Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 742 rectifié ter.
Mme Anne Souyris. Défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces amendements identiques ont pour objet d’identifier une provision prudentielle au sein de l’Ondam.
Sachez que la loi de programmation des finances publiques en vigueur, comme le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 dont la navette vient de s’achever, prévoit déjà une réserve de 0,3 % de l’Ondam. Cette disposition se coordonne mal avec celle que vous proposez, mon cher collègue, ou pourrait la doublonner.
Le sujet est celui de l’inscription, du niveau et du pilotage de cette réserve ; il relève davantage d’un débat sur la construction des sous-objectifs et sur les outils de régulation. Malheureusement, je pense que ces questions appellent à être traitées dans une loi organique révisant la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Aurélien Rousseau, ministre. Compte tenu du vote intervenu à l’article 43, il n’y a tout simplement plus d’Ondam ; le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques. (Exclamations amusées.)
M. Bernard Jomier. Il a de l’humour !
Mme la présidente. Cet avis ne manque pas d’une certaine logique, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Monsieur Milon, l’amendement n° 121 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Alain Milon. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 121 rectifié ter est retiré.
Madame Souyris, qu’en est-il de l’amendement n° 742 rectifié ter ?
Mme Anne Souyris. Je le retire également.
Mme la présidente. L’amendement n° 742 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 332, présenté par Mmes Imbert et Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un dépassement anticipé du montant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ordre de plus de 1 % du montant inscrit à l’article 43 de la présente loi constitue une remise en cause des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale au sens de l’article L.O. 111-9-2-1 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Pour l’instant, en effet, il n’y a plus d’Ondam 2024, mais le recours au 49.3 comblera peut-être cette lacune à l’Assemblée nationale ! (Sourires.)
La commission propose donc, comme elle l’a fait l’année dernière, de préciser l’exigence suivante : un dépassement de l’Ondam 2024 de l’ordre de 2,5 milliards d’euros – soit un dépassement de 1 % – conduirait le Gouvernement à venir présenter à la commission des affaires sociales une trajectoire actualisée sur laquelle celle-ci serait chargée d’émettre un avis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Aurélien Rousseau, ministre. Il existe d’ores et déjà un dispositif plus contraignant et plus démocratique encore que celui que vous proposez, madame la rapporteure.
En effet, si, au mois de mai prochain, le comité d’alerte, qui se réunit à date fixe, estime que la dérive de l’Ondam est supérieure à 0,5 %, il demandera au Gouvernement et à l’assurance maladie de venir présenter au Parlement des mesures de redressement. C’est le principe même de la construction de l’Ondam – j’ai évoqué plus tôt l’unique précédent de 2007.
Une telle procédure se déclenche dès lors que la trajectoire est dépassée de 0,5 %, et non de 1 %, seuil retenu dans le dispositif de votre amendement.
Je précise du reste que ces mesures de redressement ne sont pas des mesures unilatérales : elles supposent de repasser devant le Parlement.
Par conséquent, cet amendement est satisfait par les inventeurs de la LFSS. Je demande donc à Mme la rapporteure de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. Madame la rapporteure, l’amendement n° 332 est-il maintenu ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Certes, l’Ondam 2023 a été révisé à deux reprises, au printemps dernier et au début de l’examen de ce texte. De mémoire, ces rectifications représentent 3,5 milliards d’euros, bien au-delà du 1 % que j’ai évoqué.
Cet amendement vise à prévoir une clause de retour devant le Parlement, et spécifiquement devant les commissions des affaires sociales. Par conséquent, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 43.
Article 43 bis (nouveau)
Dans le cas où le risque sérieux que les dépenses d’assurance maladie dépassent l’objectif national de dépenses d’assurance maladie est imputable à l’évolution des dépenses liées à la crise sanitaire résultant de l’épidémie de covid-19, il n’est pas fait application, en 2024, des trois dernières phrases du cinquième alinéa de l’article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 333 est présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 1280 est présenté par M. Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane, Ouizille et Michau, Mmes Bonnefoy, Harribey et G. Jourda, MM. Temal, Durain, Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 333.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Monsieur le ministre, j’ai bien compris que vous teniez au comité d’alerte ; justement, cet amendement vise à supprimer l’article 43 bis, qui dispense ledit comité de faire son travail en l’empêchant de prendre en compte les dépenses liées à la crise sanitaire résultant de l’épidémie de covid-19.
Alors qu’en 2023 le dépassement de l’Ondam par rapport à la prévision révisée, qu’il était pourtant possible d’anticiper dès le mois de juin, n’a pas conduit à des propositions de mesures de la part du comité, il n’est pas tenable de ne pas redonner à ce dernier tout son rôle dans le pilotage de l’Ondam et de ne pas rétablir les outils afférents à cette mission, d’autant que l’impact de la crise liée au covid-19 devrait être très limité.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 1280.
M. Bernard Jomier. Il a été très bien défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Aurélien Rousseau, ministre. La rédaction de l’article 43 bis ne dispense pas le comité d’alerte de jouer son rôle en cas de crise ; elle l’autorise à distraire ou à « détourer » les dépenses liées à la crise des autres trajectoires. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait depuis trois ans.
Le comité d’alerte pourrait donc retirer des comptes des dizaines ou des centaines de millions d’euros – j’ignore ce qu’il en sera l’année prochaine – alors que, dans le même temps, une dérive des dépenses justifierait par ailleurs son action.
C’est le comité d’alerte lui-même qui demande que soit sécurisé l’exercice de cette mission qu’il assume depuis trois ans.
Je comprends la position de la commission. J’aimerais partager son optimisme, mais, à cette date, j’ignore totalement si l’impact du covid-19 sera important. J’espère que non et que nous sommes désormais dans la trajectoire classique d’une épidémie. Malgré tout, il faut envisager le cas où un variant nouveau se propagerait, nécessitant des vaccins inédits.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 333 et 1280.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 43 bis est supprimé.
Article 44
I. – Le montant de la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est fixé à 335 millions d’euros au titre de l’année 2024.
II. – Le montant de la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante est fixé à 355 millions d’euros au titre de l’année 2024.
III. – Le montant du versement mentionné à l’article L. 176-1 du code de la sécurité sociale est fixé à 1,2 milliard d’euros au titre de l’année 2024.
IV. – Les montants mentionnés à l’article L. 242-5 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 751-13-1 du code rural et de la pêche maritime couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge fixé en application de l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale et les dépenses supplémentaires engendrées par le dispositif mentionné à l’article L. 4163-1 du code du travail sont fixés respectivement à 191,7 millions d’euros et à 9,6 millions d’euros pour l’année 2024.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vous apprendrai pas que l’article 44 retrace les dotations et transferts émanant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) de certains régimes.
En 2024, 8 % des dépenses de la branche AT-MP seront affectés au financement d’autres branches. C’est quatre fois plus que l’effort de la branche en matière de prévention, ce qui ne manque pas de susciter nos interrogations. Le transfert à la branche maladie est notamment en cause ; j’y reviendrai en présentant un amendement de la commission.
La nouveauté, cette année, c’est la hausse de plus de 50 % de la dotation au Fiva, le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, du fait de la revalorisation du barème d’indemnisation et du retour de son fonds de roulement autour de son niveau prudentiel. Le bien-fondé de l’augmentation de la dotation au Fiva est incontestable, puisqu’elle est au service des victimes de l’amiante.
Je ne peux toutefois m’empêcher de noter que, dans le même temps, l’État, qui porte pourtant une part de responsabilité certaine dans l’affaire de l’amiante, n’augmentera pas d’un centime sa dotation au Fiva, fixée de manière prévisionnelle à 7,7 millions d’euros par an jusqu’en 2026, chiffre inscrit à l’annexe 2 jointe au PLFSS pour 2024. Il s’agit d’un montant anecdotique comparé aux 335 millions d’euros versés par la branche AT-MP ; le symbole est regrettable…
Pour répondre à l’accroissement des besoins du Fiva, la branche AT-MP ne devrait pas assumer seule l’intégralité de l’effort financier.
Je le rappelle, la branche AT-MP n’a pas vocation, au motif qu’elle est excédentaire, à servir de variable d’ajustement pour combler le déficit des autres branches.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, sur l’article.
Mme Pascale Gruny. Monsieur le ministre, je compléterai les propos de Mme la rapporteure en vous donnant un exemple concret.
Ce lundi, j’ai enfin pu échanger avec la caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) des Hauts-de-France, que j’avais sollicitée à la demande d’un traiteur de ce territoire qui souhaite faire un investissement afin d’éviter le port de charges lourdes à ses salariés. Voici la conclusion de cet échange : la Carsat nous informe que, depuis le mois de juillet dernier, elle ne dispose plus de fonds pour accompagner les entreprises.
Avant de prélever des milliards d’euros et de faire des bascules entre tuyaux en s’appuyant sur des statistiques qui ne sont même pas revues systématiquement chaque année, il faudrait commencer par accompagner les entreprises en matière de prévention, des accidents de travail comme des maladies professionnelles !
Je trouve vraiment aberrant et incohérent que des artisans doivent attendre pour obtenir de tels fonds. Vous rendez-vous compte qu’on leur demande d’attendre l’année prochaine, lorsque des fonds seront de nouveau disponibles ? Monsieur le ministre, on parle de salariés, de personnes humaines qui s’abîment le dos ! Et, quand un employeur souhaite les accompagner, on lui répond que les fonds manquent, car ceux-ci sont épuisés en six mois. C’est tout de même bien dommage.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 937, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise à alerter quant à la sous-déclaration des AT-MP et à la nécessité urgente d’y apporter une réponse autre que le seul transfert de crédits, par ailleurs sous-évalué, de la branche AT-MP vers la branche maladie.
Mme la présidente. L’amendement n° 334, présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le montant :
1,2 milliard
par le montant :
1 milliard
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 937.
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Cet amendement vise à fixer à 1 milliard d’euros, plutôt que 1,2 milliard d’euros, le montant du transfert de la branche AT-MP à la branche maladie du régime général au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles pour 2024. Ce faisant, la commission entend rendre au transfert la valeur qui était la sienne de 2015 à 2021, avant deux hausses consécutives de 100 millions d’euros, en 2022 puis en 2023.
Considérant que la branche AT-MP n’a pas vocation, au prétexte qu’elle est excédentaire, à financer les déficits structurels d’autres branches, la commission s’oppose à la croissance continue du montant de ce transfert depuis son instauration en 1997. En outre, cette tendance revient à nier l’implication des acteurs concernés et les efforts substantiels fournis par les employeurs et par les caisses de sécurité sociale pour limiter la sous-déclaration.
J’en viens à l’amendement n° 937.
Il convient de rappeler que la commission n’est pas opposée, sur le principe, à l’existence d’un transfert de la branche AT-MP vers la branche maladie au titre de la sous-déclaration, qui est un phénomène étayé statistiquement depuis des décennies : elle ne conteste que le montant retenu. Par conséquent, elle n’a pas souscrit à la volonté des auteurs de l’amendement n° 937 de supprimer purement et simplement le transfert.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Aurélien Rousseau, ministre. La commission qui évalue les sous-déclarations et rend son rapport au Parlement tous les quatre ans, dont je rappelle qu’elle est indépendante, a remis son dernier rapport en 2021. Une perspective y est tracée et une fourchette de sous-déclarations établie sur la base des études épidémiologiques.
Pour être tout à fait direct, je précise que le Gouvernement fait le choix de retenir la borne basse fixée par la commission, soit 1,2 milliard d’euros, pour procéder au transfert, qui est ici contesté, de la branche AT-MP vers les autres branches.
J’insiste sur le fait que le Gouvernement s’en tient aux évaluations de cette commission, sans aller au-delà et en en retenant même la borne basse ; le chiffre ainsi fixé doit permettre malgré tout, puisqu’il se situe dans la fourchette établie par la commission, de couvrir le coût pour la branche maladie des sous-déclarations.
Avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Le phénomène des sous-déclarations pose une véritable question. Alors que leur nombre croît, le Gouvernement fait le choix de se fonder sur la borne basse de la fourchette que la commission ad hoc a fixée. Ne faudrait-il pas plutôt s’interroger sur les causes d’une telle augmentation ?
Pourquoi les accidents du travail sont-ils si peu déclarés ? Est-ce pour des raisons de facilité ? Il faudrait qu’une étude approfondie soit menée et que la commission ad hoc s’interroge sur ce qui oblige chaque année à opérer un tel transfert au titre des sous-déclarations.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à fait !
Mme Corinne Féret. Il me semble du reste que, cette année, ce montant ne tient pas compte de l’évolution à la hausse des sous-déclarations.
Il faudrait au contraire réduire petit à petit le nombre des sous-déclarations, faire en sorte que les accidents du travail fassent l’objet d’une pleine et entière reconnaissance (M. le ministre acquiesce.) et accompagner les entreprises pour les aider à bien identifier ce type d’arrêt de travail, qui n’est pas un arrêt de travail ordinaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je voterai l’amendement n° 937.
Le montant de ce transfert devrait baisser, non qu’il soit trop important aujourd’hui, mais parce qu’il ne saurait valoir solde de tout compte ! On devrait presque affecter une partie de cette somme à rechercher les raisons de ces sous-déclarations – par exemple les pressions exercées par les employeurs pour ne pas avoir à déclarer des AT-MP – et à lutter contre ce phénomène pour qu’il baisse.
Je rappelle que la sous-déclaration prive de droits les salariés. C’est terrible !
Si l’on considère que les études épidémiologiques sur lesquelles s’appuie cette commission, qui est indépendante – M. le ministre l’a rappelé –, sont mauvaises, on peut lancer une mission d’information. J’ai d’ailleurs demandé à la commission des affaires sociales que soit lancée une mission sur les AT-MP, dont les sous-déclarations constitueraient l’un des volets. J’y participerais volontiers !
Vous avez choisi de retenir la borne basse, monsieur le ministre. Pourquoi une telle décision ? Le choix de la borne moyenne eût été moins contestable. En tout état de cause, luttons contre ces sous-déclarations, qui sont une véritable plaie. On ne peut pas se contenter d’un tel transfert sans se donner les moyens d’endiguer ce phénomène.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 44, modifié.
(L’article 44 est adopté.)
Article 45
Pour l’année 2024, les objectifs de dépenses de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles sont fixés à 16,0 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 840 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 938 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 840 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je reviens un instant sur l’article précédent. Puisque la branche AT-MP est excédentaire, utilisons ces ressources pour financer des actions de prévention, plutôt que de prévoir des transferts que nous cherchons à limiter.
L’amendement n° 840 rectifié tend à supprimer l’article 45.
Les objectifs de dépenses 2024 de la branche AT-MP reposent, on l’a dit, sur une sous-déclaration des AT-MP qui justifie le transfert vers la branche maladie. En outre, on constate une dégradation des conditions de travail génératrice de pathologies du travail accentuées par les réformes engagées ces dernières années – flexibilisation, intensification. On sait par exemple que les accidents du travail touchent majoritairement les plus jeunes et les plus âgés, c’est-à-dire les deux bouts du parcours professionnel, pour des raisons différentes.
Les accidents du travail méritent une attention particulière en France. Selon les chercheurs Nicolas Dufour, Caroline Diard et Abdel Bencheikh, la France est championne d’Europe des accidents du travail et des morts au travail, et ce quelles que soient les méthodes de calcul retenues.
Alors que, dans le même temps, la Confédération européenne des syndicats (CES) vise l’objectif de zéro mort au travail d’ici à 2030, entre 2009 et 2017, la France est le seul pays à avoir vu s’accroître le nombre de morts au travail, celui-ci passant de 557 à 585, soit vingt-huit décès supplémentaires. Cela représente une augmentation de 22 %. Les chiffres sont têtus et ils ne sont pas bons !
En comparaison, les Pays-Bas, dont le taux de décès est déjà plus faible à l’origine, ont réussi à le faire baisser de 45 % en huit ans. Quelles sont les actions à mener pour atteindre le même résultat ? C’est la question qu’il faut poser. Selon les dernières prévisions Eurostat, la France n’atteindra jamais l’objectif de zéro mort au travail en 2035.
Sans même parler des décès, le taux d’incidence en France est le plus élevé d’Europe.
Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l’amendement n° 938.
Mme Silvana Silvani. Nous regrettons le niveau insuffisant de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, alors que le baromètre de la gestion des accidents du travail et maladies professionnelles publié le 10 octobre dernier démontre que la sinistralité globale ne baisse pas depuis 2020.
Alors que, depuis 2019, les entreprises de plus de cinquante salariés ont l’obligation de négocier un accord collectif en faveur de la prévention des effets de l’exposition à certains facteurs de risque professionnel, dits facteurs de pénibilité, seules quatre entreprises sur dix déclarent avoir signé un accord permettant de réduire ou d’éliminer l’exposition des salariés à des facteurs de risques professionnels.
Pourtant, l’absence d’accord expose à une pénalité de 1 % de la masse salariale et les cotisations patronales AT-MP sont directement proportionnelles à la sinistralité observée dans l’entreprise, est-il rappelé par les auteurs du baromètre.
Par ailleurs, nous déplorons que la publication du rapport d’information sur la santé des femmes au travail de la délégation aux droits des femmes du Sénat n’ait donné lieu à aucune mesure pour accélérer les actions de prévention dans les secteurs d’activité accidentogènes et féminisés tels que le médico-social, la santé et l’entretien. Nos collègues signalent, dans leur rapport, que le nombre d’accidents du travail subis par des femmes a augmenté de 42 % entre 2001 et 2019, alors que, durant la même période, ce chiffre a baissé de 27 % pour les hommes.
Manifestement, le Gouvernement intègre la sous-déclaration chronique des accidents du travail et des maladies professionnelles au budget de la sécurité sociale sans chercher ni à les prévenir ni à améliorer les conditions de travail.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Ces deux amendements identiques visent à supprimer l’objectif de dépenses de la branche AT-MP pour 2024.
Certes, je vous rejoins, mes chères collègues, l’objectif de dépenses qui nous est présenté ne brille pas par son ambition. (M. le ministre s’étonne.)
Malgré un excédent record en 2023, l’absence de mesures nouvelles en matière de prévention est particulièrement regrettable ; on peut la déplorer. Comme vous l’avez souligné, madame Poncet Monge – la commission partage votre analyse –, le rapport d’information de la délégation aux droits des femmes intitulé Santé des femmes au travail : des maux invisibles, qui a été remis à la fin du mois de juin dernier, contient de nombreuses recommandations. Nous allons travailler à leur diffusion dans l’objectif de faire évoluer la prévention en matière de santé des femmes au travail, car il s’agit d’un sujet essentiel.
Toutefois, l’objectif de dépenses qui est inscrit à l’article 45 du PLFSS ne semble pas insincère ; il porte en lui des mesures très attendues telles que la revalorisation de l’indemnisation des victimes de l’amiante par le Fiva.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques ; mais la prévention et la santé des femmes restent un sujet majeur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Aurélien Rousseau, ministre. En application de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, il s’agit d’un article obligatoire. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Certes, la branche AT-MP est excédentaire, mais je partage l’analyse de mes collègues quant à l’augmentation du nombre d’accidents du travail dans différents domaines d’activité. Ce sont d’ailleurs les femmes qui sont particulièrement touchées aujourd’hui, notamment celles qui occupent des métiers dans les secteurs du service à la personne.
Je veux aussi évoquer les conséquences de la réforme des retraites, qui a donné lieu à un long débat et sur laquelle, ici même, nous nous sommes opposés à la majorité sénatoriale et au Gouvernement.
Quand vous demandez à celles et à ceux qui sont déjà usés et fatigués de travailler deux ans de plus, jusqu’à 64 ans, vous augmentez les risques d’accident du travail et les situations d’invalidité. Je rappelle que, dans le cadre de cette réforme des retraites, le Gouvernement a refusé de réintégrer quatre critères de pénibilité quand il s’est agi de créer le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu).
Voilà autant de conséquences qui ne sont pas intégrées dans ce projet de budget et que je souhaitais rappeler.