Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Grégory Blanc. Monsieur le ministre, dans votre réponse au rapporteur général Husson, vous avez souligné à la fois le bon état des finances de 2022, ce qui est juste, et le fait que de nombreuses collectivités sont en difficulté en 2023, ce qui l’est également.
En revanche, vous n’avez pas souligné un point qui pose problème : les collectivités sont confrontées à des hausses, de l’inflation, des taux d’intérêt, du point d’indice, à des maintiens relatifs de dotations, même si nous avons entendu qu’il fallait sans doute craindre l’avenir, mais aussi – c’est le plus inquiétant – à un retournement, sans doute durable, du cycle.
Vous avez évoqué les DMTO, qui sont en chute libre. Je pense aussi à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui amorce une baisse. Il s’agit là pour les collectivités non pas du « double effet Kiss Cool », mais d’un « triple effet », auquel il va nous falloir réagir et réfléchir lors de l’examen du projet de loi de finances !
Vous n’avez pas fait état non plus des moyens permettant de financer la transition écologique.
Dans le rapport qu’ils ont remis la semaine dernière, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et la Banque postale signalent un encours d’endettement qui aura augmenté de 77 milliards d’euros en 2030, c’est-à-dire d’ici à six ans, pour simplement tenir la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), et ce avec, d’un côté, le maintien du fonds vert, et, de l’autre, l’indexation de la DGF, qui n’est pas assurée ; vous venez de le dire.
Vous n’avez pas souligné la nécessité de repenser la fiscalité locale, en instaurant un lien entre l’impôt et le citoyen, mais aussi en modulant l’impôt au regard de l’enjeu environnemental.
Sur le problème de la fiscalité locale, vous n’avez pas répondu au rapporteur général. Comment comptez-vous faire évoluer cette fiscalité pour répondre aux enjeux de la transition écologique ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, je partage ce que vous dites sur la nécessité de garantir le financement de la transition écologique. On le sait, les collectivités territoriales ont un rôle décisif dans ce domaine, puisqu’elles financent 70 % des investissements civils et qu’elles ont des compétences qui sont au cœur de cette transition. Il faut donc bâtir un plan de financement qui leur permette d’accompagner cette planification écologique.
Vous l’avez dit, les 2,5 milliards d’euros au titre du fonds vert représentent un effort inédit en faveur des collectivités territoriales. Nous avons renforcé ce dispositif, qui n’existait pas encore l’année dernière, dans le projet de loi de finances, en le faisant passer de 2 milliards d’euros à 2,5 milliards d’euros.
Il nous revient collectivement de rassembler l’ensemble des financements. Ainsi, j’ai pris l’engagement que soit présentée chaque année, devant le Parlement, notre stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique, ce qui était largement attendu par tous les groupes. Le point doit ainsi être fait sur les financements de l’État, ceux des collectivités, ceux de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), les certificats d’économies d’énergie, la responsabilité élargie du producteur (REP), afin de savoir comment garantir le financement de la planification écologique.
Nous tiendrons cet engagement en amont de chaque projet de loi de finances. La première stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique sera donc présentée au printemps prochain.
Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour la réplique.
M. Grégory Blanc. Alors même que l’enjeu prioritaire est de clarifier les finances locales, je m’étonne que l’on prévoie de faire un rapport portant sur l’ensemble des compétences des collectivités territoriales. C’est prendre le problème à l’envers, au lieu de se concentrer sur les priorités qui s’imposent à nos collectivités !
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat.
M. Ian Brossat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement – on en a eu l’illustration au cours de ce débat – nous répète sur tous les tons que nos finances locales se montrent sous leur meilleur jour.
D’ailleurs, monsieur le ministre, je note que vous disiez exactement la même chose en 2017 à propos des bailleurs sociaux, ce qui vous a permis de les ponctionner. On en voit le résultat aujourd’hui : on n’a jamais produit aussi peu de logements sociaux en France, et ce gouvernement porte une responsabilité majeure en la matière.
M. Bruno Belin. Exact !
M. Ian Brossat. Il manque pourtant de l’argent à nos communes, à nos collectivités, à nos services publics. Tout le monde le dit, tous les maires le disent, ça craque de partout et le service public local est en souffrance.
Personne ne pourra nier la responsabilité du Gouvernement dans ce domaine. Je pense à la baisse constante des dotations de l’État, qui ont perdu 15 milliards d’euros depuis 2012, au fait que les charges réelles de fonctionnement de nos collectivités ont augmenté en 2022 de 5,9 %, quand les produits réels de fonctionnement ont augmenté de 5,2 %. Tout cela fragilise nos communes, qui sont pourtant des sentinelles de la démocratie.
Et à chaque fois que notre pays est en difficulté, à chaque fois que le Président de la République et la majorité se retrouvent confrontés à des problèmes, c’est vers les maires que vous vous tournez. Il y a un certain paradoxe à traiter aussi mal les communes et à s’adresser si souvent aux collectivités quand vous avez besoin de sortir de vos difficultés !
C’est la raison pour laquelle beaucoup de questions sont posées aujourd’hui par les maires, alors même que l’État continue de transférer des compétences aux collectivités sans leur allouer les moyens correspondants.
Nous souhaitons donc vous interpeller en ce jour de Congrès des maires de France. Comptez-vous donner enfin au service public local les moyens de fonctionner correctement et indexer la DGF sur l’inflation, comme le proposent les parlementaires communistes et les sénateurs de notre groupe ?
M. André Reichardt. Bonne question !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous évoquez en effet une terrible difficulté : la baisse de la DGF, observée depuis 2012, pour un montant de l’ordre de 15 milliards d’euros. Sachez que vous ne pouvez pas l’imputer à notre majorité ! En effet, depuis 2017, nous avons d’abord stabilisé cette dotation, puis mis un coup d’arrêt à sa diminution, qui avait commencé lors du mandat précédent ; puis, nous l’avons augmentée à deux reprises.
Cette baisse de plus de 10 milliards d’euros de la DGF que vous pointez et qui, à l’époque, avait mis un certain nombre de collectivités en grande difficulté n’est donc pas de notre responsabilité. Au contraire, nous avons tout fait pour reprendre le chemin d’une relation de confiance avec les collectivités.
Je le disais précédemment, en citant des chiffres, on évoque souvent le dynamisme des dépenses des collectivités, et notamment le prix de l’électricité, de l’alimentation dans les cantines, etc. Or, quand on examine leurs recettes, on constate que celles-ci sont aussi extrêmement dynamiques.
Pour le seul bloc communal, par exemple, on observe depuis le début de l’année 2023 une croissance des recettes de fonctionnement de près de 9 %. Il n’y a donc pas – je vous le redis – d’effondrement ou d’étranglement financier du bloc communal.
Je suis tout à fait prêt à débattre avec vous de la situation financière d’autres strates, comme les départements ; la baisse des DMTO est en effet une réalité. Mais, encore une fois, il faut avoir l’honnêteté de dire que la situation des communes est très différente de ce que vous décrivez parfois.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rencontre, comme vous, régulièrement les maires de mon département, l’Hérault. Lors de ces réunions, le problème de la sécurité est toujours posé. Peu à peu, on a instauré dans l’esprit de nos concitoyens l’idée que la sécurité, c’est l’affaire des maires.
Ma question porte donc sur les missions de sécurité. Les communes sont conduites à y consacrer toujours davantage de moyens, alors que cela ne relève pas de leur compétence.
Compte tenu du désengagement progressif de l’État, une part croissante des budgets municipaux est désormais affectée à l’installation de caméras de vidéosurveillance ou au recrutement de policiers municipaux, au nombre de 24 000 aujourd’hui, 11 000 postes supplémentaires étant envisagés d’ici à la fin du mandat, en 2026.
Les missions des polices municipales, autrefois limitées au stationnement et à la circulation, ont été considérablement élargies pour faire face au défi de l’insécurité. Les policiers municipaux pallient les carences de l’État.
Cependant, les ressources fiscales sont inégales, et les formes de délinquance tout aussi disparates.
Monsieur le ministre, allez-vous accorder les moyens nécessaires pour assurer la sécurité de tous les Français, sur tout le territoire ? Cette mission régalienne de l’État doit être prise en charge par l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, la tranquillité et la sécurité publiques, c’est une affaire commune entre l’État et le maire.
M. Christian Bilhac. Non !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je crois au continuum de sécurité. Je crois à la bonne coopération entre la police nationale et la police municipale. Je crois à la proposition actuellement faite à la plupart des élus de signer des contrats de sécurité intégrée.
C’est par la bonne coopération entre la police municipale et la police nationale, aux responsabilités différentes, mais complémentaires, que l’on améliore l’efficacité de ce service public.
Je ne crois pas qu’un maire puisse complètement se désintéresser de la question de la tranquillité publique et renoncer à cette compétence, d’ailleurs ancienne.
Je crois à la coopération, traduite par les contrats de sécurité intégrée. Dans quelques jours, nous débattrons du projet de loi de finances, qui prévoit un effort supplémentaire destiné au recrutement et au renforcement des moyens de la police nationale dans tous nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.
M. Christian Bilhac. La sécurité, c’est l’affaire de l’État ; la tranquillité publique, c’est l’affaire des maires. Il ne faut pas tout mélanger ! La délinquance ou le trafic de drogues ne relèvent pas des compétences des maires !
Les maires pallient les carences de l’État, défaillant. Il y a quelques années, c’était l’État qui finançait largement l’installation de caméras de vidéosurveillance. Mais, aujourd’hui, ces financements sont terminés, ou remplacés par une déduction de la DETR. Il y a donc bien un désengagement de l’État. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains.)
M. Victorin Lurel. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Monsieur le ministre, l’article 52 de la loi organique du 1er août 2001 prévoit qu’un rapport portant sur la situation d’ensemble des finances publiques locales soit annexé au projet de loi de finances de l’année.
Nous débattons cet après-midi du rapport sur la situation des finances publiques locales en 2023, remis le 3 octobre dernier. Après un état des lieux, ce rapport aborde les évolutions des transferts financiers de l’État et des dispositifs de péréquation, et présente les mesures inscrites dans le budget pour 2024 concernant les collectivités.
Il y est précisé qu’à périmètre constant et courant, après avoir été stabilisés entre 2014 et 2017, les transferts financiers aux collectivités progressent depuis 2018. Ils progresseront encore en 2024, de plus de 1,15 milliard d’euros.
Le sujet n’est pas sans lien avec le débat précédent, car cet engagement s’inscrit désormais dans une logique de planification écologique territoriale. Le budget de l’État pour l’année prochaine prévoit une hausse des dépenses favorables à l’environnement de plus de 7 milliards d’euros.
Au mois de juillet dernier, le Gouvernement présentait les cinquante-deux leviers qu’il entend actionner en faveur de la transition écologique. Les collectivités le savent et le veulent ; elles prendront une large part pour relever le défi du siècle.
Cependant, les questions de la capacité financière des collectivités et de la stabilité de leurs ressources se posent. Il faut inscrire dans le temps long ces investissements, en prenant des engagements pluriannuels ou en leur affectant des ressources propres. En effet, une collectivité ne pourra pas se lancer dans de tels chantiers sans la certitude de pouvoir les conduire jusqu’au bout.
Dans le même temps, la démarche de budgétisation appelée « budget vert local » doit être précisée. Monsieur le ministre, quel cadre d’équilibre financier prévoyez-vous pour réussir la planification écologique territoriale ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, vous avez raison : le chantier du siècle, celui de réussir la transition écologique, est devant nous.
Nous en franchirons une première étape à l’aide du budget pour l’année 2024, qui prévoit une augmentation de 10 milliards d’euros des dépenses consacrées à la transition écologique. Cette hausse doit naturellement s’accompagner d’investissements conduits par les collectivités territoriales. Compte tenu de leurs prérogatives et de leur part dans l’investissement public, il n’y aura pas de transition écologique sans ces dernières.
Pour cette raison, dans le budget 2024, nous prévoyons d’augmenter encore la dotation du fonds vert, qui doit accompagner les stratégies des collectivités concernant la renaturation, le changement de l’éclairage public ou la rénovation des réseaux d’eau : autant de sujets sur lesquels les collectivités doivent agir, et vite.
La stratégie de financement par les collectivités repose sur plusieurs leviers. Je vous renvoie au rapport de l’I4CE : cette stratégie repose à la fois sur la réorientation des dotations de l’État grâce au fonds vert et sur la capacité des collectivités à dégager des ressources propres, ainsi qu’à réorienter leurs dépenses. Nous souhaitons d’ailleurs nous doter à l’aide des budgets verts d’une boussole commune à l’État et aux collectivités. Lorsque c’est nécessaire, cette stratégie fait également appel aux capacités d’endettement de ces dernières, par exemple dans le cas d’un plan de rénovation d’école, dont les générations futures bénéficieront.
Au mois de juin prochain, nous présenterons un rapport sur le financement pluriannuel de la transition écologique, qui est une attente de très nombreux groupes politiques, au Parlement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les relations entre l’État et les collectivités sont au cœur de notre débat.
Si l’État compte de nouveau sur les collectivités pour relever le défi de la transition écologique, il doit tenir ses engagements et accompagner les communes dans la mise en œuvre les politiques qu’il a lui-même initiées.
Dans le projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement propose de supprimer le fonds de soutien au développement des activités périscolaires.
Ce fonds aide les communes ayant adopté la semaine de quatre jours et demi, à la suite de la réforme de 2013. Sa suppression enverrait un signal négatif et menacerait les programmes périscolaires.
Certes, le nombre de communes bénéficiant du fonds a diminué. Mais cela ne justifie pas de compromettre les politiques locales.
De plus, son maintien ne menace en rien nos finances publiques. Au contraire, ce fonds assure la continuité d’activités enrichissantes dont le rôle pédagogique n’est plus à démontrer pour nos élèves.
Une telle décision, prise, comme souvent, sans consultation des élus locaux, suscite à raison le ressentiment des maires. Elle oublie totalement de prendre en compte les besoins spécifiques des territoires.
Monsieur le ministre, supprimer ce fonds serait une erreur. L’État doit continuer à accompagner les communes et garantir la qualité de l’offre périscolaire sans contraindre le budget des collectivités.
Je vous remercie par avance de vos éclaircissements sur cette question importante pour nombre de communes. (M. Christian Bilhac applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Elle permet de préciser l’intention du Gouvernement s’agissant du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP), qui accompagne les communes dans le financement des activités périscolaires.
Ce fonds s’adapte au nombre de communes qui suivent encore la semaine de quatre jours et demi, à l’opposé de celles qui, par libre choix, ont décidé de revenir à la semaine de quatre jours.
Il avait été un temps envisagé de faire disparaître ce fonds ; vous avez raison. Depuis, des échanges et des concertations ont eu lieu avec les associations d’élus. La Première ministre l’a précisé, il n’est plus question de le supprimer. Le fonds est prolongé, laissant le temps à une concertation plus approfondie avec les associations d’élus.
Je vous rassure, madame la sénatrice : le Gouvernement maintiendra bien un dispositif pour l’année à venir, afin d’accompagner les communes suivant toujours des rythmes scolaires de quatre jours et demi, qui ont besoin de financer des activités périscolaires adaptées.
M. Olivier Paccaud. Sage décision !
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le ministre, ce fonds correspond à la mise en œuvre d’une réforme voulue par l’État. J’ai bien entendu votre réponse, mais vous ne prévoyez qu’une prorogation du dispositif. L’année prochaine, nous nous retrouverons vraisemblablement face au même dilemme.
Vous nous indiquez que la décision est différée. La commission des finances envisageait de retirer cette mesure du projet de loi de finances (PLF). S’il devait de nouveau être question de la suppression de cette aide, nous ferions le même choix, car ce fonds correspond à une réforme voulue par l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d’abord remercier M. le rapporteur général d’avoir pris l’initiative de ce débat alors que les maires, que je salue, sont réunis en congrès.
La situation financière des collectivités territoriales, singulièrement des communes, évolue rapidement malgré leurs efforts de gestion.
La photographie de cette situation de reprise économique consécutive à une pandémie doit être mise en perspective au moins à trois niveaux.
Premièrement, elle masque des résultats contrastés dans les collectivités. Il est nécessaire de sacraliser et de renforcer nos mécanismes de péréquation.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Stéphane Sautarel. Deuxièmement, cette situation se dégrade très vite, notamment du fait d’une conjoncture économique moins favorable, d’une inflation durable, de l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires, de la hausse des taux d’emprunt et d’une dynamique fiscale à la baisse. Cela vaut pour les DMTO, la TVA ou la TICPE. L’année 2024 sera compliquée : anticipons, car la suite sera impossible sans réforme de fond.
Troisièmement, les départements sont en train de retrouver un effet ciseaux mortifère, du fait de la décorrélation de leurs ressources et de l’exercice de leurs compétences, par ailleurs non pilotables.
Le vrai sujet des finances publiques locales, ce ne sont pas les subventions d’investissement. C’est l’autofinancement des collectivités, et des communes en particulier, qui se retrouve en grand danger. Cette tendance doit tous nous inquiéter : les collectivités risquent non seulement de réduire leur niveau de service public, mais aussi, par voie de conséquence, leurs investissements.
Monsieur le ministre, alors que les collectivités jouent un rôle contracyclique essentiel dans notre pays et qu’elles sont essentielles à la transition écologique, ne prenez pas le risque de casser le moteur territorial de proximité, le seul à encore fonctionner dans notre pays. Ce serait une faute.
Faire confiance aux collectivités, c’est évidemment leur accorder les moyens nécessaires à l’action, ne pas faire payer l’ardoise de la dette à ceux qui n’ont pas creusé les déficits, et aussi leur donner une réelle liberté et lisibilité d’action.
Monsieur le ministre, quelle lisibilité et quelle liberté d’action comptez-vous donner aux collectivités dans la perspective de la réforme de la DGF que vous envisagez ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, nous suivons avec attention la situation financière du bloc communal, notamment des communes.
Le nombre des communes dites « en difficulté », suivies individuellement par la direction générale des finances publiques, a baissé de 23 % entre 2019 et 2022. Nous devrions nous réjouir de cette bonne nouvelle. Comme vous l’avez indiqué, cette baisse s’explique grâce à la bonne gestion des élus locaux.
Je sais qu’il y a une difficulté s’agissant des départements. Mais, aujourd’hui, on ne peut pas dire que le bloc communal soit en difficulté, pour la simple et bonne raison que les communes bénéficient de recettes dynamiques.
Je suis très favorable à une action en faveur de la liberté d’action des communes. Le Président de la République a pris l’initiative, lors des rencontres de Saint-Denis, de demander aux différents responsables politiques comment engager un nouvel acte de décentralisation, où les responsabilités seraient enfin clarifiées.
Depuis les lois Defferre, qui allaient dans le bon sens, les compétences partagées n’ont eu de cesse de se mêler et de s’entremêler. Je suis pour que l’on aille très loin dans une décentralisation de clarté. (M. Jean-Raymond Hugonet marque son approbation.) Il faut mettre un terme au partage des compétences, nuisible à la lisibilité de l’action des élus et à leur responsabilité, alors que ces derniers doivent conduire en première ligne les politiques publiques qui leur sont confiées.
M. André Reichardt. Il faut le faire !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, vous avez raison d’insister : la DGF a baissé pendant dix ans.
Vous avez aussi raison d’avancer qu’elle a augmenté en 2022 et 2023. Mais elle a augmenté moitié moins que l’inflation. En termes de pouvoir d’achat, le compte n’y est pas.
Dans ce contexte, les collectivités doivent faire face à de multiples augmentations des coûts et, surtout, à un mur d’investissements.
En guise d’exemple, en plus du rapport d’information d’Hervé Maurey et Stéphane Sautarel sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité, cité par le rapporteur général, nous pourrions mentionner les travaux de la mission d’information sur le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique. Lors de son audition, Mme Faure indiquait que, si l’on appliquait les obligations du décret tertiaire, les sommes à investir d’ici à 2030 seraient de l’ordre de 55 milliards d’euros pour n’atteindre que le premier palier défini, à savoir une baisse de la consommation d’énergie de 40 % en 2030 par rapport à 2010. C’est colossal !
À la question de savoir si des aides seront distribuées pour aider les collectivités pour faire face à cette nouvelle obligation, on répond : « le fonds vert ». Mais ce dernier n’est pas inextensible.
De plus, les communes se heurtent à un maquis d’aides, le système étant très complexe. Mais là où il n’y a pas de maquis, parce qu’il n’y a presque plus d’aides, c’est pour l’exercice la compétence de la voirie routière. Le domaine de la sécurité routière et de la voirie est totalement délaissé, alors que les communes ne peuvent pas assurer seules ces compétences.
Le Gouvernement pense-t-il un jour proposer une aide – en l’occurrence, cela ne figure pas dans le projet de loi de finances – digne de ce nom pour la voirie, qui n’est pas un investissement dépassé ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur, la DGF représente en moyenne 20 % des recettes des communes. Comment expliquer qu’en novembre 2023, les recettes de fonctionnement du bloc communal aient augmenté de 9 % par rapport à l’année précédente ?
M. Jean-Marie Mizzon. Par les économies !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Peut-être, monsieur le sénateur. Mais il faut aussi tenir compte d’une recette extrêmement dynamique : la taxe foncière.
Les bases fiscales de la taxe foncière ont été revalorisées de 7 % en 2023 ; ses recettes à l’échelon national ont augmenté de 10 %. La taxe foncière représente davantage que la DGF dans les ressources des communes.
Si le bloc communal résiste, c’est parce que nous avons résisté à la volonté de certains groupes politiques à l’Assemblée nationale de plafonner à 3,5 % l’évolution des bases fiscales de la taxe foncière. Nous avons laissé aux communes cette liberté de revaloriser le calcul de la taxe, car il s’agit d’un impôt local. Le Gouvernement n’est pas revenu sur l’indexation choisie par le Parlement. Il s’agit d’une protection majeure des ressources des collectivités territoriales, bien plus importante que la dotation globale de fonctionnement.
Je vous rejoins sur le bâti scolaire : le chantier est considérable, en termes d’économies pour les mairies comme de confort de nos enfants, de nos enseignants et du personnel qui les accompagnent. Il s’agit d’un enjeu d’investissement pour les collectivités, d’accès aux prêts de la Caisse des dépôts et consignations, qui a lancé programme dédié, Édurénov. C’est également le fonds vert, le tiers financement voté en janvier dernier, qui permet de nouvelles modalités de financement pour la rénovation des bâtiments publics. Vous le constatez, nous avons enrichi l’arsenal au service des collectivités.
Enfin, la voirie relève de la responsabilité des départements. Certains départements sont en difficulté. Comment, dans les dispositifs de secours que nous bâtissons, pouvons-nous également traiter la question de la voirie ?