Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, seuls deux des orateurs de cette discussion générale ont connu la réserve parlementaire : Éric Bocquet et moi-même. Permettez-moi donc de vous raconter brièvement comment nous procédions avant 2017, date à laquelle la réserve parlementaire, accusée de tous les maux, a été supprimée.
Née sous l’impulsion de Christian Poncelet, qui fut successivement secrétaire d’État chargé du budget et président de la commission des finances du Sénat, cette dotation était à l’origine réservée aux membres des commissions des finances des deux assemblées.
Mme Laurence Rossignol. Eh oui !
Mme Nathalie Goulet. Elle était, en outre, entourée d’un certain secret. On en fixait l’enveloppe à l’occasion d’une seconde lecture du projet de loi de finances, avec un enthousiasme certain, alors que cette étape de la procédure législative est généralement peu appréciée. (Sourires.) Certains parlementaires non membres de la commission des finances ignoraient même son existence. À ce titre, un compte était ouvert à notre nom au ministère de l’intérieur ; ce n’était évidemment pas de l’argent que les parlementaires avaient dans leurs poches. (Nouveaux sourires.)
La réserve parlementaire présentait une souplesse indéniable. Elle permettait de soutenir de petits projets, pour des montants modestes, dans de petites communes : c’est précisément pourquoi Hervé Maurey et Dominique Vérien ont déposé cette proposition de loi organique, largement cosignée.
Comme tout secret, celui-ci a fini par s’ébruiter et il a fallu partager. Donc, on l’a fait, mais mal, très mal, il faut bien le dire : la manne, mal partagée, était, à l’évidence, inégalement répartie. Je m’en souviens très bien pour ce qui me concerne : la réserve de mon défunt mari s’élevait à 150 000 euros ; lorsque je l’ai remplacé, en 2007, j’ai reçu, de la part de Jean Arthuis, 75 000 euros. Ce dernier avait appliqué le taux de la pension de réversion à ma réserve parlementaire (Rires et applaudissements.), je n’en avais donc que la moitié !
Puis le vote de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a tout changé, mes chers collègues. Placée dans les mains des présidents de groupe, la réserve était mieux répartie. Bien sûr, ils pouvaient piocher ici ou là, en appelant à votre bon cœur ! (Sourires.)
Pourquoi tant de haine ? Pourquoi tant de clientélisme ?
Monsieur le ministre, je vous rappelle un point : en 2010, Nicolas Sarkozy a alloué à l’Élysée une partie du montant de la réserve parlementaire, qu’il estimait trop élevé ! Y est-elle toujours, monsieur le ministre ?
M. Bernard Jomier et Mme Françoise Gatel. Ah ?
Mme Nathalie Goulet. C’est un sujet intéressant.
M. Philippe Vigier, ministre délégué. S’agit-il de la réserve du président Sarkozy ou du ministre de l’intérieur Sarkozy ?
Mme Nathalie Goulet. L’ancienne réserve parlementaire allouée par Nicolas Sarkozy à l’Élysée et à Matignon subsiste-t-elle ? Car Nicolas Sarkozy avait largement amputé la réserve parlementaire, pour, à l’évidence, profiter de cette manne.
Monsieur le ministre, nous vous l’avons dit, les subventions ne remplissent plus complètement leurs fonctions. Elles sont trop compliquées, trop lourdes, et à la main des préfets. Elles manquent de souplesse pour les petits projets, ceux qui ont un faible montant, car en dessous de 5 000 euros on ne peut quasiment rien financer !
De plus, le financement des associations pose un certain nombre de problèmes. Le débat que nous ouvrons aujourd’hui sur le rétablissement de la réserve parlementaire n’est pas inintéressant de ce point de vue.
C’est au moment où la réserve parlementaire a été supprimée qu’elle était probablement le plus transparente, à la fois dans la distribution et dans la publication des comptes.
Mme Laurence Rossignol et M. Hervé Maurey. Exactement !
Mme Nathalie Goulet. Des inégalités demeuraient, mais elles ont été progressivement gommées depuis 2013. Je l’ai dit, cette réserve était jadis à la main des présidents de groupe et, en prime, à la tête du client !
La proposition qui vous est faite aujourd’hui me paraît sensée. Elle a le mérite d’ouvrir le débat, même si je ne suis pas sûre qu’elle soit très bien perçue dans l’opinion publique.
M. Bernard Buis. C’est sûr…
Mme Nathalie Goulet. En effet, les gens ont aujourd’hui une autre conception de la transparence et leur image du parlementarisme est encore plus dégradée. Aussi, je crains que ce texte ne serve les propos antiparlementaires.
Néanmoins, il permettrait de rendre aux communes, notamment aux plus petites d’entre elles, le service qu’on leur doit. Tel est l’objet de cette proposition de loi organique, qu’une grande partie du groupe Union Centriste votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Ghislaine Senée. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, six années après la suppression de la réserve parlementaire, nous voilà aujourd’hui réunis pour nous prononcer sur son rétablissement.
Jugée populiste, dépassée, d’un autre temps, cette pratique a été supprimée par des parlementaires fraîchement élus et pour la plupart issus de la société civile, au travers d’un texte relatif à la moralisation de la vie publique. En effet, le principe même d’une enveloppe laissée à la discrétion d’un élu pour financer des projets locaux, précisément là où se situent ses intérêts électoraux, a suscité une inquiétude légitime quant au risque de dérive clientéliste.
Si aujourd’hui nombre d’élus locaux, d’acteurs associatifs et de parlementaires – près de trois cents d’entre eux ont lancé cette initiative – voient d’un œil favorable cette pratique, tel n’est pas le cas de la plupart de nos concitoyens, qui considèrent encore de façon très critique cette pratique, qu’ils ont jugée discrétionnaire. Quelles sont donc les raisons de ce rétropédalage, au moment même où les Français expriment toujours plus de méfiance vis-à-vis des politiques ?
D’abord, la réserve parlementaire a longtemps été un dispositif de confort pour les petites communes et associations, qui a permis de répondre concrètement à un besoin de financement complémentaire. Pour les collectivités, c’était en effet un moyen simple et souple d’accéder à un financement subsidiaire. Tous ceux qui parmi nous ont été maires – moi la première – en ont, bien évidemment, profité. Toutefois, force est de constater que les coupes draconiennes des dotations par le Gouvernement entraînent effectivement un déficit, que nous ne pourrons toutefois combler ni à l’aide de rustines ni par du saupoudrage.
Ensuite, selon certains, le retour de la réserve parlementaire permettrait de rétablir un lien, aujourd’hui distendu, entre l’élu et sa circonscription, en effaçant l’image du parlementaire déconnecté des réalités locales. Derrière ces mots transparaît, à mon sens, une forme de regret lié au sentiment de perte d’influence locale. Assurons-nous plutôt de défendre un outil au service des territoires et non des parlementaires !
Surtout, cet argument trahit, me semble-t-il, une interprétation erronée de notre rôle de député ou de sénateur. Si nous sommes tous ici attachés à notre circonscription, si nous souhaitons tous contribuer au bon fonctionnement de nos communes, à la pérennité de nos associations et au bien-être de nos habitants, nous sommes avant tout des élus de la Nation. Il nous faut revenir au sens constitutionnel de notre mandat qui nous confie la responsabilité de voter la loi, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques.
Si nous nous sommes engagés à agir pour nos territoires, nous devons le faire non par la distribution d’une aide financière, mais par la représentation des collectivités territoriales de la République et la défense de leur avenir, en commission et en séance, c’est-à-dire là où se situe notre véritable mission constitutionnelle. Nous ne devrions pas avoir besoin de distribuer de l’argent pour exister dans nos territoires. Nous le mesurons bien, cette question suscite de forts débats au sein de nos propres groupes politiques. Travaillons plutôt ensemble à renforcer notre ancrage territorial, en valorisant le travail législatif, en créant des dispositifs alliant souplesse et réactivité, et en renouant les liens.
Mes chers collègues, rétablir un dispositif supprimé il n’y a pas six ans par la volonté d’un Président de la République nouvellement élu dans le cadre d’une loi de moralisation de la vie publique serait incompréhensible pour nos concitoyens.
M. Bernard Buis. Très bien !
Mme Ghislaine Senée. Quel message adresserions-nous aux Français, si ce n’est celui de notre déconnexion avec leurs attentes et leurs perceptions ?
C’est pourquoi, dans un esprit de responsabilité, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires (GEST) votera contre le rétablissement de la réserve parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, et RDPI.)
M. François Patriat. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la suppression de la réserve parlementaire par la loi organique pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017, s’est inscrite dans une forme d’antiparlementarisme profond, lequel subsiste aujourd’hui, et l’on constate concomitamment une perte de prérogatives du Parlement.
La confiance populaire envers les parlementaires ne sera restaurée ni en amoindrissant sans cesse leur capacité d’intervention ni en caricaturant les positions politiques prises par « les oppositions ».
La fin de la réserve, somme allouée par une convention de la Constitution aux parlementaires pour financer de modestes projets associatifs ou communaux, a pris sa source non seulement dans une perspective de « moralisation » ou de « confiance » renouvelée, mais avant tout dans une perspective austéritaire.
D’ailleurs, la sanctuarisation des crédits promise n’a pas eu lieu. Loi de finances après loi de finances, les transferts aux collectivités ont fait l’objet de coupes claires à la suite des arbitrages « bercyens ». En somme, c’est une mesure symbolique d’économies supplémentaires de 183 millions d’euros faite sur les deux chambres, lesquels n’irriguent plus les territoires.
Sans revenir sur le démantèlement de la dotation globale de fonctionnement (DGF), je rappelle que les financements au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, sont gelés depuis 2018. D’ailleurs, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, la majorité sénatoriale a refusé deux amendements visant à indexer sur l’inflation la DETR et la DSIL. Ces amendements ont été balayés d’un revers de la main : le sort des territoires est ainsi lié au vote sur le rétablissement de la réserve parlementaire. Les tenants des économies déraisonnées se sont ligués contre la majoration des capacités d’investissement des collectivités, voilà pourquoi notre débat prend une acuité plus grande !
Faute de mieux, dirons-nous, les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky accueilleront ces quelques crédits ; ils viennent au secours des communes ou des associations, vers lesquelles les dotations ne ruissellent pas ou ruissellent peu.
Les élus locaux le savent bien, la DETR souffre aussi des planchers, seuils et autres restrictions, qui sont en décalage avec les réalités locales.
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Oui !
M. Éric Bocquet. Les petits projets échappent en effet à la DETR : en 2022, les subventions de 20 000 euros ou moins n’ont représenté, en cumulé, qu’à peine 10 % de l’enveloppe globale. Le montant moyen des subventions s’élève à 45 503,48 euros précisément, alors que l’ancienne réserve parlementaire des sénateurs finançait des projets de moins de 5 000 euros, soit de montants huit fois moins élevés.
J’ai entendu dire ici ou là que le fonds vert s’intégrerait dans les compensations. Mais ce dispositif est particulièrement illisible : 4 170 aides sont disponibles à ce jour ; c’est un véritable maquis de subventions pour les collectivités ! Mettre en regard la réserve parlementaire et l’outil principal de la transition écologique des collectivités, c’est réduire l’ambition climatique et en faire un sujet marginal !
Les associations, nous le savons, n’ont pas retrouvé non plus la flexibilité et le niveau d’aide qu’elles avaient sous l’empire de la réserve parlementaire. Ainsi, 80,8 % des bénéficiaires du fonds pour le développement de la vie associative sont des petites associations, qui comptent moins de deux salariés. Mais les deux volets sont particulièrement complexes et ne s’adressent pas aux mêmes acteurs de la solidarité.
La Cour des comptes, dans son rapport de 2021 intitulé Le Fonds pour le développement de la vie associative, a relevé « un constat avéré de saupoudrage », si bien que 66 % des subventions étaient inférieures à 2 000 euros en 2019 ; c’est incompatible avec l’intention de consolider et de pérenniser le tissu associatif. Le champ des publics potentiels « est en effet disproportionné par rapport aux capacités de financement du FDVA2, qui touche aujourd’hui un peu moins de 10 000 associations. »
L’opacité et les modalités d’attribution prévues par l’ancienne réserve parlementaire, bien qu’amoindrie depuis la publication en accès libre des projets financés, nous obligent à tout faire pour éviter que cette réserve parlementaire ne s’apparente un jour à une « mallette parlementaire ». Cette exigence de transparence est un préalable à son rétablissement. Nous plaidons en outre pour une égalité stricte de la répartition de la réserve parlementaire entre tous les membres du Parlement, sans distinction ; il n’y a pas d’élus de la Nation de seconde zone !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Éric Bocquet. Notre groupe votera très majoritairement pour cette proposition de loi organique, moi compris. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dispositif de la réserve parlementaire, en vigueur depuis 1973 à l’Assemblée nationale et depuis 1989 au Sénat, a été supprimé par la loi de septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.
En 2014, déjà, la Cour des comptes relevait des aberrations dans l’utilisation de cette subvention ; la presse faisait état de soupçons de clientélisme ou de conflits d’intérêts.
Pour répondre aux soupçons entourant cette pratique, un effort de moralisation a donc été entrepris, lequel visait à rendre obligatoirement publics le nom des bénéficiaires, les montants, ainsi que la nature des projets et des attributaires. Le contrôle du versement de ces subventions était, quant à lui, confié aux préfets. Les crédits de cette réserve s’élevaient à 150 000 euros ou 160 000 euros environ par parlementaire, le président d’une instance ou assemblée parlementaires bénéficiant d’une majoration.
Après leur suppression, les crédits afférents ont été en partie – l’État en a gardé un peu au passage, monsieur le ministre ! – répartis entre la DETR et le FDVA.
Six ans après, faut-il ou non rétablir la réserve parlementaire au motif que le fonds d’action pour les territoires ruraux et les projets d’intérêt général promis en contrepartie de sa suppression n’a pas été créé ? En tout cas, il faut faire quelque chose.
Dans la version initiale de cette proposition de loi organique, les nouveaux bénéficiaires étaient les communes de moins de 3 500 habitants, les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants et les associations. La commission a élargi le champ d’application des dispositions du texte aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et autres intercommunalités ou groupements de communes.
C’est vrai, grâce à leurs connaissances du territoire, les parlementaires, et en particulier les sénateurs, pourraient jouer un rôle actif, en aidant une commune dotée d’un budget réduit à financer un projet pour le boucler définitivement.
Cependant, je redoute que nous soyons obligés de répondre à de multiples demandes tout en n’ayant qu’une enveloppe limitée, car, même si nous sommes en période de Noël, je doute que le Gouvernement offre des tas de millions pour financer ce fonds…
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Qui sait ? (Sourires.)
M. Christian Bilhac. En effet, les préfets auront beau jeu de répondre aux élus dont les projets n’ont pas été retenus au titre du fonds vert, de la DETR ou de la DSIL, de demander au parlementaire de piocher dans sa cassette ! Nous serons donc obligés d’affronter le mécontentement des maires : comme on dit à la campagne, « Quand il n’y a plus de foin au râtelier, les chevaux se battent ».
M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. C’est très juste ! Il faut du foin !
M. Christian Bilhac. Mais il n’y en a plus !
Ainsi, si la réserve devait être rétablie, il faudrait non seulement en conserver le caractère rural, au risque que les crédits soient retirés de la DETR, mais également veiller à l’équité entre les parlementaires. On ne peut pas donner la même enveloppe à un député élu dans une circonscription comprenant trois communes ou trois arrondissements qu’à un sénateur qui doit satisfaire 400, 500, voire 700 communes.
M. Olivier Paccaud. Sans compter les associations !
M. Christian Bilhac. À titre personnel, je pense que nous avons plus à perdre qu’à gagner au rétablissement d’un tel dispositif. Mais il faut faire quelque chose. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas faire siéger tous les parlementaires au sein des commissions DETR et FDVA ?
M. Hervé Maurey. Cela ne sert à rien !
M. Christian Bilhac. Cela ne coûte rien ! Il s’agirait d’être informé de tous les dossiers de demande de DETR déposés, car actuellement ce n’est pas le cas, sauf pour le FDVA. Tel est l’objet de l’un des amendements que nous avons déposés.
On pourrait également envisager de laisser un reliquat de crédits de la DETR et du FDVA à la discrétion des parlementaires, soit quelque 100 millions d’euros si le taux du reliquat est de 10 % pour la DETR – c’est un exemple –, le reste demeurant à la discrétion des préfets.
Ainsi, les parlementaires pourraient répondre aux demandes des maires ayant déposé une demande de DETR ou de FDVA qui n’a pas été satisfaite. Les dossiers ayant déjà été instruits par l’administration, les maires n’auraient pas à les déposer une nouvelle fois. Pourquoi pas ?
Les votes des membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE), qui n’ont pas tous le même avis sur ce texte, seront partagés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement satisfaite du débat que nous avons aujourd’hui sur ce texte. En effet, vous le savez, notre collègue Alain Houpert et moi-même avons déposé, au mois de septembre dernier, une proposition de loi similaire, que vous avez été nombreux à cosigner, ce dont je vous en remercie chaleureusement.
Après avoir rencontré les députés du collectif pour la réserve parlementaire, nous avons décidé de relayer leur proposition de loi au Sénat. Le caractère transpartisan de cette initiative, dont l’un des auteurs est un député du groupe Renaissance, montre qu’il est nécessaire d’évoluer collectivement sur la réserve parlementaire, six ans après sa suppression.
Tout d’abord, il s’agit d’un constat pragmatique, nos concitoyens ne le savent certainement pas, mais les financements de la réserve parlementaire n’ont pas disparu en 2017. D’ailleurs, elle a été supprimée au moment où elle était devenue tout à fait transparente et accessible, visible par tous sur internet. Monsieur le ministre, je suis sénatrice depuis 2020, donc je n’ai pas vécu, contrairement à vous, l’époque d’avant, que vous nous avez racontée plus tôt.
J’ai été nommée par le président Larcher pour siéger dans mon département, le Bas-Rhin, à la commission d’élus de la DETR, aux côtés des maires de mon canton et des présidents d’intercommunalité. Je vous l’assure, cela ne fonctionne pas de façon transparente !
M. Hervé Maurey. Ça, c’est sûr !
Mme Laurence Muller-Bronn. Dans les faits, aux souhaits des maires, des présidents d’intercommunalité – ou aux nôtres –, on objecte que les projets de moins de 100 000 euros sont à la discrétion du préfet. (M. Hervé Maurey hoche la tête en signe d’assentiment.) Les explications motivant les refus ne sont pas obligatoires, même si les maires et les présidents d’intercommunalité les demandent !
Nous avons tous observé sur le terrain que ces deux dispositifs sont trop éloignés des réalités locales pour répondre exactement aux demandes des petites et moyennes communes que nous représentons.
De fait, nombre de maires nous rapportent les difficultés qu’ils rencontrent pour financer des projets modestes, mais indispensables, tels que la construction d’un préau d’école ou l’aménagement d’une aire de jeu. En effet, la rigidité du système actuel ne profite qu’aux plus gros projets, qui captent l’essentiel des financements, sans que nous, parlementaires, soyons associés aux décisions ; cette mesure n’est pas devenue très égalitaire ! Au bilan, nous assistons impuissants à une dérive centralisatrice, qui peut pénaliser les communes, leurs habitants et in fine l’intérêt général.
Quant aux associations, la complexité de la constitution des dossiers à déposer en préfecture, pour des projets qui auraient surtout besoin de souplesse et d’un coup de pouce financier, décourage bon nombre d’initiatives citoyennes.
En réalité, monsieur le ministre, il aurait fallu réformer et améliorer les modalités d’attribution de cette réserve plutôt que d’en faire table rase au motif d’un prétendu clientélisme. D’ailleurs, parlons-en de ce fameux clientélisme ! Lorsque les autres collectivités, les départements ou les régions – nombre d’entre nous ici sont conseillers départementaux ou régionaux – octroient des financements au travers de subventions aux communes font-elles, là aussi, du clientélisme ?
M. François Patriat. Oui, elles en font !
Mme Laurence Muller-Bronn. On peut se poser la question.
De même, lorsque le Gouvernement et les ministres octroient des financements aux collectivités via le fonds vert, le plan France Ruralités, divers appels à manifestation d’intérêt ou encore via les appels à projets pour le commerce rural, est-ce du clientélisme d’État cette fois ? On peut se poser également la question.
De fait, monsieur le ministre, parfois les fonds instaurés par l’État montrent aussi leurs limites. Ainsi, le triste exemple du fonds Marianne, dont le Sénat a révélé les dérives clientélistes et l’opacité, représente l’exact inverse des objets de la proposition de loi organique que nous présentons cet après-midi et qui est, je le rappelle, soutenue par un collectif citoyen, par l’AMF et par plus de 300 parlementaires.
Monsieur le ministre, si vous ne le faites pas pour nous parlementaires, faites-le au moins pour les maires ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe RDPI.) Ils vous en seraient peut-être très reconnaissants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations
Article unique
I. – La loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est ainsi modifiée :
1° Le I de l’article 7 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du troisième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Une dotation pour projets d’intérêt local. » ;
2° L’article 11 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « imprévisibles », sont insérés les mots : « et sur la dotation pour projets d’intérêt local » ;
b) À la première phrase du second alinéa, les mots : « la dotation » sont remplacés par les mots : « les dotations » ;
3° (nouveau) Après le même article 11, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :
« Art. 11-1. – I. – Chaque année, les commissions des finances de chaque assemblée adressent au Gouvernement la liste des projets d’intérêt local que les députés et les sénateurs lui proposent de soutenir par des subventions pour l’exercice suivant.
« Les projets d’intérêt local mentionnés au premier alinéa peuvent correspondre à :
« 1° Des projets d’investissement matériel ou immatériel des communes, de leurs groupements, ainsi que de leurs établissements publics ;
« 2° Des projets d’associations pouvant bénéficier de subventions publiques dans des conditions définies par la loi.
« Ces projets répondent aux critères cumulatifs suivants :
« a) Ils ne présentent pas un caractère permanent ;
« b) Ils permettent la mise en œuvre d’une politique d’intérêt général ;
« c) Leur délai prévisionnel d’exécution est inférieur ou égal à sept ans.
« Un même projet ne peut être proposé par plusieurs députés ou sénateurs.
« II. – Le montant de subvention proposé n’excède pas la moitié du montant total de la dépense subventionnable au titre du projet concerné. Il ne peut être supérieur à 20 000 euros.
« Les modalités d’attribution et de versement des subventions sont précisées par un décret en Conseil d’État.
« Les bénéficiaires rendent public l’usage de la subvention versée dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;
4° Après le 8° de l’article 54, il est inséré un 9° ainsi rédigé :
« 9° La liste des subventions versées au titre de la dotation pour projets d’intérêt local mentionnée au I de l’article 7. Cette liste présente l’ensemble des subventions versées, pour chaque département, pour chaque collectivité d’outre-mer et pour la Nouvelle-Calédonie.
« Elle indique, pour chaque subvention, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme concerné et le nom du membre du Parlement, du groupe politique ou de la présidence de l’assemblée qui a proposé la subvention. »
II. – L’article 14 de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique est abrogé.
II bis (nouveau). – Le présent article entre en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025. Il est applicable pour la première fois aux lois de finances afférentes à l’année 2025.
III. – (Supprimé)