M. Jean-Michel Arnaud. Inacceptable !
M. Bernard Delcros. Nous proposerons donc de corriger cette injustice, en rétablissant le montant de la hausse de la DSR au niveau de 2023.
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
M. Bernard Delcros. Par ailleurs, je tiens à saluer la réforme de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales que vous proposez. Les crédits seront plus que doublés et portés à 100 millions d’euros en 2024, les critères d’éligibilité seront étendus à toutes les aires protégées et les superficies concernées seront réellement prises en compte.
Il s’agit là d’avancées importantes, réclamées depuis longtemps par le monde rural, désireux que les services qu’il rend à notre société soient mieux reconnus. D’autres marches resteront toutefois à gravir dans les prochaines années pour progresser encore vers cette reconnaissance.
Nous approuvons également la réintégration des dépenses d’aménagement de terrains des collectivités territoriales dans le périmètre des dépenses éligibles au FCTVA, ainsi que la reconduction du fonds vert, dont les crédits sont portés à 2,5 milliards d’euros. Enfin, la décorrélation des taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires est une bonne mesure, qui doit cependant être assouplie, car trop restrictive.
Par ailleurs, je m’associe pleinement aux propos de notre collègue Raphaël Daubet sur la nécessité de rétablir le prêt à taux zéro dans les zones B2 et C, c’est-à-dire dans les zones rurales.
Enfin, nous nous réjouissons du maintien des zones de revitalisation rurale, devenues des zones France ruralités revitalisation, annoncé dans le plan France Ruralités et concrétisé dans ce projet de loi de finances. Ce dispositif essentiel pour les territoires ruraux était régulièrement menacé de disparition ; il est enfin pérennisé.
Toutefois, monsieur le ministre, nous n’approuvons pas certains des critères qui ont été retenus, comme la référence au trente-cinquième centile du revenu médian, qui exclut injustement de très nombreuses communes aujourd’hui bénéficiaires, ou encore l’exclusion du dispositif des reprises d’activité.
Comme l’a indiqué mon collègue Stéphane Sautarel, il appartient désormais au Sénat, dans le cadre du présent projet de loi de finances, d’aboutir à un projet calibré pour répondre aux besoins de nos territoires ruraux les plus fragiles. Notre groupe contribuera à ce projet.
Monsieur le ministre, vous le voyez, le groupe Union Centriste aborde l’examen de ce projet de budget de manière positive, en ayant pour seule volonté de trouver les meilleures solutions pour notre pays et pour ses territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Maryse Carrère, ainsi que MM. Emmanuel Capus et Marc Laménie applaudissent également.)
M. Jean-Michel Arnaud. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2024 s’inscrit à l’évidence dans le droit fil des budgets précédents et traduit un ancrage profond dans une perspective néolibérale. (M. le ministre délégué le conteste.)
Certes, quelques mesures sont prises pour lutter contre l’inflation. Elles ne sauraient cependant suffire à éviter la précarisation d’une part toujours plus importante de notre société ni réduire la fracture territoriale.
Dans un contexte économique et social dégradé, l’État a toujours pu compter sur les collectivités territoriales. Ces dernières doivent, elles aussi, pouvoir compter sur l’État.
Depuis 2017, le Gouvernement n’a cessé de souffler le chaud et le froid. Alors que les collectivités territoriales portent 70 % de l’investissement public en France, leur rôle est sans cesse sous-estimé et leur gestion remise en question.
Il convient de le rappeler : les élus locaux ne sont pas responsables de notre dette et de nos déficits publics. La dette des collectivités territoriales ne représente que 8 % de la dette publique totale, ce qui rend d’autant plus questionnable la contrainte budgétaire imposée par l’État.
Pourquoi cette méfiance envers nos collectivités locales et les élus locaux ? Rien ne la justifie. Pourtant, il semble que du côté de Bercy, il y ait méfiance. Contraindre les dépenses à un rythme inférieur à celui de l’inflation, c’est ce que j’appelle de la méfiance.
La mesure des 0,5 %, cette règle d’airain, est tout aussi dure que les contrats de Cahors. Elle peut être perçue comme une externalisation de la rigueur budgétaire sur le dos des collectivités, les obligeant à adopter des politiques d’austérité.
La baisse des impôts de production, la suppression de la taxe d’habitation et d’autres réformes fiscales coupent les élus locaux de l’indispensable lien avec leur territoire.
Le processus de mitage fiscal engagé par le Gouvernement depuis 2017 transforme progressivement les impôts locaux en compensations et dotations. En conséquence, les collectivités locales sont éloignées de la gestion de leurs propres ressources et ne conservent qu’une marge de manœuvre réduite. Le projet de loi de finances pour 2024 s’inscrit parfaitement dans cette logique en plafonnant la progression des dépenses de fonctionnement, ce qui réduit la liberté d’action des collectivités.
Les 220 millions d’euros supplémentaires de DGF accordés pour 2024 représentent moins de 1 % de l’inflation, alors qu’une indexation sur l’inflation aurait conduit à une augmentation comprise entre 1 milliard d’euros et 1,3 milliard d’euros.
Cette situation met en lumière le déséquilibre entre les attentes et les ressources disponibles pour les élus locaux. Ces derniers dénoncent d’ailleurs, à raison, une attaque contre l’autonomie financière des collectivités.
Le groupe socialiste du Sénat défendra par voie d’amendement l’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation, afin de rétablir une certaine équité financière.
Au total, nous pouvons estimer que ce PLF pour 2024 entraîne, pour les collectivités territoriales, une perte de ressources de plus de 2,2 milliards d’euros.
Cette perte résulte de divers facteurs, dont la fin des dispositifs de protection contre la hausse des prix de l’énergie, la ponction de 67 millions d’euros sur diverses dotations et l’absence de compensation de la revalorisation, amplement justifiée, de 1,5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique.
Ces chiffres mettent en évidence la nécessité de reconsidérer la trajectoire budgétaire actuelle, afin de préserver la capacité des collectivités à répondre aux besoins de leurs territoires.
Monsieur le ministre, le panier fiscal des collectivités est aujourd’hui quasiment nationalisé. En 2023, celles-ci devraient percevoir 53 milliards d’euros de fraction de TVA, soit près du quart de la TVA nette. Que se passera-t-il lorsque les recettes de TVA seront moins dynamiques ? (M. le ministre délégué lève les bras au ciel.)
Le cas se présentera dès 2024. J’imagine mal l’exécutif accorder alors un pouvoir de taux sur la TVA aux collectivités.
La question de l’impact des taux de TVA sur les finances locales mérite un débat. Avec le transfert croissant des recettes de TVA aux collectivités locales, ces dernières financent de plus en plus fréquemment, de facto et sans avoir leur mot à dire, des décisions de politique économique sectorielle prises par l’État. Les élus dépendent de ce fait des fluctuations et des orientations de la politique fiscale du Gouvernement.
Imaginez seulement – c’est une pure supposition !– que le Gouvernement décide de diminuer le taux de TVA sur les activités des poneys-club et des établissements équestres. (M. le ministre délégué sourit.) Les conséquences de ce choix assez particulier pèseraient sur les finances de l’État et sur celles des collectivités.
L’année 2024 s’annonce compliquée, du fait du ralentissement des recettes de TVA ou de la hausse des dépenses, en particulier sociales, des départements. Les élus locaux seront confrontés à des choix difficiles pour équilibrer leurs budgets et maintenir les services essentiels à la population.
Dès lors, de quelles marges de manœuvre les collectivités disposeront-elles, dans un contexte de besoins d’investissements accrus, pour honorer les engagements en matière de transition écologique ? Soyez toutefois assuré, monsieur le ministre, qu’elles y prendront tout de même toute leur part.
Il est urgent de rétablir une véritable autonomie financière et de reconnaître le rôle clé des collectivités dans le développement de nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canévet applaudit également.)
M. Olivier Rietmann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Tout le temps passé sur l’administratif, c’est du temps qu’on vous fait perdre. » Ces mots, je dirai même cette consigne, sont ceux du Président de la République. Il les a prononcés voilà deux jours, lors du lancement du programme ETIncelles, qui doit faire rayonner nos PME.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Quelle comédie !
M. Olivier Rietmann. Ayant fait de cette question le fil rouge de mon mandat de président de la délégation sénatoriale aux entreprises, je souscris à 100 % à son constat et à son appel : contre la charge administrative, menons la lutte !
Pourtant, en préparant l’examen de ce texte, je me suis demandé comment lire ce projet de budget pour 2024 tant il est dépourvu de mesures visant à simplifier la vie de nos entrepreneurs.
Sa lecture m’a laissé dubitatif également s’agissant de l’amélioration de l’efficacité des politiques et de la dépense publiques.
Je suis frappé au plus haut point par l’absence de vision de long terme pour notre économie et par le défaut de cap clair pour nos entreprises, comme en témoigne le report de la suppression de la CVAE, qui a pourtant été votée par le Parlement il y a seulement un an.
Je comprends l’impératif qui est le vôtre, monsieur le ministre, au regard de l’état des finances publiques de notre pays. Mais quand le Gouvernement tiendra-t-il compte de l’ardente obligation de stabilité, législative et fiscale, pour les entreprises ? (M. Didier Rambaud proteste.) Quand pourrez-vous enfin offrir un cap clair, solide et de long terme, comme on le demande à tout dirigeant, de la très petite à la grande entreprise ?
La délégation sénatoriale aux entreprises plaide pour une meilleure prise en compte des difficultés et des défis de nos entreprises dans la fabrique de la loi.
Parmi ces difficultés figurent bien sûr l’instabilité législative que je viens d’évoquer, mais aussi, nous le savons tous, le niveau de nos impôts de production. Ils sont en effet quatre fois plus élevés qu’en Allemagne et deux fois plus hauts que la moyenne de la zone euro !
Il y a surtout, comme l’a admis devant nous cette semaine le chef de l’État, ce handicap français, sur lequel nous pouvons agir sans jamais le faire : la complexité administrative, qui représente pour nos entreprises une charge de 60 milliards d’euros par an, soit 3 % du PIB.
Alors que le Gouvernement lançait en grande pompe vendredi dernier les Rencontres de la simplification, je découvre dans ce projet de loi – et ce n’est qu’un exemple – l’augmentation du nombre d’entreprises concernées par l’obligation dite de documentation.
Cette mesure est proposée sans étude d’impact, son seul objectif étant – cela vaut son pesant de cacahouètes ! – de faciliter la mission de contrôle de l’administration fiscale en matière de prix de transfert. Comment a-t-on pu en arriver à pareille inversion des priorités ? Si notre pays se soucie dorénavant davantage de faciliter la tâche des services administratifs que d’aider nos entreprises à créer de la valeur, c’est que la situation est grave !
Concrètement, une telle mesure revient à demander à des milliers d’entreprises de débourser des centaines de milliers d’euros pour produire une documentation qui, dans 99 % des cas, ne sera pas lue par l’administration fiscale. Je rappelle au passage que cette dernière peut déjà solliciter des informations complémentaires au cas par cas.
Comment expliquer une telle méfiance à l’égard de nos entreprises ? Cette présomption de culpabilité de votre administration à l’égard des entreprises est injustifiable, monsieur le ministre !
Enfin, vous le savez, je serai particulièrement attentif à la conservation de l’équilibre actuel du pacte Dutreil. Ce dispositif est essentiel à la pérennité de notre tissu économique, constitué à plus de 50 % d’entreprises familiales. La moitié d’entre elles seront en situation de transmission d’ici à 2030, un dirigeant sur quatre étant âgé de plus de 60 ans. Il faut anticiper et encourager la transmission. À défaut, nous favoriserons les rachats d’entreprises françaises par des fonds étrangers ou, pis, leur fermeture pure et simple.
Toucher au pacte Dutreil serait tout simplement un non-sens économique et politique. La délégation aux entreprises plaide de longue date pour renforcer et développer son utilisation. Je suis d’ailleurs heureux de voir que les députés de votre majorité ont repris à leur compte notre proposition de relever le seuil de l’abattement fiscal en cas de reprise par des salariés. (M. le ministre délégué acquiesce.)
En conclusion, je vous appelle, monsieur le ministre, à entendre les messages : celui du Président de la République, bien sûr, mais aussi ceux que nous porterons au cours de ce débat budgétaire.
Je vous invite à mieux prendre en compte l’effet réel de vos propositions sur les entreprises françaises et à remettre ce projet de budget pour 2024 en cohérence avec nos grands objectifs économiques.
Ne renoncez pas à combattre cette inflation – celle des obligations administratives – contre laquelle Montesquieu prévenait déjà par une formule que je vous invite à méditer (M. le ministre délégué s’en amuse.) : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Bernard Delcros a exposé la ligne du groupe Union Centriste : elle est constructive, mais exigeante. Tout au long de l’examen de ce projet de loi de finances, nous nous y tiendrons, tant il est nécessaire de rétablir les finances de notre pays.
Donnons d’abord crédit au Gouvernement sur la question de la croissance. Ce dernier avait affiché un objectif de 1 % pour 2023 et le pari sera tenu.
Pour 2024, le taux de 1,4 % est ambitieux, mais il est bon d’avoir de l’ambition pour l’économie française. Nous partageons donc totalement cet objectif.
Cela étant, il nous faut dès à présent nous rendre compte de l’état réel de nos finances publiques.
Mardi dernier, nous avons examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Pour rappel, le déficit de la sécurité sociale s’élève, pour 2023, à 8,8 milliards d’euros. Il atteindra 10,7 milliards d’euros en 2024 et 17,5 milliards d’euros en 2027.
C’est dire l’effort que nous devrons faire pour que nos finances de protection sociale retrouvent un équilibre ! Et malgré l’ampleur de ce déficit, nous percevons toujours de nombreuses insatisfactions de la part de l’ensemble des acteurs du secteur.
Pour ce qui concerne l’État, la situation en 2024 sera particulièrement grave, d’abord, parce que nous aurons à emprunter 285 milliards d’euros sur les marchés financiers, soit un montant tout à fait colossal, ensuite parce que le déficit public – près de 172 milliards d’euros cette année – restera, selon les prévisions, de 145 milliards d’euros l’année prochaine. C’est dire, là encore, le chemin qui reste à parcourir – M. le rapporteur général a largement développé ce point – pour revenir à l’indispensable équilibre des finances publiques.
Cette semaine, la Commission européenne nous a placés dans la « bande des quatre », avec la Belgique, la Croatie et la Finlande. Nous sommes les quatre pays de l’Union européenne – nous sommes le plus grand d’entre eux – dont la croissance des dépenses est la plus importante. Cela n’est pas acceptable.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est la bande des chenapans !
M. Michel Canévet. Nous sommes encore, avec la Belgique, Malte et la Slovaquie, dans la bande des quatre pays dont le déficit par rapport au PIB est le plus important. Cela non plus n’est pas acceptable.
Il nous faut d’autant plus restaurer l’équilibre de nos finances publiques qu’un certain nombre de signaux doivent nous alerter.
Le taux de chômage, d’abord, connaît une légère remontée. Certes, la réforme engagée par le Gouvernement autour de France Travail – nous la soutenons – doit apporter un certain nombre de réponses, mais nous devons aller plus loin, car le retour à l’emploi de nos concitoyens doit demeurer un objectif impératif.
Par ailleurs, Pascal Savoldelli et d’autres collègues ont rappelé combien la pauvreté dans notre pays nous préoccupe. Une part croissante de la population vit sous le seuil de pauvreté et les associations caritatives nous alertent régulièrement sur l’augmentation des besoins.
Cela doit nous conduire, me semble-t-il, à mieux flécher les actions de solidarité publique vers ceux qui en ont véritablement besoin. Cessons les mesures généralisées et mettons en place, au sein de chaque politique publique, des mesures ciblées sur les populations les plus en difficulté.
La situation du logement est également très préoccupante. Sans logement, il n’y a pas d’intégration dans la société, pas plus qu’il n’y a d’insertion professionnelle ou de vie sociale.
Nous le constatons tous, les indicateurs relatifs à la production ou à la vente de logements sont au rouge et les perspectives pour 2024 ne sont pas bonnes. Nous devons donc conduire une politique volontariste.
Certes, nous comprenons la position du Gouvernement, qui entend réduire les dépenses fiscales liées au logement. Nous partageons, nous aussi, l’idée que le dispositif Pinel représente pour l’État une charge trop lourde qu’il faut alléger.
Il est néanmoins souhaitable de favoriser l’accession à la propriété, notamment des primo-accédants, sur l’ensemble du territoire national et pas simplement dans les zones tendues.
M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !
M. Michel Canévet. Cet enjeu nous semble tout à fait crucial. Si nous voulons, demain, réduire le parc locatif et favoriser la mobilité en son sein, il est nécessaire que ceux qui le souhaitent puissent accéder à la propriété.
Dans cette perspective, le prêt à taux zéro est un outil intéressant, car il est financé par des recettes de TVA qui permettent d’améliorer la situation budgétaire de notre pays. N’hésitons pas à y consacrer quelques moyens, le retour sur investissement sera tout à fait intéressant.
Monsieur le ministre, nous devons aussi – Bernard Delcros nous y a invités – remettre de l’ordre dans les niches fiscales.
L’exercice est difficile et mécontentera à coup sûr leurs bénéficiaires. Affichons néanmoins la volonté de les réduire et de ne retenir que les plus essentielles.
Voilà les quelques considérations qui témoignent de la manière dont le groupe Union Centriste engage l’examen de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Merci à chacune et chacun d’entre vous de vos interventions et de vos questions, auxquelles je m’efforcerai de répondre de la manière la plus complète.
Je commencerai par répondre à M. le rapporteur général.
Notre trajectoire, monsieur le rapporteur général, est crédible. Nous avons restauré la crédibilité de nos finances publiques.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Eh non !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons ramené le déficit public sous la barre des 3 % du PIB, mais c’était avant les trois crises que nous avons rencontrées.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous l’avez enfoncé !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons sorti la France de la procédure pour déficit excessif et réduit le déficit public – je le rappelle – à 2,3 % en 2018.
Je le redis également, car l’information est passée relativement inaperçue : alors que nous avions anticipé pour cette année un déficit à 5 %, nous serons à 4,9 %, malgré les difficultés et les récessions qu’ont connues nos partenaires européens.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Merci aux autres !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Notre croissance a tenu. Je réaffirme donc notre objectif de 4,4 % de déficit. Le plus important à l’égard des Français et de nos partenaires est de tenir nos engagements.
Je préfère une trajectoire moins agressive, mais crédible, à une trajectoire par trop volontariste sur le papier, mais inatteignable. Voilà ce qu’est le sens des responsabilités.
Monsieur le rapporteur général, ne regrettons pas la politique du « quoi qu’il en coûte » au moment de la crise.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous devrions pourtant.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je sens dans vos propos une remise en cause de cette politique.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Elle était trop lâche !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Si nous avons aujourd’hui 1 % de croissance, c’est parce que nous avons protégé le pays. Quand je vois que nos partenaires allemands sont entrés en récession, je me dis, au contraire, que nous devons nous féliciter d’avoir mené cette politique.
Plus que l’attention portée à la dépense, les meilleurs alliés du redressement des finances publiques ont toujours été la croissance et l’emploi. Cela nous aurait coûté beaucoup plus cher de réparer un tissu économique abîmé et de résoudre une crise sociale si nous avions laissé le chômage s’emballer, si nous avions laissé un certain nombre d’entreprises partir au tapis.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas ce que nous avons dit.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Assumons que cette stratégie était la bonne. Elle a d’ailleurs été reconnue comme telle par la plupart des économistes.
Maintenant que nous avons fait ce constat et que les crises, énergétique et du covid-19, sont – je l’espère – derrière nous, nous devons à présent redresser nos finances publiques.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Et la crise du logement ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Si, il faut en avoir.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Tous les observateurs ont reconnu la crédibilité de notre démarche.
Monsieur le président Raynal, vous dites que la dépense publique n’est pas taboue. Vous avez raison et je pense que cette idée est très largement partagée quand je regarde notre modèle social. De la même façon d’ailleurs, le terme « économies » ne doit pas être tabou. Comme vous, nous sommes très attachés à notre modèle social. Toutefois, il n’y a pas de modèle social pérenne sans modèle social financé. (M. Thomas Dossus proteste.) Nous devons donc restaurer nos marges de manœuvre et réduire nos déficits publics.
Monsieur Rambaud, je vous remercie d’avoir mis en avant l’investissement colossal en faveur de la transition écologique que représente le projet de budget pour 2024. (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.) Je réponds également par anticipation à Christine Lavarde : il s’agit du budget le plus vert de notre histoire. (M. le rapporteur général s’exclame.)
Certes, nous pouvons sans doute aller beaucoup plus loin et ce débat est légitime.
M. Thierry Cozic. On est loin du rapport Pisani-Ferry !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur Cozic, je reviendrai plus tard sur le rapport de Jean Pisani-Ferry et de Selma Mahfouz.
Vous pointez les prétendues insuffisances de notre politique en matière de lutte contre la fraude et contre l’évasion fiscale. (M. Thierry Cozic s’exclame.) Vous pourriez pourtant vous féliciter des dispositions que prévoit ce projet de loi de finances. Mme Goulet les a saluées. Elles ne sont pas moins de vingt, qui viennent renforcer notre arsenal, permettent de mieux traquer la fraude sous toutes ses formes – celle des entreprises, des particuliers, sur internet –, de pénaliser ceux qui incitent à la fraude fiscale et qui en font le commerce, de contrôler les frais de transfert, ce qui vient d’être présenté comme un risque et une charge administrative.
Vous pourriez dire, tout de même, que tout cela va dans le bon sens !
La DGFiP comptera, d’ici à 2027, 1 500 personnes supplémentaires qui seront affectées au contrôle fiscal. Cela ne va-t-il pas dans le bon sens ?
Les caisses de sécurité sociale compteront également mille personnes de plus, la lutte contre la fraude sociale étant aussi l’une de nos priorités.
Vous auriez pu dire aussi, monsieur Cozic, que l’instauration d’un taux minimum de 15 % d’impôt sur les sociétés est une manière de s’assurer qu’aucune multinationale n’échappe à l’impôt sur les sociétés.
M. Thierry Cozic. Il faut donc vous remercier…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est une conquête majeure, une initiative franco-allemande de 2018, qui trouve pour la première fois sa traduction dans un texte national. Il s’agit d’une sacrée avancée, même si nous devons aller plus loin.
M. Thierry Cozic. En effet !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous devons certes aller plus loin pour resserrer les mailles du filet, mais tout de même ! (M. Rémi Féraud s’exclame.)
Madame la sénatrice Lavarde, vous n’avez pas été tendre. (Sourires.)
Sur les budgets verts, je ne partage pas votre analyse. Je les défends avec ferveur, y compris au sein de l’État. Nous devons en effet en faire un outil de pilotage. Nous augmentons les dépenses dites vertes de plus de 7 milliards d’euros. Certaines dépenses sont, il est vrai, difficiles à classer et vous avez raison de soulever ces difficultés.
Pour autant, il faut aller plus loin. Nous vous proposerons d’étendre les budgets verts aux opérateurs, dans un format négocié avec des associations d’élus.
Nous nous donnerons ainsi une boussole commune avec les collectivités territoriales, non pas sur l’ensemble des dépenses, mais sur les dépenses d’investissement : quelle est la part des investissements des collectivités territoriales qui participent à la transition écologique ?
L’objectif n’est pas de classer les collectivités ou de conditionner telle ou telle aide. Nous avons la transition écologique en partage, il faut bien que nous ayons quelques boussoles communes. Les budgets verts en font partie. (Mme Christine Lavarde s’exclame.)
En outre vous auriez pu souligner – peut-être l’avez-vous fait d’ailleurs (Mme Christine Lavarde acquiesce.) – que nous allons enfin nous doter d’une stratégie pluriannuelle du financement de la transition écologique. C’est le fruit d’un travail étroit entre le Parlement et le Gouvernement. Je suis très heureux de cette avancée et me réjouis de voir qu’elle vous semble aller dans la bonne direction.
Je partage complètement votre analyse sur le versement des aides aux entreprises. Nous avons d’ailleurs lancé à cet effet une revue de dépenses, la première de celles qu’a lancées la Première ministre.
Je m’interroge par exemple sur le fait que des aides du fonds de solidarité sont mises en œuvre par la DGFiP, quand d’autres le sont par l’Agence de services et de paiement (ASP). On le voit : notre champ est complètement éclaté. Nous devons le rationaliser, afin de faire des économies, de mieux lutter contre les erreurs et contre la fraude.
Enfin, aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n’a jamais remis en question comme vous le faites l’idée d’exprimer le déficit public en pourcentage du PIB. (Mme Christine Lavarde et M. Stéphane Sautarel sourient.)