votes
4. Immigration et intégration. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Adoption de l’article.
Amendement n° 645 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 188 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 412 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
Amendement n° 10 rectifié bis de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 203 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 242 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 243 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 244 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 302 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 426 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 205 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Adoption.
Amendement n° 206 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 309 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 459 de M. Ian Brossat. – Rejet.
Amendement n° 327 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 328 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 133 de M. Christopher Szczurek. – Non soutenu.
Amendement n° 207 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 304 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 208 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 589 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 8 rectifié bis de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 585 de M. Ian Brossat. – Rejet.
Amendement n° 209 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 9 rectifié bis de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 204 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 646 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 602 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 601 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 593 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 496 rectifié bis de M. Alain Cadec. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 303 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 211 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 590 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 217 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 218 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Adoption.
Amendement n° 219 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Adoption.
Amendement n° 12 rectifié bis de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 305 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 647 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 246 rectifié de M. Stéphane Le Rudulier. – Non soutenu.
Amendement n° 648 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 214 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 591 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 594 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 559 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.
Amendement n° 435 de M. Ian Brossat. – Devenu sans objet.
Amendement n° 649 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 607 du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
Amendements identiques nos 216 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie, 300 rectifié de M. Guy Benarroche et 436 de M. Ian Brossat (suite). – Retrait des trois amendements.
Amendement n° 607 du Gouvernement (suite). – Rectification.
Amendement n° 607 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 54 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Retrait.
Amendement n° 516 rectifié bis de M. André Reichardt. – Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Pierre Ouzoulias
vice-président
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
Mme Marie-Pierre Richer.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Immigration et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (projet n° 304 [2022-2023], texte de la commission n° 434 rectifié [2022-2023], rapport n° 433 [2022-2023]).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 551 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel avant l’article 14.
TITRE III
SANCTIONNER L’EXPLOITATION DES ÉTRANGERS ET CONTRÔLER LES FRONTIÈRES
Avant l’article 14
M. le président. L’amendement n° 551 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Avant l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 823-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 823-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 823-1-…. – Est puni d’une peine de dix ans d’inéligibilité, d’un an de prison et de 75 000 euros d’amende, le fait, par une personne investie d’un mandat électif public, de soutenir sans droit, à tout moment, directement ou indirectement une association, une personne ou un groupe de personnes identifiées comme facilitant ou tentant de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Cet amendement vise à instaurer un délit de clientélisme.
L’immigration, ce ne sont pas seulement les attaques terroristes du 13 novembre à Nice, perpétrées par de prétendus « violeurs en décalage culturel ». L’immigration, ce sont aussi de belles victoires électorales fondées sur le clientélisme, cette vente à la découpe de la démocratie, qui fait passer de 49 % à 51 % des votes.
Les immigrés sont demandeurs de prestations publiques, ils en réclament toujours plus, quand les Français ont appris à être abandonnés par l’État et à se débrouiller sans.
Puisqu’ils sont davantage demandeurs, ils sont captifs. Je les ai vus, ces immigrés à qui on promettait des logements et des emplois en échange d’un bon vote. Puis je les ai vus chahuter ces mêmes élus qui, bien qu’ayant gagné, n’avaient pas la possibilité de remplir leur part du contrat.
Cette pratique n’est pas moins grave que celle qui consiste à bourrer des urnes ou à faire voter des morts ; elle est même pire, car le clientélisme exploite la misère des gens. Le clientéliste est un rapace qui mine notre démocratie et qui triche : tout ce que le Sénat, représentant des collectivités locales, doit combattre vertement.
Je n’ai rien vu de pire, sauf peut-être à Marseille, quand un candidat LR a organisé un système de fraude par procuration pour les personnes atteintes d’Alzheimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur Ravier, vous entrerez dans l’histoire, si ce n’est l’histoire avec un grand H, du moins celle du Sénat, maison qui est très attachée à la défense des maires, pour être le premier à demander la création d’une nouvelle infraction à l’égard des maires !
M. Stéphane Ravier. Ils se reconnaîtront !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous commençons nos travaux avec un amendement qui, loin d’être satellitaire ou à la marge de ce projet de loi, tend, comme tous les amendements déposés par M. Ravier, à caractériser un régime politique.
Si cet amendement était adopté, je ne pourrais plus siéger dans cette assemblée.
M. Stéphane Ravier. Quel aveu !
M. Pascal Savoldelli. On peut avoir des désaccords, mais lorsque j’ai parrainé des enfants de sans-papiers, aucun gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite, n’a mis en cause ma légitimité !
Vous parlez de clientélisme, monsieur Ravier ; or on le saurait si M. Zemmour ou Mme Le Pen étaient favorables au droit de vote des étrangers !
Ce que vous proposez est très grave : cela relève d’une dictature, et non d’une démocratie !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 551 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 14
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 823-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et 1 000 000 euros d’amende lorsque les infractions prévues aux mêmes articles L. 823-1 et L. 823-2 sont commises dans deux circonstances mentionnées au présent article dont celle mentionnée au 1°. » ;
2° (nouveau) Après l’article L. 823-3, il est inséré un article L. 823-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 823-3-1. – Le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet la commission des infractions définies aux articles L. 823-1 et L. 823-2 est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 euros d’amende. » ;
3° (nouveau) Le 3° de l’article L. 823-9 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, des poursuites pénales sur le fondement de l’article L. 823-3-1 ne peuvent pas non plus être engagées. »
II. – Le 13° de l’article 706-73 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début, sont ajoutés les mots : « Crimes et » ;
2° Sont ajoutés les mots : « et crime de direction ou d’organisation d’un groupement ayant pour objet la commission de ces infractions prévu aux articles L. 823-3 et L. 823-3-1 du même code ».
M. le président. L’amendement n° 96 rectifié ter, présenté par Mme Devésa, MM. Bonneau et Chasseing, Mme Gacquerre, M. Guerriau, Mme Lermytte, MM. Longeot, Ravier et Rochette, Mme Saint-Pé et MM. Levi et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1er
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Aux premiers alinéas des articles L. 823-1 et L. 823-2, le mot : « cinq » est remplacé par le nombre : « sept » et le montant : « 30 000 » est remplacé par le montant : « 150 000 » ;
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Il est essentiel de lutter contre l’activité des passeurs, contre le trafic de migrants et contre la traite des êtres humains.
Cet amendement, proposé par ma collègue Brigitte Devésa, vise donc à augmenter les peines pour les infractions suivantes : premièrement, le fait de faciliter ou de tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France ; deuxièmement, le fait, pour toute personne, de faciliter ou de tenter de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger, que ce soit sur le territoire d’un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ou sur le territoire d’un autre État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée signée à Palerme le 12 décembre 2000.
Ces infractions sont actuellement punies de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Il s’agit, en cohérence avec la réforme du Gouvernement, de porter ces sanctions à sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Le texte va déjà très loin dans la lutte contre les réseaux de passeurs et leurs dirigeants, qui encourent jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle et 1 500 000 euros d’amende. Le durcissement des peines que vous proposez, pour des personnes qui ne sont pas les têtes de réseaux, pourrait contrevenir à la hiérarchie des peines.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 553 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Le 3° de l’article L. 823-9 est abrogé.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Quel beau pays que le nôtre ! En France, il est interdit de violer la loi, sauf quand on viole la frontière. Tel est l’objet du débat que nous avons eu précédemment concernant la délictualisation du séjour irrégulier.
Non seulement il n’est pas interdit de violer la loi, mais – encore mieux – il n’est pas interdit d’aider à la violer ; c’est en tout cas admis par l’administration. Bienvenue en Absurdistan !
La complicité et l’aide au séjour irrégulier doivent être punies sévèrement par la loi. Et ne faites pas les naïfs, mes chers collègues, comme au sujet des bateaux taxis pour les migrants !
Les personnes qui franchissent nos frontières doivent être aidées, en mer comme sur terre. Personne ne souhaite qu’elles meurent ! Mais une fois sauvées, elles doivent être placées dans un centre de rétention administrative (CRA) en attente d’une expulsion, et non pas logées par un habitant qui contourne volontairement la loi ou les aide à se déplacer sur le territoire sans aucun contrôle, ce qui constitue un acte de complicité.
Par vos amalgames, c’est vous qui criminalisez l’humanitaire ! Ne confondez pas aide humanitaire et soutien à l’immigration illégale. Si un navire doit bien sûr sauver des rescapés d’un naufrage, il n’a pas à les ramener en Europe, surtout quand les côtes africaines sont à moins de 100 kilomètres !
Cette conduite, qui pousse tant de gens à faire des traversées périlleuses dans les montagnes ou par la mer, cause des morts. S’en rendre complice, c’est être en partie responsable de la mort de ces pauvres gens dont l’avenir doit s’écrire, non pas chez nous, mais sur la terre de leurs ancêtres.
M. le président. L’amendement n° 409 rectifié bis, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
une phrase ainsi rédigée : «
par les mots :
les mots et une phrase ainsi rédigée : « ou apportée au nom du principe de fraternité.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Il n’est malheureusement pas exagéré de dire qu’une personne qui aide un tiers en détresse risque des poursuites. Dès lors que le tiers aidé est une personne étrangère sans titre de séjour, elle encourt jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 30 000 euros.
Un tel geste peut en effet être considéré comme une aide à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger.
Si cette infraction vise les passeurs et passeuses, elle peut également être imputée à tout particulier, à tout bénévole d’une association, à qui il reviendra alors de se défendre.
Le cas sans doute le plus emblématique est celui de l’agriculteur Cédric Herrou, poursuivi pour ladite infraction. Celui-ci a eu beau répéter qu’il avait agi pour des motifs exclusivement humanitaires, ce qui est permis par la loi, le parquet général de Lyon n’avait pas laissé tomber ses poursuites. Il a donc dû se pourvoir devant la Cour de cassation, qui l’a finalement relaxé.
Il n’en reste pas moins que cette infraction peut être utilisée pour criminaliser la solidarité envers les personnes migrantes.
Si nous devons lutter contre les passeurs, nous ne pouvons pas accepter que la solidarité soit criminalisée. Nous proposons donc de reconnaître de manière explicite dans la loi qu’une aide aux personnes étrangères sans titre de séjour, au nom du principe de fraternité, ne relève pas de l’aide à l’entrée et à la circulation.
Dans sa décision du 6 juillet 2018 concernant Cédric Herrou, le Conseil constitutionnel a conféré une valeur constitutionnelle à ce principe, c’est-à-dire à toute aide apportée à une personne « dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».
J’estime que nous avons une obligation envers les milliers de nos concitoyens et concitoyennes qui s’engagent bénévolement et qui aident des personnes migrantes dans notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Ce débat ayant déjà été tranché par le Conseil constitutionnel, l’avis est défavorable sur ces deux amendements diamétralement opposés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 553 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 409 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 194, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un titre ainsi rédigé :
« TITRE…
« ENTRAVE À L’EXERCICE DU DROIT D’ASILE
« Art. L. 598-1. – Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’entraver ou de tenter d’entraver l’exercice du droit d’asile d’un étranger par tout moyen :
« 1° Soit en perturbant les accès au territoire français dans le but de faire obstacle à l’étranger qui demande à entrer en France au titre de l’asile ;
« 2° Soit en perturbant l’accès aux établissements, administrations ou juridictions compétents en matière d’asile, la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces locaux ou les conditions de travail des personnels ;
« 3° Soit en communiquant à l’étranger ou en diffusant, y compris par voie électronique ou en ligne, des allégations ou indications de nature à l’induire intentionnellement en erreur sur ces droits ;
« 4° Soit en exerçant des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur l’exercice du droit d’asile, ou des personnes physiques agissant au nom d’une association ayant pour objet la défense des étrangers et du droit d’asile.
« Art. L. 598-2. – Les personnes physiques coupables de l’un des délits prévus à l’article L. 598-1 encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire. Cette durée peut être doublée en cas de récidive ;
« 2° Le retrait temporaire ou définitif de l’autorisation administrative d’exploiter soit des services occasionnels de transports, à la place ou collectifs, soit un service régulier ou un service de navettes de transports internationaux ;
« 3° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction, notamment tout moyen de transport ou équipement terrestre, fluvial, maritime ou aérien, ou de la chose qui en est le produit. Les frais résultant des mesures nécessaires à l’exécution de la confiscation seront à la charge du condamné. Ils seront recouvrés comme frais de justice.
« Art. L. 598-3. – Les infractions prévues à l’article L. 598-1 sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende lorsqu’elles :
« 1° Sont commises en bande organisée ;
« 2° Sont commises dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
« 3° Ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie ou de transport incompatibles avec la dignité de la personne humaine ;
« 4° Sont commises au moyen d’une habilitation ou d’un titre de circulation en zone réservée d’un aérodrome ou d’un port ;
« 5° Ont comme effet, pour des mineurs étrangers, de les éloigner de leur milieu familial ou de leur environnement habituel.
« Art. L. 598-4. – Outre les peines complémentaires prévues à l’article L. 598-2, les personnes physiques condamnées au titre des infractions prévues à l’article L. 598-3 encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
« Art. L. 598-5. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies aux articles L. 598-1 et L. 598-3 du présent code encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 1° à 5°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.
« L’interdiction prévue au 2° de l’article 131-39 dudit code porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
« Art. L. 598-6. – En cas de condamnation pour les infractions prévues à l’article L. 598-3, le tribunal pourra prononcer la confiscation de tout ou partie des biens des personnes morales condamnées, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
« Art. L. 598-7. – Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l’objet statutaire comporte la défense des droits des étrangers peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l’infraction prévue par l’article L. 598-1. »
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Cet amendement très important vise à créer un délit d’entrave au droit d’asile afin de garantir l’effectivité de ce droit fondamental reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la convention de Genève.
L’exercice de ce droit est en effet aujourd’hui entravé par des groupuscules d’extrême droite qui empêchent ou qui tentent d’empêcher des femmes et des hommes de solliciter l’asile en France.
De telles actions, qui ont malheureusement eu lieu, consistent à bloquer des points d’entrée du territoire, notamment dans les zones de montagne, y compris à l’aide de drones ou d’hélicoptères.
M. Stéphane Ravier. Ce n’est pas vrai !
Mme Colombe Brossel. Ces actions de blocage sont clairement revendiquées comme visant à faire obstacle à l’exercice du droit d’asile.
Face à ces actes, l’État et la justice ne peuvent pas grand-chose. L’autorité de l’État est bafouée, alors qu’il est porté atteinte à l’exercice d’un droit fondamental.
En l’état actuel du droit, ces actions ne constituent pas un délit, si bien que les groupuscules d’extrême droite auteurs de celles-ci ont été poursuivis simplement pour avoir exercé une activité dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique.
Autrement dit, ces groupuscules d’extrême droite jouissent de l’impunité la plus totale. (MM. Stéphane Ravier et Christopher Szczurek protestent.)
Telles sont les raisons, mes chers collègues, pour lesquelles nous vous proposons la création d’un délit d’entrave au droit d’asile, ce qui, s’agissant d’un droit fondamental, est bien le minimum.
Nous ne pouvons pas continuer à donner un blanc-seing à des groupuscules d’extrême droite. Ce sont les mêmes, mes chers collègues, qui ont conduit un certain nombre d’actions, notamment contre des maires. Je pense évidemment au cas du maire de Saint-Brevin-les-Pins, dont nous avons débattu il y a quelques semaines dans cet hémicycle. Soyons cohérents, et allons jusqu’au bout en créant ce délit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La séance publique est ouverte depuis quinze minutes, et c’est le deuxième délit qu’il est proposé de créer. Notre droit en compte déjà un peu plus de 14 000… (Protestations sur des travées du groupe SER.)
Mme Audrey Linkenheld. Y compris celui qui a été voté la nuit dernière ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Plus sérieusement, les comportements que vous stigmatisez relevant d’autres infractions – troubles à l’ordre public, menaces, intimidations, diffusion de fausses informations – et pouvant à ce titre déjà être sanctionnés, il ne paraît pas nécessaire de créer un délit supplémentaire.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.
M. Stéphane Ravier. Ce qui vient d’être raconté est évidemment une fable. Ces prétendus groupuscules d’extrême droite – vous en voyez partout, mes chers collègues ! – sont en fait, autant que je m’en souvienne, des jeunes gens qui ont simplement constaté l’anarchie migratoire, pour ne pas dire l’invasion migratoire, sur certains sites où les forces de l’ordre auraient dû être plus nombreuses.
Ils n’ont fait qu’un acte citoyen en signalant aux autorités l’entrée illégale d’étrangers, qui s’inscrivaient dans une démarche clandestine, afin de permettre aux forces de l’ordre d’accomplir leur mission dans de meilleures conditions. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.) Pour ma part, je tiens à les féliciter pour ces initiatives !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Pour être allé sur les lieux du délit qui a été commis par un bataillon de braves jeunes gens,…
M. Stéphane Ravier. Jeunes citoyens !
M. Guy Benarroche. … lesquels se trouvaient, par hasard, sur ces chemins des Alpes empruntés par des personnes bravant des conditions hivernales très difficiles au péril de leur vie – de nombreux migrants qui arrivaient blessés étaient conduits directement à l’hôpital –, j’ai pu constater que l’État n’avait pas besoin d’être informé de la situation : 120 agents de la police aux frontières et de la gendarmerie, équipés de motoneiges et de drones, étaient déjà présents.
Ces agents m’ont d’ailleurs indiqué qu’en dépit de leurs efforts, 99 % des migrants parvenaient à passer la frontière après deux ou trois tentatives. Non seulement il ne sert donc à rien d’informer l’État, qui est déjà parfaitement informé, mais la réalité est que l’on a beau repousser ces personnes et adopter des lois et des règles en ce sens, la quasi-totalité d’entre elles finiront par passer. Il en résulte, pour les agents, une perte de sens complète de leur travail.
Pour ma part, je ne comprends pas que l’on s’entête à imaginer des dispositifs de plus en plus restrictifs et pénalisants. Les migrations ayant vocation à devenir de plus en plus nombreuses, il importe plutôt d’accueillir les migrants et de permettre une meilleure intégration.
Ce n’est pas en encourageant des bataillons de jeunes gens, déguisés en agents de la police française, à intimider les migrants afin qu’ils rebroussent chemin dans la neige que nous y parviendrons !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Le représentant des zemmouristes a lui-même donné toutes les raisons justifiant l’avis défavorable qui a été donné, mais nous aurions aimé entendre davantage le Gouvernement…
Cet amendement vise à créer un délit d’entrave à l’encontre des groupes d’individus qui considèrent qu’il leur revient de faire appliquer la loi, et qui se croient investis de la mission de lutter personnellement et politiquement contre l’entrée d’étrangers en France.
M. Ravier vient de défendre les actions commises par des groupes qui ont été dissous par le ministre de l’intérieur – je pense à Génération identitaire (M. le ministre opine.) –, ainsi que par des milices.
Par cet amendement, nous entendons créer un délit pour entraver l’action de ces milices qui se substituent à l’État.
Il devrait emporter l’adhésion de toute notre assemblée, car personne ne veut de milice, et personne ne veut confier à des groupuscules d’extrême droite – en réalité néofascistes (MM. Stéphane Ravier et Christopher Szczurek protestent.) – le soin de faire appliquer les lois de la République !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 194.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 41 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 111 |
Contre | 231 |
Le Sénat n’a pas adopté.
M. Stéphane Ravier. Bravo !
Article 15
Le livre V du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° L’article L. 511-22 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est punie de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent I lorsque les faits sont commis alors que l’occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;
b) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est punie de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent II lorsque les faits sont commis alors que l’occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;
c) Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont punies de cinq ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende les infractions mentionnées aux 1° et 2° lorsque les faits sont commis alors que l’occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. » ;
2° Le I de l’article L. 521-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende les faits prévus au présent I lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un occupant qui est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
M. le président. L’amendement n° 195, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le livre V du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° L’article L. 511-22 est ainsi modifié :
a) Au I, les mots : « d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 50 000 € » sont remplacés par les mots : « deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros » ;
b) Au II, les mots : « de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 € » sont remplacés par les mots : « trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 100 000 euros » ;
c) Au III, les mots : « d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 100 000 € » sont remplacés par les mots : « cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 150 000 euros » ;
2° Au I de l’article L. 521-4, les mots : « trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 100 000 euros » sont remplacés par les mots : « cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros »
La parole est à Mme Karine Daniel.
Mme Karine Daniel. Si notre groupe est favorable aux dispositions de l’article 15, qui permettront de mieux sanctionner les marchands de sommeil, nous nous interrogeons sur la création d’une circonstance aggravante au titre de la vulnérabilité.
Une personne victime d’un marchand de sommeil est, par définition, vulnérable, quels que soient sa situation de précarité, son état de santé ou sa situation administrative, et notamment s’il s’agit d’un étranger en situation irrégulière.
Dans le contexte de crise du logement que nous connaissons, s’il nous semble important que les marchands de sommeil soient sanctionnés globalement, nous estimons qu’il convient de supprimer cette circonstance aggravante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La modification proposée n’aurait pas d’intérêt technique particulier s’attachant aux modalités de poursuite.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce projet de loi vise notamment à lutter contre l’écosystème de l’immigration irrégulière, dans lequel circule beaucoup d’argent.
L’article 14, que vous venez de voter, mesdames, messieurs les sénateurs, permet de faire des passeurs des criminels, singulièrement lorsque des morts résultent de leur activité – nous avons tous en tête le drame qui s’est déroulé dans la Manche l’hiver dernier. Le fait de faciliter l’entrée au séjour sera non plus un délit, mais un crime passible de quinze à vingt ans de prison.
On se plaint parfois des décisions de justice, mais les juges appliquent la loi. Pour que les peines soient plus lourdes, il convenait, comme vous venez de le faire, de relever le quantum de peines encourues par les passeurs.
Les passeurs ne sont pas de gentilles personnes qui veulent aider des migrants à rejoindre un monde plus heureux. Ils touchent de l’argent, souvent en espèces, pour exploiter la détresse des gens ; il est normal de les criminaliser.
L’article 15 vise également à lutter contre l’écosystème fondé sur l’immigration irrégulière et l’exploitation qui en découle.
Une personne en situation irrégulière est sans aucun doute vulnérable. La vulnérabilité est toutefois aggravée par l’exploitation économique dont les marchands de sommeil se rendent souvent coupables de surcroît, par exemple en embauchant les personnes irrégulières.
Certains articles de ce projet de loi se répondent, bien qu’ils figurent parfois – je m’en désole – dans des titres différents. Quoi qu’il en soit, nous luttons contre l’écosystème irrégulier en criminalisant les passeurs, en attaquant les patrons indélicats et en encadrant les dispositifs, notamment l’autoentrepreneuriat, qui créent de l’irrégularité.
Nous nous attaquons également aux marchands de sommeil qui minent souvent nos centres-villes et qui exploitent dans des conditions absolument ignobles les personnes en situation irrégulière, en particulier des femmes, y compris lorsqu’elles sont enceintes, des enfants et des vieillards.
L’article 15 est très important, car – je l’espère – il donnera enfin aux maires, aux préfets et aux procureurs de la République les moyens de lutter contre les marchands de sommeil.
Je suis défavorable à cet amendement qui tend à en amoindrir la portée.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Vous connaissez l’attachement de mon groupe, monsieur le ministre, à la lutte contre l’habitat indigne. Dans le département du Nord, dans la métropole lilloise et dans nos communes respectives, c’est un sujet que nous connaissons bien.
Loin de nous l’idée de minimiser l’importance de la lutte contre les marchands de sommeil. C’est précisément parce que ce sujet est grave et qu’il est le fait de réseaux que nous souhaitons aggraver les peines encourues par les marchands de sommeil, non pas seulement quand ils exploitent des étrangers en situation irrégulière, mais en toutes circonstances.
Ces réseaux qui pullulent dans un certain nombre de villes exploitent d’autres personnes vulnérables, notamment des étrangers en situation régulière – vous comprenez certainement à quoi je fais allusion, monsieur le ministre. Ils peuvent aussi se livrer au trafic de stupéfiants.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que l’article 15, qui est intéressant, le serait d’autant plus s’il était élargi de manière à sanctionner tous les marchands de sommeil, quelles que soient les personnes vulnérables qu’ils exploitent.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne veux faire de procès d’intention à personne, et surtout pas à vous, madame la sénatrice, dont je connais l’engagement en matière de logement, notamment dans la métropole lilloise. Le présent texte vise toutefois à lutter contre un écosystème irrégulier.
Il ne fait pas de doute que la situation irrégulière d’une personne est source de vulnérabilité, exploitée par le délinquant qu’est le marchand de sommeil. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas élargir cette circonstance aggravante à d’autres types de vulnérabilité – personnes handicapées, femmes seules, étrangers en situation régulière sur le territoire national, etc.
Le présent article prévoit d’ajouter une circonstance aggravante au titre de la vulnérabilité des personnes en situation irrégulière, non pas dans le code de la construction et de l’habitation, qui, comme vous le savez, prend en compte d’autres causes de vulnérabilité, mais dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui entre dans le champ du présent projet de loi.
Cela n’épuise pas le sujet. Un autre élu du département du Nord, que vous connaissez, Patrice Vergriete, défendra prochainement un projet de loi sur le logement.
En tout état de cause, j’estime qu’il convient de prendre en compte la vulnérabilité des personnes en situation irrégulière afin de lutter contre cet écosystème. Ce projet de loi a pour but d’éviter que des personnes entrent illégalement sur notre territoire, mais aussi qu’elles se fassent exploiter, notamment par les marchands de sommeil, dès lors qu’elles sont sur notre sol.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 196, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre V du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Étranger victime d’infractions en matière d’habitat indigne
« Art. L. 425-11. – L’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions en matière d’habitat indigne, visées aux articles L. 511-22 et L. 521-4 du code de la construction et de l’habitation, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” d’une durée d’un an. La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable.
« Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. »
« Art. L. 425-12. – L’étranger mentionné à l’article L. 425-11 se voit délivrer, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, et sous réserve de la régularité du séjour, une carte de résident d’une durée de dix ans. »
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil du précédent.
Dans la mesure où l’article 15, qui vise à sanctionner davantage les marchands de sommeil quand ils exploitent des personnes vulnérables, comme le sont les étrangers en situation irrégulière, a été adopté dans sa rédaction initiale, nous proposons, par parallélisme des formes, si je puis dire, que les étrangers sans titre soient eux aussi mieux protégés.
Il ne faut pas seulement sanctionner davantage les marchands de sommeil, mais aussi mieux protéger ces étrangers sans titre s’ils déposent plainte contre une personne ayant commis à leur encontre des infractions assimilables à celles d’un marchand de sommeil, ou bien s’ils témoignent dans une procédure pénale contre lesdits marchands de sommeil. En effet, pour sanctionner ceux-ci, encore faut-il que certaines de leurs victimes déposent plainte ou témoignent contre eux.
C’est pourquoi nous souhaitons que les étrangers sans titre puissent se voir délivrer une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an : une telle mesure incitera ces personnes vulnérables à ne pas se laisser faire.
J’ajoute que ce que nous proposons n’a rien d’inédit, puisque nous avons déjà débattu de procédures similaires au début de l’examen de ce texte à propos, cette fois-ci, des étrangers victimes de traite des êtres humains et de proxénétisme : en vue de faire tomber les réseaux, la loi prévoit d’ores et déjà d’octroyer une carte de séjour temporaire à tous les étrangers qui portent plainte contre les proxénètes dont ils sont victimes.
M. le président. L’amendement n° 443, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre V du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Étrangers victimes de soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine
« Art. L. 425 …. – L’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre des faits constitutifs de l’infraction de soumission à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, mentionnée à l’article 225-14 du code pénal, se voit délivrer, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée d’un an. La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. »
La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. Dans la continuité des propos d’Audrey Linkenheld, je citerai un exemple concret.
J’ai eu le plaisir d’inaugurer il y a quelques semaines un immeuble neuf aux 40-44, rue Max Dormoy dans le XVIIIe arrondissement de Paris, une parcelle qui a longtemps été détenue par un marchand de sommeil, lequel avait fait cent cinquante victimes, dont cinquante enfants, vivant dans des conditions absolument indignes.
Cette opération a mis quinze ans à sortir de terre ! En effet, il est souvent très compliqué de lutter contre les marchands de sommeil. D’ailleurs, ce combat est également parfois très coûteux puisque, en l’occurrence, l’expropriation de cette parcelle nous a coûté 6,7 millions d’euros d’indemnités que nous avons dû à l’époque reverser à ce marchand de sommeil.
Depuis, heureusement, la loi a changé, à la suite notamment de l’adoption de l’amendement du député communiste Stéphane Peu. Il est désormais possible d’exproprier un marchand de sommeil sans l’indemniser.
Cela étant, pourquoi est-ce si compliqué et si long ? C’est parce que les personnes vivant dans ces immeubles sont pour une large part des sans-papiers en situation irrégulière – on estime que 40 % des victimes de marchands de sommeil n’ont pas de papiers. Or, dès lors que ces étrangers n’en possèdent pas, il n’est pas possible de les reloger dans un logement social.
C’est une situation kafkaïenne d’une certaine manière : certains sont obligés de demeurer dans un immeuble, y compris quand le propriétaire a été exproprié par les pouvoirs publics, parce qu’ils ne peuvent pas accéder à un logement social et, en définitive, l’opération est bloquée.
C’est la raison pour laquelle notre amendement vise à rendre possible l’octroi d’un titre de séjour provisoire aux victimes de marchands de sommeil lorsqu’elles portent plainte, dispositif déjà en vigueur en matière de lutte contre la traite des êtres humains.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Les deux amendements tendent à prévoir l’attribution, pour l’un, d’une carte de séjour temporaire, pour l’autre, d’une carte de résident de dix ans à toute personne étrangère qui déposerait plainte contre un marchand de sommeil.
La commission comprend bien le raisonnement que vous venez de tenir, mes chers collègues. Elle s’est elle-même interrogée à cet égard, au vu notamment du parallèle que vous faites avec le trafic des êtres humains, infraction pour laquelle il est effectivement possible d’obtenir, en cas de plainte – on l’a évoqué hier ou avant-hier –, une carte de séjour temporaire.
Ici, nous avons considéré que la situation était un peu différente, mais ce n’est évidemment pas parce que le niveau d’indignité – si je peux employer ce terme – ou l’importance de l’infraction différerait.
En fait, nous avons estimé que les réseaux de traite des êtres humains représentaient une menace directe pour la personne qui porte plainte. D’une certaine façon, la société française incite cette personne à prendre la responsabilité de dénoncer un réseau, à prendre la décision fort heureuse de déposer une plainte et de témoigner, en contrepartie de quoi elle lui accorde une carte de résident. Dans ce cas, nous considérons que cela se justifie.
À l’inverse, en matière d’habitat indigne, nous percevons moins l’enjeu qui existerait autour du dépôt de plainte et du témoignage, puisqu’il s’agit d’un constat objectif portant sur la situation de l’immeuble.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est la même chose !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cela étant, nous entendons que l’Assemblée nationale puisse avoir un point de vue différent à ce sujet : c’est une question qui, à mon avis, pourra sans trop de difficultés être tranchée lors de la réunion de la commission mixte paritaire. (Mme Audrey Linkenheld s’exclame.)
Pour faire bref, mes chers collègues, nous sommes défavorables à ces amendements, mais nous sommes tout de même un peu hésitants sur le sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le président, les deux amendements sont-ils absolument identiques ?
M. le président. Non, ils font simplement l’objet d’une discussion commune, monsieur le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Si l’on opte pour l’octroi d’une carte de séjour temporaire, on adopte une solution analogue à celle qui s’applique déjà lorsqu’un étranger dénonce un réseau de proxénétisme. Lequel des deux amendements accorde un titre temporaire ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les deux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Dans ce cas – ne compliquons pas les choses –, j’émets un avis favorable sur les deux amendements. Au pire, l’Assemblée nationale se chargera de retravailler le dispositif qui sera adopté…
Ce qui me plaît dans ces dispositions, c’est qu’elles incitent à la dénonciation du marchand de sommeil, mais qu’elles garantissent aussi une protection aux victimes.
Il est tout à fait exact que le code pénal prévoit déjà d’accorder un titre de séjour temporaire à une personne victime de traite, et donc logée à des fins d’exploitation.
Ce n’est pas tout à fait le cas de la victime d’un marchand de sommeil, lequel peut parfaitement « louer » un bien, non pas à des fins d’exploitation, mais simplement pour faire du profit, son logement n’étant souvent ni déclaré ni aux normes. Dans un tel cas, il n’y a pas forcément de lien, ou un lien très distendu, entre la situation de la victime et celle d’une personne victime de traite des êtres humains.
Je vous propose que l’on adopte cette disposition pour qu’elle figure dans le texte : cela permettra par la suite de creuser cette très bonne idée.
Le dispositif contribuera à la protection des personnes et favorisera la révélation des réseaux responsables de l’immigration irrégulière. Cette mesure pourrait en outre avoir un effet sur le « stock » – pardonnez-moi de le dire ainsi –, en espérant qu’elle mette aussi fin au « flux », celui qu’entretiennent les marchands de sommeil.
Ces deux amendements sont intéressants, même si je l’avoue, je ne les ai pas examinés dans le détail. Après vous avoir écoutés, madame la sénatrice, monsieur le sénateur, je suis convaincu.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le ministre, je vous remercie de soutenir notre amendement et de proposer cette ouverture sur un sujet qui nous semble essentiel.
Vous avez évoqué une possible distinction à opérer entre les victimes de traite des êtres humains et de proxénétisme et les victimes de marchands de sommeil : vous avez affirmé qu’il y avait exploitation dans le premier cas, et pas dans le second. Vous nous avez pourtant expliqué précédemment que la circonstance aggravante pour les marchands de sommeil logeant des étrangers sans titre résidait précisément dans le fait que non seulement ils les logeaient, mais aussi que potentiellement ils les exploitaient, en les faisant probablement travailler par ailleurs.
Je me permets donc de vous rappeler qu’il s’agit, là aussi, d’une forme d’exploitation des étrangers en situation irrégulière.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.
M. Ian Brossat. Monsieur le ministre, si nous réussissons à avancer sur ce dossier, nous parviendrons à débloquer beaucoup de situations auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.
Ce dispositif aura plusieurs vertus.
D’abord, il aidera à mieux détecter les immeubles insalubres dans lesquels sévissent des marchands de sommeil.
Ensuite, il permettra de protéger les victimes de marchands de sommeil, qui, bien souvent aujourd’hui, ont peur de porter plainte parce qu’elles craignent, après avoir vécu des événements très difficiles, de se voir infliger une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Je pense qu’il est primordial d’avancer sur ce point.
Enfin, il favorisera le relogement de ces personnes : il contribuera à faire en sorte que les étrangers sans-papiers accèdent au moins à une résidence sociale à titre temporaire avant d’obtenir un logement social, tout cela après qu’ils auront bien souvent vécu l’enfer.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Au bénéfice des explications qui viennent d’être données, la commission – je m’exprime bien sûr avec l’accord des deux rapporteurs – réaffirme qu’elle est très défavorable à l’amendement n° 196.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bien sûr !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Pour autant, elle reconnaît que l’amendement n° 443 pourrait faire l’objet d’un avis de sagesse, dès lors que des précisions utiles pourraient être apportées à son dispositif au cours de la navette parlementaire. (Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.
Article 16
La sous-section 1 de la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Aux premier et second alinéas de l’article L. 821-6 et au second alinéa de l’article L. 821-7, après le mot : « visa », sont insérés les mots : « ou de l’autorisation de voyage » ;
2° L’article L. 821-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aux fins du respect des obligations qui leur incombent au titre de l’article 26, paragraphe 1, point b, de la convention précitée, les transporteurs utilisent le service internet mentionné à l’article 13 du règlement (UE) 2017/2226 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 portant création d’un système d’entrée/de sortie (EES) et à l’article 45 du règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS), afin d’effectuer les vérifications nécessaires. » – (Adopté.)
Après l’article 16
M. le président. L’amendement n° 253 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Menonville et Frassa, Mme Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, M. Paccaud, Mmes Petrus et Bellurot, MM. Wattebled et Pellevat, Mmes Lopez, Herzog, Eustache-Brinio, Micouleau et Belrhiti et MM. Genet et Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Au 3° de l’article L. 232-1, après le mot : « passagers », sont insérés les mots : « et aux membres d’équipage ou aux personnels à bord d’un train ou aux gens de mer » ;
2° L’article L. 232-4 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « telles que les données relatives aux membres d’équipage » ;
b) Le cinquième alinéa est complété par les mots : « telles que les données relatives aux gens de mer » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 232-5, les mots : « méconnaître les obligations fixées à l’article L. 232-4 » sont remplacés par les mots : « transmettre aux services du ministère de l’intérieur des données inexploitables en raison du non-respect du format requis fixé par décret en Conseil d’État ou incomplètes ou manifestement fausses ou de ne pas transmettre les données mentionnées à l’article L. 232-4 à ces mêmes services » ;
4° Au premier alinéa du II de l’article L. 232-7, après le mot : « passagers », sont insérés les mots : « et aux membres d’équipage » ;
5° Les quatrième à septième alinéas de l’article L. 232-7-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« II. – Pour la mise en œuvre du traitement mentionné au I du présent article, les exploitants de navire recueillent et transmettent les données d’enregistrement relatives aux passagers et aux gens de mer qui voyagent, à destination et en provenance du territoire national, à bord d’un navire effectuant des voyages internationaux au sens du code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires. »
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Cet amendement de notre collègue Stéphane Le Rudulier contribuerait, s’il était adopté, à un contrôle plus efficace des frontières, en étendant le périmètre de collecte des données de voyage à celui des équipages et gens de mer.
En effet, les services de renseignement judiciaire et douanier constatent que les membres des équipages des voyages internationaux, aériens, maritimes et ferroviaires peuvent eux-mêmes être les auteurs ou les complices d’infractions prévues par la loi. Or le traitement de leurs données est impossible. En effet, par définition, ils n’entrent pas dans le dispositif en vigueur résultant de la directive Passenger Name Record (PNR), dans la mesure où ils ne réservent pas de billets.
Cet amendement vise donc à autoriser le recueil et le traitement des données d’enregistrement des équipages.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Objectivement, il n’est pas simple de se prononcer sur un tel amendement.
Nous comprenons très bien votre souhait, ma chère collègue, d’élargir le système de traitement des données, en particulier maritimes.
Cette question a déjà été soulevée par le Gouvernement, en la personne du ministre de l’intérieur, dans le cadre de l’avant-projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi). Le Conseil d’État et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) avaient alors formulé un certain nombre d’observations, si bien que le Gouvernement n’avait pas retenu cette disposition dans le projet de loi initial, et que nous n’avions donc pas eu la possibilité de nous prononcer à cet égard.
Aujourd’hui, nous l’examinons par le truchement d’un amendement. Or nous n’avons toujours aucune garantie quant à la sécurité juridique d’un tel dispositif puisque, par définition, cet amendement n’a été soumis ni à l’avis de la Cnil ni à celui du Conseil d’État. Nous n’avons donc pas encore trouvé tous les moyens de lever les réserves qui avaient été émises à l’époque.
Comme nous ne savons pas s’il est préférable de questionner le Gouvernement sur l’opportunité ou non de voter une telle mesure, ou de nous en remettre simplement à l’appréciation de nos collègues, nous vous demandons, madame Eustache-Brinio, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi nous y serons défavorables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le sujet est évidemment important : si j’entends les préoccupations exprimées par le rapporteur, je pense que cela vaut le coup, si j’ose dire, de voter cette mesure, quitte à ce qu’elle soit soumise in fine à l’appréciation du Conseil constitutionnel.
Un tel échange de données nous permettrait d’obtenir des informations sur l’ensemble des personnels. Au pire, le dispositif sera censuré par le Conseil constitutionnel – dont acte ! Pour ma part, je considère que nous devrions tenter l’aventure.
Pour finir, il me semble que le dispositif de cet amendement est légèrement différent de ce qu’avait imaginé le Gouvernement et qu’il est désormais compatible avec les recommandations qui avaient été formulées.
Je suis donc favorable à cet amendement.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Merci !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Dans ces conditions, je prends la responsabilité, à titre personnel, de transformer l’avis de la commission sur cet amendement en un avis favorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas comme cela que ça se passe !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Faites preuve d’un peu plus de générosité à mon égard et à celui de notre assemblée, madame de La Gontrie. (Sourires et applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas vraiment l’ambiance…
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 16.
L’amendement n° 254 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Anglars, Menonville et Frassa, Mme Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, MM. Pointereau, Ravier et Paccaud, Mmes Petrus et Bellurot, MM. Chasseing, Wattebled et Pellevat, Mme Lopez, M. Bruyen, Mmes Herzog, Micouleau et Belrhiti, M. Genet, Mme Devésa, M. Duffourg et Mme Imbert, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 331-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 331-… ainsi rédigé :
« Art. L. 331-.… – Pour l’application des articles L. 331-2 et L. 331-3, les officiers de police judiciaire mentionnés aux 2° à 4° de l’article 16 du code de procédure pénale et, sous la responsabilité et le contrôle effectif de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés à l’article 20 et aux 1°, 1° bis et 1° ter de l’article 21 du même code peuvent procéder à l’inspection visuelle et la fouille des bagages, des effets personnels et du moyen de transport, y compris de son chargement, de l’étranger contrôlé, en vue de vérifier qu’ils ne sont pas de nature à compromettre l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de la France, d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État avec lequel s’applique l’acquis de Schengen.
« Ces opérations s’effectuent en présence de l’étranger, avec son accord ou, à défaut, après avoir informé par tout moyen le procureur de la République.
« En cas de découverte d’une infraction, il est établi un procès-verbal qui mentionne le lieu et les dates et heures de début et de fin de ces opérations et dont un exemplaire est transmis sans délai au procureur de la République. ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Le présent amendement a pour objet d’autoriser l’inspection visuelle et la fouille des bagages, des effets personnels et des véhicules des étrangers contrôlés aux frontières, afin d’assurer l’effectivité des vérifications prévues par le droit européen, en particulier les articles 2 et 8 du code frontières Schengen.
J’insiste sur le fait que le recours à l’inspection visuelle ou à la fouille des effets et des véhicules de la personne qui se présente à une frontière sans donner son identité constitue bien souvent un facteur déterminant pour découvrir des éléments facilitant l’établissement de sa situation, et pour s’assurer ainsi qu’il n’est pas susceptible de compromettre l’ordre public.
C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à compléter notre droit en vue de permettre aux policiers et aux militaires de la gendarmerie chargés du contrôle des frontières de procéder à de telles opérations, et ce sous réserve d’un certain nombre de garanties que je vais énumérer.
Tout d’abord, elles ne pourront être effectuées que par des officiers ou des agents de police judiciaire.
Ensuite, il ne pourra y être procédé que dans le but de vérifier que les personnes se présentant à la frontière « ne sont pas de nature à compromettre l’ordre public » – nous reprenons ainsi les termes figurant dans le code frontières Schengen.
En outre, ces contrôles devront être réalisés en présence de la personne ou avec son accord ou, à défaut, après que l’on a informé, par tout moyen, le procureur de la République.
Enfin, en cas de découverte d’une infraction, il devra être établi un procès-verbal qui mentionne le lieu, ainsi que les dates et heures de début et de fin des opérations, dont un exemplaire devra être transmis sans délai au procureur de la République.
Cet amendement est de nature, me semble-t-il, à recueillir un avis favorable de la commission et du Gouvernement, puisqu’il ne vise qu’à renforcer notre sécurité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Le sujet abordé est celui du contrôle des titres et des visites sommaires des véhicules. Nous préférons à cet amendement un dispositif qui nous paraît beaucoup plus solide juridiquement, celui de l’article 17 du projet de loi, qui sera discuté dans quelques instants.
C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Boyer, l’amendement n° 254 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Dans la mesure où M. le rapporteur m’assure que mon amendement sera satisfait par une disposition qui devrait être débattue dans quelques minutes, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 254 rectifié est retiré.
Article 16 bis (nouveau)
Le livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 332-2 est supprimée ;
2° L’article L. 333-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « du même délai » sont remplacés par les mots : « d’un délai d’un jour franc » ;
3° La troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 352-3 est supprimée ;
4° Au début du 2° de l’article L. 361-4, les mots : « La seconde phrase de l’article L. 332-2 et l’article L. 333-2 ne sont pas applicables » sont remplacés par les mots : « L’article L. 333-2 n’est pas applicable ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 197 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 292 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l’amendement n° 197.
M. Christophe Chaillou. Au travers de cet amendement, nous proposons de supprimer l’article 16 bis, et ce conformément à une décision de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).
Nous souhaitons le rétablissement du bénéfice d’un jour franc pour l’étranger qui se voit notifier un refus d’entrée aux frontières terrestres de la France ou à Mayotte. Cette mesure concerne tout particulièrement les étrangers se présentant à la frontière franco-italienne.
Je me permets d’attirer votre attention : sans ce jour franc, l’étranger concerné ne pourra matériellement ni faire valoir le droit dont il dispose de refuser le rapatriement ni contester le refus d’entrée. Sans ce délai, il ne pourra en effet pas avertir la personne chez laquelle il devait se rendre ni le conseil de son choix.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 292 rectifié.
M. Guy Benarroche. L’article 16 bis prévoit de supprimer à un étranger qui se voit notifier un refus d’entrée sur le territoire le bénéfice du jour franc dont il bénéficiait jusqu’à présent avant d’être reconduit.
Cette décision de refus d’entrée est susceptible de recours. À ce titre, le jour franc donne à l’étranger le temps nécessaire pour prendre contact avec les associations et pour déposer, le cas échéant, une demande d’asile lorsqu’il l’envisage.
Mes visites à Montgenèvre et, plus récemment, à Menton m’ont permis de constater que les étrangers, qui arrivent très souvent dans un état de fatigue avancé, et qui sont également très souvent retenus un peu plus longtemps que ce que la loi l’autorise, ont du mal à connaître et à faire reconnaître leurs droits dans des délais très brefs.
Dans un contexte où les étrangers qui se présentent à nos frontières en situation irrégulière sont souvent exposés à des pressions de la part de la police aux frontières et où, de surcroît, les problèmes de compréhension et d’interprétation sont très nombreux, le jour franc constitue, nous semble-t-il, une garantie essentielle, qui leur offre la possibilité de prendre contact avec leur consulat, un membre de leur famille ou un proche avant d’être rapatriés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Après les mesures d’éloignement, nous abordons les décisions de refus d’entrée sur le territoire.
La commission est défavorable à ces amendements. Par souci d’efficacité, nous ne sommes en effet pas favorables à la suppression de l’article 16 bis, qui a été introduit dans le projet de loi par notre collègue Alain Cadec.
En revanche, et pour éviter tout malentendu, je précise que la disposition dont vous demandez la suppression, mes chers collègues, ne concerne pas les mineurs non accompagnés (MNA).
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 197 et 292 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 16 bis.
(L’article 16 bis est adopté.)
Article 17
L’article L. 812-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « , à l’exclusion des voitures particulières » sont supprimés ;
2° (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La visite sommaire des voitures particulières est possible lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que celui-ci transporte une personne ayant commis ou tenté de commettre une infraction relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France. »
M. le président. L’amendement n° 312 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Nous proposons la suppression de l’article 17, qui autorise les garde-frontières de la police aux frontières à inspecter visuellement les véhicules des particuliers en zone frontière.
Cette mesure serait motivée par la prétendue nécessité de rendre plus efficaces les contrôles opérés dans la bande frontalière des vingt kilomètres par les forces de sécurité intérieure.
Le Conseil constitutionnel, dans ses décisions n° 76-75 DC du 12 janvier 1977 et n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, a rappelé que la possibilité de procéder à la fouille de véhicules devait être entourée de garanties effectives, faute de quoi il serait porté atteinte à la liberté individuelle.
L’article 17 suscite l’inquiétude des associations qui garantissent un accueil digne aux personnes exilées en zone frontière – elles y ont évidemment droit. Ces associations témoignent qu’elles sont alors très régulièrement victimes – je l’ai constaté personnellement – du harcèlement des forces de l’ordre, qui cherchent à les dissuader de mener leurs opérations de secours.
Notre groupe s’oppose à cette criminalisation de l’aide humanitaire, laquelle découle du principe – reconnu – de fraternité, car elle fragilise l’ensemble des acteurs qui se substituent, en l’occurrence, aux pouvoirs publics déficients en matière d’accueil des migrants.
La puissance publique doit se tenir aux côtés des associations dans l’exercice de leur mission d’intérêt général. Or le présent article fait peser un risque supplémentaire de pression exercée contre lesdites associations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Comme je l’ai expliqué à Mme Boyer, la commission est favorable à l’article 17.
Cet article permet, d’une part, un contrôle visuel dans la bande des vingt kilomètres et, d’autre part, une visite sommaire des voitures particulières, lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que ces véhicules transportent une personne ayant commis ou tenté de commettre une infraction relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France.
Le dispositif est bien ciblé et résulte, de surcroît, de l’application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel à laquelle il a été fait référence précédemment.
L’aide humanitaire fait l’objet d’une protection ; en revanche, la loi réprime l’entrée et la circulation des personnes étrangères en situation irrégulière sur notre territoire.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis évidemment favorable au maintien de l’article 17 dans le texte.
Aujourd’hui, un certain nombre de dispositions permettent de s’intéresser aux véhicules de plus de neuf places dans la bande de vingt kilomètres située de part et d’autre de la frontière. C’est en effet dans cette zone que nous trouvions des bateaux, des moteurs de bateaux, des gilets de sauvetage, parfois même des personnes en situation irrégulière dans de gros véhicules. Nous avons observé, parce que le travail de la police est efficace, que les passeurs utilisaient désormais des véhicules beaucoup plus petits.
Désormais, dans les zones frontalières, les policiers et les gendarmes constatent régulièrement – j’ai pu le vérifier moi-même, que ce soit aux frontières du nord de la France ou à la frontière italienne – que des moteurs de bateaux ainsi que des gilets de sauvetage en très grand nombre dépassent des coffres de voiture.
Reconnaissez avec moi que la présence de gilets de sauvetage ou de moteurs de bateaux à la frontière entre le Nord et la Belgique, au mois de décembre – je connais un peu la mer du Nord –, ce n’est pas très naturel ! À l’évidence, il s’agit là de mini-réseaux de passeurs, et de la manifestation d’une forme d’ubérisation des trafics.
Désormais, la plupart des personnes qui veulent se rendre en Angleterre ne partent plus depuis notre territoire, tant la pression et l’action de la police y sont fortes – nous comptabilisons quinze fois moins de migrants dans les Hauts-de-France grâce au travail réalisé par Bernard Cazeneuve et les gouvernements qui lui ont succédé –, mais depuis la Belgique. Elles y font du cabotage ou, plus certainement, passent la nuit entre la Belgique et la France et traversent immédiatement en assemblant des bateaux enterrés dans les dunes.
Je rappelle que la frontière entre notre pays et la Belgique est extrêmement poreuse : par exemple, à Tourcoing, on compte pas moins de quinze endroits d’où l’on peut se rendre de France en Belgique. Alors, imaginez ailleurs, là par exemple où il y a des chaînes de montagnes comme les Pyrénées ou les Alpes… Chez nous, il y a certes le mont des Cats, mais l’altitude y est faible et ce n’est pas une frontière.
Bref, cette disposition est tout à fait conforme au droit et aux dispositions du Ceseda.
En effet, je rappelle que c’est avec l’autorisation du conducteur, ou avec celle du procureur de la République si le conducteur le refuse, que le contrôle est réalisé, et qu’un procès-verbal est même remis à la personne contrôlée.
Cette procédure respecte, me semble-t-il, les règles auxquelles on est en droit de s’attendre lors du contrôle de son véhicule. Elle permet en outre aux policiers et aux gendarmes de faire leur métier lorsqu’ils aperçoivent des moteurs de bateaux et des gilets de sauvetage en très grand nombre – matériel des passeurs – dépasser des coffres.
Je ne sais pas si vous appréhendiez cet article, monsieur le sénateur, mais j’espère vous avoir rassuré : objectivement, il s’agit d’une disposition de bon sens et respectueuse des individus.
En tout cas, si cet article est supprimé, il ne faudra pas se plaindre. Aujourd’hui, les drames se multiplient : il est de notre devoir d’empêcher un maximum de personnes de traverser la Manche, dans des conditions terribles, notamment l’hiver.
Avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 272, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de ses inspections, l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire est identifié par son numéro d’immatriculation administrative, sa qualité et son service ou unité d’affectation. »
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Après avoir défendu hier l’amendement n° 271 à l’article 11, je présente, dans le même esprit et par cohérence, un amendement visant également à ce que soit appliquée l’obligation du port visible de l’immatriculation administrative par les agents de la police aux frontières.
Cet amendement vise à l’amélioration de la transparence des agents publics et à la protection des droits des personnes migrantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. L’obligation qu’a un policier de porter son numéro d’immatriculation est une obligation d’ordre général : il n’y a donc aucune raison de préciser que celle-ci s’applique à l’occasion des contrôles frontaliers.
M. le ministre de l’intérieur est d’autant plus attentif à ce sujet que le Conseil d’État a rappelé l’importance de la mise en œuvre pratique de cette obligation dans sa décision du 11 octobre dernier.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 273, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre II du livre Ier du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 122-… ainsi rédigé :
« Art. L. 122-…. – Le préfet de département et, à Paris, le préfet de police, compétent en matière d’entrée et de séjour des étrangers ainsi qu’en matière de droit d’asile, a en charge la coordination de l’action de l’État, des collectivités locales et de la société civile organisée.
« Dans ce cadre, il préside un comité de pilotage réunissant les représentants de l’État, des collectivités locales compétentes et des associations de solidarité aux frontières afin de permettre l’information et la coordination des activités de surveillance des frontières, de respect du droit des personnes étrangères et des politiques et actions de solidarité.
« Ce comité est réuni au minimum deux fois par an. Sa composition et ses modalités de fonctionnement sont arrêtées par un décret pris en Conseil d’État. »
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Le flux constant de personnes migrantes se présentant à l’entrée de notre territoire et la gestion qui en est faite posent de nombreuses questions en matière de sécurité publique, de droit d’asile, de solidarité ou encore de santé publique.
Divers acteurs se croisent aux frontières terrestres du pays : des agents de la police, de la gendarmerie nationale, des administrations déconcentrées ou des collectivités locales compétentes en matière de solidarité, notamment les départements, mais aussi des membres des associations de solidarité qui viennent en aide aux personnes migrantes ayant franchi la frontière dans des conditions de grande détresse. La liste est longue.
Les parlementaires et autres élus écologistes ont réalisé de nombreuses observations de terrain à Montgenèvre ainsi qu’à Menton, et ont échangé avec des acteurs concernés.
En est ressorti le constat d’une faible coordination, d’une grande incompréhension, voire d’une certaine défiance entre eux. L’État abandonne bien souvent les missions de solidarité aux associations et celles des différents acteurs sont parfois divergentes. Au-delà d’objectifs contradictoires, cette situation résulte d’un grand manque de dialogue et de communication des informations.
Il apparaît essentiel de favoriser ces échanges. Tel est l’objet de cet amendement qui vise à mettre en place un comité de pilotage sur la situation aux frontières, réunissant les représentants de la préfecture, de la police, de la gendarmerie nationale, des départements et des associations actives dans la solidarité aux frontières.
Dans bien des domaines, notamment les transports, les comités de pilotage ont montré leur efficacité pour coordonner des actions et des objectifs parfois antagonistes. La création d’une interface de dialogue régulier paraît donc indispensable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Ajouter une présidence de comité aux tâches de nos préfets ne nous semble pas indispensable.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 274, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 332-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une décision de refus d’entrée ne peut intervenir avant un rappel explicite à l’étranger de ses droits par un agent de l’autorité administrative. L’étranger est ainsi informé, dans les meilleurs délais, qu’il peut demander l’assistance d’un interprète et d’un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix. Il est également informé des droits qu’il est susceptible d’exercer en matière de demande d’asile. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu’il comprend. Mention en est faite sur la décision de refus d’entrée écrite, mentionnée au premier article de l’alinéa L. 332-2. »
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Le président Gontard, premier signataire de cet amendement, s’est rendu au cours de l’hiver 2020-2021, avec d’autres élus, à la frontière franco-italienne pour participer à des maraudes solidaires. Ils ont malheureusement constaté, à plusieurs reprises, le non-respect des droits des personnes migrantes par les agents de l’autorité administrative aux frontières.
En particulier, la procédure de refus d’entrée sur le territoire est détournée. En effet, les formulaires de refus d’entrée sont très souvent préremplis par les agents administratifs. Ainsi, la case « je veux repartir le plus rapidement possible », destinée à être remplie par les personnes migrantes, est souvent déjà cochée avant que le formulaire ne leur soit présenté.
Il est également courant que les personnes migrantes ne soient pas informées de leurs moyens d’action préalables, notamment du droit de recourir à un interprète et à un médecin, ou de leurs droits en matière de demande d’asile. À titre d’exemple, un ressortissant tunisien a même reçu une décision de refus d’entrée sans la page relative à ces droits. Ces constats traduisent une politique sciemment mise en place afin de limiter les demandes d’asile, au mépris de l’État de droit.
Au regard de ces atteintes claires aux droits des personnes exilées, cet amendement a pour objet de renforcer le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que de faire un nécessaire rappel à la loi. Toute personne se présentant aux frontières françaises doit être notifiée de la nature de ces droits, oralement et par écrit, dans une langue qu’elle comprend, afin de pouvoir les exercer en pleine connaissance.
C’est un droit, il doit être respecté. Tout être humain, indépendamment de ses origines, mérite le respect et la dignité, et cela sans conditions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Mon cher collègue, vous nous avez présenté ce qui pourrait être un nouvel alinéa de l’article 332-1 du Ceseda.
L’article 332-2 de ce code, qui est donc le suivant, précise que la décision de refus d’entrée est écrite et motivée, qu’elle mentionne les droits de l’étranger et qu’elle lui est notifiée dans une langue qu’il comprend.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 276, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes de Marco et Ollivier, MM. Mellouli et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les premières conclusions du fonctionnement de la brigade mixte franco-italienne de police aux frontières déployée depuis 2020.
Ce rapport comprend nécessairement le nombre d’opérations effectuées, le nombre d’interpellations réalisées, un bilan du respect des droits et de la dignité des personnes migrantes et l’état de la survivance ou non d’opérations de la seule police aux frontières française en territoire italien.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. À la suite des attentats de novembre 2015, l’espace Schengen a été suspendu, et avec lui la libre circulation des personnes. Les contrôles aux frontières françaises ont été rétablis.
Huit ans plus tard, cet état d’exception est devenu la règle, avec des durcissements successifs de la militarisation de nos frontières. La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, promulguée en janvier dernier, y a directement contribué. Cette politique, en plus d’être coûteuse, inefficace et dangereuse, a ouvert la porte à des opérations qui sont source de questionnements.
La loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a étendu le périmètre des contrôles d’identité dans les zones frontalières.
Plusieurs associations d’assistance aux personnes migrantes, dont l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), ont signalé des incursions de la police française sur le territoire italien, notamment à la sortie du tunnel de Fréjus. Or cela pose de sérieuses questions de légalité et menace les droits des personnes migrantes prises en charge dans ces lieux hybrides.
En 2020, des brigades mixtes franco-italiennes de police aux frontières ont été mises en place et entérinées par le traité franco-italien, dit du Quirinal, du 26 novembre 2021. Cette expérimentation a pour objectif la surveillance conjointe des deux côtés de la frontière et la lutte contre les passeurs. Elle a également pour ambition de répondre à la difficulté juridique posée par l’intervention de la police française au-delà de ses frontières.
Face à ce constat, il paraît opportun, quatre ans après la décision d’expérimenter ces brigades, d’effectuer un premier bilan. Il est essentiel de mesurer l’efficacité du dispositif, mais surtout de s’assurer de sa sécurité juridique et de vérifier qu’il permet un meilleur respect des droits et de la dignité des personnes migrantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je vous remercie de cette proposition. Toutefois, comme elle vise à demander un rapport, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je ne reviendrai pas sur l’objet de cet amendement, qui a été présenté.
Selon M. le rapporteur, une demande de rapport entraîne automatiquement un avis défavorable de la commission. Je ne comprends pas cet argument.
Tout d’abord, ce n’est pas une règle absolue, comme je l’entends souvent. En réalité, de nombreuses demandes de rapport ont aussi été acceptées. Cela ne peut donc pas constituer un argument décisif en la matière.
Ensuite, le Sénat a vocation, me semble-t-il, à réaliser des rapports – il le fait souvent – lorsqu’il s’agit d’évaluer une expérimentation, ce qui en l’occurrence est exactement le cas.
En l’occurrence, ce rapport concernerait une expérimentation que le Sénat a toute légitimité à évaluer. Cette évaluation montrera peut-être que ladite expérimentation répond aux attentes…
À mon sens, la relation entre demande de rapport et avis défavorable de la commission n’est pas un argument recevable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 276.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 18
La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Au second alinéa de l’article L. 612-6, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
2° Au second alinéa des articles L. 612-7 et L. 612-8, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 198 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 324 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 456 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 198.
Mme Corinne Narassiguin. Nous proposons de supprimer cet article 18, qui porte à cinq ans la durée maximale de l’interdiction de retour sur le territoire français, alors qu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger.
Le cœur du problème est que, aujourd’hui, plus de la moitié des OQTF ne prévoient pas de délai de départ volontaire. En effet, la pratique administrative actuelle consiste à supprimer ce délai, dans tous les cas où il est légalement possible de le faire. (MM. Roger Karoutchi et Christian Cambon protestent.)
Le Conseil d’État nous a d’ailleurs adressé une mise en garde contre cette pratique, dont la conséquence est assez simple : plus de la moitié des OQTF, pour le seul motif qu’elles ne prévoient pas de délai de départ volontaire, pourront être accompagnées d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) allant jusqu’à cinq ans.
Cela paraît tout à fait disproportionné. Il serait inquiétant que la pratique qui régit les OQTF s’étende demain à celles qui prévalent aux interdictions de retour, à savoir l’alignement sur la norme la plus dure, et cela sans aucune raison valable.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 324 rectifié.
M. Guy Benarroche. Il s’agit également d’un amendement de suppression de l’article 18, lequel a pour objet d’allonger à cinq ans la durée de l’IRTF dont le préfet peut assortir une OQTF.
Introduite par la loi de mars 2011, l’IRTF a été considérablement durcie par les réformes successives. Ce pouvoir qu’exerce l’autorité administrative doit être concilié avec les droits conventionnels, notamment le droit au respect de la vie privée et familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant.
Or l’allongement de la durée de l’IRTF à cinq ans paraît tout à fait disproportionné et renforce la politique de bannissement correspondant à une politique du chiffre et au mépris, dans certains cas, des droits fondamentaux des personnes concernées.
Les conséquences des IRTF sont très importantes. Tout d’abord, elles s’appliquent non pas uniquement à la France, mais à tout l’espace Schengen, et la décision est signalée sur le système d’information Schengen (SIS). Ensuite, la date à partir de laquelle l’interdiction débute est non pas celle de la prise de décision, mais bien celle du jour où l’étranger quitte effectivement l’espace Schengen.
Compte tenu des conséquences graves et des ruptures dans les parcours de vie que peuvent entraîner les IRTF, notre groupe s’oppose à l’extension de leur délai.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 456.
M. Pascal Savoldelli. Cet article vise à interdire aux étrangers ayant fait l’objet d’une OQTF au cours des cinq dernières années d’obtenir un visa pour se rendre en France.
Premièrement, personne ici ne met en doute la qualité du travail de l’administration, qui décide de l’obtention du visa. Cela ne me semble pas nécessaire de l’inscrire dans le droit.
Deuxièmement, il faut faire preuve de sincérité. Je me suis aperçu que la droite n’avait pas déposé d’amendement, alors que cela aurait dû être le cas.
La durée de l’IRTF est étendue à cinq ans, sans prendre en compte une question, à mes yeux, importante : l’intérêt de l’enfant.
Avec cette disposition, on se dirige de manière rampante vers un bannissement total. À un moment donné, il faut se dire les choses, les yeux dans les yeux ! C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Monsieur Savoldelli, il faudrait peut-être faire attention à l’emploi des mots. Le bannissement était le fait d’écarter, sous la monarchie,…
M. Pascal Savoldelli. C’est bien, un peu d’histoire !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. … un Français du territoire national. Or nous évoquons ici la situation des étrangers ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Concrètement, il s’agit d’empêcher un étranger ayant fait l’objet d’une OQTF de demander un visa en vue de se rendre en France avant un certain délai. Le droit en vigueur prévoit un délai trois ans. Nous avons vérifié : nous ne voyons pas de difficulté d’ordre conventionnel ou constitutionnel à l’étendre à cinq ans.
Il semble logique, lorsque notre pays a dû prendre, dans les conditions délicates que chacun connaît, des mesures d’éloignement, de prévoir une certaine durée avant que les personnes concernées ne puissent formuler une demande de visa.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. La teneur des discours sur cet article 18, qui est assez simple, m’étonne.
Qu’essayons-nous de faire ? Nous tentons de lutter contre l’immigration irrégulière et de faire tout notre possible pour que les OQTF soient appliquées, alors qu’elles ont du mal à l’être. Beaucoup de raisons peuvent l’expliquer, comme nous l’avons déjà dit à propos des étrangers délinquants et de la levée des protections ; nous y reviendrons en discutant des dispositions ayant trait à la simplification des recours.
Lorsqu’une personne en situation irrégulière sur le territoire national a fait l’objet d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, qui a été appliqué, il est compliqué de lui dire qu’un visa lui sera accordé juste après… (M. Roger Karoutchi approuve.)
M. Pascal Savoldelli. Il y a déjà un délai de trois ans !
M. Gérald Darmanin, ministre. Certes, mais des possibilités de recours sont prévues, monsieur le sénateur.
L’idée est de ne pas récompenser l’irrégularité. (M. Roger Karoutchi opine.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Exactement !
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est ce que nous avons essayé de faire pour les entreprises, pour les passeurs, et en matière de logement ou de délinquance.
Le but est de donner toutes les chances de s’intégrer aux personnes qui jouent le jeu de la légalité, lesquelles peuvent solliciter un visa. Le groupe Les Républicains estime que nous en accordons trop : cela montre bien que nous n’avons rien contre l’immigration régulière !
Néanmoins, lorsqu’une personne veut entrer dans notre pays – je ne parle pas là des demandeurs d’asile –, la moindre des choses est qu’elle en demande l’autorisation et que nous la lui accordions. Lui répondre par la négative ou par l’affirmative relève de notre pouvoir souverain. La politique de visas peut être plus ou moins extensive, mais on ne saurait encourager l’irrégularité.
Monsieur Savoldelli, vos propos sont un peu excessifs, pour les raisons sémantiques invoquées par M. le rapporteur, et parce que la présente mesure est de bon droit.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le propos de notre collègue Savoldelli avait une vertu : souligner que la durée de cinq ans pendant laquelle la personne concernée ne pourrait se rendre sur notre territoire est tout de même très longue. Rappelons que nous parlons d’une infraction au séjour, soit un défaut de titre, et non pas d’une expulsion, d’un trouble à l’ordre public ou encore d’une infraction pénale !
Il s’agit de visas. Des personnes qui voudraient venir sur le territoire français pour rendre visite à leur famille ou suivre des études, par exemple, seraient donc également concernées. C’est là que réside la disproportion.
Les propos du ministre montrent qu’il existe un détournement de cette mesure : parce que vous n’arrivez pas à exécuter les OQTF, vous cherchez des méthodes secondaires afin que celles-ci soient appliquées de manière plus efficace. Cette disposition est détournée à cette fin !
Trois ans, c’est déjà une durée considérable. Cinq ans, c’est une autre histoire…
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Pour ce qui est du propos de notre excellent collègue Savoldelli, je précise que le bannissement était réservé aux ennemis du roi, donc par définition à des Français. Et il s’accompagnait, en général, de la confiscation des biens, voire de l’embastillement provisoire ou prolongé de leur famille. Donc, restons calmes…
Nous parlons en l’occurrence d’étrangers en situation irrégulière qui sont écartés du territoire national. Vous soutenez qu’il faudrait leur redonner un visa dans un délai très court. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Pascal Savoldelli protestent.)
Une durée de cinq ans, monsieur Savoldelli, c’est assez loin du bannissement à vie, lequel pouvait durer assez longtemps, selon l’âge de la personne bannie…
Lorsqu’une personne a été écartée du territoire national, après des procédures très longues et pour des raisons multiples, il est légitime de penser qu’elle ne respectera pas les règles afférentes au type de visa qui lui sera accordé. À mon sens, une durée de cinq ans est tout à fait normale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Finalement, en vous écoutant, monsieur le ministre Karoutchi, je me disais que ce texte du Gouvernement était très bien ! (Sourires. – Mme Laurence Rossignol proteste.)
M. Roger Karoutchi. N’exagérez pas ! Vous parlez du texte du Sénat ? (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 198, 324 rectifié et 456.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 488, présenté par MM. Omar Oili, Bitz, Patriat et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du chapitre II du titre I du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 312-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1-…. – Sans préjudice des conditions évoquées à l’article L. 311-2, les visas mentionnés aux articles L. 312-1 à L. 312-4 ne sont pas délivrés à l’étranger qui a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français depuis moins de cinq ans et n’apporte pas la preuve qu’il a quitté le territoire français dans le délai qui lui a été accordé au titre de l’article L. 612-1, ou le cas échéant dans les conditions prévues par l’article L. 612-2.
« Dans le cas où des circonstances humanitaires de même nature que celles prises en compte pour l’application des articles L. 612-6 et L. 612-7 sont constatées à l’issue d’un examen individuel de la situation de l’étranger, le premier alinéa n’est pas applicable. »
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le présent amendement vise à introduire un nouveau motif de refus de visa, lorsque l’étranger ne démontre pas avoir respecté les modalités d’exécution d’une OQTF prononcée depuis moins de cinq ans.
Comme cela a été précédemment rappelé, la commission des lois a réécrit l’article 18, ce qui a pour effet de se priver de dispositions initiales du projet de loi. Après avoir pris connaissance des raisons qui ont justifié sa démarche, je souhaite apporter quelques précisions.
Tout d’abord, si l’administration peut d’ores et déjà y procéder sans s’appuyer sur une base légale, la commission des lois a adopté la même démarche qu’à l’article 14 ayant trait au visa laissez-passer consulaire (LPC), en voulant inscrire dans la loi cette capacité juridique. Notre assemblée gagnerait à suivre le même raisonnement, par homothétie.
Ensuite, des craintes ont été exprimées quant à la complexité des procédures de preuve. Or il suffit, pour l’étranger concerné, de fournir ses titres de transport, ce qui est assez simple.
Enfin, pour préserver le pouvoir discrétionnaire du préfet ou, en l’occurrence, de l’administration consulaire, le présent amendement pourrait être rectifié ou sous-amendé, afin d’indiquer que les visas « peuvent ne pas être délivrés », plutôt que « ne sont pas délivrés ».
Je soumets au débat cette proposition, afin de connaître la position de la commission sur le sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Vous souhaitez, non sans ténacité, mon cher collègue, en revenir à la version du Gouvernement.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Qui n’était pas si bien !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. L’idée du Gouvernement était de mieux contrôler les infractions administratives à la législation sur l’entrée et le séjour des étrangers – en d’autres termes, les infractions administratives aux conditions de délivrance des visas – afin, bien sûr, de lutter contre l’immigration illégale. Sur ce point, nous sommes parfaitement d’accord.
Vous proposez d’introduire un nouveau motif de refus de visa, résultant de l’absence de démonstration par l’étranger qu’il s’est conformé aux conditions d’une OQTF prononcée depuis moins de cinq ans.
Le problème, d’ordre pratique, réside dans la notion de démonstration et concerne le recueil des preuves.
Les refus de délivrance d’un visa pouvant être soumis à l’appréciation du juge administratif, le Conseil d’État a indiqué que « la disposition envisagée ne manquerait pas de soulever des problèmes de preuve complexes et serait susceptible de générer un nouveau volet dans le contentieux des refus de visas ». Cette citation figure à la page 150 du rapport que nous avons rédigé.
N’ayant voulu ni compliquer le texte ni ajouter de source de contentieux supplémentaires, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je remercie le groupe RDPI et Jean-Baptiste Lemoyne de défendre le présent amendement, qui est cohérent avec l’article 18.
J’invite les sénateurs à continuer de durcir les conditions d’accès au visa pour les personnes ayant fait l’objet d’une OQTF. Nous leur demandons simplement de justifier qu’elles ont respecté cette obligation, ce qui me paraît assez normal.
Si nous voulons lutter contre l’immigration irrégulière, il faut appliquer une gradation. La personne en situation régulière qui demande un visa est la bienvenue. En revanche, il est normal de se montrer plus exigeant à l’encontre de celle, en situation irrégulière, qui a fait l’objet d’une OQTF, et encore plus dur envers la personne dont l’OQTF n’a pas été exécutée.
J’entends les nuances juridiques évoquées par la commission. Cependant, il me semble que le texte que nous examinons se situe dans un entre-deux, et que nous pourrions encore le modifier. Ainsi, monsieur Lemoyne, nous sommes prêts à sous-amender votre amendement.
À mon sens, cette disposition ne ferait pas naître de contentieux, monsieur le rapporteur, mais permettrait d’envoyer un message. Le président de la commission des lois dit souvent que le message est parfois plus important que la mesure. C’est tout à fait vrai !
Notre message est le suivant : si vous êtes en situation irrégulière sur le territoire national et ne respectez pas l’OQTF dont vous faites l’objet, vous ne disposez pas du même droit au visa que les autres personnes étrangères.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La commission des lois ne voulait pas dire cela !
M. Gérald Darmanin, ministre. J’invite la commission à changer d’avis, peut-être après avoir écouté la réponse de Jean-Baptiste Lemoyne. Sinon, j’invite le Sénat à voter cet amendement, qui rétablit le texte initial du Gouvernement dans sa dureté – je le souligne. S’il le faut, nous le modifierons lors de son examen à l’Assemblée nationale ou dans le cadre de la commission mixte paritaire.
Le Gouvernement émet donc un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur sur la difficulté, soulignée par le Conseil d’État, de recueillir les preuves. Or il me semble très simple de prouver que l’on a quitté le territoire, grâce à un billet d’avion ou de train, par exemple.
À mon sens, il est possible de conserver l’apport de la commission à l’article 18, tel que modifié, et la proposition intéressante d’instaurer un nouveau motif de refus de visa. On pourrait ainsi prévoir un refus non pas systématique, mais possible. Cette modification pourrait intervenir en séance, ou ultérieurement.
J’invite notre assemblée à ne pas mollir sur ce sujet important. Encore une fois, nous avons adopté la même démarche sur des articles précédents, afin de donner une base légale et une assise à des pratiques de l’administration.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je suis absolument désolé pour M. le rapporteur, dont j’approuve régulièrement les avis, mais sur cet amendement nous ne suivrons pas la commission. Comme l’ont souligné Jean-Baptiste Lemoyne et le ministre, nous devons veiller à la cohérence de l’ensemble.
Par conséquent, nous voterons cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 18.
TITRE IV
ENGAGER UNE RÉFORME STRUCTURELLE DU SYSTÈME DE L’ASILE
Avant l’article 19
M. le président. L’amendement n° 410 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Avant l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 531-24 est abrogé ;
2° L’article L. 531-25 est abrogé.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement, déposé sur l’initiative de Mélanie Vogel, a trait à la liste des pays d’origine sûrs.
Dans un contexte où les moyens alloués à l’examen des demandes d’asile sont insuffisants, il a été créé, parallèlement à la procédure ordinaire d’examen de la demande, une procédure accélérée, issue de la volonté de prendre des décisions plus rapidement.
Le classement en procédure accélérée a des inconvénients majeurs pour le demandeur.
Premièrement, du fait de cette volonté d’aller plus vite, sa demande n’est pas examinée avec toute l’attention qu’elle mérite.
Deuxièmement, il lui est plus difficile de déposer un recours contre une décision de rejet : la protection n’est plus accordée en cas de recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et cette dernière statuera alors généralement à juge unique, ce qui, là encore, ne permet pas un examen très poussé du recours au travers d’une confrontation des différentes perspectives.
Force est de constater que ce classement intervient souvent du seul fait que la personne est originaire d’un pays inscrit sur cette fameuse liste des pays d’origine sûrs.
C’est là tout le paradoxe : alors que l’asile est accordé pour des situations individuelles, ce qui nécessite un examen au cas par cas, cette liste des pays d’origine considérés comme sûrs est, par nature, généraliste.
Un exemple qui pose problème est celui de la Géorgie. Ce pays est considéré, selon la liste, comme un pays d’origine sûr. Pourtant, des personnes LGBT+ y sont poursuivies. En 2021, la Marche des fiertés à Tbilissi a ainsi dû être annulée en raison des violences commises sur ces personnes. La Géorgie est donc, pour elles, tout le contraire d’un pays sûr… Il en est de même, par exemple, pour la Colombie.
Il n’existe qu’une seule option : supprimer cette liste des pays d’origine sûrs. Sept pays membres de l’Union européenne ne disposent d’ailleurs pas d’une telle liste ; nous pourrions donc aussi faire sans. Notre pays était l’un des premiers États européens à la mettre en place, il pourrait être le premier à la supprimer…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La procédure accélérée s’applique aux pays d’origine sûrs.
Il existe une liste qui ne reflète pas toujours la réalité – on le sait –, mais une procédure dérogatoire permet à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), en cas de circonstances particulières, d’entourer cette procédure de garanties spécifiques. En l’état, l’étude de chaque dossier à la hauteur requise me semble assurée.
La commission demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, je saisis cette occasion pour évoquer un des amendements que j’avais déposés, qui n’a malheureusement pas échappé au couperet de l’article 40 de la Constitution. Il avait pour objet la protection subsidiaire.
Aux termes de la convention de Genève, seuls sont pris en compte à ce titre les menaces, risques ou sévices qui se sont produits dans le pays d’origine. Or bon nombre de femmes subissent des violences sexuelles sur le parcours de l’asile. Tout le monde connaît, en particulier, l’étude que le PHM (People’s Health Movement) a consacrée à ce sujet. On sait combien le parcours de migration est périlleux pour les femmes. Je pense en particulier au risque de viol.
En l’état actuel du droit, ces personnes ne peuvent pas bénéficier de la protection subsidiaire : le critère de survenance dans le pays d’origine est appliqué de façon stricte.
En vue de l’examen du présent texte à l’Assemblée nationale, pourriez-vous étudier la possibilité d’étendre cette protection aux personnes ayant subi des violences sexuelles sur leur parcours migratoire ?
On pourra évidemment m’objecter la difficulté de s’assurer de la véracité de tels faits.
Il se trouve que chaque demandeur d’asile est soumis, par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), à un examen médical à la fois physique, physiologique et psychologique. On pourrait établir dans ce cadre que la personne a bien subi des violences sexuelles et qu’elle doit bénéficier, à ce titre, de la protection subsidiaire.
N’ayant pu soumettre ces dispositions à notre assemblée, je les présente directement au Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Rossignol, je m’engage évidemment à examiner cette question, qui ne m’a d’ailleurs pas échappé.
Les femmes et les enfants subissent des violences particulièrement fortes au fil du parcours qui les conduit en Europe. Les pays qu’ils traversent ne respectent pas toujours leurs droits. Les passeurs, voire d’autres migrants, peuvent également se livrer à de telles violences. (Mme Laurence Rossignol le confirme.)
À cet égard – je le souligne, bien qu’une telle question ne relève pas de notre débat –, la convention de Genève mérite sans doute d’être révisée et enrichie. Elle doit prendre en compte ces situations et d’autres encore, comme celle des réfugiés climatiques : à l’heure actuelle, il n’existe pas en droit d’asile climatique.
Sans doute ce travail appellera-t-il, dans quelques années, une réflexion internationale. À mon sens, il serait bon que la France se penche sur ces questions, pourquoi pas par le truchement de ses assemblées parlementaires : elles ont certainement une plus grande liberté de ton que les services de l’État, notamment ceux du ministère de l’intérieur.
Aujourd’hui, il existe 20 millions à 24 millions de réfugiés climatiques dans le monde. Chaque jour, on en dénombre 60 000 de plus. Le mouvement va encore s’accélérer du fait du réchauffement climatique, mais pour l’heure nous ne pouvons pas donner à ces réfugiés l’asile climatique dont tout le monde parle.
La convention de Genève est évidemment remarquable, mais, comme tout texte normatif, elle est parfaitement amendable. Un certain nombre de réalités ont changé depuis son adoption.
Mme Laurence Rossignol. Elle est datée !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez raison : les réfugiés de 1949, qui fuyaient des régimes politiques bien particuliers, ne sont pas ceux d’aujourd’hui.
C’est une question que la commission des affaires étrangères du Sénat pourrait étudier avec profit.
M. le président. L’amendement n° 555 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Avant l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre IV du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Selon la Cour de cassation elle-même, les zones d’attente sont des fictions juridiques. Elles ont été inventées par un ministre de l’intérieur quelque peu aux abois face à l’immigration clandestine et à l’immigration en général.
J’ai visité la zone d’attente d’Hyères, dans le Var : je l’ai vue de près. Elle ressemble à une colonie de vacances, à cela près que tous les enfants disparaissent en quelques jours…
Ils jouent au foot ou au basket ; on leur achète des chaussures neuves. Ceux que j’ai vus n’étaient pas au bord du gouffre, comme on a voulu me le faire croire. Ils étaient plutôt au bord de l’eau ! Et, le lendemain matin, c’était la grande évasion, Steve McQueen en moins… Tout le monde s’était évaporé !
Ces zones d’attente sont un scandale sécuritaire et migratoire. Les enfants dont il s’agit sont à peine contrôlés quand ils arrivent. Ils ont ruiné le centre de vacances où ils ont séjourné.
Pérenniser ce dispositif, c’est envoyer un signal terrible et tonitruant aux passeurs comme aux taxis de mer des ONG. C’est surtout provoquer un gigantesque appel d’air pour les candidats au départ. Ces derniers sauront, en prenant la mer, qu’ils seront accueillis chez nous, qu’ils pourront se balader où bon leur semble en France et même en Europe, grâce à Schengen. Ces zones d’attente, c’est le Black Friday permanent de l’immigration !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur Ravier, les zones d’attente sont effectivement des fictions juridiques, mais des fictions empêchant l’entrée sur notre territoire sans vérification des droits. Je ne suis pas donc sûre que leur suppression vous permette d’atteindre votre but.
Quoi qu’il en soit, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 555 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 556 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Avant l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° de l’article L. 531-27 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « quatre-vingt-dix » sont remplacés par le mot : « vingt ».
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 556 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 19
I. – À titre expérimental et pour une durée de quatre ans suivant la promulgation de la présente loi, il est créé, dans au moins dix départements désignés par arrêté du ministre chargé de l’asile, dont au moins un situé en outre-mer, des pôles territoriaux « France asile » permettant :
1° L’enregistrement de la demande d’asile par l’autorité compétente, conformément au chapitre Ier du titre II du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
2° L’octroi des conditions matérielles d’accueil du demandeur d’asile prévues au titre V du même livre V, ainsi que l’évaluation de sa vulnérabilité et de ses besoins particuliers par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, conformément aux articles L. 522-1 à L. 522-5 du même code ;
3° L’introduction de la demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, dans les conditions prévues à l’article L. 531-2 dudit code sans préjudice de l’indépendance de ses agents garantie par l’article L. 121-7 du même code.
Le demandeur d’asile peut compléter sa demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides de tout élément ou pièce utile jusqu’à l’entretien personnel mentionné à l’article L. 531-12 du même code, qui ne peut intervenir avant un délai de vingt et un jours à compter de l’introduction de la demande d’asile ;
4° L’entretien personnel prévu aux articles L. 531-12 à L. 531-21 du même code, lorsque cet entretien est mené dans le cadre d’une mission déconcentrée prévue à l’article L. 121-11 du même code.
Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.
II. – Le premier alinéa de l’article L. 521-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Après l’enregistrement de sa demande, l’étranger est informé, dans les meilleurs délais, des langues dans lesquelles il peut être entendu lors de l’entretien personnel prévu à l’article L. 531-12. »
M. le président. L’amendement n° 457, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. Cet article crée des pôles territoriaux « France asile ». Or une telle territorialisation pose un certain nombre de questions, dont celle de l’indépendance de l’Ofpra à l’égard des préfectures.
La mission d’instruction de l’Ofpra impose que ses agents soient séparés des autres acteurs du droit au séjour pour faire la preuve concrète de la réalité de l’indépendance de l’établissement. Or, selon les termes de l’article 19, ils devront travailler dans les mêmes locaux. Cette décentralisation pourrait constituer, à nos yeux, la première étape d’une fusion des services en une agence française de l’asile.
À terme, une telle instance pourrait mettre en cause l’autonomie de l’Ofpra. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. M. le ministre nous apportera sans doute de plus amples explications au sujet de la nouveauté introduite par cet article, à savoir les pôles territoriaux « France asile ».
Aujourd’hui, les demandeurs d’asile doivent enregistrer leur demande auprès de la préfecture, obtenir des moyens auprès de l’Ofii – la France fournit bel et bien des moyens aux demandeurs d’asile ! – et, enfin, introduire leur demande d’asile auprès de l’Ofpra.
L’Ofii et la préfecture sont désormais réunis dans des guichets uniques de demande d’asile (Guda) et, conformément à la démarche « France asile », l’Ofpra est censé introduire la demande d’asile.
Vous constatez comme moi que nous sommes face à un formidable exemple de la complexité administrative française. (M. Laurent Somon sourit.) Mais la réforme dont il est ici question permet de réduire cette complexité en réunissant les trois acteurs concernés en un même lieu.
Un certain nombre de problèmes se sont fait jour lors de nos auditions, mais la commission s’est montrée favorable à cette expérimentation. L’efficacité du dispositif est probable et nous pourrons ainsi l’évaluer.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, cet important article 19 vise effectivement à gagner du temps dans le traitement de la demande d’asile.
Aujourd’hui, les travaux menés à ce titre par les préfectures sont concentrés dans quelques pôles, dont celui de Fontenay-sous-Bois. Or nous voulons privilégier la logique dite « de l’aller vers » : partout où il y a des Guda, il faut réunir les agents de l’Ofii et ceux des préfectures.
En déployant de nouveaux moyens, la loi du 10 septembre 2018, dite loi Collomb, a déjà permis de réduire les délais de l’Ofpra d’un an à cinq mois. Mais, il faut le reconnaître, un certain nombre de difficultés perdurent et les demandes d’asile continuent d’augmenter. Nous pensons pouvoir gagner encore un mois et faire face à cette augmentation grâce à la déconcentration du traitement des demandes d’asile.
Tout en jugeant cette réforme intéressante, le Conseil d’État a estimé qu’elle était de nature réglementaire. Sur ce point, nous n’avons pas suivi son avis : peut-être est-il d’ailleurs un peu juge et partie quant à l’organisation de l’asile.
À nos yeux, c’est au législateur de se prononcer : doit-on, oui ou non, opter pour cette déconcentration reposant sur les Guda ?
Cet article assure au demandeur d’asile un accès plus rapide, plus efficace, plus humain et plus proche.
Aujourd’hui, le dossier est déposé en préfecture avant de partir en région parisienne. L’effort de déconcentration est évidemment très positif pour le demandeur d’asile. Il est également très positif pour les préfectures, qui se sentiront responsabilisées, comme pour les agents de l’Ofii dans les territoires.
Comme bon nombre d’entre vous, je suis un élu de province : nous savons bien que toutes les décisions ne doivent pas remonter à Paris ou en Île-de-France. Il faut faire confiance à l’intelligence des agents de préfecture dans l’ensemble de notre pays, d’autant que cela permettra de gagner du temps.
J’insiste sur l’importance de cet article : il est gage de simplification et d’accélération du traitement des demandes d’asile. En parallèle, d’autres dispositions peuvent être modifiées, car cet article mérite évidemment d’être travaillé. J’indique ainsi, dès à présent, que le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 641, présenté par la commission.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, avec ces dispositions prétendument simplificatrices, on gagne grosso modo vingt et un jours,…
M. Guy Benarroche. … mais c’est au détriment de la demande d’asile elle-même.
Les agents de l’Ofpra comme les membres des associations nous le certifient tous : il est bon de gagner du temps, à condition toutefois que le demandeur d’asile soit en mesure de préparer convenablement, avec ceux qui l’assistent, le dossier regroupant ce qu’on appelle son chemin de vie, ses éléments de vie. Il doit avoir le temps, non seulement de le construire, mais aussi de le présenter en français, ce qui ne relève pas de l’évidence.
Votre travail de « simplification » aboutit à sacrifier toutes ces exigences, à sacrifier la possibilité de déposer des demandes d’asile de qualité. Ainsi, comme très souvent, en voulant à tout prix gagner du temps, on aboutit à une détérioration de la qualité des décisions rendues par l’Ofpra. (M. Roger Karoutchi manifeste son désaccord.)
Les représentants de l’Ofpra nous l’ont dit eux-mêmes, lors d’une audition organisée par la commission des lois : l’office ne dispose pas aujourd’hui du personnel suffisant pour mener à bien cette déconcentration…
M. Roger Karoutchi. Ça, c’est autre chose !
M. Guy Benarroche. Les effectifs n’ont pas été prévus. Or c’est tout de même un point essentiel si l’expérimentation doit être engagée de manière immédiate.
Cette situation n’est pas sans rappeler celle des cours criminelles départementales – mais, M. le garde des sceaux n’étant pas là, nous n’aborderons pas ce dossier-là aujourd’hui.
M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure.
M. Guy Benarroche. Faute d’un délai initial assez long, les dossiers ne pourront pas être préparés convenablement et, en définitive,…
M. le président. Veuillez conclure !
M. Guy Benarroche. … on risque fort de ne pas gagner de temps du tout.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Pour ma part, je soutiens totalement l’article 19. Cet article répond à une vieille demande de l’Ofii, qui appelle depuis longtemps à déconcentrer et rationaliser les procédures.
M. Roger Karoutchi. Je préfère d’ailleurs parler de rationalisation plutôt que de simplification.
Monsieur Benarroche, que les préfectures travaillent réellement en symbiose avec l’Ofii et l’Ofpra, c’est beaucoup mieux pour tout le monde, y compris pour le demandeur d’asile.
M. Roger Karoutchi. Ce qui est réduit, ce n’est pas le temps prévu pour la constitution du dossier, mais le délai d’instruction et de décision. D’ailleurs, après la décision de l’Ofpra, le demandeur d’asile peut très bien aller devant la CNDA.
Il ne s’agit donc pas de réduire les droits du demandeur d’asile, mais de rationaliser l’action conjointe des préfectures, qui font très bien leur travail, de l’Ofii, qui fait très bien le sien, et de l’Ofpra.
Il faut en effet des moyens supplémentaires ; je vous l’accorde volontiers. Il y a quelques années, nous avons agi en ce sens en augmentant les moyens humains et matériels de l’Ofpra et de la CNDA, précisément pour raccourcir les délais de décision. Il faut continuer à œuvrer en ce sens. Mais tout le monde gagnera à la déconcentration prévue à l’article 19.
Tant que la décision n’est pas prise, le demandeur d’asile est placé dans une situation pour le moins inconfortable. Si sa demande est sincère, il a intérêt à savoir le plus vite possible s’il obtiendra ou non le statut de réfugié.
Cette rationalisation est bonne pour la cohérence de l’étude du dossier, bonne pour le demandeur d’asile « honnête » et bonne pour l’ensemble du pays. Il faut que l’on sache rapidement si le demandeur d’asile a bel et bien droit au statut de réfugié : c’est, in fine, dans l’intérêt de tout le monde.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Bien sûr, ce débat n’est pas d’ordre purement sémantique, mais la distinction entre simplification et rationalisation ne manque pas d’intérêt.
Monsieur Karoutchi, corrigez-moi si je me trompe : quand on veut rationaliser, on définit un objectif et l’on se donne les moyens de l’atteindre. Simplifier ne signifie pas tout à fait la même chose…
Nous défendons cet amendement dans un esprit de responsabilité. Monsieur le ministre, Ian Brossat vous a posé une question et nous attendons encore votre réponse : va-t-on déployer des moyens d’envergure en faveur de l’interprétariat ?
Pour les demandeurs d’asile, qui viennent formuler leur récit en s’appuyant sur un certain nombre de documents, l’appui d’un interprète est indispensable.
M. Pascal Savoldelli. Quant à la réduction des délais, elle constitue un véritable problème : à force de simplifier, on va réduire les possibilités de recours.
Nous le savons tous, les récits des demandeurs d’asile sont très différents les uns des autres. Ces hommes et ces femmes ont parfois subi des traumatismes extrêmement lourds. Certains d’entre eux ont été persécutés, ni plus ni moins : il faut préserver le temps nécessaire pour examiner leur dossier. Or un mois, ce n’est pas trois mois.
Certains migrants ont risqué leur peau en traversant la Méditerranée. De jeunes femmes, des enfants demandent l’asile en France après avoir été violés dans leurs pays. Je ne citerai pas tous les cas de figure, mais la simple évocation de ces traumatismes fait froid dans le dos.
Il faut considérer les demandeurs d’asile comme des individus à part entière, dans un esprit d’humanité…
M. le président. Veuillez conclure !
M. Pascal Savoldelli. … et de responsabilité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Savoldelli, je comprends tout à fait le sens de votre intervention.
Vous insistez à juste titre sur l’interprétariat. Il n’est pas question d’avoir recours aux Guda déconcentrés si ceux-ci ne sont pas en mesure d’assurer la traduction pour une personne locutrice de telle ou telle langue, que ce soit à Lille, à Marseille, à Rennes ou à Bordeaux ; il y va de l’égal accès au service public. Ce travail d’interprétation peut être mené partout en France : c’est déjà le cas pour les auditions qu’effectuent les policiers et les gendarmes. Il y a évidemment des interprètes qui exercent en province, même pour certaines langues de l’Afghanistan. Mais, si nécessaire – c’est ce que permet le présent texte et c’est ce que précisera son appareil réglementaire –, la traduction de telle ou telle langue rare sera assurée en Île-de-France.
De plus – madame la rapporteure l’a dit in petto –, le délai préalable à l’entretien est inchangé. Je le souligne pour la clarté de nos débats, notamment à l’intention du Conseil constitutionnel.
Vous avez parfaitement raison de souligner la grande diversité des récits…
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Bien sûr !
M. Gérald Darmanin, ministre. Certains sont extrêmement violents et il faut parfois du temps pour les construire. Mais ce délai n’est pas contracté. Il n’est pas rationalisé. C’est le temps du back office qui l’est.
On peut qualifier ce gain de temps de simplification ou de rationalisation. Je constate pour ma part, sans ouvrir le dossier de la réforme de l’État, que le travail des agents s’en trouvera simplifié.
Qu’il s’agisse de l’interprétariat ou de l’entretien, nous ne touchons à rien. Sur ces deux points essentiels, l’accès au droit sera inchangé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois même que cet article mériterait de faire l’unanimité dans cet hémicycle : il assure une amélioration du service public, dans une logique d’« aller vers ». C’est tout de même plus simple d’être entendu dans sa région que d’adresser un dossier à Paris. J’observe, au passage, que l’administration sait se réformer.
Je confirme évidemment mon avis défavorable sur cet amendement de suppression. Je comprends les questions posées par les élus du groupe communiste, mais les précisions apportées par Mme la rapporteure et moi-même sont de nature à les rassurer.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, vous prétendez que le back office verra ses délais raccourcis et que le temps de l’entretien sera, lui, préservé. C’est là une pure vue de l’esprit ! La réalité sera tout autre.
Vous supprimez le délai de vingt et un jours entre le dépôt de la demande d’asile en préfecture et la transmission du dossier à l’Ofpra. Or ce délai sert aussi à construire le récit dont M. Savoldelli a parlé.
Que vous le vouliez ou non, entre le moment où le demandeur d’asile remet sa demande et celui où il va présenter son récit, vous enlevez vingt et un jours, alors même qu’un tel délai est indispensable. En tant que tel, le récit des demandeurs d’asile n’est pas facile à construire ; avant de le présenter, il faut également le mettre en mots.
Les fonctionnaires que nous avons auditionnés nous l’ont dit eux-mêmes : pour statuer, ils ont besoin du récit le plus précis possible, le plus proche de la réalité. C’est sur cette base qu’ils pourront se prononcer.
Je le répète, sous couvert de rationalisation, vous supprimez vingt et un jours.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ce n’est pas vrai !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la rapporteur, nous savons bien que ce n’est pas vrai ! Mais passons…
Monsieur Benarroche, je vous précise que 150 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires sont prévus pour les Guda au sein du projet de loi de finances pour 2024.
Évidemment, cette réforme ne sera pas menée à effectifs constants dans les préfectures. Nous prévoyons de renforcer les services concernés, notamment dans les grandes régions, là où il y a des Guda.
M. le président. L’amendement n° 641, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le délai prévu à la première phrase du premier alinéa du même article L. 531-2 ne s’applique pas.
II. – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, hormis les cas où l’Office statue dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 531-24, L. 531-26 et L. 531-27 du même code
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mes chers collègues, ces dispositions méritent quelques explications, car – j’en suis bien consciente – les procédures dont il s’agit ne sont pas simples.
Je vous rappelle que le demandeur se présente au Guda de la préfecture et qu’il y fait enregistrer sa demande – on vérifie notamment qu’il n’a pas déposé de demande similaire dans un autre pays, conformément au règlement de Dublin. Il bénéficie des moyens que l’État lui accorde via l’Ofii. Désormais – c’est la nouveauté dont nous débattons –, en même temps et dans les mêmes lieux, il introduira sa demande d’asile auprès d’un agent de l’Ofpra.
Les représentants de l’Ofpra ont beaucoup insisté devant nous sur l’avantage que présente cet article ; cet office – on l’oublie parfois – a également pour rôle d’établir l’état civil des demandeurs d’asile. Or il s’agit d’un travail assez complexe. L’Ofpra accuse d’ailleurs un certain retard en la matière ; il ne s’en cache pas et s’efforce actuellement de réduire ces délais. Monsieur le ministre, j’ai cru comprendre que plusieurs ETP supplémentaires seraient consacrés à cette mission.
L’intérêt de l’Ofpra, c’est aussi de disposer des informations les plus précises possible le jour de l’entretien, en particulier pour cette tâche d’état civil, qui s’en trouve facilitée et les délais réduits en conséquence.
M. Bonnecarrère et moi-même avons été assez sensibles à cet enjeu : les éléments d’état civil doivent être fournis lors du dépôt de la demande.
Les éléments de l’entretien seront-ils également communiqués ce jour-là ? Bien sûr, un certain nombre de questions seront posées, mais elles ne constitueront pas le récit sur lequel les demandeurs d’asile vont fonder leur demande. Ce récit sera développé par écrit, puis au cours d’un entretien qui aura lieu dans les locaux de l’Ofpra.
Il s’agit là d’un ajout décidé par la commission – nous avons en effet tenu compte d’un certain nombre de remarques formulées lors de nos auditions…
M. le président. Il faudrait s’acheminer vers votre conclusion, madame le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur le ministre, j’observe d’ailleurs que vous ne remettez pas en cause cet apport de la commission.
Nous avons conservé un délai de vingt et un jours entre le moment où le demandeur d’asile introduit sa demande dans le nouveau pôle « France asile » et celui où il est entendu par l’Ofpra pour développer son récit.
M. le président. Merci, madame le rapporteur !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur le président, le rapporteur a droit à une petite minute de plus…
M. le président. Ce n’est pas dans le règlement…
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je viens de le décréter ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 326 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 5, au début
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le demandeur est informé que l’ensemble des démarches prévues par le présent 3° n’a pas à être effectué dès l’enregistrement de la demande d’asile, et qu’il peut contacter une association pour l’aider et l’accompagner dans ce processus.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le délai entre la demande d’asile et l’entretien avec un officier de protection de l’Ofpra est bel et bien crucial pour le demandeur. C’est au cours de cette période qu’il peut préparer sa demande. L’Ofpra lui-même souligne que cet entretien doit se fonder sur les éléments les plus nombreux et les plus précis possible.
Or les associations qui accompagnent les demandeurs d’asile dans la constitution de leurs dossiers craignent, à juste titre, que le désir d’accélération de l’enregistrement ne se révèle tout à fait délétère. Contrairement à ce qu’avance M. le ministre, cette accélération risque fort de ne pas se faire à l’avantage des demandeurs d’asile ; à vrai dire, après leur parcours de migration, vingt et un jours de plus ou de moins importent peu : le véritable enjeu, c’est bien sûr le traitement de leur demande d’asile.
Bien accompagnées et mieux préparées, ces personnes ont de plus grandes chances d’obtenir l’asile qui leur est dû, tout simplement parce qu’elles peuvent s’expliquer plus clairement et mieux développer les raisons justifiant leur demande.
J’y insiste : réunir en un même lieu et faire déposer en même temps les demandes soumises à la préfecture et à l’Ofpra, c’est en définitive infliger une perte de chance qu’aucun gain de temps pour nos administrations ne saurait justifier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur le président, la commission émet un avis défavorable, pour des raisons très largement développées grâce au temps de parole supplémentaire que vous avez bien voulu m’accorder. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 600, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Après le mot :
mené
insérer les mots :
par un moyen de communication audiovisuelle dans les conditions prévues à l’article L. 531-21 ou
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article L. 531-21 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 531-21. – Les modalités d’organisation de l’entretien sont définies par le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.
« Les modalités de transcription de l’entretien personnel, les cas dans lesquels il fait l’objet d’un enregistrement sonore ou est suivi d’un recueil de commentaires, ainsi que les conditions dans lesquelles il peut se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle pour des raisons tenant à l’éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur, ou dans les cas prévus aux 1° et 2° de l’article L. 531-32 sont fixés par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est à la suite du terrible attentat d’Annecy, perpétré contre des enfants, même contre des bébés, que ces dispositions ont été conçues.
L’auteur des faits était un demandeur d’asile qui avait déjà obtenu l’asile dans un autre pays de l’Union européenne.
Il s’agit là d’un cas de figure assez improbable – cette seconde demande d’asile n’est pas nécessaire – et d’un abus sans doute peu fréquent. Mais, à l’évidence, nous sommes face à une faille de notre droit, que l’attentat d’Annecy a mise au jour.
Nos engagements européens et internationaux nous interdisent de refuser l’asile à quelqu’un au motif qu’il l’a déjà obtenu dans un autre État d’Europe : en effet, l’asile n’est pas défini exactement dans les mêmes termes dans l’ensemble de l’Union européenne.
Cela étant, nous pouvons examiner de tels dossiers selon une procédure très accélérée. Les dispositions de cet amendement nous permettraient de le faire en visioconférence. Nous gagnerions ainsi énormément de temps.
Évidemment, la personne sera entendue. Si un doute subsiste – cette hypothèse ne nous paraît pas évidente –, s’il apparaît, par exemple, qu’elle serait mieux protégée en France qu’en Suède, l’Ofpra fera son travail.
Quoi qu’il en soit, nous devons réduire les délais de cette procédure. Celui qui a obtenu l’asile dans un autre pays européen et vient demander l’asile en France ne peut pas être renvoyé en vertu des accords de Dublin, la demande d’asile étant de nature suspensive. À l’heure actuelle, il faut cinq mois pour la traiter, au terme desquels son auteur peut encore saisir la CNDA. Une telle situation est proprement incompréhensible. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Ces dispositions, respectueuses du droit d’asile, me semblent frappées au coin du bon sens. Je le répète, il s’agit d’examiner de manière accélérée la demande d’asile formulée par une personne disposant déjà du statut de réfugié dans un autre pays européen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Un tel dispositif sort très largement du champ de l’expérimentation consentie : la commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je m’étonne de cet avis défavorable : il s’agit là d’un enjeu important et d’un abus de droit assez classique.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Madame le rapporteur, je vous prie de bien vouloir développer votre argumentaire : pour délibérer dans de bonnes conditions, nous devons disposer d’un éclairage complet. En ce sens, nous devons comprendre l’avis défavorable émis par la commission.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il existe déjà des cas dans lesquels la visioconférence est permise, notamment pour remédier à un trop grand éloignement : c’est surtout le cas pour les demandeurs d’asile outre-mer, que l’on ne va pas faire venir à l’Ofpra en métropole.
Hormis ces cas particuliers, la position de la commission est constante sur ce sujet : l’entretien d’un demandeur d’asile avec un officier de protection de l’Ofpra est un moment particulier, qui revêt une certaine délicatesse. C’est pourquoi il est nécessaire de maintenir un entretien en tête-à-tête plutôt que de systématiser le recours à la visioconférence, d’autant que les conditions techniques qui ont été décrites sont loin d’être satisfaisantes. Nous avons tous eu recours à la visioconférence, mes chers collègues, nous connaissons les qualités de cette technologie, mais aussi ses défauts.
Par son avis défavorable sur cet amendement, la commission a donc choisi de maintenir sa position constante sur la protection que représente l’entretien en tête-à-tête.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. D’abord, le dispositif proposé est conforme à la directive européenne du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, dite directive Accueil.
Ensuite, la visioconférence ne concernera que les personnes qui, ayant déjà obtenu l’asile dans un pays de l’Union européenne, déposeraient une nouvelle demande d’asile en France. Il ne s’agit pas d’étendre la visioconférence à l’ensemble des demandes d’asile.
M. Bruno Retailleau. On a compris, le message est passé !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Décidément, la matinée est exceptionnelle : voilà deux fois que je suis en désaccord avec l’avis de la commission.
Je le dis régulièrement à mes interlocuteurs de l’Ofii et de l’Ofpra, je suis un très ferme défenseur de l’entretien individuel et de sa qualité quand il est question d’une première demande d’asile.
Néanmoins, dans ce cas précis, on parle de gens qui ont déjà obtenu le droit d’asile dans un autre pays de l’Union européenne ; nous ne pouvons pas démultiplier les procédures.
Il me semble que, dans le dispositif proposé par le Gouvernement, les garanties sont maintenues. L’entretien par visioconférence peut être parfaitement légitime. S’il y a doute, l’Ofpra décidera qu’un entretien physique individuel s’impose.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Pourquoi pas ?
M. Roger Karoutchi. Quoi qu’il en soit, essayons de simplifier la procédure quand il s’agit de quelqu’un qui a déjà obtenu le droit d’asile dans un autre pays de l’Union européenne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Il s’agit bel et bien d’une journée exceptionnelle, monsieur Karoutchi, puisque, pour une fois c’est moi qui suis d’accord avec Mme la rapporteure ! (Sourires.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Incroyable !
M. Guy Benarroche. Je siège à la commission des lois, je vois la qualité du travail effectué.
En l’occurrence, je ne puis que partager l’avis de Mme la rapporteure sur la question de la visioconférence.
Monsieur Karoutchi, je ne sais pas si vous avez déjà assisté à des entretiens par visioconférence ; peut-être ne se pratiquaient-ils pas encore à l’époque où vous y étiez à l’Ofpra…
M. Roger Karoutchi. J’y suis encore !
M. Guy Benarroche. J’ignore depuis quand cette technologie y est employée. Pour ma part, j’ai pu assister à bien des tentatives d’entretiens par visioconférence. Toutes n’étaient pas fructueuses ; quelquefois, des incidents techniques dans les tribunaux administratifs, à l’Ofpra ou à la CNDA ont empêché leur tenue. Dans de nombreux autres cas, les traducteurs étaient non pas aux côtés des demandeurs d’asile, mais au bout d’une autre ligne téléphonique ; la qualité de la retranscription des propos était si mauvaise que l’entretien s’avérait impossible !
Cet entretien est un moment suffisamment important de la demande d’asile, suffisamment crucial pour l’exercice effectif du droit d’asile, me semble-t-il, pour que l’on évite d’utiliser un outil aussi peu fiable.
Par ailleurs, je veux apporter une précision. Aux termes de cet amendement, on pourrait avoir recours à la visioconférence non pas uniquement dans le cas que vous nous avez exposé, à savoir celui d’un demandeur auquel l’asile a déjà été accordé dans un autre pays, mais encore dans deux autres cas. Je pense notamment à celui qui est prévu au 3° de l’article L. 531-32 du Ceseda : « En cas de demande de réexamen lorsque, à l’issue d’un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l’article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article. »
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je suis également membre de la commission des lois et j’ai, de manière générale, un profond respect pour les avis de nos rapporteurs, mais je ne comprends pas cet avis-ci.
Nous sommes unanimes pour dire que tout est compliqué, notamment dans les relations entre les pays ; or, par cet amendement, il nous est proposé de simplifier les choses.
Par souci d’efficacité et de simplification, je voterai donc cet amendement, des deux mains !
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mmes Girardin et Pantel et M. Masset, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au sein de ces pôles territoriaux un référent “Vulnérabilités” est désigné. Cet agent est chargé de coordonner la formation de l’ensemble des membres du pôle et de mettre en place des outils destinés à garantir un accueil adapté au public fragilisé, notamment en raison de leur origine, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur âge. Ce public est repéré dans le cadre d’un plan Vulnérabilité.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. L’article 19 du projet de loi a pour objet la création de pôles territoriaux « France asile », dont la finalité est d’offrir aux demandeurs d’asile un parcours administratif simplifié entre les différentes administrations compétentes, telles que les préfectures, l’Ofii et l’Ofpra.
Nous sommes, bien sûr, favorables à ce dispositif. Simplement, par cet amendement, nous proposons que soit désigné, au sein de ces futures structures, un référent « vulnérabilités », afin de pouvoir tenir compte des publics particulièrement fragiles. En effet, il paraît nécessaire de prévoir une prise en charge adaptée des migrants et notamment de ceux qui sont susceptibles de subir des discriminations dans leur parcours d’intégration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’Ofpra accueille en permanence des publics particulièrement fragiles ; ses agents sont donc précisément formés à ces particularités.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 199, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lors de l’enregistrement de sa demande d’asile, l’étranger est informé des langues dans lesquelles il peut être entendu à compter de l’entretien personnel mené par l’Office français de l’immigration et de l’intégration destiné à évaluer sa vulnérabilité et le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d’accueil. »
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le ministre, voici un amendement qui, peut-être, recueillera votre soutien.
Il a déjà beaucoup été question de la langue au fil de l’examen de ce projet de loi ; nous y revenons avec cet amendement, qui a pour objet de déterminer la langue dans laquelle se déroulera la procédure de demande d’asile. Il s’agit d’un sujet essentiel, car il y va du bon déroulement de la procédure de demande d’asile et du respect des droits du demandeur.
Le problème de l’article 19 est qu’il se contente d’indiquer, sans autre précision, que la langue sera déterminée après l’enregistrement de la demande et dans les meilleurs délais, sans que l’on connaisse très exactement l’ampleur de ces délais.
Nous souhaitons que la loi soit précise sur ce point et que nous n’en restions pas à l’ambiguïté de la rédaction actuelle de l’article 19. Nous proposons donc de maintenir le droit en vigueur, qui prévoit que la langue de la procédure est déterminée au moment de l’enregistrement de la demande d’asile ; cette rédaction est claire et simple.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Certes, une petite latitude demeure dans le texte de la commission quant à la détermination de la langue. Pour autant, d’un point de vue pratique, je ne vois pas quel est l’intérêt de la demande de nos collègues, qui m’apparaît de nature plutôt sémantique.
Mais je puis me tromper ; c’est pourquoi je sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne saurais émettre un avis favorable sur cet amendement, madame Monier, car nous prévoyons de changer de mode de fonctionnement.
Actuellement, la personne dépose sa demande d’asile à la préfecture, des agents l’enregistrent, puis la transfèrent à l’Ofpra – à Paris ou à Fontenay-sous-Bois –, où les officiers de protection l’instruisent pour préparer l’entretien et en déterminer la langue ; au stade du dépôt en préfecture, les agents ne savent donc pas ce qui sera décidé par l’Ofpra. Évidemment, vous avez raison, madame la sénatrice, il faut dans ce cas garantir la langue dans laquelle la personne développera son récit.
En revanche, dans la procédure que nous prévoyons de mettre en place – cela a été démontré –, les agents de l’Ofpra seront présents dès le dépôt de la demande d’asile ; ainsi, le droit est très largement amélioré en faveur du demandeur d’asile. Il n’est donc guère besoin de prévoir une telle mesure, puisque l’une des missions de ces agents est justement de déterminer en quelle langue aura lieu l’entretien avec le demandeur d’asile.
Cette demande m’apparaît donc superfétatoire : elle sera totalement satisfaite, car, j’y insiste, la détermination de la langue sera faite par l’agent de l’Ofpra, en direct – si je puis dire –, alors que jusqu’aujourd’hui elle se faisait de manière décalée, après l’enregistrement de la demande en préfecture.
Notre avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est en conséquence l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Au vu de celui du Gouvernement, il est défavorable.
M. le président. L’amendement n° 156, présenté par M. Bourgi, Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lors de l’enregistrement de sa demande, l’étranger est informé de la possibilité d’être accompagné soit d’un avocat, soit d’un représentant d’une association de défense des droits de l’homme, d’une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, d’une association de défense des droits des femmes ou des enfants ou d’une association de lutte contre les persécutions fondées sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle lors de l’entretien personnel prévu au même article L. 531-12. »
La parole est à Mme Karine Daniel.
Mme Karine Daniel. Le Ceseda offre à un demandeur d’asile la possibilité d’être accompagné d’un avocat ou d’un représentant d’association lors de son entretien avec un officier de l’Ofpra.
Pourtant, aucune disposition légale ne prévoit d’informer l’étranger de cette possibilité lors de l’enregistrement de sa demande.
Aussi, nous proposons que les demandeurs d’asile en soient informés, pour qu’ils puissent s’appuyer de manière formelle sur des avocats ou des associations.
C’est un amendement de bon sens, qui vise à garantir le respect du droit et de chacun.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit d’une demande d’information, sur laquelle la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’amendement est satisfait, car c’est déjà le cas en pratique. Aussi, je suis plutôt d’avis d’en demander le retrait… (Murmures sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Qui peut le plus peut le moins !
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour vous être agréable, j’émets un avis favorable ! (Sourires et exclamations de satisfaction sur les travées du groupe SER.)
Mme Colombe Brossel. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 156.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. L’amendement n° 413 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après l’article L. 521-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 521-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 521-6-…. – Toute personne majeure dont la mention relative à son sexe à l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente peut enregistrer sa demande avec le sexe revendiqué et, le cas échéant, les prénoms correspondants au sexe revendiqué. Le cas échéant, toute personne majeure peut déclarer dans les vingt et un jours qui suivent l’introduction de sa demande d’asile auprès de l’autorité administrative compétente son identité de genre et, le cas échéant, les prénoms correspondants au sexe revendiqué pour obtenir sa modification. »
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement, déposé sur l’initiative de ma collègue Mélanie Vogel, vise à permettre l’autodétermination de genre des personnes trans dès l’enregistrement de leur demande de protection internationale auprès de l’Ofpra.
En effet, la transidentité de ces personnes n’est actuellement pas reconnue quand elles déposent une demande d’asile en France, puisque cette demande est enregistrée avec la mention de l’état civil figurant sur leur document d’identité. En d’autres termes, tous les documents établis lors de l’enregistrement portent la mention d’un sexe et, souvent, d’un prénom qui ne correspondent pas à l’identité de genre de la personne.
Cela a des conséquences sur leur affectation en hébergement et les oblige à expliquer leur situation à chaque contact avec les autorités, y compris lors de leur entretien.
Tout se passe, aux yeux des autorités et dans la lettre de la loi, comme si les demandeurs et demandeuses d’asile transgenres ou intersexes avaient pu demander la modification de leur mention de sexe à l’état civil dans leur pays d’origine, alors que ces personnes viennent justement en France parce qu’elles ont été persécutées dans leur pays d’origine.
Pour une réelle reconnaissance de l’identité de genre dès l’enregistrement de la demande d’asile, il faut permettre que la mention du sexe inscrite dans le dossier dès cette étape corresponde à l’identité de genre du demandeur ou de la demandeuse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission sera défavorable. En effet, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, l’un des rôles de l’Ofpra est d’établir l’état civil. C’est une mission extrêmement importante pour l’Ofpra comme pour le demandeur d’asile.
Dès lors, si nous introduisons, dès l’enregistrement de la demande, une distorsion entre l’état civil de naissance et celui qui sera inscrit dans le dossier, il me semble que nous compliquerons infiniment les choses pour le demandeur d’asile lui-même.
Mme Valérie Boyer. Bien sûr !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. S’il veut par la suite se lancer dans une procédure de modification de l’état civil, il pourra le faire, mais il faut s’efforcer de garantir un état civil sécurisé dès le début de la procédure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 416 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
….– L’article L. 522-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par les mots : « , y compris sur la traite des êtres humains ».
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. L’année dernière, plus de 143 000 victimes de traite des êtres humains, qui se trouvaient dans une situation extrêmement délicate, ont été accompagnées par des associations, qui ont pu les protéger des organisateurs de réseaux de traite, notamment en leur proposant des solutions d’hébergement temporaire.
Le travail indispensable de ces associations mérite d’être mieux reconnu. Toutefois, elles se heurtent parfois au manque de réactivité de la part des autorités et de la justice.
Malgré deux plans d’action du Gouvernement pour lutter contre la traite des êtres humains, la réponse n’est malheureusement toujours pas à la hauteur de l’urgence.
Par exemple, les signalements, adressés au procureur de la République, de soupçons avérés de traite des êtres humains à Calais sont restés sans réponse, alors même que, peu de temps auparavant, l’État avait financé un programme de l’association France terre d’asile qui visait justement à mieux identifier les victimes de la traite.
Je pense également au manque d’attention accordé aux victimes de traite des êtres humains qui demandent l’asile. L’Ofii procède, pour chaque demandeur d’asile, à une évaluation de la vulnérabilité de la demandeuse ou du demandeur. À cette occasion, les agents sont également tenus d’identifier d’éventuelles victimes de traite des êtres humains. En raison de la nature même du crime, ces victimes sont intimidées et ont peur. C’est la raison pour laquelle un grand nombre d’entre elles n’affirment pas alors, de manière explicite et claire, qu’elles ont été victimes de la traite, ce qui rend cette identification particulièrement difficile pour les agents, et ce d’autant plus que les agents ne reçoivent pas de formation spécifique sur l’identification des victimes.
C’est bien pourquoi ma collègue Mélanie Vogel a déposé cet amendement, qui vise à faire en sorte que les agents chargés de l’évaluation de la vulnérabilité bénéficient d’une formation spécifique sur la traite des êtres humains.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Dans la mesure où le travail des agents de l’Ofii est précisément de détecter les vulnérabilités – or la traite des êtres humains est expressément mentionnée dans le Ceseda comme l’une d’entre elles –, ces agents sont déjà formés à cet effet.
Je crois donc que votre amendement est déjà satisfait, mon cher collègue. La commission vous invite par conséquent à le retirer ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 487 rectifié, présenté par M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Bitz, Patriat et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille et MM. Omar Oili, Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le 2° de l’article L. 531-32 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« 2° Lorsque le demandeur bénéficie dans un État tiers du statut de réfugié ou d’une protection équivalente, notamment en ce qui concerne le respect du principe de non-refoulement, à la condition, dans l’un et l’autre cas, que la protection soit effective et que le demandeur soit effectivement réadmissible dans cet État tiers ; ».
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Au travers de cet amendement, notre collègue Georges Patient souhaite permettre à l’Ofpra de déclarer irrecevable une demande d’asile lorsque le demandeur bénéficie déjà dans un pays tiers d’une protection équivalente à celle qui est offerte par le statut de réfugié et non plus seulement lorsqu’il y bénéficie de ce statut. Cette mesure est conforme à l’article 35 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil.
Georges Patient justifie encore sa proposition par le fait que certains États, sans octroyer le statut de réfugié prévu par la convention de Genève, délivrent cependant aux ressortissants de certains pays des protections offrant des garanties équivalentes, à l’instar du Brésil, qui octroie des visas pour des raisons humanitaires.
Nombre de ces bénéficiaires utilisent le Brésil comme un simple pays de transit et ont pour destination réelle la France ou l’espace Schengen. Il s’ensuit un certain nombre de problèmes, notamment sanitaires, en Guyane ; la ville de Cayenne est malheureusement laissée seule face à cette situation.
Au vu de ce contexte, le présent amendement vise à permettre à l’Ofpra, après examen de la situation personnelle de l’intéressé, de prendre rapidement une décision d’irrecevabilité, sous réserve que cette personne soit réadmissible dans l’État tiers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Très favorable, si je puis dire ! Je remercie MM. Patient et Lemoyne pour cette disposition, qui est essentielle pour lutter contre le fort dérèglement que subit la Guyane du fait de la prise en charge de demandeurs d’asile passés par d’autres pays d’Amérique du Sud.
Je souhaite donc ardemment que cette disposition soit adoptée.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote sur l’article 19.
Mme Corinne Narassiguin. Je souhaite dire, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que nous aurions aimé pouvoir voter cet article 19, qui nous apparaissait à l’orée de son examen comme le seul article de ce projet de loi à aller désormais, véritablement, dans le sens du progrès.
En effet, nous sommes favorables à l’expérimentation de services déconcentrés de l’Ofpra dans plusieurs villes, afin de ne pas concentrer la présence des demandeurs d’asile en Île-de-France et ainsi de permettre leur meilleure intégration sur tout le territoire national.
Nous aurions souhaité que cette déconcentration permette de mieux prendre en compte l’état psychique des demandeurs d’asile et la difficulté qu’ils peuvent éprouver à retranscrire leur récit.
Malheureusement, compte tenu de la façon dont cet article a été amendé sur l’initiative de la commission et du Gouvernement, nous craignons que cette déconcentration ne porte, dans les faits, atteinte aux droits des demandeurs d’asile et empêche ces derniers d’en exercer l’intégralité.
Nous ne voulons pas que cette mesure constitue la première étape d’une fusion des services au sein d’une éventuelle agence française de l’asile.
Pour autant, comme nous ne sommes pas opposés au principe de cette expérimentation, nous nous abstiendrons sur cet article.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la sénatrice, il est dommage de caricaturer ce projet de loi en prétendant que seul l’article 19 contiendrait une mesure positive !
Vous oubliez un peu vite que nous sommes le seul gouvernement à interdire la présence des mineurs dans les centres de rétention administrative – tel est bien l’objet de l’article 12 –, à instaurer des cours de français gratuits – vous ne l’avez jamais fait ! –, à lutter contre les marchands de sommeil – mesure prévue à l’article 15 et complétée grâce à l’adoption d’un amendement du groupe communiste, que nous avons soutenu –, ou encore à réprimer les activités des passeurs comme des crimes et non plus des délits.
Notre débat se passerait bien de vos caricatures. Ce texte comporte beaucoup de dispositions importantes, qu’aucun gouvernement socialiste n’a jamais mises en place.
M. le président. Je mets aux voix l’article 19, modifié.
(L’article 19 est adopté.)
Après l’article 19
M. le président. L’amendement n° 105 rectifié, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° de l’article L. 424-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « ou son concubin » sont supprimés.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. La situation de concubinage ne reposant sur aucune reconnaissance officielle, elle paraît trop floue pour donner lieu au regroupement familial que peut demander une personne bénéficiant de la protection subsidiaire, d’autant qu’elle pourrait servir de prétexte pour abuser de cette possibilité.
La loi doit être claire et permettre à nos agents de vérifier réellement la véracité des déclarations effectuées. Mais comment prouver un concubinage ? Si une telle disposition était maintenue, l’accès au sol national serait permis par une simple déclaration, dont le contrôle aurait été limité, voire inexistant.
Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement de clarification de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La suppression proposée serait contraire aux engagements internationaux de la France, notamment la convention de Genève.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 106 rectifié, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° de l’article L. 424-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Par cet amendement, nous demandons que les ascendants d’un mineur bénéficiant de la protection subsidiaire ne puissent plus, à ce titre, obtenir une carte de séjour.
Comme vous le savez, nos communes et nos départements sont déjà submergés par les problèmes sécuritaires, financiers et sociaux suscités par les mineurs non accompagnés. À ce titre, laisser entrevoir la possibilité, pour un mineur non accompagné, de faire obtenir une carte de séjour à ses ascendants, sous prétexte d’une aspiration naturelle à réunir parents et enfants, peut se révéler dangereux.
En effet, un tel dispositif peut inciter – nous savons que c’est malheureusement le cas, mes chers collègues – certaines familles à envoyer leurs enfants braver les déserts et la mer dans l’espoir, une fois qu’ils sont arrivés sur le sol européen, d’obtenir pour leurs parents et leurs proches une carte de séjour ; ceux-ci pensent ainsi atteindre eux-mêmes un eldorado européen qui n’existe pas.
Notre proposition allie la fermeté à l’humanité : en empêchant le mineur isolé de faire obtenir une carte de séjour à ses proches, nous dissuadons certaines personnes d’envoyer leurs enfants seuls sur la route de l’Europe, avec tous les dangers que cela implique, en particulier le trafic d’êtres humains.
L’enfer étant pavé de bonnes intentions, nous vous demandons, mes chers collègues, de faire montre d’une fermeté nécessaire pour éviter les pires drames, ici comme là-bas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est défavorable. Mon cher collègue, il s’agit non pas de mineurs isolés, mais de droit d’asile. Encore une fois, nous avons des engagements internationaux à respecter en la matière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. C’est avec beaucoup de stoïcisme et de retenue que l’on écoute les différentes prises de position des sénateurs d’extrême droite, qu’ils soient zemmouristes ou membres du Rassemblement national (RN). Mais il faut tout de même, de temps en temps, relever certaines contradictions !
Lors de la présentation de cet amendement, il nous a été expliqué qu’il faudrait refuser la carte de séjour aux ascendants d’un mineur non accompagné, lequel est au reste un demandeur d’asile, au prétexte que M. le représentant du RN n’aime pas les mineurs non accompagnés. Mais il ne les aime manifestement pas accompagnés non plus, puisqu’il s’agit, en l’espèce, de la possibilité de faire venir un parent ou un ascendant !
En réalité, vous n’aimez les mineurs étrangers ni accompagnés de leurs parents ni non accompagnés ; dites-le clairement : vous ne voulez pas sur notre sol d’enfants venant d’un pays étranger ! (M. Christopher Szczurek le conteste.)
M. le président. L’amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Anglars, Menonville et Frassa, Mmes Romagny et Josende, MM. Rochette et Courtial, Mmes Puissat et V. Boyer, M. Paccaud, Mmes Petrus et Bellurot, MM. Chasseing et Wattebled, Mmes Lopez, Micouleau et Belrhiti, M. Genet, Mmes Canayer et Devésa et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « personne », sont insérés les mots : « , dans un délai de quinze jours à compter de son entrée sur le territoire national, ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à instituer un délai limité à quinze jours après l’arrivée sur le territoire français pendant lequel l’étranger qui souhaite bénéficier de l’asile devra déposer sa demande.
Actuellement aucun délai n’existe dans le droit positif pour la demande d’asile. La procédure de demande a ainsi une faible incidence coercitive, si bien qu’il en ressort un sentiment peu engageant pour les demandeurs.
L’intérêt du dispositif proposé est qu’il aura un effet incitatif sur les étrangers qui souhaitent demander l’asile, en les poussant à engager rapidement une procédure administrative adéquate lorsque la demande n’est pas faite à la frontière.
Il serait ainsi judicieux de faire mention d’un délai dans le droit positif, afin d’évoquer l’aspect temporel d’une telle procédure et ce qu’elle implique comme charge de travail et de gestion pour l’administration française.
L’idée est aussi de rappeler aux demandeurs, dès le dépôt du dossier, qu’ils ont des obligations vis-à-vis de l’État qui les accueille.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous comprenons l’objectif des auteurs de cet amendement, mais nous craignons qu’il ne puisse être atteint. En effet, la directive Accueil ne permet pas de sanctionner une demande d’asile au motif qu’elle n’a pas été déposée dans les délais prévus.
Il me paraît donc assez inutile, voire déraisonnable, d’imposer un tel délai, d’autant que la durée proposée, quinze jours, est plutôt brève. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Je vous invite donc, ma chère collègue, à retirer cet amendement, dont l’adoption n’aurait aucun effet concret.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Boyer, l’amendement n° 247 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 247 rectifié est retiré.
L’amendement n° 642, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre Ier du titre III du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° À la première phrase de l’article L. 531-36, les mots : « peut clôturer », sont remplacés par le mot : « clôture » ;
2° L’article L. 531-38 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Le demandeur a abandonné, sans motif légitime, le lieu où il était hébergé en application de l’article L. 552-8. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 531-39, les mots : « le cas prévu au 3° » sont remplacés par les mots : « les cas prévus aux 3° et 4° ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous prévoyons les conditions dans lesquelles le dossier de demande auprès de l’Ofpra doit être clôturé parce qu’il n’a plus lieu d’être. C’est un détail technique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 48 rectifié bis est présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot et Bruyen, Mmes P. Martin et Jacques, MM. Sido et Klinger et Mmes Josende et Goy-Chavent.
L’amendement n° 643 est présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre IV du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 542-4 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , sous peine de faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Sous réserve des cas où l’autorité administrative envisage d’admettre l’étranger au séjour pour un autre motif, elle prend à son encontre, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, une obligation de quitter le territoire français sur le fondement et dans les conditions prévues au 4° de l’article L. 611-1. » ;
2° Il est ajouté un article L. 542-… ainsi rédigé :
« Art. L. 542-…. – La décision définitive de rejet prononcée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, le cas échéant après que la Cour nationale du droit d’asile a statué, entraîne l’interruption immédiate de la prise en charge des frais de santé de l’étranger en application de l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié bis.
Mme Valérie Boyer. Il s’agit d’un amendement important.
Je rappelle que, en tant que résident régulier en France, un demandeur d’asile a accès aux prestations de l’assurance maladie, notamment dans le cadre de la protection universelle maladie (PUMa).
Pendant l’instruction de son dossier et jusqu’à ce qu’il reçoive une réponse définitive, un demandeur d’asile dispose d’un droit au maintien sur le territoire français. Il est donc considéré comme séjournant de manière régulière en France.
À ce titre, il a accès au système français d’assurance maladie. L’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale dispose ainsi : « Toute personne travaillant ou, lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé. »
Par dérogation au droit commun, les demandeurs d’asile peuvent bénéficier de la PUMa dès le dépôt de la demande d’asile, alors que les autres assurés n’exerçant pas d’activité professionnelle ne peuvent en bénéficier qu’au terme d’un délai de trois mois suivant leur arrivée en France.
Une fois obtenue, la PUMa ouvre droit, pour le demandeur d’asile comme pour ses ayants droit, à la prise en charge des frais de santé pendant un an renouvelable, et ce même pour les étrangers possédant un document de séjour dont la durée de validité est inférieure à un an.
Le demandeur d’asile peut également bénéficier, sous conditions de ressources, de la complémentaire santé solidaire (CSS), qui a remplacé la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C).
S’il obtient le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, le demandeur pourra être immatriculé définitivement à la sécurité sociale, en continuant à bénéficier de la PUMa et de la CSS.
Si sa demande est rejetée, le droit à la prise en charge des frais de santé reste ouvert pendant douze mois. Le droit à la CSS reste ouvert jusqu’au renouvellement de celle-ci.
Cet amendement a donc pour objet de restreindre l’accès des demandeurs d’asile aux prestations de l’assurance maladie, en inscrivant dans la loi que le rejet définitif d’une demande d’asile vaut OQTF et entraîne immédiatement l’interruption de la prise en charge des soins au titre de la protection universelle maladie.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 643.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous avons déposé cet amendement, par cohérence, afin de tirer les conclusions des règles juridiques que nous inscrivons dans le Ceseda.
Lorsque quelqu’un est débouté définitivement de sa demande d’asile, il n’a plus le droit de rester sur le territoire français. Cela a deux conséquences : d’une part, il doit se voir délivrer une obligation de quitter le territoire français, de manière que son éloignement soit mis en œuvre ; d’autre part, il ne doit plus pouvoir bénéficier du régime de protection prévu pour les demandeurs d’asile. Tel est bien le double objet de cet amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je partage les intentions de Mme Boyer et de Mme la rapporteure : il est évident que, lorsque quelqu’un se voit débouté de sa demande d’asile, il doit quitter le territoire national. C’est la stratégie que nous essayons de mener pour lutter contre l’immigration irrégulière.
Cependant, la disposition que vous proposez me semble inconstitutionnelle. Vous souhaitez voir attribuer à l’Ofpra ou à la CNDA les pouvoirs du préfet. Or, si la décision de rejet rendue par la CNDA, qui est un jugement, devait avoir la même valeur qu’une OQTF, qui est un arrêté pris par le préfet, les possibilités de recours seraient entachées.
Nous pouvons toutefois, me semble-t-il, atteindre votre but en empruntant les chemins détournés que nous avons imaginés – ad augusta per angusta, dit l’adage. Il s’agirait plutôt de travailler à la simplification des délais – nous en reparlerons tout à l’heure – et d’en tirer des conséquences sur le versement des aides sociales aux déboutés de l’asile ; nous en avons déjà discuté lors de l’examen de la première partie du texte.
En revanche, le dispositif défendu par Mme Boyer et Mme la rapporteure ne me semble pas constitutionnel. Dès lors, l’avis ne peut être que défavorable.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur le ministre, je crains que vous n’ayez devant les yeux la première version de l’amendement de Mme Boyer ; celui-ci a depuis été rectifié pour être rendu identique à celui de la commission, lequel tend effectivement à affirmer qu’il revient à l’autorité d’administrative de prendre l’arrêté d’OQTF et non pas, bien sûr, à l’Ofpra ou à la CNDA.
Votre propos était pertinent s’agissant de sa première version, mais sa rédaction a été rendue conforme au droit.
M. Gérald Darmanin, ministre. En effet, je ne dispose pas de la nouvelle version. Je demande une très courte suspension de séance pour en prendre connaissance.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à douze heures une.)
M. le président. La séance est reprise.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je présente mes excuses à Mme Boyer : je n’avais en effet pas la bonne version de son amendement.
Sur ces amendements identiques, je m’en remets à la sagesse du Sénat, dans la mesure où nous devrons examiner comment l’automaticité de la transmission des informations entre la justice administrative et les préfets pourrait fonctionner.
Il reviendra au ministère de l’intérieur et des outre-mer de s’organiser avec la justice ; nous y travaillerons lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale, avec l’aide du directeur général des étrangers en France (DGEF).
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je ne peux m’empêcher de dénoncer ce qui sous-tend ces amendements. Non seulement on entend retirer leurs médicaments, du jour au lendemain, aux personnes dont la demande d’asile a été rejetée ; mais vous introduisez à présent dans le texte un principe selon lequel toute personne venant en France et demandant l’asile se verra notifier une obligation de quitter le territoire français si cette demande est rejetée, même si une précaution a été légitimement ajoutée par la commission.
Ainsi, l’étranger arrivant en France et souhaitant demander l’asile sera prévenu : il pourra peut-être rester en France en obtenant des papiers, grâce à un certificat de travail, ou pour un autre motif, s’il ne demande pas l’asile ; en revanche, s’il le fait et que sa demande est refusée, il recevra une OQTF, même s’il n’existe aucun des motifs habituels pour cela.
Je regrette de le dire, mais, malgré la précaution administrative ajoutée, c’est bien ce principe qui va prévaloir.
Madame Boyer, vous souhaitiez tout à l’heure obliger ces personnes à demander l’asile dans un délai de quinze jours après leur arrivée – avant de retirer, à juste titre, cet amendement. Pourtant, la plupart du temps, cette possibilité n’est même pas proposée à la frontière, comme nous l’ont confirmé les agents de la police aux frontières : on n’informe pas les intéressés de la possibilité de demander l’asile.
D’une part, vous exigez que ceux-ci déposent très vite leurs demandes, même s’ils ne sont pas informés ; de l’autre, en cas de refus, ils devraient quitter le territoire immédiatement. Pardonnez-moi, mais cela n’est pas conforme au principe d’accueil des migrants que nous défendons.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je souhaite répondre aux propos de notre collègue M. Benarroche, qui ne correspondent pas au contenu de ces amendements.
Ceux-ci sont bien conformes à la jurisprudence existante : quelles que soient les conditions dans lesquelles elle intervient, une OQTF ne sera délivrée que sous la réserve expresse qu’auront été examinées et rejetées les possibilités d’obtention d’un autre titre de séjour.
Il s’agit d’un principe constant : l’autorité administrative effectue ce que nous souhaitons qu’elle fasse, c’est-à-dire un contrôle à 360 degrés, pour vérifier s’il n’existe pas un autre motif, par exemple le respect de la vie privée et familiale, permettant à l’intéressé de se maintenir légalement sur le territoire, avant toute délivrance d’OQTF.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je comprends votre crainte, mais il me semble que celle-ci est levée par cet amendement et par la Constitution, que respecte la pratique habituelle des préfectures.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Si l’on ajoute à la suppression de l’aide médicale d’État l’interruption de la prise en charge au titre de la sécurité sociale des soins des demandeurs déboutés, qui figure également dans cet amendement, cela signifie-t-il qu’il n’y aura plus du tout de prise en charge des soins ?
Dès lors que le droit d’asile lui aura été refusé, l’intéressé sera-t-il condamné à ne plus avoir accès à des soins, ce qui reviendrait à lui infliger une condamnation à mort en cas de maladie grave ?
Concrètement, quelles sont les conséquences attendues de ces mesures ?
Par ailleurs, si la personne concernée dispose d’un autre titre de séjour, ce qui est tout à fait possible, le dispositif prévu ne risque-t-il pas d’invalider son droit à la sécurité sociale ? Cette mesure me semble donc, à double titre, plus que discutable : condamnable.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous aurez compris que les étrangers en France bénéficient d’une prise en charge par la sécurité sociale en fonction du statut dont ils relèvent.
Quelqu’un qui se trouverait en situation irrégulière sur le territoire, ayant été débouté de sa demande d’asile et ne pouvant pas se maintenir à un autre titre, disposerait au moins de la prise en charge des soins urgents, dont chacun sait qu’elle existe dans notre pays. Sous réserve qu’il se soit inscrit à son bénéfice, il pourrait surtout mobiliser l’aide médicale d’État, ou d’urgence, peu importe, c’est-à-dire un autre mode de prise en charge, plus complet.
Notre pays ne laisse personne dans une absence totale de soins, mais il existe une gradation dans la prise en charge, suivant le statut de l’intéressé. Pour autant, il a paru normal à la commission que la prise en charge varie suivant la régularité de son séjour en France, comme cela est déjà inscrit dans le Ceseda.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié bis et 643.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
L’amendement n° 108, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 552-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 108 est retiré.
L’amendement n° 200, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article L. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Office français de protection des réfugiés et apatrides délivre aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire ou du statut d’apatride, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la protection, les pièces nécessaires pour leur permettre soit d’exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d’actes d’état civil. »
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. L’objet de cet amendement est d’une grande simplicité : il consiste à fixer dans la loi le délai dans lequel le bénéficiaire d’une protection internationale accordée par la France se voit délivrer des actes d’état civil.
Pourquoi en passer par la loi ? Parce que, depuis 2017, ce délai ne cesse de se détériorer. En 2018, il était de 140 jours en moyenne ; il atteint aujourd’hui 240 jours, soit près de huit mois. Cette situation porte évidemment atteinte aux droits des étrangers.
Si l’on veut garantir que la personne protégée pourra s’intégrer de la meilleure manière, il est évident qu’elle doit disposer dans les meilleurs délais d’un acte d’état civil, d’autant que ses conjoints et enfants mineurs doivent pouvoir la rejoindre en France au titre de la réunification familiale.
C’est pourquoi les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposent d’adopter cet amendement, qui vise à encadrer dans le temps la délivrance de ces documents, en fixant le délai maximum à quatre mois à compter de la décision octroyant la protection.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a parfaitement conscience de cette difficulté relative à l’état civil. Toutefois, il ne nous semble pas que l’introduction d’un délai formel soit de nature à faire avancer l’établissement des actes concernés. Pour cela, il faut surtout octroyer aux services concernés des moyens complémentaires.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 599, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 561-2 est ainsi modifié :
a) Au 3°, les mots : « dépassé leur dix-neuvième anniversaire » sont remplacés par les mots : « atteint leur dix-huitième anniversaire ; en cas d’adoption, seuls sont éligibles à la réunification familiale les enfants dont le lien de filiation avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire a été établi par un jugement antérieur à la date d’introduction de la demande d’asile. » ;
b) Le cinquième alinéa est ainsi modifié :
- Les mots : « non marié » sont remplacés par les mots : « non accompagné tel que défini au f) de l’article 2 de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial » ;
- Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque ces enfants ne sont pas issus de la même union que le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire, seuls ceux dont les liens avec l’ascendant de ce dernier remplissent les conditions prévues par les articles L. 434-3 et L. 434-4 sont éligibles à la réunification familiale. Si le réfugié a atteint l’âge de dix-huit ans entre la date d’introduction de sa demande d’asile et celle de l’obtention du statut, il peut solliciter le bénéfice des dispositions du présent alinéa dans le délai de trois mois à compter de la date à laquelle il s’est vu reconnaître la qualité de réfugié. » ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite » sont remplacés par les mots et la phrase : « de la demande de visa prévue par l’article L. 561-5. Par dérogation, les enfants du réfugié qui ont atteint l’âge de dix-huit ans postérieurement à la date d’introduction de la demande d’asile peuvent présenter une demande de visa sur le fondement du présent article dans le délai de trois mois suivant l’obtention du statut de réfugié par leur parent. » ;
2° L’article L. 561-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Au conjoint, au partenaire d’union civile, au concubin ou à l’enfant ayant cessé d’entretenir avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire des relations suffisamment stables et continues pour former avec lui une famille. Sont notamment exclus du bénéfice des dispositions de la présente section les enfants ayant constitué leur propre cellule familiale. » ;
3° L’article L. 561-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’alinéa précédent, le droit du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire à être rejoint par les membres de sa famille est soumis aux dispositions du chapitre IV du titre III du livre IV du présent code si la demande de visa prévue par l’article L. 561-5 n’a pas été introduite dans le délai de dix-huit mois suivant l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous en avons déjà discuté : il existe, d’une part, le regroupement familial, pour les personnes titulaires d’un titre de séjour, et, d’autre part, la réunification familiale, pour les personnes ayant obtenu le statut de réfugié.
Les critères du regroupement familial, a fortiori une fois resserrés par les articles 1er B et 1er C de ce texte, diffèrent de ceux de la réunification familiale, lesquels sont plus larges et concernent davantage d’ayants droit ; le maintien dans notre droit d’une telle différence ne nous paraît pas nécessaire.
Bien sûr, les enfants resteront concernés, mais la présence d’autres ayants droit nous semble contraire au principe du statut de réfugié : ces personnes, si elles viennent du même pays que l’intéressé, peuvent déposer leur propre demande d’asile pour obtenir ce statut, plutôt que d’en bénéficier par leur seul lien familial, même éloigné, avec le réfugié.
Cet amendement vise par conséquent à aligner les critères de la réunification familiale pour les réfugiés sur ceux du regroupement familial, à quelques détails près.
M. le président. Le sous-amendement n° 644, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 599, alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
- À la fin, les mots : « , accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective » sont supprimés ;
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement du Gouvernement, mais souhaite ajouter l’exclusion des frères et sœurs à cette nouvelle mouture de la réunification familiale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
Organisation des travaux
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de la commission et avec l’accord du Gouvernement et de tous les groupes politiques, nous pourrions, à titre exceptionnel, et compte tenu de la tenue, demain, des cérémonies du 11 novembre, suspendre nos travaux à douze heures trente et les reprendre dès treize heures quarante-cinq.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Article 19 bis (nouveau)
La sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article L. 551-15, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 551-16, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 201 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 313 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 471 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour présenter l’amendement n° 201.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise à supprimer l’article 19 bis, introduit dans le texte par la commission des lois.
Nous sommes très surpris du choix de cette dernière, qui a considéré que le retrait ou la suspension par l’Ofii du bénéfice des conditions matérielles d’accueil d’un demandeur d’asile, jusqu’à présent décidé au cas par cas, devait devenir automatique.
Ainsi, un demandeur se verrait systématiquement retirer ou refuser ce bénéfice s’il sollicite un réexamen de sa situation, s’il n’a pas demandé l’asile dès son arrivée, ou s’il a refusé une orientation ou une proposition.
Cette rédaction nous semble contraire à l’article 20 de la directive Accueil, qui précise que le retrait ou le refus de ces conditions matérielles n’est possible que « dans des cas exceptionnels et dûment justifiés », sur décision motivée, après examen de « la situation particulière de la personne concernée ». Il doit donc y avoir une individualisation de la décision.
Par ailleurs, le Ceseda lui-même, qui n’a pas été modifié sur ce point par la commission, impose de prendre en compte la vulnérabilité du demandeur. Enfin, le Conseil d’État a rappelé ces exigences.
Pour toutes ces raisons légitimes, nous demandons la suppression de cet article 19 bis.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 313 rectifié.
M. Guy Benarroche. Nous discutons d’une série de mesures qui visent à franchir une nouvelle étape.
Après avoir totalement renoncé à l’intégration des étrangers par le travail, après avoir cherché à dissuader les migrants de venir en France par diverses mesures réduisant leurs droits et accroissant leurs difficultés, on en arrive désormais à tenter de rendre leur accueil le moins digne possible si malgré tout, poussés par leurs conditions de vie, ils parviennent en France.
Il faudrait changer le titre de ce texte, qui vise en réalité à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’immigrés en France !
Le Conseil d’État avait pourtant rappelé, dans sa décision du 31 juillet 2019, que, conformément à l’article 20 de la directive Accueil, l’Ofii doit examiner au cas par cas la situation personnelle – j’y insiste – de chaque demandeur d’asile, y compris sa vulnérabilité, pour déterminer si le refus ou le retrait des conditions matérielles d’accueil est justifié et proportionné. L’État est tenu de garantir un niveau de vie digne à tous les demandeurs.
Or cet article instaure une automaticité du refus ou du retrait de ces conditions matérielles d’accueil, en totale contradiction avec les engagements de la France et les décisions du Conseil d’État.
Son seul objet est de réduire les droits des personnes exilées et de détériorer leurs conditions d’accueil, de manière à les maintenir dans la dépendance et dans la précarité, au mépris de nos traditions d’asile et des obligations afférentes, de la dignité des personnes, de l’ordre social et du dynamisme économique de notre pays.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons avec solennité de renoncer à cette mesure et d’accepter la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 471.
M. Pascal Savoldelli. On est tout simplement en train de supprimer une allocation, alors que les résultats ne le justifient pas. Deux conditions sont essentielles pour se sentir accueilli : avoir un emploi et avoir un toit.
Dans ma ville, il m’est arrivé d’obtenir satisfaction pour des mères de famille, avec des enfants en maternelle ou à l’école primaire, qu’on allait mettre à la rue. On affirme même maintenant que, dès 3 ans, un gosse peut vivre dehors, pour peu qu’il s’agisse d’un étranger. On a honte de le dire !
Il faut vraiment revoir cette mesure. Nous avons un devoir de résultat : 84 500 demandeurs d’asile enregistrés en France étaient sans hébergement dédié au 31 décembre 2022 et je crains que le chiffre soit encore plus élevé au 31 décembre 2023. Pourtant, il ne saurait y avoir d’enfants sans toit, de personnes laissées en déshérence.
On m’objecte souvent, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances ou d’autres textes, que tel ou tel de mes amendements est contraire à l’harmonisation européenne. C’est le grand couperet !
Or voici ce que dispose la directive Accueil : « Les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils présentent leur demande de protection internationale », ils font en sorte que « les mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil assurent au demandeur un niveau de vie adéquat qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale ». En n’adoptant pas nos amendements, nous choisirions de nous mettre en dehors du champ de l’harmonisation sociale européenne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est évidemment défavorable à la suppression d’un article qu’elle a elle-même introduit dans le texte.
Cet article vise à rendre systématique le retrait des conditions matérielles d’accueil de certains demandeurs, qui n’est actuellement qu’une possibilité.
Je me permets de rappeler certains motifs susceptibles d’entraîner ce retrait, puisqu’il ne s’agit pas d’une mesure discrétionnaire : le refus de la proposition d’hébergement qui a été faite aux demandeurs – celui-ci pouvait avoir un toit sur la tête, mais il n’était pas intéressé –, l’absence aux entretiens, la dissimulation d’informations, ou encore la fourniture d’informations mensongères.
Il ne s’agit pas de sanctionner de façon arbitraire et cruelle une personne qui demande l’asile, mais de tirer les conséquences d’un comportement incompatible avec la demande qu’elle fait à la France.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Madame la rapporteure, les exemples ont leurs limites, je le sais bien, mais je veux vous en exposer un qui peut sans doute être source d’enseignements.
J’ai connu une famille à Ivry-sur-Seine – une mère avec deux enfants, dont le dernier a connu trois années de retard de croissance. Cette femme a refusé un hébergement – c’est parfois légitime. Un de ses enfants était à l’école maternelle, l’autre en primaire, elle travaillait à l’autre bout de Paris et on lui proposait un logement au fin fond de la Seine-et-Marne ! Ce n’est pas parce qu’on est antirépublicain que l’on décline de telles offres ; c’est parce que c’est infaisable !
Notre collègue Ravier, qui prétendait, par ses amendements, mettre des gens en prison, aurait dû y envoyer beaucoup de monde, et même le sénateur que je suis, car nous avons organisé une chaîne de solidarité pour que cette femme puisse emmener ses enfants à l’école – ou que quelqu’un les y emmène pour elle – alors qu’elle travaillait, dans la restauration, à Paris.
Grâce à nos efforts collectifs, elle a finalement obtenu un logement, non pas en Seine-et-Marne, mais à Vincennes, à proximité d’Ivry-sur-Seine. J’en suis assez fier.
Il faut se montrer prudent lorsque l’on cite des textes juridiques : l’écart est souvent grand entre la théorie et la pratique. Or les deux sont nécessaires : il convient d’écouter aussi ce qui ressort de cette dernière. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je tiens à féliciter M. Savoldelli : il a parfaitement illustré l’incohérence de l’argumentation développée par Mme la rapporteure.
Nous demandons simplement que les situations des demandeurs d’asile soient étudiées au cas par cas, sur la base de motivations personnalisées, et non de façon automatique.
Je pourrais citer dix autres exemples de refus de logement qui compléteraient celui que vous venez d’entendre. Il est possible de refuser un logement, il arrive que l’on ne fournisse pas à temps les bons papiers ; pour autant, cela doit-il automatiquement condamner la personne concernée à la suspension de cette allocation ?
Non, bien évidemment ! Il faut examiner les situations personnelles.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.
Mme Audrey Linkenheld. Cette question me paraît particulièrement sensible. La mesure proposée à cet article a des implications lourdes pour les personnes concernées, que l’on priverait de conditions matérielles d’existence pour les raisons, parfois difficiles à admettre, qui viennent d’être exposées.
Sur un sujet aussi sensible, je m’étonnais de ne pas entendre le Gouvernement réagir aux questions que nous avons posées, alors que l’article qui nous est proposé va à l’encontre d’une décision du Conseil d’État et d’une directive européenne, mais je constate que M. le ministre a levé la main dans l’intervalle.
Il me semble important, avant de pouvoir nous exprimer définitivement, d’entendre le point de vue du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis sensible à l’argumentation de MM. Savoldelli et Benarroche. Il m’est en effet arrivé de connaître des situations aussi difficiles dans ma commune.
Le texte proposé par la commission présente cependant un intérêt dans la lutte contre les abus. Pour autant, MM. Benarroche et Savoldelli, qui ne refusent pas le texte en tant que tel, ont raison de souligner qu’il ne faudrait pas que celui-ci conduise à une généralisation du traitement, sans possibilité d’appréciation au cas par cas.
Mme Audrey Linkenheld. C’est bien cela qu’empêche cet article !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je reproche également à cet article d’être probablement contraire, comme vous l’avez relevé, à la directive Accueil et, partant, aux engagements européens de la France.
Cela étant dit, il ne fait guère de doute que vos amendements seront rejetés.
M. Pascal Savoldelli. C’est clair !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je m’engage toutefois à travailler avec les parlementaires de tous les groupes à l’Assemblée nationale pour, d’une part, introduire la possibilité d’une appréciation au cas par cas, afin de répondre de manière plus efficace à la question soulevée par M. Savoldelli, et, d’autre part, assurer la conformité de ce texte avec le droit européen.
Je veux cependant souligner que la question du logement des demandeurs d’asile est moins caricaturale que ce que vous évoquez.
D’une part, la distance du logement par rapport au lieu de travail n’est pas un problème que pour les demandeurs d’asile, mais aussi pour beaucoup de nos concitoyens.
D’autre part, sans vouloir ouvrir ici un débat sans fin sur le logement, l’asile et les personnes en situation irrégulière, rappelons que, dans le cadre du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DNA), nous assurons le logement aux intéressés.
Concernant les hébergements d’urgence, la difficulté réside dans le fait que beaucoup d’étrangers, y compris lorsqu’ils ont été déboutés et qu’ils ont épuisé toutes les voies de recours, restent dans ce système, financé par les crédits du ministère de l’intérieur et des outre-mer ou de celui du logement. Or la quasi-totalité des personnes qui travaillent, au nom de l’État, afin d’assurer cet accueil refuse de vérifier leur statut !
Pour autant, le Conseil d’État n’a jamais fait valoir que le logement devait être garanti de manière absolue à toute personne ; il doit simplement l’être jusqu’au moment où l’intéressé, ayant épuisé tous les recours, se retrouve en situation irrégulière. Il n’existe pas d’inconditionnalité en la matière pour des personnes dont tous les recours ont été rejetés. Celles-ci, dès lors qu’on leur a refusé l’asile, que l’administration et la justice l’ont confirmé, et qu’elles se sont vu notifier une OQTF, doivent repartir dans leur pays d’origine.
Il convient donc de distinguer l’hébergement dû aux demandeurs d’asile, auquel des crédits du ministère de l’intérieur sont consacrés, de l’hébergement d’urgence destiné notamment aux personnes sans domicile fixe ou mal logées, dont les occupants peuvent être en situation irrégulière.
Gardons-nous ainsi de caricaturer les propos de la rapporteure ou le texte même de l’article 19 bis. Nous verrons dans quelques instants quelle sera la décision de la Haute Assemblée sur vos amendements, mais, s’ils sont rejetés, je m’engage à retravailler la rédaction de cet article pour assurer sa conformité au droit européen et à notre humanisme, tout en luttant contre les fraudes possibles.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 201, 313 rectifié et 471.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. L’amendement n° 202, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :
1° L’article L. 551-15 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« À titre exceptionnel, les conditions matérielles d’accueil peuvent être refusées, partiellement ou totalement, au demandeur dans les cas suivants : » ;
b) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la décision mettant fin aux conditions matérielles d’accueil a été prise en application des 1° et du 2°, si le demandeur revient sur son refus, l’Office français de l’immigration et de l’intégration rétablit les conditions matérielles d’accueil totalement ou partiellement. » ;
2° L’article L. 551-16 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« À titre exceptionnel, il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d’accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque la décision mettant fin aux conditions matérielles d’accueil a été prise en application des 1°, 2° ou 3° du présent article et que les raisons ayant conduit à cette décision ont cessé, l’Office français de l’immigration et de l’intégration rétablit, totalement ou partiellement, les conditions matérielles d’accueil. À titre exceptionnel, l’office peut refuser, sur décision écrite et motivée, de rétablir les conditions matérielles d’accueil. La décision prend en compte la vulnérabilité du demandeur ainsi que, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il n’a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l’acceptation initiale des conditions matérielles d’accueil » ;
3° Après l’article L. 551-16, il est inséré un article L. 551-… ainsi rédigé :
« Art. L. 551-…. - L’Office français de l’immigration et de l’intégration remet chaque année un rapport au Parlement dressant le bilan de l’application des dispositions prévues au présent chapitre. Ce rapport comprend notamment des données quantitatives et qualitatives concernant l’octroi, les motifs de refus et de retrait des conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile. »
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Malheureusement, cet amendement de repli n’est pas tombé, puisque les amendements de suppression de l’article n’ont pas été adoptés.
Celui-ci vise à mieux encadrer les critères selon lesquels les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile peuvent être refusées ou retirées et, le cas échéant, rétablies.
Pour cela, nous proposons que notre législation se conforme aux objectifs de la directive Accueil et favorise le rétablissement des conditions matérielles d’accueil si les circonstances qui avaient motivé leur retrait ont cessé.
Nous avons constaté que cet article 19 bis ne respectait pas les conditions de la directive Accueil, même si le ministre s’est engagé à ce que cela soit modifié. Il nous semble néanmoins essentiel de nous assurer dès à présent du respect du droit européen.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. En effet, cet amendement n’est pas tombé ; pour autant, il n’est pas conforme à ce qui vient d’être voté. Par ailleurs, M. le ministre s’est engagé à rediscuter de cette mesure.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à treize heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à treize heures cinquante, sous la présidence de M. Dominique Théophile.)
PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Lors du scrutin n° 24, sur l’article 1er I du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, mes collègues Marie Mercier et Corinne Imbert ne souhaitaient pas prendre part au vote.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Immigration et intégration
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 359 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l’article 19 bis.
Après l’article 19 bis
M. le président. L’amendement n° 359 rectifié bis, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Aeschlimann, MM. Allizard et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mmes Bonfanti-Dossat et Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen, Burgoa et Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, M. Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Joyandet et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Muller-Bronn et Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mme Puissat, MM. Rapin, Reichardt, Retailleau, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sol et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.-P. Vogel et Cuypers, Mme Imbert, MM. Khalifé et Mandelli, Mme Petrus et M. Somon, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis
Insérer un article ainsi rédigé :
L’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles est complété par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est applicable au ressortissant étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français en vertu des dispositions de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou dont la demande d’asile a été définitivement rejetée et qui doit quitter le territoire en vertu des dispositions de l’article L. 542-4 du même code qu’en cas de circonstances exceptionnelles faisant apparaître, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, une situation de détresse suffisamment grave pour faire obstacle à son départ. »
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Le présent amendement a pour objet de consolider sur le plan légal la possibilité d’écarter les personnes concernées par une décision d’obligation de quitter le territoire français de l’hébergement d’urgence prévu au code de l’action sociale et des familles.
Ces personnes sont légalement tenues de quitter le territoire français rapidement et peuvent, au surplus, bénéficier d’une aide au retour. Il est par conséquent cohérent de considérer qu’elles n’ont pas vocation à faire usage de ces dispositifs d’hébergement, lesquels sont saturés.
Le présent amendement tend à s’inscrire en cohérence avec le vote par le Sénat d’une disposition comparable concernant les déboutés du droit d’asile, à l’occasion de l’examen d’un texte de loi de juillet 2015. Cette lecture fut par ailleurs reprise dans une jurisprudence du Conseil d’État de novembre 2022.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission a estimé que cette jurisprudence du Conseil d’État permettait déjà de faire droit à cet amendement : avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. L’avis est défavorable, car il s’agit d’un cavalier législatif.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je voudrais être sûr de bien comprendre. Une personne sous le coup d’une OQTF ou déboutée du droit d’asile, même si elle n’est pas en mesure de quitter notre territoire immédiatement, doit renoncer à toute demande de logement, voire au logement qu’elle occupe déjà, et être mise à la rue… Est-ce bien le sens de cet amendement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19 bis.
Article 19 ter (nouveau)
Après la première occurrence du mot : « sociale », la fin de la première phrase du 4° du IV de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigée : « , des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, des centres provisoires d’hébergement mentionnés aux articles L. 345-1, L. 348-1 et L. 349-1 du code de l’action sociale et des familles, des centres d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et des structures d’accueil des étrangers qui ne disposent pas d’un hébergement stable et qui manifestent le souhait de déposer une demande d’asile. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 155 est présenté par Mmes Artigalas, Linkenheld, de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, MM. Kerrouche et Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 293 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 445 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour présenter l’amendement n° 155.
Mme Audrey Linkenheld. Nous proposons de supprimer l’article 19 ter, introduit par la commission des lois.
Le texte adopté en commission prévoit d’intégrer dans le décompte du taux de 20 % à 25 % de logements sociaux que les communes doivent réaliser dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, non pas les logements sociaux, mais les structures d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile (Huda) et les centres d’hébergement provisoire (CPH). C’est étonnant, car ces structures n’ont rien à voir avec des logements pérennes.
Aujourd’hui, 2,4 millions de demandeurs sont toujours dans l’attente d’un logement social. Si nous voulons faire face à la crise du logement, mieux vaudrait créer de nouveaux logements sociaux, plutôt que d’allonger la liste des logements sociaux existants en y intégrant des structures qui ne sont pas faites pour cela.
Un tel article va à l’encontre de la position adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat lors de l’examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS).
Le rapport de la commission des affaires économiques, voté à une large majorité, proposait de stabiliser l’inventaire des logements sociaux et de ne pas y ajouter des logements qui n’avaient rien à voir, comme l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile ou les centres d’hébergement provisoire.
Un an après le rapport de la commission et le vote de cette loi, il nous semble préférable de stabiliser le décompte. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article 19 ter.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 293 rectifié.
M. Guy Benarroche. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 445.
Mme Marianne Margaté. L’article 19 ter vise à inclure les places d’hébergement destinées aux demandeurs d’asile dans le décompte des logements sociaux de la loi SRU.
Une telle inclusion des places d’hébergement dans le décompte de la loi SRU, vieille lune de la droite sénatoriale, est fallacieuse, puisqu’elle va permettre à certaines communes de s’exonérer de la construction de logements sociaux au motif que des centres d’accueil se trouvent sur leur territoire.
En effet, faire entrer dans le domaine des logements sociaux ces centres d’hébergement temporaire leur permettrait de simuler un effort de contribution à la construction de logements sociaux et d’éviter ainsi toute sanction financière. Ils pourraient alors préserver un égoïsme social contraire au pacte républicain, à la solidarité territoriale et à la nécessaire mixité sociale qui en découle.
En République, il n’y a pas à choisir entre des logements sociaux et des structures d’hébergement temporaire.
Il ne nous semble donc absolument pas opportun que certaines collectivités prennent prétexte de cette exigence d’humanité qu’est l’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés pour s’exonérer de leur obligation de construction de logements sociaux.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est bien évidemment défavorable à ces amendements de suppression, puisqu’elle est à l’instigation de cet article 19 ter.
La construction de ce type de logements n’est pas chose si aisée. Sans faire référence à une actualité assez récente, l’intégration dans le quota de ces structures est une façon de saluer l’effort consenti par les collectivités.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 155, 293 rectifié et 445.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 19 ter.
(L’article 19 ter est adopté.)
Article 19 quater (nouveau)
Le titre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 551-12 est ainsi modifié :
a) Les mots : « et les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Sauf décision motivée de l’autorité administrative, les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive de leur demande d’asile ne peuvent pas s’y maintenir. » ;
2° Les deux premiers alinéas de l’article L. 552-15 sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« L’autorité administrative compétente ou le gestionnaire du lieu d’hébergement saisit le juge, après mise en demeure restée infructueuse, afin qu’il soit enjoint à un demandeur d’asile d’évacuer le lieu d’hébergement pour demandeur d’asile qu’il occupe :
« 1° Lorsqu’il est mis fin à l’hébergement dans les conditions prévues aux articles L. 551-11 à L. 551-14 ;
« 2° En cas de comportement violent ou de manquements graves au règlement du lieu d’hébergement. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 314 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 458 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 314 rectifié.
M. Guy Benarroche. L’instauration d’une procédure d’éviction du lieu d’hébergement des personnes nouvellement reconnues comme réfugiées, aujourd’hui restreinte aux personnes déboutées, mettrait sérieusement en péril leur intégration en France. Elle provoquerait leur mise à la rue et les priverait de l’accompagnement dont elles bénéficient.
Ce projet de loi supprime le délai d’un mois, qui permettrait aux personnes de prendre leurs dispositions pour quitter leur lieu d’hébergement, en les obligeant à en sortir immédiatement après la décision de la CNDA, sauf décision du préfet.
Cette disposition n’est pas conforme au droit européen et risque de mettre dans un dénuement extrême encore plus de demandeurs d’asile.
L’inconditionnalité de l’accueil doit être défendue et respectée comme un principe intangible de la lutte contre le sans-abrisme et la précarité, et comme un principe indispensable au respect de la dignité de toute personne humaine.
Selon l’Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), en France, la priorité doit être donnée au développement de solutions de logement pérennes pour ces publics, afin qu’ils puissent quitter les hébergements du dispositif national d’accueil de l’Ofii dans des délais raisonnables.
Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article, qui nous paraît d’une grande violence et qui témoigne, à lui seul, d’une politique migratoire non humaniste, axée sur la répression, le rejet et le tri des personnes.
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 458.
Mme Marianne Margaté. Cet article vise à faire en sorte que les déboutés du droit d’asile ne puissent pas se maintenir dans l’hébergement qui leur a été attribué dans le cadre du dispositif national d’asile.
Une telle possibilité existe déjà dans le droit, elle est à la discrétion de l’administration. Il n’est donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.
En outre, une telle décision pourrait avoir des conséquences dommageables pour les personnes les plus vulnérables. Une femme enceinte pourrait, par exemple, se retrouver à la rue.
Le droit à un hébergement en France est inconditionnel. C’est pourquoi nous vous proposons au travers de cet amendement de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission sera évidemment défavorable : il n’y a aucun sens à refuser de mettre fin à l’occupation infondée des lieux d’accueil. Comment y logerions-nous, sinon, les bénéficiaires du droit d’asile ? Les dispositifs prévus pour l’accueil doivent pouvoir être mis en œuvre de manière efficace.
Par ailleurs, comme M. Benarroche l’a souligné dans son exposé des motifs, l’autorité préfectorale a parfaitement la possibilité de ne pas prendre cette décision et d’y déroger.
Ce dispositif me paraît équilibré. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 314 rectifié et 458.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 645, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 1
Après la référence :
V
insérer les mots :
du livre V
II.- Alinéa 6
Après le mot :
à
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
l’occupant d’un lieu d’hébergement pour demandeur d’asile de l’évacuer :
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit d’apporter une précision sur le référé mesures utiles, qui permet de solliciter le juge administratif pour enjoindre à l’occupant d’un lieu d’hébergement pour demandeur d’asile d’évacuer les lieux, car il n’y a plus droit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 19 quater, modifié.
(L’article 19 quater est adopté.)
Après l’article 19 quater
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 188 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 19 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le mot : « accompagnés », la fin de l’article L. 531-30 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est supprimée.
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Nous souhaitons que la procédure accélérée devant l’Ofpra ne puisse être mise en œuvre lorsqu’il s’agit de mineurs non accompagnés.
Aujourd’hui, la procédure accélérée devant l’Ofpra peut être mise en œuvre à l’égard de mineurs non accompagnés dans trois cas : si le mineur vient d’un pays considéré comme un pays d’origine sûre, s’il a présenté une demande de réexamen ou si sa présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité ou la sûreté de l’État.
L’intérêt supérieur du mineur exige un examen bénéficiant de toutes les garanties procédurales, ce qui n’est pas le cas, à l’évidence, avec la procédure accélérée – juge unique, délais raccourcis –, sans parler de toutes les conséquences en matière de conditions matérielles d’accueil.
M. le président. L’amendement n° 412 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 19 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 531-30 du code d’entrée et de séjour des étrangers et d’asile est ainsi modifié :
1° Après le mot : « accompagnés », sont insérés les mots : « et victimes réelles ou supposées de la traite des êtres humains » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La procédure accélérée ne peut pas être mise en œuvre à l’égard d’une victime de la traite des êtres humains pour le seul motif qu’elle provient d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr au sens de l’article L. 531-25. »
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement de ma collègue Mélanie Vogel vise à interdire le classement d’une demande d’asile en procédure accélérée dès lors qu’elle émane d’une victime de la traite des êtres humains.
Nous le savons, 82 % des victimes de la traite des êtres humains sont des femmes. Elles ont été victimes d’exploitation sexuelle ou d’exploitation par le travail, voire contraintes de commettre des délits.
Malgré la gravité de ce crime, la lutte contre la traite des êtres humains reste très incomplète. Ainsi, sur les 44 mesures du dernier plan d’action national contre la traite des êtres humains, seulement 3 ont été mis en œuvre : 3 sur 44 ! Il est temps de renforcer cette lutte.
Les dispositions de cet amendement se veulent un pas concret vers une meilleure protection des victimes de la traite des êtres humains, dès lors que celles-ci parviennent à s’en extraire.
On le sait, il est extrêmement difficile de sortir de l’emprise des organisateurs de la traite, qui confisquent toute pièce d’identité et menacent la personne avec des mesures de rétorsion très graves, comme l’assassinat de proches, dès lors que la victime tente de s’extraire de la traite. Quelques victimes y parviennent tout de même ou sont libérées à la suite du démantèlement d’un réseau. Quand elles réussissent, nous leur devons une protection.
Or cette protection n’est pas garantie aujourd’hui pour les victimes de la traite qui déposent une demande d’asile une fois qu’elles ont été libérées, car cette demande peut tout simplement être traitée en procédure accélérée. C’est totalement inapproprié, puisque cela ne permet pas d’examiner la demande en détail et limite le droit au recours de la victime contre une décision de refus.
Étant donné que les réseaux de la traite s’étendent souvent entre une multitude de pays et qu’ils se caractérisent par leur complexité, les parcours des victimes, eux aussi, s’étendent souvent sur plusieurs pays.
Or la demande peut être examinée en procédure accélérée pour le motif que le pays d’origine est considérée comme « sûr ».
Ce classement revient, de fait, à méconnaître entièrement les horribles réalités des réseaux de la traite, d’où l’intérêt de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 188 rectifié, les mineurs ne peuvent faire l’objet d’une procédure accélérée que dans des cas extrêmement précis.
De surcroît, l’Ofpra peut décider de ne pas appliquer cette procédure, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner ce matin.
Par ailleurs, le recours à la procédure accélérée ne signifie pas forcément refus de la demande d’asile.
J’émets donc un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 412 rectifié, nous sommes tous conscients de l’horrible réalité que constitue la traite des êtres humains.
Néanmoins, les dossiers peuvent être traités en procédure accélérée, ou non, suivant la décision de l’Ofpra. Les agents de cet office sont précisément formés à traiter ce type de vulnérabilité.
J’émets donc également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. Depuis le début de nos débats, on fait exactement l’inverse de ce qui était proposé au départ !
Au travers de ce projet de loi, il s’agissait de régler le problème des sans-papiers. Pour cela, il nous faut en effet des systèmes de régulation. Et, si l’on veut être ferme, il faut aussi du droit. Or tous les amendements visant à donner du sens au volet intégration de ce texte sont systématiquement refusés, à tel point que nous pourrions parler plutôt de « désintégration » !
Vous favorisez la clandestinité, vous favorisez l’exploitation humaine, vous favorisez la fabrique de sans-papiers et vous livrez ces derniers à tous ceux qui les exploitent et en abusent. C’est scandaleux !
M. Roger Karoutchi. Restons calmes ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le sénateur, nous venons justement d’adopter une disposition proposée par la gauche et visant à régulariser une personne en cas de dépôt de plainte. Évitez donc de dire des contrevérités.
Vous pouvez ne pas être d’accord avec ce texte, mais ne le caricaturez pas ! (M. Akli Mellouli s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 412 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 20
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 2 du chapitre unique du titre III du livre Ier est ainsi rédigée :
« Section 2
« Organisation et fonctionnement
« Art. L. 131-3. – Les formations de jugement de la Cour nationale du droit d’asile sont regroupées en chambres elles-mêmes regroupées en sections. Le nombre des sections et chambres est fixé par décret en Conseil d’État.
« La Cour peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres territoriales. Le siège et le ressort des chambres sont fixés par décret en Conseil d’État.
« Le président de la Cour affecte les membres des formations de jugement dans les chambres.
« Il peut en outre spécialiser les chambres en fonction du pays d’origine et des langues utilisées.
« Art. L. 131-4. – Les membres de la Cour nationale du droit d’asile ne peuvent exercer leurs fonctions au-delà de l’âge de soixante-quinze ans.
« La durée du mandat des membres de la Cour nationale du droit d’asile est fixée par décret en Conseil d’État.
« Tous les membres des formations de jugement participent à plus de douze journées d’audience par an.
« Art. L. 131-5. – Chaque formation de jugement de la Cour nationale du droit d’asile est présidée par un magistrat permanent affecté dans la juridiction, ou par un magistrat non permanent ayant au moins six mois d’expérience en formation collégiale à la Cour nommé :
« 1° Soit par le vice-président du Conseil d’État parmi les membres du Conseil d’État ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, en activité ou honoraires ou les membres du Conseil d’État ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel à la retraite disposant d’une compétence particulière en matière de droit d’asile ;
« 2° Soit par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires ou les magistrats de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes à la retraite disposant d’une compétence particulière en matière de droit d’asile ;
« 3° Soit par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les magistrats du siège en activité et les magistrats honoraires de l’ordre judiciaire ou les magistrats de l’ordre judiciaire à la retraite disposant d’une compétence particulière en matière de droit d’asile.
« Art. L. 131-6. – Lorsqu’elle siège en formation collégiale, la formation de jugement comprend, outre son président, les membres suivants :
« 1° Un deuxième membre choisi parmi les personnes mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 131-5 ou une personnalité qualifiée de nationalité française nommée par le vice-président du Conseil d’État en raison de ses compétences dans le domaine juridique ou géopolitique ;
« 2° Une personnalité qualifiée de nationalité française nommée par le vice-président du Conseil d’État, en raison de ses compétences dans les domaines juridique et géopolitique sur proposition du représentant en France du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés.
« Art. L. 131-7. – À moins que, de sa propre initiative ou à la demande du requérant, le président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de formation de jugement désigné à cette fin ne décide, à tout moment de la procédure, d’inscrire l’affaire devant une formation collégiale ou de la lui renvoyer s’il estime qu’elle pose une question qui le justifie, les décisions de la Cour nationale du droit d’asile sont rendues par le président de la formation de jugement statuant seul.
« Art. L. 131-8. – Le rapport d’activité de la Cour nationale du droit d’asile est rendu public. Il comprend notamment des données quantitatives et qualitatives présentées par sexe et les actions de formation des agents et des membres des formations de jugement, en particulier sur les persécutions en raison du sexe.
« Art. L. 131-9. – Les modalités d’application de la présente section sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 532-6 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « en formation collégiale, » sont supprimés ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « le président de la cour ou le président de formation de jugement qu’il désigne à cette fin » sont remplacés par les mots : « la Cour » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’elle statue en formation collégiale dans les conditions prévues à l’article L. 131-7, la Cour nationale du droit d’asile statue dans le délai mentionné à la première phrase du premier alinéa du présent article. » ;
3° L’article L. 532-7 est abrogé ;
4° À la fin du premier alinéa de l’article L. 532-8, les mots : « L. 532-6 et L. 532-7 » sont remplacés par les mots : « L. 131-6 et L. 131-7 ».
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 20 fait partie du titre IV, « Engager une réforme structurelle du système de l’asile ». Il concerne la Cour nationale du droit d’asile.
Qu’il me soit permis, à cette occasion, de souligner très sincèrement la grande qualité du rapport de plus de 300 pages réalisé par la commission des lois. Cette dernière a effectué de nombreux déplacements et a examiné de nombreuses contributions écrites. J’ai personnellement appris beaucoup de choses en le lisant. Je siège pourtant modestement sur ces travées depuis 2007.
La CNDA a été créée en 2007. Le rapport souligne que son activité est particulièrement importante : 34 000 recours en 2023 et plus de 61 000 recours en 2022, avec des délais qui demeurent malheureusement trop longs.
La CNDA, dont le siège est situé à Montreuil, est une juridiction administrative spécialisée, qui a une compétence nationale. Elle statue au niveau des contentieux sur l’ensemble des recours formés contre les décisions de l’Ofpra.
Le principe de cette réforme repose notamment sur la territorialisation de la CNDA – métropole, outre-mer –, sur la répartition des recours et sur une régionalisation importante.
L’article 20 tend à créer des chambres territoriales en dehors du siège. Il vise également à généraliser le principe du juge unique et à élargir le vivier des assesseurs.
Il s’agit, à mon sens, de mesures d’efficacité, raison pour laquelle je soutiendrai cet article. (M. Yannick Jadot applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, sur l’article.
Mme Corinne Narassiguin. Cet article vise à réformer substantiellement le fonctionnement de la CNDA, avec la création de chambres territoriales et le recours, par principe, au juge unique.
Nous ne sommes pas opposés à cette territorialisation de la CNDA, puisque nous sommes généralement favorables à une plus grande proximité de la justice. Cela permettra, notamment, d’éviter les déplacements jusqu’au siège de Montreuil.
En revanche, nous sommes formellement opposés à l’inversion de la tendance actuelle. Aujourd’hui, environ 79 % des décisions sont prises en formation collégiale, contre 21 % en formation à juge unique. La généralisation du principe du juge unique aura pour effet concret que 80 % des demandes d’asile n’auront été examinées que par une seule personne à l’Ofpra, puis par une seule personne à la CNDA.
La collégialité de la CNDA est absolument indispensable, compte tenu de l’importance de l’oralité et de l’intime conviction dans ce type de décisions.
Il s’agit de la première juridiction de France en nombre de décisions rendues. Nous voulons au minimum garantir le maintien de la présence des représentants du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). En effet, qui mieux qu’eux peut assurer une qualité d’écoute, comprendre les situations politiques pointues des pays d’origine et apporter un jugement mesuré ?
La peine de mort n’existe plus en France, mais en matière d’asile une décision erronée de la part d’une seule personne peut envoyer une personne à la mort.
Monsieur le président, cette prise de parole sur l’article vaudra défense de l’amendement n° 203.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet article étant très important, il me semble tout à fait utile que nous nous y arrêtions quelques instants.
La réforme proposée vise à poursuivre la simplification ou la rationalisation – nous en avons débattu précédemment – du traitement de l’asile.
Nous le savons, la principale difficulté de la France n’est pas d’être laxiste : elle accorde en général moins l’asile que les autres pays européens. Notre difficulté est plutôt de mettre trop de temps à répondre aux demandes.
Si l’on dit oui trop tard, les gens peinent à s’intégrer avec leur famille, car les demandeurs touchent une prestation sociale à 320 euros et habitent des logements temporaires.
Si l’on dit non trop tard, cela leur laisse malheureusement le temps de s’installer dans une forme d’irrégularité, de se marier, d’avoir une vie privée et familiale en France et d’avoir des enfants sur le sol français. Nous retombons alors dans les difficultés d’application des décisions de reconduite à la frontière que nous connaissons bien.
Le cœur du projet du Gouvernement, indépendamment de la lutte contre les délinquants étrangers et de l’exigence d’intégration, est donc la simplification des procédures au sens très large du terme, notamment des procédures d’asile, qui connaissent un détournement.
La loi Collomb a permis d’améliorer le travail de l’Ofpra, qui est passé de huit ou neuf mois pour étudier une demande d’asile à quatre mois aujourd’hui. C’est aussi un effet de la création de 200 emplois supplémentaires à l’Ofpra.
Néanmoins, le traitement des demandes par la CNDA est trop lent, du fait de la complexité de la procédure, et il existe des difficultés d’organisation.
La territorialisation, qui vise à rapprocher la cour des personnes, me paraît une bonne chose. Par ailleurs, le juge unique est également un gage d’avancées – nous l’avons vu notamment au moment de la crise de la covid-19, une période au cours de laquelle nous avons pris beaucoup de retard.
En revanche, vous ne trouverez pas dans l’article 20 tout ce que vous avez pu lire dans la presse ou entendu dire dans les interventions liminaires.
Le principe du juge unique n’est pas généralisé : le recours au juge unique est simplement permis. En cas d’affaires géopolitiques complexes, de questions tournant autour de l’identité ou de la religion, il sera toujours possible à la cour de statuer en formation collégiale. Nous n’interdisons pas la collégialité ! Nous souhaitons simplement généraliser le recours au juge, notamment pour toutes les décisions sans cesse répétées, car il existe bel et bien une jurisprudence de la CNDA.
En revanche, si l’affaire est plus complexe – je pense à l’Érythrée ou à l’Afghanistan, avec la fameuse jurisprudence Kaboul – ou lorsque se poseront des questions de principe, le juge pourra décider d’inscrire l’affaire devant une formation collégiale.
Je le répète, cet article ne tend pas à supprimer le principe de collégialité au sein de la CND, il vise simplement à simplifier la procédure, afin d’instruire plus rapidement les dossiers, sans remettre en cause la protection offerte.
Je rappelle en effet à Mme Narassiguin que le principe de protection est le même, qu’il s’agisse d’une formation collégiale ou d’un juge unique. Après tout, comme elle l’a reconnu elle-même, la cour statue déjà en juge unique !
Par ailleurs, le Conseil d’État, qui est très sourcilleux quant aux évolutions de la CNDA, a considéré « que les nouvelles dispositions ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel ». C’est d’autant plus vrai que le fait que la CNDA statue à juge unique ne porte pas atteinte aux droits de la défense.
Enfin, si nous adoptons ce projet de loi, nous ne serons pas le seul pays à nous organiser de cette manière. L’Allemagne est le pays d’Europe qui reçoit le plus de demandes d’asile ; bien que ce pays soit gouverné par les sociaux-démocrates et les écologistes, ses juridictions administratives, qui examinent les recours des demandeurs d’asile, statuent à juge unique ! C’est aussi le cas de la Belgique, pourtant gouvernée également par une coalition que l’on pourrait qualifier de progressiste, qui reçoit également beaucoup de demandes d’asile.
Nous proposons donc une simplification de la procédure, sans pour autant rogner sur les droits des demandeurs d’asile. Cela concourra à l’objectif de ce projet de loi, à savoir faire en sorte que l’intégralité de la demande d’asile – depuis l’enregistrement à la préfecture jusqu’au recours à la CNDA, en passant par l’entretien à l’Ofpra – puisse se dérouler en six mois, au lieu de prendre largement plus d’un an comme c’est le cas aujourd’hui.
J’émettrai donc un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui viseraient à déflorer cet article.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 38 rectifié est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 301 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 16
Supprimer les mots :
Lorsqu’elle siège en formation collégiale
II – Alinéas 19 et 22 à 28
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié.
Mme Marianne Margaté. Comme le soulignent de nombreuses associations, depuis 1952, la Commission des recours des réfugiés, puis la CNDA, qui lui a succédé, est une juridiction collégiale composée d’un magistrat administratif et quelquefois d’un magistrat judiciaire, ainsi que de personnalités qualifiées nommées par le vice-président du Conseil d’État et surtout par le Haut-Commissariat aux réfugiés.
Cette spécificité est à nos yeux gage d’impartialité. Or c’est ce que l’article 20 propose de supprimer, au nom d’une prétendue efficacité.
Certes, il est nécessaire que les demandes d’asile soient examinées plus rapidement. Mais, pour atteindre cet objectif, nous devrions revoir à la hausse les moyens employés plutôt que de réduire les garanties procédurales, dont le principe de la collégialité fait partie.
Or, comme le soulignent de nombreuses associations, la présence de trois juges permet de croiser les regards et d’éviter de se laisser guider par des représentations personnelles pour juger de la crédibilité et la cohérence du récit de la personne demandant refuge et asile.
Selon Amnesty International, « Une journée d’audience, ce sont treize dossiers examinés, treize histoires de vie très différentes : d’un opposant politique sri-lankais à une jeune fille fuyant l’excision en Guinée, en passant par des persécutions liées à l’orientation sexuelle… Trois juges ne sont pas de trop lorsqu’il s’agit de traiter de dossiers si sensibles. De nombreuses personnes qui demandent l’asile jouent leur vie et leur sécurité à ces audiences. »
C’est pourquoi nous nous opposons à toutes les mesures visant à amoindrir les garanties offertes aux demandeurs d’asile, en particulier dans des audiences où l’intime conviction est le principal critère de décision.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 301 rectifié.
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, vous employez des éléments de langage pour éviter de parler d’une généralisation des jugements à juge unique. (M. le ministre proteste.) N’utilisons pas cette expression, dans ce cas : disons que le recours à un juge unique devient la règle et la collégialité une simple possibilité.
De même, comme souvent, vous citez des exemples de pays européens dont la pratique est similaire à celle que propose le projet de loi, en ajoutant que ces pays sont dirigés par des gouvernements progressistes ou de gauche. Mais je pourrais vous citer autant de pays européens dont les gouvernements sont libéraux ou de droite et qui, pourtant, statuent en formation collégiale.
M. Guy Benarroche. Je vous remercie de le reconnaître, monsieur le ministre !
Le projet de loi marque un recul important des garanties procédurales, parce qu’il établit la règle du juge unique et affaiblit l’efficacité de notre régime d’asile.
Le principe de collégialité est consacré de façon générale par le code de justice administrative. Le Conseil constitutionnel veille à son application lorsqu’il examine la conformité d’une loi aux normes constitutionnelles. De même, le Conseil d’État a reconnu « la particulière importance que revêt, pour les demandeurs d’asile, la garantie d’un examen de leur recours par une formation collégiale, telle qu’instituée en principe par le législateur », dans sa décision n° 440717 du 8 juin 2020.
La collégialité est ainsi un élément clé pour une justice équitable. L’objectif est de juger plus vite, certes, monsieur le ministre, mais aussi de juger mieux, ou en tout cas pas plus mal. Les affaires jugées à la CNDA étant très complexes, elles doivent donner lieu à ces échanges, en particulier lors des audiences, compte tenu de la forte dimension orale du contentieux de l’asile.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mme Girardin, M. Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 22 à 28
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. L’attachement à la collégialité au sein des juridictions est une constante des positions du groupe RDSE.
L’intérêt de la collégialité est de limiter l’isolement, ainsi que les erreurs que peut commettre un individu seul, livré à lui-même, dans un travail souvent éreintant. On pourrait citer le cas du juge Burgaud ou celui, plus récent, de ce magistrat de la CNDA qui a été écarté de ses fonctions en raison de ses publications sur les réseaux sociaux.
Pour éviter ces écueils, cet amendement a pour objet de ne pas revenir sur le principe de la collégialité comme procédure ordinaire.
M. le président. L’amendement n° 203, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 19
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéas 22 à 26
Supprimer ces alinéas.
III. - Alinéa 27
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° À la première phrase de l’article L. 532-7, les mots : « qu’elle soulève une difficulté sérieuse » sont remplacés par les mots : « qu’elle pose une question qui le justifie » ;
IV. - Alinéa 28
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. L’article 20 présente deux éléments de réforme : d’une part, la territorialisation de la CNDA et, d’autre part, l’organisation du jugement par une formation collégiale ou par un juge unique.
Aucun amendement de suppression visant les alinéas relatifs à la territorialisation de la CNDA n’a été déposé, monsieur le ministre. Toutefois, je dois à notre assemblée quelques explications.
Nous n’avons pas émis d’avis défavorable sur ce point, car cette proximité accrue peut avoir un intérêt. Cependant, nous attirons votre attention sur le coût éventuel de cette réforme. Vous proposez la création de cinq à six chambres territoriales, en précisant que les salles d’audience seront celles des cours administratives d’appel. Nous avons quelques doutes quant au niveau des investissements qui seront nécessaires…
Sans vouloir polémiquer, je vous rappelle, même si vous avez déjà bien en tête cet élément, que, avant de lancer votre réforme, l’État avait décidé de doter la CNDA de nouveaux locaux, qui seront inaugurés dans un peu plus de deux ans. Nous ne voudrions pas que, à la date de l’inauguration, de nombreux mètres carrés se révèlent finalement inutiles en raison de la création des chambres territoriales survenue dans l’intervalle. Nous espérons que vous saurez vous en assurer.
J’en arrive au sujet soulevé par les auteurs de ces amendements, qui visent exclusivement la composition de la chambre de jugement.
M. le ministre nous a déjà donné deux éléments de réponse.
Premièrement, la plupart des pays européens fonctionnent de cette manière.
Deuxièmement, nous avons interrogé les associations, et aucune ne s’est plainte : en effet, le taux d’approbation et de rejet par les juges uniques et par les formations collégiales est exactement le même.
Il n’y a donc pas de problème selon nous. Toutefois, si vous avez un doute, je voudrais vous donner deux arguments supplémentaires.
Tout d’abord, la CNDA se situe dans l’environnement du Conseil d’État, si j’ose dire. C’est un conseiller d’État qui la préside, et le Conseil d’État est le juge de cassation de cette cour. Or le Conseil d’État a une culture de la collégialité. Ne vous inquiétez donc pas : si un problème se pose en la matière, le Conseil d’État y remédiera.
Ensuite, chers collègues, il me semble que votre lecture du texte concerné est partielle : vous omettez notamment ce qui constitue la clé de sa rédaction et qui, sans être discourtois vis-à-vis des services de M. le ministre, est caractéristique de la section du contentieux du Conseil d’État.
En effet, selon cette rédaction, le président de la CNDA ou de la formation en juridiction peut renvoyer devant une formation collégiale « s’il estime qu’elle pose une question qui le justifie ».
La formule est extrêmement large : à tout moment, la CNDA peut renvoyer le jugement à une formation collégiale. Certes, la notion de « difficulté sérieuse » aurait semblé plus familière aux juristes, mais, dans son avis sur le projet de loi publié le 26 janvier 2023, le Conseil d’État a préféré lui substituer celle qui a été précédemment citée ; si elle est inhabituelle, cette rédaction est la seule possible et la plus pertinente.
En effet, une affaire peut apparaître « sérieuse » au mois de novembre 2023, mais présenter beaucoup moins de difficultés un an plus tard au regard de l’évolution de la situation géopolitique du pays ; à l’inverse, un pays dont la situation ne pose a priori pas de difficultés peut en révéler d’importantes quelques mois plus tard.
La rédaction que je vous ai lue signifie donc que le président de la CNDA, à tout moment, peut orienter les dossiers suivant la complexité de la situation à évaluer. Il s’agit tout simplement de tenir compte de l’évolution de la situation géopolitique. C’est une rédaction de bon goût !
J’émets donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je veux tout de même attirer l’attention de nos collègues sur deux autres effets importants de la fin de la collégialité.
Tout d’abord, vous parliez de jugements tenant compte de la situation géopolitique, monsieur le rapporteur. Mais la fin de la collégialité prive la CNDA d’une expertise essentielle dans ce domaine, car au moins l’un de ses assesseurs est un représentant du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés. De l’avis même des magistrats de la CNDA, ce sont ces personnes qui apportent une vision fine et réaliste de la situation politique et géopolitique des pays d’origine. Renoncer à la collégialité, c’est se priver de l’expertise déterminante à laquelle vous venez de faire allusion, monsieur le rapporteur.
Ensuite, les assesseurs ne sont pas des juges. Aussi, se priver des assesseurs ne permettra pas de démultiplier le nombre d’audiences. La suppression de la règle de la collégialité n’affecte pas directement les délais de traitement ou le nombre de dossiers étudiés.
Ces éléments me parviennent directement de la CNDA, je le précise. En effet, en plus de siéger à la commission des lois, où de nombreuses auditions ont été organisées, j’ai été rapporteur pour avis du projet de loi de finances pour 2023, notamment pour le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives ». La CNDA figurant parmi ces dernières, je m’y rends régulièrement depuis quatre ans et j’ai rencontré les présidents successifs de cette cour.
J’ai eu l’occasion d’auditionner nombre de présidents, de magistrats, de greffiers et d’avocats de la CNDA. Ce que je vous dis ne vient donc pas de nulle part. Je vous incite d’ailleurs à vous rendre sur place pour vous informer de l’avis du personnel de cette cour sur la suppression de la collégialité.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous tenons à préserver la règle de la collégialité, plutôt que d’en faire une exception à la règle du recours au juge unique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 rectifié et 301 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 242, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
juridique ou géopolitique
par les mots :
juridique, géopolitique, climatique ou des droits des femmes
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 243, dont la rédaction et l’objet sont très proches.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 243, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer les mots :
juridique ou géopolitique
par les mots :
juridique, géopolitique, climatique ou des droits des femmes
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Laurence Rossignol. Ces deux amendements visent à modifier les alinéas 17 et 18 de l’article 20, qui concernent l’un et l’autre les personnalités qualifiées siégeant dans la formation collégiale. Je poursuis ainsi l’échange qui a été engagé ce matin avec M. le ministre sur l’évolution du droit d’asile, qui est elle-même liée à l’évolution des causes des migrations.
Par ces deux amendements, je propose que, aux compétences en matière juridique et géopolitique requises pour les personnalités qualifiées, nous ajoutions des compétences en matière de climat et de droits des femmes. Nous prendrions ainsi acte de ce que la question climatique et la question des oppressions spécifiques et des violences subies par les femmes dans différents pays d’origine doivent également être connues par les personnalités qualifiées qui siègent dans cette commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Rien ne justifie de demander une compétence spécifique en matière climatique, la notion de réfugié climatique n’existant pas à l’heure actuelle.
Cependant, madame Rossignol, l’examen de votre amendement me permet de répondre aux nombreux amendements qui avaient été déposés par Mme Vogel et que son groupe a retirés. Ils avaient pour objet le niveau d’information de la CNDA sur les oppressions subies par les personnes LGBT.
Nous avons interrogé la CNDA pour connaître son action en matière de sensibilisation sur les situations des femmes et sur toutes les formes de discrimination, notamment envers les personnes LGBT, pour répondre à la préoccupation de Mme Vogel.
D’après ce que nous en avions lu dans le rapport de la CNDA, nous pensions que le niveau d’information sur ces questions était élevé. Toutefois, en cherchant à en savoir davantage, nous avons été agréablement surpris par la qualité de la formation proposée, et cela à trois niveaux.
Tout d’abord, chaque nouveau membre de la CNDA suit deux modules de formation chaque année – un par semestre – d’une durée de trente heures chacun, sur ces sujets.
Ensuite, dans le cadre de la formation continue, la CNDA organise trois formations par an sur les mêmes thématiques, pour une durée de trente-cinq heures chacune, ce qui ne me paraît pas négligeable.
Enfin, nous avons mieux compris de quelle manière la CNDA se tenait informée de la situation dans les différents pays d’origine des réfugiés, à laquelle faisait référence M. Benarroche : la CNDA actualise en permanence un fonds documentaire et propose différents focus par pays, qui permettent par exemple de connaître de manière détaillée la situation des personnes LGBT dans un sous-groupe de pays, et non pas de manière trop large.
À l’issue de ces recherches, nous sommes satisfaits quant à la qualité du travail réalisé à cet égard par la CNDA.
J’émets par conséquent un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de la qualité de votre réponse. Je me réjouis que vous ayez trouvé à la CNDA des personnes parfaitement compétentes et formées sur les droits des personnes LGBT, le changement climatique et les violences faites aux femmes.
Cependant, je tiens à vous faire remarquer que ce que vous avez découvert est exceptionnel ! Aujourd’hui, en France, nous formons des policiers, des magistrats, des travailleurs sociaux à la spécificité des violences sexuelles et à la manière de les détecter. Visiblement, à la CNDA, c’est déjà fait : je m’en réjouis ! (Sourires sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. L’amendement n° 244, présenté par Mmes Rossignol, de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 20, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et sur les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes au cours de leur trajet migratoire
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Nous avons évoqué ce matin la question des violences sexuelles subies par les femmes au cours de leur trajet migratoire.
Un certain temps va s’écouler avant que la convention de Genève ne soit réformée : d’ici là, il s’agit de semer de petits cailloux pour que ces sujets commencent enfin à être pris en compte.
Au travers de cet amendement, nous proposons que le rapport d’activité annuel de la CNDA s’intéresse aux violences sexistes et sexuelles subies par les femmes au cours de leur trajet migratoire.
Je sais que ce qui se passe durant le trajet migratoire n’est pas pris en compte dans les conditions d’accès à l’asile : il est inutile de m’opposer cet argument. Toutefois, rien ne nous empêche de mieux identifier et mesurer les violences auxquelles les femmes peuvent être exposées pendant ce trajet migratoire.
J’ai entendu M. le ministre dire ce matin que ce n’était pas une mauvaise idée : tout ce qui nous permettra de mieux appréhender collectivement ce sujet me paraît donc bienvenu.
Au cas où vous auriez un jour l’intention d’émettre un avis favorable sur l’un de nos amendements sur ce texte,…
Mme Laurence Rossignol. … n’hésitez pas : cette disposition ne vous coûtera rien, vous ne renoncerez à rien et vous ferez œuvre utile !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Vous avez vous-même apporté la réponse à votre demande, ce qui est particulièrement appréciable, madame Rossignol.
Je profite de cette intervention pour rappeler combien le phénomène migratoire interroge l’ensemble de nos sociétés, notamment les bonnes consciences qui se sont exprimées. La migration n’est pas qu’un phénomène favorable : elle intervient dans des conditions extrêmement difficiles. Cela doit selon moi nous engager, et vous également, à faire preuve de responsabilité.
Mme Laurence Rossignol. Je n’ai rien compris !
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas grave… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cela signifie que, avant de chercher à favoriser les déplacements des personnes, il faut tout de même réfléchir à la gestion du phénomène migratoire !
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Étant donné que j’ai évoqué dans la présentation de mon amendement la réponse technique ou juridique qui pouvait m’être adressée, M. le rapporteur a cherché une autre façon de justifier son avis défavorable.
Je ne vois vraiment pas en quoi la prise en compte de cette dimension dans le rapport d’activité de la CNDA pourrait d’une quelconque façon faciliter ou accroître les migrations !
Mieux connaître les parcours de celles et ceux qui arrivent chez nous n’est en aucun cas synonyme d’une ouverture du droit d’asile. Selon vous, s’intéresser aux violences subies pendant le parcours migratoire constitue encore un appel d’air ?
M. Francis Szpiner. Le rapporteur n’a jamais dit cela !
Mme Laurence Rossignol. Si ! De grâce, soyons sérieux ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 302 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Compléter cet alinéa par les mots :
sauf celles ayant attrait au renvoi en formation collégiale
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement de repli vise aussi la collégialité.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires est attaché à la collégialité, en particulier celle de la CNDA, ainsi qu’aux expertises apportées par ses assesseurs, notamment celles du représentant du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies. En effet, cette expertise n’est pas comparable à celle que peuvent offrir des documents réalisés par la CNDA, même s’ils sont régulièrement actualisés et comprennent des focus sur des pays précis, chacun le comprendra.
Nous souhaitons que le décret prévu par l’article qui remplace la règle de la collégialité par celle du recours au juge unique ne puisse pas définir les conditions et les modalités d’un retour à la collégialité.
La CNDA est une institution présidée par un conseiller d’État, lequel ne devrait pas être privé de son pouvoir d’organisation, plus encore dans la perspective du déploiement de la CNDA dans les territoires.
Aussi, à défaut d’avoir pu conserver le principe de la collégialité, nous proposons par cet amendement que le décret prévu par l’article n’obère pas la capacité de la CNDA à définir les conditions pour revenir à la collégialité, en lien avec les préconisations du Conseil d’État déjà établies, par exemple pour statuer sur les demandes de personnes issues de certains groupes sociaux.
M. Roger Karoutchi. Cela n’est pas possible !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. J’avoue ne pas comprendre votre question. Je vous ai lu tout à l’heure l’alinéa 19 de l’article 20. Le président de la CNDA, comme tout président de formation, peut à tout moment revenir à la collégialité s’il l’estime utile, comme le précise le texte.
Vous m’accorderez que cette seule précision est une motivation assez aisée à fournir. À ma connaissance, toute juridiction française, qu’elle relève du droit public ou du droit judiciaire privé, obéit aux mêmes règles : le président fixe l’organisation de sa juridiction.
Selon moi, cet amendement est satisfait. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. M. le rapporteur a raison. Monsieur Benarroche, je ne voudrais pas que ceux qui nous écoutent et qui n’ont pas nécessairement connaissance de l’intégralité du projet de loi estiment que celui-ci supprime la collégialité, afin de la remplacer par le recours au juge unique. Ce n’est pas ce qui est écrit.
Je vous rappelle le texte de l’article 20, alinéa 19 : « Art. L. 131-7 – À moins que, de sa propre initiative ou à la demande du requérant, le président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de formation de jugement désigné à cette fin ne décide, à tout moment de la procédure, d’inscrire l’affaire devant une formation collégiale ou de la lui renvoyer s’il estime qu’elle pose une question qui le justifie, les décisions de la Cour nationale du droit d’asile sont rendues par le président de la formation de jugement statuant seul. »
À tout moment de la procédure, soit le président lui-même, soit le requérant ou son conseil peut demander un jugement collégial. Ce n’est pas une révolution !
Ne caricaturons pas cet article : ces jurisprudences s’appliquent à certaines personnes. Si le récit ou la défense du dossier présente une exception, le requérant peut demander lui-même un jugement en formation collégiale, qui est de droit. Le jugement en collégialité permet alors de créer une autre jurisprudence.
Je le répète, les taux de protection sont les mêmes, que le jugement soit rendu par un juge unique ou par une formation collégiale.
Vous qui connaissez ces dossiers, vous le savez. Mais je crains que les arguments rationnels et la lecture du texte ne puissent vous satisfaire, puisque ce que vous souhaitez, c’est empêcher la possibilité du juge unique. Et je soupçonne, monsieur Benarroche, que vous vous y opposez seulement pour que les délais de la procédure de recours à la CNDA restent étendus. Je ne vois pas d’autre explication à votre défense répétée de la modification de cet article !
Cet article, ce n’est pas la révolution : il s’agit seulement de permettre à un président ou à un requérant de demander le passage à la collégialité quand il le souhaite.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Cet article, ce n’est pas une révolution, en effet. Mais, à ma connaissance, le Parlement fait rarement la révolution…
M. Guy Benarroche. Monsieur le ministre, quelle est la différence entre faire de la collégialité la règle et du recours au juge unique l’exception, d’une part, et faire du jugement par un juge unique la règle et le recours à une formation collégiale l’exception, d’autre part – dans les deux cas, à la demande du requérant ?
Autrement dit, pourquoi introduire cet article, au lieu de conserver le principe de la collégialité, avec la possibilité d’un jugement à juge unique ? Cela ne serait pas non plus une révolution !
M. le président. L’amendement n° 426 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À l’article L. 522-3, après le mot : « viols », sont insérés les mots : « et autres agressions sexuelles » ;
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement, déposé sur l’initiative de ma collègue Mélanie Vogel, propose d’élargir l’évaluation de la vulnérabilité des demandeuses d’asile aux victimes d’agressions sexuelles.
Les femmes qui demandent l’asile en France ont fréquemment été victimes d’agressions sexuelles et sexistes.
En premier lieu, elles ont souvent été confrontées à ces violences dans leur pays d’origine. À titre d’exemple, l’Ofpra note que les femmes originaires du Tchad témoignent régulièrement de violences faites aux femmes, dont des mariages forcés, des violences conjugales et des mutilations sexuelles, y compris envers les filles de la demandeuse.
En second lieu, les violences commises dans le pays d’origine sont malheureusement loin d’être les seules auxquelles s’exposent les demandeuses d’asile. Très vulnérables lorsqu’elles quittent leur pays d’origine, elles risquent de devenir victimes de violences sexuelles dans tous les pays par lesquels elles passent. Les témoignages sont aussi tragiques que nombreux.
ONU Femmes alerte sur le fait que les femmes et les enfants deviennent souvent victimes d’agressions sexuelles lors de leur parcours migratoire, et ce non seulement une fois, mais à plusieurs reprises. Ainsi, sur la route migratoire entre la Libye et l’Italie, 90 % des femmes et des enfants ont été victimes de violences sexuelles.
Pour autant, très peu de femmes signalent ces faits une fois qu’elles sont arrivées en France, et elles restent traumatisées. Il faut donc améliorer la protection des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles qui demandent l’asile en France.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose ainsi que les victimes des agressions sexuelles soient enfin reconnues comme vulnérables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Là encore, il n’y a pas de débat quant au fond : évidemment, tout le monde est préoccupé par le problème des violences et des agressions sexuelles.
L’article L. 522-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile propose une liste indicative, et, comme dans toute liste, chacun va regretter l’absence d’un élément. Mais cette énumération comprend déjà les « autres formes […] de violences psychologiques, physiques ou sexuelles ». Sans vouloir nous lancer dans un débat sémantique, nous avons le sentiment que la notion de « violence sexuelle » a une extension plus large que celle d’agression sexuelle. (Mme Laurence Rossignol acquiesce.)
Mon cher collègue, je vous répète la même chose : nous comprenons vos préoccupations, mais nous ne percevons pas de motifs de réécrire l’article.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 20.
(L’article 20 est adopté.)
Article 20 bis (nouveau)
L’article L. 532-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président de la formation de jugement peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice. »
M. le président. L’amendement n° 205, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
peut
insérer les mots :
, de sa propre initiative ou sur demande des parties,
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai l’amendement suivant en même temps que celui-ci.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 206, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
l’étranger
insérer les mots :
ou à son conseil
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Colombe Brossel. L’article 20 bis, ajouté par la commission des lois, dispose que, lors des audiences devant la CNDA, « le président de la formation de jugement peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice ».
Nous proposons, via l’amendement n° 205, de préciser que la demande puisse également être faite par les parties.
Selon la même logique, la rédaction actuelle de l’article ne prévoit pas le cas où l’avocat serait aux côtés de l’étranger qu’il conseille et assiste. Par l’amendement de précision rédactionnelle n° 206, nous proposons donc que le président de la formation de jugement puisse suspendre l’audience également lorsque la qualité de la transmission ne permet pas à l’avocat de présenter ses explications.
Telles sont les deux précisions que nous voulons introduire dans cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Mme de La Gontrie nous avait déjà convaincus lors de la réunion de commission : la commission émet donc un avis favorable sur ces deux amendements.
Mme Colombe Brossel. Quel succès, Mme de La Gontrie ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 20 bis, modifié.
(L’article 20 bis est adopté.)
TITRE V
SIMPLIFIER LES RÈGLES DU CONTENTIEUX RELATIF À L’ENTRÉE, AU SÉJOUR ET À L’ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS
Chapitre Ier
Contentieux administratif
Avant l’article 21
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 309 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Avant l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la dématérialisation des rendez-vous en ligne en préfecture et sur l’impossibilité d’accéder aux démarches de régularisation, ainsi que les mesures pour y remédier.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Aujourd’hui, les personnes étrangères ne peuvent plus se présenter au guichet en préfecture pour obtenir des rendez-vous, formuler des demandes de titres de séjour ou présenter des demandes d’asile.
Cette situation gravissime, vécue quotidiennement par les personnes étrangères, découle directement de la dématérialisation des prises de rendez-vous, les créneaux mis en ligne étant saturés. De fait, des personnes se retrouvent en situation irrégulière en raison de ce manquement des services publics.
Ainsi, de nombreux dossiers déposés en 2019 n’ont toujours pas été instruits. Les juridictions et les tribunaux administratifs font face à une augmentation très importante du nombre des référés mesures utiles pour obtenir des rendez-vous en préfecture, en raison de l’absence de créneau disponible sur internet. Les tribunaux administratifs nous expliquent même qu’ils sont devenus les secrétariats des préfectures…
Dans sa décision du 27 novembre 2019, le Conseil d’État concluait qu’une solution de rechange à la saisine par voie électronique devait toujours être proposée. Tel n’est pas le cas aujourd’hui.
Le manque de personnel en préfecture pour traiter les dossiers, la dématérialisation et la disparité des pratiques préfectorales ne font qu’allonger les délais d’attente pour obtenir une régularisation ou le statut de réfugié.
Le GEST encourage le Gouvernement à transformer l’essai et à financer les services de préfecture à la hauteur des enjeux qu’ils traitent, notamment pour les étrangers. Nous aurons l’occasion d’en discuter dans le cadre du projet de loi de finances, puisque nous ne pouvons pas le faire dans ce texte.
Ces manquements entraînent de graves conséquences sur la situation des personnes, telles que des ruptures ou un non-renouvellement des contrats de travail, une interruption de l’assurance maladie ou du versement des prestations sociales.
Ce sont les manquements de l’administration qui créent l’irrégularité de la situation d’un certain nombre de personnes étrangères.
M. le président. L’amendement n° 459, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Avant l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’impossible accès des personnes étrangères aux préfectures et les mesures pour y remédier.
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. M. Benarroche le disait, l’engorgement des préfectures est dénoncé par tous les acteurs. Le dysfonctionnement du service d’accueil des étrangers en préfecture est tel que certains sont en effet contraints de demeurer en situation irrégulière, au risque d’être expulsés du territoire.
Pour les personnes voulant demander le renouvellement de leur droit au séjour, l’impossibilité d’accéder aux services de la préfecture peut entraîner des ruptures ou un non-renouvellement des contrats de travail, ainsi qu’une interruption de l’assurance maladie ou du versement des prestations sociales.
La vie des gens tient donc au fonctionnement kafkaïen, disons-le, des services d’accueil des étrangers.
Cette situation s’est cristallisée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui a provoqué la diminution drastique des effectifs dans les préfectures. La dématérialisation des prises de rendez-vous a réduit comme peau de chagrin les plages horaires disponibles.
Le report pèse sur les tribunaux, comme notre collègue Benarroche l’indiquait, mais également sur les collectivités : les accueils des mairies sont en effet devenus les accueils des préfectures pour ce qui concerne la gestion des titres de droit de séjour.
Nous assistons à des dysfonctionnements de fond : on crée des réseaux pour capter les compétences personnelles des gens. Cela devient n’importe quoi ! Ces décisions relèvent de la déréglementation.
La situation est d’autant plus alarmante qu’elle entraîne ensuite un engorgement des tribunaux administratifs, le recours contentieux devenant un préalable presque obligatoire à l’accès aux guichets préfectoraux. Ce n’est pas acceptable, ni pour les usagers ni d’ailleurs pour les agents, qui sont placés dans des situations épouvantables, que ce soit dans les collectivités, les tribunaux ou les préfectures.
La volonté de contrôler les flux migratoires ne saurait passer par une détérioration insidieuse des conditions d’accueil des usagers et de travail des agents. Les ressortissants étrangers qui se présentent en préfecture, quelle que soit leur situation administrative, sont des usagers. À ce titre, ils sont dignes de respect.
C’est le sens de notre demande de rapport sur l’impossible accès des personnes étrangères en préfecture et sur les mesures envisagées pour y remédier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Ces deux amendements visant à demander des rapports, vous vous doutez, mes chers collègues, que l’avis de la commission sera défavorable.
Pour une fois, cependant, je n’apporterai pas la réponse habituelle, car ce rapport est déjà disponible : chaque année, dans le cadre de l’avis qu’elle rend sur le texte budgétaire, la commission des lois examine ces deux sujets.
Mme Jourda en est le témoin, nous ne ménageons pas le ministre de l’intérieur quant aux dysfonctionnements des services d’accueil en préfecture : à chaque fois, nous lui manifestons nos inquiétudes quant à la gestion par le système dématérialisé du ministère de l’intérieur de la police des étrangers. Ses équipes le savent également : nous n’avons pas totalement confiance dans l’Anef, le système de l’administration numérique pour les étrangers en France.
Ce sujet de discussion est récurrent : nous y reviendrons le lundi 4 décembre prochain, sauf erreur de ma part, en rendant notre avis sur la mission « Immigration, asile et intégration ».
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je vous remercie de ne pas avoir apporté la réponse habituelle, monsieur le rapporteur, mais je vous rappelle que je suis moi-même rapporteur d’autres programmes du budget !
Dans nos rapports budgétaires, nous examinons peut-être ce qu’il en est de l’utilisation des crédits, mais, jusqu’à présent, cela ne semble pas servir à grand-chose. Sur ce sujet, un rapport du Sénat aurait peut-être plus d’effets que le rapport pour avis du rapporteur de la commission des lois…
Par ailleurs, la multiplication des réclamations faites au Défenseur des droits par des étrangers ne parvenant pas à obtenir un rendez-vous en préfecture constitue un signe clair de cette situation : entre 2019 et 2022, les réclamations relatives au droit des étrangers ont augmenté de 233 % ! Ce dernier est devenu le premier motif de saisine de l’institution, passant de 10 % à 24 % des réclamations reçues par l’institution.
Cet accroissement concerne essentiellement l’obtention de rendez-vous, les difficultés en lien avec la dématérialisation des guichets et les délais d’instruction excessifs.
Par cet amendement, nous proposons au Gouvernement, d’une manière qui est certes détournée, mais qui est la seule que nous puissions utiliser dans le cadre de ce projet de loi, c’est-à-dire au moyen d’un rapport, de remédier à cette situation d’impossible accès aux services publics, qui porte atteinte à l’accès des personnes étrangères à leurs droits et empêche leurs démarches de régularisation.
Nous aurions souhaité des engagements du ministre. Par exemple, il aurait pu nous assurer que les amendements que nous déposerons au projet de loi de finances seront examinés à l’aune de l’argumentation que je viens de développer.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 459.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 21
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un livre IX ainsi rédigé :
« LIVRE IX
« PROCÉDURES CONTENTIEUSES DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF
« Art. L. 910-1. – Les recours ouverts devant la juridiction administrative contre les décisions prévues au présent code sont régis par le code de justice administrative sous réserve des dispositions du présent code.
« Art. L. 910-2. – Conformément à l’article L. 271-1, le présent livre est applicable à l’étranger dont la situation est régie par le livre II.
« TITRE Ier
« PROCÉDURE COLLÉGIALE SPÉCIALE
« Art. L. 911-1. – Lorsqu’une disposition du présent code prévoit qu’une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai d’un mois suivant la notification de la décision. Sous réserve des troisième et avant-dernier alinéas du présent article, il statue dans un délai de six mois à compter de l’introduction du recours.
« L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle, au plus tard lors de l’introduction de son recours.
« Si, en cours d’instance, l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.
« Si, en cours d’instance, l’étranger est placé en rétention administrative, le tribunal administratif statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.
« Dans les cas prévus aux troisième et avant-dernier alinéas du présent article, l’affaire est jugée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du présent livre.
« TITRE II
« PROCÉDURES À JUGE UNIQUE
« CHAPITRE Ier
« Délais de recours et de jugement
« Art. L. 921-1. – (Supprimé)
« Art. L. 921-2. – Lorsqu’une disposition du présent code prévoit qu’une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de sept jours suivant la notification de la décision. Sous réserve de l’article L. 921-5, il statue dans un délai de quinze jours à compter de l’introduction du recours.
« Art. L. 921-3. – Lorsqu’une disposition du présent code prévoit qu’une décision peut être contestée selon la procédure prévue au présent article, le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la décision. Sous réserve de l’article L. 921-4, il statue dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l’expiration du délai de recours.
« Art. L. 921-4. – Si, en cours d’instance, l’étranger ayant formé un recours relevant de l’article L. 921-3 est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.
« Art. L. 921-5. – Si, en cours d’instance, l’étranger ayant formé un recours relevant de l’article L. 921-2 est placé en rétention administrative, le tribunal administratif statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.
« CHAPITRE II
« Règles de procédure
« Art. L. 922-1. – Lorsque le recours relève des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l’affaire est jugée dans les conditions prévues par le présent chapitre.
« Il en est de même lorsque le recours relève de l’article L. 911-1 et que le délai de jugement est abrégé par application des troisième ou avant-dernier alinéas du même article L. 911-1.
« Art. L. 922-2. – Le recours est jugé par le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres du tribunal ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative.
« L’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.
« L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné qu’il lui en soit désigné un d’office.
« Art. L. 922-3. – Lorsque l’étranger est placé ou maintenu en rétention administrative ou en zone d’attente, afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate, selon le cas, du lieu de rétention ou de la zone d’attente.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné peut toutefois siéger dans les locaux du tribunal. Les deux salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.
« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à disposition du requérant. Un procès-verbal est établi dans chacune des salles d’audience attestant de la conformité des opérations effectuées en application du présent article.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’aucune salle d’audience n’a été spécialement aménagée à proximité immédiate, selon le cas, du lieu de rétention ou de la zone d’attente, ou en cas d’indisponibilité de cette salle, l’audience se tient soit au tribunal administratif compétent soit dans des locaux affectés à un usage juridictionnel judiciaire proches du lieu de rétention ou de la zone d’attente. »
II. – Le livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la fin de l’article L. 251-7, les mots : « au chapitre IV du titre Ier du livre VI. L’article L. 614-5 n’est toutefois pas applicable » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 614-1 et L. 614-2 » ;
2° Après le titre VII, il est inséré un titre VII bis ainsi rédigé :
« TITRE VII bis
« PROCÉDURE CONTENTIEUSE
« Art. L. 271-1. – Sont applicables aux étrangers dont la situation est régie par le présent livre les dispositions du livre IX. »
III. – Le chapitre II du titre V du livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 352-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 352-4. – La décision de refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile et la décision de transfert mentionnée à l’article L. 572-1 qui l’accompagne le cas échéant peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-3. » ;
2° Les articles L. 352-5 et L. 352-6 sont abrogés.
IV. – Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le titre V est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« Procédure contentieuse
« Art. L. 555-1. – Les décisions qui refusent, totalement ou partiellement, au demandeur d’asile le bénéfice des conditions matérielles d’accueil ou qui y mettent fin, totalement ou partiellement, peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-2. » ;
2° L’article L. 572-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 572-4. – Sans préjudice de l’article L. 352-4, la décision de transfert mentionnée à l’article L. 572-1 peut être contestée devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-2 ou, lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 921-3. » ;
3° Les articles L. 572-5 et L. 572-6 sont abrogés.
V. – Le livre VI du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° La section 2 du chapitre III du titre Ier est complétée par un article L. 613-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 613-5-1. – En cas de détention de l’étranger, celui-ci est informé dans une langue qu’il comprend, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qu’il peut, avant même l’introduction de sa requête, demander au président du tribunal administratif l’assistance d’un interprète ainsi que d’un conseil. » ;
2° Le chapitre IV du même titre Ier est ainsi modifié :
a) La section 1 est ainsi rédigée :
« Section 1
« Dispositions générales
« Art. L. 614-1. – La décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que la décision relative au séjour, la décision relative au délai de départ volontaire et l’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent, le cas échéant, peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 911-1.
« Art. L. 614-2. – Par dérogation à l’article L. 614-1, lorsque l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que la décision relative au séjour, la décision relative au délai de départ volontaire et l’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent, le cas échéant, peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-2.
« Lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, ces décisions peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-3.
« Art. L. 614-3. – Par dérogation à l’article L. 614-1, lorsque l’étranger est détenu, la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision relative au séjour, la décision relative au délai de départ volontaire et l’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent, le cas échéant, peuvent être contestées devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-2.
« Art. L. 614-4. – L’interdiction de retour sur le territoire français édictée en application de l’article L. 612-7 postérieurement à la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être contestée devant le tribunal administratif selon la procédure prévue à l’article L. 921-2 ou, lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 921-3.
« Lorsque le tribunal administratif est saisi de requêtes distinctes tendant l’une à l’annulation d’une décision portant obligation de quitter le territoire français et l’autre à l’annulation d’une interdiction de retour sur le territoire français édictée postérieurement en application de l’article L. 612-7, il statue par une seule décision, dans le délai prévu pour statuer sur l’obligation de quitter le territoire français. » ;
b) Les sections 2 à 4 sont abrogées ;
c) À la fin de l’article L. 614-19, les mots : « selon la procédure prévue aux articles L. 614-7 à L. 614-13 » sont supprimés ;
3° L’article L. 615-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 615-2. – Lorsque l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, la décision prévue à l’article L. 615-1 peut être contestée selon la procédure prévue à l’article L. 921-2.
« Lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, cette décision peut être contestée selon la procédure prévue à l’article L. 921-3. » ;
4° L’article L. 623-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 623-1. – Lorsque l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, la décision de remise et l’interdiction de circulation sur le territoire français qui l’accompagne, le cas échéant, peuvent être contestées selon la procédure prévue à l’article L. 921-2.
« Lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, ces décisions peuvent être contestées selon la procédure prévue à l’article L. 921-3. »
VI. – Le livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 721-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 721-5. – La décision fixant le pays de renvoi peut être contestée selon la même procédure que la décision portant obligation de quitter le territoire français, l’interdiction de retour sur le territoire français, la décision de mise en œuvre d’une décision prise par un autre État ou l’interdiction de circulation sur le territoire français qu’elle vise à exécuter.
« Lorsque la décision fixant le pays de renvoi vise à exécuter une peine d’interdiction du territoire français et que l’étranger est assigné à résidence en application de l’article L. 731-1, elle peut être contestée selon la procédure prévue à l’article L. 921-2. Lorsque l’étranger est placé en rétention administrative, elle peut être contestée selon la procédure prévue à l’article L. 921-3.
« La décision fixant le pays de renvoi peut être contestée dans le même recours que la décision d’éloignement qu’elle vise à exécuter. Lorsqu’elle a été notifiée postérieurement à la décision d’éloignement, la décision fixant le pays de renvoi peut être contestée alors même que la légalité de la décision d’éloignement a déjà été confirmée par le juge administratif ou ne peut plus être contestée. » ;
1° bis (nouveau) Au 1° de l’article L. 731-1, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;
2° L’article L. 732-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 732-8. – La décision d’assignation à résidence prise en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l’article L. 731-1 peut être contestée selon la procédure prévue à l’article L. 921-2.
« Elle peut être contestée dans le même recours que la décision d’éloignement qu’elle accompagne. Lorsqu’elle a été notifiée postérieurement à la décision d’éloignement, elle peut être contestée alors même que la légalité de la décision d’éloignement a déjà été confirmée par le juge administratif ou ne peut plus être contestée. » ;
3° Le titre V est ainsi modifié :
a) À l’article L. 752-6, après la référence : « L. 614-1 », sont insérés les mots : « ou de l’article L. 614-2 » ;
b) L’article L. 752-7 est ainsi modifié :
– les mots : « , dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification de la décision d’assignation à résidence ou de placement en rétention, » sont supprimés ;
– sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Cette demande est présentée et jugée selon la procédure prévue à l’article L. 921-2 en cas d’assignation à résidence ou selon la procédure prévue à l’article L. 921-3 en cas de rétention administrative. Les délais pour saisir le tribunal administratif fixés par ces articles courent à compter de la notification à l’étranger de la décision d’assignation à résidence ou de placement en rétention. » ;
c) À l’article L. 752-8, les mots : « de quarante-huit heures mentionné » sont remplacés par les mots : « imparti pour saisir le tribunal administratif de la demande prévue » ;
d) L’article L. 752-9 est abrogé ;
e) À l’article L. 752-10, les mots : « des articles L. 752-7 à L. 752-9 » sont remplacés par les mots : « de la présente sous-section » ;
f) L’article L. 753-7 est ainsi modifié :
– les mots : « , dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, » sont supprimés ;
– sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Cette demande est présentée et jugée selon la procédure prévue à l’article L. 921-2 ou, en cas de rétention administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 921-3. Les délais pour saisir le tribunal administratif fixés par les mêmes articles L. 921-2 et L. 921-3 courent à compter de la notification à l’étranger de la décision de l’office. » ;
g) À l’article L. 753-8, les mots : « de quarante-huit heures mentionné » sont remplacés par les mots : « imparti pour saisir le tribunal administratif de la demande prévue » ;
h) L’article L. 753-9 est abrogé ;
i) L’article L. 754-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 754-4. – L’étranger peut, selon la procédure prévue à l’article L. 921-3, demander l’annulation de la décision de maintien en rétention prévue à l’article L. 754-3 afin de contester les motifs retenus par l’autorité administrative pour estimer que sa demande d’asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la décision d’éloignement.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné statue après la notification de la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides relative au demandeur.
« Si l’étranger a formé un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet et que le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné n’a pas encore statué sur ce premier recours, il statue sur les deux contestations par une seule décision.
« En cas d’annulation de la décision de maintien en rétention, il est immédiatement mis fin à la rétention et l’autorité administrative compétente délivre à l’intéressé l’attestation mentionnée à l’article L. 521-7. Dans ce cas, l’étranger peut être assigné à résidence en application de l’article L. 731-3. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 327 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Après les mots :
délai de
insérer les mots :
trois à
II. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
cent quarante-quatre
par les mots :
quatre-vingt-seize
III. – Alinéa 18, première phrase
Remplacer les mots :
sept jours
par les mots :
un mois
IV. – Alinéa 19, première phrase
Remplacer les mots :
quarante-huit
par les mots :
soixante-douze
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires étudie avec attention les travaux parlementaires, mais aussi ceux du Conseil d’État.
La réduction des délais et la simplification du contentieux dans le droit des étrangers ont fait l’objet de l’étude d’un groupe de travail présidé par le conseiller d’État Jacques-Henri Stahl. Celui-ci a formulé de nombreuses préconisations, qui n’ont pas été reprises dans le projet de loi. En effet, ce texte retient comme critère d’urgence le « délai de départ volontaire », ce qui est totalement illisible et injuste pour l’étranger.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Vraiment ?
M. Guy Benarroche. Le seul critère d’urgence sur lequel nous devons fonder toute notre réflexion et mobiliser les moyens de la justice est celui de la restriction des libertés.
Le délai de soixante-douze heures applicable dès lors que la mesure d’éloignement n’est pas assortie d’un départ volontaire, quand bien même l’étranger ne serait pas retenu, va de facto priver de nombreux étrangers d’un recours effectif, donc de l’accès à un juge.
Rien ne justifie que le délai de recours contre une OQTF suivant un rejet de demande d’asile ou une assignation à résidence soit réduit à sept jours, au lieu de quinze jours, qui constituent déjà un délai très bref.
En rétention, l’étranger serait accompagné par l’association présente dans le centre pour exercer ses droits, notamment son droit au recours, y compris le week-end, tandis qu’un étranger libre faisant l’objet d’une mesure d’éloignement se retrouverait seul, sans être accompagné pour la contester, a fortiori le week-end.
En cas de placement en rétention, le délai bref se justifiait par la privation de liberté et la présence d’associations dans les centres de rétention, qui permettent à l’étranger un premier accès au droit effectif et la défense de ses droits.
Aussi cet amendement a-t-il pour objet de réduire le contentieux des mesures d’éloignement à deux procédures distinctes, en fonction du critère de la privation de liberté, celui qui doit compter : un délai de recours de soixante-douze heures et un jugement dans les quatre-vingt-seize heures en cas de placement en rétention ; un délai de recours d’un mois et un jugement dans les trois à six mois dans tous les autres cas.
M. le président. L’amendement n° 328 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’article 21 du projet de loi simplifie le contentieux des étrangers en réduisant d’une dizaine à quatre le nombre des procédures de recours, ce qui constitue en soi une bonne idée.
Il introduit une procédure de recours applicable à l’ensemble des obligations de quitter le territoire français et aux actes administratifs qui y sont liés. Le délai de recours laissé au requérant est de trente jours. Le tribunal administratif statue en formation collégiale, en principe dans un délai de six mois.
Cette simplification du contentieux, directement issue de l’étude du Conseil d’État du 5 mars 2020 que je mentionnais tout à l’heure, demeure cependant imparfaite par rapport aux recommandations qui ont été formulées.
En effet, le projet de loi prévoit un recours dérogatoire urgent pour les OQTF prononcées sans délai de départ volontaire, le requérant ayant soixante-douze heures pour saisir le tribunal administratif, qui statue en juge unique dans un délai de six semaines.
Or il est très difficile pour un requérant de trouver un conseil en soixante-douze heures. Le Conseil d’État recommande de ne réserver une procédure d’urgence que lorsque cela est justifié par une mise à exécution forcée de l’éloignement, c’est-à-dire en cas de placement en rétention.
Le Conseil d’État note dans son avis sur le projet de loi que « sur environ 124 000 OQTF prononcées en 2021, dont près de 70 000 n’étaient pas assorties d’un délai de départ volontaire, moins de 8 000 ont été exécutées ».
La pratique administrative favorise la prise d’OQTF sans délai de départ volontaire, mais ne l’assortit que rarement d’un placement en rétention immédiat qui justifierait le recours à une procédure contentieuse d’urgence.
Il est donc injustifié de mobiliser des moyens nécessaires à un jugement rapide, contraignant tant pour le requérant que pour le magistrat, alors que l’urgence n’est pas constituée, faute de perspectives d’éloignement à bref délai.
Autrement dit, pourquoi suivre des procédures d’urgence, alors que l’on sait déjà qu’elles n’aboutiront pas à un éloignement à bref délai ? Cela semble absurde, comme le Conseil d’État l’avait indiqué. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Vous avez épuisé votre temps de parole !
M. Guy Benarroche. Cet amendement a été travaillé à partir des travaux de certains organismes qui accompagnent les migrants.
M. le président. L’amendement n° 133 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 207, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer les mots :
quarante-huit heures
par les mots :
deux jours ouvrés
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise également l’alinéa 19 de l’article 21 ; je le souligne pour la bonne compréhension de nos débats.
La question ici n’est pas seulement sémantique : elle a un impact concret dans la vie réelle, puisque nous souhaitons préciser la procédure contentieuse liée au droit d’asile.
Un délai de recours de quarante-huit heures, lorsque la décision de placement en rétention a par exemple été délivrée un samedi soir, s’apparente en réalité dans la pratique à un délai de vingt-quatre heures, car il est bien plus difficile de contacter une association ou un avocat pendant le week-end.
Pour cette raison, nous proposons cet amendement, qui est rédactionnel, mais dont l’impact serait important, car décaler le délai laisserait le temps nécessaire pour la procédure et garantirait le respect du droit des personnes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Les amendements proposés ici sont curieux, car leurs dispositions semblent contre-productives.
À l’exception de la demande concernant les deux jours ouvrés, vous avez défendu la position de la commission, chers collègues.
La réforme du contentieux est un sujet considérable, à propos duquel M. le ministre de l’intérieur ne cesse de vanter les mérites du rapport d’information du président de la commission des lois, M. Buffet.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Est-il sincère ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. M. le ministre a raison d’en vanter les mérites et de dire qu’il a voulu copier ce rapport, mais, s’il a copié, il l’a fait malicieusement et en le modifiant, notamment au sujet de la réforme du contentieux.
Concrètement, quel est notre désaccord avec le Gouvernement ? Finalement, nous portons, mes chers collègues, les avis que vous avez exprimés. Le Gouvernement connaît d’autant plus notre position qu’il a renoncé à présenter devant nous un amendement, réservé pour le débat à l’Assemblée nationale.
Le rapport d’information de M. Buffet et l’étude de M. Stahl préconisent de passer d’une quinzaine de procédures contentieuses à trois. Dans la version proposée par le ministre de l’intérieur, le nombre de procédures contentieuses passe à cinq.
Le système à trois procédures obéit à une grille d’appréciation assez simple.
Tout d’abord, la procédure ordinaire est retenue lorsque l’étranger en situation irrégulière se voit accorder un délai. Si cette personne ne pose pas de problèmes particuliers, elle se voit offrir un certain délai pour quitter le territoire.
Ensuite, il y a le cas où l’étranger en situation irrégulière pose un problème, a reçu une OQTF et se voit assigné à résidence. Le tribunal administratif devra alors juger plus vite : au lieu des six mois de la procédure ordinaire, il n’aura plus que quinze jours dans cette procédure spéciale.
Enfin, en cas de problèmes nécessitant de passer dans un centre de rétention administrative (CRA), le délai de recours dans cette procédure d’urgence est de quarante-huit heures et le délai de jugement de quatre-vingt-seize heures.
Telle était la logique que nous avons proposée.
M. le ministre propose d’introduire une autre procédure, dite « prioritaire », qui dans son esprit aura vocation à devenir la procédure principale. Elle est applicable aux OQTF sans délai de départ volontaire. À ce moment-là, le délai de recours est de soixante-douze heures et le délai de jugement de six semaines.
Pour quelles raisons ne partageons-nous pas l’idée d’introduire cette nouvelle procédure ?
Tout d’abord, 40 % des contentieux des tribunaux administratifs relèvent du droit des étrangers. Pour les tribunaux administratifs, juger en six mois ou en six semaines, ce n’est pas la même chose !
Ensuite, créer une procédure spéciale selon laquelle les tribunaux administratifs doivent juger bien plus rapidement que durant les six mois permis par la procédure ordinaire, alors que la personne jugée n’est pas assignée en résidence ou placée en centre de rétention, nous semble totalement contre-productif. Pour éloigner, il faut un peu de coercition. Certes, il peut y avoir quelques départs volontaires, mais c’est tout.
En cas d’assignation à résidence ou de placement en CRA, il est normal de demander aux tribunaux administratifs de juger rapidement et il est normal que les délais de recours soient limités.
En revanche, en l’absence de placement en CRA ou d’assignation à résidence, dans la vraie vie, la décision d’éloignement ne sera pas exécutée. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de demander aux magistrats de se livrer à un sprint infernal.
Pour cette raison, nous sommes en désaccord avec le Gouvernement et souhaitons en rester au texte de la commission.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 304 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéas 29 à 33
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet de s’opposer à la tenue des visio-audiences dans le cadre des contentieux relatifs au droit d’asile.
J’ai apprécié la position de M. le rapporteur, qui disait précédemment qu’il partageait la même position de principe. Cependant, la commission a quelque peu vacillé lors du vote sous la pression de certains de ses membres, ce que je regrette…
Si, aujourd’hui, l’audience devant le juge judiciaire ou administratif doit par principe se tenir au tribunal, l’article 21 du projet de loi prévoit la tenue de l’audience, par principe, dans une salle délocalisée aménagée à proximité du lieu d’enfermement. De plus, sur décision du magistrat, cette audience peut se tenir en visioconférence.
Ainsi, la tenue de l’audience au tribunal devient l’exception. On en revient toujours à la question de savoir quelle est la règle et quelle est l’exception, une distinction qui est importante, sinon, comme je l’ai dit précédemment à M. le ministre, on ne voit pas pourquoi changer la loi…
Ces méthodes ont pour effet de chasser le retenu du tribunal. Dès lors que le juge administratif peut choisir de se rendre dans la salle d’audience délocalisée ou de tenir audience au tribunal, le Conseil d’État, dans son avis, estime que « ces dispositions induiront vraisemblablement, en pratique, un recours accru à la visio-audience ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Conseil d’État !
Ces nouvelles modalités de jugement inhumaines et discriminantes sont, selon le Conseil national des barreaux, contraires au droit au procès équitable, qui suppose l’accès au juge, la publicité de l’audience et une égalité des armes.
La visio-audience prive les justiciables d’une défense effective, a fortiori s’agissant du contentieux de l’urgence de personnes vulnérables.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose fermement à la dématérialisation des audiences, pour des raisons liées à l’exigence de solennité de ces dernières, mais aussi pour défendre le respect du contradictoire.
Je précise que cet amendement a été travaillé à partir des propositions de l’Union syndicale des magistrats administratifs (Usma).
M. le président. L’amendement n° 208, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 29 à 33
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 922-3. – Lorsque l’étranger est placé ou maintenu en rétention administrative ou en zone d’attente, l’audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent.
« L’audience peut également se tenir dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice, spécialement aménagée à proximité immédiate, selon le cas, du lieu de rétention ou de la zone d’attente. Dans ce cas le président du tribunal ou le magistrat désigné à cette fin, après avoir informé le requérant et recueilli son consentement, peut décider de siéger au tribunal dont il est membre. Les salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.
« Dans le cas mentionné à l’alinéa précédent, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle, y compris lorsqu’il assiste à l’audience dans l’autre salle que celle où se trouve son client. L’interprète mis à disposition de l’étranger est présent dans la salle d’audience où ce dernier se trouve. Un procès-verbal est établi dans chacune des salles d’audience attestant de la conformité des opérations effectuées aux dispositions du présent article.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice. »
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Les auteurs de cet amendement constatent la même difficulté que celle qui a été soulevée par M. Guy Benarroche à propos des alinéas 29 à 33 de cet article. Cependant, nous proposons de modifier ces derniers, plutôt que de les supprimer.
Nous avons précédemment plaidé pour préciser les conditions dans lesquelles peuvent se tenir les visio-audiences. Nous voulons ici marquer notre opposition la plus résolue à la généralisation des audiences de ce type en matière de contentieux administratif en droit des étrangers.
Certes, les salles « spécialement aménagées » sont « ouvertes au public », mais elles ne sont pas toujours bien desservies par les transports publics et leur localisation est souvent mal connue.
Par ailleurs, comment en pratique s’assurer que l’étranger reçoive une défense de qualité et soit correctement assisté par son conseil ? L’avocat doit-il choisir d’être présent dans la salle d’audience auprès de son client, donc être éloigné du juge, avec tous les inconvénients que cela représente, ou doit-il être présent dans les locaux du tribunal, ce qui signifie qu’il ne peut pas s’entretenir confidentiellement avec son client ?
Les mêmes causes entraîneront les mêmes effets pour les interprètes. Il n’est donc pas difficile d’imaginer combien il sera difficile de faire respecter les droits de la défense.
Nous voulons donc que le principe reste la tenue de l’audience dans les locaux du tribunal administratif compétent, afin que la visioconférence soit réservée aux seuls cas de force majeure, tel un éloignement géographique rendant impossible la présence physique du requérant. À défaut, elle devrait être conditionnée à l’accord préalable du requérant.
M. le président. L’amendement n° 589, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 29
Supprimer les mots :
, afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications,
II. – Alinéa 31, troisième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. La commission des lois a ajouté ce qu’elle estime constituer des garanties supplémentaires pour le recours à la visio-audience, mais ces ajouts, selon nous inutiles, alourdissent le dispositif, alors que l’objectif est d’alléger les procédures.
L’ajout par la commission des lois de finalités pour recourir à la visio-audience nous semble bien trop rigide. L’appréciation par les juridictions, donc par les juges, est à notre sens largement suffisante.
Par ailleurs, la commission des lois a ajouté une disposition visant à mettre le dossier à disposition de l’étranger, alors qu’une telle communication est déjà prévue.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux et Gold, Mme Girardin, MM. Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 30 à 32
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 33
Remplacer le mot :
premier
par le mot :
précédent
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Le projet de loi prévoit la possibilité de recourir aux visio-audiences, afin de simplifier le déroulement des audiences pour le contentieux des étrangers.
Nous comprenons bien entendu l’objectif de simplification, mais il ne saurait à lui seul justifier des transgressions excessives par rapport au respect des droits des justiciables. Hélas, nous observons cette tendance au renoncement depuis quelques années. Et la crise du covid-19 n’a pas aidé à la freiner.
Par cet amendement, nous nous associons à la Défenseure des droits, qui, dans son avis du 23 février dernier, a souligné que ces mécanismes ne permettaient pas « de garantir la clarté, la sécurité et la sincérité des débats ni d’assurer la confidentialité de la transmission ».
Nous proposons donc de revenir sur cette possibilité en limitant à deux cas de figure le déroulement de l’audience : dans une salle aménagée du CRA ou dans les locaux du tribunal administratif compétent.
M. le président. L’amendement n° 585, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 30 à 32
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Les principaux arguments ont été développés : je n’y reviendrai pas.
Ce qui me semble dangereux dans le texte de la commission, c’est qu’il systématise toutes les procédures d’exception. Or le principe du contradictoire et le fait de tenir une audience dans un lieu défini et institutionnalisé sont essentiels pour garantir le respect des droits de la défense.
M. le président. L’amendement n° 209, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 31, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L’interprète mis à disposition de l’étranger est présent dans la salle d’audience où ce dernier se trouve.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Mme Audrey Linkenheld. Au travers de cet amendement relatif aux conditions des visio-audiences, nous entendons garantir que l’interprète mis à la disposition de l’étranger soit présent physiquement dans la salle d’audience, aux côtés de ce dernier.
Les avocats, magistrats et associations de soutien aux droits des étrangers nous le signalent, que l’interprète ne soit pas toujours à côté de l’étranger constitue une véritable difficulté. Nous savons à quel point la procédure contentieuse en droit des étrangers est complexe, et c’est encore plus vrai pour les étrangers eux-mêmes, qui ne connaissent ni notre langue ni nos procédures.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux, Gold et Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Remplacer les mots :
ou en cas d’indisponibilité de cette salle
par les mots :
en cas d’indisponibilité de cette salle ou si le magistrat constate que les conditions d’accès à la salle ou au lieu où elle se situe ne permettent pas d’assurer effectivement la publicité et le bon déroulement des débats
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi empêche la délocalisation de l’audience au sein du CRA seulement si aucune salle d’audience n’a été aménagée ou en cas d’indisponibilité des salles aménagées.
Or, au-delà de ces cas de figure, la Défenseure des droits souligne que « la délocalisation de l’audience isole l’ensemble des acteurs – le juge, le greffier, l’étranger, l’avocat et l’interprète – et met à mal le principe de publicité des débats, garant d’une justice de qualité, en raison de l’éloignement géographique de ce lieu de justice ». Aussi, il paraît nécessaire d’offrir au magistrat la faculté de décider souverainement si l’audience peut être délocalisée sans porter atteinte à la publicité et au bon déroulement des débats.
Tel est l’objet de cet amendement, qui tend à ajouter une dérogation supplémentaire : si le magistrat constate que les conditions d’accès à la salle ou au lieu où celle-ci se situe ne permettent pas d’assurer effectivement la publicité des débats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous sommes confrontés dans cette discussion commune à deux types de propositions de sens exactement inverse : les amendements sénatoriaux visent à réduire ou à supprimer les possibilités de visio-audience ; l’amendement du Gouvernement tend à amoindrir les garanties que nous avons prévues.
Faut-il offrir la possibilité de tenir des visio-audiences dans un local de rétention administrative (LRA) ou dans un CRA ? Oui, il faut être raisonnable !
Si un étranger se trouve dans une zone d’attente à l’aéroport de Roissy, faudra-t-il mobiliser une escorte pour se rendre à Montreuil ? Si c’est à l’aéroport de Bâle-Mulhouse ou d’Orly, faudra-t-il aller à Strasbourg ou au tribunal administratif de Versailles ? Cela paraît totalement déraisonnable du point de vue de l’organisation. Je ne vois donc pas comment faire autrement que de prévoir des visio-audiences.
Ainsi, autant nous avons une approche plus réservée pour ce qui concerne les entretiens auprès de l’Ofpra ou de la CNDA, autant, en l’espèce, l’utilisation de la visio-audience nous paraît justifiée.
Reste à définir les garanties. Dans notre pays, une audience doit être publique, sauf quand le juge décide qu’elle doit se tenir à huis clos. Il faut donc qu’il y ait aussi, au sein du CRA ou du LRA, une possibilité d’accès pour le public.
Ensuite, se pose la question de l’interprète ; nos collègues voudraient que celui-ci soit systématiquement sur place.
Encore une fois, prenons l’exemple de l’aéroport de Bâle-Mulhouse. Je ne sais pas combien s’y tiennent d’audiences chaque jour ; je ne pense pas qu’elles soient si nombreuses, mais il me paraît aberrant d’imposer la présence sur place d’un interprète compétent dans la langue requise parmi les plus de cent langues potentiellement pertinentes. C’est impossible à mettre en œuvre ! S’il n’y a pas sur place d’interprète compétent dans la langue concernée, on en trouvera un qui traduira depuis son domicile, en visioconférence, les propos échangés.
Par ailleurs, dans notre esprit, il est évident que l’avocat doit être présent.
Enfin, il nous semble normal que l’on mette le dossier à la disposition de l’intéressé.
Nous avons le sentiment que les garanties que nous proposons sont suffisantes, mais nécessaires, donc nous n’avons pas l’intention de les diminuer. Il ne me paraît pas scandaleux, pour rendre la justice, de prévoir que le local soit adapté à l’accueil du public ni de demander que l’intéressé puisse avoir accès à son dossier. Je sais que vous essaierez de revenir sur ce point à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, mais nous avons tâché d’être équilibrés, tant d’un point de vue pratique qu’au regard des garanties à accorder.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous les amendements autres que celui qu’il a présenté.
M. le président. L’amendement n° 204, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 44
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
… Au second alinéa de l’article L. 542-1, le mot : « celle-ci » est remplacé par les mots : « la décision de la Cour nationale du droit d’asile » ;
… Les b et d du 1° de l’article L. 542-2 sont abrogés ;
… L’article L. 542-5 est abrogé ;
… L’article L. 542-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « des b, c ou d » sont remplacés par les mots : « du c » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
II. – Alinéas 82 à 89
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° La section 2 du chapitre II du titre V est abrogée ;
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. La défense de cet amendement est l’occasion, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de rappeler sa position constante en faveur du caractère suspensif du recours devant la CNDA.
Comment peut-on admettre qu’un demandeur d’asile dont la procédure est en cours n’ait pas le droit de rester sur le territoire et se retrouve donc dans la situation d’être renvoyé dans son pays, alors qu’une décision négative de l’Ofpra n’éteint pas la procédure d’asile ?
Nous continuons d’affirmer, en dépit de la validation de la loi de 2018 par le Conseil constitutionnel, que cette remise en cause du caractère suspensif du recours porte atteinte au principe d’égalité de traitement des recours et au droit à un recours effectif des demandeurs d’asile, dans la mesure où elle permet l’éloignement d’un étranger, alors même que son recours est toujours pendant devant la CNDA.
Certes, le Conseil constitutionnel a validé cette remise en cause, mais au prix d’une véritable usine à gaz : on demande au tribunal administratif de se prononcer sur la possibilité du demandeur de rester sur le territoire, alors même que la procédure de demande d’asile n’est pas terminée. Ce faisant, on surcharge les tribunaux administratifs, qui se retrouvent noyés sous le contentieux des étrangers.
Ainsi, le rétablissement du caractère suspensif du recours que nous proposons au travers de cet amendement permettrait non seulement de rétablir le droit fondamental des demandeurs d’asile, mais encore d’alléger le contentieux administratif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Vous venez de le dire, ma chère collègue, le Conseil constitutionnel a traité cette question en examinant la loi de 2018. Il a estimé que l’extension des cas dans lesquels le recours n’est pas suspensif ne privait pas l’intéressé de son droit à un recours effectif. Nous ne voyons pas de raison d’aller au-delà de l’appréciation du juge constitutionnel.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 646, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 78
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
trois
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Le présent amendement vise à porter de deux à trois ans le délai maximal de validité d’une obligation de quitter le territoire français.
Nous souhaitons donner une chance supplémentaire – c’est peut-être illusoire, si l’exécution n’a pas déjà pu avoir lieu au cours des deux premières années – à l’exécution des OQTF dans notre pays, puisque l’éloignement est un sujet très présent dans l’esprit de tous.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 21, modifié.
(L’article 21 est adopté.)
Article 22
Le code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Au 3° de l’article L. 222-2-1, les mots : « dont le tribunal est saisi en application des articles L. 614-8, L. 614-15 ou L. 732-8 » sont remplacés par les mots : « jugés selon les modalités prévues au chapitre II du titre II du livre IX » ;
2° Le chapitre VI du titre VII du livre VII est ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« Le contentieux des décisions relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers
« Art. L. 776-1. – Les modalités selon lesquelles sont présentés et jugés les recours formés devant la juridiction administrative contre les décisions relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers obéissent, lorsque les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le prévoient, aux règles spéciales définies au livre IX de ce code. » ;
3° Les chapitres VII à VII quater sont abrogés. – (Adopté.)
Article 23
La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :
1° Au quatrième alinéa de l’article 3, les mots : « L. 222-1 à L. 222-6, L. 312-2, L. 511-1, L. 511-3-1, L. 511-3-2, L. 512-1 à L. 512-4, L. 522-1, L. 522-2, L. 552-1 à L. 552-10 et L. 742-4 » sont remplacés par les mots : « L. 251-1 à L. 251-8, L. 342-5 à L. 342-15, L. 432-15, L. 572-4 à L. 572-7, L. 611-1 à L. 612-12, L. 614-1 à L. 614-4, L. 632-1 à L. 632-2 et L. 743-3 à L. 743-23 » et la seconde occurrence des mots : « L. 512-1 à L. 512-4 » est remplacée par les mots : « L. 614-1 à L. 614-4 » ;
2° À la troisième phrase de l’article 9-4, les mots : « premier alinéa de l’article L. 731-2 » sont remplacés par les mots : « second alinéa de l’article L. 532-1 » ;
3° Au quatrième alinéa de l’article 16, la référence : « L. 732-1 » est remplacée par la référence : « L. 131-3 ».
M. le président. L’amendement n° 602 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le chapitre III ter du titre VII du livre VII du code de justice administrative est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 773-11. – I. – Le présent article est applicable au contentieux des décisions administratives prononcées sur le fondement des articles L. 212-1, L. 224-1, L. 225-1 à L. 225-8, L. 227-1 et L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure, de l’article L. 562-2 du code monétaire et financier, des articles L. 222-1, L. 312-1 et L. 312-3, L. 321-1, L. 332-1, L. 432-1 et L. 432-4, L. 511-7, L. 512-2 à L. 512-4, L. 631-1 à L. 631-4, L. 731-3 et L. 731-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France et des articles 21-4 et 21-27 du code civil, dès lors qu’elles sont fondées sur des motifs en lien avec la prévention d’actes de terrorisme.
« II. – Lorsque des considérations relevant de la sûreté de l’État s’opposent à la communication d’informations ou d’éléments sur lesquels reposent les motifs de l’une des décisions mentionnées au I, soit parce que cette communication serait de nature à compromettre une opération de renseignement, soit parce qu’elle conduirait à dévoiler des méthodes opérationnelles des services mentionnés aux articles L. 811-2 ou L. 811-4 du code de la sécurité intérieure, l’administration peut, lorsque la protection de ces informations ou éléments ne peut être assurée par d’autres moyens, les transmettre à la juridiction par un mémoire séparé en exposant les raisons impérieuses qui s’opposent à ce qu’elles soient versées au débat contradictoire.
« Dans ce cas, la juridiction, qui peut alors relever d’office tout moyen et procéder à toute mesure d’instruction complémentaire en lien avec ces informations ou pièces, statue sur le litige sans soumettre les éléments qui lui ont été communiqués au débat contradictoire ni en révéler l’existence et la teneur dans sa décision. Lorsque les éléments ainsi communiqués sont sans lien avec les objectifs énoncés au précédent alinéa, le juge informe l’administration qu’il ne peut en tenir compte sans qu’ils aient été versés au débat contradictoire. L’administration décide alors de les communiquer ou non. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement est d’importance pour la sécurité de nos concitoyens.
Quand nous signons un arrêté ministériel d’expulsion, nous devons, en vertu du code de justice administrative, partager avec la partie adverse l’intégralité de nos informations.
Or il existe dans la procédure pénale une possibilité permettant de ne pas divulguer des techniques d’enquête ou de protéger des sources personnelles, comme des témoins dans une affaire de trafic de drogue ou de criminalité organisée, et de fournir certaines informations au seul juge, afin qu’il puisse se prononcer, mais non à la partie adverse. Pourquoi ? Parce qu’y apparaissent des données qui pourraient conduire à des règlements de compte, parce qu’on y fait mention de techniques de renseignement dont la partie adverse n’a pas à connaître, ou encore parce que cela pourrait conduire celle-ci à savoir qu’elle est suivie ou qu’elle suscite l’attention particulière des services de renseignement.
Nous demandons donc que ce « contradictoire asymétrique » s’applique aussi en justice administrative, afin que la partie adverse, contrairement au juge administratif, n’ait pas connaissance de l’intégralité du dossier pour tout ce qui pourrait compromettre des agents de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), des techniques nouvelles de renseignement ou des sources humaines.
Nous ne le ferions que dans le cas de personnes soupçonnées de terrorisme et non pour tous les étrangers que nous voudrions expulser. En effet, actuellement, nous prenons la responsabilité de renoncer à expulser nombre de personnes, afin de ne pas divulguer l’existence d’agents infiltrés, de contacts dans tel ou tel lieu radicalisé ou de techniques de renseignement qui ne sont pas encore connues d’individus qui veulent du mal à notre pays.
C’est pourquoi nous vous proposons cet amendement, dont les dispositions présentent toutes les garanties de droit permettant de respecter le principe classique du contradictoire qui doit avoir cours dans notre pays. Enfin, j’y insiste, cela existe déjà en matière de grand banditisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Bien qu’elle souhaite apporter certaines précisions dans le cadre de la navette parlementaire, la commission est favorable à cet amendement, et cela pour deux raisons.
En premier lieu, le ministre a souligné l’importance pratique de ce dispositif : certains renseignements ne doivent pas être partagés. En outre, la robustesse du dispositif repose sur le fait que le magistrat doit être habilité au secret-défense. On comprend bien l’idée sous-jacente : lorsque, dans les cas les plus difficiles, des techniques particulières d’investigation ont été utilisées, il est souhaitable de ne pas divulguer certaines informations à l’intéressé. Nous comprenons et approuvons donc votre objectif, monsieur le ministre.
En second lieu, je tiens à rassurer ceux de nos collègues qui, après la présentation du ministre, pourraient se demander si cette asymétrie ne placerait pas le magistrat dans une position discrétionnaire grâce à la connaissance d’éléments de l’administration.
Ce n’est pas le cas, car la disposition qui nous est proposée par le Gouvernement comporte un élément que je considère comme essentiel et de nature à conduire la Haute Assemblée à donner satisfaction au Gouvernement : lorsque le juge se voit indiquer qu’un certain nombre d’éléments sont portés à sa connaissance, mais non à celle de l’intéressé, il n’est pas obligé de les accepter.
Aux termes du dispositif proposé, « le juge informe l’administration qu’il ne peut en tenir compte sans qu’ils aient été versés au débat contradictoire ». Dans ce cas, l’administration peut juger inacceptable de révéler ces éléments et renoncer à l’expulsion.
Par conséquent, le magistrat disposant de l’ensemble des éléments pour pouvoir juger au cas par cas, la commission considère que le dispositif proposé par le Gouvernement est équilibré et efficace.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je suis d’accord avec M. le rapporteur. On imagine bien le type d’informations pouvant être utiles à la décision et on a sans doute trop souvent affaire à des cas dans lesquels, justement, de tels éléments ne sauraient être communiqués. Ce dispositif encadré par le juge est bien articulé.
Tout cela sera-t-il rigoureusement respecté ? Nous le verrons, mais, sur le papier, et même si je ne suis pas certaine d’avoir tout parfaitement compris, cela me semble équilibré, et nous pouvons donc y être favorables.
M. le président. Je mets aux voix l’article 23, modifié.
(L’article 23 est adopté.)
Article 23 bis (nouveau)
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 425-9, il est inséré un article L. 425-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 425-9-1. – Lorsque le juge administratif, saisi, à l’appui de conclusions tendant à l’annulation d’une décision de refus du titre de séjour mentionné au premier alinéa de l’article L. 425-9, d’un moyen relatif à l’état de santé du demandeur, appelle l’Office français de l’immigration et de l’intégration à présenter des observations, celles-ci peuvent comporter toute information couverte par l’article L. 1110-4 du code de la santé publique en lien avec cette décision. » ;
2° Après la dernière occurrence du mot : « la », la fin du second alinéa de l’article L. 542-1 est ainsi rédigée : « signature de celle-ci. Dans le cas où il statue par ordonnance, l’autorité administrative ne peut engager l’exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français du demandeur d’asile dont le droit au maintien a pris fin qu’à compter de la date de notification de l’ordonnance. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 733-10, le mot : « quatre-vingt-seize » est remplacé par les mots : « cent quarante-quatre » ;
4° À la fin de l’article L. 743-4, les mots : « sa saisine » sont remplacés par les mots : « l’expiration du délai fixé au premier alinéa de l’article L. 741-10 ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 210 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 372 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 504 rectifié est présenté par Mme Souyris, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 210.
Mme Corinne Narassiguin. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 372.
M. Éric Bocquet. En permettant à l’Office français de l’immigration et de l’intégration de lever le secret médical dans les observations qu’il transmet au préfet lors de l’instruction d’un litige lié au refus d’un titre de séjour « étranger malade », cet article porte atteinte à une obligation déontologique majeure, à un droit fondamental.
Encore une fois, les droits les plus élémentaires des personnes étrangères sont bafoués au nom d’une obsession migratoire, alors même que plusieurs textes législatifs et réglementaires propres au droit du séjour et à la protection contre l’expulsion des personnes étrangères malades rappellent l’importance de la préservation du secret médical par rapport à l’autorité administrative et le choix laissé à la personne concernée d’une éventuelle levée de ce secret.
Restreindre ainsi ce droit fondamental, de surcroît pour une population ciblée, porte atteinte aux libertés fondamentales de tous.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 504 rectifié.
Mme Anne Souyris. Le secret médical est un principe fondamental de notre société, découlant de notre Constitution, qui garantit la confidentialité des informations médicales et la confiance entre patients et professionnels de santé.
Ce principe est essentiel pour que les patients se sentent en sécurité et partagent des données sensibles relatives à leur santé et à leur vie intime.
En autorisant l’Ofii à transmettre au juge administratif des observations couvertes par le secret médical, nous risquons de miner la confiance dans le système de santé et de dissuader les patients de recourir à des soins médicaux essentiels, par crainte que leurs informations médicales ne soient utilisées contre eux dans des procédures administratives. Cela pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour la santé publique, en retardant le diagnostic et le traitement de certaines maladies, en particulier pour les personnes vulnérables.
Le droit au secret médical est un pilier de l’éthique médicale. Le serment d’Hippocrate dispose : « Admis dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. »
Ainsi, les professionnels de santé sont tenus de protéger les informations médicales de leurs patients, et cela ne doit pas être compromis par des considérations administratives. L’atteinte au secret médical est une mesure d’exception, qui ne devrait être autorisée que dans des circonstances strictement définies par la loi et en respectant les droits des individus concernés, c’est-à-dire leur consentement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 210, 372 et 504 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 601, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Le premier alinéa des articles L. 733-7 et L. 733-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sur demande motivée de l’autorité administrative, le juge des libertés et de la détention peut également autoriser par la même décision la visite du domicile de l’étranger aux fins de rechercher et de procéder à la retenue de tout document attestant de sa nationalité dans les conditions prévues à l’article L. 814-1. » ;
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… La première phrase du second alinéa de l’article L. 733-11 est complétée par les mots : « , les documents retenus et les modalités de leur restitution » ;
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement et les deux suivants ont pour objet le juge des libertés et de la détention, qui doit s’exprimer lors de l’expulsion ou de l’éloignement de l’étranger, notamment lorsque celui-ci se rend dans un centre de rétention administratif.
Lorsque les services de police doivent procéder à une visite domiciliaire à des fins d’éloignement de l’occupant d’un logement, ils doivent en demander l’autorisation à ce magistrat, mais ils n’ont alors pas le droit de rechercher, à l’intérieur du domicile, les documents permettant de vérifier l’identité de l’intéressé.
Aussi, les personnes concernées cachent leur passeport ou leur pièce d’identité et déclarent auprès des services de police une autre nationalité, un autre nom, un autre prénom, une autre date de naissance, etc., ce qui rend très difficiles leur identification, l’obtention d’un laissez-passer consulaire, et in fine, leur éloignement. Nous le savons, ces passeports ou pièces d’identité existent ; simplement, ils sont cachés, souvent dans le logement.
Aussi, nous vous proposons que le magistrat puisse, lorsqu’il autorise la visite domiciliaire, autoriser en même temps la fouille, afin de pouvoir récupérer les passeports ou pièces d’identité, mais bien sûr rien que ces documents, si l’étranger ne veut pas les fournir spontanément.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 593, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
3° bis Aux articles L. 741-1, L. 741-2, L. 741-10, L. 742-1, L. 742-3 et L. 751-9, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre jours » ;
3° ter À l’article L. 742-3, les mots : « vingt-huit jours » sont remplacés par les mots : « vingt-six jours » ;
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement tend à porter de quarante-huit heures à quatre jours la durée de la première phase de la rétention administrative, au cours de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la procédure suivie.
Les annulations de la présence des étrangers en CRA ont majoritairement lieu au cours des quarante-huit premières heures. C’est d’ailleurs pour cela que vous ne cessez de remarquer que la durée de trois mois n’est pas respectée : la durée de quarante-deux jours n’est qu’une moyenne et, quand cette durée est dépassée, la plupart des étrangers restent dans le centre jusqu’au bout des trois mois.
Sans doute les services de police, sous l’effet de la charge de travail, des difficultés ou de la procédure, ne sont-ils pas toujours d’équerre avec la procédure : il peut manquer un cachet, une copie de document ou une signature. Jamais rien de gravissime pour la liberté des personnes, me semble-t-il, mais cela constitue de fait des cas de nullité. Ainsi, ce qui se traduirait par une amende dans d’autres procédures conduit en l’espèce à la libération de l’intéressé.
Par conséquent, les charges de la police étant importantes, nous demandons que les services de police et de la préfecture disposent non pas de quarante-huit heures, mais de quatre-vingt-seize heures pour transmettre le dossier au juge, afin que celui-ci fasse son office.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 496 rectifié bis, présenté par MM. Cadec, Lefèvre, Daubresse et D. Laurent, Mme Dumont, M. Belin, Mme Aeschlimann, MM. Pointereau et Panunzi, Mmes Romagny et Billon, MM. Longeot et Bas, Mme Micouleau, M. Genet, Mmes Lassarade et Canayer et MM. Duffourg, Le Rudulier et Gremillet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…°À la seconde phrase de l’article L. 743-19, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ;
…°À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 743-22, les mots : « l’appel, » sont remplacés par les mots : « l’appel est », et les mots : « , est formé dans un délai de dix heures à compter de la notification de l’ordonnance au procureur de la République » sont supprimés.
La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Le présent amendement a pour objet de desserrer le délai dans lequel le ministère public peut demander au premier président de la cour d’appel ou à son délégué de déclarer son recours suspensif, lorsqu’il lui semble que l’intéressé ne dispose pas de garanties de représentation ou en cas de menace grave pour l’ordre public.
Cela donnera plus de souplesse et plus d’efficacité au dispositif. Nous proposons de porter ce délai à vingt-quatre heures.
Par cohérence, l’amendement vise également à porter à vingt-quatre heures le délai pendant lequel l’étranger est maintenu à la disposition de la justice lorsque le juge des libertés et de la détention met fin à son maintien en rétention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je trouve cet amendement de M. Cadec et du groupe Les Républicains très intéressant.
Il s’agit de prévoir que l’appel du préfet soit suspensif. Aujourd’hui, l’appel du procureur l’est, mais non celui du préfet. Même si nous avons quelque doute sur la constitutionalité de cette mesure, elle nous paraît intéressante.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme Marie-Do Aeschlimann. Je vous remercie d’avoir souligné l’intérêt de cet amendement, monsieur le ministre !
M. le président. Je mets aux voix l’article 23 bis, modifié.
(L’article 23 bis est adopté.)
Chapitre II
Contentieux judiciaire
Article 24
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Les articles L. 342-6 et L. 342-7 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 342-6. – Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate de la zone d’attente.
« Le juge des libertés et de la détention peut toutefois siéger au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe la zone d’attente. Les deux salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.
« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle. L’interprète mis à disposition de l’étranger est présent dans la salle d’audience où ce dernier se trouve. Toutefois, en cas de difficulté pour obtenir le concours d’un interprète qualifié présent physiquement auprès de l’étranger, l’audience peut se tenir dès lors qu’un tel interprète est présent dans la salle où siège le juge des libertés et de la détention ou dans toute autre salle d’audience. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à disposition du requérant. Un procès-verbal est établi dans chacune des salles d’audience attestant de la conformité des opérations effectuées aux dispositions du présent article.
« Le juge des libertés et de la détention peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’aucune salle n’a été spécialement aménagée à proximité immédiate ou en cas d’indisponibilité de cette salle, l’audience se tient au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe la zone d’attente.
« Art. L. 342-7. – Sauf exception prévue par décret en Conseil d’État, le juge des libertés et de la détention statue publiquement. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 342-15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience peut, par décision du premier président de la cour d’appel ou de son délégué, d’office ou à la demande d’une partie, se dérouler avec l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission, dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 342-6. » ;
3° Les articles L. 743-7 et L. 743-8 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 743-7. – Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention.
« Le juge des libertés et de la détention peut toutefois siéger au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le lieu de rétention. Les deux salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles en direct par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.
« Dans le cas mentionné au deuxième alinéa, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle. L’interprète mis à disposition de l’étranger est présent dans la salle d’audience où ce dernier se trouve. Toutefois, en cas de difficulté pour obtenir le concours d’un interprète qualifié présent physiquement auprès de l’étranger, l’audience peut se tenir dès lors qu’un tel interprète est présent dans la salle où siège le juge des libertés et de la détention ou dans toute autre salle d’audience. Une copie de l’intégralité du dossier est mise à disposition du requérant. Un procès-verbal est établi dans chacune des salles d’audience attestant de la conformité des opérations effectuées aux dispositions du présent article.
« Le juge des libertés et de la détention peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’aucune salle n’a été spécialement aménagée à proximité immédiate ou en cas d’indisponibilité de la salle, l’audience se tient au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le lieu de rétention.
« Par dérogation au présent article, lorsqu’est prévue une compétence territoriale dérogatoire à celle fixée par voie réglementaire, l’audience se tient au siège du tribunal judiciaire auquel appartient le juge des libertés et de la détention compétent. Le juge peut toutefois décider que l’audience se déroule avec l’utilisation de moyens de communication audiovisuelle, dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas du présent article.
« Art. L. 743-8. – Sauf exception prévue par décret en Conseil d’État, le juge des libertés et de la détention statue publiquement. »
M. le président. L’amendement n° 303 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement tend à supprimer la généralisation de la visio-audience et des salles aménagées pour les visio-audiences à proximité des zones d’attente et des lieux de rétention.
La refonte du contentieux contenue dans le projet de loi en matière de droit des étrangers entraîne un important changement de paradigme concernant la tenue des audiences.
Les audiences en présence deviendraient l’exception et les audiences dématérialisées la règle. Selon le Syndicat de la juridiction administrative (SJA), la justice administrative doit être rendue dans des lieux particuliers, identifiés et identifiables comme lieux de justice, afin de préserver et de garantir la force symbolique de l’audience et de la décision de justice. Nous avons regretté à plusieurs reprises que le garde des sceaux ne soit pas présent lors de l’examen de ce texte ; c’est encore le cas ici.
La technologie de la visio-audience porte intrinsèquement atteinte aux droits de la défense, notamment au droit à un procès équitable : la personne étant physiquement mise à distance du juge, elle ne peut s’exprimer librement. Elle se trouve, de fait, exclue du déroulé de son propre procès. La généralisation de ce dispositif représente une justice bâclée, rendue dans des conditions déshumanisantes.
La justice ne doit pas être rendue dans un lieu autre qu’un lieu de justice – c’est une garantie offerte par notre République –, notamment dans un local annexe d’un centre de rétention administrative ou d’un aéroport, fût-il baptisé « salle d’audience », pour des raisons liées à l’exigence de solennité, mais aussi à des considérations techniques et pratiques.
Les étrangers doivent pouvoir bénéficier par exemple du soutien de leurs proches ou de leur famille. L’exigence d’impartialité objective impose aussi que les contentieux mettant en cause les services du ministre de l’intérieur soient traités dans des locaux identifiés comme distincts et distants des centres de rétention administrative, qui relèvent justement de l’autorité de ce ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 211, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Les articles L. 342-6 et L. 342-7 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 342-6. – L’audience se tient dans les locaux du tribunal judiciaire compétent.
« Elle peut également se tenir dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice, spécialement aménagée à proximité immédiate de la zone d’attente. Dans ce cas le juge des libertés et de la détention, après avoir informé le requérant et recueilli son consentement, peut décider de siéger au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe la zone d’attente. Les salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.
« Dans le cas mentionné à l’alinéa précédent, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle, y compris lorsqu’il assiste à l’audience dans l’autre salle que celle où se trouve son client. L’interprète mis à disposition de l’étranger est présent dans la salle d’audience où ce dernier se trouve. Un procès-verbal est établi dans chacune des salles d’audience attestant de la conformité des opérations effectuées aux dispositions du présent article.
« Le juge des libertés et de la détention peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
« Art. 342-7. – Sous réserve de l’application de l’article 435 du code de procédure civile, le juge des libertés et de la détention statue publiquement. » ;
2° Les articles L. 743-7 et L. 743-8 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 743-7. – L’audience se tient dans les locaux du tribunal judiciaire compétent.
« Elle peut également se tenir dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice, spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention. Dans ce cas le juge des libertés et de la détention, après avoir informé le requérant et recueilli son consentement, peut décider de siéger au tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le lieu de rétention dont il est membre. Les salles d’audience sont alors ouvertes au public et reliées entre elles par un moyen de communication audiovisuelle garantissant la confidentialité et la qualité de la transmission.
« Dans le cas mentionné à l’alinéa précédent, le conseil de l’étranger, de même que le représentant de l’administration, peut assister à l’audience dans l’une ou l’autre salle. Il a le droit de s’entretenir avec son client de manière confidentielle, y compris lorsqu’il assiste à l’audience dans l’autre salle que celle où se trouve son client. L’interprète mis à disposition de l’étranger est présent dans la salle d’audience où ce dernier se trouve. Un procès-verbal est établi dans chacune des salles d’audience attestant de la conformité des opérations effectuées aux dispositions du présent article.
« Le juge des libertés et de la détention peut suspendre l’audience lorsqu’il constate que la qualité de la retransmission ne permet pas à l’étranger de présenter ses explications dans des conditions garantissant une bonne administration de la justice.
« Art. L. 743-8. – Sous réserve de l’application de l’article 435 du code de procédure civile, le juge des libertés et de la détention statue publiquement. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai par la même occasion les amendements nos 217, 218 et 219, et j’en profiterai, en guise de paquet-cadeau (Sourires.), pour expliquer le vote du groupe SER sur l’amendement n° 590 du Gouvernement.
M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il s’agit d’amendements miroirs, en lien avec la phase judiciaire, à la suite de ceux qui visaient la phase administrative. Leur objet est de renforcer les droits des personnes qui comparaissent devant les instances : visioconférence, interprètes, locaux, etc.
Sauf revirement, j’aurai sans doute le bonheur d’entendre le rapporteur donner un avis favorable sur deux d’entre eux, ce qui me permettra de finir cette semaine dans une sorte d’absolu bonheur. (Sourires.)
Enfin, notre groupe s’opposera à l’amendement n° 590 du Gouvernement, qui n’a pas encore été présenté, mais qui tend à restreindre les droits des étrangers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 590, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3, 10 et 12
Supprimer les mots :
Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications,
II. – Alinéas 5 et 14, troisièmes à cinquièmes phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement a pour objet de supprimer un apport de la commission, ce qui m’arrive de temps en temps…
Les rapporteurs ont ajouté que la mesure ne devait pas entraver la « bonne administration de la justice ». Or, mesdames, messieurs les sénateurs, vous alourdiriez par cette disposition la procédure judiciaire.
En l’occurrence, il est évident que nous n’organiserons de visioconférences que dans les lieux dotés de salles de vidéo-audience. L’organisation ne sera pas très compliquée, car dans les vingt-deux CRA, quatre salles seulement, à ma connaissance, sont équipées par le ministère de la justice : Coquelles, Le Mesnil-Amelot, Le Canet, à Marseille, et Bobigny, compétent pour la zone d’attente de Roissy.
Là où il n’y a pas de CRA, il est évident qu’il n’y aura pas de visioconférence. Mais là où la visioconférence est possible, il me paraît nécessaire de pouvoir en organiser. D’ailleurs, nous en organisons à Mayotte, comme ont pu le constater ceux qui parmi vous s’y sont rendus.
Ces visioconférences fonctionnent très bien. Elles sont bien sûr assurées avec l’accompagnement juridique des avocats. Qu’une comparution ait lieu en visio-audience n’empêche pas ces derniers d’être présents.
Ajouter le critère de « bonne administration de la justice » limiterait considérablement la simplification du travail des policiers. Ceux-ci passeraient plus de temps dans la paperasse. La mesure me paraît donc superfétatoire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est l’État de droit !
M. le président. L’amendement n° 217, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5, quatrième phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Alinéa 14, quatrième phrase
Supprimer cette phrase.
Cet amendement est déjà défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat sur le volet administratif. La bonne marche de la justice n’est pas tout à fait un gros mot.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 217 ?
M. le président. L’amendement n° 218, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6
Après le mot :
peut
insérer les mots :
, de sa propre initiative ou sur demande des parties,
II. - Alinéa 15
Après le mot :
peut
insérer les mots :
, de sa propre initiative ou sur demande des parties,
Cet amendement est déjà défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Yes ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et nous ?
M. Gérald Darmanin, ministre. … sur cet avis favorable de la commission. En somme, alors que nous rendons possible la visio-audience, le juge des libertés et de la détention, à tout moment, pourrait la suspendre ! Si vous recherchez l’inefficacité en matière de reconduction des personnes, il faut voter ce genre d’amendements ! (Exclamations.)
Le cadre législatif est déjà très contraint pour les policiers et pour la rétention. Le juge des libertés et de la détention intervient déjà à tout moment. Cette mesure n’est de nature à favoriser ni l’éloignement des individus ni le travail des policiers.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Franchement, monsieur le ministre, ce que vous venez de faire n’est pas bien ! (Sourires.)
Ces amendements sont d’une audace échevelée, vous allez voir : ils visent à permettre au juge d’ordonner une suspension lorsque la retransmission ne fonctionne pas ! En l’absence de son et d’image, il serait donc autorisé à mettre terme à la transmission !
C’est dommage, car je me demandais si je n’allais pas voter le texte… (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je trouve cette logique bizarre. Je me souviens des dispositions du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
Pourquoi avons-nous quelquefois le sentiment, monsieur le ministre, que le ministère de l’intérieur considère forcément l’intervention de la justice comme un frein entravant la police ? Vous venez de l’indiquer de nouveau, et je ne comprends pas. Là encore, ce que vient de préciser Marie-Pierre de La Gontrie n’est pas révolutionnaire !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 218.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.) – (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. L’amendement n° 219, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6
Après les mots :
l’étranger
insérer les mots :
ou à son conseil
II. - Alinéa 15
Après les mots :
l’étranger
insérer les mots :
ou à son conseil
Cet amendement est déjà défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj, Roux et Grosvalet, Mme Pantel et M. Masset, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
ou en cas d’indisponibilité de cette salle
par les mots :
en cas d’indisponibilité de cette salle, ou si le magistrat constate que les conditions d’accès à la salle ou au lieu où elle se situe ne permettent pas d’assurer effectivement la publicité et le bon déroulement des débats
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Cet amendement a un objet similaire à celui que nous avons défendu lors de l’examen de l’article 21. Notre demande est la même : il nous paraît nécessaire d’offrir aux magistrats la faculté de décider souverainement si l’audience peut être délocalisée sans porter atteinte à la publicité et au bon déroulement des débats.
Cet amendement tend donc à ajouter une dérogation si les magistrats constatent que les conditions d’accès à la salle ou au lieu où elle se situe ne permettent pas d’assurer effectivement cette publicité des débats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. L’amendement n° 305 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’audience par télécommunication audiovisuelle ne peut se tenir sans le consentement exprès des parties.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement de repli a pour objet de prévoir le consentement des parties lors de la tenue de vidéo-audiences.
La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a modifié la condition liée au consentement de la personne pour la tenue des audiences en vidéoconférence, alors que le dispositif porte une atteinte forte au droit à la défense de la personne intéressée.
Selon le rapport de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers, « l’usage de la visioconférence transforme radicalement le déroulement de l’audience. Même lorsque le dispositif relie deux salles d’audience censées présenter les mêmes garanties, la personne étrangère qui comparaît par visioconférence voit […] son droit à un procès équitable sérieusement mis à mal. »
La procédure contradictoire implique notamment que la personne étrangère puisse comprendre les arguments avancés et présenter ses observations. Elle implique également le droit de s’entretenir dans de bonnes conditions avec son avocat.
Si la personne étrangère est physiquement mise à distance par le biais de la visioconférence. Elle n’a presque plus aucune chance ni de comprendre ce qui se passe dans la salle d’audience du côté du juge ni de réussir à s’exprimer utilement. La présence en un même lieu du juge, du justiciable et de son conseil, c’est-à-dire le face-à-face judiciaire, est absolument nécessaire pour que la personne étrangère comprenne les enjeux attachés à l’audience et à la décision judiciaire qui en résulte.
Notre amendement tend donc à ce que le consentement du justiciable soit nécessaire et rétabli pour les audiences en visioconférence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 647, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le I de l’article 44 de la loi n° du d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 est ainsi modifié :
1° Au 1°, après les références : « L. 342-7 » et « L. 743-8 », sont insérés les mots : « , dans sa rédaction résultant de la loi n° du pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, » ;
2° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° À la première phrase du deuxième alinéa, à la quatrième phrase du troisième alinéa et au quatrième alinéa de l’article L. 342-6 et à la première phrase du deuxième alinéa, à la quatrième phrase du troisième alinéa, au quatrième alinéa et à la première phrase du sixième alinéa de l’article L. 743-7, dans leur rédaction résultant de la loi n° du pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, les mots : « des libertés et de la détention » sont supprimés ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 24, modifié.
(L’article 24 est adopté.)
Après l’article 24
M. le président. L’amendement n° 246 rectifié n’est pas soutenu.
Article 25
Le chapitre II du titre IV du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 342-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 342-5. – Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance dans les vingt-quatre heures de sa saisine.
« Le délai mentionné au premier alinéa peut être porté à quarante-huit heures lorsque les nécessités de l’instruction l’imposent ou, par ordonnance du premier président, en cas de placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers au regard des contraintes du service juridictionnel.
« Par la même ordonnance, prise à la demande du président du tribunal judiciaire concerné, le premier président peut déléguer les présidents de chambre et les conseillers de la cour d’appel ainsi que les juges des tribunaux judiciaires, à la seule fin d’exercer des fonctions de juge des libertés et de la détention. L’ordonnance portant délégation précise le motif et la durée de la délégation. Un magistrat ne peut être délégué plus de cinq fois au cours de la même année judiciaire. La durée totale de délégation d’un magistrat à cette fin ne peut excéder quarante jours au cours de l’année judiciaire.
« Le juge des libertés et de la détention statue après audition de l’intéressé, ou de son conseil s’il en a un, ou celui-ci dûment averti. » ;
2° Après l’article L. 342-7, il est inséré un article L. 342-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 342-7-1. – Le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins de maintien en zone d’attente, rappelle à l’étranger les droits qui lui sont reconnus et s’assure que celui-ci a été, dans les meilleurs délais, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir.
« Il tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en zone d’attente simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information sur les droits et à leur prise d’effet. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 319 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 442 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 319 rectifié.
M. Guy Benarroche. Le présent article a pour objet d’allonger de vingt-quatre heures à quarante-huit heures le délai accordé au juge des libertés et de la détention pour statuer lorsque le nombre d’étrangers placés simultanément en zone d’attente est trop important. Nous pourrions parler d’une jurisprudence Ocean Viking à Hyères : sur place, j’ai pu constater à quel point les services étaient désorganisés malgré tous les efforts du préfet.
Le Conseil constitutionnel a rappelé dans une décision du 25 février 1992 que « le maintien d’un étranger en zone de transit, en raison de l’effet conjugué du degré de contrainte qu’il revêt et de sa durée, a […] pour conséquence d’affecter la liberté individuelle de la personne qui en fait l’objet au sens de l’article 66 de la Constitution ».
Selon le Syndicat de la magistrature, cette mesure reviendrait à faire peser sur la personne retenue l’indigence des moyens de l’autorité judiciaire, alors que le rôle du juge des libertés et de la détention est justement de s’assurer du respect des droits de celle-ci.
Les juges des libertés et de la détention sont d’ailleurs fortement contrariés par cette volonté de leur faire assurer de nombreuses fonctions qui ne relèvent normalement pas de leur périmètre d’action. Dans le même temps, il s’agit de restreindre un certain nombre de droits. Ici, l’allongement des délais s’envisage pour une simple raison d’incapacité des services du ministère de la justice. Il pèsera pourtant sur les étrangers.
Les zones d’attente sont des lieux privatifs de liberté très anxiogènes, où les personnes sont contraintes et surveillées. Parmi elles, des familles sont accompagnées de mineurs, contrairement à ce qui se passe dans les CRA. La Cimade dresse un portrait de ces zones : « Être enfermé en zone d’attente, c’est être confronté quasiment tous les jours aux situations suivantes : ne pas pouvoir se soigner, ne pas manger à sa faim, dormir dans des locaux insalubres ou aux conditions d’hygiène dégradées. »
Allonger ainsi le délai du jugement des requêtes aux fins de maintien en zone d’attente, alors qu’il s’agit d’un enfermement administratif, prive les requérants de leur chance d’être libérés dans les délais les plus brefs. Il s’agit d’une énième atteinte à la dignité et aux droits des personnes migrantes.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 442.
Mme Marianne Margaté. Si le contrôle des frontières est un principe régalien et constitue un exercice légitime de sa souveraineté par tout État, il n’en demeure pas moins que les principes dont nous nous prévalons en France et en Europe exigent que toute mesure de privation de liberté, quelle qu’elle soit, soit justifiée dans son fondement et dans sa nécessité par rapport au but légitime visé et à sa proportionnalité.
C’est d’autant plus important lorsqu’il s’agit de personnes qui ne sont ni condamnées ni soupçonnées d’avoir commis un délit ou un crime.
Or cet article vise à permettre au juge des libertés et de la détention de statuer dans un délai de quarante-huit heures lorsque le nombre d’étrangers placés simultanément en zone d’attente est trop important. Autrement dit, ce texte fait peser sur l’étranger privé de liberté le manque des moyens humains et matériels de la justice.
Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a estimé qu’il fallait faire face à l’afflux d’immigrés étrangers qui arrivent dans notre pays.
Elle émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Pour la bonne compréhension de nos débats, je rappelle que le Conseil d’État a exprimé un avis favorable sur cet article : « Le délai de vingt-quatre heures laissé au juge des libertés et de la détention peut effectivement s’avérer trop bref lorsqu’il doit statuer sur un nombre important de requêtes simultanées […]. Dans ces conditions, […] le Conseil d’État estime que l’atteinte portée par ces dispositions à la liberté d’aller et de venir peut être regardée comme nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs. »
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 319 rectifié et 442.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 648, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le I de l’article 44 de la loi n° du d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 est ainsi modifié :
…° Au 1°, la référence : « L. 342-5 » est supprimée ;
…° Après le 1°, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« …° L’article L. 342-5, dans sa rédaction résultant de la loi n° du pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, est ainsi modifié :
« – Aux premier et dernier alinéas, les mots : « juge des libertés et de la détention » sont remplacés par les mots : « magistrat du siège du tribunal judiciaire » ;
« – Le troisième alinéa est supprimé ; »
« …° Au premier alinéa de l’article L. 342-7-1, les mots : « juge des libertés et de la détention » sont remplacés par les mots : « magistrat du siège du tribunal judiciaire » ;
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice.
M. le président. Je mets aux voix l’article 25, modifié.
(L’article 25 est adopté.)
Après l’article 25
M. le président. L’amendement n° 214, présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 342-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « trois ».
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Notre proposition s’articule avec l’article 25 que nous venons d’examiner et que vous avez décidé d’adopter. Je le rappelle, nous avons voté que le juge des libertés et de la détention disposera non plus de vingt-quatre heures, mais de quarante-huit heures pour examiner le maintien en zone d’attente et se prononcer.
En compensation de cette prolongation du placement en zone d’attente, nous proposons pour la phase suivante du placement que le juge des libertés et de la détention se prononce sur un éventuel maintien dans cette zone après un délai de trois jours, et non de quatre, de sorte que la durée totale de rétention reste la même, découpée en deux phases distinctes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 591, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Après le mot : « porter », est inséré le mot : « substantiellement » ;
2° Sont ajoutés les mots : « dont l’effectivité n’a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats ».
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 25.
L’amendement n° 594, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 743-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au présent article, l’appel interjeté contre une décision mettant fin à la rétention est suspensif lorsque l’intéressé a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou s’il fait l’objet d’une mesure d’éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste. L’intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond. »
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 25.
TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
Avant l’article 26
M. le président. L’amendement n° 559 n’est pas soutenu.
Article 26
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi, nécessaires à l’adaptation et à l’extension dans les collectivités qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, des dispositions de la présente loi régissant la situation des ressortissants étrangers en matière d’entrée, de séjour, d’éloignement, d’asile, de contrôles et de sanctions, de contentieux administratif et judiciaire, d’intégration, de travail ou portant sur le code de la construction et de l’habitation, le code de commerce et le code de la santé publique, dans le respect des compétences de ces collectivités.
Cette ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 148 est présenté par M. Lurel, Mmes Conconne, Bélim, de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, MM. Roiron et Chantrel, Mme Brossel, MM. M. Vallet, Tissot et Temal, Mmes Rossignol et S. Robert, M. Kanner, Mmes G. Jourda, Conway-Mouret et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 563 rectifié est présenté par MM. Patient, Buis, Buval et Iacovelli, Mme Nadille, M. Patriat, Mme Phinera-Horth et M. Théophile.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 148.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 563 rectifié.
M. Xavier Iacovelli. Défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 148 et 563 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 608 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à rendre, par voie d’ordonnance, les mesures relevant de la compétence de l’État nécessaires à l’application et, le cas échéant, à l’adaptation, des dispositions de la présente loi dans les collectivités qui relèvent de l’article 74 de la Constitution à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Cette ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
II. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le 1° des articles L. 281-4 et L. 281-5 et le 2° de l’article L. 281-7 sont abrogés ;
2° L’article L. 361-2 est ainsi modifié :
a) Au 8°, les mots : « les mots : “au chapitre II du titre II du règlement 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016” » sont remplacés par les mots : « la référence au règlement 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
b) Le 14° est ainsi rédigé :
« 14° Pour l’application en Martinique, à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon de l’article L. 352-4, les mots : “et la décision de transfert mentionnée à l’article L. 572-1 qui l’accompagne le cas échéant peuvent être contestées” sont remplacés par les mots : “peut être contestée”, et en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte, l’article L. 352-4 est supprimé. » ;
3° Le second alinéa des articles L. 651-3, L. 651-4 et L. 651-6 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, les mots : « les articles L. 614-1 à L. 614-18, à l’exception de l’article L. 614-13, » sont remplacés par les mots : « les articles L. 614-1 à L. 614-4 et les articles L. 614-16 à L. 614-18, » ;
b) À la troisième phrase, les mots : « des deux premiers alinéas de l’article L. 614-11 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 922-3 » ;
4° L’article L. 831-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Aux articles L. 821-6 et L. 821-7, les mots : “ou de l’autorisation de voyage” sont supprimés, et le troisième alinéa de l’article L. 821-6 est supprimé ; »
5° Le livre IX est complété par un titre III ainsi rédigé :
« TITRE III
« DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
« Chapitre Ier
« Dispositions particulières aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et à Saint-Pierre-et-Miquelon
« Art. L. 931-1. – Les dispositions du présent livre sont applicables de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre.
« Art. L. 931-2. – Le titre Ier et le titre II, à l’exception de l’article L. 922-3, ne sont pas applicables en Guadeloupe.
« Art. L. 931-3. – Le titre Ier et le titre II, à l’exception de l’article L. 922-3, ne sont pas applicables en Guyane.
« Art. L. 931-4. – Le titre Ier et le titre II, à l’exception de l’article L. 922-3, ne sont pas applicables à Mayotte. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement vise à traduire l’engagement qu’a pris le Gouvernement de ne pas légiférer par ordonnance lorsqu’il s’agit de territoires ultramarins ne relevant pas de l’article 74 de la Constitution.
En effet, dans les territoires relevant de cet article, comme la Polynésie française, ou bien en Nouvelle-Calédonie, il faut consulter les gouvernements autonomes. Pour tous les autres, nous nous sommes engagés à ne pas traduire directement les textes dans une habilitation.
L’objectif est de s’assurer de véritables débats, à l’instar de ceux qui se déroulent depuis le début de cet examen. Il s’agit d’une marque de respect pour les territoires ultramarins ; elle sera appréciée à l’Assemblée nationale.
J’indique par ailleurs au groupe communiste que la traduction des conclusions de nos débats dans une habilitation comportait initialement une erreur, mais que j’ai rectifié l’amendement, notamment pour en exclure les dispositions relatives à l’aide médicale d’État votées par le Sénat.
Cette exclusion ne figurait pas dans la première rédaction de l’amendement, ce qui a sans doute poussé M. Brossat à déposer son sous-amendement n° 679. Désormais, celui-ci est superfétatoire ; s’il n’était pas retiré, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Le sous-amendement n° 679, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Amendement n° 608, après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Sans préjudice de l’alinéa précédent, l’ordonnance ne peut adapter différemment les dispositions prévues par l’article 12 de la présente loi dans les collectivités qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, nous entendons votre explication : toutes les collectivités d’outre-mer seront traitées de la même façon. Notre amendement n’a donc plus d’objet.
Aussi, nous le retirons, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 679 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 608 rectifié ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, l’article 26 est ainsi rédigé, et l’amendement n° 435 n’a plus d’objet.
Après l’article 26
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 27 rectifié quater est présenté par MM. Mohamed Soilihi et Omar Oili, Mmes Phinera-Horth et Nadille, M. Lévrier, Mmes Havet, Duranton, Cazebonne et Schillinger et MM. Rambaud, Buis, Buval, Patient et Patriat.
L’amendement n° 220 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 6° de l’article L. 441-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié quater.
M. Saïd Omar Oili. Par cet amendement, mon collègue Thani Mohamed Soilihi propose de revenir à l’état antérieur du droit et de supprimer l’inacceptable restriction de circulation concernant les mineurs étrangers admis au séjour à Mayotte.
Ce régime dérogatoire est injustifié. Il ne fait qu’accentuer la pression sur un territoire déjà à la peine face au défi migratoire. Si Mayotte est bien un département français, il n’y a aucune raison que ce système d’exception perdure !
Les conditions de vie sur l’île deviennent insupportables, à de nombreux égards : prolifération de bidonvilles, saturation des services publics de la santé et de l’éducation, dégradation des réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement, détérioration accélérée de l’environnement et du lagon.
Notre île est celle où chaque jour naît une salle de classe. Nous battons tous les records du monde : 10 000 naissances par an ! Dès lors, si les gens qui ont une carte de séjour restent sur le territoire, imaginez nos difficultés ! Notre taux de croissance démographique actuel est de 4 %. On compte environ 2 500 habitants par kilomètre carré.
La situation devient invivable. Rendez-vous-en compte ! Les cartes de séjour sont délivrées à des gens qui restent sur place, parfois avec la mention selon laquelle ils ne peuvent pas travailler. Il faudrait soit laisser partir ces personnes, soit ne pas les régulariser. Mais si nous les régularisons et qu’elles restent sur le territoire, nous avons un problème.
Pour cette raison, nous demandons simplement aujourd’hui que cette dérogation soit supprimée.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 220.
Mme Corinne Narassiguin. J’irai dans le même sens que notre collègue de Mayotte, qui a déjà très bien expliqué la situation. Nous ne pouvons pas continuer à contraindre à rester sur le territoire mahorais des mineurs qui sont en situation régulière : ils doivent être autorisés à circuler sur l’ensemble du territoire français.
J’en profite pour indiquer que l’amendement n° 221, qui sera discuté dans quelques instants, a un objet similaire, même s’il vise les majeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il me semble que personne ici ne reste indifférent devant la situation de Mayotte, qui est bien connue de cet hémicycle. Elle justifie une attention constante de la part du Gouvernement. Peut-être M. le ministre nous assurera-t-il que c’est déjà le cas.
Toutefois, précisément parce que cette situation est particulière, nous ne pouvons pas émettre un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’immense majorité de cet hémicycle apporte tout son soutien à nos compatriotes de Mayotte. Par ailleurs, monsieur le sénateur, comme votre collègue mahorais, vous savez pouvoir compter sur l’appui du Gouvernement et du Président de la République, ainsi que sur mon soutien personnel.
Mayotte connaît une situation particulière du fait d’une immigration irrégulière importante. Le Gouvernement a déjà commencé à apporter des réponses fortes, notamment au travers de précédentes lois dont l’objet était l’accès à la régularisation. Cette dernière nécessite désormais qu’au moins l’un des deux parents soit régulier trois mois avant la naissance de l’enfant.
Cependant, depuis longtemps, les étrangers sont soumis à Mayotte à une restriction de voyage vers d’autres territoires de la République, notamment vers la métropole ; le gouvernement à l’origine de cette mesure était d’ailleurs de droite. Je parle bien de personnes étrangères. En effet, les Mahorais n’ont pas à demander de laissez-passer, contrairement à ce que j’entends parfois : ils sont bien Français.
Nous pensons, monsieur le sénateur, que la situation serait pire pour Mayotte sans cette restriction. La libre circulation des personnes entraînerait encore plus de départs, sans doute depuis les Comores, l’Afrique des Grands Lacs ou Madagascar, vers le territoire mahorais. Nous donnerions à ces migrants la possibilité de se rendre plus rapidement en métropole, où une communauté comorienne existe déjà, notamment à Marseille, mais pas seulement.
Bien sûr, nous ne pouvons pas accepter ad vitam æternam que Mayotte soit l’un des seuls territoires français – il peut y en avoir d’autres pour des raisons différentes, je n’entre pas dans les détails – où la circulation des personnes étrangères est restreinte, même si le Conseil constitutionnel a déjà largement validé, à plusieurs reprises, cette disposition.
Pour cette raison, nous luttons et lutterons très fortement contre l’immigration irrégulière : opération Wuambushu, second CRA de Mayotte, présence des forces de l’ordre, renforcement de la préfecture, etc. Nous allons dans le même sens, monsieur le sénateur, avec les amendements adoptés au cours de ce débat sur la fraude documentaire et sur la fraude à la paternité. Et ce sera également le cas, je l’espère, avec l’enrichissement de la loi sur Mayotte et avec une future réforme constitutionnelle.
Le jour où nous nous trouverons en situation de tarir totalement le flux des Malgaches, des Comoriens et des Africains des Grands Lacs qui viennent à Mayotte, alors, bien sûr, il faudra mettre fin à ce qui est grosso modo appelé le visa Balladur. Mais il ne serait pas raisonnable pour la République française dans son ensemble et pour Mayotte en particulier de permettre cette libre circulation aujourd’hui.
Je comprends très bien que, en tant que sénateur de Mayotte, vous portiez cette demande, qui est celle de la quasi-totalité des élus mahorais. Vous connaissez bien la question, pour avoir été un maire très affecté par la présence d’immigration irrégulière et pour avoir montré un grand courage face à celle-ci.
Le Gouvernement est plein d’empathie et il multiplie les actions pour Mayotte, mais il ne peut pas accepter aujourd’hui une telle mesure.
Je vous promets que nous l’étudierons au cours du quinquennat du Président de la République, mais il nous faut d’abord adopter des règles très fortes, notamment constitutionnelles, pour mettre fin à la présence étrangère irrégulière à Mayotte, qui est malheureusement trop importante.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour explication de vote.
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, j’ai été longtemps maire. L’année dernière, pour la rentrée scolaire, j’avais 500 enfants de 3 ans sur liste d’attente : je ne pouvais pas les faire entrer à l’école, alors que, chaque année, j’en construis ! Cette année, je comptais 700 demandes sur liste d’attente lors de la rentrée, c’est-à-dire que, en deux mois, ces enfants sont nés et ont eu 3 ans…
La raison en est que, chaque année, des kwassa-kwassa, c’est-à-dire des petits bateaux de fortune, arrivent avec des enfants à bord pour les faire entrer à l’école à Mayotte.
Il faut vraiment voir mon intervention comme un cri du cœur. Nous sommes au bout du rouleau. Il faut trouver une solution pour lutter contre cette immigration incontrôlée, qui met en difficulté nos services publics, en les saturant.
À l’heure actuelle, il est difficile de mettre en place des politiques publiques à Mayotte, parce que nous ne savons pas combien nous sommes ni combien nous serons dans deux jours, sans parler des violences que la situation entraîne.
J’aurais souhaité, mes chers collègues, que vous regardiez Mayotte sous un jour nouveau, de sorte que la population puisse simplement vivre en liberté.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne veux pas allonger inutilement nos débats, mais je pense que ce que vivent nos compatriotes mahorais mérite que nous nous y attardions. Il faut entendre le cri du cœur de M. le sénateur.
Dans les derniers mois, comme vous le savez, le nombre de kwassa-kwassa a beaucoup diminué. Cette baisse a été obtenue grâce à la présence des militaires de la Légion étrangère ; je remercie le ministre des armées de les avoir mis à contribution. Cette baisse a aussi été permise par les moyens technologiques que nous avons développés. Elle est également liée aux meilleures relations que nous avons avec les Comores, dont je remercie le gouvernement, autour de la question des laissez-passer consulaires et des visas, précédemment évoquée. La baisse a enfin été obtenue par l’opération Wuambushu.
Il n’empêche – nous sommes d’accord, monsieur le sénateur – que les difficultés demeurent énormes. Mais la réponse est non pas une ouverture à la libre circulation vers la métropole, mais une réforme constitutionnelle. Elle nous permettra d’adapter le droit du sol et du sang à Mayotte.
Mme Valérie Boyer. Ah !
M. Gérald Darmanin, ministre. Je l’ai toujours affirmé, madame Boyer. Je me suis exprimé plusieurs fois à Mayotte et en métropole sur ce point.
Nous comprenons donc, monsieur le sénateur, ce que vous vivez. Nous partageons votre peine. Même si les immenses difficultés des maires sont incontestables – par exemple, le fait que certaines journées de cours y soient seulement des demi-journées pose problème pour la scolarisation et pour la lutte contre l’illettrisme –, je rappelle que l’État finance 100 % des constructions d’écoles à Mayotte.
Il nous semble que ce n’est pas en libéralisant la circulation que la situation s’améliorera, au contraire : les arrivées se multiplieraient.
Elle s’améliorera grâce aux avancées de ce projet de loi contre l’immigration irrégulière, au vote du projet de loi Mayotte, qui sera présenté en début d’année prochaine devant votre assemblée, et, surtout, grâce à une réforme constitutionnelle. Il sera temps alors pour le Parlement de lever les restrictions à la libre circulation des étrangers sur l’île.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 rectifié quater et 220.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 28 rectifié quater est présenté par MM. Mohamed Soilihi et Omar Oili, Mmes Phinera-Horth et Nadille, M. Lévrier, Mmes Havet, Duranton, Cazebonne et Schillinger et MM. Rambaud, Buis, Buval, Patient et Patriat.
L’amendement n° 221 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 441-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié quater.
M. Saïd Omar Oili. Il est défendu, monsieur le président.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 rectifié quater et 221.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 27
I. – L’article 12 de la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2025.
II. – Les articles 21 à 24 de la présente loi entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le premier jour du septième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel. Ces articles s’appliquent à la contestation des décisions prises à compter de leur entrée en vigueur.
III. – Dans les collectivités qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, la présente loi entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le premier jour du dix-neuvième mois suivant celui de sa promulgation.
M. le président. L’amendement n° 649, présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – Les articles 1er B, 1er C, 1er E, 1er F, 2 bis et 2 ter de la présente loi s’appliquent aux demandes déposées postérieurement à la publication de la présente loi.
…. – L’article 1er de la présente loi entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, le 1er janvier 2025.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement vise à modifier certaines des modalités d’entrée en vigueur du présent texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 216 est présenté par Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mme Brossel, M. Chantrel, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 300 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 436 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 216.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le premier alinéa de l’article 27 prévoit de différer l’entrée en vigueur de l’interdiction du placement en rétention des mineurs de 16 ans au 1er janvier 2025.
Monsieur le ministre, vous vous êtes exprimé hier sur le réseau X, anciennement Twitter, pour dire que vous représenteriez devant l’Assemblée nationale l’interdiction du placement des mineurs de moins de 18 ans et que vous regrettiez que le Sénat n’ait pas adopté cette mesure.
Dès lors, pourquoi reporter cette entrée en vigueur, alors que les alinéas suivants prévoient déjà de la différer dans l’ensemble des collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution ?
Avancer cette date ne présenterait aucune difficulté technique.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 300 rectifié.
M. Guy Benarroche. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 436.
M. Pierre Barros. Il est également défendu.
M. le président. L’amendement n° 607, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
et, à Mayotte, le 1er janvier 2027
II. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
des articles 73 et 74 de la Constitution
par les mots :
de l’article 74 de la Constitution à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Les amendements identiques qui viennent d’être présentés sont assez cohérents avec celui du Gouvernement.
J’entends les arguments de Mme de La Gontrie, qui souhaite qu’aucun mineur de moins de 16 ans ne puisse être maintenu dans un CRA dès la publication de cette loi.
Peut-être pouvons-nous nous rejoindre : mesdames, messieurs les sénateurs, si vous acceptiez de voter l’amendement n° 607 du Gouvernement tendant à poser une exception pour Mayotte jusqu’au 1er janvier 2027, compte tenu des spécificités de ce territoire – les mineurs restent moins de quarante-huit heures en moyenne dans le CRA de Mayotte, voire moins d’une journée –, qui représente à lui seul 50 % des reconduites à la frontière de notre pays, nous pourrions supprimer le délai général, pour nous en tenir à cette seule exception mahoraise.
Je propose que nous travaillions sur une telle rédaction de compromis.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques minutes, afin que nous clarifiions la proposition de M. le ministre.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Je sollicite le retrait des amendements nos 216, 300 rectifié et 436, et je rectifie mon amendement n° 607 en reprenant leurs apports : les mineurs de 16 ans seront interdits dans les CRA dès la promulgation de la loi – sachant que je demanderai à l’Assemblée nationale d’étendre ce dispositif aux mineurs de moins de 18 ans –, sauf à Mayotte, où ils seront admis jusqu’en 2027, en raison des difficultés particulières qui se posent sur ce territoire.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 607 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Remplacer les mots :
le 1er janvier 2025
Par les mots :
à Mayotte le 1er janvier 2027
II. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
des articles 73 et 74 de la Constitution
par les mots :
de l’article 74 de la Constitution à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission ne s’est pas réunie, mais, à titre personnel, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Madame de La Gontrie, l’amendement n° 216 est-il maintenu ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je vais faire confiance à M. le ministre : je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 216 est retiré.
Monsieur Benarroche, l’amendement n° 300 rectifié est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 300 rectifié est retiré.
Monsieur Barros, l’amendement n° 436 est-il maintenu ?
M. Pierre Barros. Non, je le retire également.
M. le président. L’amendement n° 436 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 607 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 27, modifié.
(L’article 27 est adopté.)
Après l’article 27
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Belrhiti, M. H. Leroy, Mme Dumont, MM. Daubresse et Meignen, Mme Bellurot, MM. Bouchet, Tabarot, Houpert, Cadec, Genet et Klinger, Mmes Josende, Goy-Chavent et P. Martin et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans l’année qui suit la promulgation de la présente loi, un rapport sur le coût des déboutés du droit d’asile.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à demander un rapport : j’aurais aimé connaître le coût réel des déboutés du droit d’asile, car il s’agit d’une question extrêmement importante.
Toutefois, comme je sais que la commission va émettre un avis défavorable, je vais plutôt déposer une question écrite. J’espère que, par ce biais, j’obtiendrai enfin une réponse.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié est retiré.
L’amendement n° 516 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt, Daubresse et Bonneau, Mme N. Goulet, MM. Bruyen, Klinger, Paccaud, Rietmann et Pellevat, Mme V. Boyer, M. Maurey, Mmes Schalck, Pluchet, Muller-Bronn et Dumont, M. Bas, Mme Herzog, M. Pointereau, Mme Drexler, MM. Belin et Cadec, Mmes Micouleau et Bellurot, MM. Genet et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Bouchet, Duffourg, Chatillon, Cuypers et Gueret, Mme Aeschlimann et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport consacré aux conditions de création d’un appareil statistique complet en matière d’immigration.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 516 rectifié bis est retiré.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.
Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du texte se dérouleront le mardi 14 novembre prochain, à quatorze heures trente.
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 13 novembre 2023 :
À seize heures :
Projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte n° 77, 2023-2024) : discussion générale.
Le soir et la nuit :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte n° 77, 2023-2024) : discussion des articles.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures trente.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER