Mme Raymonde Poncet Monge. Le « en même temps »…
M. Aurélien Rousseau, ministre. Au total, deux cents entreprises ont été repérées. Nous allons engager un dialogue avec elles pour comprendre ce qui se passe.
Nous ne stigmatisons ni les médecins, ni les assurés sociaux, ni les entreprises : nous agissons en faveur d’une responsabilisation collective. À cet égard, il ne me semble pas choquant que l’assurance maladie examine telle ou telle situation de plus près.
De même, je m’étonne de ce que vous dites au sujet des prescriptions d’arrêts par téléconsultation. Si vous avez lu le présent texte en intégralité, ce dont je ne doute pas, vous l’aurez nécessairement noté : la limitation à trois jours ne s’applique pas si l’on n’a pas de médecin traitant ou si l’on apporte la preuve que l’on n’a pas réussi à trouver de médecin. Cela étant, nous devons nous doter des moyens de contrôler efficacement le business auquel donne lieu l’essor des téléconsultations.
Madame la sénatrice, en résumé, ce budget est tout sauf insincère.
Au terme de cette discussion générale, M. le ministre chargé des comptes publics aura sans doute l’occasion d’y revenir. L’an dernier, lors de l’examen du précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale, nombre de prévisions de croissance ont été jugées totalement insincères. Elles se sont pourtant révélées bonnes…
M. Aurélien Rousseau, ministre. Pour qu’un système fonctionne, il faut aussi savoir lui faire confiance.
En conclusion, le Gouvernement est évidemment défavorable à cette motion.
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Pénuries de médicaments, sous-rémunération des professionnels de santé, progression des déserts médicaux : face à de tels problèmes, il faut investir résolument dans la santé des Français.
Or le présent texte n’engage pas le virage économique et écologique nécessaire à la prévention et à l’adaptation au changement climatique ; il ne garantit pas le financement soutenable de la sécurité sociale, gage de sa préservation à long terme.
L’heure est à l’investissement massif en faveur de notre sécurité sociale ; ce n’est pas le cas. C’est pourquoi les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront cette motion.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je demande la parole, monsieur le président !
M. le président. Ma chère collègue, le règlement n’autorise qu’une seule explication de vote par groupe.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 944, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 42 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 278 |
Pour l’adoption | 35 |
Contre | 243 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, assurer à toutes les citoyennes et à tous les citoyens « des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer » : c’est l’objectif de la sécurité sociale, tel qu’énoncé par le Conseil national de la Résistance.
Cette protection majeure est définie plus largement encore dans le préambule de la Constitution de 1946, qui garantit « à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».
Notre sécurité sociale s’est construite à l’abri de ce fronton républicain. Mais l’édifice, qui est l’un des plus protecteurs au monde, est aujourd’hui en train de se fissurer. Il suffit pour s’en convaincre de consulter les pronostics, établis par le Gouvernement lui-même, des déficits attendus de notre assurance maladie d’ici à 2027.
Face à ces chiffres, nous aurions bien entendu besoin d’un grand bouleversement. Madame, messieurs les ministres, je sais que vous souhaitez, comme moi, le sauvetage de ce formidable outil, garant de notre droit fondamental à la santé.
Un certain nombre d’avancées sont accomplies, qu’il s’agisse de la prévention, avec les campagnes de vaccination contre les infections à papillomavirus humain (HPV), de la santé scolaire ou encore des financements. Le présent texte renforce ainsi le combat contre la financiarisation de notre système de santé, notamment en remettant en cause la tarification à l’acte à l’hôpital – la portée cette décision est certes limitée, mais il s’agit d’un premier pas.
Cela étant, la logique reste la même. On constate, qui plus est, une inadéquation majeure entre l’augmentation de l’Ondam et l’inflation. En résulte une véritable mise en danger, non seulement de la médecine de ville, mais aussi de notre hôpital.
Lorsque les services publics ou associatifs de secteur 1 voient leur budget diminuer, les plus précaires d’entre nous, de plus en plus nombreux, n’ont d’autre choix que de se tourner vers les dispositifs publics d’aide sociale et sanitaire. Autant dire que nous sommes inquiets.
Chacun sait que l’hôpital public ne tient que par l’engagement remarquable des soignantes et des soignants. Mais, en la matière, que nous propose le Gouvernement ? À vrai dire, une non-trajectoire de dépenses réaliste et soutenable.
Monsieur Cazenave, ce n’est pas la lutte contre la fraude individuelle qui sauvera notre solidarité. En ce sens, vos propositions sont autant de cache-misère.
Je ne puis qu’y insister : l’Ondam 2024, qui progresse de 3,2 % par rapport à l’objectif rectifié pour 2023, ne prend pas en compte l’inflation, située entre 4 % et 5 %. Il manque à ce PLFSS plus de 1 milliard d’euros pour financer les établissements de santé et 400 millions d’euros pour financer intégralement les mesures de revalorisation du Ségur de la santé.
Il y a quelques semaines, dans cet hémicycle, avant l’examen du triste projet de loi relatif à l’immigration, nous débattions de la démocratie sanitaire dans nos territoires. Je saluais alors l’esprit d’ouverture dont le Gouvernement faisait preuve à cette occasion : quel dommage qu’il n’ait pas adopté la même attitude pour l’examen de ce PLFSS, rejeté par les organisations syndicales et critiqué par les grandes structures associatives !
Ce PLFSS – est-ce véritablement une surprise ? – n’amorce aucun virage majeur pour faire face aux transformations planétaires et renouveler notre sécurité sociale vers le mieux-disant.
En faveur de la transition écologique et de la justice sociale, l’on ne fera rien sans des investissements majeurs. Vous le savez, monsieur Cazenave, mais vous regardez ailleurs… Pourtant, il me semble que nous vivons sur la même planète ! Vous auriez pu faire le choix de l’action et relever le défi.
Pour améliorer la santé dans notre pays, pour retrouver les jours heureux et faire face aux défis contemporains, il eût été possible d’aligner à nouveau, dans notre système de sécurité sociale, nos liens de dépendances en matière de santé et nos conditions d’existence ; autrement dit, de proposer que les responsables de nos maladies, des pollutions ou encore du changement climatique deviennent les contributeurs de la transformation de la sécurité sociale.
Pour paraphraser une chanson entendue bien des fois lors des manifestations contre la réforme des retraites, oui, nous devons mieux répartir les richesses ; oui, nous devons trouver de nouvelles recettes. Mais, pour cela, il faut cesser de faire payer les plus pauvres, qui – rappelons-le – sont ceux qui bénéficient le moins de nos droits sociaux, et garantir enfin l’équité.
Taxons les dividendes, les superprofits et les sociétés pétrolières. Taxons ceux et celles qui polluent le plus et qui profitent le plus des crises, non pas parce que nous voulons les sanctionner, mais parce que, dans une démocratie digne de ce nom, ils et elles doivent participer, réparer, préparer notre avenir à tous et toutes à la mesure des moyens qu’ils et elles ont à leur disposition.
Nous y sommes : mettons enfin à contribution les plus riches et les grands pollueurs, au nom d’une égalité républicaine à laquelle – j’ose l’espérer – nous aspirons tous et toutes.
On trouve quand même, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, quelques mesures de progrès ; elles sont certes maigres, mais elles ont le mérite d’exister. Je pense notamment à la gratuité des préservatifs et des protections périodiques, ainsi qu’à la campagne de vaccination contre le papillomavirus dans les établissements scolaires – bravo !
Toutefois, monsieur Rousseau, j’interroge une nouvelle fois le Gouvernement : pourquoi restreindre ces deux premières mesures aux moins de 26 ans ? Pourquoi ne pas assumer un objectif vaccinal au-delà des établissements publics ? Je suis sûre que vous saurez m’entendre, au moins sur ces points-là, car je vous sais sensible aux inégalités femmes-hommes et à la grande précarité.
Si nous disons « mieux vaut tard que jamais », nous prenons soin d’ajouter « peut mieux faire ». C’est dans un esprit démocratique de responsabilité et de dialogue que les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ont proposé d’améliorer ces dispositifs.
Je regrette que tant de nos amendements aient été jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution et j’appelle le Gouvernement à s’emparer de nos propositions.
Nous proposions en particulier d’améliorer l’information relative au vaccin HPV, ainsi que de rendre gratuits les contraceptifs et les protections périodiques pour les plus précaires, sans critère d’âge.
Le présent texte s’attache à préciser les modalités des rendez-vous de prévention annoncés l’année dernière. Nous vous proposerons d’affiner ces dispositifs pour y inclure clairement, d’une part, la santé environnementale et, de l’autre, les besoins de santé des personnes les plus précaires et les plus éloignées du soin du fait de discriminations, comme les minorités de genre ou d’orientation sexuelle et les travailleuses et travailleurs du sexe.
La lutte contre les addictions est un autre angle mort de ce PLFSS. Il nous faut revenir à la loi Évin et interdire la publicité pour l’alcool…
M. le président. Ma chère collègue, il faut conclure.
Mme Anne Souyris. Nous le savons tous dans cet hémicycle : l’alcool tue plus de cent personnes par jour en France. Une régulation est indispensable : nous ne pouvons pas laisser tant de nos enfants sombrer dans l’alcoolisme. (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Anne Souyris. Enfin, j’invite solennellement le Gouvernement à examiner les mesures que nous défendons en faveur des plus précaires. Je pense en particulier aux bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME), (Mme Catherine Conconne acquiesce.) laquelle a donné lieu à une récente séquence parlementaire… Les dispositifs de prévention détaillés dans le présent texte doivent inclure ces personnes. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir respecter le temps de parole qui vous est imparti.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre hôpital est en situation d’urgence absolue et la moitié de nos Ehpad publics est en déficit. La médecine de ville continue de reculer dans nos territoires et les indicateurs de santé de la France se dégradent.
Cette situation devrait appeler une stratégie nationale de santé, une loi de programmation, un grand effort de formation et de revalorisation en faveur des métiers de l’accompagnement et de la santé. Il s’agit là d’une priorité de nos concitoyens.
Loin de cela, le PLFSS pour 2024 s’inscrit dans la droite ligne des précédents budgets de la sécurité sociale, avec la réduction des dépenses pour seul cap – comme si ce qui n’a pas fonctionné hier devait miraculeusement résoudre les problèmes demain.
Quand la commission des comptes de la sécurité sociale estime à 4 % la progression des dépenses de santé, ce PLFSS ne prévoit que 3,2 % de hausse. Quand, pour répondre aux besoins constatés, sans rattrapage du retard accumulé, l’Ondam devrait augmenter de 9,5 milliards d’euros, il évolue de 8 milliards. Avec une inflation estimée par la Banque de France à 2,6 %, la progression réelle des dépenses de santé risque donc d’être quasi nulle.
Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), il manque 2 milliards d’euros en 2023 et 2 milliards d’euros de nouveau en 2024 pour que les hôpitaux puissent faire face à l’inflation et à l’augmentation des coûts de l’énergie ; en guise de quoi le Gouvernement leur inflige 500 millions d’euros d’économies.
« Nous allons vers la mort lente du service public de santé », déclare le président de la FHF en lançant l’alerte : le Ségur de la santé, la hausse du point d’indice des fonctionnaires et les mesures d’attractivité relatives au travail de nuit ne sont pas entièrement compensés. Dès lors, les hôpitaux sont contraints de financer ces décisions avec de l’argent qu’ils n’ont pas. Or, selon une étude récente, 50 % des soignants ne recommanderaient pas leur métier : les efforts en faveur de l’attractivité de ces professions ne sont clairement pas derrière nous.
Les jeunes sont attirés par les études de santé, mais Parcoursup brise maintes volontés et masque un certain nombre de réalités. Au total, 30 % des étudiants infirmiers abandonnent leur projet professionnel au cours de leur formation – ce chiffre doit nous amener à nous interroger.
Une autre étude, menée par des équipes de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), avance qu’une nuit passée sur un brancard augmente de 40 % le risque de mortalité des patients âgés.
Oui, l’hôpital va mal ; et, pour obtenir un rendez-vous chez un généraliste, il faut désormais accomplir un véritable parcours du combattant.
Depuis la suppression du numerus clausus, nous formerions 15 % de médecins supplémentaires, mais, pour faire face à nos besoins, il faudrait en former 30 % de plus ! Il faut des moyens en conséquence, notamment pour nos universités.
Le développement des centres de santé est une arme pour lutter contre les déserts médicaux. Il devrait dès lors être favorisé. Les collectivités territoriales qui, de plus en plus nombreuses, s’orientent dans cette voie devraient quant à elles être mieux soutenues.
En outre, monsieur le ministre, pourquoi refuser de rétablir l’obligation de garde pour les médecins libéraux ? Pourquoi refuser de contraindre les médecins en secteur 2 et les établissements privés à participer davantage à la permanence des soins ?
Un bon tiers des Français sont confrontés à des pénuries de médicaments. Les préconisations formulées par la commission d’enquête menée par notre ancienne collègue Laurence Cohen et par notre collègue Sonia de La Provôté mériteraient d’être prises en compte ; mais vous préférez réduire la contribution de l’industrie pharmaceutique à l’assurance maladie, y compris pour les industriels qui délocalisent leurs productions.
J’y insiste, il est urgent de retrouver des capacités publiques de production de médicaments essentiels aujourd’hui en rupture de stock.
Vous stigmatisez les malades : vous autorisez des médecins payés par les employeurs à les contrôler et à les sanctionner, en refusant d’analyser avec discernement les raisons de l’augmentation des indemnités journalières. Si le Gouvernement avait véritablement pour but de lutter contre la fraude, il s’attaquerait aux 8 milliards d’euros de fraude patronale.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
Mme Céline Brulin. Avec l’amendement de notre collègue député Marc Ferracci, retenu par le Gouvernement après utilisation du 49.3, vous entendez revenir sur les exonérations de cotisations sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic.
Démonstration est faite que ces exonérations ne sont plus tenables, ni économiquement ni socialement. Mais, en les concentrant sur les plus bas salaires, vous aggraverez encore le tassement des rémunérations, à l’heure où une part croissante de nos concitoyens ne parvient plus à joindre les deux bouts.
Aussi, nous proposons d’assortir ces exonérations de contreparties en matière salariale, environnementale ou d’égalité professionnelle. C’est d’ailleurs le souhait émis par les organisations syndicales lors de la récente conférence sociale.
Alors qu’elles n’ont aucun résultat positif sur l’emploi et les salaires, ces exonérations grèvent les dépenses publiques de près de 90 milliards d’euros. Je sais que ce chiffre vous fait sourciller, mais il figure à l’annexe 4 de votre texte.
C’est d’ailleurs incroyable de voir avec quelle énergie certains ici veulent conditionner, par exemple, le revenu de solidarité active (RSA) à l’accomplissement d’heures d’activités, tout en refusant de solliciter la moindre contrepartie des entreprises.
À défaut d’un projet de loi relatif au grand âge, ce PLFSS devrait aussi être l’occasion de lancer les recrutements massifs dont ont besoin les Ehpad pour atteindre l’objectif d’un professionnel pour un résident. On en est loin ! On est même loin des annonces présidentielles de 50 000 recrutements d’ici à la fin du quinquennat. Les embauches se sont limitées à 3 000 cette année et ne sont prévues qu’à hauteur de 6 000 l’an prochain : à un tel rythme, nous ne sommes même pas sûrs d’atteindre 50 000 recrutements en 2030…
Au titre de la branche famille, le Gouvernement prévoit d’utiliser les excédents dégagés grâce aux différentes réductions des prestations familiales pour financer la création du service public de la petite enfance.
À nos yeux, les entreprises doivent contribuer au financement d’un tel service ; l’État ne doit pas, une nouvelle fois, faire peser l’effort sur les seules collectivités territoriales.
Nous aurons l’occasion de revenir sur la branche AT-MP et sur le coup de Jarnac infligé aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
Enfin, j’évoquerai la branche vieillesse.
La réforme des retraites était censée « garantir l’équilibre du système ». Les résultats financiers pour 2024 traduisent en réalité une aggravation du déficit de l’ordre de 4 milliards d’euros. Cette réforme est donc inefficace – je crois me souvenir que nous l’avions dit ! – et les prétendues mesures d’accompagnement, comme la pension à 1 200 euros minimum, se sont volatilisées, laissant place à une revalorisation moyenne de 30 euros mensuels pour les plus faibles retraites…
En définitive, le PLFSS pour 2024 est à l’image de cette réforme des retraites : on demande encore et toujours des efforts à nos concitoyens, en formulant la vaine promesse d’améliorer les comptes publics, pour constater qu’il n’en est rien et demander de nouveaux sacrifices. Faut-il vraiment s’entêter dans cette voie, qui ressemble de plus en plus à une impasse ?
Souhaitons que le débat qui s’ouvre aujourd’hui permette de montrer que d’autres logiques peuvent être développées pour assurer la protection sociale du XXIe siècle, que nos concitoyens sont en droit d’attendre. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe du RDSE, je tiens tout d’abord à remercier M. le président de la commission, ainsi que Mmes et MM. les rapporteurs. Ils nous ont permis d’entamer ces débats dans la clarté ; or la tâche n’était pas simple.
Avant tout, il me paraît primordial de rappeler le contexte politique et social dans lequel nous étudions le présent texte. En effet, le PLFSS pour 2024 doit être appréhendé à l’aune de crises importantes, qui se cumulent.
Cette année encore, je crains que ce texte ne soit véritablement examiné et débattu que par le Sénat. Une telle situation démontre une fois de plus tout l’intérêt du travail de la Haute Assemblée, quand certains persistent à remettre en cause le bicamérisme.
Par ailleurs, de vives tensions perdurent au cœur même de notre système de santé et de protection sociale.
Les professionnels des hôpitaux publics déplorent encore bon nombre de situations critiques ; en résultent des fermetures de services, qui ont un impact négatif indéniable sur les usagers.
Du côté de la médecine libérale, le mécontentement est également palpable. Il est notamment alimenté par les négociations tarifaires avec l’assurance maladie.
À la fin du mois de septembre dernier, les discussions du Gouvernement avec les partenaires sociaux au sujet des 68 milliards d’euros de réserve de la retraite complémentaire Agirc-Arrco n’ont pas été de nature à rassurer les syndicats et le patronat, qui gèrent ce régime paritairement. L’apaisement devait pourtant être de rigueur, après un début d’année particulièrement agité autour de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 portant réforme des retraites.
Parallèlement, les difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel des établissements sociaux et médico-sociaux entament la motivation des équipes, qu’elles soient chargées de tâches d’exécution ou de direction. À ce sujet, les iniquités de traitement, notamment salariales, entre les corps de métier du public et du privé sont souvent dénoncées.
Entre autres éléments de contexte, j’évoquerai enfin les diverses enquêtes journalistiques dédiées aux dérives de la financiarisation d’un certain nombre de services essentiels, allant de la petite enfance au grand âge. En somme, nous serions face à un système lucratif fondé sur le profit, sacrifiant souvent la qualité de l’accompagnement de nos enfants et de nos aînés.
Ainsi, les défis pour 2024 ne manquent pas ; nous devons nous doter d’un budget de la sécurité sociale à la hauteur de la situation sans pour autant aggraver le déficit, indicateur fondamental de la soutenabilité du système.
Or – nos différents rapporteurs l’ont rappelé à juste titre –, si l’on en croit les prévisions, les déficits des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du FSV devraient repartir à la hausse, passant de 8,8 milliards d’euros en 2023 à 11,2 milliards d’euros en 2024.
Les élus du RDSE sont profondément attachés à la pensée ayant inspiré la création du système de sécurité sociale en France, sur le modèle bismarckien, en 1945. Ils s’associent, partant, aux inquiétudes de leurs collègues quant à la trajectoire financière des régimes.
Dans cet esprit, nous regrettons le manque de réflexions relatives à une réforme structurelle de la sécurité sociale, de même que la faiblesse des pistes visant à stabiliser les recettes.
En revanche, au-delà de l’équilibre financier de la sécurité sociale, sur lequel beaucoup d’éléments pertinents ont été abordés en commission, notre groupe salue, sur le fond, quelques grandes avancées pour la qualité de vie des Français.
Nous sommes notamment très satisfaits du volet relatif à la prévention, qui érige des politiques publiques permettant de maintenir nos concitoyens en bonne santé, en leur donnant les moyens de s’informer et de suivre leur santé, de même que des outils visant à améliorer leur hygiène de vie.
Nous pensons à la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans – population touchée par les infections sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées –, ainsi qu’à l’article 19, qui acte la prise en charge des protections réutilisables pour les femmes de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S).
Le lancement de la campagne nationale de vaccination contre les papillomavirus humains dès la classe de cinquième est également une bonne mesure. Dans le monde, un tiers des jeunes hommes de plus de 15 ans est porteur d’un papillomavirus et environ 20 % sont atteints d’un type de HPV susceptible d’engendrer un cancer. Il y a donc urgence à agir, raison pour laquelle l’article 17 est naturellement le bienvenu.
En outre, nous saluons le premier pas vers la réforme de la tarification à l’activité (T2A) des hôpitaux, pour ce qui concerne les activités de médecine, de chirurgie et d’obstétrique. Il était temps, car nous percevions depuis trop longtemps déjà les limites de ce mode de financement. L’hôpital a plus que jamais besoin d’un filet de sécurité budgétaire diversifié. Pour ce faire, nous devons absolument plafonner la part de la T2A.
Le temps étant compté, je ne m’éterniserai pas davantage, bien qu’il y ait beaucoup à dire sur des sujets sous-explorés, tels que le grand âge, avec une trajectoire démographique de la France qui soulève de nombreuses questions.
Nous aurons l’occasion, mes collègues du groupe du RDSE et moi-même, de défendre nos amendements et de nous prononcer sur les propositions de nos collègues au cours des prochains jours, qui s’annoncent riches en débats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous nous retrouvons cette semaine pour un temps fort de notre année de travaux, l’examen du budget de la sécurité sociale pour 2024. Cette année encore, notre système de santé a connu des difficultés et a dû faire face à un contexte inflationniste ayant entraîné une augmentation des coûts de fonctionnement.
L’enjeu pour le Gouvernement était clair : ne pas laisser cette hausse des coûts mettre en péril les établissements de santé, tout en permettant aux personnels soignants de gagner dignement leur vie, avec le risque de voir s’évaporer les avancées du Ségur du fait d’une augmentation du coût de la vie. S’ajoute à cela la nécessaire marche en avant pour la modernisation du système de santé et la meilleure prise en charge des patients.
Madame la ministre, messieurs les ministres, comme si la liste des contraintes n’était pas déjà assez complexe, il vous faut, bien sûr, ne pas laisser filer les déficits et trouver des économies dans les différentes branches.
Dans ce jeu d’équilibriste, vous parvenez à dégager plusieurs avancées pour nos concitoyens, et l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour 2024 en témoigne, avec une augmentation de 3,2 %, soit une hausse supérieure à l’inflation, et un montant de 8 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. Dans le même temps, vous prévoyez 3,5 milliards d’euros d’économies, en axant votre politique sur une maîtrise des dépenses de soins de ville et une responsabilisation de l’ensemble des acteurs.
Plusieurs mesures dans le domaine de la santé doivent être saluées.
Tout d’abord, un réel renforcement de la prévention, souvent parent pauvre des politiques de santé, est amorcé : généralisation de la vaccination contre les infections à papillomavirus, prise en charge intégrale des protections périodiques et des préservatifs pour les moins de 26 ans, réorganisation des rendez-vous de prévention aux âges clés.
Cette action est nécessaire pour enclencher un changement culturel dans notre pays. La prévention permet une meilleure prise en charge, plus précoce, des pathologies pour un coût plus faible pour l’assurance maladie. La politique, c’est prévoir à long terme et, par ce biais, vous accomplissez un pas décisif pour la santé de nos concitoyens pour les prochaines années.
De plus, nous nous dotons de nouveaux moyens pour assurer la continuité de l’accès des patients aux médicaments, dans un contexte de pénurie. En 2023, 37 % des Français ont déclaré être touchés par cette difficulté. Face à l’augmentation de la demande mondiale et des tensions sur les chaînes d’approvisionnement, nous devons agir !
Pour ce faire, nous soutenons votre proposition d’une délivrance à l’unité des antibiotiques en rupture de stock, en lien avec les pharmaciens.
Mais, pour éviter que la solution de l’urgence ne se transforme en principe, il faudra, dans le même temps, continuer votre travail de relocalisation de la production sur le territoire national. C’est un véritable enjeu de souveraineté et une obligation morale pour la protection de nos concitoyens.
Sans vouloir être exhaustive sur les mesures que contient ce texte, je veux, enfin, mettre en avant votre proposition d’étendre l’attribution simplifiée de la complémentaire santé solidaire à un certain nombre de bénéficiaires de minima sociaux, dont l’allocation aux adultes handicapés. Cette simplification doit être saluée, car elle réduira le non-recours et garantira à ces publics un meilleur accès aux soins.
Dans le cadre de l’examen de ce texte, le groupe RDPI portera un certain nombre de points au débat, notamment concernant la lutte contre l’obésité et l’accès aux produits sucrés, mais également sur la question du financement des politiques de santé dans les territoires ultramarins, sujet sur lequel nous sommes prêts à avancer de manière concertée avec le Gouvernement.
Pour finir, je voudrais affirmer, madame la ministre, messieurs les ministres, que nous soutiendrons votre proposition de budget, que nous trouvons responsable et ambitieuse, ainsi que les mesures qui iront dans le sens d’un meilleur accès aux soins pour les patients. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)