Sommaire

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.

1. Procès-verbal

Suspension et reprise de la séance

2. Collectivités territoriales et transition écologique des bâtiments scolaires. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Nadège Havet, auteure de la proposition de loi

M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Mme Marie-Claude Varaillas

Mme Nathalie Delattre

M. Bernard Buis

M. Claude Raynal

M. Max Brisson

M. Jean-Luc Brault

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Ghislaine Senée

Clôture de la discussion générale.

Avant l’article unique

Amendement n° 1 rectifié de Mme Ghislaine Senée. – Rejet.

Article unique

Amendement n° 2 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.

Amendement n° 3 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Vote sur l’ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Max Brisson

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Nathalie Delattre

Mme Nadège Havet

Adoption, par scrutin public n° 101, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

3. Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre-mer ? – Débat organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants ; M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer

Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants ; M. Philippe Vigier, ministre délégué

M. Georges Patient

Mme Audrey Bélim

Mme Micheline Jacques

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Philippe Folliot ; M. Philippe Vigier, ministre délégué

M. Akli Mellouli ; M. Philippe Vigier, ministre délégué

M. Robert Wienie Xowie

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

4. Candidatures à une commission d’enquête

5. Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre-mer ? – Suite d’un débat organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

M. Stéphane Fouassin

Mme Annick Petrus ; M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer

Mme Viviane Malet ; M. Philippe Vigier, ministre délégué

Mme Annick Girardin

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer

Conclusion du débat

M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

Suspension et reprise de la séance

6. Rétablissement de la réserve parlementaire. – Adoption d’une proposition de loi organique dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi organique

Mme Dominique Vérien, auteure de la proposition de loi organique

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur de la commission des finances

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer

M. Bernard Buis

M. Rémi Féraud

M. Jean-Marc Boyer

M. Cédric Chevalier

Mme Nathalie Goulet

Mme Ghislaine Senée

M. Éric Bocquet

M. Christian Bilhac

Mme Laurence Muller-Bronn

Clôture de la discussion générale.

Article unique

M. Jean-Claude Anglars

M. Olivier Paccaud

M. Philippe Folliot

M. Michel Canévet

M. Jean-François Longeot

M. Daniel Chasseing

Mme Ghislaine Senée

M. Hervé Maurey

M. Philippe Vigier, ministre délégué

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur

Amendement n° 15 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 11 rectifié de M. Hervé Maurey. – Adoption.

Amendements identiques nos 2 de Mme Ghislaine Senée et 4 rectifié de M. Cédric Chevalier. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 8 de M. Christian Bilhac. – Non soutenu.

Amendements nos 13 rectifié et 12 rectifié de M. Éric Gold. – Non soutenus.

Amendement n° 7 rectifié de M. Christian Bilhac. – Rejet.

Amendement n° 14 rectifié de Mme Hélène Conway-Mouret. – Adoption.

Amendement n° 3 rectifié de M. Cédric Chevalier. – Rejet.

Amendement n° 6 rectifié de M. Cédric Chevalier. – Rejet.

Amendement n° 5 rectifié de M. Cédric Chevalier. – Rejet.

Vote sur l’ensemble

Adoption, par scrutin public n° 102, de l’article unique de la proposition de loi organique dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

7. Droits de l’enfant. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Élisabeth Doineau, auteure de la proposition de loi

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Corinne Narassiguin

Mme Elsa Schalck

Mme Laure Darcos

Mme Dominique Vérien

Mme Antoinette Guhl

Mme Marianne Margaté

Mme Nathalie Delattre

Mme Patricia Schillinger

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 5 de Mme Annick Billon. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2 – Adoption.

Après l’article 2

Amendement n° 6 de Mme Annick Billon. – Retrait.

Article 3

Mme Laurence Rossignol

Amendement n° 7 de Mme Annick Billon. – Retrait.

Amendement n° 8 de Mme Annick Billon. – Rejet.

Mme Laurence Rossignol

Adoption de l’article.

Après l’article 3

Amendement n° 1 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.

Amendement n° 4 rectifié bis de M. Stéphane Fouassin. – Retrait.

Amendement n° 2 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.

Intitulé de la proposition de loi

Amendement n° 9 de Mme Annick Billon. – Retrait.

Vote sur l’ensemble

Mme Laurence Rossignol

Mme Élisabeth Doineau

Adoption, par scrutin public n° 103 de la proposition de loi dans le texte de la commission.

8. Modification de l’ordre du jour

9. Ordre du jour

Nomination de membres d’une commission d’enquête

compte rendu intégral

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente-deux, est reprise à dix heures trente-quatre.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires
Discussion générale (suite)

Collectivités territoriales et transition écologique des bâtiments scolaires

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires
Article additionnel avant l'article unique - Amendement n° 1 rectifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, la discussion de la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires (proposition n° 922 [2022-2023], texte de la commission n° 164, rapport n° 163).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nadège Havet, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

Mme Nadège Havet, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la ministre, mes chers collègues, « l’école, c’est le poumon du village », comme le rappelait si justement l’un des 1 400 élus ayant participé à la consultation mise en ligne dans le cadre des travaux de notre mission d’information, intitulée « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique ».

Mme Nadège Havet. C’est en effet un défi d’une ampleur colossale et d’une importance fondamentale, alors que deux communes sur trois disposent d’une école : 10 millions d’élèves sont aujourd’hui scolarisés dans les 50 000 bâtiments scolaires et plus que compte notre pays, où officient chaque jour 1 million de personnels éducatifs. Nous sommes tous concernés.

L’école doit nécessairement être accompagnée pour pouvoir s’adapter aux bouleversements climatiques, en cours et à venir, ici à Paris, comme en Moselle, à Marseille comme à Gouesnou, à Courbevoie comme à Châteauneuf-de-Gadagne, en métropole comme en outre-mer, dans les communes les mieux dotées comme dans les autres.

Ancienne adjointe aux affaires scolaires, je sais les difficultés rencontrées dans les projets de réhabilitation, de reconstruction ou de construction. Je connais aussi la volonté collective et, disons-le, l’enthousiasme qui animent les équipes municipales, départementales et régionales lors des réflexions préalables à la mise en œuvre de ces chantiers.

Tout le monde a conscience qu’il s’agit bien là de l’essentiel. Cet engagement doit certes être salué, mais il doit aussi être encouragé.

C’est pourquoi cette proposition de loi vise à aider financièrement les collectivités qui en ont le plus besoin. Elle se veut une réponse parmi d’autres, une petite pierre rénovée à l’édifice, si vous me permettez cette expression.

La mission d’information que j’ai évoquée a été constituée en février 2023, sur l’initiative du groupe RDPI. J’en ai été la rapporteure, et je veux remercier le président François Patriat, ainsi que l’ensemble de mes collègues, d’avoir souhaité que ce sujet fasse l’objet d’un travail renforcé.

Après avoir auditionné une centaine de personnalités engagées dans ce domaine et effectué plusieurs déplacements, nous avons adopté douze préconisations, de façon transpartisane, le 28 juin dernier. Notre groupe a souhaité que soit inscrit l’examen de la recommandation n° 9 dans notre niche de ce matin. C’est la seule de nature législative, les membres de la mission ayant été vigilants sur le risque d’inflation normative, alors que notre démarche s’inscrivait justement dans une démarche de simplification.

En introduction aux débats, je remercie mes collègues de tous les groupes pour leurs apports à ce rapport, et tout particulièrement le président de la mission, Jean-Marie Mizzon, qui est coauteur du texte sur lequel nous allons débattre ce matin.

Je veux aussi souligner le travail remarquable des administratrices qui nous ont accompagnés tout au long de cette mission.

Quel était l’objectif de notre travail ? Réfléchir aux conséquences de la transition écologique pour les écoles, collèges et lycées, qui représentent à eux seuls, en superficie, près de la moitié des bâtiments publics des collectivités territoriales. Le contexte environnemental que nous connaissons, qu’il s’agisse de l’adaptation au changement climatique, de l’amélioration de la performance énergétique ou de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, souligne l’urgence des questions posées par la transition environnementale de ces bâtiments, rendue obligatoire par les engagements européens de la France. L’évolution des prix de l’énergie en a encore renforcé l’intérêt.

L’importance de ces bâtiments pour les élus et le nombre considérable de leurs usagers leur confèrent une place spécifique dans notre cité. Alors que l’échéance de 2030 fixée par le décret, dit « tertiaire », du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire est pour demain, celles de 2040 et de 2050 pour après-demain, il nous faut dès aujourd’hui anticiper.

En matière de bâti scolaire, le Président de la République a lancé en 2021 le plan « Marseille en grand ». Il y a un an, il a affiché sa volonté qu’un plan national de rénovation des écoles soit lancé dans tout le pays, et, le 9 mai, le ministre de la transition écologique en a présenté une première déclinaison.

Lors d’un comité d’animation, à la rentrée, le Gouvernement s’est engagé à pérenniser le fonds vert jusqu’en 2027, avec une enveloppe complémentaire de 500 millions d’euros dédiée au bâti scolaire pour 2024, et à créer un guichet unique pour simplifier l’accès des maires aux différents dispositifs de financement. Cela traduit l’une de nos propositions.

Dans le même temps, le plan France Ruralités comporte un programme de soutien à l’ingénierie des communes rurales, avec cent chefs de projet, mutualisés au niveau départemental, qui seront bientôt déployés. À la fin du mois d’octobre, 862 établissements bénéficiaient d’un accompagnement ÉduRénov, ce financement de 2 milliards d’euros développé par la Banque des territoires.

Objectif fixé : 40 000 écoles rénovées d’ici à 2034, dont 2 000 l’année prochaine.

Notre groupe se félicite que, pour la première fois, ce sujet fasse l’objet d’une politique publique spécifique de la part d’un gouvernement. Surtout, nous nous réjouissons que le Sénat ait eu l’occasion de se pencher sur cette problématique en formulant des préconisations pour améliorer la coordination entre les élus et l’État, ce dernier devant pouvoir accompagner au mieux celles et ceux qui le demandent, sur les plans normatif, juridique, technique et donc financier.

L’enjeu est aussi pédagogique, et le ministre de l’éducation nationale l’a récemment rappelé. Je veux également faire référence aux conclusions qui viennent d’être présentées par les députées Graziella Melchior et Francesca Pasquini.

Alors que la dynamique de rénovation-réhabilitation-reconstruction repose sur les collectivités, nous le savons, leurs ressources pour y faire face sont très inégales. Nous avons ainsi pu dresser le constat d’une grande complexité, parfois, et d’une grande diversité de cas, qu’il faut savoir appréhender de façon plus lisible, plus simple et plus efficace. Nos préconisations ont été faites afin de mieux accompagner les élus. Elles entendent répondre à plusieurs difficultés.

Tout d’abord, il y a la nécessité de mener de front des chantiers complémentaires, souvent en site occupé, et de concilier des exigences parfois concurrentes.

Nous avons ensuite relevé l’impossibilité d’évaluer précisément le coût des travaux, en l’absence de budget type, les risques de dérive des coûts et de dépassement des dépenses par rapport aux estimations initiales, l’accès insuffisant à l’ingénierie, plus particulièrement pour les petites communes. La diversité des acteurs de l’ingénierie locale est une source de perplexité pour de nombreux maires.

Par ailleurs, il nous est apparu que la recherche de financements était assimilée à un véritable parcours du combattant par nombre d’élus. Il en résulte une sous-consommation paradoxale de fonds, qui s’explique notamment par une insuffisante prévisibilité des dotations et subventions, alors que les élus aspirent à une logique pluriannuelle.

Enfin, le reste à charge minimal de 20 % des financements apportés par les personnes publiques a été considéré comme un obstacle. C’est pourquoi nous entendons étendre aux investissements ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires la faculté ouverte aux préfets, en fonction de la capacité financière des maîtres d’ouvrage, de moduler ce seuil à la baisse.

La règle générale fixée par l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT) est d’ores et déjà assortie de diverses dérogations : pour les projets d’investissement concernant les ponts et ouvrages d’art, les équipements pastoraux, la défense contre l’incendie, ainsi que la construction, la reconstruction, l’extension et les réparations des centres de santé, lorsque la participation minimale est « disproportionnée par rapport la capacité financière du maître d’ouvrage » ; pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques, ainsi que pour certains projets d’investissement destinés à restaurer la biodiversité au sein d’un site Natura 2000 exclusivement.

Ce texte que je vous propose d’adopter vise donc à élargir ce cadre à la rénovation de nos écoles, toujours lorsque le reste à charge est manifestement disproportionné au vu de la capacité financière de la collectivité territoriale concernée.

Il entend ainsi répondre au double défi posé par l’urgence absolue de rénover rapidement les bâtiments scolaires et les difficultés rencontrées par les collectivités pour financer ces travaux parfois lourds et très coûteux. C’est une mesure concrète pour redonner des marges financières aux élus locaux, et les associations que vous avez auditionnées, monsieur le rapporteur, s’y sont montrées très favorables.

Avant de vous laisser la parole, mon cher collègue, je tiens à vous remercier pour le travail effectué sur ce texte et de nous avoir auditionnés dans une période très chargée pour la commission des finances.

En conclusion, je reprendrai les mots de Mona Ozouf, grande républicaine bretonne ayant habité Lannilis, une commune proche de la mienne, à l’occasion de l’inauguration officielle de l’école qui porte son nom, à Plougastel-Daoulas, en 2021 : « Il faut toujours continuer à fonder nos espérances dans l’éducation. » Je me permettrai d’ajouter qu’en ces temps troublés, c’est une injonction que nous devons garder à l’esprit. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, déposée le 8 septembre 2023.

Cette proposition de loi est la traduction d’une des recommandations du rapport fait au nom de la mission d’information du Sénat « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique », présidée par notre collègue Jean-Marie Mizzon, et dont la rapporteure était Nadège Havet, également auteure du texte qui nous est présenté.

Ces travaux nous ont alertés sur deux points : l’urgence absolue de rénover rapidement les bâtiments scolaires et les difficultés rencontrées par les collectivités pour financer ces travaux de rénovation, parfois lourds et très coûteux.

Sur le premier point, je partage les constats formulés dans le rapport de la mission d’information.

Le parc immobilier scolaire des collectivités territoriales représente 51 000 écoles, collèges et lycées, pour une surface totale d’environ 140 millions de mètres carrés. De nombreux bâtiments scolaires ont été construits dans les années 1960 pour répondre à l’évolution démographique et à l’allongement de 14 à 16 ans de la scolarité obligatoire. Majoritairement construit avant 1970, l’immobilier scolaire appartenant aux collectivités est donc relativement ancien, mal isolé et, de fait, énergivore.

Ce parc doit donc être rénové pour des raisons réglementaires, économiques et environnementales.

Je rappelle que les collectivités territoriales sont assujetties à des obligations en matière d’économies d’énergie dans les bâtiments tertiaires : elles doivent mettre en œuvre des actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans les bâtiments à usage tertiaire afin de parvenir à une réduction d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, et ce par rapport à la consommation de 2010.

Conformément à la révision de la directive européenne sur l’efficacité énergétique, elles sont par ailleurs tenues de rénover chaque année au moins 3 % de la surface totale au sol des bâtiments leur appartenant, l’objectif étant d’avoir des bâtiments à consommation énergétique nette nulle.

Cette rénovation est également nécessaire pour des raisons économiques dans la mesure où, pour les seules communes, les bâtiments scolaires représentent 30 % de la consommation énergétique des bâtiments communaux. Ce poids est de plus en plus problématique dans le contexte de hausse des prix de l’énergie que subit le pays depuis 2022.

Enfin, au-delà des arguments et motivations réglementaires et économiques, les collectivités territoriales ont une responsabilité forte dans la lutte contre le réchauffement climatique au regard du poids de leur patrimoine immobilier dans la consommation énergétique totale au niveau national.

Dès lors, ces rénovations sont une nécessité, non seulement pour réguler les effets à long terme des dérèglements climatiques, mais également pour faire face au réchauffement climatique à court terme, et ainsi améliorer le niveau de confort des élèves et enseignants fréquentant les établissements scolaires.

Si le coût total de ces rénovations reste difficile à chiffrer, l’Institut de l’économie pour le climat, l’I4CE, a estimé à 2,7 milliards d’euros par an les investissements nécessaires pour la rénovation de tous les bâtiments publics, dont 1,4 milliard d’euros pour les seuls bâtiments scolaires. Au total, il faudrait donc environ 40 milliards d’euros en vingt-sept ans pour atteindre le niveau « bâtiment basse consommation » (BBC) pour les bâtiments scolaires.

Toutefois, l’institut estime qu’actuellement environ 1,3 milliard d’euros d’investissements « climat » sont déjà réalisés par les collectivités sur l’ensemble de leurs bâtiments publics. Aussi, ces dernières devraient donc, chaque année, réaliser 1,4 milliard d’euros d’investissements « climat » additionnels pour l’ensemble des bâtiments publics, ce qui correspond à 700 millions d’euros additionnels par an par rapport aux investissements réalisés actuellement pour le seul bâti scolaire.

Cette évaluation n’est qu’indicative. Elle souffre non seulement d’un manque de données sur l’état actuel du parc des bâtiments, mais également d’un manque de suivi des investissements réalisés par les collectivités pour la rénovation énergétique de leur parc.

Il est néanmoins certain que les montants à engager sont et seront, dans un avenir proche, considérables pour les collectivités territoriales et viendront s’ajouter à d’autres investissements nécessaires concernant les mobilités du quotidien, la voirie ou les travaux nécessaires à la prévention et à la réparation des phénomènes climatiques exceptionnels, qui sont de moins en moins exceptionnels.

Pour financer la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, les collectivités territoriales peuvent d’ores et déjà bénéficier de dotations d’investissement relevant de plusieurs missions du budget de l’État : dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID), dotation politique de la ville (DPV) et fonds vert. Elles peuvent également recevoir le soutien d’autres collectivités, avoir recours aux financements externes, comme l’intermédiation bancaire ou le financement obligataire, voire solliciter des prêts de long terme auprès de la Banque des territoires.

Cependant, des freins structurels importants demeurent pour le lancement des projets.

Tout d’abord, les plus petites collectivités manquent parfois d’ingénierie, alors même que, dans le cadre de projets d’investissement en lien avec la transition écologique, une évaluation de la performance énergétique doit également être fournie. Or ces documents se caractérisent par un haut niveau de technicité.

Par ailleurs, l’accès aux dotations est parfois rendu complexe par l’absence d’alignement des calendriers des appels à projet, par les délais contraints pour déposer des demandes de subventions, ainsi que par la multiplicité des pièces demandées.

Enfin, les opérations de rénovation des bâtiments scolaires ont un coût très important pour les collectivités. Bien que réduit par l’apport de financements extérieurs, et notamment par les dotations de l’État, la règle définie actuellement par l’article L. 1111-10 du code des collectivités territoriales, et prévoyant une participation minimale du maître d’ouvrage de 20 % au financement des investissements, peut entraîner un reste à charge trop important pour les collectivités au regard de leur situation financière ou du montant total de l’opération. Je précise cependant que ce pourcentage n’est pas toujours atteint aujourd’hui, tant s’en faut.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi de Nadège Havet et Jean-Marie Mizzon prévoit un abaissement de 20 % à 10 % de la participation minimale du maître d’ouvrage au montant total des financements apportés par des personnes publiques, dans les cas où cette participation de 20 % apparaîtrait disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d’ouvrage.

Cette proposition semble effectivement aller dans le bon sens pour aider les collectivités à boucler le financement de leurs projets.

Elle est équilibrée, dans la mesure où des dérogations à la règle de participation minimale du maître d’ouvrage sont déjà prévues dans certains cas. En outre, elle resterait à la main du représentant de l’État dans le département, et ne présenterait donc aucun caractère automatique. Par ailleurs, elle serait ciblée sur les seules collectivités dont les investissements pour la transition énergétique des bâtiments scolaires entraînent un reste à charge manifestement disproportionné au vu de leur capacité financière, ce qui éviterait tout effet d’aubaine.

Enfin, l’évolution proposée par la présente proposition de loi répond à une attente forte des collectivités territoriales, dans un contexte de relèvement des taux d’intérêt et de forte inflation, qui renchérit le coût des investissements.

Toutefois, je tiens à dire que la règle de participation minimale du maître d’ouvrage est une règle de bonne gestion qui vise à assurer non seulement une certaine qualité des projets présentés par les collectivités, mais aussi la capacité financière de la collectivité, porteuse du projet, à entretenir ensuite l’investissement.

Aussi, dans le seul objectif d’accélérer les investissements dans le cadre de la transition énergétique, et en la réservant strictement aux cas qui le nécessitent de manière objectivée et circonstanciée, la dérogation à la règle des 20 % de participation minimale peut s’avérer utile pour lancer des projets qui pourraient être, sinon, bloqués. Or c’est bien le cas de la présente proposition de loi, en ce qu’elle prévoit une dérogation limitée et encadrée pour les seules opérations de transition énergétique des bâtiments scolaires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre d’une proposition de loi de vos collègues Nadège Havet et Jean-Marie Mizzon, qui vise à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires.

Vous m’aviez auditionnée au mois de juin sur ce sujet, et vous savez donc à quel point je suis attachée à trouver des solutions pour les collectivités territoriales à cet égard.

La rénovation des écoles est en effet une initiative essentielle pour réduire notre consommation énergétique, améliorer la qualité de vie des élèves, réduire notre empreinte carbone et lutter efficacement contre le changement climatique. Cela justifie l’utilisation d’outils de financement très innovants, tels que le tiers financement ou les certificats d’économies d’énergie (CEE), gérés par le ministère de la transition énergétique, que dirige ma collègue Agnès Pannier-Runacher.

Pour concrétiser cette ambition, il est nécessaire que soit portée une attention toute particulière aux élus locaux, afin que l’État soit en mesure de les accompagner dans la territorialisation de la transition écologique, pilotée par la Première ministre et mon ministre de tutelle, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Le besoin d’investissements en faveur de la rénovation énergétique des écoles est aujourd’hui évalué à 5,2 milliards d’euros par an, soit plus du double du niveau actuel de financement.

L’enjeu est donc de taille, car il s’agit de s’attaquer à la rénovation des 44 000 écoles publiques du premier degré, représentant 50 millions de mètres carrés, soit un sixième des bâtiments des collectivités territoriales.

Si la compétence « construction et entretien » appartient aux communes, et parfois aux intercommunalités, un tel défi ne peut cependant être relevé sans le soutien de l’État et des autres acteurs locaux, notamment les conseils régionaux et départementaux.

Le Gouvernement a bien conscience de ces enjeux. C’est pour cette raison que, d’ores et déjà, il se tient aux côtés des collectivités pour les accompagner massivement, tant financièrement qu’en ingénierie. J’en profite pour remercier Nadège Havet d’avoir évoqué cette dernière dimension, que l’on retrouve dans le plan France Ruralités, à travers les cent chefs de projet et les 40 millions d’euros à leur disposition.

Je souhaite rappeler qu’avec les dotations d’investissement classiques, en premier lieu la DSIL et la DETR, ce sont près de 6 500 projets de rénovation de bâtiments scolaires qui ont été soutenus en 2021, pour un montant de près de 200 millions d’euros.

Les dotations de droit commun sont ainsi largement mobilisées sur ce sujet en 2023, et elles continueront à l’être en 2024, comme le prévoit le projet de loi de finances.

Le fonds vert est également là pour accompagner la rénovation énergétique, en particulier celle des écoles. D’un montant global de 2 milliards d’euros en 2023, il progresse de 500 millions d’euros en 2024, preuve que le Gouvernement poursuit ses efforts en la matière. Ce n’est pas un hasard si le fonds vert a d’ailleurs contribué à la rénovation énergétique de 3,82 millions de mètres carrés de bâtiments publics, dont nos écoles.

Néanmoins, si l’État se tient aux côtés des collectivités, ces dernières peuvent parfois éprouver des difficultés pour mobiliser les fonds nécessaires à la réalisation des travaux de rénovation. Si ceux-ci peuvent être financés jusqu’à 80 % du coût total par l’État, les régions et les départements, les 20 % restant à charge des collectivités peuvent être un obstacle insurmontable pour les plus fragiles d’entre elles.

Bien évidemment, il existe des dispositifs dérogatoires pour parvenir à obtenir des financements allant au-delà des 80 %, mais ceux-ci peuvent parfois être difficiles à mobiliser.

La proposition de loi des sénateurs Nadège Havet et Jean-Marie Mizzon vise en conséquence à ouvrir plus largement les possibilités de financement pour les collectivités dans le cadre de la rénovation de bâtiments scolaires.

L’article unique permettrait au préfet de département d’autoriser un taux de participation minimale du maître d’ouvrage de 10 %, au lieu des 20 % actuels, du montant total des financements apportés par des personnes publiques pour les projets d’investissement ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires. Une telle évolution législative répond complètement aux objectifs du Gouvernement en matière de transition écologique et serait de nature à faciliter les investissements nécessaires sur le bâti scolaire, en complément des outils que nous avons mis à la disposition des élus locaux.

Je souhaite d’ailleurs que les outils d’information et d’accès à ces modes de financement soient mieux connus des élus locaux. J’y travaille actuellement, avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Par ailleurs, le texte maintient un taux de participation minimale, même réduit, ce qui préserve l’objectif de responsabilisation des collectivités territoriales et groupements en tant que maîtres d’ouvrage. En outre, il prévoit que le préfet n’accorde la dérogation qu’au regard de la capacité financière du maître d’ouvrage, ce qui circonscrit le champ de la mesure.

Ces évolutions nous semblent à même de permettre aux collectivités territoriales, y compris les plus fragiles, d’engager des rénovations énergétiques qui sont non seulement essentielles dans la poursuite des objectifs écologiques de la Nation, mais qui répondent aussi à un besoin urgent de rénovation de bâtiments scolaires, qui peuvent être vieillissants dans beaucoup de nos territoires.

Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable à l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, passoires thermiques l’hiver, bouilloires thermiques l’été : les bâtiments scolaires ne font pas exception à ce que nous connaissons par ailleurs dans le logement.

Les écoles mobilisent 30 % des dépenses énergétiques des communes pour leurs bâtiments publics, qui eux-mêmes représentent 76 % de la consommation énergétique de ces collectivités.

En plus d’être à l’origine d’importantes déperditions d’énergie, la mauvaise performance thermique des écoles nuit au bien-être de la communauté éducative et à l’apprentissage des élèves.

Le patrimoine immobilier scolaire est constitué de 51 000 établissements – écoles, collèges et lycées –, parmi lesquels 44 000 relèvent du premier degré. Majoritairement construites il y a plus de quarante ans, très énergivores, ces écoles demandent des rénovations globales qui vont mettre à l’épreuve les budgets des communes.

Le Président de la République a déclaré en septembre dernier ne plus vouloir d’écoles qui soient des passoires thermiques ; il a annoncé un grand projet de rénovation, impliquant l’octroi des financements nécessaires aux communes qui ne peuvent pas assumer seules ces travaux.

L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) indique que le coût de la rénovation d’une école classique, composée de cinq classes et dotée d’un local périscolaire, d’une cantine et d’une salle polyvalente, est estimé à 3 millions d’euros.

Si l’on multiplie ce chiffre par le nombre d’écoles de notre pays – il y en a dans près d’une commune sur deux –, on mesure les besoins financiers nécessaires pour répondre à l’ambition affichée.

L’abondement annoncé du fonds vert, à hauteur de 500 millions d’euros chaque année, apparaît insuffisant lorsque l’on sait que l’Institut de l’économie pour le climat a estimé à 1,4 milliard d’euros par an, jusqu’en 2050, les investissements nécessaires pour la rénovation des bâtiments scolaires.

De plus, il faut compter dix ans pour que la collectivité bénéficie du retour sur investissement résultant des économies réalisées sur ces dépenses énergétiques.

La présente proposition de loi vise à réduire le minimum de participation financière des collectivités pour les projets de rénovation thermique des bâtiments scolaires, en l’abaissant de 20 % à 10 %.

Cette réduction de l’autofinancement des communes implique que les financements extérieurs augmentent. Pourtant, rien n’est dit quant aux moyens qui leur seront octroyés pour compenser cette baisse.

Il convient en outre de rappeler que 66 % des écoles primaires sont situées dans des communes de moins de 10 000 habitants. Le pouvoir exécutif gagnerait à renforcer l’accompagnement en ingénierie des plus petites communes ou, du moins, à simplifier les démarches de demande de financement en créant un guichet unique.

Nous sommes là devant une proposition de loi qui n’engage pas véritablement le Gouvernement.

Pourtant, la semaine dernière encore, mon groupe a défendu un amendement visant à allouer 100 millions d’euros supplémentaires à la rénovation du bâti scolaire. Il a été rejeté, comme a été rejeté l’abondement de ce programme, à hauteur de 20 millions d’euros, proposé par nos collègues écologistes.

La stratégie des petits pas n’est pas permise en matière de rénovation des établissements scolaires comme des autres bâtiments, car nous sommes encore bien loin du compte si nous voulons atteindre les objectifs fixés par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, et le décret « tertiaire ». Ce dernier texte impose une réduction de la consommation énergétique des bâtiments français de 40 % en 2030 par rapport à 2010, puis de 50 % en 2040 et de 60 % en 2050.

Bien sûr, nous sommes favorables à une évolution du droit permettant de réduire la participation minimum des collectivités à ces travaux ; je pense notamment aux petites communes rurales, pour lesquelles un tel projet se réalise souvent sur plusieurs mandats. C’est valable pour les écoles et, plus largement, pour l’ensemble des bâtiments communaux, dont les coûts de fonctionnement et les factures d’énergie ont explosé.

Toutefois, la rénovation des bâtiments scolaires, identifiée par le Président de la République comme l’une des priorités de la planification écologique, implique le déploiement de moyens financiers adéquats.

Ces réserves étant formulées, nous voterons néanmoins cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la rénovation énergétique des bâtiments scolaires est un enjeu majeur, tant pour la qualité des conditions d’apprentissage que pour le bien-être des élèves, des enseignants et du personnel municipal qui y travaille.

Combien d’entre eux font encore l’expérience de salles de cours et, plus largement, de locaux vétustes ou mal isolés ! Froid en hiver, chaleur en été ; à ces difficultés bien connues s’ajoute désormais la volonté d’aménager des îlots de fraîcheur et de désimperméabiliser les cours d’école face au risque de canicule en été et aux précipitations en hiver.

Cette rénovation est aussi un élément essentiel de la transition écologique des collectivités territoriales. À eux seuls, les bâtiments scolaires représentent en effet près de la moitié du bâti des collectivités. Il s’agit en majorité de bâtiments anciens qui ne correspondent plus aux normes actuelles de construction. Les chiffres ont été cités, je ne les répéterai pas : les écoles représentent près du tiers de la consommation d’énergie des bâtiments communaux.

Ces constats ont été clairement établis par la mission d’information sur le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique menée au début de cette année, mission à laquelle a notamment participé mon collègue du RDSE Bernard Fialaire ; les travaux de cette mission ont inspiré la présente proposition de loi.

Il paraît difficile de s’opposer à cette proposition de loi, car les collectivités ont besoin de soutien pour le financement de la transition écologique, qui est estimé à plus de 40 milliards d’euros jusqu’en 2050, soit 1,4 milliard d’euros par an.

Nos collectivités font face, comme l’État, les entreprises ou les ménages, au resserrement des possibilités d’emprunt et à l’inflation des prix, qui limitent leur capacité de financement externe.

De ce point de vue, l’abaissement, de 20 % à 10 %, du seuil minimal de participation de ces collectivités est probablement de nature à accélérer ou à débloquer certains projets, a fortiori si la charge d’investissement apparaît disproportionnée.

À mon sens, la question est plutôt de savoir quelles marges de manœuvre nous accordons, en tant que législateur, aux acteurs locaux dans la mise en œuvre de ce soutien. La proposition de loi prévoit que le niveau minimal de participation pourra toujours être fixé par le préfet de département. Ce sera une faculté et non une obligation.

En Gironde, nous avons revu des seuils au sein de la commission d’élus de la DETR. C’est, selon moi, à cette échelle qu’il convient de concentrer nos efforts pour éviter une législation abondante, au profit d’une décentralisation assumée qui permette d’adapter les politiques publiques au plus près des attentes du territoire.

Nos territoires, nos communes ne connaissent pas tous le même niveau d’investissement ; d’où l’importance des décisions décentralisées en la matière.

Nonobstant cette remarque, les membres du groupe RDSE voteront en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai été gestionnaire d’établissements scolaires pendant plus de trente-huit ans et maire d’une commune rurale pendant vingt-trois ans ; je suis conseiller général, puis départemental, depuis dix-neuf ans. Alors, mes chers collègues, je dois dire que le sujet de cette proposition de loi me touche particulièrement !

Permettez-moi donc, à mon tour, de saluer le travail mené par Nadège Havet et l’ensemble des signataires de ce texte. Celui-ci reprend une recommandation du rapport de la mission d’information sur le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique, dont Nadège Havet était la rapporteure.

Ce rapport alarmant dressait un constat édifiant sur le nombre de passoires thermiques dans le bâti scolaire. L’évolution démographique de la France dans les années 1960 et 1970, combinée à l’allongement de la scolarité obligatoire de 14 à 16 ans, avait imposé la construction de nombreux bâtiments scolaires dans un délai très contraint pour accueillir les nouveaux élèves. Nous avons tous en tête les collèges, tristement célèbres, de « type Pailleron ». Il fallait alors construire un collège par jour, une école par semaine et un lycée par mois !

Aujourd’hui, en 2023, dans le parc immobilier scolaire des collectivités territoriales, on ne recense pas moins de 51 000 écoles, collèges et lycées, majoritairement construits avant 1975 : 51 000 bâtiments scolaires anciens, mal isolés, donc très énergivores.

Or, avec une surface totale de près de 140 millions de mètres carrés, le parc immobilier scolaire, à lui seul, représente quasiment 50 % de l’ensemble du bâti des collectivités locales.

Autrement dit, nous avons aujourd’hui en France environ 51 000 passoires énergétiques dans lesquelles sont scolarisés les élèves français.

Alors qu’il n’a jamais été autant question d’énergie dans notre société, et à l’heure où la notion de sobriété commence à infuser peu à peu nos pratiques de consommation, nous devons agir pour améliorer l’efficacité énergétique du bâti scolaire dans notre pays.

Pour y parvenir, nous devons aider les élus locaux. Ainsi, demain, les maires bâtisseurs se transformeront en maires rénovateurs !

Tel est bien le sens de cette proposition de loi.

Comment peut-on réussir le défi de la transition énergétique sans les élus locaux ? Leur redonner des marges financières, c’est permettre de moins gaspiller d’énergie et offrir un meilleur niveau de confort pour les enseignants, le personnel de l’éducation nationale et nos enfants ou nos petits-enfants.

Ce double défi ne peut attendre. Que ce soit pour des raisons réglementaires, économiques ou environnementales, le parc du bâti scolaire doit être rénové au plus vite, avec la participation des collectivités.

L’État aussi doit prendre sa part ; il le fait, au travers du plan de financement ÉduRénov, développé grâce à la Banque des territoires. Ce plan de financement s’élève à 2 milliards d’euros ; l’objectif affiché est ambitieux : 40 000 écoles rénovées d’ici à 2034, dont 2 000 l’année prochaine.

Si l’État est désormais au rendez-vous de ce double défi, nous devons cependant aller plus loin dans l’accompagnement des collectivités.

Certes, elles ont la possibilité de bénéficier de la DETR, de la DSIL, du fonds vert ou de financements externes, notamment par d’autres collectivités.

Néanmoins – je ne suis pas le premier à le dire –, le lancement des projets rencontre de nombreux freins, en matière d’ingénierie, d’accès aux dotations ou de coût. L’un de ces freins est la participation minimale du maître d’ouvrage, aujourd’hui fixée à 20 % du financement des investissements.

J’ai eu à connaître, dans mon canton du Diois, de plusieurs exemples de collectivités qui ont rassemblé des financements à hauteur de 80 % du coût total – elles auraient parfois pu recevoir plus encore –, mais n’ont pas trouvé dans leurs ressources les 20 % restants ; leur bâti scolaire n’a donc pas pu être rénové.

Cette proposition de loi est donc positive pour les petites communes et, plus globalement, pour toutes les communes de nos territoires, car elle vient modifier cette règle relative au seuil de 20 % en laissant aux préfets le soin de moduler ce seuil en fonction de la capacité financière des communes.

Comme le disait l’écrivain français André Lévy, « ne demandez pas à l’école de vous donner des frissons, demandez-lui plutôt de vous étonner ». Alors, mes chers collègues, pour que les élèves français cessent de frissonner dans les classes et les gymnases, aidons les collectivités territoriales en votant pour ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de Mme Havet, cosignée par plusieurs membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, portant sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires complète utilement les dispositifs existants, notamment la DETR et la DSIL.

Les établissements scolaires sont, pour la plupart, des témoins désuets d’une époque révolue en matière de gestion énergétique. La majorité des bâtiments scolaires a plus de cinquante ans. Les établissements récents sont plus rares : seuls 3,8 % d’entre eux ont moins de vingt ans.

En mars 2020, le rapport de l’ingénieur général des mines François Démarcq avait chiffré à 40 milliards d’euros les investissements nécessaires, toutes écoles confondues, pour atteindre les objectifs du décret « tertiaire » pour 2030.

Madame la ministre, avant l’été, vous évoquiez une facture de 52 milliards d’euros, sur dix ans, pour les seules écoles publiques.

Alors que des investissements massifs sont nécessaires pour respecter nos engagements environnementaux, les marges de manœuvre financières des élus locaux diminuent. Il en est de même, malheureusement, pour l’État. Le financement des baisses d’impôt pèse lourd sur ses caisses ; ce sont autant de recettes manquantes, qui auraient pu être utilement employées, notamment à financer la rénovation du bâti scolaire.

Les régions et départements n’ont pour leur part pratiquement plus d’autonomie fiscale et les communes comptent surtout sur la taxe foncière, dont les augmentations sont difficilement acceptées.

Il reste aux collectivités la possibilité de réorienter une partie de leurs ressources vers la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, mais cela remettrait en cause les autres priorités que fixent actuellement les exécutifs locaux au service de leur territoire.

Nous devons par ailleurs faciliter l’accès au financement, qui est parfois peu lisible pour les élus locaux, entre les subventions européennes, comme le Fonds européen de développement régional (Feder), et les dotations étatiques, comme la DETR, la DSIL, ou le fonds vert. À cela s’ajoute la multiplicité des acteurs impliqués, qu’il conviendrait sans doute de rationaliser.

L’AMF fait souvent remarquer que l’accès à ces dotations est complexe. Les élus rencontrés par la mission d’information sur la rénovation du bâti scolaire présidée par Jean-Marie Mizzon évoquent sur ce point une « usine à gaz » et un « parcours du combattant ».

Le contexte inflationniste, l’incertitude sur les recettes et la limitation du levier fiscal continuent de contraindre les collectivités dans leur recherche de financement pour l’accélération de l’action climatique.

Madame la ministre, vous n’ignorez pas qu’agir davantage implique systématiquement des choix difficiles pour des investissements qui ne trouvent jamais leur équilibre sans recettes fiscales supplémentaires.

L’enjeu lié à la rénovation des bâtiments est considérable pour les collectivités locales qui s’engagent dans ces projets avec la promesse implicite d’un investissement durable. Par ailleurs, on ne parle peut-être pas assez de l’incertitude quant à la pérennité de certains établissements, qui rend la situation particulièrement précaire. Si l’État, dans sa planification scolaire, décide ultérieurement de fermer des classes ou des établissements, cet investissement peut représenter en fin de compte un gaspillage de ressources publiques.

Toujours est-il qu’en prévoyant un abaissement, de 20 % à 10 %, de la participation minimale du maître d’ouvrage au montant total des financements apportés par des personnes publiques, la présente proposition de loi ne révolutionne pas le financement de la rénovation thermique des bâtiments scolaires. D’ores et déjà, bien des collectivités, même en s’y efforçant, ne parviennent pas à trouver des subventions à hauteur de 80 % des besoins. Mais ce texte a le mérite d’apporter une réponse bienvenue aux collectivités qui pourraient en bénéficier, puisque les besoins de financement de la rénovation incombent encore très largement aux élus locaux.

Pour ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra la présente proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadège Havet applaudit également.)

M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ouverture de mon intervention, je voudrais vous présenter la situation de la commune d’Os-Marsillon, dans le département des Pyrénées-Atlantiques.

Son école compte deux classes et une quarantaine d’élèves, sur les quatre-vingts du regroupement pédagogique intercommunal (RPI) constitué avec la commune voisine d’Abidos. Elle est exiguë et ne répond plus à la hausse de la population du bassin de Lacq, autrefois gazier, mais aujourd’hui orienté vers les énergies vertes et en plein renouveau de l’emploi industriel. Pis, elle se situe en zone inondable, comme en atteste le plan de prévention des risques d’inondation (PPRI).

Ne pouvant étendre sur place l’édifice de type Jules-Ferry, le maire d’Os-Marsillon, Jérôme Toulouse, opte pour un bel emplacement entre mairie et église. Le total du projet est d’abord estimé à 900 000 euros, puis réévalué à 1,2 million. Pour le financer, l’État lui accorde royalement une DETR de 200 000 euros… Guère de risque que cette proposition de loi lui apporte une réponse ! En l’état, M. le maire ne peut financer le projet ; il ne peut pas plus y renoncer, car le risque d’inondation est réel, avéré par les débordements fréquents de la rivière Baïse qui jouxte l’école. Voilà son dilemme !

Ce dilemme, Jean-Marie Mizzon et Nadège Havet l’ont parfaitement posé dans le cadre de la mission d’information sur le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique. Qu’ils soient tous deux remerciés pour leurs travaux !

Oui, mes chers collègues, de grands défis se posent à nous en matière d’adaptation des bâtiments scolaires. Performance énergétique, végétalisation, accessibilité, normes de sécurité, mais aussi nouvelles approches pédagogiques : autant de défis qui justifient le déploiement de plans de rénovation ambitieux.

Toutefois, la mise en œuvre de pareils projets est souvent contrainte par un montage complexe et des études préalables exigeantes, nécessitant ressources financières et ingénierie. Elle se heurte à la disparité des réponses à apporter, tant il existe une diversité de maîtres d’ouvrage impliqués – régions, départements, EPCI, syndicats, communes – et de bâtiments concernés – vieux lycées napoléoniens, établissements modernes, petites écoles rurales, grandes écoles urbaines.

Je mets donc en garde contre toute prolifération de normes, toute harmonisation centralisatrice imposée par un gouvernement souvent enclin à guider à marche forcée l’action des collectivités.

Or je devine déjà, rue de Grenelle, le début d’un refrain qui chantonne à qui voudrait bien l’entendre que les collectivités ont des difficultés à assumer cette compétence.

Je veux le dire ici : elles n’ont jamais à rougir du travail accompli. Devons-nous rappeler l’état de délabrement des lycées lors du transfert de leur responsabilité de l’État aux régions, à la fin des années 1980 ? Devons-nous pointer du doigt l’état général des bâtiments publics à la seule charge de l’État, comme les préfectures ou les palais de justice ? Non, en la matière, aucune leçon ne peut leur être donnée !

Les collectivités les plus solides – régions, départements, communes importantes –, avec les moyens financiers et l’ingénierie qui sont les leurs, font souvent aussi bien, si ce n’est mieux, que l’État lui-même.

S’appuyant sur des ingénieurs et des techniciens experts, elles n’ont d’ailleurs pas attendu que l’État leur en donne l’ordre pour recentrer leurs objectifs vers la performance énergétique et la transition écologique.

Cette clarification faite, posons la question qui anime le débat d’aujourd’hui : comment réussir à accompagner au mieux les projets de rénovation des écoles communales, en particulier des petites écoles qui, par leur nombre et leur taille, constituent une singularité française ?

Certes, cette proposition de loi pourra faciliter, quelque peu, le quotidien de certains maires de petite commune, mais elle n’est qu’une ébauche de réponse.

En effet, elle ne suffira pas à résoudre durablement la question de la transition écologique des petites écoles, ces véritables poumons au cœur des villages, vecteurs d’attractivité et de dynamisme.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Elle a le mérite d’exister !

M. Max Brisson. Ces petites écoles sont une richesse française et une exception européenne. Une vision modélisante cherche parfois à réduire cette richesse, au nom de la modernité, alors que ces écoles échappent à la bascule inquiétante que connaissent des pans entiers de notre système éducatif.

Limitées, voire dépourvues d’ingénierie, contraintes par leurs budgets, les communes dont elles dépendent ne parviennent plus à adapter leurs écoles aux exigences de notre siècle.

En résultent de nombreux bâtis peu ou mal isolés, vieillissants et non conformes aux nouvelles exigences pédagogiques, environnementales, d’inclusion et de sécurité.

La bonne volonté des maires et de leurs équipes n’est pas ici mise en cause. Bien au contraire, ils déploient des trésors d’énergie pour entretenir l’école de leur village.

À l’image de l’intervention des régions et des départements pour les lycées et les collèges, rendue possible par un puissant acte de décentralisation, j’en appelle à un nouveau contrat scolaire, fondé sur une confiance réciproque, dans le respect des responsabilités de chacun.

Ce contrat pourrait largement s’inspirer des quinze propositions présentées par Gérard Larcher le 6 juillet dernier, mais il devra s’accompagner des moyens financiers et humains indispensables à l’action des collectivités.

Pourquoi, ainsi, ne pas instaurer un guichet unique de subventions publiques, regroupant l’ensemble des fonds d’investissement et d’équipement mis à leur disposition en matière de rénovation et de construction scolaire ?

Pourquoi ne pas instaurer un vrai dialogue entre maire et préfet quant à l’intérêt du projet de rénovation, ses objectifs et ses modalités de financement ?

Pourquoi ne pas mettre en œuvre une dotation spécifique ne visant que les projets de rénovation de petites écoles en zone rurale ?

Voilà des pistes de réflexion à ouvrir au plus vite, pour enfin offrir aux communes les moyens de notre ambition écologique.

Au-delà, si l’on élargit le champ de cette proposition de loi, une question se pose clairement, depuis plusieurs années : celle du renouvellement du partenariat entre l’éducation nationale et les collectivités locales. Ce pourrait être l’autre volet du nouveau contrat que j’appelle de mes vœux.

Lorsque les lois de décentralisation ont été mises en œuvre, dans les années 1980, la question était essentiellement immobilière, au sens où il fallait rénover les mètres carrés hérités du passé et en construire de nouveaux pour répondre à la démocratisation de l’enseignement. À l’exception de certains équipements spécifiques, la question pédagogique n’était nullement posée, non plus que celle de la transition écologique.

L’étanchéité de la responsabilité de chacun a donc été totale. Aux collectivités territoriales les bâtiments, l’hébergement et la restauration ; à l’éducation nationale la pédagogie et l’organisation des enseignements.

Mais les temps ont changé ! La révolution numérique bouscule la pédagogie. Celle-ci est profondément liée aux équipements et aux aménagements diligentés par les collectivités. L’étanchéité n’a donc plus de sens.

Aujourd’hui, nous devons penser ainsi : « Dis-moi comment tu équipes et aménages une école, un collège ou un lycée, et je te dirai quelle pédagogie je peux y pratiquer et comment organiser les enseignements. »

Rénover une école, un collège ou un lycée est un acte pédagogique tout autant qu’un cheminement vers la transition écologique. Il doit se construire dans un partenariat repensé entre l’État et les collectivités territoriales.

Vous voudrez bien m’excuser, mes chers collègues, de m’être ainsi bien éloigné du contenu de cette proposition de loi (M. Stéphane Piednoir sen amuse.), mais il me semble que le jeu en valait la chandelle ! Le sujet méritait d’être abordé dans son ensemble.

Au-delà des montages financiers et des taux de subvention, à l’heure de la performance énergétique, de la transition écologique et de la pédagogie numérique, une nouvelle approche du rôle de chacun me semble nécessaire.

Bien entendu, dans l’attente d’une telle évolution, je ne suis pas opposé à la proposition de loi que Nadège Havet et le groupe RDPI nous proposent d’adopter aujourd’hui ; l’avancée qu’elle permettra est certes minime, mais elle n’en est pas moins intéressante. C’est la raison pour laquelle, in extremis, je l’ai cosignée et pour laquelle le groupe Les Républicains, en responsabilité, la votera ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il soit nourri des récits de Pagnol, des photographies de Doisneau ou de nos propres souvenirs, l’imaginaire autour de l’école cultive une certaine image de la France : celle des tableaux noirs et des craies blanches, des interros-surprises et des bonnets d’âne, bien sûr, mais aussi celle des enfants emmitouflés dans leurs manteaux, un bonnet de laine sur la tête.

J’ai personnellement connu une telle école primaire, de 1954 à 1963. Or l’hiver qui commence nous rappelle hélas ! que cette image-là n’appartient pas au passé. De trop nombreuses écoles sont encore des passoires thermiques. Cela vaut aussi, malheureusement, pour les collèges et les lycées.

Ces passoires thermiques sont une mauvaise manière que nous faisons aux enseignants comme aux élèves. Ils subissent le froid en hiver et la chaleur en été, ce qui nuit à la qualité de l’enseignement et à la transmission des savoirs.

Mais ces passoires thermiques sont également une mauvaise opération pour nos collectivités territoriales, qui se doivent de montrer l’exemple en matière d’économies d’énergie.

C’est une mauvaise opération, d’abord, du point de vue économique : les élus locaux en sont bien conscients, eux qui suivent de près l’évolution des factures pour ces bâtiments. La hausse des prix de l’énergie est d’autant plus forte que les bâtiments sont mal isolés.

Cela l’est, ensuite, du point de vue climatique. Comme l’a indiqué notre rapporteur, les écoles, collèges et lycées représentent 45 % de la surface du patrimoine bâti des collectivités, mais 84 % de leurs émissions de gaz à effet de serre. C’est colossal ! Or les collectivités sont également soumises aux impératifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et doivent s’y attaquer dès maintenant.

Le 7 décembre dernier, un accord a été trouvé entre le Parlement européen et le Conseil pour réviser la directive sur la performance énergétique des bâtiments. Cet accord prévoit la rénovation d’au moins 16 % des bâtiments non résidentiels les moins performants d’ici à 2030 et de 26 % d’entre eux d’ici à 2033.

Cette dynamique, portée par l’Union européenne et partagée par nos partenaires européens, est extrêmement ambitieuse. Elle doit maintenant se concrétiser dans les territoires. Les collectivités doivent prendre leur part des initiatives.

C’est pourquoi je tiens à saluer le travail réalisé sur ce sujet par la mission d’information dont Nadège Havet était la rapporteure. Le groupe RDPI a choisi d’inscrire à notre ordre du jour, dans son espace réservé, un texte utile pour nos collectivités, qui vise à transcrire dans la loi l’une des propositions de la mission d’information.

La proposition qui nous est faite est très simple et très opérationnelle : prévoir un taux dérogatoire pour la participation minimale des collectivités aux travaux qu’elles mènent en tant que maître d’ouvrage lorsque ces travaux concernent la rénovation énergétique des bâtiments scolaires.

Il s’agit de lever un blocage juridique pour permettre aux collectivités d’engager des travaux de rénovation. Le préfet pourra abaisser de 20 % à 10 % ce taux de contribution minimale. Ce changement est certes modeste, monsieur le rapporteur, mais il est important pour nos petites communes et pour nos maires ruraux attachés à la bonne gestion de leurs deniers.

Alors que le prix des rénovations peut atteindre 1 700 euros au mètre carré – je sais, en tant qu’ancien professionnel du bâtiment, qu’il peut même aller bien au-delà –, il convient d’assouplir les contraintes liées au schéma de financement. Cette règle de la contribution minimale a sans doute eu sa justification en droit, mais elle ne semble adaptée ni à l’urgence climatique ni à la capacité contributive des collectivités et singulièrement de nos petites communes rurales.

Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront bien évidemment en faveur de cette proposition de loi, madame Havet, mesure pragmatique et de bon sens. Nous espérons que les élus locaux sauront utiliser la nouvelle marge d’action qui leur sera ainsi donnée et qu’elle permettra d’atteindre l’objectif d’ici à 2030. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont clairs. Notre feuille de route l’est tout autant. Il faut maintenant mettre en place les outils nécessaires.

En France, 6 % des émissions totales de CO2 proviennent des bâtiments du tertiaire. Le patrimoine immobilier des collectivités territoriales représente 33 % du volume de CO2 émis par l’ensemble des bâtiments du pays.

Les bâtiments appartenant aux collectivités sont à l’origine de 84 % de leurs émissions et de 76 % de leur consommation d’énergie. Enfin, les bâtiments scolaires représentent 50 % du patrimoine immobilier national.

Dès lors, l’inefficience énergétique du bâti scolaire de nos collectivités est la première cause des émissions issues de leur patrimoine immobilier. La rénovation énergétique de nos écoles n’est pas un choix : c’est une nécessité.

Pour rappel, le décret « tertiaire » impose une réduction de la consommation d’énergie finale des bâtiments de 40 % en 2030, de 50 % en 2040 et de 60 % en 2050, par rapport à 2010.

Outre les enjeux écologiques qu’elle présente, il faut se rendre compte des bénéfices d’une telle politique publique. Dans un contexte inflationniste particulièrement violent, ces investissements sont avant tout sources d’économies. Inutile de souligner les bénéfices relatifs à l’indépendance énergétique de notre nation. Et puis, tolérerons-nous que, par manque d’investissements, nos classes ferment l’été en raison des canicules ?

Il est difficile d’estimer le coût des opérations. Celui-ci dépend du type de rénovation, de la nature du bâtiment, de son état d’origine et de bien d’autres facteurs encore.

À titre indicatif, la direction de l’immobilier de l’État (DIE) estime que le passage d’un bâtiment qualifié de « peu performant » à « performant » représenterait un coût de 1 563 euros par mètre carré. Le montant est doublé pour en faire un bâtiment « très performant ».

L’Institut de l’économie pour le climat a ainsi estimé qu’environ 700 millions d’euros supplémentaires par an étaient nécessaires pour rénover le bâti scolaire et atteindre nos objectifs.

Il y va de la crédibilité des décideurs publics. Nous ne pouvons pas demander à nos concitoyens d’investir dans la rénovation thermique de leur logement ou de leurs bureaux si nous ne sommes pas nous-mêmes exemplaires.

Quels sont donc les moyens de nos collectivités pour répondre à ces attentes ? DETR, DSIL, DSID, DPV, fonds vert : autant de subventions permettant le financement de la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités.

À ce titre, je salue l’abondement de 500 millions d’euros du fonds vert en autorisations d’engagement prévu dans le projet de loi de finances pour 2024. S’ajoutant aux 2 milliards d’euros déjà prévus, ils seront exclusivement destinés à la rénovation énergétique de nos écoles.

En revanche, si le financement de projets concourant à la transition écologique par les dotations est en hausse, ces dernières ne sont pas exclusivement destinées à financer ce pan de leurs politiques publiques.

Par ailleurs, outre le frein à l’endettement, des obstacles légaux persistent. Le code général des collectivités territoriales impose une participation minimale du maître d’ouvrage de 20 % au financement des investissements. Or cette injonction peut parfois laisser aux collectivités une charge trop lourde, surtout pour les plus petites, ou du moins les plus pauvres d’entre elles. Pourtant, ce ne sont parfois que quelques milliers d’euros manquants qui bloquent les projets de rénovation…

C’est tout l’objet de cette proposition de loi. Déposée par ma collègue Nadège Havet et moi-même, elle traduit la recommandation n° 9 du rapport que nous avons établi au nom de la mission d’information du Sénat sur le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique.

En accord avec l’Association des maires ruraux de France (AMRF), Départements de France, mais également la direction générale des collectivités locales (DGCL), nous proposons un abaissement de ce seuil de participation de 20 % à 10 %. C’est le préfet du département qui autoriserait cette dérogation en fonction de la situation financière des collectivités.

En débloquant le financement de certains projets, nous permettrons l’accélération de la rénovation énergétique de nos bâtiments. C’est une mesure simple, gratuite et nécessaire.

Je voudrais également attirer votre attention sur quelques problèmes persistants.

Premièrement, les subventions sont majoritairement gérées sous forme d’appels à projets. Cela fait peser sur les petites collectivités des contraintes parfois difficilement surmontables. Monter un dossier implique des moyens de veille et d’ingénierie dédiés. Un biais contre-productif en faveur des collectivités les plus riches peut alors s’opérer.

Deuxièmement, l’absence d’alignement des calendriers relatifs aux demandes de dotations, la lenteur d’instruction, ou encore l’absence d’homogénéité dans les pièces demandées font parfois du dépôt de dossier un parcours du combattant.

Enfin, rendons à César ce qui appartient à César. Le lancement des conférences des parties régionales est une initiative bienvenue. Celles-ci devraient permettre une meilleure déclinaison territoriale de la planification écologique en fonction des besoins locaux et favoriser l’accès des collectivités à l’arsenal de l’ensemble des administrations centrales.

Reste à voir si l’articulation de ce plan sera véritablement efficace. En attendant – et nous n’avons pas beaucoup de temps –, levons les freins inutiles à la transition écologique. Cette proposition de loi constitue un élément essentiel de l’effort que nous devons fournir.

Nous ne pouvons faire l’impasse sur la rénovation énergétique de nos bâtiments, car elle représente une source d’économies. Les rénovations doivent être entamées dès maintenant. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI. – M. le rapporteur applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Ghislaine Senée. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui nous offre l’occasion de débattre sur le sujet fondamental de la rénovation énergétique des bâtiments scolaires. Je remercie le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants d’avoir inscrit ce texte au sein de sa niche.

Cette proposition de loi vise à mettre en œuvre la recommandation n° 9 du rapport d’information sénatorial sur le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique, à savoir l’assouplissement de la règle de l’obligation de participation minimale.

Concrètement, le préfet pourra abaisser le seuil de participation minimale à 10 % lorsque la participation minimale de droit commun, établie à 20 %, est disproportionnée au regard de la capacité financière de la commune.

Cette proposition me semble utile et opportune. Le rapport d’information a en effet démontré que le reste à charge, difficile à évaluer, constitue une source d’incertitude pour les collectivités. Aussi, l’abaissement du seuil de participation minimale aura la vertu de sécuriser financièrement le budget de certaines communes et de faciliter l’investissement et le lancement plus que nécessaire des rénovations.

Bien qu’elle soit utile, je voudrais formuler deux remarques à propos de cette mesure.

D’une part, je veux dénoncer ici la dépendance de plus en plus forte des communes vis-à-vis des départements et des régions. Un nombre croissant d’élus locaux soulignent qu’ils sont obligés de caler la planification de leurs propres travaux sur les projets politiques définis par d’autres collectivités, voire, parfois, de les suspendre ou d’adapter le cahier des charges, ce qui rallonge le temps d’exécution.

Les communes passent aujourd’hui trop de temps à chercher des financements. Cette charge est particulière lourde pour les communes rurales qui sont sous-dotées en agents administratifs et en moyens d’ingénierie. La perte d’autonomie financière des collectivités n’est pas une vaine critique. Elle devrait être prise très au sérieux par le Gouvernement.

D’autre part, je crains que cette mesure ne soit en réalité accessoire, alors même que la rénovation thermique des bâtiments constitue un véritable enjeu pour nos collectivités et notre pays. Or ces rénovations permettent de diminuer les dépenses en énergie pour nos collectivités durement touchées par l’inflation, d’améliorer les conditions d’apprentissage pour nos 10 millions d’élèves et nos 720 000 enseignants, et bien entendu de lutter contre le réchauffement climatique.

Alors que le bâtiment représente le deuxième secteur le plus émissif en France, les collectivités territoriales possèdent près de 30 % du parc tertiaire national, dont la moitié est constituée par les bâtiments scolaires. Par conséquent, la baisse de nos émissions ne peut se passer d’une politique extrêmement ambitieuse de soutien aux collectivités territoriales.

Ce n’est malheureusement pas avec une dotation supplémentaire de 500 millions d’euros pour le fonds vert que l’État réussira le pari d’une rénovation globale du bâti scolaire. Il y a pourtant urgence si l’on veut respecter la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Cet engagement financier de l’État est également accessoire au regard de l’ensemble des difficultés très concrètes rencontrées par les collectivités, qui dépassent les seules contraintes législatives. Parmi ces difficultés, on peut mentionner le temps à consacrer aux appels à projets qui se multiplient, l’accès à l’ingénierie, le nombre croissant de calendriers à respecter et à coordonner selon les aides, les délais d’attribution longs, les réponses aléatoires ou encore le manque de visibilité et de pluriannualité des aides.

Ces difficultés se multiplient et n’ont pas trouvé de réponse concrète à ce jour, malgré les initiatives lancées.

Aussi, face à ces enjeux considérables, et bien que conscient qu’une proposition de loi inscrite dans une niche ne peut résoudre à elle seule toutes ces difficultés, mon groupe la votera néanmoins. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires
Article unique

Avant l’article unique

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois après l’adoption de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant le bilan des difficultés rencontrées par les collectivités territoriales dans l’accès aux dotations et subventions permettant de financer les investissements en vue de la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, notamment pour les plus petites communes.

Le rapport étudie les différents outils que le Gouvernement peut mettre en place pour résoudre ces difficultés d’accès aux subventions et dotations. Il étudie notamment les mesures suivantes :

1° mise en place d’une logique de déploiement pluriannuel des aides ;

2° alignement des calendriers des dotations et subventions ;

3° simplification des dossiers exigés ;

4° désignation d’un interlocuteur unique de services de l’État dans le département ;

5° création d’outils facilitant l’accès à l’information pour les collectivités, par exemple via la création d’une plateforme unique dédiée aux bâtiments scolaires, regroupant l’ensemble des informations utiles pour les élus.

La parole est à Mme Ghislaine Senée.

Mme Ghislaine Senée. Par cet amendement d’appel, madame la ministre, je veux attirer votre attention sur l’impérieuse nécessité de répondre aux difficultés que rencontrent les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de la transition écologique.

Nous avons tous, sur les travées de cet hémicycle, évoqué ces difficultés au cours de la discussion générale. Il nous paraît indispensable de répondre aux préoccupations et aux demandes des élus locaux. Ceux-ci réclament notamment l’instauration d’une logique pluriannuelle dans le déploiement des aides, l’alignement des calendriers des différentes subventions, la simplification des dossiers et la création d’outils facilitant l’accès à l’information pour les collectivités. Si nous souhaitons être à la hauteur de nos ambitions en matière de rénovation énergétique, il nous faut absolument leur apporter des réponses concrètes.

Lutter contre le changement climatique, c’est d’abord faciliter la tâche de ces acteurs, au premier rang desquels nos collectivités territoriales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Les difficultés rencontrées par les collectivités territoriales dans l’accès aux dotations et subventions permettant de financer les investissements en vue de la rénovation énergétique des bâtiments, notamment scolaires, ont déjà fait l’objet de deux rapports d’information de MM. Charles Guené et Claude Raynal : l’un, en juillet 2022, sur les dotations d’investissement pour les collectivités territoriales, l’autre, plus spécifique, en juillet 2023, sur le verdissement des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.

Ces difficultés sont donc identifiées, listées et ont fait l’objet de plusieurs préconisations et pistes d’amélioration, comme l’alignement des calendriers ou la simplification des pièces à fournir, dont chacun souhaite la mise en œuvre.

Dans ce contexte, il est loin d’être certain qu’un tel rapport permettrait d’apporter des solutions supplémentaires. Surtout, nous devons nous tourner vers Mme la ministre pour apporter des réponses à des problèmes déjà clairement identifiés.

L’avis est donc défavorable, bien que nous partagions vos préoccupations.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est également défavorable, pour les mêmes raisons que celles qu’a exposées M. le rapporteur. Comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour faciliter l’accès des collectivités aux dotations de soutien à l’investissement.

Nous suivons précisément les indicateurs. Entre 2018 et 2022, 11 000 projets ont été cofinancés par l’État, soit un montant total subventionné de 1 milliard d’euros. Quelque 7 058 collectivités ont été accompagnées sur l’ensemble du territoire. Nous travaillons à la simplification de l’accès des collectivités à ces subventions, car elle est nécessaire ; mais un énième rapport sur ce sujet n’aurait d’après nous aucune valeur ajoutée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article unique - Amendement n° 1 rectifié
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

I. – Le III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les projets d’investissements ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, la participation minimale du maître d’ouvrage peut être fixée par le représentant de l’État dans le département à 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques, lorsque ce dernier estime que la participation minimale prévue au deuxième alinéa du présent III est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d’ouvrage. »

II. – Les éventuelles pertes de recettes résultant pour l’État du I sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par Mme Varaillas, MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

fixée

par les mots :

supprimée ou réduite

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Le texte prévoit que le préfet est garant de l’application du dispositif permettant d’abaisser de 20 % à 10 % la participation financière minimale de la collectivité pour des travaux de rénovation de bâtiments scolaires.

Cependant, le préfet peut être amené à constater qu’une commune ne peut assumer cette charge de 10 %, alors même que la rénovation est nécessaire : c’est souvent le cas dans la ruralité, où les écoles accueillent les élèves des communes alentour.

Nous proposons que le préfet puisse décider que ces investissements soient entièrement pris en charge et que la commune soit exonérée de cette participation à hauteur de 10 %.

Pour compléter les financements, le préfet a bien sûr à sa main le fonds vert, la DETR et la DSIL.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Comme je l’ai dit précédemment, même si elle existe dans certains cas très particuliers, la suppression totale de la participation de la collectivité territoriale ouvrirait la voie à d’autres types d’investissements en lien avec la transition écologique. Cela nous semble contraire à l’autonomie de gestion des collectivités, même si ces situations très particulières peuvent arriver.

En supprimant cette participation, nous craignons d’ouvrir la porte à d’autres types d’investissements, ce qui ne nous paraît pas aller dans le sens de l’autonomie de gestion des collectivités, qui doivent être en mesure, afin d’être responsabilisées, d’assurer une partie des investissements qu’elles réalisent.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. L’avis est également défavorable, pour les mêmes raisons. Cette participation minimale du maître d’ouvrage réduite à 10 % pour la rénovation énergétique de nos bâtiments scolaires nous paraît équilibrée.

Par ailleurs, ces ouvrages nécessitent également des dépenses de fonctionnement. Si la collectivité ne peut investir 10 % du montant des travaux de rénovation, il faut s’inquiéter de sa capacité à faire fonctionner l’école par la suite…

Cet avis est conforme aux recommandations de la mission d’information du Sénat sur le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’alinéa 3, et, ce faisant, un gage inutile.

Le dispositif proposé par la proposition de loi consiste en une dérogation à la règle encadrant le taux de participation minimale des maîtres d’ouvrage.

Cette participation minimale de 20 % prévue au code général des collectivités territoriales serait ainsi ramenée à 10 % pour les projets d’investissement ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires avec une appréciation locale du préfet.

Cette modulation s’effectuant à l’aune des financements apportés par l’ensemble des personnes publiques, le gage n’est dès lors pas nécessaire pour rendre ce dispositif recevable. Nous proposons donc de supprimer l’alinéa 3 de l’article unique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article unique
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je voulais remercier et féliciter les auteurs de la proposition de loi, notamment Nadège Havet et Jean-Marie Mizzon. Le travail qui a été conduit par la mission d’information est en effet précieux et utile. Ce texte apportera une souplesse bienvenue à l’ensemble de nos territoires.

Depuis quelques années, l’État a amplifié ses aides aux collectivités, en particulier pour ce type de projet.

L’utilité du fonds vert est également indéniable : il s’agit quasiment d’une DETR bis. Ainsi, dans l’Yonne, 13 millions d’euros de DETR et 8 millions d’euros issus du fonds vert ont été investis dans différents projets.

La souplesse introduite par cette proposition de loi permettra en outre de répondre à des problématiques concrètes et localisées, mais qui affectent le quotidien de nos élèves.

Madame la ministre, j’attire par ailleurs votre attention sur un autre sujet lié au bâti scolaire. Certains regroupements souhaitent davantage se tourner vers des structures uniques pour investir dans l’extension de bâtiments existants ou dans la création de nouveaux, très coûteux. Là encore, un accompagnement significatif de l’État est nécessaire. Or ce n’est pas toujours le cas : au regard des sommes en question – plusieurs millions d’euros –, une sélection est souvent opérée.

Ainsi, après avoir salué le travail conduit par les auteurs de cette proposition de loi, j’en profite pour vous rappeler que d’autres chantiers doivent être ouverts en matière de bâti scolaire. Je me réjouis en tout cas de cette proposition de loi, et j’espère que l’Assemblée nationale pourra rapidement s’emparer de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Comme je l’ai indiqué, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, qui est le fruit d’un travail sérieux et bienvenu.

Je salue notamment les travaux menés dans le cadre de la mission d’information présidée par Jean-Marie Mizzon dont Nadège Havet était la rapporteure.

Plusieurs écueils devaient être évités. Je pense notamment à l’idée, qui circulait dans certains couloirs du ministère de l’éducation nationale, de créer une cellule consacrée au bâti scolaire, dans une surenchère normative. Je remercie Nadège Havet et Jean-Marie Mizzon d’avoir su faire preuve de vigilance.

Madame la ministre chargée des collectivités territoriales, il vous reste à convaincre le ministre de l’éducation nationale d’aller au bout de cette mesure en proposant une carte scolaire pluriannuelle.

Le président Raynal l’a indiqué : cette carte donnerait la visibilité dont ils ont besoin aux maires de regroupements pédagogiques intercommunaux en danger lorsqu’ils ont accès à des investissements. Comme vous tous, je rencontre beaucoup de maires qui s’interrogent sur la pérennité de leur école et sur la pertinence de l’investissement à mobiliser. Si elle vous permet de convaincre Gabriel Attal, alors cette proposition de loi n’aura vraiment pas été inutile.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. C’est vrai.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour explication de vote.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, comme je l’ai déjà dit à M. Christophe Béchu, il est très positif que le fonds vert ait été augmenté et pérennisé. Néanmoins, ce fonds est insuffisant : en effet, lorsque les communes présentent leur dossier au préfet, la prise en charge ne dépasse pas 25 %. Par ailleurs, une commune qui touche une subvention du fonds vert ne peut généralement prétendre à la DETR – et inversement. Nous devons donc disposer des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. Avant de procéder au vote, je veux revenir sur un aspect technique du bâti scolaire. Comme je l’ai rappelé, le décret « tertiaire » impose une réduction de la consommation d’énergie des bâtiments de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010.

Or une telle amélioration est difficile à atteindre pour les collectivités qui ont déjà entrepris des travaux importants sur le bâti scolaire en 2009 ou antérieurement. En effet, il leur sera plus difficile de réduire la consommation d’énergie de ces bâtiments de 40 % – a fortiori de 50 % ou de 60 % – qu’aux communes qui n’ont jamais entamé de travaux.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. C’est vrai : c’est du bon sens.

M. Jean-Marie Mizzon. Oui, le bon sens me caractérise : je suis centriste ! (Rires.)

M. Michel Canévet. Excellente réponse !

M. Jean-Marie Mizzon. Nous devrions donc pouvoir tenir compte des travaux précédemment réalisés dans l’évaluation des dossiers, afin d’éviter la prime aux mauvais élèves, ou la punition aux bons élèves…

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.

Mme Nathalie Delattre. Pour ma part, je suis radicalement centriste ! (Sourires.)

Je salue cette proposition de loi pour sa sobriété et son efficacité. J’en profite pour évoquer un sujet qui vous fera sans doute sourire, mais qui est pourtant primordial. En effet, avec plusieurs élus, notamment, nous sommes en train de constituer un collectif sur l’enjeu des toilettes à l’école.

Certes, il est beaucoup question de transition énergétique, mais les toilettes sont un lieu stratégique de l’établissement scolaire. De nombreux enfants n’y vont plus, parce qu’ils trouvent qu’elles ne sont pas assez propres, ce qui engendre des problèmes de santé importants. Dans d’autres cas, le problème est que les toilettes sont devenues une zone de non-droit, comme des lieux de deal, et que les élèves craignent de s’y faire harceler.

Ce collectif, qui rassemble des travailleurs sociaux, des architectes et des élus, entend rappeler la nécessité de disposer d’une enveloppe dédiée à cette problématique. Cet endroit doit devenir une préoccupation constante. Souvent, les maires ont d’autres urgences à traiter, il est vrai ; mais il faut les accompagner afin de promouvoir un projet humain, pédagogique et de santé autour de cet enjeu.

Je tenais à attirer votre attention sur la nécessité de cette enveloppe budgétaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.

Mme Nadège Havet. Je remercie de nouveau nos collègues de leur soutien ce matin, mais aussi chacun des membres de la mission d’information sur la transition écologique du bâti scolaire, car cette proposition de loi est le fruit d’un travail collectif.

Alors que nous aurions facilement pu nous égarer, nous avons réussi à recentrer le texte sur l’essentiel. Cette mission d’information a été l’occasion d’en apprendre beaucoup sur les pratiques de nos départements d’outre-mer ou celles des Français de l’étranger.

Merci à tous. Comme Jean-Baptiste Lemoyne, j’espère que cette proposition de loi sera rapidement examinée à l’Assemblée nationale afin d’être mise en œuvre au plus vite. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique de la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 100 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 340

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-sept, est reprise à midi.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires
 

3

Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plusvite les mesures du comité interministériel des outre-mer ?

Débat organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, sur le thème : « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre-mer ? »

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour d’un droit de répartie, pour une minute.

Monsieur le ministre délégué, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura regagné sa place dans l’hémicycle.

Le temps de réponse du Gouvernement à l’issue du débat est limité à cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 17 mai 2022, les présidents des collectivités de la Martinique, de la Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion, de Saint-Martin et de Mayotte se sont réunis pour appeler à un changement profond de la politique outre-mer de l’État. Face au mal-développement et aux inégalités criantes qui minent notre pacte social, ils ont souligné l’urgence d’ouvrir un nouveau chapitre de notre histoire.

L’appel de Fort-de-France a pour objet la demande d’une prise de conscience politique au plus haut niveau de l’État. C’est le refus d’un statu quo intenable.

Les élus de ces territoires réclament que l’on agisse « autour de trois axes forts : refonder la relation entre [leurs] territoires et la République par la définition d’un nouveau cadre permettant la mise en œuvre de politiques publiques conformes aux réalités de [leurs] régions ; conjuguer la pleine égalité des droits avec la reconnaissance de [leurs] spécificités, notamment par une réelle domiciliation des leviers de décisions ; instaurer une nouvelle politique économique fondée sur [leurs] atouts, notamment géostratégiques et écologiques ».

Le Président de la République n’est pas resté sourd à cet appel. Le 7 septembre 2022, soit quatre mois après cette déclaration, il a souhaité engager « un renouveau de l’outre-mer » ; l’objectif étant d’apporter des réponses qui tiennent compte des spécificités de chaque territoire.

Nous avons salué cette approche et cette volonté de coconstruction. Nous avons également pris acte de la volonté du Gouvernement d’écarter la question de l’évolution statutaire.

Le comité interministériel des outre-mer (Ciom), qui s’est tenu le 18 juillet 2023 à la demande la Première ministre, est la traduction de cet engagement présidentiel.

À cette occasion, soixante-douze mesures ont été arrêtées, organisées autour de cinq thèmes et d’une promesse : transformer les économies ultramarines pour créer de l’emploi et lutter contre la vie chère ; améliorer la vie quotidienne dans les outre-mer ; mieux accompagner les enfants, les jeunes et les étudiants ; garantir un environnement normatif adapté à nos spécificités ; construire l’avenir avec des équipements et des infrastructures adaptés ; assurer un suivi interministériel régulier.

C’est la promesse d’un suivi interministériel qui a donné lieu, les 23 et 24 novembre dernier, à un premier bilan d’étape, par territoire, à votre invitation, monsieur le ministre. C’est cette promesse qui nous a conduits, à notre tour, à demander l’organisation de ce débat au Sénat, chambre des collectivités. C’est l’occasion pour nous, parlementaires, d’interroger le Gouvernement sur ses intentions et de lui demander de préciser un certain nombre de points.

Un point en particulier me tient à cœur et suscite des inquiétudes légitimes : il s’agit de la réforme de l’octroi de mer, comme vous le savez, monsieur le ministre.

En 2020, j’ai remis avec Vivette Lopez et notre ancien collègue Gilbert Roger un rapport d’information, sur les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020. Nous y avons souligné l’efficacité de ce dispositif de soutien à la production locale et rappelé l’importance d’une taxe dont le produit représente jusqu’à 45 % du budget de fonctionnement des communes. Toucher à l’octroi de mer, c’est toucher au peu d’autonomie fiscale dont ces dernières bénéficient.

J’aimerais donc que cette réforme, que souhaitent également les élus des territoires, soit menée en coconstruction avec l’ensemble des partenaires concernés, y compris le monde économique. En la matière, la prudence est de mise, monsieur le ministre.

Je formulerai à présent une suggestion : les bilans d’étape, aussi nécessaires soient-ils, ne sauraient suffire. Il nous faut mettre sur pied une méthode d’évaluation des politiques publiques décidées dans le cadre du Ciom. C’est une étape indispensable au succès de cette concertation.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Dominique Théophile. Enfin, je me ferai le porte-voix de mes collègues Teva Rohfritsch et Mikaele Kulimoetoke, qui appellent de leurs vœux la tenue d’un Ciom pour les territoires du Pacifique. Monsieur le ministre, pourrez-vous nous dire quelques mots à ce propos ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie tout d’abord d’avoir organisé ce matin au Sénat un débat sur le comité interministériel des outre-mer, dont vous avez souligné l’intérêt, à la suite de l’appel de Fort-de-France.

Ce comité traduit la volonté très forte du Gouvernement d’établir un nouveau lien avec les territoires ultramarins en ouvrant un nouvel espace de dialogue afin de leur donner une véritable visibilité sur l’ensemble des champs que vous avez évoqués, monsieur le sénateur. Vous connaissez mon implication en faveur de cette coconstruction et vous savez que, au-delà des engagements interministériels pris par la Première ministre au mois de juillet dernier, je suis résolu à avancer sur ces questions, comme cela a été le cas lors de nos deux jours de travail les 23 et 24 novembre dernier.

Nous avons franchi une première étape ensemble. Une nouvelle étape est prévue au mois de février prochain – vous en serez informé dans les prochains jours, monsieur le sénateur –, afin que nous puissions constater ensemble l’état d’avancement des soixante-douze mesures – soixante et onze mesures, plus l’engagement de tenir ces belles promesses dans le temps.

Je reviens sur l’octroi de mer et l’évaluation.

Comme je m’y étais engagé lors de nos deux journées de travail, cette réforme se fera dans le cadre d’une coconstruction. À cet effet, j’ai adressé aux préfets, aux présidents de collectivité, aux parlementaires, aux élus locaux et aux présidents des associations des maires – la coconstruction ne peut pas se faire uniquement avec les parlementaires –, dans tous les territoires concernés, une maquette financière de ce qu’il se passe à l’heure actuelle, ainsi qu’un rappel des engagements très fermes que nous avons pris ensemble. Ce courrier est en cours d’acheminement.

Il s’agit d’abord d’organiser un débat dans les territoires entre le préfet et tous les acteurs et de donner à ces derniers le temps de formuler des propositions.

Il est important de bien comprendre comment fonctionne l’octroi de mer dans chacun des territoires d’outre-mer, car il n’est pas appliqué de la même manière partout. Il convient donc de prévoir une démarche d’appropriation.

Viendra ensuite un temps de réflexion entre vous, auquel il faudra associer les consommateurs et le monde économique, que j’ai reçu il y a quelques jours.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Vous le voyez, la coconstruction est prévue. Vous serez destinataire des documents nécessaires et c’est ensemble que nous avancerons.

Enfin, madame la présidente, je conclus en précisant que les ressources des collectivités territoriales seront garanties. Au Sénat, cela a du sens de le dire !

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi pour commencer de remercier le président François Patriat, ainsi que l’ensemble de mes collègues du groupe RDPI, de nous accorder ce temps de discussion sur le Ciom.

Nous accorder ce temps, c’est reconnaître les territoires ultramarins, majoritairement représentés au sein de notre groupe, et l’intérêt de ce Ciom pour nos outre-mer. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre engagement constant sur ces dossiers. Nous espérons qu’il continuera d’en être ainsi.

En Guadeloupe, 72 des 153 propositions émanant du congrès des élus de la Guadeloupe ont été retenues par le Gouvernement : certaines sont engagées, d’autres en cours de finalisation, voire achevées.

Nos premiers rendez-vous ont eu lieu les 23 et 24 novembre dernier. Il s’est alors agi de faire un état des lieux de la mise en œuvre du Ciom, et ce en toute transparence, le seul objectif étant d’améliorer le quotidien des Ultramarins.

Je fais le choix ce matin de vous interpeller sur deux sujets précis, monsieur le ministre : la problématique des sargasses et le renforcement du contrôle de la concurrence afin de lutter contre les pratiques abusives.

En premier lieu, parmi les mesures retenues par le comité interministériel des outre-mer du mois de juillet 2023 figurent la lutte contre les sargasses et les moyens afférents. La mesure 56 prévoit ainsi le lancement d’une initiative internationale. Ce fut chose faite le 2 décembre dernier à Dubaï lors de la COP28. On ne peut que saluer le volontarisme du Gouvernement à cet égard.

Vous connaissez mon engagement constant, monsieur le ministre, et celui de Frédéric Buval, mon collègue de la Martinique, que j’associe à mon propos, sur la question des sargasses. Pourriez-vous nous préciser quelles suites très concrètes sont prévues dans nos territoires respectifs et quels moyens sont fléchés vers les groupements d’intérêt public anti-Sargasses, dans le prolongement de cette initiative internationale ?

En second lieu, la réforme de l’octroi de mer que vous souhaitez inscrire très prochainement à l’ordre du jour de nos travaux, en 2024, ne peut être discutée en toute clarté sans que soit évoqué le contrôle de la concurrence afin de lutter contre les pratiques abusives. La cherté de la vie dans les outre-mer y trouve sa source, nous devons le dire haut et fort. Je serai particulièrement attentive à cette question.

En conclusion, j’insiste sur le fait que, à cadre constitutionnel constant – les articles 73 et 74 de la Constitution –, nous disposons de marges de manœuvre, puisque des politiques ascendantes adaptées à nos territoires sont possibles.

Nous devons penser l’adaptation des politiques publiques et nous placer sous le triptyque « proximité, pragmatisme, confiance ». Monsieur le ministre, je vous invite donc à penser l’adaptation des politiques publiques en envisageant leur territorialisation, mais également à réduire le fossé existant entre l’action publique et les usagers.

Dans son étude annuelle, qui a porté en 2023 sur l’usager, du premier au dernier kilomètre, le Conseil d’État a préconisé de penser l’atterrissage de l’action publique dans les outre-mer dès le départ.

Enfin, il est nécessaire d’évaluer tout dispositif que vous, que dis-je, que nous allons déployer dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Je n’ai pas eu le temps d’indiquer à Dominique Théophile qu’un rendez-vous sera prévu pour les territoires ultramarins hors départements et régions d’outre-mer (Drom), à savoir la Polynésie, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie.

Madame la sénatrice Nadille, je vous répondrai précisément sur deux sujets.

Vous avez d’abord évoqué la lutte contre les sargasses et rappelé que je m’étais rendu à Dubaï, où une initiative internationale a été lancée par la France, avec le Costa Rica et la République dominicaine. Nous avons à présent le soutien du Mexique et de l’Union européenne. La région de la Guadeloupe est très impliquée dans cette initiative, la vice-présidente de la région était d’ailleurs présente à mes côtés.

Nous consacrerons plus de moyens à la lutte contre les sargasses, afin de mieux protéger les collectivités et les usagers, ainsi que les équipements de tourisme qui sont menacés. Il s’agit également de trouver des voies de valorisation.

Mon engagement à cet égard est total, ainsi que celui du sénateur Buval. D’ailleurs, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement a émis un avis favorable sur l’un de ces amendements.

Madame la sénatrice, vous avez ensuite évoqué la concurrence. C’est un problème majeur dans la lutte contre la vie chère. J’ai parlé précédemment de la réforme de l’octroi de mer, dont le Ciom prévoit la mise en œuvre en 2027. Prenons ensemble le temps de la construction. Pour l’heure, nous renforçons les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui comptera dix salariés en plus.

Les normes relatives aux régions ultrapériphériques (RUP), qui entreront en application dès le mois de mars prochain, permettront de rendre les matériaux plus abordables. Le bouclier qualité prix (BQP), qui s’applique à 153 produits à La Réunion, sera étendu, car il a démontré toute sa pertinence.

Nous luttons également contre les monopoles. Nous avons ainsi saisi la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale afin de comprendre la fixation des prix et d’apporter une véritable réponse à la question de la vie chère.

Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à M. Georges Patient. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Ciom contient nombre de mesures de tous ordres. La plus importante et la plus emblématique d’entre elles est certainement la réforme de l’octroi de mer.

Monsieur le ministre, je ne vous cache pas mon scepticisme quant à l’opportunité d’une telle réforme, qui aura un effet négatif certain sur les budgets des collectivités locales, sans pour autant apporter du mieux à nos économies ni même résoudre le problème de la vie chère, principal motif de mécontentement de nos compatriotes d’outre-mer.

Néanmoins, il est trop tôt pour se prononcer. Attendons les concertations et les groupes de travail. Pour ma part, j’ai demandé que la commission des finances du Sénat produise également une étude sur le sujet.

Nous avons voté avant-hier le projet de loi de finances pour 2024, dans lequel plusieurs mesures prévues dans le cadre du Ciom ont été insérées par le Gouvernement, signe que les choses avancent.

De ce Ciom, j’espère un accroissement du dynamisme des économies ultramarines afin qu’elles puissent enfin relever les principaux défis auxquels elles doivent faire face, qu’il s’agisse de la création d’emplois, de la construction de logements ou de l’augmentation du niveau de vie.

Aussi, je concentrerai mon propos sur les mesures économiques, bien que toutes les problématiques des outre-mer soient imbriquées les unes aux autres.

Allégements de charges, allégements d’impôts, crédits d’impôt ou encore défiscalisations : tous ces dispositifs méritent d’être évalués précisément. À cet égard, le rapport de juillet 2023 de l’inspection générale des finances (IGF) sur le régime d’aide fiscale à l’investissement productif (Rafip) est une première étape. De nombreux problèmes y sont pointés, de l’insuffisance des contrôles au ciblage aléatoire des dépenses fiscales. L’IGF s’étonne ainsi que « l’État ne dispose ni d’une répartition sectorielle ou géographique de [ces dépenses] ni même de données précises quant à la nature des actifs financés ». Je rappelle que le Rafip a représenté 827 millions d’euros en 2022.

Monsieur le ministre, vous avez introduit dans le projet de loi de finances pour 2024 plusieurs mesures issues des recommandations de ce rapport, qui ont connu des destins divers. Selon le document d’étape, « une réforme plus structurelle de la défiscalisation outre-mer » sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2025. Dans quelle mesure comptez-vous associer les parlementaires et les acteurs économiques à la préparation de cette réforme ? Surtout, quels en seront les objectifs ?

Par ailleurs, lors de son déplacement en Polynésie au mois d’août dernier, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a annoncé le lancement d’une mission sur les situations de monopole. Où en est-elle aujourd’hui ? Quelles en sont les conclusions ? Les autres territoires bénéficieront-ils de cette même mission ? Les monopoles et les abus de position dominante ont bien sûr un effet sur les prix, mais ils agissent également de manière négative sur la possibilité de développement économique en bloquant l’émergence de nouveaux acteurs.

Enfin, j’évoquerai un sujet spécifique à la Guyane, à savoir l’exploitation de ses ressources naturelles. Nous le savons – vous le savez –, la Guyane regorge de ressources naturelles : or, pétrole, bois, terres rares, ressources halieutiques. À l’heure où l’activité spatiale vacille, la Guyane a besoin d’un nouveau moteur. Le Guyana, grâce au pétrole, connaît la plus forte croissance mondiale : 57,8 % en 2022. Pourtant, le Ciom n’a prévu aucune mesure destinée à favoriser un développement endogène de la Guyane, fondé sur ses ressources naturelles.

M. Philippe Folliot. C’est vrai !

M. Georges Patient. Est-ce toujours une volonté du Gouvernement et du Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Philippe Folliot applaudit également.)

M. Philippe Folliot. Très juste ! Bonne question !

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je remercie le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants d’avoir inscrit l’organisation de ce débat à l’ordre du jour de nos travaux. Il nous permet d’interroger le Gouvernement sur la manière dont il compte appliquer « au plus vite » les mesures du comité interministériel des outre-mer. Le Ciom du 18 juillet 2023 a défini plus de soixante-douze mesures sur lesquelles il nous faut nous interroger aujourd’hui.

Je tiens également à vous remercier, monsieur le ministre. Si nous sommes en désaccord sur nombre de décisions politiques – ce n’est pas une surprise au regard de nos sensibilités différentes –, je salue votre réponse favorable à la participation des associations de consommateurs à la réforme de l’octroi de mer, réforme devenue indispensable pour permettre une pleine compréhension et acceptation de cet outil, dont il est fait un usage dévoyé, éloigné de ses missions premières. Cet outil est devenu complexe pour les entreprises et incompréhensible pour tous. Vous le savez, la transparence est donc nécessaire à la réussite de ces travaux.

La première réunion du comité de pilotage de la prise en charge des cancers dans nos territoires, qui s’est tenue conjointement avec votre collègue Agnès Firmin Le Bodo, mérite également, sans préjuger les résultats des travaux à venir, d’être saluée. Un tel comité gagnerait à être dupliqué pour nombre des mesures définies cet été.

Monsieur le ministre, j’en viens maintenant à la mesure 49 du Ciom, qui vise à « généraliser le “réflexe outre-mer” dans la fabrication de la norme ».

Ce réflexe outre-mer implique la juste considération de nos territoires et de nos populations, de leur singularité – l’éloignement, l’insularité, le surcoût de la vie, le caractère insuffisamment concurrentiel de leur économie et j’en passe –, mais aussi de la diversité qui règne au sein des cinq départements et régions d’outre-mer et des cinq collectivités d’outre-mer, sans oublier bien sûr la Nouvelle-Calédonie.

Ce réflexe est une promesse maintes fois évoquée depuis 2017, mais dont nous attendons toujours la concrétisation.

La plupart des ordonnances ont généralement pour objectif, d’une part, l’évitement démocratique du Parlement au profit de l’exécutif, d’autre part, une limitation des effets dévastateurs et non anticipés de textes souvent préparés sous un prisme hexagonal, ignorant totalement la réalité de nos territoires et de leurs habitants.

Ce qui pourrait passer pour une caricature n’est malheureusement pas vécu ainsi par nombre de parlementaires ultramarins et de corps intermédiaires.

À cet égard, la réforme des aides économiques intervenues au cours du précédent quinquennat dans le cadre de la loi de finances pour 2019 est un exemple symptomatique. Autant dire que beaucoup, qu’il s’agisse des élus ou des dirigeants de TPE ou de PME, craignent que la réforme de la défiscalisation ne soit qu’une pâle copie de la réforme économique de 2019.

Autre exemple, lors des trois réunions dites à tort « de concertation » sur les ordonnances prises au titre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les dizaines d’amendements proposés par les parlementaires des outre-mer ont eu peu de poids face à un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas).

L’oubli du réflexe outre-mer se poursuit, hélas ! dans le présent quinquennat.

À titre d’exemple, j’évoquerai le cas du diagnostic de performance énergétique (DPE). Alors que le Ciom a acté le report en 2028 de l’entrée en vigueur des DPE dans tous nos territoires, afin qu’ils puissent être logiquement adaptés à nos différents climats, l’article 50 du projet de loi de finances pour 2024, relatif notamment à MaPrimeRénov’, tel qu’il est actuellement rédigé, exclut nos territoires, sans pour autant anticiper la mise en place de DPE antillais ou de solutions de remplacement dans les autres territoires.

Monsieur le ministre, même si nos propositions ont reçu un avis défavorable du Gouvernement lors de l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » du projet de loi de finances pour 2024, nous vous saurions gré de modifier cet article avant son adoption finale, ou considérée comme telle, afin que nos territoires puissent également mettre en place ce dispositif dans les prochains mois.

Il s’agit en effet d’un levier important pour compenser la baisse productive, ou plutôt constructive, de la ligne budgétaire unique (LBU). Monsieur le ministre, si la hausse de la LBU est bienvenue, elle ne permettra malheureusement pas d’accroître la construction de logements sociaux, dont certains territoires ont tant besoin – c’est notamment le cas à La Réunion, où plus de 40 000 dossiers sont en attente. Et nous ne sommes pas le territoire où la dynamique démographique est la plus importante !

Le réflexe outre-mer, c’est aussi ne pas annoncer des mesures ou des dispositifs comme étant spécifiques aux outre-mer quand ils ne sont que la simple déclinaison de plans nationaux.

Il en est ainsi des contrats de convergence et de transformation (CCT) pour 2024-2027, qui sont en phase de finalisation pour un montant de 2,3 milliards d’euros engagés par l’État. Un bilan sera rapidement nécessaire.

Les précédents CCT, qui devaient initialement représenter un effort de 2,1 milliards d’euros de la part de l’État entre 2019 et 2022, ressemblaient beaucoup aux contrats de plan État-région qui les ont précédés. Ils intégraient en grande partie, en tout cas pour La Réunion, de nombreux investissements dans la formation, notamment les plans d’investissement dans les compétences. Plus d’un tiers des investissements contractualisés dans le CCT réunionnais étaient en fait la déclinaison locale d’un plan national de formation pour les années 2018-2022 déjà acté. Le contenu du CCT était donc éloigné de l’esprit initial de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

Le réflexe outre-mer ne consiste pas non plus à inclure dans le Ciom des plans nationaux ayant, par nature, vocation à être adaptés à chacun de nos territoires. Il y va de la réussite même de ces plans.

À titre d’exemple, la mesure 31 prévoit, entre autres, que « le soutien aux parents via le plan des 1000 premiers jours de l’enfant sera adapté aux contextes et enjeux des territoires ultramarins ». Encore heureux !

Faut-il craindre pour les autres politiques publiques ? Ne sont-elles pas adaptées dès lors qu’elles ne figurent pas dans les mesures du Ciom ? Soyons sérieux ! Il est urgent d’évaluer ces CCT. J’en ferai d’ailleurs la demande à la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Monsieur le ministre, j’évoquerai à présent le régime spécifique d’approvisionnement et l’abondement de 8 millions d’euros de ce dispositif, qui tarde à venir.

Ce dispositif a été mis en place au titre de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui reconnaît la situation structurelle, économique et sociale des régions ultrapériphériques, et vise à compenser les surcoûts. Il n’est en aucun cas destiné à être abondé par les collectivités locales. Un tel choix serait un non-sens et reviendrait, une fois de plus, à réduire la solidarité nationale.

Nos territoires devront-ils également financer les prochaines réévaluations de leurs coefficients géographiques ?

Nos éleveurs et nos agriculteurs ne peuvent plus attendre. Le Gouvernement ne peut plus imposer aux collectivités territoriales des responsabilités qui ne relèvent pas d’elles. Il faut débloquer ces 8 millions d’euros, il y va de l’avenir de nos exploitants. À défaut, si les engagements pris n’étaient pas tenus, ces derniers n’auront d’autres choix que de répercuter les surcoûts sur les consommateurs.

C’est une question d’emplois, de compétitivité face aux produits issus d’une importation très carbonée et, bien sûr, de pouvoir d’achat pour nos familles. Les 4 millions d’euros déjà actés par l’État doivent être complétés par 4 millions d’euros supplémentaires, conformément à l’engagement pris par le Président de La République lors de sa visite à La Réunion au mois d’octobre 2019. L’État a déjà réalisé des économies en n’abondant pas le régime spécifique d’approvisionnement les années précédentes.

Sans ce soutien, la mesure 14 du Ciom prévoyant l’accompagnement des plans de souveraineté alimentaire des territoires ne pourra être considérée comme étant mise en œuvre, contrairement à ce qui est indiqué dans le document qui nous a été transmis.

Monsieur le ministre, vous comprenez pourquoi je vous ai interpellé sur le réflexe outre-mer et pourquoi je vous demande d’y inviter inlassablement vos collègues. Nous craignons qu’une simple circulaire soit insuffisante, face à une histoire collective hexagonale qui nous ignore encore beaucoup, y compris dans les ministères.

Ce réflexe outre-mer est une exigence pour nos populations et nos territoires, qui n’aspirent, comme chaque Français, qu’à l’épanouissement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Micheline Jacques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite du dernier comité interministériel des outre-mer, qui s’est tenu le 18 juillet dernier, nos collègues du groupe RDPI ont souhaité nous réunir pour débattre de la mise en œuvre des mesures arrêtées à cette occasion.

Je tiens tout d’abord à saluer cette initiative, qui permet d’allouer un temps aux parlementaires, après la séquence de suivi réservée aux exécutifs locaux. Certaines mesures devant en effet trouver une traduction législative, le débat de ce jour permettra d’éclairer le Sénat sur la méthode et le calendrier envisagés par le Gouvernement. On ne peut que s’en féliciter.

Dans le cadre de la mission de contrôle du Sénat, la délégation aux outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, a désigné des binômes de référents chargés notamment du suivi des mesures du Ciom.

Ceux-ci seront, au sein de chacune des commissions, un relais pour leurs collègues des autres commissions et veilleront à s’assurer que les mesures du Ciom ont bien été traduites dans les projets de loi ou trouvent à s’y appliquer. Je sais gré aux présidents de commission d’avoir réservé un accueil favorable à cette organisation.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, a également annoncé le dépôt et l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux en séance publique, une fois par an, d’une proposition de loi d’adaptation du droit des outre-mer. Il s’agit, notamment, d’une recommandation du rapport d’information fondateur intitulée Différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ?, rédigé par l’ancien président de notre délégation sénatoriale aux outre-mer, Michel Magras. Ce travail offrira, en tant que de besoin, un véhicule législatif supplémentaire, notamment pour la traduction des décisions arrêtées dans le cadre du rendez-vous annuel du Gouvernement autour des outre-mer. Ces rendez-vous consacrés aux outre-mer permettront, je le souhaite, de contribuer à limiter le recours aux ordonnances pour l’adaptation du droit aux outre-mer, qui doit encore progresser.

S’agissant des mesures du Ciom elles-mêmes, je note avec satisfaction la place faite aux dispositions d’acclimatation normative, dont certaines rejoignent des préconisations sénatoriales. C’est le cas de la substitution du marquage « régions ultrapériphériques » (RUP) au marquage « conformité européenne » (CE), qui vise à faciliter les importations régionales de matériaux de construction.

La délégation sénatoriale aux outre-mer a d’ailleurs préconisé l’établissement d’un référentiel d’équivalence régionale dans le rapport d’information sur la politique du logement social dans les outre-mer dont j’étais l’une des rapporteurs. Comment comprendre que la Guyane doive encore importer son bois de charpente de Scandinavie alors qu’elle est frontalière du Brésil ? (M. Philippe Folliot acquiesce.)

De plus, je vois dans ce marquage une mesure de nature à lutter structurellement contre la vie chère et à favoriser l’augmentation de la production de logements.

Plus généralement, je note avec intérêt les mesures relevant de la coopération régionale, qui feront, là encore, l’objet d’un suivi d’autant plus attentif que la délégation aux outre-mer a engagé une étude triennale sur ce sujet.

S’agissant de l’adaptation de l’habitat aux conséquences des changements climatiques, j’ai eu l’occasion de m’étonner du report en 2028, et même en 2030, de l’entrée en vigueur du diagnostic de performance énergétique (DPE), à Mayotte. Le délai de cinq ans prévu pour son adaptation aux outre-mer me semble long et exclut ces territoires du bénéfice du dispositif MaPrimeRénov’. La Guadeloupe et la Martinique ont pourtant, dans le cadre d’habilitations législatives, fixé leurs critères de performance énergétique. Pourrez-vous m’éclairer sur les raisons de ce délai, monsieur le ministre ?

En résumé, la méthode qui nous est présentée pour mieux prendre en compte les besoins d’adaptation des politiques publiques à la réalité des outre-mer me semble bienvenue. Cela dit, tant l’ordre du jour des Ciom que la régularité de leur convocation relèvent de la politique de chaque gouvernement. Outre que ces réunions sont complémentaires du travail parlementaire – cela va sans dire –, elles ne sauraient nous dispenser d’un débat de fond, notamment sur la rénovation du cadre constitutionnel qui régit les outre-mer.

S’agissant plus particulièrement de Saint-Barthélemy, le Gouvernement a répondu à la demande de création d’une agence territoriale de santé par l’annonce d’un comité territorial de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (Cotamups). Cela me semble un outil pertinent pour répondre aux besoins du territoire en matière d’organisation des soins et de gestion des évacuations sanitaires. Comme vous le savez, le Sénat a adopté à l’unanimité la proposition de loi organique visant à permettre à Saint-Barthélemy de participer à l’exercice de compétences de l’État, notamment en matière de financement des établissements hospitaliers, que j’ai déposée. L’adoption définitive de ce texte – la navette parlementaire se poursuit – permettrait de compléter le dispositif opérationnel.

Enfin, je ne saurais conclure sans insister pour connaître la date de présentation au Parlement du rapport sur l’organisation sanitaire et la sécurité sociale, qui est attendu depuis août 2022 et m’est annoncé chaque semaine comme imminent.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les outre-mer, ce sont 2,6 millions de Français, onze régions et collectivités territoriales réparties à travers trois océans, 95 % de notre espace maritime. C’est la présence de la France aux quatre coins du globe, un atout en matière de diplomatie et de défense, une dynamique évidente pour le tourisme, une diversité et une richesse culturelle indiscutables.

Les outre-mer sont confrontés aux mêmes défis que l’Hexagone, avec des intensités parfois encore plus fortes : le chômage et l’inflation, l’immigration clandestine et l’insécurité, le climat et les énergies, l’eau et le logement. Les sujets sont plus ou moins prégnants selon les territoires. Les traiter exige une bonne connaissance des réalités locales, requiert de s’appuyer sur les bons interlocuteurs et nécessite des actions bien ciblées, avec une meilleure coordination des politiques de l’État.

La mise en place du Ciom, qui fait suite aux Assises des outre-mer, était nécessaire. Elle traduit la volonté affichée par le Gouvernement de s’engager politiquement, donc budgétairement, dans ce dossier. Entre 2017 et 2022, plus de 120 milliards d’euros ont été investis dans la santé, les infrastructures, le logement ou la sécurité. Près de 1 300 fonctionnaires supplémentaires ont été déployés dans les forces de sécurité, 55 000 logements sociaux ont été construits ou réhabilités, 92 millions d’euros ont été consacrés à la lutte contre la pollution au chlordécone, 33 000 jeunes ont été accompagnés vers l’emploi grâce au service militaire adapté (SMA).

Il serait donc injuste de dire que rien n’a été fait en faveur des outre-mer lors du premier quinquennat. Nous constatons toutefois que les problèmes demeurent, en grande partie à cause de facteurs extérieurs et mondiaux, voire que les écarts se creusent.

Réuni au mois de juillet dernier, le Ciom affichait l’objectif ambitieux de proposer des solutions concrètes aux problématiques spécifiques dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) et collectivités d’outre-mer (COM). Les élus ultramarins, tout comme nos concitoyens d’outre-mer, sont devenus prudents en la matière. Une simple volonté de bien faire ne leur suffit plus : ils craignent les coquilles vides.

C’est tout l’objet de notre débat aujourd’hui. Monsieur le ministre, comment comptez-vous mettre en œuvre les mesures du Ciom ? Selon quel ordre de priorité ? Sous quels délais ? Ce comité a adopté soixante-douze mesures, dont certaines avaient déjà été proposées par la délégation sénatoriale aux outre-mer. Nous avons eu l’occasion d’en examiner certaines la semaine dernière, en débattant des crédits de la mission correspondante dans le projet de loi de finances pour 2024.

Globalement comme dans le détail, les mesures issues du Ciom semblent adaptées aux défis : aides à la mobilité entre Hexagone et outre-mer, réforme de l’octroi de mer, renforcement du contrôle de la concurrence ou encore développement des centres de formation d’apprentis (CFA), pour ne citer que quelques exemples.

Ne pouvant parler de tous les sujets, je concentrerai mon propos sur l’évolution démographique aux Antilles. En Guadeloupe et en Martinique notamment, la population vieillit et diminue. Ce n’est pas seulement que sa croissance ralentit : c’est une baisse nette. En Guadeloupe, le nombre d’habitants diminue en moyenne de près de 1 % par an.

Cette baisse est en partie liée au recul du taux de natalité, qui touche l’ensemble des pays occidentaux. Elle est aussi et surtout due au départ des jeunes, qui partent étudier dans l’Hexagone et qui, par manque d’opportunités professionnelles ou par choix de vie, ne reviennent pas. Nous avons évoqué le sujet ce matin lors d’une réunion de la délégation aux outre-mer : il semblerait que le Québec attire nombre de jeunes.

Cela nous interroge sur l’attractivité et le développement économique des Antilles, comme sur la prise en charge de la dépendance à l’avenir. Actuellement, le système tient en partie grâce à la solidarité familiale, mais, si les enfants sont à plusieurs milliers de kilomètres, le problème sera d’une autre ampleur.

Monsieur le ministre, ma question est assez simple à formuler. Y répondre, j’en conviens, est beaucoup plus complexe. Comment comptez-vous créer les conditions qui feront que les jeunes resteront ou reviendront aux Antilles, voire que des Hexagonaux viendront s’y installer ?

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe RDPI d’avoir proposé ce débat : parler des outre-mer au Sénat – ou au sein de toute autre assemblée – est toujours une très bonne chose. Le Ciom ne couvre pas tous les territoires ultramarins, puisqu’il exclut notamment le secteur pacifique. Il est essentiel d’avoir des discussions qui concernent tous les outre-mer dans leur globalité.

Monsieur le ministre délégué, je vous remercie d’être là. On peut regretter l’absence du ministre de l’intérieur et des outre-mer. Je vais vous dire les choses de manière directe : j’espère que vous deviendrez très prochainement ministre de plein exercice !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le ministre rougit… (Sourires sur les travées du groupe RDPI.)

M. Philippe Folliot. Je souhaite que les outre-mer ne soient plus pas rattachés au ministère de l’intérieur, où l’on constate qu’ils ne sont pas prioritaires dans l’agenda du ministre, ce qui est regrettable.

Les soixante-douze mesures du Ciom sont intéressantes, même si certaines sont anecdotiques. Le point central en est la réforme de l’octroi de mer, qu’il faut entreprendre en étroite collaboration avec les collectivités, car elles seront les premières concernées par ses conséquences.

On peut toutefois regretter l’absence d’une stratégie globale dans la politique de l’État vis-à-vis de nos outre-mer : pas de grand souffle, pas de perspective.

Je citerai un exemple concret : l’OCDE a annoncé que, dans les dix ans à venir, la taille de l’économie bleue doublera à l’échelle mondiale. Pour la France, cela représente 90 milliards d’euros, 360 000 emplois directs et 500 000 emplois indirects. Si notre pays, déjà tourné vers la mer et les outre-mer, suivait la moyenne mondiale en termes de progression de l’économie bleue, cela permettrait de créer 300 000 emplois dans les dix prochaines années. Si l’État faisait montre de volontarisme, nous pourrions faire en sorte que 10 % à 20 % de ces emplois soient créés outre-mer : ce seraient 50 000 emplois nouveaux.

Certes, cette progression ne sera pas uniforme dans tous les secteurs d’activité. Personne n’envisage une progression similaire dans le secteur de l’énergie offshore, que ce soit le pétrole, le gaz ou autre, ou dans celui de la pêche, mais dans d’autres secteurs, comme les énergies marines renouvelables ou l’aquaculture par exemple, les perspectives sont intéressantes, notamment pour nos outre-mer.

On peut donc déplorer l’absence d’un cadre, d’un souffle, d’une volonté et d’objectifs visant à faire des outre-mer une chance exceptionnelle pour notre pays.

La France dispose du premier domaine maritime au monde, 97,5 % se trouvent outre-mer. Comment le valoriser mieux pour offrir des perspectives à ces territoires ? Nous devons sortir des logiques d’accompagnement social de nos outre-mer pour aller vers de véritables stratégies de développement économique. Faire de nos outre-mer de petits Singapour francophones disposés aux quatre coins de la planète : voilà une perspective réellement positive ! Au-delà des enjeux quotidiens, nous devons fixer un cap et une vision pour les outre-mer.

Lors de l’examen de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, j’ai signalé que l’état de déshérence des forces de souveraineté, que l’on constatait parfois, était une problématique pour nos départements, collectivités et territoires d’outre-mer. La présence militaire a en effet des implications géostratégiques et économiques non négligeables.

La France fait partie des cinq pays de l’Union européenne qui ont des possessions outre-mer. Pour autant, pour les quatre autres – le Danemark, les Pays-Bas, l’Espagne et le Portugal –, celles-ci sont situées uniquement dans l’Atlantique. La France est la seule à être présente dans l’Indo-Pacifique. Partout où nos forces armées sont présentes outre-mer, cela crée des emplois directs ou induits. Pourtant, en trente ans, les effectifs des forces de souveraineté y sont passés de 15 000 à moins de 7 000, ce qui a des conséquences géostratégiques, mais aussi économiques.

On pourrait multiplier les exemples, mais la seule question qui vaille est la suivante. Quelle politique, quelle stratégie et quelle volonté réelle avons-nous vis-à-vis de nos outre-mer ? Voulons-nous en faire une chance pour notre pays, un élément positif et distinctif dans le concert des nations ?

Je partage la vision selon laquelle nos outre-mer sont non pas une charge, mais une formidable opportunité. Il faut mettre en place un cadre pour valoriser cette opportunité. En dehors des éléments discutés lors du Ciom, monsieur le ministre, nous attendons de vous et du Gouvernement que vous définissiez un cap, une stratégie, une volonté et une réelle ambition pour les outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Je remercie à mon tour le groupe RDPI de cette belle initiative.

Monsieur le sénateur Verzelen, vous avez rappelé tout ce qui a été réalisé depuis 2017, et vous avez eu raison, car la mémoire peut être fugace…

Le budget des outre-mer s’élève à 3 milliards d’euros pour 2024, monsieur Folliot. Dans l’ensemble des ministères, il atteint 22 milliards d’euros – et cette dimension interministérielle démontre bien la forte volonté du Gouvernement de considérer les outre-mer comme partie intégrante de la politique de la France. Comme je le dis souvent au Sénat, la France sans ses outre-mer ne serait pas la France, et inversement.

Monsieur le sénateur Verzelen, vous avez raison d’appeler l’attention sur le besoin d’aider les jeunes formés ailleurs à retourner au pays. Le dispositif Cadres d’avenir permet de financer dans l’Hexagone une formation qui n’est pas dispensée dans les territoires ultramarins. En contrepartie, nous demandons aux jeunes ainsi formés de revenir dans ces territoires, inversant ainsi la logique qui encourageait autrefois leur départ. Cette mesure est très attendue. Vous pouvez en être de très bons ambassadeurs, mesdames, messieurs les sénateurs.

Il est essentiel de restaurer un climat de confiance, comme je l’ai souligné dans ma première intervention. Un rendez-vous pour évaluer la mise en œuvre des soixante-douze mesures était prévu au mois de juillet 2024, mais j’ai souhaité en organiser un dès le mois de novembre 2023 ; j’en organiserai probablement d’autres aux mois de février et mai prochains. Nous aurons donc de multiples occasions de parler et d’agir, d’agir encore.

Mme la présidente. La parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Akli Mellouli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue également cette initiative du groupe RDPI, car ce temps de discussion est nécessaire, au milieu du tumulte de la vie et des différentes obligations. Nous ne nions pas le travail accompli, monsieur le ministre, mais nous sommes là pour essayer d’apporter des améliorations. C’est comme pour les trains : on ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure, mais on insiste toujours sur ceux qui arrivent en retard, pour essayer de faire mieux…

Le Ciom a prévu qu’un comité de suivi serait convoqué à intervalles réguliers. Le Gouvernement a réuni ce comité les 23 et 24 novembre dernier. Cet exercice a le mérite d’exister, d’autant plus qu’il est réalisé territoire par territoire, afin de prendre en compte les singularités de chacun – c’est donc bien du sur-mesure. Le principe d’égalité n’empêche en rien la différenciation, lorsque celle-ci permet de gagner en efficience au service des Français.

Si nous saluons cette approche, qui permet de tenir compte des réalités spécifiques de chaque territoire, nous pouvons aller plus loin dans la concertation, monsieur le ministre, et ainsi mieux mobiliser toutes les énergies vives de la Nation dans l’intérêt de nos compatriotes des outre-mer.

Ainsi, nous ne comprenons pas pourquoi lors du premier comité de suivi des 23 et 24 novembre dernier, qui réunissait les élus, les membres ultramarins du Conseil économique, social et environnemental (Cese) n’ont pas été invités. Nous connaissons tous la qualité du travail du Cese, troisième Assemblée de la République, sur ces problématiques. Mon propre parcours syndical et associatif m’y a rendu particulièrement sensible. Pourquoi nous priver de cette énergie ? Monsieur le ministre, soyons rationnels et faisons appel à l’intelligence collective pour produire de la valeur ajoutée et coconstruire des politiques dignes pour nos concitoyens des outre-mer.

Au-delà des comités de suivi, que nous saluons, nous vous proposons, monsieur le ministre, que les trois délégations aux outre-mer, du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Cese évaluent ces mesures, en lien avec les acteurs des territoires et la déclinaison territoriale du Cese, les Ceser (conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux) : chacun pourra organiser en son sein des groupes de travail thématiques. Cette proposition nous permettra à nous, sénateurs non ultramarins, de suivre les travaux et d’être force de proposition en permanence, afin de soutenir nos outre-mer et nos compatriotes ultramarins. Nous devons en effet montrer qu’y compris en métropole nous avons le souci de la vie aux outre-mer, que nous sommes tous embarqués dans cette communauté de destin.

Comme nous l’avons dit lors de l’examen du projet de loi de finances, la réforme de l’octroi de mer, qui doit être coconstruite, est l’un des leviers de transformation essentiels. Comment accepter que ce soient les plus pauvres qui paient leur développement sur nos territoires ? Il faudra adapter notre fiscalité et nos ressources ; sinon, cette réforme sera vécue, à juste titre, comme une injustice. Or il est impératif de renforcer le lien avec nos compatriotes d’outre-mer.

Pour cela, monsieur le ministre, il est grand temps de passer d’une politique descendante, pour ne pas dire condescendante, à une politique ascendante, qui mobiliserait toutes les énergies vives des territoires, notamment les Ceser.

N’oublions pas l’évaluation, qui est nécessaire. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sensible à la protection du climat et au plan national d’adaptation au changement climatique, a déposé un amendement, qui n’a pas été adopté, mais visant à abonder de 100 millions d’euros les crédits de la politique de l’eau, essentielle à la vie. Les Ultramarins souffrent des difficultés dans la gestion de l’eau sur leurs territoires : il faut mettre en place un véritable plan Eau, notamment pour lutter contre les fuites.

Monsieur le ministre, avec les soixante-douze mesures du Ciom, vous avez l’occasion de renouveler notre approche et les modalités du dialogue, avec l’ensemble de nos territoires, au-delà des outre-mer. Saisissons-la ! Les territoires d’outre-mer peuvent devenir de fabuleux laboratoires d’expérimentations et pourraient enrichir la prochaine étape, nécessaire, de la décentralisation.

Le rapport du Conseil d’État « L’usager, du premier au dernier kilomètre : un enjeu d’efficacité de l’action publique et une exigence démocratique » le montre bien. Monsieur le ministre, il faut penser le premier kilomètre pour ne pas panser le dernier !

C’est cet esprit que nous devons développer. Pouvons-nous nous priver de l’intelligence collective, au moment où l’on essaie de produire de la valeur ajoutée avec l’intelligence artificielle ? Monsieur le ministre, faisons appel à l’intelligence collective, soyons solidaires et coconstruisons ensemble des plans d’action pour nos compatriotes des outre-mer ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous faites appel à l’intelligence collective. C’est ce que j’essaie de faire en étant à l’écoute des territoires, en proposant de coconstruire avec eux. Quant au premier kilomètre, je crois en avoir parlé il y a longtemps à l’Assemblée nationale. En effet, tout doit partir de la base. C’est ce que je propose pour l’octroi de mer, afin d’aider à l’appropriation de la réforme et pour favoriser l’association du monde économique.

Vous dites que le Cese n’a pas été convié à nos travaux. Ce n’est pas exact. Une séquence a été exclusivement consacrée au monde économique, qui a contribué à cette réflexion. J’ai également intégré les consommateurs dans cette réflexion, comme l’a souligné Audrey Bélim.

Monsieur Folliot, vous avez plutôt de la chance. En effet, avec Gérald Darmanin et moi-même, vous savez deux ministres de l’outre-mer pour le prix d’un et leur engagement est total ! (Sourires.) Travailler au quotidien avec M. Darmanin est une chance, car cela nous permet de réagir rapidement lorsque des besoins de sécurité se présentent dans les territoires ultramarins – cela s’est produit, par exemple, lorsque j’étais à Mayotte la semaine dernière. Nous faisons régulièrement le point ensemble, nous définissons ensemble les priorités : il n’y a pas entre nous l’espace d’une feuille de papier à cigarette.

Vous avez insisté sur certains points, ce qui ne me surprend pas, car nous nous connaissons depuis de longues années, monsieur le sénateur Mellouli. Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres, à vous qui êtes sensible à l’armée. Nous avons alloué 5 milliards d’euros de plus pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie. Vous n’avez pas mentionné le régiment du service militaire adapté (RSMA), qui a permis à 7 200 jeunes de vivre une expérience extraordinaire : d’ailleurs, 85 % d’entre eux sortent avec un projet de vie. Cela se déroule uniquement dans les outre-mer, pas dans l’Hexagone.

Vous avez évoqué l’écologie bleue. Certes, mais n’attendez pas du Gouvernement qu’il conçoive tout et mette en place les outils économiques, vous qui êtes un décentralisateur – c’est à y perdre son latin. Les zones franches existent déjà, de même que la défiscalisation et la réduction des charges sociales jusqu’en 2028. Ne demandez pas au Gouvernement ni même aux parlementaires de concevoir les politiques à la place des élus locaux. Si des propositions doivent être accompagnées, vous savez que vous pouvez compter sur moi. Soyez donc des agitateurs des territoires, pour que nous puissions mieux accompagner les initiatives locales. Je serai au rendez-vous.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Wienie Xowie.

M. Robert Wienie Xowie. Madame la présidente, Monsieur le ministre, mes chers collègues, la première mesure annoncée à la suite du Ciom est cruciale : elle touche à l’octroi de mer. Toutefois, une telle réforme doit être envisagée avec précaution. En plus d’être consultées, les parties prenantes doivent disposer des éléments nécessaires à l’évaluation des choix envisagés, car, en matière d’octroi de mer, il n’est jamais seulement question d’un taux. À titre d’exemple, à La Réunion, la région a appliqué un taux zéro sur les produits de première nécessité et, malgré cela, le prix de certains produits reste supérieur à ceux d’ici.

Vous saisissez dès lors l’enjeu de cette réforme. Nous demandons au Gouvernement de garantir le même niveau de recettes pour les collectivités et, surtout, que celles-ci restent un levier à leur disposition, car c’est une compétence fiscale essentielle. Quelles sont donc les pistes de réforme ? Nous serons extrêmement vigilants.

Je tiens à évoquer également un point sur lequel je suis intervenu devant notre délégation aux outre-mer et qui me tient à cœur : la continuité intérieure. S’il est souvent question dans nos échanges de la continuité avec l’Hexagone, la continuité intérieure des territoires ultramarins soulève des difficultés doubles, voire triples, comme on peut le lire dans le rapport d’information de la délégation, du fait de l’éloignement des îles, particulièrement en Nouvelle-Calédonie. Il est parfois moins cher de se rendre dans l’Hexagone que dans nos îles, ce qui n’est absolument pas tenable. L’éloignement ne doit pas être une fatalité qui condamne des habitants à l’isolement.

Pour y remédier, il nous faut avoir en tête la répartition des compétences en la matière : l’État gère les aéroports internationaux et apporte une contribution financière au titre de la continuité intérieure. Un tel partage existe aussi en Polynésie.

Voilà l’enjeu du coût de la vie dans les outre-mer. Il nous faut y répondre vite et efficacement.

Je réitère ainsi les propos que j’ai tenus ce lundi dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances : l’État et le Gouvernement refusent d’octroyer une juste retraite à nos fonctionnaires. Mes chers collègues, monsieur le ministre, soyons à la hauteur des enjeux !

Pour conclure, je tiens à évoquer la situation du Pays, en Nouvelle-Calédonie.

Le Gouvernement français doit tout d’abord mieux accompagner le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans la gestion de la compétence sport, qui a été transférée dans le cadre des accords politiques de rééquilibrage et d’émancipation.

Le plan stratégique de la pratique sportive, adopté par le Congrès en 2019, a dégagé quatre axes : améliorer la gouvernance du sport, développer l’activité physique et sportive comme vecteur de cohésion sociale et de santé, faire du sport un vecteur de développement du territoire et accompagner l’accès au sport de haut niveau.

À ce titre, l’action de l’Agence nationale du sport française doit faire siens ces fondamentaux et en accompagner la mise en œuvre.

La mission d’appui au sport placée auprès du Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie doit cesser d’appliquer des axes de développements contraires à l’esprit et à la lettre de l’accord de Nouméa.

Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie, vainqueur des XVIIes jeux du Pacifique aux îles Salomon le 2 décembre dernier, dispose d’atouts et d’opportunités qu’il faut soutenir. Les premiers jeux francophones d’Océanie, qui se dérouleront à Wé, Lifou, au mois d’avril prochain en sont une occasion.

Plus généralement, seul un consensus pourra stabiliser la situation politique du Pays. À l’inverse, l’absence d’accord serait un risque. Elle n’est pas une option.

Il est de la responsabilité du Gouvernement de rechercher ce consensus. Organiser des réunions avec tout le monde ne suffit pas pour qu’un accord émerge, ces rencontres se transformant rapidement en monologues.

Pour obtenir un consensus, il faut tout simplement en créer les conditions. Le Gouvernement y est-il prêt ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Candidatures à une commission d’enquête

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête portant sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France.

En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

5

Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre-mer ?

Suite d’un débat organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

Mme la présidente. Nous reprenons le débat, organisé à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, sur le thème : « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre-mer ? »

Dans la suite du débat, la parole est à M. Stéphane Fouassin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Viviane Malet applaudit également.)

M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la principale initiative du comité interministériel des outre-mer (Ciom) porte sur la refonte de l’octroi de mer.

Bien que nous saluions les objectifs de cette réforme, à savoir une baisse des tarifs des biens de consommation courante, il est important de préserver la production locale.

En effet, cette démarche doit déboucher sur un progrès général et préserver les allocations dynamiques des collectivités, notamment les communes, à qui une diminution des revenus de l’octroi de mer serait préjudiciable.

La réforme de l’octroi de mer doit s’accompagner d’une révision fiscale permettant d’accorder aux collectivités départementales de nouveaux moyens, particulièrement sur le volet social : lutte contre les violences conjugales, dépendance aux produits nocifs, lutte contre le diabète ou encore accompagnement des seniors.

En matière d’économie, il est nécessaire, pour la collectivité régionale, de conserver le dynamisme du fonds régional de développement économique (FRDE).

Il y a quelque temps, le Gouvernement a évoqué la possibilité d’imposer des taxes spécifiques sur l’alcool et le tabac pour alimenter les budgets des départements d’outre-mer et soutenir les politiques susmentionnées. À cet égard, une mission conjointe entre Bercy et le ministère des outre-mer a été évoquée.

De plus, la mesure 14 s’inscrit dans le soutien des stratégies de souveraineté alimentaire des territoires, démarche à laquelle La Réunion adhère pleinement via le plan AgriPéi 2030, qui vise à atteindre l’autosuffisance alimentaire d’ici à 2030.

Il est impératif de persévérer, afin de faire de La Réunion un modèle à suivre, notamment en assurant une gestion exemplaire des ressources. À cet égard, le projet Mobilisation des ressources en eau des microrégions Est et Nord (Meren), soutenu par le département de La Réunion, vise à répondre aux besoins en eau des régions Nord et Est, grâce à un investissement d’environ 500 millions d’euros sur dix ans.

La mesure 66 est importante pour nous. Elle a pour objectif de simplifier l’implantation d’infrastructures d’intérêt général dans les communes soumises à la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite Littoral.

À La Réunion, île montagneuse, cette loi s’étend du battant des lames au sommet des montagnes, générant parfois des situations juridiques inadaptées à nos besoins d’aménagement sur une île non extensible.

Nous devons aller au-delà et réviser les dispositions législatives en vigueur afin de prendre en considération nos particularités, surtout dans le domaine du tourisme.

Il est crucial que nos spécificités soient intégrées et que l’on favorise le développement de notre territoire tout en continuant à le préserver.

Depuis sa création en 2012, le bouclier qualité prix a été le levier le plus efficace pour soutenir les populations les plus vulnérables, en offrant l’accès à une gamme de produits alimentaires et d’hygiène à des tarifs abordables. Contribuant ainsi de manière significative à la lutte contre la vie chère, il devait inclure d’autres biens de première nécessité et des services devenus indispensables aujourd’hui, tels que la téléphonie ou internet.

Ce dispositif a été progressivement étendu par le Gouvernement l’année dernière, bien que de façon inégale selon les régions.

Ma question est directe, monsieur le ministre : quel est l’état d’avancement de ces projets ?

Je vous remercie personnellement de votre investissement sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin applaudit également.)

Mme Annick Petrus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie d’abord le groupe RDPI de ce temps de discussion, ainsi que M. le ministre de sa disponibilité.

Nous le savons tous, Saint-Martin a l’obligation économique, à court ou moyen termes, de valoriser son potentiel touristique.

Entre 2017 et 2021, le tourisme a été entravé par deux phénomènes majeurs.

Après avoir atteint un niveau historiquement bas, la fréquentation touristique connaît une reprise depuis 2022.

Si l’implantation du casino – une mesure arrêtée par le Ciom dont je ne peux que me réjouir – redynamisera le tourisme, elle ne sera malheureusement pas suffisante.

La renaissance du tourisme est confrontée à un défi majeur : le manque de structures d’accueil de qualité, dont certaines ont été détruites en 2017.

L’investissement dans la modernisation et le renforcement des infrastructures touristiques constitue donc une condition indispensable pour assurer une croissance durable au territoire de Saint-Martin.

En effet, les besoins sont très importants en matière de rénovation et de réhabilitation hôtelières et la collectivité a, plus que jamais, besoin de la solidarité nationale et d’incitations fortes pour attirer les investisseurs privés.

Il n’est pas juste que Saint-Martin ne bénéficie pas d’un taux de réduction d’impôt équivalent à ceux de la Guadeloupe, de la Martinique, de La Réunion ou de la Guyane pour les investissements en faveur de la rénovation et de la réhabilitation des hôtels et résidences de tourisme.

Contrairement aux territoires précités, Saint-Martin ne peut pas compter sur la clientèle française, quasi captive, qui assure pour l’essentiel l’activité touristique de ces territoires.

La clientèle de Saint-Martin, majoritairement américaine, est extrêmement volatile. Si la concurrence est rude dans la Caraïbe, le premier et le plus redoutable concurrent de Saint-Martin est Sint Maarten.

La partie néerlandaise présente les mêmes atouts que la partie française – certains, comme les casinos ou les infrastructures portuaires et aéroportuaires sont même meilleurs –, jouit de la même image aux yeux de la clientèle et bénéficie d’un avantage comparatif très significatif en matière de coûts salariaux.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour aider le territoire de Saint-Martin à poursuivre le développement de son activité touristique, mais aussi sa nécessaire montée en gamme ?

L’alignement du taux de réduction d’impôt auquel j’ai fait allusion précédemment pourrait constituer une compensation partielle, comme celle qui a été évoquée le 6 novembre dernier à l’Assemblée nationale, ainsi qu’un début de réponse.

J’en viens à la question du logement.

Vendredi dernier, nous avons adopté un amendement au projet de loi de finances pour 2024, qui permettra à Action Logement d’intervenir à Saint-Martin selon des modalités à préciser dans une convention à conclure entre la collectivité concernée, l’État et Action Logement Groupe.

Reste une interrogation, que nous partageons avec Saint-Pierre-et-Miquelon : devrons-nous modifier notre loi organique pour bénéficier de la collecte à l’échelon national ?

Enfin, j’évoquerai l’extension outre-mer du crédit d’impôt de rénovation des logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), en vue d’accélérer la rénovation des logements sociaux outre-mer.

Je me réjouis de cette décision du Gouvernement. En effet, le crédit d’impôt était jusqu’à présent réservé au parc social neuf. C’est donc une mesure positive, qui permettra de dynamiser la rénovation du parc social à Saint-Martin.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que ce dispositif sera bien applicable aux collectivités d’outre-mer ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, c’est une belle initiative que de prendre le temps de parler des territoires ultramarins.

Au-delà des rencontres que nous avons pu faire avec la délégation sénatoriale aux outre-mer sous la houlette de sa présidente Micheline Jacques, ce débat est l’occasion, après les présentations budgétaires, d’aller un peu plus au fond des dossiers et, pour moi, de vous apporter des éléments complémentaires.

Je remercie Stéphane Fouassin de son discours et de la tonalité qu’il a employée. Il a pu voir quel était mon engagement.

Ensemble, nous avons bâti une nouvelle stratégie, notamment pour la réforme de l’octroi de mer, dont j’ai précisé les contours.

J’entends votre appel en faveur d’une garantie des financements des collectivités locales. Étant toujours élu local, j’aurais mauvaise grâce à ne pas le faire et je sais à quel point – et depuis longtemps – les recettes propres sont indispensables.

Vivre uniquement sous la goulotte ou la houlette de financements d’État en dotation n’est pas le bon chemin, me semble-t-il. Nous avancerons donc ensemble.

Vous avez parlé de la fiscalité sur les alcools, qui revient directement aux départements. L’octroi de mer est une taxe additionnelle.

Je suis prêt à en discuter dans le cadre du Ciom, qui, je le rappelle, ne traite pas de l’ensemble de la politique ultramarine. D’autres champs peuvent être explorés et, en la matière, mon ouverture d’esprit est totale : la feuille de route que nous avons établie grâce aux soixante-douze mesures peut être élargie à tout moment.

Vous avez parlé du projet Meren, que l’État financera cette année à hauteur de 30 millions d’euros. Je n’imagine pas une seule seconde que la Première ministre ne tienne pas l’engagement qu’elle a pris devant le président du département, Cyrille Melchior.

Enfin, je répète que le bouclier qualité prix comprend 153 produits et qu’un mandat a été donné aux préfets jusqu’au 1er avril 2024 pour l’appliquer.

Si besoin, je leur donnerai la possibilité d’aller plus loin. C’est de cette façon que nous parviendrons à endiguer la vie chère. (MM. François Patriat et Stéphane Fouassin applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Viviane Malet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à saluer le groupe RDPI à l’origine de ce débat, qui favorisera la coconstruction entre l’État, les collectivités locales et les forces vives de l’outre-mer dans la mise en œuvre des mesures du Ciom.

Lors du dernier congrès des maires, le président Larcher a exprimé le souhait que soit organisé un débat annuel sur une loi d’adaptation des outre-mer. Je soutiens pleinement cette initiative : elle rejoint ma réflexion sur l’échéancier de certaines mesures du Ciom.

Monsieur le ministre, pourriez-vous d’ores et déjà nous indiquer dans quel projet ou proposition de loi les mesures du Ciom nécessitant une modification législative seront débattues ?

Je pense tout particulièrement à la réforme de l’octroi de mer, qui doit se faire en concertation étroite avec les élus locaux. Est-ce prévu dans la prochaine loi de finances pour 2025 ou dans un projet de loi spécifique touchant les financements des collectivités locales d’outre-mer ?

Cette question est cruciale pour La Réunion, qui vous a fait des propositions précises concernant certaines taxes et la réforme des concours de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Je souhaite tout particulièrement vous interroger sur la mise en œuvre de deux réformes importantes.

En ce qui concerne tout d’abord la création d’une zone franche portuaire, le document gouvernemental indique qu’en combinant les zones franches d’activité nouvelle génération (Zfang) avec des dispositifs douaniers existants il pourra être envisagé de créer des zones favorables à la création et au développement d’activités manufacturières destinées à l’exportation, notamment en lien avec l’activité portuaire.

Durant la phase d’étude du Ciom, le conseil départemental de La Réunion a fait deux propositions en ce sens.

Il a proposé, d’une part, la création d’un statut spécifique, fiscal et social, pour les entreprises « vertes » liées à la transition écologique et pour les entreprises « bleues » liées à l’activité maritime, d’autre part, la création de zones franches portuaires tournées vers l’exportation et dédiées à ces deux types d’entreprises.

Monsieur le ministre, vous avez répondu de manière favorable au second volet sur la zone franche, ce dont nous vous remercions, et de manière partielle au premier, en majorant les abattements pour les entreprises de réparation navale.

Jointes dans un même élan, ces mesures me semblent très importantes pour le développement économique des départements d’outre-mer (DOM).

Monsieur le ministre, les élus et les collectivités se tiennent prêts à discuter avec les services de l’État de la création d’une zone franche à La Réunion.

En ce qui concerne le volet des aides fiscales et sociales, nous considérons que le Ciom a fait un premier pas, mais qu’il est nécessaire de mettre en place un véritable statut de l’entreprise tournée vers l’or bleu.

Ce statut pourra être perçu comme un label qui bénéficiera aux DOM afin d’attirer des investisseurs extérieurs.

Êtes-vous prêt à engager une démarche avec les collectivités et les milieux économiques pour favoriser ce secteur ?

L’autre mesure que je souhaite aborder est la mesure 10 « Faciliter les importations régionales de matériaux de construction grâce à un marquage “régions ultrapériphériques” (RUP) en substitution du marquage “conformité européenne” (CE) ».

De nombreux rapports parlementaires d’information, notamment celui de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la politique du logement dans les outre-mer, ont souligné l’inadéquation, voire la nocivité économique, de certaines normes avec le milieu tropical, notamment dans le secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) ainsi que dans l’agriculture, quand nos concurrents n’y sont pas soumis.

Nous saluons l’initiative du Gouvernement pour une adaptation nécessaire des normes techniques.

La Réunion a proposé la création d’une structure locale de normalisation BTP pour identifier les normes inadaptées, proposer des amendements et participer à l’élaboration de nouvelles normes, en collaboration étroite avec le Gouvernement et la Commission européenne.

Monsieur le ministre, pouvons-nous compter sur votre collaboration pour avancer dans cette direction, en établissant une convention entre l’État, les collectivités et les professionnels du secteur ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice Petrus, vous avez appelé à soutenir les activités touristiques à Saint-Martin.

En la matière, le dispositif d’abattement de charges sociales, qui est un outil puissant, reste en place jusqu’en 2028.

Un second dispositif permet des défiscalisations pour un certain nombre d’investissements, notamment dans le domaine du tourisme. Certes, une réforme de cette politique est en cours, mais elle ne concerne que trois types d’investissements. J’ai assisté aux discussions et je peux vous assurer que nous serons au rendez-vous pour tous les équipements de tourisme, qu’il s’agisse des villages vacances, des hôtels ou encore des chambres d’hôtes.

Nous avons même prévu quelques réserves budgétaires qui nous permettront, dans le cadre d’une discussion avec la filière, de protéger l’activité en cas de besoin. Il le faut, quand on sait par exemple que le tourisme représente 18 % du PIB de la Polynésie, soit bien plus que dans l’Hexagone.

Madame la sénatrice Malet, vous appelez mon attention sur la vie chère.

Les normes RUP, pour régions ultrapériphériques, attendues depuis si longtemps, entreront en vigueur au printemps prochain. Reste que nous devons avancer sur d’autres normes. La Première ministre nous y a d’ailleurs invités.

Lorsque l’on est à La Réunion, on travaille notamment avec l’île Maurice ou Madagascar, ainsi que d’autres territoires de l’océan Indien, qui sont à proximité.

Aussi, nous nous appuierons volontiers sur les travaux du Sénat ou de l’Assemblée nationale afin de réfléchir à la mise en place de conditions d’une concurrence équitable et loyale avec les territoires environnants, car, oui, la concurrence est souvent déloyale.

J’ai parfaitement en tête ces enjeux et je suis convaincu que nous avancerons grâce à un travail collectif continu.

Enfin, je vous remercie d’avoir rappelé que les zones franches étaient une belle avancée de ce budget 2024. Elles permettront, pour les nouvelles activités, de bénéficier d’un taux de réduction d’impôt de 50 % en année n+1 sur les nouveaux bénéfices. Toute la production culturelle, vidéo ou numérique sera éligible.

Voilà une belle avancée. Prenez-la à bras-le-corps. Il y a à La Réunion un beau potentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Viviane Malet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Annick Girardin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons aujourd’hui une intense séquence outre-mer par ce débat, pour l’organisation duquel je remercie le groupe RDPI et dont l’intitulé témoigne de la véritable urgence dans laquelle se trouvent nos territoires.

Le mois écoulé avait tout d’une course : lancement de la délégation sénatoriale aux outre-mer suivi de ses réunions et auditions, journée, voire semaine des maires ultramarins dans le cadre du congrès des maires, multiples entretiens de suivi des décisions du comité interministériel des outre-mer du 18 juillet 2023 que vous avez conduits, monsieur le ministre, territoire par territoire, sujets relatifs à l’outre-mer du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou encore mission « Outre-mer » du projet de loi de finances.

Ce rythme de reprise intense n’est pas neutre : il est révélateur d’une conviction pour répondre aux attentes de nos territoires et de leur population.

Cependant, ne confondons pas vitesse et précipitation. J’irai même plus loin : permettons-nous de digérer les réponses du Gouvernement lors de ces séquences successives et mettons-nous à l’action dans les territoires.

Je ne suis pas certaine que cette concentration de rendez-vous ait été suffisamment visible et compréhensible par nos concitoyens. Nous avons sans doute, en la matière, un travail local de pédagogie à mener, avec votre aide, monsieur le ministre.

Sous la pression, nous avons même, mes chers collègues, réussi à oublier l’union indispensable sur les sujets essentiels qui concernent nos territoires. N’oublions pas que c’est dans la coordination que nous tirerons le meilleur de notre travail et de nos efforts.

Nous avons à présent besoin de temps, d’échanges, d’actions sur le terrain, de coconstructions et de solutions nouvelles pour relever nos grands défis communs, même si beaucoup a été fait et même si des moyens importants ont été mobilisés.

Le premier défi est le défi climatique et énergétique. Il nous faut construire des territoires « bas carbone », résilients face au changement climatique et aux risques naturels, construire des sociétés économes préservant les ressources et protégeant les populations face aux pollutions et aux substances chimiques.

Le deuxième défi est social. Nous voulons des sociétés inclusives, luttant contre toutes les formes d’exclusion et répondant aux besoins de logement et de ressources pour les Ultramarins.

Le troisième défi est celui du développement économique et solidaire et de la lutte contre la vie chère.

Enfin, le quatrième et dernier défi est celui de la démographie. Certains territoires – les Antilles, Saint-Pierre-et-Miquelon – subissent une baisse constante de leur population, quand d’autres – Mayotte, la Guyane – sont confrontés à une surpopulation irrégulière.

En parallèle, nous devons ouvrir deux grands chantiers. Vous les avez rappelés, monsieur le ministre, ou du moins vous nous avez proposé une méthode de travail.

Je veux évoquer la question institutionnelle. Après l’appel de Fort-de-France du 17 mai 2022, lancé à l’issue du second tour l’élection présidentielle, il nous faut travailler sur les réponses que nous voulons y apporter.

Après les articles 73 et 74 de la Constitution, faut-il des articles bis ? Faut-il une réponse unique, une base commune ? Faut-il prendre en compte les spécificités des territoires ? J’ignore quelles seront les réponses, mais je suis convaincue que, pour les trouver, nous devons apprendre à sortir du cadre.

Sortir du cadre, pour Saint-Martin, ne serait-ce pas, à la veille des élections européennes, la possibilité de travailler davantage avec Sint Maarten ou peut-être, pour l’Union européenne, de prévoir un statut pour ces deux territoires partageant une même île ?

Sortir du cadre, pour Mayotte, ne serait-ce pas travailler à un hôpital extraterritorial ?

Cette solution a souvent été rejetée. Elle permettrait pourtant un double état civil dans un même établissement. Nous pourrions jouer ainsi notre rôle d’assistance dans la région, tout en répondant au problème de la surpopulation à Mayotte.

En matière de défiscalisation, il nous faut là aussi évaluer les outils existants et reconnaître les abus. De toute évidence, un renforcement des contrôles est nécessaire, à tous les niveaux, mais il faut aussi que nous développions de nouveaux outils.

Vous avez cité les voies de développement économique nouvelles, monsieur le ministre. Construisons ce monde plus juste, plus équitable et plus durable grâce à cet outil de défiscalisation. Je souhaite que nous puissions, tous ensemble, y travailler.

Prenons le temps de coévaluer pour mieux coconstruire, comme l’a voulu, me semble-t-il, le Président de la République depuis sa première élection.

Certes, cette remarque est facile à formuler depuis notre place que depuis la vôtre – nous disposons d’un peu plus de temps et de recul que vous pour réfléchir à ces questions, monsieur le ministre –, mais retournons-nous sur les Assises des outre-mer et sur leur Livre bleu, sur le plan pour l’avenir de Mayotte, sur la démarche du « Oudinot du pouvoir d’achat » ou encore sur les mesures du Ciom.

Regardons ce qui a été concrétisé, mais surtout, interrogeons-nous sur ce qui a été abandonné et sur les raisons qui nous ont poussés à le faire. Souvent, celles-ci sont d’ordre territorial ou financier.

Ce travail de transparence est important, si nous voulons ensuite construire ensemble. Moi aussi, je revendique l’intelligence collective qui nous caractérise depuis quelques années déjà.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Annick Girardin. Monsieur le ministre, je n’ai pas de question spécifique concernant Saint-Pierre-et-Miquelon. Vous en revenez et vous connaissez mes priorités.

Nous continuerons à travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mmes Viviane Malet et Annick Petrus applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne pourrai pas répondre, en cinq minutes, à l’ensemble des questions et vous m’en voyez frustré, mais nous aurons encore de nombreux rendez-vous pour les approfondir.

Je salue la qualité de ce débat.

Madame Annick Girardin, je vous entends. Certes, il faut de la méthode et prendre le temps du recul, mais vous constaterez avec moi que tant de retards ont été accumulés qu’il nous faut justement accélérer.

L’une des premières questions qui m’ont été posées à mon arrivée a été celle-ci : pensez-vous que les Ultramarins sont traités de la même façon que les Hexagonaux ?

Je suis fier de défendre un budget dont les crédits progressent de 7 %. L’enveloppe consacrée aux fameux contrats de convergence et de transformation augmente de 400 millions ; l’État mobilise presque 3 milliards d’euros pour l’investissement, alors que ce montant n’était que de 2 milliards d’euros en 2016. En ce qui concerne les niches fiscales, nous serons au rendez-vous jusqu’en 2028 et nous les évaluerons pour voir celles qui fonctionnent. Il faut mettre fin aux abus, que vous connaissez parfaitement, mais il faut aussi reconnaître que nous avons été capables de trouver de nouveaux leviers.

M. Patient a appelé mon attention sur la vie chère et les monopoles dans les territoires ultramarins. Voilà longtemps que l’on en parle ! Le Gouvernement s’est doté d’un outil efficace. Une mission lancée par Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et moi-même étudiera la construction des prix, la responsabilité des uns et des autres, puis définira des pistes d’amélioration. Nous irons jusqu’au bout de la démarche : celle-ci n’est pas simple – j’ai essuyé d’ailleurs quelques retours de flamme (Sourires.) –, mais nous sommes déterminés.

Madame Audrey Bélim, j’ai apprécié, une fois de plus, la tonalité de votre intervention. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, en effet, mais, comme l’a dit la présidente de votre collectivité, nous sommes avant tout des républicains et nous voulons faire en sorte d’avancer. Je tiens à saluer la qualité du dialogue que j’ai pu avoir avec le territoire de La Réunion à chaque fois que je m’y suis rendu.

Je tiens à préciser que MaPrimeRénov’ s’applique dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) depuis 2022. Le dispositif est fonctionnel. La Réunion n’est pas oubliée.

Je regrette que vous ayez oublié de dire que la ministre de la culture avait annoncé, lorsque nous sommes allés sur l’île il y a quelques jours, la création de la vingt et unième école nationale supérieure d’architecture : celle-ci sera indépendante de celle de Montpellier, dont elle était jusqu’à présent une antenne. C’est un signe fort que nous envoyons à La Réunion.

J’ai conscience qu’il existe d’autres sujets à traiter, comme l’a rappelé la sénatrice Malet : je pense notamment au projet Meren, qu’a évoqué le sénateur Fouassin.

Reconnaissez que nous avons porté à 292 millions d’euros les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU). Ils avaient beaucoup baissé. Il faudra veiller à leur consommation.

J’ai obtenu l’insertion, au dernier moment, d’un petit volet sur l’outre-mer dans le futur projet de loi Logement, que défendra Patrice Vergriete, pour avancer rapidement sur la précarité énergétique sans attendre une grande loi-cadre. Nous ne pouvions pas passer à côté de ce véhicule législatif. Ce sujet doit être traité.

En ce qui concerne le régime spécifique d’approvisionnement (RSA), Marc Fesneau a répondu favorablement à un cofinancement par l’État de certains investissements des collectivités. La Réunion s’est montrée volontaire, comme d’ailleurs deux départements français situés en Amérique.

Madame Micheline Jacques, vous avez évoqué le parc institutionnel. Le Président de la République a reçu l’ensemble des acteurs ; vous y étiez, vous qui êtes par ailleurs présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Deux personnalités qualifiées seront désignées. Il n’appartient ni au Président de la République, ni au Gouvernement, ni à la Première ministre de décider, depuis Paris, des évolutions institutionnelles. Tout dépendra de l’accord politique dans chacun des territoires sur ce sujet. Prenons le temps du débat. Celui-ci aura lieu. Ensuite, nous pourrons avancer ensemble, sur le modèle de ce qui s’est passé en Nouvelle-Calédonie.

En Nouvelle-Calédonie, justement, de nouvelles discussions ont été ouvertes, sur le corps électoral, mais aussi sur d’autres évolutions, sur lesquelles il n’y a pas d’accord pour l’instant, comme vous le savez, monsieur le sénateur Xowie, puisque la démarche n’a pas pu aller jusqu’à son terme. Le Conseil d’État est en cours de consultation sur la question du corps électoral. Gérald Darmanin travaille depuis des mois à une solution. J’espère qu’elle aboutira et qu’elle permettra de vous aider et de mieux accompagner votre territoire.

Madame Girardin, je reviens de Saint-Pierre-et-Miquelon ; j’ai compris ses problématiques. La question de l’attractivité et de la démographie concerne de nombreux territoires ultramarins : Saint-Pierre-et-Miquelon, la Martinique, la Guadeloupe. Il faut faire en sorte qu’ils deviennent attractifs pour les jeunes de l’Hexagone, mais aussi œuvrer au retour des jeunes originaires de ces territoires ultramarins, qui sont partis se former en métropole. C’est le sens du dispositif Cadres d’avenir que venons de mettre en place et qui est puissant. Je suis persuadé qu’il sera un succès. Il est bien financé et il permettra de renforcer l’attractivité des territoires ultramarins.

Les territoires d’outre-mer méritent d’être soutenus, davantage qu’ils ne l’ont été jusqu’à présent. Croyez bien que je serai à la tâche pour les aider. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Annick Girardin et Viviane Malet applaudissent également.)

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Annick Girardin et M. Akli Mellouli applaudissent également.)

M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le suivi des mesures du Ciom ne fait que commencer ; il est encore trop tôt pour en tirer un bilan définitif. Toutefois, il faut saluer les premiers pas de ce dispositif. J’en soulignerai deux aspects positifs.

Le premier aspect positif est son caractère interministériel. En effet, les politiques publiques des territoires ultramarins sont éclatées entre différents ministères et ne relèvent pas du seul ministère de l’intérieur et des outre-mer. La présence, dans les comités de suivi, de tous les ministères concernés est fondamentale pour bien évaluer la mise en œuvre des mesures du Ciom et identifier les blocages.

Le second aspect positif est le choix d’une approche par territoire pour certaines mesures. Nous devons nous en féliciter. On a trop tendance, en effet, à englober nos territoires dans l’outre-mer au singulier, même si maintenant le pluriel – « les outre-mer » – est en passe de s’imposer.

La diversité de nos territoires n’est pas toujours perçue par nos amis de l’Hexagone. Elle constitue pourtant une richesse pour notre République.

Notre réalité à Mayotte, par exemple, est très différente de celle que connaissent nos amis réunionnais, alors que nous ne sommes pas très éloignés.

Nous vivons dans un territoire traumatisé, meurtri. La population souffre de la succession des crises : forte progression de l’insécurité, crise de l’eau, crise du dispositif de santé publique, système éducatif sous pression…

La poussée démographique est la plus forte du pays : 4 % par an. Les services publics ne suivent pas et les politiques publiques s’essoufflent dans la course de vitesse pour répondre aux besoins de la population. Alors que la plupart des autres territoires ultramarins voient leur population baisser, on compte, à Mayotte, 12 000 naissances chaque année, sur un territoire de 374 kilomètres carrés, dont la densité est déjà élevée – 2 600 habitants par kilomètre carré.

Entre la rentrée scolaire 2022 et la rentrée 2023, près de 2 500 élèves supplémentaires ont été comptabilisés.

J’étais encore maire il y a quelques semaines et j’ai pu mesurer la difficulté de cette course de vitesse pour faire face à la progression démographique.

Comment prévoir les ouvertures de classes pour les enfants quand le nombre d’inscriptions augmente considérablement entre le recensement de juin et le mois de septembre ? Avec une telle progression démographique, tous les chiffres relatifs à la population sont faux. Ainsi, je ne saurais pas vous dire aujourd’hui le nombre d’habitants de la commune que j’ai administrée pendant plusieurs années…

Les attentes de la population de Mayotte sont immenses. Les élus suivront attentivement la mise en œuvre des mesures du Ciom, qui doivent aider ce territoire plongé dans une grande détresse.

C’est d’autant plus difficile pour sa population que ce territoire a des atouts en matière de développement, notamment dans le secteur touristique. L’île dispose en outre de jeunes bien formés, qui s’investissent dans les nouvelles technologies et les métiers d’avenir.

Les mesures du Ciom spécifiques à Mayotte s’articulent autour des demandes des élus du territoire, qui souhaitent un projet de loi ad hoc et des mesures fortes pour sortir notre territoire de ces crises à répétition.

Nombre de mesures annoncées vont dans le bon sens : elles visent notamment à reprendre le contrôle de la démographie, à accompagner les politiques liées à l’enfance, à accélérer le processus de convergence des droits sociaux, à renforcer l’offre de soins à Mayotte…

Je tiens à souligner les efforts financiers qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2024, que notre assemblée a votés, avec le soutien du Gouvernement : je pense en particulier aux aides au conseil départemental en matière de politiques de l’enfance ou de développement du numérique.

Monsieur le ministre, je suis plus réservé sur la mesure 51 du Ciom, qui prévoit la création d’autorités uniques de gestion : celles-ci peuvent apparaître comme un moyen pour l’État de reprendre la main sur les compétences des collectivités territoriales.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Saïd Omar Oili. Vous connaissez, monsieur le ministre, mon attachement viscéral au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Pour conclure, je citerai l’historien Fernand Braudel, qui a consacré sa brillante carrière à décrire l’identité de la France, pour reprendre le titre de son ouvrage de référence. Il écrivait que, si « la France une et indivisible des Jacobins [a] deux siècles d’existence », ces « forces massives » n’ont pas « tout nivelé ». Il parlait ainsi de la France comme d’une « mosaïque ». Nos territoires ultramarins en font partie ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Annick Girardin applaudit également.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre-mer ? »

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures douze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations
Discussion générale (suite)

Rétablissement de la réserve parlementaire

Adoption d’une proposition de loi organique dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations
Article unique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Dominique Vérien et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 33, texte de la commission n° 167, rapport n° 166).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi organique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre ordre du jour appelle, enfin, l’examen de la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations, dont Dominique Vérien et moi-même sommes les auteurs.

Qu’il me soit tout d’abord permis de remercier le groupe Union Centriste, qui a bien voulu demander son inscription à l’ordre du jour de nos travaux, et notre rapporteur Vincent Capo-Canellas, qui a accompli un travail tout à fait remarquable.

Dès son élection, en 2017, Emmanuel Macron a souhaité supprimer la réserve parlementaire. Le 14 juin de la même année, cette mesure était inscrite dans le premier texte d’envergure présenté et adopté en conseil des ministres : le projet de loi organique censé « rétabli[r] la confiance dans l’action publique ».

Notre assemblée, saisie en premier, avait immédiatement alerté le Gouvernement sur le caractère fortement préjudiciable de cette suppression pour les communes, notamment pour les plus petites d’entre elles, et pour les associations. Cette opposition à la suppression de la réserve parlementaire a d’ailleurs conduit à un échec de la commission mixte paritaire sur ce texte.

La réserve parlementaire permettait en effet de financer des investissements souvent modestes, de manière souple et rapide : elle fournissait soit un complément financier, toujours utile, surtout pour les petites communes, soit parfois le seul financement possible pour des projets qui n’étaient éligibles à aucun dispositif ou dont le montant était inférieur au plancher de subventionnement des mécanismes existants.

Au total, près de 25 000 projets ont été ainsi subventionnés chaque année, pour un montant moyen de 5 600 euros.

Contrairement à ce qui a pu être dit et écrit, l’attribution de la réserve parlementaire était transparente, puisque, depuis 2014, la liste des dossiers subventionnés, le montant de l’aide et le nom du parlementaire qui en était à l’origine étaient publiés.

Chacun pouvait ainsi connaître l’utilisation faite de la réserve parlementaire. Je rappelle également que c’est le ministère de l’intérieur qui instruisait les dossiers, vérifiait leur légalité et leur complétude, et procédait à l’ordonnancement de la subvention.

Le gouvernement avait pris, en contrepartie de la suppression de la réserve parlementaire, un certain nombre d’engagements pour atténuer ses effets préjudiciables.

Il avait ainsi promis la création d’un « fonds d’action pour les territoires ruraux et les projets d’intérêt général ». Cette promesse n’a pas été tenue.

Il avait promis que l’ensemble des crédits dédits aux collectivités locales serait reconduit. Cette promesse, là encore, n’a pas été tenue.

Il était aussi envisagé d’associer les parlementaires à l’attribution de ces crédits. Il n’en a rien été non plus…

La partie des fonds de la réserve parlementaire qui a été réaffectée aux collectivités locales a été redirigée vers la dotation d’équipements des territoires ruraux (DETR), un dispositif à la main des préfets, qui n’offre pas la même souplesse et ne permet pas de financer les investissements modestes, car les seuils de subventionnement sont souvent fixés à un niveau trop élevé.

Une autre partie des crédits ont été affectés au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui connaît malheureusement les mêmes limites, puisqu’il bénéficie quasi exclusivement aux associations les plus importantes et laisse le préfet de région seul décisionnaire.

Face à cette situation, le Sénat a, sur mon initiative, voté dès l’examen du projet de loi de finances pour 2018, le rétablissement de la réserve parlementaire. Il a aussi tenté depuis, à plusieurs reprises, de la réinstituer – encore récemment lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, à l’occasion duquel un excellent amendement de notre collègue Jean-Marc Boyer a été adopté.

Malheureusement, nous nous sommes jusqu’à présent toujours heurtés au mur de l’Assemblée nationale et, surtout, au mur du Gouvernement, lesquels s’opposent à ce rétablissement.

La situation semble toutefois évoluer puisque, à l’Assemblée nationale, un collectif rassemblant plus de 165 députés de tous horizons a été créé. Il est extrêmement mobilisé et se tient prêt à reprendre notre texte une fois que nous l’aurons adopté.

Il existe donc aujourd’hui réellement un espoir de répondre à la demande quasi unanime des élus locaux que soit enfin rétabli un dispositif qui n’aurait jamais dû être supprimé. Ce dispositif est d’autant plus attendu que les élus sont confrontés à un accroissement très important de leurs charges, qui limite encore davantage leur capacité d’investir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, auteure de la proposition de loi organique. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme Dominique Vérien, auteure de la proposition de loi organique. « La réserve parlementaire, on n’aurait jamais dû la supprimer, mais il est impossible de la rétablir. » Voilà, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que j’ai entendu ces dernières semaines.

Mes chers collègues, certains d’entre vous se reconnaîtront sans doute dans ces mots et vous avez raison : supprimer la réserve parlementaire a été une erreur. En 2017, nous avons sans doute perdu de vue l’essentiel, à savoir que cette réserve permettait de contribuer grandement au dynamisme de nos territoires, en étant au plus proche du terrain, au plus proche de nos petites communes.

Certes, la DETR existe, tout comme le FDVA, et il serait faux de dire qu’ils sont inutiles. Pourtant, les élus locaux que nous avons été ou que nous sommes encore, savent bien que ces fonds servent en priorité à financer les gros projets, ceux que l’on appelle « structurants ».

En déposant ce texte, nous souhaitons répondre aux attentes de ceux qui ont des projets plus petits : aider une association à affréter un bus, une école de village à acheter un nouveau tableau, un maire à réparer la toiture de son centre communal, etc.

Toutes ces demandes sont aujourd’hui malheureusement souvent laissées de côté, car, paradoxalement, elles coûtent peu. Pourtant, nous aurions tort de les ignorer. Ce sont ces initiatives qui font vivre nos territoires, qui mettent du liant dans le quotidien de la ruralité.

Face à ce constat, est-il possible de rétablir la réserve parlementaire ? J’en suis convaincue. Évidemment, certains ne manqueront pas de nous faire un faux procès en clientélisme ou en petite politique politicienne. À ce sujet, il me paraît judicieux de rappeler que la DETR et le FDVA sont à la main du préfet, qui en dispose de manière discrétionnaire.

Dans ces conditions, tant qu’à faire de la politique, pourquoi ne pas laisser ces affaires à ceux dont c’est la première occupation,…

M. Olivier Paccaud. Exactement !

Mme Dominique Vérien. … à ceux qui rendent des comptes quotidiennement à leurs électeurs et remettent régulièrement en jeu leur mandat ?

À ce propos, il est probablement plus confortable de ne pas avoir de réserve à attribuer : au moins, on ne fait pas de jaloux et on peut dire non à tout le monde. Si on la rétablit, il faudra choisir, mais nous avons la responsabilité de le faire.

Par ailleurs, ce texte vise aussi à corriger le défaut principal du dispositif tel qu’il existait avant 2013. Dans le nouveau système, tout sera public, de la part de l’élu comme du bénéficiaire, qui devra rendre compte de l’avancée du projet subventionné. Soyez-en certains, chaque centime sera scruté attentivement par ce que l’on appelle la société civile – et c’est tant mieux !

Par ailleurs, nous voulions initialement orienter le dispositif avant tout vers les communes rurales et les petites associations. Le rapporteur a fait le choix, à raison, de supprimer le seuil de population, afin que le plus grand nombre puisse en bénéficier. Toutefois, le maintien de la limite de 20 000 euros par projet préserve à mon sens la philosophie initiale de ce texte.

M. Olivier Paccaud. C’est exact.

Mme Dominique Vérien. Loin d’être une démarche isolée, ce texte est aussi le fruit d’un travail transpartisan qui rassemble des élus de tous bords, sénateurs comme députés. Je pense par exemple à notre collègue Jean-Marc Boyer,…

M. Jean-Marc Boyer. Encore ? (Sourires.)

Mme Dominique Vérien. … à Alain Houpert ou à Laurence Muller-Bronn, qui se sont également saisis du sujet, avec intelligence et pertinence. Ils soutiennent notre initiative et je tiens à les en remercier.

Enfin, je souhaite également saluer les députés André Villiers, Dino Signeri et Frédéric Descrozailles, qui ont pris des initiatives sur ce sujet à l’Assemblée nationale : ils ont bien conscience du risque que représente une Assemblée nationale hors sol, si les élus n’ont pas de véritable lien avec le territoire. En fin de compte, ce texte est non seulement juste, mais aussi nécessaire.

Je tiens également à remercier chaleureusement Hervé Maurey, également auteur de cette proposition de loi, de son regard attentif et exigeant, mais aussi notre rapporteur Vincent Capo-Canellas, qui a sécurisé le texte d’un point de vue juridique, tout en en préservant les apports. Je pense aux obligations de transparence qui ont été conservées et enrichies. Il me semble que c’était indispensable pour la suite, car j’espère bien que ce texte aura une suite.

Mes chers collègues, n’ayons ni totem ni tabou et ayons le courage de réparer une erreur en adoptant ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient d’examiner la proposition de loi organique de nos collègues Hervé Maurey et Dominique Vérien, visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations.

Inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé au groupe Union Centriste, cette proposition de loi est examinée dans les conditions du gentlemans agreement : les modifications qui sont intervenues en commission ont été soumises aux auteurs du texte, que je salue, et je tiens à souligner la qualité de nos échanges.

Cette proposition de loi organique s’inscrit, comme cela vient d’être rappelé par ses auteurs, dans la suite d’un mouvement, qui a réuni des parlementaires des deux chambres, et de très nombreux groupes politiques pour rétablir la réserve parlementaire, que nous appelons aussi au Sénat la « dotation d’action parlementaire ». Je pense notamment à l’appel de 300 parlementaires de fin octobre dernier.

Dès 2021, des initiatives ont vu le jour. Notre collègue Jean-Marc Boyer a déposé une proposition de loi visant à instituer une dotation d’action parlementaire au sein de la dotation d’équipement des territoires ruraux. Nos collègues Laurence Muller-Bronn et Alain Houpert ont également enregistré à la présidence du Sénat une proposition de loi organique visant à rétablir la pratique de la réserve parlementaire, au profit des petites communes et des associations. Des propositions en ce sens ont aussi été formulées à l’Assemblée nationale.

Toutes ces initiatives montrent l’attachement des députés et sénateurs à ce dispositif, qui offrait une souplesse pour financer les projets des communes et des associations.

Je rappelle que la suppression de la réserve parlementaire a été adoptée lors de l’examen de la loi organique pour la confiance dans la vie politique, votée le 15 septembre 2017, pour des raisons tenant, à l’époque, aux soupçons de clientélisme qui, selon certains, entouraient ce dispositif.

Pourtant, il faut rappeler que les subventions versées étaient attribuées selon les modalités de droit commun et que chaque année était publiée en ligne la liste de toutes les aides versées : les montants, les noms des bénéficiaires et du parlementaire à l’origine de la proposition devaient obligatoirement être mentionnés.

Au demeurant, les dispositifs qui ont succédé à la réserve n’ont, me semble-t-il, pas fait leurs preuves ni, à tout le moins, montré une efficacité supérieure.

Dans le cadre de la dotation d’équipement des territoires ruraux, le rôle des parlementaires se limite à la participation à une commission consultative placée auprès du préfet de département, qui reste seul décisionnaire, en ayant, comme boussole, les priorités nationales du Gouvernement.

Le ciblage de la DETR est également très différent de celui de la réserve parlementaire. En 2022, les subventions inférieures ou égales à 20 000 euros ne représentaient que 10 % à peine de l’enveloppe.

Il manque aujourd’hui, dans la palette des dotations d’investissement, des outils de financement à destination des petits projets communaux.

En ce qui concerne les associations, les résultats du second volet du fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA 2, sont décevants. Tout comme pour l’attribution de la DETR, le rôle des députés et des sénateurs se limite à la participation à une commission consultative, tandis que le préfet de région reste le seul véritable décideur. De plus, le fonctionnement du FDVA 2 est difficilement lisible pour les petites associations.

Face à ce constat, le rétablissement de la réserve parlementaire se présente non comme un « retour en arrière », mais comme une façon de financer des projets qui resteraient sinon « sous les radars ».

Je ne dis pas que la réserve parlementaire était parfaite. Les différences de montants entre les parlementaires pouvaient être sujettes à caution. Il est toujours possible de renforcer les garanties de transparence et de qualité des projets subventionnés. Les auteurs de texte et moi-même nous y sommes attachés.

C’est pour cette raison qu’en 2017, lors de l’examen de la loi organique pour la confiance dans la vie politique, le Sénat a souhaité donner un cadre juridique à la réserve parlementaire, plutôt que de la supprimer. Ainsi, sur une initiative conjointe de Philippe Bas, rapporteur, et d’Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances, il a adopté en première lecture un dispositif de remplacement de soutien aux projets d’investissement des communes.

Nous sommes nombreux à souhaiter doter la réserve parlementaire d’une assise juridique fiable.

Pour cette raison, la commission des finances a adopté, en accord avec les auteurs de la proposition de loi, un amendement qui a largement réécrit le texte initial, de manière que la « nouvelle » réserve parlementaire soit irréprochable du point de vue juridique.

L’article unique du texte prévoit que, chaque année, les commissions des finances des deux assemblées adressent au Gouvernement la liste des projets d’intérêt local que les députés et les sénateurs lui proposent de soutenir, par des subventions, lors de l’exercice budgétaire suivant.

Ces subventions peuvent financer les projets émanant d’associations ou de communes. En accord avec les auteurs de la proposition de loi, la commission a préféré ne pas introduire de limitations relatives au nombre d’habitants, afin de ne pas exclure les élus des départements urbains et d’outre-mer du dispositif et afin de limiter le risque de rupture d’égalité.

Nos départements sont divers. Ils comptent souvent autour d’une ville-centre, outre les communes rurales, d’autres communes dont la population est au-dessus du seuil démographique qui était envisagé. Les parlementaires seront ainsi libres de proposer, en responsabilité, de soutenir un projet, quelle que soit la taille de la commune dont il émane.

Le texte définit ensuite de nouveaux critères : les projets devront ainsi permettre la mise en œuvre d’une politique d’intérêt général et être réalisés dans un délai maximal de sept ans. Il est également précisé que le montant de la subvention ne devra pas excéder la moitié du montant du coût du projet.

Nous mettons aussi l’accent sur les obligations de transparence. Le texte prévoit la publication annuelle de la liste des subventions versées : pour chacune d’entre elles, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme concerné et le nom du parlementaire, du groupe politique ou de la présidence de l’assemblée qui l’a proposée, devront être indiqués.

L’obligation pour les bénéficiaires de rendre public l’usage des crédits est également réaffirmée.

Enfin, le texte proposé est conforme à la fois à l’article 40 de la Constitution et au principe de séparation des pouvoirs, dans la mesure où il est précisé que les subventions de la réserve parlementaire émanent, formellement, de « propositions » des députés et sénateurs.

Contrairement à ce que l’on croit parfois, la réserve parlementaire, avant sa suppression en 2017, n’était aucunement une obligation qu’imposaient les députés et sénateurs au pouvoir exécutif. Il s’agissait en réalité de propositions, que le Gouvernement avait la possibilité de ne pas suivre.

Si, dans la pratique, il respectait la volonté des représentants, c’était en vertu d’une convention républicaine fondée sur ce constat : les parlementaires disposent d’une fine connaissance de leur territoire. À l’heure actuelle, ce type de convention manque cruellement dans notre vie institutionnelle et politique.

Un tel constat ne cache aucune volonté de réhabiliter des pratiques que nos concitoyens peuvent rejeter, à raison. Il s’agit simplement de créer les conditions d’une collaboration efficace et transparente entre les pouvoirs, au service de l’intérêt général.

La proposition de loi organique de nos collègues Hervé Maurey et Dominique Vérien n’a pas seulement pour effet de raffermir le lien entre les parlementaires et les territoires : elle rétablit une forme de gentlemens agreement entre le Gouvernement et le Parlement. La commission des finances vous propose donc de l’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie avant tout de bien vouloir excuser ma collègue Dominique Faure, qui, retenue par un déplacement prévu de longue date, m’a demandé de la remplacer cette après-midi.

Vous le savez peut-être : j’ai longtemps été député – j’en suis à mon quatrième mandat – et je connais donc bien le fonctionnement de la réserve parlementaire.

Les précédents orateurs ont décrit son fonctionnement avec fidélité. J’ajouterai une simple précision, que M. le président de la commission des finances vous confirmera certainement : les dossiers instruits par les parlementaires étaient soumis aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat…

M. Philippe Vigier, ministre délégué. … avant d’être transmis au ministère de l’intérieur ; puis, après un nouveau passage par les deux commissions des finances, ils descendaient dans les préfectures, avant notification au bénéficiaire.

Ainsi, si, dans l’esprit de nos concitoyens, un doute pouvait subsister quant à la transparence de cette dotation, je crois que l’on peut affirmer que cette transparence était au rendez-vous.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Très bien !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Cela étant, on a pu observer quelques dérives. En effet – nul ne peut le contester –, tous les parlementaires n’étaient pas traités de la même manière.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je peux en témoigner personnellement : certains recevaient une dotation classique, de 110 000, 120 000 ou 130 000 euros, quand d’autres obtenaient un montant beaucoup plus élevé.

De surcroît, les présidents et rapporteurs généraux des deux commissions des finances disposaient d’un fort pouvoir discrétionnaire : lorsqu’une part de la réserve n’était pas consommée, ils pouvaient procéder à une redistribution, un peu comme, dans le même esprit, une deuxième part de dotation était accordée aux collectivités territoriales.

Vous vous souvenez aussi bien que moi du contexte politique dans lequel la réserve parlementaire a été supprimée : la vie publique avait été troublée par quelques dévoiements majeurs. N’en déplaise à certains responsables politiques de l’époque, la transparence laissait encore à désirer.

C’est ce qui a conduit, en 2017, aux textes pour la confiance dans la vie politique, qui prévoyaient d’ailleurs la création d’une banque de la démocratie. Je regrette que cet établissement n’ait toujours pas vu le jour ; comme quoi, rien n’est jamais parfait et nous devons encore avancer.

Je vous le dis très clairement : j’étais alors parlementaire et j’ai regretté la suppression de la réserve. Pour autant, je ne vous donnerai pas de faux espoirs : à ce stade, le Gouvernement n’a certainement pas l’intention de la rétablir d’une manière ou d’une autre. Il faut dire les choses telles qu’elles sont.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Au moins, c’est clair…

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Nous avons tout de même créé le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) – la réserve parlementaire s’élevait à 90 millions d’euros – et, si, pour chaque département, au moins un député et un sénateur siègent dans la commission d’attribution de ce fonds, c’est en partie grâce à votre serviteur, car il est de ceux qui, à l’époque, ont déposé des amendements en ce sens.

M. Olivier Paccaud. J’y siège !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous avez ainsi accès à l’ensemble des dossiers…

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Nous sommes deux par département !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Tout à fait : un sénateur est nommé par le président du Sénat et un député par la présidente de l’Assemblée nationale. De plus, nous avons prévu un système de tourniquet grâce auquel chaque parlementaire peut assumer cette fonction au cours de son mandat. Cela permet aux parlementaires de suivre les dossiers.

M. Olivier Paccaud. Ces commissions fonctionnent très mal…

M. Philippe Vigier, ministre délégué. J’ai la faiblesse de penser que l’objectivité est ainsi au rendez-vous pour le financement des associations. Les sénateurs sont, par définition, élus de tout un département ; quant aux députés, au-delà de leur circonscription, ils prêtent un regard attentif à l’ensemble du département dont ils sont élus.

Bref, les parlementaires sont bel et bien associés à l’attribution du FDVA, qui, loin des soupçons d’opacité que j’ai pu entendre, fonctionne…

M. Olivier Paccaud. Dysfonctionne !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. … dans la plus grande transparence. (Non ! sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) On ne peut pas le contester.

Mme Laurence Rossignol. Il n’en croit pas un mot…

M. Philippe Vigier, ministre délégué. En tant que député, j’ai vu fonctionner la réserve parlementaire, puis le FDVA, pendant six années ; on peut évidemment avoir des désaccords sur tel ou tel point, ne serait-ce que parce que nous n’avons pas tous la même expérience, mais je dispose en tout cas d’un certain recul.

Par ailleurs, la réserve ministérielle – vous vous souvenez sans doute du chapitre 67-51 – a été également supprimée. On ne va pas se raconter d’histoires : cette réserve était très largement discrétionnaire et son montant était bien plus élevé que celui de la réserve parlementaire.

Un certain nombre de chantiers sont en cours, à commencer par celui du statut de l’élu. À cet égard, le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, présenté le 7 juillet dernier, a toute son importance. L’évolution de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) est également à l’étude ; elle est souvent demandée par l’Assemblée nationale comme par cette chambre des territoires qu’est le Sénat.

Pour ce qui concerne la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), je peux m’appuyer sur l’exemple de mon département ; les dispositifs que l’on y a mis en place se retrouvent d’ailleurs sans doute un peu partout.

Pour les projets d’un montant inférieur à 150 000 euros, nous avons retenu un certain nombre de critères, d’accord avec les parlementaires présents autour de la table, encadrant la décision d’attribution du préfet. Nous parvenons ainsi à répondre aux besoins de la manière la plus objective. Au-delà de ce seuil, les dossiers sont examinés par la commission des élus, qui regroupe des parlementaires, des maires et des présidents d’intercommunalité.

En résumé, la réflexion va se poursuivre entre le Parlement et le Gouvernement, mais, à ce stade, le retour de la réserve parlementaire n’est pas à l’ordre du jour. La préparation d’une telle mesure mériterait à tout le moins d’être approfondie. Plus largement, il faut étudier les moyens de mieux associer le Parlement à un certain nombre de politiques publiques. Nous œuvrons précisément en ce sens : la présence de parlementaires au sein des conseils d’administration d’hôpital a été conquise en 2019, non sans mal. Jusqu’alors, sénateurs et députés étaient exclus de ces instances.

Enfin, j’observe que ces différentes questions sont manifestement liées à la fin du cumul des mandats. On nous avait promis le grand soir ; aujourd’hui, je vois les regrets percer un peu partout. Qui n’a jamais failli, en préférant telle direction à telle autre ?

Je n’en suis pas moins persuadé que l’intelligence collective nous permettra de trouver des solutions conduisant peut-être, un jour, à la création d’un dispositif ressemblant à la réserve parlementaire. (M. François Patriat applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, respectant la promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron, la majorité présidentielle a supprimé la réserve parlementaire en 2017, en vertu des lois de moralisation de la vie publique.

M. Bernard Buis. Nous nous sommes prononcés non pas de manière aveugle, mais sur le fondement des critiques que suscitait ladite réserve. Nous l’avons notamment supprimée à cause de son coût, de la faiblesse des contrôles auxquels son attribution donnait lieu et de son caractère inégalitaire.

De 2007 à 2017, le montant global de la réserve parlementaire atteignait, en loi de finances, 150 millions d’euros par an. En moyenne, ces crédits représentaient environ 162 000 euros par élu, mais en réalité – M. le ministre l’a rappelé –, la répartition entre les parlementaires était d’une inégalité manifeste.

M. Philippe Vigier, ministre délégué. En effet !

M. Bernard Buis. Au-delà de l’aspect financier, le manque de transparence a été un argument de plus pour supprimer la réserve parlementaire.

Jusqu’en 2013, les élus des deux assemblées n’étaient pas tenus de déclarer les bénéficiaires de la réserve. Les risques de saupoudrage, le coût non négligeable de cette enveloppe et l’opacité dont son attribution se trouvait entourée étaient autant de raisons justifiant, à mon sens, sa suppression.

Mes chers collègues, le retour de la réserve parlementaire, que soutient l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), nous exposerait à des risques non négligeables.

Certes, le dispositif proposé aujourd’hui est sensiblement différent : il prévoit une plus grande transparence et plus de conditions d’octroi. Mais, en créant une nouvelle réserve parlementaire, nous pourrions revenir à une logique de clientélisme néfaste pour notre démocratie.

M. François Patriat. Tout à fait !

M. Olivier Paccaud. Parce que les préfets ne font pas de clientélisme ?

M. Bernard Buis. Vous voyez, comme moi, l’abstention progresser élection après élection. À l’heure où le divorce entre les citoyens et leurs élus est amorcé, nous devons faire preuve de la plus grande vigilance.

En laissant un élu de la République financer directement telle ou telle association, nous prenons le risque d’ouvrir une boîte de Pandore, de créer un système gravement inéquitable.

M. Olivier Paccaud. Et le maire qui subventionne ?

M. Bernard Buis. Par ailleurs, la question du coût pour nos finances publiques se poserait à nouveau : qui financerait cette nouvelle réserve parlementaire ? Les crédits du FDVA seraient-ils réduits, voire supprimés ?

Enfin, nous risquons de susciter l’hostilité de l’opinion publique,…

M. Olivier Paccaud. Un peu de courage !

M. Bernard Buis. … qui jugera sévèrement notre assemblée, estimant que nous, sénateurs, sommes animés par la volonté d’attribuer de nouveau des enveloppes financières à tire-larigot.

Mme Nathalie Goulet. C’est ridicule !

M. Bernard Buis. Mes chers collègues, si le retour de la réserve parlementaire m’inspire bien des critiques, sachez que les élus de notre groupe comprennent et font même leurs les intentions louables de votre proposition de loi organique.

M. Olivier Paccaud. « En même temps » !

M. Bernard Buis. Comme vous, nous considérons qu’il est important d’aider financièrement les communes rurales et le tissu associatif de notre pays ; mais le Gouvernement les soutient déjà massivement.

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Très bien !

M. Bernard Buis. Le projet de loi de finances pour 2024 attribue ainsi plus de 2 milliards d’euros aux dotations de soutien aux projets des communes, y compris la dotation d’équipement des territoires ruraux. Je rappelle au passage que les crédits cumulés de la DETR et de la réserve parlementaire en 2016 étaient inférieurs à la DETR actuelle.

N’oublions pas non plus que le fonds pour le développement de la vie associative est abondé chaque année par le Gouvernement et qu’il atteint des montants inédits. En 2023, le FDVA s’élevait à 50 millions d’euros ; en 2024, ses crédits dépasseront 70 millions d’euros. Il s’agit là d’une somme considérable, dont bénéficient une myriade d’acteurs ; le nombre d’associations soutenues par ce biais ne cesse d’augmenter depuis la suppression de la réserve parlementaire.

J’ajoute que les conditions d’attribution du FDVA ont été modifiées depuis sa création en 2011. Initialement, ce fonds était réservé à la formation des bénévoles, mais, depuis 2017, son périmètre a été étendu : le FDVA permet désormais de soutenir le fonctionnement et l’innovation au sein des associations, en remplacement des fonds précédemment attribués au titre de la réserve parlementaire.

Plutôt que de recréer un outil qui fera de nombreux mécontents, parmi les élus locaux comme chez nos concitoyens, ne faut-il pas trouver d’autres solutions pour atteindre l’objectif qui nous anime tous, à savoir le soutien de nos plus petites communes ?

Par exemple, ne devrait-on pas réformer les règles relatives à la DETR, afin que députés et sénateurs puissent siéger de droit dans les commissions d’attribution au lieu d’y être simplement conviés – ce n’est d’ailleurs pas toujours le cas –, y compris dans les départements dénombrant plus de cinq parlementaires ? Ne faudrait-il pas insister pour que les préfets jouent le jeu (M. Jean-Marc Boyer manifeste sa circonspection.), en attribuant une plus grande part de la DETR aux projets de moins de 5 000 euros dans nos communes rurales ?

En résumé, pour aider nos communes, nous avons sans doute mieux à faire que de créer une nouvelle réserve parlementaire, au risque de semer la discorde et le mécontentement.

Au sein du groupe RDPI, tous les votes seront représentés. (M. François Patriat applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi organique souligne d’abord un échec : celui de la loi de 2017 qui a supprimé la réserve parlementaire.

Certes, cette réserve ne relevait d’aucun texte juridique. Certes, elle posait clairement question au regard de la séparation des pouvoirs. Certes, l’équité et la transparence de sa mise en œuvre suscitaient diverses interrogations. Mais quel dommage de l’avoir supprimée au lieu de la faire évoluer !

Des progrès considérables avaient été accomplis dans les années 2010.

M. Rémi Féraud. Disons-le : ils ont été emportés par la démagogie du « nouveau monde ».

Paradoxalement, c’est la transparence qui a nourri la contestation de la réserve parlementaire, quand il aurait fallu saluer ces efforts et s’appuyer sur eux pour faire évoluer le dispositif.

La réserve parlementaire était contestable, mais elle permettait « en même temps » de financer de petits projets locaux utiles et attendus,…

Mme Dominique Vérien. C’est vrai !

M. Rémi Féraud. … qu’ils soient communaux ou associatifs, et de renforcer concrètement le lien entre les parlementaires et leur circonscription.

M. Rémi Féraud. Avant tout, il convient d’acter l’échec de la transformation politique annoncée par Emmanuel Macron, qui, en 2017, claironnait sa volonté de tout changer, de tout rénover, de moraliser la vie publique et de rétablir la confiance pour réconcilier les Français avec la politique. Sans commentaire…

La réalité, c’est que les finances locales et les budgets associatifs sont aujourd’hui en crise, à l’instar du lien démocratique. Dans ce contexte, la réserve parlementaire apparaît comme le symbole d’un ancien âge d’or, non sans d’ailleurs une certaine exagération de la part de certains.

Au fil des années, les finances locales ont été sacrifiées. Sous l’effet d’incessants coups de rabot, l’autonomie fiscale des collectivités territoriales a pour ainsi dire disparu. Les communes, petites ou grandes, sont en voie de paupérisation, et il est désormais impossible de financer des projets d’intérêt général au service de la population. En résulte un sentiment d’abandon, d’impuissance et même, pour beaucoup de territoires ruraux, de relégation.

On a également sacrifié les financements associatifs. En effet, le secteur subit de plein fouet la baisse de ses moyens. La suppression de la réserve parlementaire s’est accompagnée, en particulier, d’une baisse massive du nombre de contrats aidés, lesquels fournissaient une grande part de l’emploi associatif.

M. Olivier Paccaud. Tout à fait !

M. Rémi Féraud. Enfin, on a sacrifié le rôle démocratique central exercé par le Parlement. Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet. La réserve parlementaire a été remplacée par des subventions allouées de manière encore moins transparente qu’auparavant… (M. Jean-Marc Boyer acquiesce.)

M. Olivier Paccaud. Bien sûr !

M. Rémi Féraud. … et, surtout, beaucoup plus rigide et bureaucratique. J’en suis témoin en tant qu’élu de Paris : dans la capitale, le FDVA est attribué par une commission où le Sénat, pour une raison que j’ignore, n’est même pas représenté.

Qu’il s’agisse de la DETR ou du FDVA, chacun fait part de son insatisfaction quant à la répartition des fonds, chacun souligne combien il est difficile de faire aboutir de petites subventions.

Je n’oublie pas non plus nos compatriotes établis hors de France et leurs élus, dont la réserve parlementaire a été remplacée par le fameux dispositif de soutien au tissu associatif des Français de l’étranger (Stafe). La procédure dont il s’agit inspire des critiques similaires, et pour cause : ses défauts sont exactement les mêmes. (M. Jean-Luc Ruelle applaudit.)

La suppression de la réserve devait être gage de transparence et d’équité : on constate qu’il n’en est rien et que le dispositif actuel ne satisfait personne. À cet égard, les lois de moralisation de la vie publique ont été un rendez-vous manqué. Bien des sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, Jean-Pierre Sueur notamment, avaient pourtant lancé l’alerte lors des débats de juillet 2017.

En outre, il faut le reconnaître, la réserve parlementaire a également servi de variable d’ajustement budgétaire : sa suppression a permis à l’État de faire des économies sur le dos des communes et des associations. Contrairement aux engagements pris, les crédits n’ont pas tous été redistribués.

M. Rémi Féraud. À l’évidence, nous sommes très loin des 140 millions d’euros de l’ancienne réserve parlementaire. Je doute que l’on ait fait reculer le clientélisme ; en revanche, je suis certain que les communes et les associations ont été victimes d’un marché de dupes.

Pour autant, les auteurs de cette proposition de loi organique se contentent d’envisager un retour au passé, ce qui ne correspond pas aux attentes majoritaires des élus du groupe SER. De plus, s’il est présenté comme transpartisan, ce texte est cosigné par un collègue qui, selon nous, n’appartient pas au champ républicain.

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Oh là là…

M. Rémi Féraud. Je tiens à le dire. Peut-être s’agit-il d’un simple manque de vigilance ; mais, à nos yeux, ce n’est pas acceptable.

Pour les raisons que je viens d’énumérer, la plupart des élus socialistes ne se prononceront pas sur le présent texte. Selon nous, mieux vaut travailler à une autre solution. Il convient de répondre aux besoins de financement des petits projets associatifs et communaux et d’instaurer des règles de transparence et d’équité, tout en ménageant une place et un rôle aux parlementaires dans les processus de décision. Mais gardons-nous de créer des illusions, qui seraient nécessairement déçues.

Il faut le reconnaître, le présent texte a été grandement amélioré sur le plan juridique par M. le rapporteur, et je l’en remercie.

Mme Dominique Vérien. Tout à fait !

M. Rémi Féraud. Grâce à lui, le dispositif prévu assure également une plus grande équité entre l’ensemble des territoires. Néanmoins, si nous dressons le même constat que les auteurs de cette proposition de loi organique, notre perspective diffère de la leur.

Nos territoires et leurs acteurs se sentiraient plus soutenus dans leurs projets, et la démocratie y gagnerait, si nous faisions véritablement évoluer les dispositifs actuels ; M. le ministre nous assure d’ailleurs que le Gouvernement y est prêt.

Voilà ce qui nous rassemble au sein du groupe SER. Nos votes différeront en partie, mais, pour la plupart d’entre nous, nous ne nous prononcerons pas sur le texte proposé aujourd’hui par nos collègues du groupe Union Centriste. Cela étant, nous sommes prêts à travailler à de nouveaux dispositifs. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Jean-Marc Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « rétablir le lien »,…

M. François Patriat. Le lien financier ?

M. Jean-Marc Boyer. … tel pourrait être le titre de cette proposition de loi organique, dont je tiens à souligner l’importance. Le texte de notre collègue Hervé Maurey apporte un réel soutien aux collectivités territoriales, au premier rang desquelles nos communes. À cet égard, je salue le travail de concertation mené de manière très efficace par notre rapporteur, Vincent Capo-Canellas.

Il est plus que nécessaire de témoigner notre considération aux collectivités territoriales ; de leur dire à quel point nous nous préoccupons du développement local, qu’elles assurent au quotidien, et de l’ensemble des acteurs animant la vie locale. Depuis plusieurs années, je ne cesse de plaider pour un renforcement du soutien aux collectivités territoriales. En ce sens, j’insiste pour que nous revenions sur cette décision injuste que fut la suppression de la réserve parlementaire.

Monsieur le ministre, nous sommes très nombreux, parmi les représentants de la Nation, à demander un soutien financier et de proximité pour les communes. Il y a une semaine, 107 sénateurs ont voté mon amendement au projet de loi de finances pour 2024 visant à rétablir la réserve parlementaire. Il y a un peu plus d’un mois, nous étions presque 200 parlementaires, députés et sénateurs confondus, à demander le rétablissement de cette dotation ; depuis sa suppression, nous sommes nombreux à formuler cette requête, chaque année, pour nos territoires.

Pourquoi souhaitons-nous cette dotation pour l’action locale ? Pourquoi persistons-nous dans notre démarche ? Pourquoi la proposition de loi organique dont nous discutons aujourd’hui me paraît-elle essentielle ? Ce n’est certainement pas par esprit clientéliste ou populiste, comme j’ai pu l’entendre, mais pour trois raisons majeures : premièrement, pour affirmer notre soutien aux territoires ; deuxièmement, pour rétablir le lien entre le maire et le parlementaire, entre le local et le national – nos territoires se sentent de plus en plus éloignés du pouvoir central, et il est grand temps de rompre avec cette tendance – ; troisièmement, pour renforcer la proximité.

Nos territoires ont besoin de leurs élus de terrain pour se développer. Étant quotidiennement à leur écoute, nous, parlementaires, sommes les mieux à même de les soutenir. Nous avons besoin de retrouver ces moyens de soutien au tissu local, qui ont été victimes d’une logique centralisatrice.

La dotation d’action parlementaire a été supprimée en 2017, officiellement pour renforcer la confiance dans la vie politique. Depuis lors, pour financer de petits travaux ou mener les opérations d’investissement dont elles ont besoin, les communes et intercommunalités rurales ne disposent plus que de la DETR, dont l’attribution dépend du seul préfet de département. Les parlementaires qui siègent dans les commissions DETR ne disposent, pour leur part, que d’un pouvoir consultatif et non décisionnel. Il en est de même pour le FDVA : nous siégeons dans les instances chargées de l’attribution de ce fonds, mais nous ne prenons aucune décision.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Exact !

M. Jean-Marc Boyer. Pourtant, les sénateurs et députés sont au contact permanent des élus locaux. Ils ont, de ce fait, une connaissance beaucoup plus fine des besoins du terrain…

M. François Patriat. Ils achètent surtout des voix…

M. Jean-Marc Boyer. … que le représentant de l’État, et c’est normal. Le préfet, qui ne possède pas ce lien de proximité, ne peut avoir une connaissance approfondie des besoins financiers qui, s’ils sont souvent modestes, peuvent revêtir une grande importance pour une petite commune dont le budget est très limité.

La dotation pour projets d’intérêt local, dont nous discutons aujourd’hui, permettrait de soutenir de nouveau ces initiatives. Elle faciliterait, ce faisant, le développement de nos territoires. À l’origine, je proposais de réserver à ces actions un pourcentage de la DETR ; mais une telle mesure pouvait effectivement sembler trop restrictive. Rétablir une dotation pour toutes les communes, leurs groupements, leurs établissements publics et les associations locales permettra de soutenir l’ensemble des acteurs locaux.

Enfin, deux éléments me paraissent essentiels pour assurer l’acceptabilité de cette dotation : d’une part, la transparence des subventions attribuées, qu’il s’agisse de leur destinataire ou de leur montant ; d’autre part, l’encadrement des crédits dont il s’agit. Les subventions versées ne pourront dépasser 20 000 euros et la moitié du coût du projet, ce qui induit une exclusivité de la subvention pour un sujet bien identifié. Nous garantirons ainsi un système vertueux, en prévenant les dérives que l’on a pu connaître par le passé.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour soutenir nos territoires, adoptons cette dotation pour projets d’intérêt local ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Cédric Chevalier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2017, le Président de la République a été élu sur une promesse de dépassement des clivages et de renouvellement des pratiques. La réserve parlementaire symbolisait alors la prétendue rupture entre l’ancien monde, accablé de tous les défauts, et le nouveau, paré de toutes les vertus.

Je ne crois pas utile de rejouer les débats de 2017. Mieux vaut regarder vers l’avant et préparer notre pays aux défis qui l’attendent, dont deux sont, à mon sens, majeurs : le défi démocratique et le défi climatique.

Le premier, c’est le défi démocratique. L’état d’anxiété dans lequel se trouve notre pays menace la cohésion nationale. Les Français sentent qu’ils perdent le contact avec leurs représentants et le sentiment d’abandon est encore plus fort chez les élus locaux. Ces derniers ont l’impression qu’on leur en demande toujours plus, alors que leurs moyens sont de plus en plus limités. C’est d’autant plus vrai pour les petites communes, qui croulent sous les obligations techniques, légales et administratives sans avoir l’ingénierie nécessaire.

Or, pour les élus de ces communes, la réserve parlementaire constituait un lien fort avec la représentation nationale. Pour de nombreux maires ruraux, elle permettait un dialogue avec les parlementaires de la circonscription. Grâce à elle, on parlait projets et développement territorial ; bref, on faisait de la politique locale. De même, la réserve parlementaire créait du lien avec les citoyens en montrant que le parlementaire œuvrait à des réalisations concrètes et de proximité.

La fin du cumul des mandats est venue éloigner le parlementaire de nos concitoyens au moment même où la réserve parlementaire a été supprimée. Élu d’un département rural, mon collègue Daniel Chasseing le répète inlassablement : il plaide depuis longtemps pour rétablir une forme de réserve parlementaire et je tiens à saluer son action.

Aujourd’hui, ce lien manque, et ce manque nourrit le sentiment d’abandon qu’éprouvent les élus locaux. Bien sûr, la DETR permet encore de financer des projets d’intérêt local, mais elle ne tisse pas de lien entre les élus du territoire et la représentation nationale.

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Ce n’est pas vrai !

M. Cédric Chevalier. Cette dotation n’est pas la solution miracle ; d’ailleurs, nombre de critiques adressées à la réserve parlementaire pourraient également s’appliquer à elle.

J’en viens au second défi, à savoir le défi climatique.

Nous savons que, dans ce domaine, il est urgent d’accélérer, et d’accélérer très fort. D’ici à 2030, nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990. Nous devons donc faire en moins de dix ans ce que nous n’avons pas réussi à faire en trente ans. Le travail qui nous attend est massif, colossal, mais surtout essentiel.

La transition écologique ne peut pas être orchestrée depuis Paris, sur un mode centralisé et descendant. Le Gouvernement compte du reste sur les élus locaux pour déployer la planification écologique dans les territoires, afin que cette dernière soit en harmonie avec les réalités locales.

Mes chers collègues, il me semble possible de relever à la fois le défi démocratique et le défi climatique.

Donner aux parlementaires les moyens d’accompagner les projets de développement territorial élaborés par les maires au titre de la transition écologique, c’est faire d’une pierre deux coups : c’est recréer du lien et soutenir la transition écologique.

Faut-il appeler ce dispositif « réserve parlementaire » ? Peut-être pas. En tout cas, trois éléments me semblent essentiels : il doit être à la main des parlementaires, être calibré aux besoins des petites communes et servir la transition écologique. Je présenterai plusieurs amendements en ce sens.

La commission des finances a largement réécrit le dispositif proposé. Toutefois, l’élargissement à l’ensemble du bloc communal ne nous semble pas opportun : plus grands seront les projets soutenus, moins la contribution de la réserve paraîtra pertinente. Si nous voulons convaincre les Français que le rétablissement de la réserve parlementaire est dans notre intérêt à tous, mieux vaut concentrer ses crédits sur les collectivités territoriales qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, seuls deux des orateurs de cette discussion générale ont connu la réserve parlementaire : Éric Bocquet et moi-même. Permettez-moi donc de vous raconter brièvement comment nous procédions avant 2017, date à laquelle la réserve parlementaire, accusée de tous les maux, a été supprimée.

Née sous l’impulsion de Christian Poncelet, qui fut successivement secrétaire d’État chargé du budget et président de la commission des finances du Sénat, cette dotation était à l’origine réservée aux membres des commissions des finances des deux assemblées.

Mme Nathalie Goulet. Elle était, en outre, entourée d’un certain secret. On en fixait l’enveloppe à l’occasion d’une seconde lecture du projet de loi de finances, avec un enthousiasme certain, alors que cette étape de la procédure législative est généralement peu appréciée. (Sourires.) Certains parlementaires non membres de la commission des finances ignoraient même son existence. À ce titre, un compte était ouvert à notre nom au ministère de l’intérieur ; ce n’était évidemment pas de l’argent que les parlementaires avaient dans leurs poches. (Nouveaux sourires.)

La réserve parlementaire présentait une souplesse indéniable. Elle permettait de soutenir de petits projets, pour des montants modestes, dans de petites communes : c’est précisément pourquoi Hervé Maurey et Dominique Vérien ont déposé cette proposition de loi organique, largement cosignée.

Comme tout secret, celui-ci a fini par s’ébruiter et il a fallu partager. Donc, on l’a fait, mais mal, très mal, il faut bien le dire : la manne, mal partagée, était, à l’évidence, inégalement répartie. Je m’en souviens très bien pour ce qui me concerne : la réserve de mon défunt mari s’élevait à 150 000 euros ; lorsque je l’ai remplacé, en 2007, j’ai reçu, de la part de Jean Arthuis, 75 000 euros. Ce dernier avait appliqué le taux de la pension de réversion à ma réserve parlementaire (Rires et applaudissements.), je n’en avais donc que la moitié !

Puis le vote de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a tout changé, mes chers collègues. Placée dans les mains des présidents de groupe, la réserve était mieux répartie. Bien sûr, ils pouvaient piocher ici ou là, en appelant à votre bon cœur ! (Sourires.)

Pourquoi tant de haine ? Pourquoi tant de clientélisme ?

Monsieur le ministre, je vous rappelle un point : en 2010, Nicolas Sarkozy a alloué à l’Élysée une partie du montant de la réserve parlementaire, qu’il estimait trop élevé ! Y est-elle toujours, monsieur le ministre ?

M. Bernard Jomier et Mme Françoise Gatel. Ah ?

Mme Nathalie Goulet. C’est un sujet intéressant.

M. Philippe Vigier, ministre délégué. S’agit-il de la réserve du président Sarkozy ou du ministre de l’intérieur Sarkozy ?

Mme Nathalie Goulet. L’ancienne réserve parlementaire allouée par Nicolas Sarkozy à l’Élysée et à Matignon subsiste-t-elle ? Car Nicolas Sarkozy avait largement amputé la réserve parlementaire, pour, à l’évidence, profiter de cette manne.

Monsieur le ministre, nous vous l’avons dit, les subventions ne remplissent plus complètement leurs fonctions. Elles sont trop compliquées, trop lourdes, et à la main des préfets. Elles manquent de souplesse pour les petits projets, ceux qui ont un faible montant, car en dessous de 5 000 euros on ne peut quasiment rien financer !

De plus, le financement des associations pose un certain nombre de problèmes. Le débat que nous ouvrons aujourd’hui sur le rétablissement de la réserve parlementaire n’est pas inintéressant de ce point de vue.

C’est au moment où la réserve parlementaire a été supprimée qu’elle était probablement le plus transparente, à la fois dans la distribution et dans la publication des comptes.

Mme Laurence Rossignol et M. Hervé Maurey. Exactement !

Mme Nathalie Goulet. Des inégalités demeuraient, mais elles ont été progressivement gommées depuis 2013. Je l’ai dit, cette réserve était jadis à la main des présidents de groupe et, en prime, à la tête du client !

La proposition qui vous est faite aujourd’hui me paraît sensée. Elle a le mérite d’ouvrir le débat, même si je ne suis pas sûre qu’elle soit très bien perçue dans l’opinion publique.

M. Bernard Buis. C’est sûr…

Mme Nathalie Goulet. En effet, les gens ont aujourd’hui une autre conception de la transparence et leur image du parlementarisme est encore plus dégradée. Aussi, je crains que ce texte ne serve les propos antiparlementaires.

Néanmoins, il permettrait de rendre aux communes, notamment aux plus petites d’entre elles, le service qu’on leur doit. Tel est l’objet de cette proposition de loi organique, qu’une grande partie du groupe Union Centriste votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Ghislaine Senée. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, six années après la suppression de la réserve parlementaire, nous voilà aujourd’hui réunis pour nous prononcer sur son rétablissement.

Jugée populiste, dépassée, d’un autre temps, cette pratique a été supprimée par des parlementaires fraîchement élus et pour la plupart issus de la société civile, au travers d’un texte relatif à la moralisation de la vie publique. En effet, le principe même d’une enveloppe laissée à la discrétion d’un élu pour financer des projets locaux, précisément là où se situent ses intérêts électoraux, a suscité une inquiétude légitime quant au risque de dérive clientéliste.

Si aujourd’hui nombre d’élus locaux, d’acteurs associatifs et de parlementaires – près de trois cents d’entre eux ont lancé cette initiative – voient d’un œil favorable cette pratique, tel n’est pas le cas de la plupart de nos concitoyens, qui considèrent encore de façon très critique cette pratique, qu’ils ont jugée discrétionnaire. Quelles sont donc les raisons de ce rétropédalage, au moment même où les Français expriment toujours plus de méfiance vis-à-vis des politiques ?

D’abord, la réserve parlementaire a longtemps été un dispositif de confort pour les petites communes et associations, qui a permis de répondre concrètement à un besoin de financement complémentaire. Pour les collectivités, c’était en effet un moyen simple et souple d’accéder à un financement subsidiaire. Tous ceux qui parmi nous ont été maires – moi la première – en ont, bien évidemment, profité. Toutefois, force est de constater que les coupes draconiennes des dotations par le Gouvernement entraînent effectivement un déficit, que nous ne pourrons toutefois combler ni à l’aide de rustines ni par du saupoudrage.

Ensuite, selon certains, le retour de la réserve parlementaire permettrait de rétablir un lien, aujourd’hui distendu, entre l’élu et sa circonscription, en effaçant l’image du parlementaire déconnecté des réalités locales. Derrière ces mots transparaît, à mon sens, une forme de regret lié au sentiment de perte d’influence locale. Assurons-nous plutôt de défendre un outil au service des territoires et non des parlementaires !

Surtout, cet argument trahit, me semble-t-il, une interprétation erronée de notre rôle de député ou de sénateur. Si nous sommes tous ici attachés à notre circonscription, si nous souhaitons tous contribuer au bon fonctionnement de nos communes, à la pérennité de nos associations et au bien-être de nos habitants, nous sommes avant tout des élus de la Nation. Il nous faut revenir au sens constitutionnel de notre mandat qui nous confie la responsabilité de voter la loi, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques.

Si nous nous sommes engagés à agir pour nos territoires, nous devons le faire non par la distribution d’une aide financière, mais par la représentation des collectivités territoriales de la République et la défense de leur avenir, en commission et en séance, c’est-à-dire là où se situe notre véritable mission constitutionnelle. Nous ne devrions pas avoir besoin de distribuer de l’argent pour exister dans nos territoires. Nous le mesurons bien, cette question suscite de forts débats au sein de nos propres groupes politiques. Travaillons plutôt ensemble à renforcer notre ancrage territorial, en valorisant le travail législatif, en créant des dispositifs alliant souplesse et réactivité, et en renouant les liens.

Mes chers collègues, rétablir un dispositif supprimé il n’y a pas six ans par la volonté d’un Président de la République nouvellement élu dans le cadre d’une loi de moralisation de la vie publique serait incompréhensible pour nos concitoyens.

M. Bernard Buis. Très bien !

Mme Ghislaine Senée. Quel message adresserions-nous aux Français, si ce n’est celui de notre déconnexion avec leurs attentes et leurs perceptions ?

C’est pourquoi, dans un esprit de responsabilité, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires (GEST) votera contre le rétablissement de la réserve parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la suppression de la réserve parlementaire par la loi organique pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017, s’est inscrite dans une forme d’antiparlementarisme profond, lequel subsiste aujourd’hui, et l’on constate concomitamment une perte de prérogatives du Parlement.

La confiance populaire envers les parlementaires ne sera restaurée ni en amoindrissant sans cesse leur capacité d’intervention ni en caricaturant les positions politiques prises par « les oppositions ».

La fin de la réserve, somme allouée par une convention de la Constitution aux parlementaires pour financer de modestes projets associatifs ou communaux, a pris sa source non seulement dans une perspective de « moralisation » ou de « confiance » renouvelée, mais avant tout dans une perspective austéritaire.

D’ailleurs, la sanctuarisation des crédits promise n’a pas eu lieu. Loi de finances après loi de finances, les transferts aux collectivités ont fait l’objet de coupes claires à la suite des arbitrages « bercyens ». En somme, c’est une mesure symbolique d’économies supplémentaires de 183 millions d’euros faite sur les deux chambres, lesquels n’irriguent plus les territoires.

Sans revenir sur le démantèlement de la dotation globale de fonctionnement (DGF), je rappelle que les financements au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, sont gelés depuis 2018. D’ailleurs, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, la majorité sénatoriale a refusé deux amendements visant à indexer sur l’inflation la DETR et la DSIL. Ces amendements ont été balayés d’un revers de la main : le sort des territoires est ainsi lié au vote sur le rétablissement de la réserve parlementaire. Les tenants des économies déraisonnées se sont ligués contre la majoration des capacités d’investissement des collectivités, voilà pourquoi notre débat prend une acuité plus grande !

Faute de mieux, dirons-nous, les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky accueilleront ces quelques crédits ; ils viennent au secours des communes ou des associations, vers lesquelles les dotations ne ruissellent pas ou ruissellent peu.

Les élus locaux le savent bien, la DETR souffre aussi des planchers, seuils et autres restrictions, qui sont en décalage avec les réalités locales.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Oui !

M. Éric Bocquet. Les petits projets échappent en effet à la DETR : en 2022, les subventions de 20 000 euros ou moins n’ont représenté, en cumulé, qu’à peine 10 % de l’enveloppe globale. Le montant moyen des subventions s’élève à 45 503,48 euros précisément, alors que l’ancienne réserve parlementaire des sénateurs finançait des projets de moins de 5 000 euros, soit de montants huit fois moins élevés.

J’ai entendu dire ici ou là que le fonds vert s’intégrerait dans les compensations. Mais ce dispositif est particulièrement illisible : 4 170 aides sont disponibles à ce jour ; c’est un véritable maquis de subventions pour les collectivités ! Mettre en regard la réserve parlementaire et l’outil principal de la transition écologique des collectivités, c’est réduire l’ambition climatique et en faire un sujet marginal !

Les associations, nous le savons, n’ont pas retrouvé non plus la flexibilité et le niveau d’aide qu’elles avaient sous l’empire de la réserve parlementaire. Ainsi, 80,8 % des bénéficiaires du fonds pour le développement de la vie associative sont des petites associations, qui comptent moins de deux salariés. Mais les deux volets sont particulièrement complexes et ne s’adressent pas aux mêmes acteurs de la solidarité.

La Cour des comptes, dans son rapport de 2021 intitulé Le Fonds pour le développement de la vie associative, a relevé « un constat avéré de saupoudrage », si bien que 66 % des subventions étaient inférieures à 2 000 euros en 2019 ; c’est incompatible avec l’intention de consolider et de pérenniser le tissu associatif. Le champ des publics potentiels « est en effet disproportionné par rapport aux capacités de financement du FDVA2, qui touche aujourd’hui un peu moins de 10 000 associations. »

L’opacité et les modalités d’attribution prévues par l’ancienne réserve parlementaire, bien qu’amoindrie depuis la publication en accès libre des projets financés, nous obligent à tout faire pour éviter que cette réserve parlementaire ne s’apparente un jour à une « mallette parlementaire ». Cette exigence de transparence est un préalable à son rétablissement. Nous plaidons en outre pour une égalité stricte de la répartition de la réserve parlementaire entre tous les membres du Parlement, sans distinction ; il n’y a pas d’élus de la Nation de seconde zone !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Éric Bocquet. Notre groupe votera très majoritairement pour cette proposition de loi organique, moi compris. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dispositif de la réserve parlementaire, en vigueur depuis 1973 à l’Assemblée nationale et depuis 1989 au Sénat, a été supprimé par la loi de septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

En 2014, déjà, la Cour des comptes relevait des aberrations dans l’utilisation de cette subvention ; la presse faisait état de soupçons de clientélisme ou de conflits d’intérêts.

Pour répondre aux soupçons entourant cette pratique, un effort de moralisation a donc été entrepris, lequel visait à rendre obligatoirement publics le nom des bénéficiaires, les montants, ainsi que la nature des projets et des attributaires. Le contrôle du versement de ces subventions était, quant à lui, confié aux préfets. Les crédits de cette réserve s’élevaient à 150 000 euros ou 160 000 euros environ par parlementaire, le président d’une instance ou assemblée parlementaires bénéficiant d’une majoration.

Après leur suppression, les crédits afférents ont été en partie – l’État en a gardé un peu au passage, monsieur le ministre ! – répartis entre la DETR et le FDVA.

Six ans après, faut-il ou non rétablir la réserve parlementaire au motif que le fonds d’action pour les territoires ruraux et les projets d’intérêt général promis en contrepartie de sa suppression n’a pas été créé ? En tout cas, il faut faire quelque chose.

Dans la version initiale de cette proposition de loi organique, les nouveaux bénéficiaires étaient les communes de moins de 3 500 habitants, les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants et les associations. La commission a élargi le champ d’application des dispositions du texte aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et autres intercommunalités ou groupements de communes.

C’est vrai, grâce à leurs connaissances du territoire, les parlementaires, et en particulier les sénateurs, pourraient jouer un rôle actif, en aidant une commune dotée d’un budget réduit à financer un projet pour le boucler définitivement.

Cependant, je redoute que nous soyons obligés de répondre à de multiples demandes tout en n’ayant qu’une enveloppe limitée, car, même si nous sommes en période de Noël, je doute que le Gouvernement offre des tas de millions pour financer ce fonds…

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Qui sait ? (Sourires.)

M. Christian Bilhac. En effet, les préfets auront beau jeu de répondre aux élus dont les projets n’ont pas été retenus au titre du fonds vert, de la DETR ou de la DSIL, de demander au parlementaire de piocher dans sa cassette ! Nous serons donc obligés d’affronter le mécontentement des maires : comme on dit à la campagne, « Quand il n’y a plus de foin au râtelier, les chevaux se battent ».

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. C’est très juste ! Il faut du foin !

M. Christian Bilhac. Mais il n’y en a plus !

Ainsi, si la réserve devait être rétablie, il faudrait non seulement en conserver le caractère rural, au risque que les crédits soient retirés de la DETR, mais également veiller à l’équité entre les parlementaires. On ne peut pas donner la même enveloppe à un député élu dans une circonscription comprenant trois communes ou trois arrondissements qu’à un sénateur qui doit satisfaire 400, 500, voire 700 communes.

M. Olivier Paccaud. Sans compter les associations !

M. Christian Bilhac. À titre personnel, je pense que nous avons plus à perdre qu’à gagner au rétablissement d’un tel dispositif. Mais il faut faire quelque chose. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas faire siéger tous les parlementaires au sein des commissions DETR et FDVA ?

M. Hervé Maurey. Cela ne sert à rien !

M. Christian Bilhac. Cela ne coûte rien ! Il s’agirait d’être informé de tous les dossiers de demande de DETR déposés, car actuellement ce n’est pas le cas, sauf pour le FDVA. Tel est l’objet de l’un des amendements que nous avons déposés.

On pourrait également envisager de laisser un reliquat de crédits de la DETR et du FDVA à la discrétion des parlementaires, soit quelque 100 millions d’euros si le taux du reliquat est de 10 % pour la DETR – c’est un exemple –, le reste demeurant à la discrétion des préfets.

Ainsi, les parlementaires pourraient répondre aux demandes des maires ayant déposé une demande de DETR ou de FDVA qui n’a pas été satisfaite. Les dossiers ayant déjà été instruits par l’administration, les maires n’auraient pas à les déposer une nouvelle fois. Pourquoi pas ?

Les votes des membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE), qui n’ont pas tous le même avis sur ce texte, seront partagés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement satisfaite du débat que nous avons aujourd’hui sur ce texte. En effet, vous le savez, notre collègue Alain Houpert et moi-même avons déposé, au mois de septembre dernier, une proposition de loi similaire, que vous avez été nombreux à cosigner, ce dont je vous en remercie chaleureusement.

Après avoir rencontré les députés du collectif pour la réserve parlementaire, nous avons décidé de relayer leur proposition de loi au Sénat. Le caractère transpartisan de cette initiative, dont l’un des auteurs est un député du groupe Renaissance, montre qu’il est nécessaire d’évoluer collectivement sur la réserve parlementaire, six ans après sa suppression.

Tout d’abord, il s’agit d’un constat pragmatique, nos concitoyens ne le savent certainement pas, mais les financements de la réserve parlementaire n’ont pas disparu en 2017. D’ailleurs, elle a été supprimée au moment où elle était devenue tout à fait transparente et accessible, visible par tous sur internet. Monsieur le ministre, je suis sénatrice depuis 2020, donc je n’ai pas vécu, contrairement à vous, l’époque d’avant, que vous nous avez racontée plus tôt.

J’ai été nommée par le président Larcher pour siéger dans mon département, le Bas-Rhin, à la commission d’élus de la DETR, aux côtés des maires de mon canton et des présidents d’intercommunalité. Je vous l’assure, cela ne fonctionne pas de façon transparente !

M. Hervé Maurey. Ça, c’est sûr !

Mme Laurence Muller-Bronn. Dans les faits, aux souhaits des maires, des présidents d’intercommunalité – ou aux nôtres –, on objecte que les projets de moins de 100 000 euros sont à la discrétion du préfet. (M. Hervé Maurey hoche la tête en signe dassentiment.) Les explications motivant les refus ne sont pas obligatoires, même si les maires et les présidents d’intercommunalité les demandent !

Nous avons tous observé sur le terrain que ces deux dispositifs sont trop éloignés des réalités locales pour répondre exactement aux demandes des petites et moyennes communes que nous représentons.

De fait, nombre de maires nous rapportent les difficultés qu’ils rencontrent pour financer des projets modestes, mais indispensables, tels que la construction d’un préau d’école ou l’aménagement d’une aire de jeu. En effet, la rigidité du système actuel ne profite qu’aux plus gros projets, qui captent l’essentiel des financements, sans que nous, parlementaires, soyons associés aux décisions ; cette mesure n’est pas devenue très égalitaire ! Au bilan, nous assistons impuissants à une dérive centralisatrice, qui peut pénaliser les communes, leurs habitants et in fine l’intérêt général.

Quant aux associations, la complexité de la constitution des dossiers à déposer en préfecture, pour des projets qui auraient surtout besoin de souplesse et d’un coup de pouce financier, décourage bon nombre d’initiatives citoyennes.

En réalité, monsieur le ministre, il aurait fallu réformer et améliorer les modalités d’attribution de cette réserve plutôt que d’en faire table rase au motif d’un prétendu clientélisme. D’ailleurs, parlons-en de ce fameux clientélisme ! Lorsque les autres collectivités, les départements ou les régions – nombre d’entre nous ici sont conseillers départementaux ou régionaux – octroient des financements au travers de subventions aux communes font-elles, là aussi, du clientélisme ?

M. François Patriat. Oui, elles en font !

Mme Laurence Muller-Bronn. On peut se poser la question.

De même, lorsque le Gouvernement et les ministres octroient des financements aux collectivités via le fonds vert, le plan France Ruralités, divers appels à manifestation d’intérêt ou encore via les appels à projets pour le commerce rural, est-ce du clientélisme d’État cette fois ? On peut se poser également la question.

De fait, monsieur le ministre, parfois les fonds instaurés par l’État montrent aussi leurs limites. Ainsi, le triste exemple du fonds Marianne, dont le Sénat a révélé les dérives clientélistes et l’opacité, représente l’exact inverse des objets de la proposition de loi organique que nous présentons cet après-midi et qui est, je le rappelle, soutenue par un collectif citoyen, par l’AMF et par plus de 300 parlementaires.

Monsieur le ministre, si vous ne le faites pas pour nous parlementaires, faites-le au moins pour les maires ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe RDPI.) Ils vous en seraient peut-être très reconnaissants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

I. – La loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances est ainsi modifiée :

1° Le I de l’article 7 est ainsi modifié :

a) À la seconde phrase du troisième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

b) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Une dotation pour projets d’intérêt local. » ;

2° L’article 11 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « imprévisibles », sont insérés les mots : « et sur la dotation pour projets d’intérêt local » ;

b) À la première phrase du second alinéa, les mots : « la dotation » sont remplacés par les mots : « les dotations » ;

3° (nouveau) Après le même article 11, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :

« Art. 11-1. – I. – Chaque année, les commissions des finances de chaque assemblée adressent au Gouvernement la liste des projets d’intérêt local que les députés et les sénateurs lui proposent de soutenir par des subventions pour l’exercice suivant.

« Les projets d’intérêt local mentionnés au premier alinéa peuvent correspondre à :

« 1° Des projets d’investissement matériel ou immatériel des communes, de leurs groupements, ainsi que de leurs établissements publics ;

« 2° Des projets d’associations pouvant bénéficier de subventions publiques dans des conditions définies par la loi.

« Ces projets répondent aux critères cumulatifs suivants :

« a) Ils ne présentent pas un caractère permanent ;

« b) Ils permettent la mise en œuvre d’une politique d’intérêt général ;

« c) Leur délai prévisionnel d’exécution est inférieur ou égal à sept ans.

« Un même projet ne peut être proposé par plusieurs députés ou sénateurs.

« II. – Le montant de subvention proposé n’excède pas la moitié du montant total de la dépense subventionnable au titre du projet concerné. Il ne peut être supérieur à 20 000 euros.

« Les modalités d’attribution et de versement des subventions sont précisées par un décret en Conseil d’État.

« Les bénéficiaires rendent public l’usage de la subvention versée dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;

4° Après le 8° de l’article 54, il est inséré un 9° ainsi rédigé :

« 9° La liste des subventions versées au titre de la dotation pour projets d’intérêt local mentionnée au I de l’article 7. Cette liste présente l’ensemble des subventions versées, pour chaque département, pour chaque collectivité d’outre-mer et pour la Nouvelle-Calédonie.

« Elle indique, pour chaque subvention, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme concerné et le nom du membre du Parlement, du groupe politique ou de la présidence de l’assemblée qui a proposé la subvention. »

II. – L’article 14 de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique est abrogé.

II bis (nouveau). – Le présent article entre en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2025. Il est applicable pour la première fois aux lois de finances afférentes à l’année 2025.

III. – (Supprimé)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, sur l’article.

M. Jean-Claude Anglars. Mes chers collègues, j’ai lu avec intérêt le compte rendu intégral des débats relatifs à l’examen du projet de loi organique pour la confiance dans la vie politique, qui a eu lieu au Sénat en juillet 2017. À l’époque, je n’étais pas encore sénateur, comme nombre de mes collègues présents aujourd’hui.

À la lumière des débats sur l’adoption du texte il y a six ans, je formulerai deux remarques sur celui que nous examinons en ce jour.

D’abord, les arguments avancés en faveur du maintien de la réserve parlementaire étaient d’une justesse telle que ce qui était craint est advenu. Les dispositifs qui ont remplacé la réserve parlementaire n’ont pas démontré la même efficacité, comme plusieurs collègues l’ont rappelé lors de la discussion générale. De plus, les différents fonds ne permettent pas de financer de manière satisfaisante les plus petits projets. Laissée aux mains d’acteurs déconcentrés, la décision est rendue plus difficile ; nous avons tous à l’esprit la remarque de Daniel Chasseing sur les pratiques ayant cours en Corrèze…

Ensuite, en 2017 les élus du « nouveau monde », forts de leur crédibilité, ont pu croire que la suppression de la réserve était une bonne idée. Toutefois, six ans après, les excès d’un pouvoir technocratique éloigné des réalités du terrain et des collectivités ont surtout profité, sur le plan politique, aux extrêmes, au gré des crises politiques et sociales qui ont émaillé ces années. Six ans après, la suppression de la réserve parlementaire n’a apporté ni regain de confiance dans la vie politique ni amélioration de la démocratie.

L’enjeu de la réserve est celui du microfinancement de la vie locale et de son effet levier, qui est à mettre en regard de la bureaucratisation des fonds et des difficultés rencontrées par certains projets, notamment les plus modestes, parce qu’ils n’entrent pas dans le cadre requis pour bénéficier de financements publics de l’État. En ce sens, la réserve parlementaire est un outil efficace, à la gestion simple et transparente. Aussi, les maires plébiscitent son retour. Il apparaît que la connaissance qu’ont les parlementaires, notamment les sénateurs, du développement local, les rend légitimes à mettre en œuvre un tel outil.

C’est pourquoi j’espère que cette proposition de loi organique prospérera ici et à l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, parler de la réserve parlementaire, c’est évoquer l’ancien monde, vous savez, celui que l’apprenti Jupiter voulait éparpiller aux quatre coins de la République, « façon puzzle », les écuries d’Augias qu’Hercule Macron voulait nettoyer…

M. François Patriat. Pas d’insultes !

M. Bernard Jomier. Hercule, ce n’est pas une insulte…

M. Olivier Paccaud. La réserve parlementaire, emblème du clientélisme, pour reprendre un terme employé, a été le bouc émissaire idéal, guillotiné par la Macronie.

On devait passer de l’ombre à la lumière. Cela ne s’est pas produit…

Comme l’a dit M. Bocquet, c’était l’une des pierres du socle de l’antiparlementarisme, mondain, technocratique, populiste.

Mais la suppression de la réserve parlementaire a-t-elle amélioré le sort des territoires, des associations, des communes ?

M. Olivier Paccaud. Non ! Présidents d’intercommunalité ou maires, tous nous le confirment.

Alors, faut-il rétablir la réserve parlementaire ? Oui, j’y suis pour ma part totalement favorable. Aussi ai-je cosigné le texte de nos amis Vérien et Maurey.

Pourquoi faut-il la rétablir ? Parce que sa suppression a rimé avec baisse des dotations et recentralisation.

M. François Patriat. C’est faux !

M. Olivier Paccaud. Or la baisse des dotations et la recentralisation sont ce qu’il y a de pire pour les territoires et les élus locaux.

La réserve parlementaire, à la fois souple et efficace, était devenue transparente. De plus, elle était versée pour des projets qui ne bénéficiaient d’aucun autre subside, ce qui lui a donné toute son utilité !

Peut-être faut-il la renommer et mieux l’encadrer, mais la réserve a une véritable efficacité politique, de justice territoriale et une légitimité démocratique. Car seuls les élus ont la légitimité démocratique accordée par l’élection, et certainement pas les préfets ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.

M. Philippe Folliot. Je salue nos collègues Dominique Vérien et Hervé Maurey, auteurs de cette proposition de loi organique, dont les mesures sont attendues par nombre d’élus locaux, car elles tendent à corriger une injustice.

En 2017, quoique député du groupe de la majorité présidentielle, j’ai dénoncé l’erreur consistant à supprimer cet outil de proximité, que l’on avait su faire évoluer vers plus de transparence. Cet outil était très utile pour nos communes rurales.

Député, j’ai toujours été transparent sur l’attribution de ma réserve. D’ailleurs, avant même que la loi nous y oblige, j’indiquais sur mon site internet comment étaient utilisés ces fonds, de sorte que tout le monde dans ma circonscription pût en prendre connaissance.

Par ailleurs, les élus me disent souvent que la réserve permettait de répondre favorablement et utilement aux besoins de leurs communes pour de petits projets, et cela en toute souplesse et facilité. Idem pour les associations : dans le département dont je suis élu, trois personnes sont actuellement chargées d’affecter le FDVA ; auparavant les parlementaires et leur équipe le faisaient en toute souplesse.

Par exemple, chaque année, en lien avec le comité départemental, nous achetions 10 000 éthylotests pour tous les comités des fêtes de la circonscription et du département ; c’était utile ! Aujourd’hui, il serait totalement impossible de financer une telle action via le FDVA.

Cet exemple pourrait être suivi de beaucoup d’autres.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Folliot. Nous espérons que ce texte sera adopté.

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Philippe Folliot. Cela permettra de répondre aux besoins…

Mme la présidente. Vous n’avez plus la parole, monsieur Folliot !

M. Philippe Folliot. … des collectivités et des associations. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, sur l’article.

M. Michel Canévet. L’intervention du ministre Philippe Vigier, que j’estime beaucoup par ailleurs, m’amène à clarifier certains points.

Les parlementaires qui siègent dans les commissions d’élus de la DETR – tous n’y sont pas – examinent les dossiers de demande de DETR, mais certains dossiers sont orientés vers la DSIL ou vers le fonds vert. Aussi, dans ces commissions, on n’a qu’une vision très partielle des financements de l’État.

M. Michel Canévet. Selon moi, cette méthode manque de pertinence ; il faudrait la revoir.

Précédemment, M. le ministre a évoqué le fonds pour le développement de la vie associative ; excellent sujet, monsieur le ministre ! Voilà un dispositif qu’il ne fallait franchement pas mettre en œuvre ! Mobiliser les services de l’État dans les départements pour instruire des subventions de 100 euros à 1 500 euros par centaines est un non-sens total, monsieur le ministre ! Total !

Le département et les communes le font déjà, on ne peut que déplorer, sur un tel sujet, cette redondance des administrations. Il est temps de simplifier et de clarifier les choses ; l’État n’a pas vocation à distribuer des centaines de subventions de 100 euros à des associations, en mobilisant des tas d’agents, alors que, par ailleurs, nous demandons à ses services de faire preuve d’efficience.

Tel est le message que je voulais faire passer à propos de la réserve parlementaire : celle-ci est octroyée par des élus qui connaissent bien les territoires et qui peuvent aider les petits projets, notamment dans les zones rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l’article.

M. Jean-François Longeot. Cette initiative, cette proposition de loi organique de nos deux collègues, me paraît très intéressante.

On peut sans doute critiquer nos pratiques passées en matière de réserve parlementaire, car les modalités d’attribution semblaient parfois manquer de clarté. J’étais pour ma part dubitatif à son sujet, mais il m’apparaît maintenant que cette expérience est bénéfique : elle nous a permis d’identifier les lacunes de l’ancienne réserve parlementaire.

J’ajouterai deux remarques.

Premièrement, le rétablissement de la réserve parlementaire ne doit pas se faire au détriment de la DETR, qui ne devra pas en être diminuée, au risque de pénaliser les territoires. Dans le département dont je suis élu, nous sommes huit parlementaires ; avec un montant moyen de 150 000 euros, cela fait un total de 1,2 million d’euros. Il ne serait pas judicieux de soustraire ce montant à celui de la DETR.

Deuxièmement, il me semble nécessaire de profiter de ce texte pour étudier la mise en place d’un guichet unique. En effet, entre 2014 et 2017, j’ai pu constater que des maires, notamment des plus petites communes, attributaires tant de la DETR que de la réserve, étaient autorisés à démarrer des travaux au titre de la DETR, mais ne pouvaient ensuite bénéficier de la réserve parlementaire, faute d’avoir reçu l’autorisation spécifique de commencer les travaux à ce titre-là. Un guichet unique simplifierait donc les démarches administratives et la constitution des dossiers, surtout pour les petites communes, qui ne disposent pas toujours de services dédiés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. La suppression de la réserve parlementaire est très préjudiciable, notamment aux zones rurales, pour deux raisons principales.

Premièrement, cette aide, souple et rapide, était très adaptée aux petits projets des communes, mais aussi, à la marge, à certaines réalisations plus importantes. Ces crédits étaient totalement transparents et permettaient aux parlementaires de découvrir les chantiers, de se rendre dans les conseils municipaux, d’être au plus près des élus locaux et des maires et ainsi de s’intégrer de façon efficace dans les territoires.

De même, la réserve parlementaire offrait la possibilité aux parlementaires d’assister aux réunions des associations pour apprécier leurs projets et leur développement. Actuellement, nous apprenons le montant affecté aux associations le jour de la réunion et nous n’avons pas le droit de l’évoquer avant que celle-ci soit transmise à la région. C’est absurde et je partage l’avis de Michel Canévet : l’administration ne devrait pas s’occuper de cela…

Deuxièmement, au quotidien, la population perçoit le rôle législatif et de contrôle du parlementaire, mais elle retient surtout son action locale pour fournir des solutions et des aides aux collectivités et aux associations. Le parlementaire n’est plus au plus près du terrain, en raison de la suppression de la réserve parlementaire, et cela peut donc décourager certains électeurs de se rendre aux urnes.

Pour ces deux raisons, je souhaite le retour d’une réserve parlementaire encadrée et transparente, qui est une nécessité pour renforcer le lien entre les parlementaires, les élus locaux et les citoyens. Cette mesure est très attendue. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée, sur l’article.

Mme Ghislaine Senée. J’avais déposé un amendement d’appel visant à mettre en place un contrôle citoyen sur l’usage de la réserve parlementaire, par le biais d’un jury composé de citoyens tirés au sort. Cet amendement était gagé, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, dont je n’ai sans doute pas encore saisi toutes les subtilités…

Pour autant, je souhaite défendre cette idée.

Nous vivons une crise majeure de défiance des Français envers la vie publique, comme en attestent ces trois chiffres provenant d’une étude de février 2023. À la question « Quel sentiment éprouvez-vous quand vous pensez à la politique ? », la première réponse est « De la méfiance », à 37 %, loin devant le deuxième sentiment, qui est « Du dégoût », à 19 %. Sept Français sur dix perçoivent le personnel politique comme « Plutôt corrompu », et près de huit Français sur dix estiment que « Les politiques ne servent que leur propre intérêt ». Un Français sur dix, seulement, n’est pas d’accord avec cette dernière affirmation.

Dans un tel contexte, il nous faut absolument reconquérir la confiance des citoyens, qui se sentent aujourd’hui dépossédés de l’action publique ; pour cela, rien de mieux que de les impliquer. Un jury permettrait de faire revenir des citoyens à l’action publique, de leur présenter des élus et de les aider à découvrir les difficultés locales et concrètes que rencontrent les acteurs du territoire. Il offrirait un outil d’éducation civique susceptible de susciter des vocations associatives ou électorales. Certains élus écologistes, parmi lesquels Ronan Dantec, l’ont mis en place sur leur territoire, avec succès.

Notre pays est riche de ses 520 000 élus locaux et de ses 925 parlementaires, mais nous ne pourrons pas agir efficacement sans retrouver la confiance de nos concitoyens. Or je crains que cette proposition de loi organique ne provoque l’effet inverse et ne renforce leur défiance envers leurs représentants, qu’ils perçoivent trop souvent comme déconnectés.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.

M. Hervé Maurey. Je souhaite évoquer trois points à la suite de l’intervention de M. le ministre.

Tout d’abord, monsieur le ministre, je ne vous ai pas senti très à l’aise pour exprimer la position du Gouvernement sur ce sujet. Il est vrai que vous vous étiez vous-même prononcé contre la suppression de la réserve parlementaire, la qualifiant de « faute politique » – c’était vrai – et de « sparadrap pour le Gouvernement ». Vous avez, en revanche, omis de nous rappeler que récemment encore, alors que vous étiez député, vous aviez cosigné la proposition de loi organique de M. André Villiers visant à rétablir la pratique de la réserve parlementaire, au profit des petites communes et des associations.

M. Olivier Paccaud. Tout à fait ! C’était il y a moins d’un an !

M. Hervé Maurey. Je comprends donc que vous soyez un peu gêné…

Ensuite, vous affirmez que les élus sont associés à l’attribution de la DETR et du FDVA. Franchement, qui peut soutenir cela dans cet hémicycle ? Ils n’y font que de la figuration. Chaque fois que nous avons tenté, via des amendements, de renforcer leur rôle dans ces commissions, nous nous sommes vu opposer un refus du Gouvernement.

Enfin, vous avez évoqué la nécessité de mener un travail concomitant sur le rétablissement de la réserve et du cumul des mandats. Chiche ! Je vous rappelle que le Sénat a adopté, sur l’initiative du président de notre groupe, Hervé Marseille, la proposition de loi organique favorisant l’implantation locale des parlementaires, laquelle rétablissait le cumul des mandats.

M. Hervé Maurey. Quand sera-t-elle inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ? Et quand le Président de la République tiendra-t-il son engagement, pris dans l’Eure lors du premier grand débat, de rétablir en partie le cumul ? J’attends des réponses sur ces points. (MM. Philippe Folliot, Alain Houpert et Olivier Paccaud applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je ne peux que répondre à une telle interpellation du sénateur Maurey.

En effet, j’ai dit à l’époque que la suppression de la réserve parlementaire était une bêtise. Je n’ai pas pour habitude de me cacher derrière mon petit doigt. Pour le moment, je suis minoritaire dans ma conviction qu’il convient de l’adapter.

Néanmoins, monsieur le sénateur, je suis moi-même ancien parlementaire et je puis vous certifier que, dans le département dont j’étais élu, les préfets consultent systématiquement les parlementaires pour l’attribution de la DETR et de la DSIL. Et on travaille ensemble, on examine les dossiers. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon. Certainement pas pour la DSIL !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je vous invite donc à faire un travail de pédagogie, vous y arriverez ! Je connais bien Hervé Maurey, je suis persuadé qu’il fait lui-même le tour des communes tous les samedis et qu’il n’a pas besoin de la réserve parlementaire pour garder le lien avec les maires. Ne nous racontons pas d’histoires : la confiance ne naît pas seulement parce que l’on apporte 10 000, 50 000 ou 120 000 euros par an !

M. Olivier Paccaud. Personne n’a prétendu cela !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Lorsque l’on a accès à la DETR, à la DSIL ou au fond vert, les montants sont bien plus élevés.

Pour l’attribution du FDVA – un député et un sénateur par département, je le rappelle –, une instruction est partie des services de Dominique Faure vers tous les préfets pour exiger que tous les parlementaires soient invités aux réunions de fin de campagne de ce fonds. Je ne doute pas que, si elle n’était pas appliquée, vous nous le feriez savoir… Surveillez donc le courrier, et si vous ne voyez pas arriver ces invitations, prévenez-nous.

Ensuite, tous les dossiers de FDVA sont désormais envoyés quinze jours à l’avance aux parlementaires. J’ai constaté avec mon successeur à l’Assemblée nationale que tel avait bien été le cas dans notre département. J’imagine qu’il en ira de même partout.

Enfin, les planchers des FDVA ont été revus. Ils sont restés à 5 000 euros en Île-de-France, eu égard au nombre d’organismes contributeurs, et à la puissance particulière de la région et de ses départements ; ailleurs, ils sont passés à 500 euros, ce qui permet d’intervenir rapidement.

En 2018, le FDVA a démarré avec 28 millions d’euros, il est doté de 70 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2024. L’effort est donc considérable.

En outre, 82 % des associations financées sont de petites structures, qui reçoivent des dotations deux fois et demie plus importantes qu’avant la suppression de la réserve. Elles sont donc mieux financées. (M. Jean-Marc Boyer sexclame.) Ma ligne est, certes, minoritaire au sein du Gouvernement, mais elle aura peut-être contribué à faire bouger les choses.

Sur le cumul des mandats, j’ai entendu le sénateur Féraud expliquer que tout était de la faute du « nouveau monde ». Pourtant, la loi NOTRe, qui date de 2015, a donné naissance à des monstres territoriaux ; je suis bien placé pour le savoir : mon canton fait 82 kilomètres de long ! La proximité de terrain n’est donc plus au rendez-vous. Des politiques menées par les uns et par les autres ont donc donné lieu à des anomalies,…

M. Olivier Paccaud. Il suffit alors de les corriger !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. … mais je n’ai pas remarqué dans son propos une seule critique de la loi NOTRe, censée renforcer la proximité. Il ne me semble pourtant pas que celle-ci ait contribué à mobiliser les électeurs dans les territoires. Je ne suis d’ailleurs pas persuadé que la réserve parlementaire serve à cela non plus.

J’ai entendu une autre affirmation étonnante : la réserve aurait constitué le lien entre un parlementaire et un maire. C’est la première fois que j’entends cela ! Mes échanges avec les maires ne tournent pas qu’autour des subventions (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) ; nous parlons de leurs difficultés, de leurs projets, de leurs dossiers avec la région et le département, d’aménagement du territoire, mais ils ne sont pas là pour me faire les poches !

Bref, ce projet n’est pas mûr, c’est ainsi ; il aboutira peut-être un jour.

Soulignons tout de même que la DETR a augmenté de 200 millions d’euros entre 2016 et 2018, passant de 816 millions d’euros à 1,058 milliard d’euros. Elle est, certes, restée stable depuis lors, mais elle a connu 20 % de hausse en deux ans, c’est rare ! D’autant que cela est intervenu après cinq années de baisse continue, entre 2012 et 2017, qui s’est soldée par 13,5 milliards d’euros en moins pour les collectivités. N’hésitons pas à le rappeler, car l’histoire est fugace. J’avais pu constater à l’époque les conséquences de cette baisse de 13,5 milliards dans le budget de la commune dont j’étais maire…

Par conséquent, soyons honnêtes et additionnons toutes les dotations, qui sont en outre fongibles, les instructions en ce sens ont été données aux préfets. À la DETR et la DSIL s’ajoute le fonds vert, qui atteindra 2,5 milliards d’euros en 2024, soit 500 millions d’euros de plus qu’en 2023. L’effort est significatif.

Ce débat est louable, il est normal que le Parlement s’en saisisse ; pour autant, le Gouvernement ne peut vous suivre aujourd’hui sur cette proposition ; poursuivons les discussions. (M. François Patriat applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Soyons brefs, car un deuxième texte doit être examiné dans le cadre de cette niche.

Nous comprenons l’inconfort de votre position sur ce sujet, monsieur le ministre. Si nous examinons aujourd’hui la proposition de loi organique de M. Maurey et de Mme Vérien, et si tant d’orateurs ont indiqué combien celle-ci était intéressante, c’est parce que, pour la répartition de la DETR et de la DSIL, les parlementaires ont le sentiment de n’être associés qu’à la marge, de façon quelque peu forcée.

Lorsque l’on n’a pas instruit la demande, que l’on n’a pas proposé les dossiers, que l’on est simplement convoqué sur un ordre du jour préétabli et que la décision finale revient au préfet, on a le sentiment de faire de la figuration. On peut le faire de manière intelligente et appliquée, en présentant des suggestions au préfet, mais ce n’est pas la même chose que d’identifier sur le terrain un besoin échappant aux radars des dispositifs habituels, et de décider d’y répondre directement. C’est cet objectif que nous visons avec la réserve parlementaire.

Vous évoquiez les instructions données aux préfets. Il arrive que, sur des dossiers importants, nous parvenions à demander aux préfets une répartition prévisionnelle de la DSIL, mais ce n’est pas naturel pour eux et rien ne les oblige à nous la fournir. Nous serions ravis que vous leur adressiez des instructions en ce sens.

Sur les questions de montants, tout dépend des années de référence. En 2016, la DETR était à 815 millions d’euros, en 2017, à 996 millions. Je ne suis pas sûr que l’on ait compensé les effets de la suppression de la réserve, même en passant ensuite à presque 1,05 milliard d’euros, d’autant que le ciblage reste incertain. En effet, le montant n’est pas seul en cause : l’éligibilité des petits projets, pour les petites communes, est un sujet épineux, qui nous a conduits à plafonner les montants à 20 000 euros dans cette proposition de loi organique. Pour ces petites demandes, les démarches administratives peuvent rebuter, elles sont plus aisées si elles ont de grandes chances d’aboutir. La réserve parlementaire répond à ce problème.

À présent, revenons-en, si vous le voulez bien, mes chers collègues, au contenu du texte.

Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par M. Capo-Canellas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 8

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article 11, après le mot : « imprévisibles », sont insérés les mots : « et sur la dotation pour projets d’intérêt local » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel tendant à corriger un problème légistique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Maurey et Mme Vérien, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 10

Remplacer les mots :

la liste

par les mots :

une liste

II. – Après l’alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III. – Après l’entrée en vigueur de la loi de finances, les commissions chargées des finances de chaque assemblée peuvent adresser au Gouvernement des listes complémentaires de projets d’intérêt local que les députés et les sénateurs lui proposent de soutenir par des subventions pour l’année en cours. » ;

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à renforcer la souplesse du dispositif proposé dans le texte de la commission, et je salue la qualité du travail réalisé par le rapporteur.

La rédaction de la commission prévoit que la liste des projets d’intérêt local est transmise « pour l’exercice suivant ». Je souhaite compléter ce dispositif en précisant que des listes complémentaires de projets pourront être transmises en cours d’exercice. En effet, si nous sommes obligés de donner la totalité de la liste des projets avant le début de l’exercice budgétaire, nous perdons une grande partie de la souplesse qui faisait l’intérêt et la richesse de la réserve parlementaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. La commission est naturellement à l’écoute de l’excellent coauteur de cette proposition de loi organique et nous partageons sa volonté de conserver de la souplesse dans le dispositif.

Sur la rédaction même, nous avons eu différents échanges et nous avions à l’esprit une formulation proche de cet amendement. Celui-ci vise à permettre aux commissions des finances d’établir des listes complémentaires de projets en cours d’exercice, ce que nous pouvons entendre.

La préoccupation de la commission des finances était d’éviter que cela conduise à trop de lourdeur dans la pratique. Le texte, tel qu’il est rédigé, n’interdit pas la préparation de plusieurs séries de propositions de projets d’intérêt local, car une liste peut être présentée en plusieurs temps.

C’est donc une question d’appréciation : vous souhaitez aller vers plus de précision, mais il s’agit d’une proposition de loi organique. La commission s’interroge sur la pertinence d’une telle précision, mais s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Il reviendra in fine au Gouvernement de discuter avec les commissions des finances des modalités de mise en œuvre de la mesure, dans un cadre conventionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Cet amendement est très important.

Les précisions apportées par le rapporteur sont pertinentes, mais, aux termes de l’alinéa 10 de l’article unique de la présente proposition de loi organique, qui modifie de l’article 11-1 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), « Chaque année, les commissions des finances de chaque assemblée adressent au Gouvernement la liste » – la liste ! – « des projets d’intérêt local que les députés et les sénateurs lui proposent de soutenir par des subventions pour l’exercice suivant. » Il n’est donc bien question que d’une seule liste.

Or, au cours d’une année, de nombreux projets peuvent apparaître. Par exemple, un maire peut être amené, à la demande des enseignants, à installer un tableau numérique durant l’été, sans y avoir pensé auparavant, ou encore, un tracteur-tondeuse peut tomber en panne… Bref, il faut pouvoir s’adapter. Cet amendement tend donc à offrir cette souplesse si importante.

Dans nos collectivités, les décisions modificatives budgétaires en cours d’année jouent ce rôle essentiel. L’intérêt de la réserve parlementaire n’était pas seulement de permettre à un parlementaire d’apporter des financements à son territoire, il était aussi de donner au territoire des moyens financiers quand celui-ci en avait besoin.

Pour obtenir la DETR ou les financements des conseils départementaux et régionaux, il faut monter les dossiers dès le début d’année, et il est ensuite très difficile de s’adapter. La souplesse autorisée par la réserve parlementaire, et que permettrait l’adoption de cet amendement, est donc capitale. Sans cela, on vide le dispositif d’une grande partie de son intérêt.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je souhaite m’exprimer en tant que président de la commission des finances sur cet amendement, car, à titre personnel, je ne prendrai pas part au vote. Je comprends l’esprit de cet amendement, rappelé par notre collègue Olivier Paccaud, mais il pose nombre de difficultés.

Tout d’abord, il s’agit d’une proposition de loi organique ; moins on entre dans les détails dans un tel texte, plus on a de chances que la navette parlementaire fonctionne. Si l’Assemblée nationale en venait à modifier des détails, nous serions repartis pour plusieurs lectures. Soyons donc prudents sur les précisions, afin de ne pas avoir à y revenir plus tard.

Sur le fond, dans l’esprit des auteurs de la proposition de loi organique, il s’agirait, au moment du vote du projet de loi de finances, d’arrêter un budget pour la réserve parlementaire. Il faut donc inclure un budget dans le PLF, à partir d’une liste. Pour autant, cela n’empêche nullement, après cette étape, au cours des échanges entre les commissions des finances et l’État, certaines modifications d’enveloppes. Si certains projets initialement prévus tombent à l’eau, les sommes peuvent être réallouées à d’autres projets plus urgents qui sont apparus entre-temps. Cela s’est toujours fait, même si c’est un peu embarrassant, cela relève de règles de fonctionnement entre les commissions et les ministères concernés plutôt que du domaine de la loi organique.

C’est pourquoi j’appelle notre collègue Maurey à retirer cet amendement, non pas parce que l’idée qui le sous-tend serait contestable – elle figurera d’ailleurs au compte rendu de cette séance –, mais parce qu’il n’apporte rien au texte organique et risque même de le fragiliser.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. Quel que soit le sort final de cet amendement, qu’il soit retiré ou mis aux voix, je retiens que le mot « souplesse » a été prononcé.

Quand François Patriat et moi-même faisons le tour des élus en Côte-d’Or et que nous nous mettons à leur écoute, ceux-ci évoquent la raideur de l’administration.

Si Hervé Maurey ne le retire pas, je voterai cet amendement, pour ce simple mot, parce que les élus ont besoin d’écoute, d’empathie et de souplesse.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je souhaite aller dans le sens du président Raynal. Ayant moi-même géré pendant dix ans la réserve parlementaire, au cabinet du ministre de l’intérieur puis à celui du ministre du budget et enfin comme secrétaire général d’un groupe parlementaire, je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, mais celui-ci pose un problème pratique. Il faut en effet pouvoir imputer mission par mission les dossiers portés par les parlementaires, d’où l’imposition de dates limites, généralement fixées au 30 octobre, pour compiler tous les dossiers et les affecter aux bonnes missions budgétaires.

M. Olivier Paccaud. Vous y parveniez !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. En effet, une fois le vote acquis, tous les crédits sont fléchés à l’euro près pour les projets, dans les missions concernées.

Ainsi, si vous renoncez à un projet associatif pour privilégier un projet communal, vous n’obtiendrez pas les abondements nécessaires dans la bonne mission budgétaire. Je comprends donc votre intention, mais elle est très compliquée à réaliser.

Ce sujet mérite d’être encore instruit durant la navette, mais il pose d’énormes difficultés pratiques pour la commission des finances, comme pour le Gouvernement. Je tenais à le signaler à la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je maintiens l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement, mais je souhaite réagir aux propos du sénateur Olivier Paccaud.

Vous prenez l’exemple d’un maire qui aurait subitement besoin d’un tableau numérique. Vous avez entendu votre collègue Lemoyne vous expliquer qu’il avait eu à gérer la réserve parlementaire comme secrétaire général d’un groupe politique et que la répartition même n’était pas facile à opérer, mais je veux insister sur un autre point. La DETR n’est pas attribuée en une seule fois. Un premier gros bloc est d’abord versé, suivi par un reliquat, parce que des communes renoncent à un projet ou sous-consomment leurs crédits. Dans ce cas, un maire ayant un autre dossier alerte son parlementaire, qui appelle le préfet pour lui demander si un reliquat permettrait de le prendre en charge. C’est la voie la plus rapide.

M. Olivier Paccaud. Ce serait très beau, mais ce n’est pas ainsi que cela se passe !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Le président de la commission des finances a raison : pour la réserve parlementaire, les dossiers abandonnés impliquaient de récupérer les sommes et les réaffecter via la commission des finances. Le système était plus complexe que la souplesse actuelle. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous ne pouvez pas prétendre le contraire, je ne fais que vous livrer mon vécu !

M. Olivier Paccaud. J’ai le mien aussi !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. On risque donc d’introduire plus de complexité. Or M. Raynal a raison : dans un projet de loi organique, il faut écrire le plus simplement possible, sous peine de rendre le processus moins fluide.

Le système comprend actuellement des éléments de souplesse qui n’existaient pas auparavant, comme la fongibilité entre la DETR et la DSIL ou la possibilité de revenir sur des subventions non consommées. Tout cela permet désormais une réactivité au long de l’année.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Je souhaite apporter quelques précisions.

Tout d’abord, monsieur Paccaud, lorsqu’il est écrit « la liste », cela n’interdit pas de transmettre cette liste en plusieurs fois. La jurisprudence est claire sur ce point, c’est pourquoi nous avons rédigé le texte ainsi.

M. Olivier Paccaud. Bien noté !

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Ensuite, la souplesse réside-t-elle dans la précision du texte organique ou au contraire dans le fait de ne pas être trop détaillé à ce stade ?

Je rappelle donc l’avis de sagesse, plutôt interrogatif, de la commission sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. J’ai indiqué ce matin en commission au président de la commission des finances Raynal que la formulation qui me gênait le plus dans ce texte était non pas « la liste », mais « pour l’exercice suivant », qui semble figer le processus. Avec pareille mention, un maire portant un projet en cours d’année se verrait opposer le fait que celui-ci ne pourrait être traité que lors de l’exercice suivant. Cela aboutirait à un dispositif encore plus rigide que la DETR, laquelle autorise, quant à elle, des ajustements tout au long de l’année en cas de reliquat dans un département.

C’est pourquoi j’ai proposé ce matin de retirer mon amendement à condition que l’on supprime la mention « pour l’exercice suivant ». En l’état, je le maintiens donc.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. M. le ministre a affirmé que, après les premières attributions de DETR, une commune pouvait éventuellement disposer d’une fraction du reliquat de cette dotation afin de financer un projet. Mais, dans le département dont je suis élu, le montant des subventions demandées par les communes correspondait cette année au double du montant de DETR qui leur était attribuée : il n’existe donc aucun reliquat, et c’est bien toute la difficulté !

Au travers de son amendement, notre collègue Maurey demande de la souplesse ; je parlerais pour ma part d’adaptation : il convient de pouvoir s’adapter à une situation compliquée ou à un changement dans le projet de la commune. Une telle disposition permettrait de disposer d’une solution de recours. J’y insiste : il est essentiel de ménager une marge d’adaptation, que l’on peut appeler souplesse, afin de donner satisfaction aux projets présentés.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Je souhaite préciser la notion d’« exercice suivant ». Celle-ci est la traduction du principe d’annualité budgétaire. On prépare toujours un budget pour l’exercice suivant ; je sais que c’est une banalité, mais il ne me semble pas inutile de le rappeler. Néanmoins, le projet de loi de finances de fin de gestion et les éventuels projets de loi de finances rectificative permettent également d’ajuster un certain nombre de crédits, si bien que le budget n’est jamais figé.

J’ajoute que l’exécution ne se limite pas à l’exercice suivant. En effet, les ministères sont encore en train d’exécuter des dépenses qui datent de l’ancienne réserve parlementaire ! Six ans plus tard, certaines dépenses ne sont toujours pas exécutées : on se situe donc bien au-delà de l’« exercice suivant ». Simplement, c’est l’expression consacrée en matière budgétaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 4 rectifié est présenté par MM. Chevalier et A. Marc, Mme Lermytte et MM. Wattebled, Chasseing et Brault.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Des projets d’investissement des communes de moins de 3 500 habitants et des communes nouvelles de moins de 10 000 habitants comprenant plus de deux communes déléguées ;

La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour présenter l’amendement n° 2.

Mme Ghislaine Senée. Le présent amendement vise à rétablir la limitation du bénéfice de la réserve parlementaire aux plus petites communes, c’est-à-dire aux communes de moins de 3 500 habitants et aux communes nouvelles de moins de 10 000 habitants comprenant plus de deux communes déléguées.

Il me semble que, au sein de cet hémicycle, un consensus se forme autour du recentrage de la réserve parlementaire au profit des plus petites communes. Je comprends bien qu’ouvrir le dispositif à l’ensemble des communes permettrait de limiter la fragilité constitutionnelle de ce texte, mais cela accentuerait le risque de saupoudrage des deniers publics et amoindrirait l’impact de la réserve parlementaire, si celle-ci devait être rétablie.

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié.

M. Cédric Chevalier. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Les amendements nos 8 et 13 rectifié ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Au travers de ces amendements identiques, vous proposez de fonder l’éligibilité des communes sur un critère de population, alors que le texte issu de la commission prévoit un ciblage via le montant des subventions, 20 000 euros au maximum. C’est une manière de cibler les « petits » projets, si j’ose dire, donc les petites communes.

En accord avec les auteurs du texte, la commission a décidé de supprimer le seuil de population, d’abord parce qu’un certain nombre de sénateurs, dont je fais partie, sont élus de départements plutôt urbains. Or, en raison du seuil de population, ils ne pourraient accorder de subventions qu’aux associations, à l’exclusion des communes. Vous conviendrez qu’une telle situation serait pour le moins singulière !

D’autres collègues sont élus de départements comptant une agglomération importante composée de communes de plus de 3 500 habitants et des zones rurales. Avec un tel seuil de population, ces parlementaires seraient en mesure d’accorder une subvention à certaines communes, mais devraient la refuser à d’autres ; ce système exclurait par exemple une commune de 3 501 habitants…

J’ajoute que nos collègues députés sont issus de circonscriptions délimitées en fonction du nombre d’habitants. Or beaucoup de députés sont élus des zones urbaines : ils seraient donc confrontés aux mêmes problèmes.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, nous sommes tous convenus qu’il valait sans doute mieux se rapprocher de la pratique antérieure, qui ne reposait sur aucun seuil, et définir un ciblage reposant non pas sur le niveau de population, mais sur le montant des subventions.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 4 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 12 rectifié n’est pas soutenu.

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Masset et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Mon amendement est encore plus restrictif que les précédents, puisqu’il vise à limiter le bénéfice du dispositif de la réserve parlementaire aux communes de 500 habitants ou moins : nous parlons de ruralité, eh bien, je propose pour ma part de concentrer notre propos sur l’hyper-ruralité ! Du reste, j’aurais pu tout aussi bien proposer de limiter le dispositif aux communes n’ayant qu’un seul grand électeur.

Il s’agit d’un amendement d’appel, comme vous l’aurez compris, mes chers collègues.

Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Conway-Mouret et M. Féraud, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par les mots :

y compris des associations exerçant une activité au bénéfice des Français résidant hors de France

La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. Cet amendement de ma collègue Conway-Mouret et moi-même vise non pas à restreindre le dispositif, mais à l’étendre. Vous l’aurez compris, nous n’approuvons pas ce texte. Cela dit, il a de bonnes chances d’être adopté par le Sénat cet après-midi, nous proposons donc d’étendre le dispositif aux Français de l’étranger.

En effet, tout ce dont nous avons parlé vaut également pour l’ancienne réserve parlementaire des Français de l’étranger – devenue le Stafe –, allouée sur l’initiative de l’élu des circonscriptions concernées. Les sujets de mécontentement et les réductions de budget sont les mêmes qu’hier. En outre, compte tenu des difficultés d’attribution des aides, bon nombre d’associations renoncent à les solliciter.

Puisqu’il s’agit de rétablir la réserve parlementaire, autant la rétablir complètement ! Nous suggérons donc que les associations exerçant une activité au profit des Français résidant hors de France, dont le but est souvent culturel ou social, puissent être intégrées dans la présente proposition de loi organique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Il me semble que M. Bilhac a défendu l’amendement n° 8, qui n’avait pas été soutenu.

Mme la présidente. C’est exact, monsieur le rapporteur.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Je donnerai donc l’avis de la commission sur l’amendement n° 7 rectifié, qui vise à exclure les associations du bénéfice des subventions de la réserve parlementaire.

Je l’ai indiqué précédemment, la commission souhaite soutenir les projets d’investissement des communes, sans fermer la porte au versement de subventions aux associations.

N’oublions pas que notre action s’inscrit dans le bicamérisme. Or, nous le savons, nos collègues députés attachent une certaine importance à la pratique consistant à proposer des subventions aux associations, ce qui se reflète d’ailleurs dans les propositions de loi relatives au même sujet déposées à l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, il nous semble que le fonds pour le développement de la vie associative ne suffit pas à répondre à l’ensemble des besoins des petites associations et que son fonctionnement, quoi que le ministre ait pu dire avec talent tout à l’heure, reste assez peu lisible. En outre, les financements sont souvent encadrés par des priorités régionales ou départementales ; les dossiers soumis doivent entrer dans les cases. De ce point de vue, la réserve parlementaire apporte également une plus-value.

Par conséquent, la commission demeure défavorable à ce genre de mesure, car elle souhaite conserver la possibilité de verser des subventions aux associations.

J’en viens à l’amendement n° 14 rectifié. Dans notre esprit, il va de soi que les associations exerçant une activité au profit des Français résidant hors de France doivent être éligibles à la réserve parlementaire telle qu’elle est envisagée par le présent texte. Cette précision nous paraît néanmoins utile. Avis de sagesse.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Avis défavorable sur les deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je souhaite m’exprimer sur l’amendement n° 14 rectifié, qui me semble utile et bienvenu.

J’ai beaucoup de défauts : j’ai également été amené à gérer le Stafe dans des fonctions précédentes. (Sourires.) Nous faisions alors en sorte de lever les freins posés par l’administration : en effet, la technostructure avait tendance à déclarer inéligibles des dossiers pourtant parfaitement légitimes.

En tout état de cause, si la réserve parlementaire est rétablie, le tissu associatif des Français de l’étranger doit pouvoir en bénéficier, cela va de soi. Je puis vous le certifier, ce tissu associatif est entretenu par des femmes et des hommes très engagés auprès de nos compatriotes, par exemple pour l’apprentissage de la langue française via les associations français langue maternelle (Flam) ou pour l’accueil des Français à l’étranger.

Bref, cette précision me semble bienvenue ; j’invite mes collègues à l’adopter !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. Je serai très bref.

L’amendement de nos collègues Conway-Mouret et Féraud me semble très cohérent, car exclure les Français de l’étranger de la réserve parlementaire reviendrait à créer une rupture d’égalité. Les coups durs n’arrivent pas qu’en France, on s’en rend facilement compte lorsque l’on voyage un peu : on est sollicité par des ambassadeurs, des consuls, des conseillers sur de petites choses qui manquent, dans un lycée ou dans un collège français.

Je voterai pour cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Chevalier, A. Marc, Wattebled et Brault, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« b) Ils doivent être proposés dans le but de favoriser la performance environnementale, l’adaptation au changement climatique et l’amélioration du cadre de vie ; »

La parole est à M. Cédric Chevalier.

M. Cédric Chevalier. Cet amendement a pour objet d’orienter prioritairement les sommes à distribuer dans le cadre de la réserve parlementaire vers les investissements relatifs à la transition énergétique. Cela permettrait aux petites communes de faire des économies sur leur budget de fonctionnement, mais aussi de se conformer à la priorité du Gouvernement en la matière.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Il est évident que les projets relatifs à la transition écologique doivent faire l’objet d’une attention particulière. Cependant, restreindre la réserve parlementaire n’est pas l’objet du présent texte ; nous évoquions précédemment un impératif de souplesse : si nous commençons à « surcritériser » le dispositif, quel que soit l’objectif visé, cela engendrera des difficultés.

La réserve parlementaire vise d’abord à financer de petits projets. Or il peut être difficile de distinguer ce qui relève ou non de la transition écologique dans de tels projets. On évoquait par exemple en commission l’hypothèse du remplacement des fenêtres d’une mairie : une telle opération relèverait-elle de la transition écologique ? Difficile à dire… Voilà pourquoi il nous semble préférable de conserver une certaine souplesse.

Par ailleurs, vous reprenez dans votre proposition les trois axes du fonds vert : la performance environnementale, l’adaptation au changement climatique et l’amélioration du cadre de vie. Or l’un des intérêts de la réserve parlementaire est justement de ne pas faire doublon avec d’autres dispositifs de financement. Inutile de la rétablir s’il s’agit de reprendre les mêmes critères que le fonds vert !

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je le disais précédemment, cet amendement est satisfait par le fonds vert que nous avons mis en place. Doté de 2,5 milliards d’euros en 2024, contre 2 milliards en 2023, il fait l’objet d’un effort substantiel.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Chevalier, A. Marc, Wattebled et Brault, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

« Un parlementaire ne peut faire bénéficier de la dotation pour projet d’intérêt local une même commune qu’une seule fois pendant la durée de son mandat. »

La parole est à M. Cédric Chevalier.

M. Cédric Chevalier. Il s’agit, au travers de cet amendement, de faire en sorte qu’un parlementaire ne puisse faire bénéficier une même commune de la dotation pour projets d’intérêt local qu’une seule fois pendant la durée de son mandat, l’objectif étant d’éviter les abus.

Lors des campagnes électorales, certaines communes se sont plaintes de ne voir que leurs voisines obtenir satisfaction auprès de leur parlementaire. Il s’agit donc de prévoir une règle tant soit peu contraignante qui permette à toutes les communes de bénéficier de la réserve parlementaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Malheureusement, j’émettrai de nouveau un avis défavorable sur votre amendement, mon cher collègue ; permettez-moi d’en expliquer les raisons.

D’abord, la rédaction de cet amendement pose problème : nous ne pouvons pas écrire dans une proposition de loi organique qu’un parlementaire « fai[t] bénéficier » telle ou telle commune d’une subvention. En pratique, les parlementaires proposent et le Gouvernement affecte les fonds. C’est une forme de convention.

Ensuite, même si je comprends votre volonté de renforcer les garanties, cela risque d’engendrer un problème. Je précise au préalable que nous avons prévu que les projets devront répondre à une notion d’intérêt général et qu’ils ne pourront être proposés par plusieurs députés ou sénateurs, afin d’éviter les effets de concurrence électoraliste. Ainsi, priver un parlementaire de la possibilité de soutenir deux fois la même commune, même à six ans d’intervalle, peut poser quelques difficultés, car certains départements comptent quarante communes, voire moins. Dans ce cas, si l’on ne peut pas choisir de nouveau les mêmes communes, comment répartir la réserve parlementaire ?

Enfin, vous risqueriez de créer une asymétrie entre les subventions versées aux communes et celles qui sont distribuées aux associations, lesquelles ne seraient pas contraintes par ce type de critères.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je remercie le rapporteur qui s’est fait le très bon défenseur des territoires ultramarins, où il y a fort peu de communes.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Très juste !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Certains départements comptent seulement trente communes, bien loin des 650 communes de l’Eure, par exemple ! Dès lors, comment leur expliquer, demain, que l’on a créé un outil qui doit être réparti sur la tête de chacune de ces communes ? Il y aurait là quelque chose de discriminatoire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Chevalier et A. Marc, Mme Lermytte et MM. Wattebled, Chasseing et Brault, est ainsi libellé :

Alinéa 19, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

« Le montant de la subvention proposé peut concerner le montant prévisionnel total du projet engagé. »

La parole est à M. Cédric Chevalier.

M. Cédric Chevalier. Comme on dit, 100 % des gagnants ont tenté leur chance… (Sourires.)

Cet amendement vise à revenir à la rédaction originale du texte, qui ne limitait pas le financement à « la moitié du montant total de la dépense subventionnable au titre du projet concerné ». Les subventions attribuées dans le cadre de la réserve parlementaire, telle qu’elle est prévue par le présent texte, ne doivent pas suivre les mêmes règles que celles qui sont versées par l’État. Elles doivent permettre un financement des projets à 100 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Le fait que le montant de la subvention proposée ne puisse pas couvrir le montant total du projet envisagé est une exigence de bonne gestion. Le montant de la subvention versée par l’État ne peut avoir pour effet de porter le montant des aides publiques directes à plus de 80 % : c’est la règle de droit commun qu’il nous faut garder à l’esprit.

On pourrait en outre mettre en doute la soutenabilité du budget des communes qui ne pourraient pas participer au minimum à la dépense d’investissement ; pourraient-elles, par la suite, faire face aux coûts d’usage ? Une telle mesure ne nous paraîtrait pas saine.

Du reste, les subventions versées au titre de la réserve parlementaire ne seraient pas différentes des subventions de droit commun ; nous ne pouvons donc pas supprimer la règle existante. En l’occurrence, nous avons retenu un plafond de financement de 50 %.

Enfin, permettez-moi de vous dire, sans esprit de malice, que cet amendement me semble contradictoire avec le précédent : en matière de gestion des finances publiques, il me semble largement préférable, plus sain, de pouvoir cofinancer à hauteur de 50 % deux projets d’intérêt général lancés par une même commune que d’attribuer une subvention à une seule commune représentant 100 % du projet, sans avoir la garantie qu’elle disposera du budget de fonctionnement nécessaire pour en assurer, à terme, la viabilité.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. Je pense que M. Lemoyne ne me contredira pas : il s’agit d’une subvention non pas d’un parlementaire, mais de l’État ; or les subventions de l’État ne peuvent dépasser 50 % du montant du projet considéré.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. 80 % !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous pourrons sans doute peaufiner les choses au cours de la navette.

Il me semble que, entre le texte issu de la commission et l’amendement de notre collègue Chevalier, il existe une voie médiane. Beaucoup de projets peuvent être subventionnés jusqu’à 80 % : il ne me semble donc pas idiot que les financements assurés par la réserve parlementaire puissent atteindre ce niveau.

En outre, ayons en tête la cohérence de nos travaux : il y a quelques heures à peine, la Haute Assemblée a adopté à l’unanimité des présents – 340 voix – une proposition de loi permettant de financer jusqu’à 90 % les travaux de rénovation des bâtis scolaires, donc de dépasser ce seuil de 80 %.

Nous pouvons donc continuer de travailler à cette question. La rédaction de cet amendement n’est sans doute pas tout à fait adéquate, mais, pour la suite de nos débats, je défends l’idée d’un seuil porté à 80 %.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je signale que l’amendement n° 10 tendant à modifier l’intitulé de la proposition de loi organique a été retiré par son auteur.

M. Christian Bilhac. Je vous le confirme, madame la présidente !

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi organique.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi organique.

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique, modifié, de la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 102 :

Nombre de votants 286
Nombre de suffrages exprimés 268
Pour l’adoption 226
Contre 42

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants ; la durée de la suspension sera bien entendu décomptée des quatre heures attribuées au groupe Union Centriste pour l’ordre du jour qui lui est réservé.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-huit, est reprise à dix-sept heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que la proposition de loi que nous venons d’adopter, ainsi que celle dont nous allons discuter sont inscrites à l’ordre du jour de l’espace réservé au groupe Union Centriste, limité à quatre heures.

Aussi, je me verrai dans l’obligation de lever la séance à dix-neuf heures quinze au plus tard. Si nous n’avons pas achevé l’examen du prochain texte dans le délai imparti, il appartiendra à la conférence des présidents d’en inscrire la suite à l’ordre du jour d’une séance ultérieure.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'entretien régulier de relations personnelles entre l'enfant et ses parents en cas de séparation de ces derniers
Discussion générale (suite)

Droits de l’enfant

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'entretien régulier de relations personnelles entre l'enfant et ses parents en cas de séparation de ces derniers
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi relative aux droits de l’enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation de ces derniers, présentée par Mme Élisabeth Doineau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 308 [2021-2022], texte de la commission n° 177, rapport n° 176).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Élisabeth Doineau, auteure de la proposition de loi.

Mme Élisabeth Doineau, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mes collègues du groupe Union Centriste de me donner l’occasion de présenter ma première proposition de loi.

Enregistrée à la présidence du Sénat le 16 décembre 2021, celle-ci m’a été soufflée par l’un de nos anciens collègues, Yves Détraigne, que je remercie, lui aussi, de m’avoir accordé sa confiance. Je suis très heureuse d’être devant vous aujourd’hui pour débattre d’un sujet essentiel.

Je souhaite que la discussion à venir soit sereine et dépassionnée,…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Oui !

Mme Élisabeth Doineau. … et qu’elle se déroule dans un esprit d’apaisement et de responsabilité profitable à l’enfant.

Je tiens à le rappeler en préambule, la seule boussole qui m’a guidée au cours de la rédaction de cette proposition de loi est l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’article 9, alinéa 3, de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), ratifiée le 7 août 1990 par la France, reconnaît « le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Cette disposition a été reprise quasiment à l’identique dans la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale et figure désormais à l’article 373-2, alinéa 2, du code civil.

Cette même loi a introduit la résidence alternée dans le code civil. Ce mode de résidence est l’application concrète du principe de coparentalité.

En dépit de la volonté du législateur de favoriser son recours, la résidence alternée s’est peu développée en France : selon l’Insee, seuls 12 % des enfants de parents séparés se trouvent en résidence alternée. Selon une méthodologie statistique différente, la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) fait état d’une progression de 12 points entre 2012 et 2022 : 29 % des enfants seraient désormais concernés par ce mode de garde.

Quoi qu’il en soit, la fixation d’une résidence alternée est de plus en plus reconnue par les juges comme bénéfique à l’enfant en cas de séparation de ses parents.

Selon la cour d’appel de Versailles, « l’alternance est un système simple, prévisible qui permet aux enfants comme aux parents de se projeter dans l’avenir et de construire des projets fiables. Elle permet aux enfants de prendre appui de façon équilibrée sur chacun des parents et de bénéficier plus équitablement de leurs apports respectifs de nature différente, mais complémentaires ».

La cour d’appel de Paris en a conclu que l’instauration d’une résidence en alternance offre le meilleur cadre à la mise en œuvre de l’article 9, alinéa 3, de la Convention internationale des droits de l’enfant et de l’article 373-2, alinéa 2, du code civil, aux termes duquel chacun des parents « doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent ».

La Belgique accorde la priorité à la garde et à la résidence alternée depuis 2006 ; la Suisse s’apprête également à le faire.

En France, la coparentalité et la médiation – à laquelle on recourt de plus en plus – sont des notions qui contribuent déjà à l’évolution des mentalités.

Cependant, une réelle inégalité persiste entre les deux parents. Il nous faut la corriger, tout en ayant pour seule ambition l’intérêt et les besoins de l’enfant.

Selon Christine Castelain Meunier, sociologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), « cette nécessaire évolution s’inscrit dans une société marquée par des changements profonds quant à la place et au rôle de chacun des parents, et à l’importance de la négociation pour l’assumer. »

Faisons le pari qu’en clarifiant les règles applicables et en réduisant ainsi l’aléa judiciaire, la loi contribuera à « déjudiciariser » le contentieux familial et à désencombrer les tribunaux.

J’en viens aux dispositions de la proposition de loi telle que je l’avais présentée.

L’article 1er prévoyait d’aligner la rédaction de l’article 373-2 du code civil sur celle de l’article 9, alinéa 3, de la Convention internationale des droits de l’enfant. Le code civil disposerait désormais que chacun des parents « doit maintenir et entretenir régulièrement des relations personnelles avec l’enfant » – c’est cet adverbe qui serait ajouté.

L’article 2 visait à encourager le recours à un temps de présence parentale aussi équilibrée que possible. Il s’agissait non pas d’imposer au juge une solution unique – et je ne peux qu’insister sur ce point, car cela m’a été reproché –, alors que les situations familiales peuvent être diverses, mais de faire en sorte qu’en France, conformément à la jurisprudence précitée, tous les juges aux affaires familiales (JAF) examinent préalablement et prioritairement une organisation aussi équilibrée que possible lorsque l’un des parents le demande.

Cette priorité se traduisait par la création, comme en Belgique, d’un régime de présomption légale, laquelle pouvait naturellement, au regard des pièces du dossier, être renversée par le juge s’il était démontré par l’un des parents que l’intérêt supérieur de l’enfant commandait de fixer la résidence de l’enfant au domicile de l’un d’eux. Ce renversement de la charge de la preuve permettait d’unifier la jurisprudence et de se conformer à la volonté du législateur exprimée en 2012.

Naturellement, le texte n’entend en aucun cas privilégier un temps parental équilibré lorsque des violences intrafamiliales sont établies, notamment quand l’un des parents exerce sur l’autre des pressions ou des violences à caractère physique ou psychologique.

Étonnamment, l’article 373-2-11 du code civil ne prévoit aucun critère ayant trait à des pressions ou des violences sur la personne de l’enfant, lorsque le juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

L’article 3 y remédiait, en excluant explicitement le prononcé par le juge d’un temps parental équilibré en cas de comportement violent d’un parent, que cette violence s’exerce sur l’autre parent par le biais d’une instrumentalisation de l’enfant, ou sur celui-ci.

J’ai eu de nombreux échanges avec Mme la rapporteure et j’ai bien vu qu’elle tenait à respecter l’ambition que j’affichais au travers de cette proposition de loi. C’est pourquoi j’ai accepté les modifications qui ont été apportées à mon texte.

Je retiens des travaux de la commission des lois que cette dernière a jugé que les articles 1er et 3 étaient bienvenus.

Si elle a quelque peu circonscrit la portée du texte, en réécrivant l’article 2 relatif à la présomption légale, je souhaite néanmoins que la présente proposition de loi permette à la coparentalité de franchir une nouvelle étape – voilà le plus important ! –, en prévoyant un dispositif équilibré et juste, dénué d’esprit polémique et tenant compte des précédents débats sur le sujet.

Cette évolution accompagne, me semble-t-il, les changements de notre société. Certes, il faut faire preuve de prudence et de justesse, mais j’atteste de la nécessaire rigueur du travail réalisé par la commission, et notamment par Mme la rapporteure.

Je l’ai dit en préambule, gageons que les débats parlementaires sauront offrir un cadre de discussion serein et dépassionné, dans un esprit d’apaisement et de responsabilité profitable à l’enfant. Il y va de son intérêt comme de celui de la société tout entière. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos et M. Olivier Bitz applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans l’histoire quelque peu heurtée de la résidence alternée. Je remercie à cet égard notre collègue Élisabeth Doineau, qui nous donne l’occasion de débattre et de nous prononcer sur le sujet.

Consacrée juridiquement en 2002, la résidence alternée constituait en réalité, dès avant cette date, une modalité d’organisation déjà pratiquée par certains parents. Depuis son inscription dans la loi, le recours à la résidence alternée a connu une progression constante : aujourd’hui, selon des données qui m’ont été communiquées par le ministère de la justice, environ 29 % des décisions rendues par les juges aux affaires familiales prescrivent un régime de résidence alternée pour les enfants de parents séparés.

À rebours du constat parfois dressé par ses partisans les plus ardents, la résidence alternée ne connaît donc pas un échec, mais croît progressivement, à mesure de son appropriation par les parents.

Si cette pratique demeure minoritaire, c’est notamment en raison du faible nombre de demandes dont elle fait l’objet : la dernière étude complète et actualisée de la direction des affaires civiles et du sceau, qui date de 2012, montrait ainsi que la résidence alternée était peu demandée par les mères, comme par les pères, ce qui aboutissait à un taux général relativement faible.

Malgré cet état de fait, le régime de la résidence alternée fait régulièrement l’objet d’initiatives législatives tendant à renforcer le recours à ce dispositif.

Saisie de ce texte, la commission des lois a tâché de faire œuvre utile, dans un esprit de responsabilité. Ses travaux ont été guidés par deux principes.

Le premier est la volonté de donner corps, dans la stricte mesure du possible, à l’objectif visé dans la proposition de loi, celui d’un renforcement du principe de coparentalité par la poursuite d’une implication aussi équilibrée que possible entre les deux parents dans l’éducation de l’enfant en cas de séparation.

Le second est la préservation à tout prix de l’intérêt de l’enfant, valeur qui innerve le droit de l’autorité parentale – à bon droit, me semble-t-il. Les dernières années ont bien montré combien la structure familiale peut malheureusement se révéler violente et maltraiter les enfants. Dans la conciliation que nous devons opérer entre les divers principes qui irriguent le droit de la famille, celui-ci me paraît toujours devoir primer.

Animée par les principes que je viens d’indiquer, la commission a abouti à une conclusion très claire : l’entretien aussi régulier que possible de relations entre les parents séparés et leur enfant ne saurait s’opérer au prix de l’intérêt de ce dernier. Celui-ci ne se présume pas ; il se constate.

Or il appert manifestement que la résidence alternée ne saurait convenir à l’ensemble des enfants. Néanmoins, notre droit peut être marginalement modifié pour faire apparaître, au travers de dispositions de portée essentiellement interprétative, la pertinence que peut revêtir, pour certains enfants, l’entretien aussi régulier que possible de relations avec leurs deux parents.

En conséquence, guidée par la volonté de la préservation la plus protectrice possible de l’intérêt de l’enfant, la commission a d’abord rejeté les dispositions de l’article 2 tendant à instaurer une présomption d’intérêt de l’enfant à la résidence alternée et liant la compétence du juge dans le choix du mode de résidence de l’enfant.

Convaincue de la nécessité de maintenir une appréciation in concreto de l’intérêt de l’enfant, la commission a ainsi estimé qu’il aurait pu être contraire à l’intérêt de l’enfant de systématiser la résidence alternée. Elle a donc fait en sorte que la marge d’appréciation du juge soit aussi étendue que possible.

La commission a néanmoins souhaité renforcer la prise en compte par le juge aux affaires familiales de la pertinence de l’entretien régulier entre les parents séparés et leur enfant.

D’une part, la commission n’a pas considéré que l’article 1er était malvenu, tout en estimant que sa portée juridique était extrêmement limitée. Elle a jugé qu’il viendrait signifier plus clairement aux parents que leurs obligations incluent l’entretien aussi régulier que possible de relations personnelles avec leur enfant.

D’autre part, la commission a très significativement modifié l’article 2 pour que le juge, lorsqu’il se prononce sur un droit de visite et d’hébergement (DVH), c’est-à-dire lorsque la résidence alternée n’a pas été ordonnée, tienne compte de la nécessité d’un entretien aussi régulier que possible des relations personnelles entre parent et enfant.

Ce faisant, la commission n’a souhaité en rien contraindre le juge ; elle a plutôt cherché à lui envoyer un signal symbolique, lui demandant, sous réserve que cela soit conforme à l’intérêt de l’enfant, qu’il tâche d’octroyer un DVH aussi large que possible.

Enfin, la commission n’a pas vu de difficulté à l’adoption de l’article 3 : si des situations de violences d’un parent à l’égard de l’enfant étaient déjà prises en compte dans les faits, la précision apportée par cet article viendrait utilement le rappeler au juge.

En conclusion, mes chers collègues, je vous propose d’adopter le texte issu des travaux de notre commission, qui me paraît pouvoir recueillir un large assentiment.

Si les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain et s’ils méritent évidemment toute notre attention, il ne faut pas oublier que nous sommes aussi, dans cet hémicycle, le reflet des enfants que nous étions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mmes Laure Darcos et Antoinette Guhl applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, madame la sénatrice Doineau, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a fait de la politique publique de l’enfance l’une des priorités absolues de son action.

Aussi, la protection des droits des enfants est au cœur de la feuille de route du Gouvernement, qui en a fait un engagement fort. Je me félicite donc de voir émerger au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, différentes propositions de loi visant à leur permettre de grandir dans un cadre protecteur, entourés, dans la mesure du possible, de leurs deux parents.

Aujourd’hui, le Sénat examine en première lecture l’une de ces propositions de loi, défendue avec conviction par Mme la sénatrice Doineau, que je veux ici saluer chaleureusement. Qu’il me soit permis de dire que son vœu de voir un débat serein et dépassionné sera – je le subodore – pleinement exaucé.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je ne vous avais pas vue, madame la sénatrice… (Sourires.)

Mme Laurence Rossignol. Il y aura de la passion, monsieur le ministre ! Vous n’êtes pas venu pour rien ! (Nouveaux sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Votre texte, madame la sénatrice Doineau, traite d’une question particulièrement importante : les conditions dans lesquelles l’enfant entretient des relations régulières avec ses parents, lorsque ceux-ci sont séparés.

Quand les parents se séparent, ces derniers ou, à défaut, le juge aux affaires familiales, organisent les conditions dans lesquelles leur enfant pourra maintenir des relations avec chacun d’eux.

Il s’agit là d’un droit fondamental, notamment rappelé par le sixième principe de la Déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959. Nous partageons donc pleinement l’objectif de cette proposition de loi, qui vient insister sur la nécessité pour l’enfant d’entretenir des relations personnelles régulières avec ses deux parents.

En la matière, il convient cependant d’être prudent quant aux leviers employés pour parvenir à cette concorde, au premier rang desquels la fixation du mode de garde. Comme vous le savez, il y a autant de situations différentes que de familles. L’intérêt de l’enfant doit donc toujours s’apprécier de manière nuancée, au cas par cas.

En 2014, le Défenseur des droits avait eu l’occasion de rappeler « qu’un équilibre devait être trouvé entre la non-automaticité de la résidence alternée, dans l’intérêt de l’enfant, et l’exercice effectif de l’autorité parentale conjointe ». Il soulignait ainsi que la systématisation du principe de la résidence alternée, notamment pour les bébés et les petits enfants, pouvait aller à l’encontre de l’intérêt et de l’équilibre des enfants concernés.

Je crois en effet qu’en matière de protection de l’intérêt de l’enfant, il faut faire preuve la plus grande prudence envers toute automaticité.

Je relève d’ailleurs que les travaux de la commission des lois, sous l’impulsion de Mme la rapporteure Marie Mercier, qui a une connaissance fine des questions relatives à l’enfance, ont permis d’emprunter ce chemin, qui est celui de la prudence.

Nous examinons donc aujourd’hui un texte qui tend vers un équilibre intéressant entre, d’une part, la promotion d’une coparentalité équilibrée, d’autre part, la préservation de l’intérêt de l’enfant.

L’article 1er de la proposition de loi, dans sa version initiale, entend modifier l’alinéa 2 de l’article 373-2 du code civil, afin de préciser que les parents doivent entretenir « régulièrement » des relations personnelles avec l’enfant.

Si cette rédaction, validée par la commission des lois, a une portée essentiellement symbolique, elle présente également un intérêt pédagogique. Il s’agit ici de rappeler que, pour pouvoir prendre des décisions dans l’intérêt de l’enfant, il est évidemment nécessaire – c’est tautologique – d’entretenir des relations régulières avec celui-ci.

Un tel rappel me semble bienvenu en ce qu’il est de nature à responsabiliser les parents.

L’article 2 précise que la notion de droit de visite recouvre également celle de droit d’hébergement.

Cette précision est utile : elle clarifie les textes et lève toute ambiguïté éventuelle. La commission des lois ne s’y est d’ailleurs pas trompée, puisqu’elle a conservé cette information.

L’article 2, dans sa version initiale, entendait en revanche faire de la résidence alternée le mode de résidence par principe de l’enfant, lorsque l’un des parents au moins en faisait la demande. Une telle rédaction suscitait certaines interrogations, car il est difficile d’ériger la résidence alternée en modèle unique et absolu qui s’appliquerait à toutes les familles.

Je dirais même que, dans certaines configurations, imposer cette organisation familiale à un parent qui ne l’a pas choisie peut s’avérer contre-productif, voire dangereux pour l’enfant si le parent contraint se montre totalement désinvesti ou, pire, maltraitant.

Votre commission des lois a donc proposé une nouvelle version de cet article 2 afin, d’un côté, de ne pas imposer de modèle de résidence de l’enfant et, de l’autre, de promouvoir un temps parental équilibré. Elle constitue une piste de travail intéressante qu’il semble utile d’approfondir dans la suite des débats parlementaires.

Permettez-moi de rappeler que nous ne partons pas de rien. Le droit positif encourage déjà la mise en place de la résidence alternée pour l’enfant : l’article 373-2-9 du code civil invite le juge aux affaires familiales, lorsqu’il est saisi d’une demande aux fins de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, à envisager la résidence alternée en première intention.

Autre outil mis en place pour favoriser la résidence alternée : le code civil permet de mettre en place une résidence alternée à l’essai, à titre provisoire, et offre au juge toute latitude pour en fixer les modalités en prévoyant, le cas échéant, une progressivité.

En pratique, cette promotion de la résidence alternée porte déjà ses fruits : la dernière enquête sur la résidence alternée, réalisée par le ministère de la justice en 2022, et l’enquête flash sur les conventions de divorce par consentement mutuel, réalisée par le Conseil supérieur du notariat en juin 2022, établissent ainsi que le taux de résidence alternée a fortement augmenté depuis dix ans. Alors qu’il atteignait 17 % en 2012, il est désormais estimé à environ 29 %, soit une progression de 12 points en dix ans.

Autrement dit, aujourd’hui, presque une résidence sur trois est une résidence alternée. Il est donc clair que la garde alternée gagne du terrain.

Elle n’est pas pour autant toujours souhaitée ou souhaitable. Ainsi que l’a constaté le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans son rapport du 22 novembre 2017, « si la résidence des enfants est majoritairement fixée aujourd’hui chez les mères, c’est parce que les pères ne la demandent pas. En effet, 93,4 % des décisions des juges aux affaires familiales sont rendues conformément à la demande des pères, et 95,9 % conformément à la demande des mères ».

Ces chiffres, si l’on s’y arrête un instant, sont extrêmement parlants.

Enfin, l’article 3 de la présente proposition de loi entend compléter les critères pris en compte par le juge aux affaires familiales lorsqu’il statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Il prévoit d’ajouter à l’article 373-2-11 du code civil les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur l’enfant.

Si les juges tiennent évidemment déjà compte du comportement des parents envers leurs enfants et des violences qui ont pu être commises, il me paraît toutefois intéressant de consacrer une telle pratique dans les textes.

Cela va dans le sens d’une meilleure protection de l’intérêt de l’enfant – et vous connaissez mon engagement plein et entier à ce sujet.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les débats de cet après-midi s’annoncent riches. Je souhaite qu’ils nous permettent d’avancer ensemble et de trouver les solutions à mettre en œuvre pour promouvoir une implication régulière des parents dans l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit en tout lieu et en tout temps rester notre seule boussole. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme le rapporteur et Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voici un fait incontestable : dans la grande majorité des cas de séparation impliquant des enfants, la résidence principale de ces derniers est établie chez la mère. La résidence alternée ne concerne donc qu’une minorité des cas.

La situation est telle aujourd’hui qu’elle pourrait nous conduire à affirmer la nécessité de poser le recours à la résidence alternée comme principe général, ce qui nous ferait aller dans le sens de la version initiale du présent texte. Mais nous passerions alors à côté d’un élément central : dans une proportion plus grande encore, la décision du juge en matière de résidence des enfants correspond à la demande des deux parents.

Nous sommes donc loin de la vision fantasmée et véhiculée par certaines associations selon laquelle les pères seraient les victimes d’un système judiciaire qui les discriminerait : quand les pères demandent la résidence alternée, ils l’obtiennent, dans l’immense majorité des cas.

J’avance ici l’hypothèse que, si l’ensemble des litiges ne concernent évidemment pas un ou des parents violents, lorsque tel est le cas, ils ne seront sans doute pas en accord sur la façon de se séparer.

Notre unique préoccupation doit être l’équilibre, l’intérêt et le bien-être de l’enfant ; cet objectif ne peut être atteint qu’en maintenant son pouvoir d’appréciation au juge, et non en posant un principe général.

Je sais que la plupart de nos voisins européens établissent le recours à la garde alternée en cas de séparation des parents en principe général. Ils considèrent celle-ci comme étant de nature à rééquilibrer le rôle des deux parents auprès des enfants. En Suède, la garde alternée est ainsi ordonnée dans 48 % des cas. Elle l’est dans 37 % des cas aux Pays-Bas, contre seulement 12 % en France.

La résidence alternée soulève évidemment des questions matérielles et financières importantes : érigée en principe général, elle pourrait finalement, et de manière contre-intuitive, conduire à renforcer les inégalités entre les femmes et les hommes.

Les femmes représentent la majorité des familles monoparentales avec des revenus modestes : la résidence alternée, érigée en principe général, risquerait de les appauvrir, puisqu’elles bénéficieraient d’une pension alimentaire moindre. Cela pourrait aussi conduire à négliger la prise en compte des violences conjugales et intrafamiliales.

Si l’objectif est de développer la résidence alternée, il serait plus judicieux d’aider les familles à vivre sereinement ce mode de garde, de permettre une réelle égalité économique entre les femmes et les hommes et d’accompagner les parents vers une meilleure répartition de la charge parentale.

Je le rappelle, quand la résidence alternée est demandée, le juge l’accorde déjà dans la grande majorité des cas. Pourtant, la prépondérance du rôle de la mère dans l’éducation des enfants est encore largement majoritaire, en pratique et dans l’imaginaire collectif. Il reste beaucoup à faire.

C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’est interrogé sur l’opportunité et les apports d’une telle proposition de loi, notamment dans sa version initiale.

Le premier article du texte tend à compléter l’article 373-2 du code civil par l’ajout de la notion d’entretien régulier dans les relations personnelles que doit maintenir un père ou une mère avec son enfant.

Cette disposition vise, ni plus ni moins, à aligner la rédaction de la législation française sur celle de la Convention internationale des droits de l’enfant, ce qui ne soulève aucune objection de notre part.

Il en va de même de l’article 3 de la proposition de loi qui prévoit, par la modification de l’article 373-2-11 du code civil, l’exclusion explicite de la résidence alternée en cas de violences exercées par l’un des parents sur l’enfant. Parce qu’elle renforce la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales, cette disposition est plus que bienvenue.

En revanche, la version initiale de l’article 2 soulevait des interrogations. En effet, il s’agissait d’instaurer une présomption d’intérêt de l’enfant à bénéficier équitablement des apports respectifs de ses parents et, par là même, d’ériger le recours à la résidence alternée en principe général.

Pourtant, ni les associations ni les professionnels du droit ne sont aujourd’hui en mesure de se prononcer, de manière unanime, sur les bénéfices de la garde alternée pour l’enfant.

Aussi nous semblait-il pour le moins hasardeux de porter une atteinte si prononcée au pouvoir d’appréciation du juge.

Faute de disposer d’une autre solution, c’est à ce dernier que doit incomber l’évaluation concrète de la situation de l’enfant et le choix du dispositif le plus à même de sécuriser son quotidien.

Tenant compte de cette réalité, la commission des lois a choisi de rejeter la disposition proposée à l’article 2 et de lui substituer une mesure que nous jugeons plus satisfaisante : l’octroi d’un droit de visite et d’hébergement élargi au parent chez qui l’enfant ne réside pas.

Une fois l’article 2 profondément remanié, force est de constater que la présente proposition de loi a été amplement vidée de son contenu : sa portée est aujourd’hui limitée et elle ne devrait nullement modifier substantiellement la législation, ainsi que la pratique en vigueur.

En la matière, notre unique boussole est, et sera toujours, l’intérêt supérieur de l’enfant.

Aussi, bien que ce texte, issu d’une initiative parlementaire, ne permette d’améliorer que très marginalement le sort de l’enfant, nous estimons que toute avancée doit être saluée. C’est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se prononcera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme le rapporteur applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Schalck. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Olivier Bitz applaudit également.)

Mme Elsa Schalck. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans notre pays, chaque année, plus de 300 000 couples se séparent soit par divorce soit par dissolution de pacte civil de solidarité (Pacs).

Ces temps de rupture conjugale peuvent être compliqués et difficiles à gérer, notamment lorsque la séparation est conflictuelle et que des enfants sont issus de l’union.

La présente proposition de loi pose la question du mode de garde de l’enfant. Ce sujet, qui relève des modalités d’exercice de l’autorité parentale, peut être particulièrement sensible. Il est souvent, malheureusement, à l’origine de nombreux contentieux au sein des juridictions.

En cela, je salue l’initiative de notre collègue Élisabeth Doineau, qui nous invite à nous pencher sur le sujet et à nous interroger sur le droit positif, mais aussi sur son application.

Je tiens également à remercier la rapporteure, Marie Mercier, de son travail réalisé en un temps contraint et d’avoir mené des auditions précieuses, qui nous ont livré la vision des associations, des professionnels, mais aussi des personnes concernées au premier chef par ce sujet : les parents.

Cette proposition de loi a le mérite de rappeler que, lors d’une séparation, un enfant doit pouvoir entretenir des relations personnelles avec ses deux parents de manière régulière. Cela peut sembler une évidence, mais les séparations conjugales affectent parfois les protagonistes à un point tel qu’ils en perdent toute rationalité, notamment sur leur rôle de parent.

L’objet de l’article 1er est donc d’inscrire la notion d’entretien régulier dans le code civil, en alignant sa rédaction sur celle de la Convention internationale des droits de l’enfant. Cette disposition a une portée non seulement symbolique, mais également pédagogique, puisqu’elle vise à responsabiliser les parents.

L’article 3, quant à lui, tend à compléter les critères que le juge aux affaires familiales doit expressément prendre en considération pour rendre une décision relative à l’autorité parentale. Seraient ainsi prises en compte les éventuelles violences ou pressions exercées par l’un des parents sur l’enfant, étant entendu que les juges tiennent déjà compte, en pratique, de ces éléments.

Pour ce qui concerne les dispositions ayant trait à la résidence alternée, prévues initialement à l’article 2 de la proposition de loi, je suis favorable à leur suppression, conformément à la version du texte issue des travaux de la commission.

Cette position résulte non pas d’une opposition de principe à la garde alternée, qui peut présenter des atouts dans certains cas, mais de notre responsabilité, en tant que législateur, de toujours nous interroger pour savoir s’il est réellement nécessaire de modifier la loi. Cette question devrait d’ailleurs tous nous préoccuper, tant nous sommes nombreux à dénoncer l’inflation législative et les changements de réglementation bien trop fréquents, qui affectent les professionnels.

Selon l’article 373-2-9 du code civil, « la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux ». Un critère majeur est alors pris en compte : l’intérêt supérieur de l’enfant.

À mon sens, ce critère doit rester le moteur des décisions des juges aux affaires familiales, couplé à une appréciation in concreto, qui offre souplesse et adaptation au cas par cas. C’est une nécessité, mais aussi une force de notre droit positif, tant nous savons que chaque situation familiale ou personnelle est à la fois singulière et différente.

Ainsi, le cas d’un enfant en bas âge diffère de celui d’un adolescent ; de même, deux enfants du même âge peuvent être dans des situations complètement dissemblables.

En outre, la garde alternée ne recouvre pas les mêmes réalités selon l’éloignement géographique des domiciles des parents séparés ou les habitudes scolaires et extrascolaires de l’enfant. La qualité de la communication au sein du couple et le climat qui y règne doivent aussi être pris en compte.

Présumer que l’intérêt de l’enfant réside, par principe, dans la garde alternée risque, me semble-t-il, de rigidifier notre droit, de le rendre inadapté à une majorité de situations, voire d’aller à l’encontre de l’intérêt de l’enfant. D’autant que, dans certaines situations, la garde alternée ne paraît absolument pas appropriée comme – à l’évidence – en cas de violences conjugales et intrafamiliales.

L’appréciation souple du juge me semble constituer un atout à préserver. Pour autant, cela ne doit pas nous exonérer de nous interroger sur son application.

En effet, la garde alternée reste encore une modalité de résidence minoritaire – c’est une réalité –, malgré une tendance à la hausse, liée à la recherche accrue d’une parentalité équilibrée.

Il nous faut tenir compte non seulement des sentiments exprimés par les parents, notamment les pères, qui vivent certaines décisions comme une injustice, mais aussi du besoin de connaître les raisons qui ont motivé une décision de garde.

Cela est d’autant plus vrai que les délais de traitement judiciaire des affaires familiales sont particulièrement longs dans notre pays. Une telle lenteur est difficilement compatible avec l’évolution d’un enfant.

Enfin, en matière de droit de la famille, il est essentiel de parvenir à l’apaisement et de ramener de la sérénité dans des temps familiaux qui n’en sont pas toujours empreints. En cela, nous devons encourager les règlements amiables des conflits.

Mme la présidente. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Elsa Schalck. Pour toutes ces raisons, nous voterons le texte issu des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme le rapporteur applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, monsieur le garde de sceaux, mes chers collègues, la famille est la cellule de base de la société, au sein de laquelle se forge la personnalité des enfants et où ils s’épanouissent et grandissent moralement et intellectuellement.

La séparation des parents, parfois dès leur plus jeune âge, est bien souvent vécue douloureusement.

Si nous sommes tous ici conscients de l’augmentation gravissime des violences intrafamiliales, les séparations ne sont, heureusement, pas toujours conflictuelles.

À l’évidence, il importe en toutes circonstances de privilégier l’intérêt de l’enfant, comme nous y invite la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France en 1990.

Pour ma part, je considère que la parentalité est une responsabilité à vie, qui se partage – notamment en ce qui concerne l’éducation.

La résidence alternée me semble une solution à privilégier aux autres formes d’organisation, qui pourraient créer une situation inéquitable au détriment du parent n’obtenant pas le droit d’accueillir son enfant à son domicile.

Elle est le dispositif le plus vertueux en ce qu’elle encourage une coopération continue entre les deux parents et crée un environnement familial stable, sécurisant et propice à l’épanouissement de l’enfant.

Elle permet également à celui-ci de renforcer ses liens avec son entourage familial plus large. Je pense notamment aux grands-parents, qui contribuent aussi à l’équilibre affectif de l’enfant et qui passent malheureusement trop souvent au second plan lorsqu’il s’agit de fixer les conditions de la séparation des parents.

Or nombre de pères de bonne volonté constatent, vingt ans après sa reconnaissance juridique, que la résidence alternée est peu proposée par les juges aux affaires familiales, au profit d’une résidence chez la mère – en cela, mes propos s’opposent à ceux de plusieurs orateurs qui m’ont précédée.

Aussi, je salue l’initiative de notre collègue Élisabeth Doineau, qui vise à favoriser le recours à la résidence alternée ou, à défaut, à un temps parental aussi équilibré que possible entre les deux parents dans l’éducation de leurs enfants.

L’article 1er de la proposition de loi établit clairement l’obligation pour les deux parents d’entretenir des liens personnels réguliers avec leurs enfants. C’est un motif de satisfaction.

Je me félicite également que l’article 3 permette d’écarter la résidence alternée en cas de pressions ou de violences à caractère physique ou psychologique exercées par l’un des parents sur l’enfant lui-même. Jusqu’à présent, seules étaient prises en compte lesdites violences exercées à l’encontre de l’autre parent. Cette précision paraît utile même si, dans les faits, de telles situations sont fort heureusement déjà prises en compte par les juges.

L’article 2 prévoyait initialement d’instaurer une présomption légale d’intérêt de l’enfant à la résidence alternée et une compétence liée du juge. Ainsi, le juge aux affaires familiales aurait été tenu d’ordonner la résidence alternée si l’un des parents le demandait, sauf s’il était démontré qu’elle n’était pas conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Dans le cas où le principe de la résidence alternée aurait été écarté, le juge aurait alors dû se prononcer, en priorité, sur un droit de visite et d’hébergement élargi au bénéfice du parent chez qui l’enfant ne réside pas.

Je regrette que la commission ait singulièrement atténué la portée des dispositions de l’article 2 et décidé de préserver la totale liberté d’appréciation du juge. Il s’agit, à mon sens, d’un recul en matière d’égalité des droits.

La commission a prévu que le juge tienne compte, lorsqu’il se prononce sur les modalités de visite et d’hébergement, de la nécessité, pour les parents séparés, d’entretenir avec leurs enfants des relations personnelles aussi régulières que possible.

Cette disposition répond à l’objectif de maintenir les liens entre les parents et les enfants en cas de séparation. Nous l’approuvons.

Madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires sont particulièrement sensibles aux questions relatives à l’enfance. Ils souscrivent pleinement à l’objectif de ce texte – même si la portée de ce dernier a été amoindrie – de renforcer le principe de coparentalité lorsque les parents se séparent.

En conséquence, ils voteront en faveur de l’adoption de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme le rapporteur et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien.

Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, quelle est l’ambition initiale de ce texte ? Il s’agit tout simplement d’encourager la résidence alternée de l’enfant chez chacun de ses parents, afin de favoriser l’entretien régulier de relations personnelles entre les parents et leur enfant dans un contexte de séparation.

Ce débat m’offre l’occasion de dire tout le bien que je pense de la médiation. Lors d’un divorce, les parents sont souvent concentrés sur leur conflit, oubliant parfois de considérer l’enfant et sa future place.

Grâce à la médiation, l’enfant et son bien-être reviennent au cœur de la séparation, de telle sorte que les parents réfléchissent ensemble à ce qui paraît le mieux pour lui. Cela permet de s’orienter plus facilement vers une résidence alternée, si c’est dans l’intérêt de l’enfant.

L’intérêt de l’enfant, c’est justement la philosophie de notre rapporteur, Marie Mercier, dont je tiens à saluer une nouvelle fois le travail de qualité effectué en collaboration avec notre collègue Élisabeth Doineau, auteure de cette proposition de loi. Ce travail a permis d’aboutir à une version du texte qui concilie des positions divergentes, ce qui n’était pas une mince affaire !

Tout d’abord, la proposition de loi prévoit une clarification : la notion de maintien de relations personnelles serait complétée par la nécessité d’un entretien régulier de ces dernières, ce qui préciserait la portée de l’obligation ainsi faite aux parents.

Une telle précision est utile au regard des débats récents sur la place et le rôle des pères lors des séparations.

Disons-le franchement, il n’est pas cohérent de demander aux hommes d’assumer leurs responsabilités, d’allonger la durée des congés de paternité et de leur retirer tout rôle après un divorce. Je tiens à le rappeler, s’il existe des hommes violents, ils sont – et c’est heureux ! – nombreux à ne pas l’être.

Pour ce qui concerne les cas de violences intrafamiliales, l’article 3 prévoit la prise en considération, par le juge aux affaires familiales, des pressions ou des violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur l’enfant ou l’autre parent. Je salue l’existence d’une telle disposition.

En la matière, la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, présentée par notre collègue députée Isabelle Santiago, devrait enfin être votée afin de pouvoir retirer l’exercice de l’autorité parentale aux pères violents.

Ensuite, la commission des lois a choisi de préserver la liberté du juge, ce qui est évidemment nécessaire, puisque chaque cas est unique.

Cela est d’autant plus important qu’aucun consensus n’existe sur les bénéfices de la résidence alternée pour l’enfant. Ainsi, les associations ont des positions diamétralement opposées en la matière. En outre, d’après les magistrats auditionnés, la résidence alternée peut être la meilleure comme la pire des solutions selon l’enfant.

Face à ce constat, laisser la main au juge, qui décidera en appréciant au mieux la situation familiale et l’intérêt de l’enfant, paraît une bonne solution. La décision sera ainsi personnalisée.

Toutefois, les différentes possibilités de résidence de l’enfant doivent être présentées non seulement pour que les pères osent demander la garde alternée, ce que souvent ils s’interdisent, persuadés qu’elle leur sera refusée, mais aussi pour que les mères osent faire la même demande, alors qu’elles se censurent souvent de peur de passer pour une mauvaise mère. Il importe de mettre toutes les possibilités sur la table et de laisser le juge trancher au bénéfice de l’enfant et non pas seulement des parents.

Je remercie l’auteure de cette proposition de loi ainsi que la rapporteure d’avoir mené un travail conjoint pour aboutir à un texte équilibré, en faveur duquel le groupe Union Centriste votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mme le rapporteur applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Antoinette Guhl. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je remercie nos collègues de l’Union Centriste, en particulier Élisabeth Doineau, auteure de la proposition de loi, de nous permettre de débattre d’une question si importante : les relations entre l’enfant et ses parents après la séparation de ces derniers.

Chaque année, 380 000 couples avec enfants se séparent. Si toute séparation est singulière, l’ancien couple doit toujours répondre à des questions d’une vaste portée. Par exemple, qui amènera l’enfant à l’école ou chez des amis ? Lorsque l’enfant veut s’inscrire à une association sportive, qui peut remplir le formulaire d’adhésion et qui paie ? Chez qui habitera l’enfant ? Qui a un droit de visite ?

En somme, la séparation pose la question de l’exercice de l’autorité parentale et des modalités de garde.

Si l’exercice de l’autorité parentale est, le plus souvent, partagé entre les deux parents, la garde est rarement confiée uniquement au père.

Certes, la résidence alternée serait une solution de substitution, mais elle demeure rare, elle aussi. Inscrite dans la loi depuis plus de vingt et un ans, elle concerne aujourd’hui seulement 12 % des enfants. Par conséquent, les relations entre les enfants et leurs parents séparés sont rapidement déséquilibrées.

Dans ce contexte, il serait tentant d’inscrire dans la loi un type de relations à entretenir entre parents et enfants. Mais serait-ce une approche appropriée ? Nous ne le croyons pas.

Cela risquerait d’imposer un cadre qui ne conviendrait ni aux parents ni aux enfants. Une telle relation pourrait ainsi aller à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant. Plus spécifiquement, imposer un tel cadre risque d’exposer les enfants aux violences intrafamiliales ou incestueuses.

Certes, des exemptions peuvent toujours être prévues afin de retirer le droit de visite, voire l’autorité parentale, au parent violent. Encore faut-il que ces faits de violences soient avérés pour pouvoir être pris en compte. Toute autre disposition serait une violation de la présomption d’innocence.

Or nous sommes loin du compte, puisque la plupart des faits ne sont même pas signalés. Le rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), remis le mois dernier, l’a encore souligné : seule une victime d’inceste sur dix révèle l’existence des violences au moment des faits. En d’autres termes, 90 % des victimes risqueraient de se voir imposer une relation avec leur agresseur.

Dès lors, comment empêcher cette exposition à la violence et à l’inceste ? Garantir l’examen au cas par cas de chaque situation est la seule manière de s’assurer de la réelle prise en compte de l’intérêt de l’enfant.

Pour être très claire, il n’est jamais dans l’intérêt de l’enfant d’être obligé de passer du temps avec un parent violent – jamais.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Exactement !

Mme Antoinette Guhl. Néanmoins, seule une prise en compte de la situation individuelle de l’enfant permet d’identifier de tels cas. C’est pourquoi nous saluons l’objet de l’article 3, qui tend à renforcer la vigilance accordée aux éventuelles violences.

Ces décisions prises au cas par cas, il faut le souligner, ont aujourd’hui pour conséquence de déséquilibrer les relations entre l’enfant et ses parents séparés.

Toutefois, M. le ministre l’indiquait, celles-ci ne sont que le reflet des choix des enfants et des parents, puisque dans 80 % des cas, les juges suivent un commun accord des parties.

Comment pouvons-nous rendre ces relations plus équilibrées ? À cette fin, il faut intervenir non pas seulement au moment de la séparation, mais de manière plus structurelle. Bien trop souvent encore, un père ne s’occupe guère de son enfant. Plus largement, le travail domestique est réparti de manière inégale, puisque 80 % des femmes font la cuisine ou le ménage au moins une heure chaque jour, contre seulement 36 % des hommes. Nous devons lutter contre ces stéréotypes de genre.

Plutôt que d’intervenir lors d’une séparation,…

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Antoinette Guhl. … il serait intéressant de le faire en amont, entre autres, au travers du renforcement du congé parental ou de la lutte contre les inégalités salariales.

Malgré une amélioration substantielle du texte par la commission, la présente proposition de loi ne nous semble pas activer les bons leviers. Aussi nous abstiendrons-nous.

M. Michel Canévet. Le temps est compté !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi qui tend à favoriser le recours à la garde alternée de l’enfant en cas de séparation.

Le modèle du chef de famille n’a été remis en cause qu’à partir des années 1960, au profit d’une reconnaissance de l’égalité des sexes dans les statuts familiaux. La puissance paternelle a été remplacée par l’autorité parentale conjointe uniquement en 1970. L’enfant est alors devenu l’élément central sur lequel est fondée la famille.

À partir des années 1990, les réformes du droit de la famille s’orientent vers la défense des intérêts supérieurs de l’enfant, notamment en cas de séparation des parents.

La proposition de loi dont nous débattons a trait à l’hébergement de l’enfant en pareille situation.

La garde – ou résidence – alternée prévoit alors que l’enfant séjourne, pendant un temps d’une durée identique, chez les deux parents et suppose notamment l’existence d’une capacité d’entente.

En l’état du droit, le choix d’y recourir relève de l’intérêt de l’enfant et de la situation familiale. Dès lors, la durée de résidence chez chaque parent est non pas nécessairement identique, mais équitable.

En cas de désaccord, la décision du juge sera fondée surtout sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Le juge n’est pas tenu d’ordonner provisoirement la garde alternée et conserve ainsi, d’une manière générale, un certain pouvoir d’appréciation.

À nos yeux, la présente proposition de loi va dans le sens inverse. Elle contredit la jurisprudence de la Cour de cassation et prévoit, de fait, une réduction du pouvoir d’appréciation du juge, alors qu’il est le plus à même de considérer objectivement l’intérêt de l’enfant.

En outre, selon le sociologue Édouard Leport, si les enfants sont confiés à la mère dans 80 % des cas, c’est parce que les parents ne demandent pas la garde alternée.

Par ailleurs, l’article 3, qui prévoit d’ajouter, aux critères pris en compte par le juge, les pressions ou violences exercées par l’un des parents sur la personne de l’enfant, a attiré notre attention.

Il semble trouver sa source dans la notion controversée d’aliénation parentale, théorisée dans les années 1980 par un psychiatre américain, dans un contexte de libération de la parole de femmes victimes de violences conjugales.

Selon cette notion, en cas de séparation, l’enfant serait manipulé par l’un des parents afin de porter sur l’autre de fausses accusations.

L’utilisation de cette théorie a d’ailleurs valu à la France, en avril dernier, une mise en garde de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences.

Enfin, la garde alternée empêche, en principe, le versement d’une pension alimentaire, sauf si un écart de revenus important existe entre les parents. Or, en cas de séparation, la perte de revenus est plus importante pour la mère. Ce point requiert toute notre vigilance.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au cours des dernières décennies, portées par des valeurs de liberté et d’égalité, les relations affectives ont fait l’objet d’une attention accrue, au point de se voir reconnaître une place à part entière dans la pratique du droit.

Ainsi, il revient désormais au législateur d’offrir les moyens nécessaires pour que les séparations des couples de parents soient le moins nuisibles possible pour les enfants.

Nous devons tout particulièrement veiller à ce qu’elles ne soient pas dévastatrices pour les relations affectives de l’enfant avec l’un et l’autre de ses parents.

Dans la continuité de la Convention internationale des droits de l’enfant, notre législation nationale vise l’équilibre et la recherche systématique de l’intérêt de l’enfant.

Le Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) y est sensible depuis longtemps.

En effet, dès 2014, lors de l’examen de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, notre groupe avait défendu un dispositif, adopté par le Sénat, qui tendait précisément à favoriser un partage plus équilibré des responsabilités parentales. Nous sommes également nombreux, au sein de notre groupe, à suivre des collectifs engagés sur cette question, notamment SOS Papa.

Aussi, je tiens à souligner l’intérêt, sur le plan humain, qu’a suscité cette proposition de loi et je salue son auteure, notre collègue Élisabeth Doineau, que je remercie de son initiative.

Ce texte se compose de trois articles, dont deux ne posent pas de difficultés majeures.

L’article 1er énonce le principe du maintien des relations de l’enfant avec ses deux parents. Il prévoit d’ajouter la notion d’« entretien régulier » pour définir les relations que les parents doivent maintenir avec l’enfant. La portée juridique d’un tel ajout est assez limitée. Toujours est-il que la précision ne nuit pas et qu’elle est bienvenue.

L’article 3 prévoit, quant à lui, la prise en considération des « pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’enfant », lorsque le juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. C’est un ajout important et je m’étonne que cette précision ne figure pas déjà dans la loi.

J’en viens à l’article 2 – là où réside, à notre sens, la difficulté. Selon la rédaction initiale, le juge était tenu d’ordonner la résidence alternée, dès lors que l’un des parents au moins le demandait.

La résidence alternée peut se présenter comme une solution idéale, tant pour les parents que pour l’enfant. Encore faut-il qu’elle soit possible matériellement pour les parents et, surtout, qu’elle ne nuise pas à la vie sociale, familiale et scolaire de l’enfant.

Les situations sont trop variées pour apporter une réponse automatique. En conséquence, nous devons faire confiance aux juges, qui doivent savoir déterminer, au regard de chaque histoire, où se situe l’intérêt de l’enfant et, par là même, celui des parents.

La commission des lois, sous l’impulsion de la rapporteure, dont je salue le travail, a donc eu raison de corriger ce dispositif.

Désormais, l’article 2 ne prévoit qu’une forme d’incitation pour le juge à recourir au droit de visite et d’hébergement élargi, en rappelant la nécessité pour chaque parent d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec son enfant.

Cette modification atténue amplement l’ambition, voire l’intérêt du texte, mais elle est l’expression d’un compromis.

Nous voterons cette proposition de loi, car nous souscrivons à ses objectifs et à sa philosophie, mais sans franche certitude quant à sa portée future. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui traite d’une question délicate et complexe, celle de la coparentalité et, plus particulièrement, de la résidence alternée des enfants de parents séparés.

Je tiens à saluer l’initiative de la sénatrice Élisabeth Doineau, qui a eu le courage de s’attaquer à cette question. Celle-ci est au cœur même des relations familiales et touche à l’intimité la plus profonde des individus, dans le contexte ô combien difficile de la séparation parentale.

Aussi est-il crucial d’aborder cette matière avec la plus grande prudence, car nous sommes amenés à manipuler des équilibres fragiles, déterminants pour l’intérêt supérieur de l’enfant.

En dépit de la volonté claire du législateur de favoriser, dans cet esprit, le recours à la garde alternée, les chiffres témoignent d’une réalité différente. Selon l’Insee, en France, seuls 12 % des enfants de parents séparés bénéficieraient de la résidence alternée.

La France figurerait ainsi parmi les pays d’Europe ayant le plus faible taux de résidence alternée, loin derrière la Belgique, l’Espagne, la Norvège, le Danemark ou encore la Suède, qui ont fait de la résidence alternée la norme, avec des taux parfois proches de 50 %.

Parmi les obstacles à la généralisation de la résidence alternée, les pratiques judiciaires jouent un rôle crucial.

Ainsi, lorsque la mère s’oppose à cette solution, la demande formulée par le père est accordée uniquement dans 25 % à 40 % des cas. Cette incertitude judiciaire alimente la crainte légitime d’un aléa dépendant non seulement du tribunal saisi, mais aussi du juge chargé de l’affaire.

Cette situation peut nourrir le sentiment que notre institution judiciaire serait, en matière familiale, encore influencée par des dogmes et des biais cognitifs allant à rebours de l’idéal égalitaire auquel aspire notre société.

Outre les atteintes que cette situation peut porter à la confiance de nos citoyens en l’institution judiciaire, il n’est pas certain qu’elle serve, en définitive, l’intérêt de l’enfant.

L’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant et la consécration du droit de l’enfant de vivre, d’être éduqué et aimé par ses deux parents en maintenant les liens parentaux, y compris après une séparation, plaide en faveur du développement de la résidence alternée. Ce droit sous-entend que l’accès à ses deux parents serait, pour l’enfant, un déterminant de son bien-être et de son bon développement.

Ainsi, la présente proposition de loi vise précisément à favoriser la résidence alternée, lorsque cela est envisageable, et, à défaut, à promouvoir un temps parental aussi équilibré que possible.

Le texte initial prévoyait un régime de présomption simple qui n’affranchissait cependant pas le juge de tenir compte de la diversité des situations familiales afin de préserver sa marge d’appréciation. Plutôt qu’une présomption légale, il a été décidé, lors de l’examen en commission, d’inciter le juge à prendre en considération l’obligation du parent d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec son enfant, afin de favoriser la mise en place d’un droit de visite et d’hébergement élargi. Si l’article 1er venait à être supprimé, comme le propose l’une de nos collègues, le texte serait alors vidé de sa substance.

Alors que notre société aspire à raison à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes, et que ces derniers sont encouragés à davantage assumer leur rôle dans la parentalité, ce texte fixe un objectif légitime et cohérent avec le souhait de nombreux parents de vivre pleinement leur parentalité, au-delà même de leur séparation.

J’entends les craintes quant à la préservation de l’intérêt de l’enfant et au danger qui consisterait à faire primer sur celui-ci un droit des parents, mais c’est justement au juge de veiller à concilier au mieux ces intérêts, et ce texte l’y invite.

Au regard des enjeux et de la complexité du sujet, le groupe RDPI adoptera une position de liberté de vote. Pour ma part, je suis et reste personnellement attachée à ce texte et j’espère que son chemin législatif permettra d’aboutir à une évolution courageuse, synonyme de progrès. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à l’entretien régulier de relations personnelles entre l’enfant et ses parents en cas de séparation de ces derniers

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'entretien régulier de relations personnelles entre l'enfant et ses parents en cas de séparation de ces derniers
Article 2

Article 1er

Au deuxième alinéa de l’article 373-2 du code civil, après le mot : « maintenir », sont insérés les mots : « et entretenir régulièrement ».

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. En cas de séparation et de divorce des parents, deux configurations sont envisageables pour organiser la garde de l’enfant : soit sa résidence principale est fixée chez l’un des parents soit, comme cela est possible depuis 2002, la garde alternée est décidée. Dans ce dernier cas, l’enfant résidera en alternance, de manière égale, au domicile de chaque parent, le plus souvent une semaine sur deux.

L’article 373-2 du code civil dispose que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant. Dans le cas de la résidence alternée, la question du maintien et de l’entretien régulier des liens avec les parents ne se pose évidemment pas. Cependant, l’absence de résidence alternée n’implique pas pour l’enfant de ne pas entretenir de liens avec l’autre parent, qui, dans la majorité des cas, continue de bénéficier d’un DVH.

L’objectif premier de l’entretien des relations enfants-parents est d’assurer le bien-être de l’enfant. Celui-ci ne réside pas forcément dans la possibilité pour l’enfant de voir ses parents de façon égale ou équitable. Le bonheur d’un enfant ne se décompte pas en heures ou journées passées avec l’un ou l’autre de ses parents. Il repose sur l’instauration d’un environnement harmonieux et stable dans lequel il peut s’ancrer et se construire.

En fonction de l’âge de l’enfant, de l’organisation des parents et de l’éloignement géographique, chaque famille ou famille recomposée doit pouvoir s’organiser selon ce qui est le mieux pour l’enfant. Dans ce cadre, la notion de régularité ne présente pas d’intérêt et ne permet pas d’enrichir le droit en vigueur. Le cas par cas doit être la règle, comme l’ont souligné de nombreux orateurs.

Je propose de supprimer toute référence à la régularité en supprimant cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Notre collègue propose de supprimer l’article 1er.

Nous considérons déjà qu’il est de faible portée juridique et qu’il a plutôt une portée symbolique : il présente l’avantage de signifier plus clairement aux parents que leurs obligations incluent l’entretien aussi régulier que possible de relations personnelles avec leur enfant.

La commission des lois n’ayant pas estimé cette disposition malvenue et ayant adopté cet article, il serait pour le moins paradoxal d’accepter sa suppression en séance publique.

Ma chère collègue, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Dans cette affaire, deux lectures différentes nous sont proposées.

On peut estimer que le maintien des relations avec l’enfant nécessite de facto une certaine régularité. Alors, si l’on retient cette piste, si j’ose dire, l’ajout dans la loi de l’adverbe « régulièrement » – les adverbes ne sont jamais inutiles, car ils apportent beaucoup de nuances –, ne nous apparaît pas strictement nécessaire. Au fond, nous sommes face à un choix presque cornélien entre la pédagogie, car c’est le sens de ce texte, et la concision du législateur. Il est difficile de trancher. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat…

Mme Nathalie Delattre. C’est facile ! (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui, je le reconnais. (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Effectivement, cet article a une faible portée juridique. Pour autant, il y aurait tant de choses à faire et à dire sur la manière dont s’exerce le DVH, en particulier sur la régularité. Lequel des deux parents doit-il assurer la régularité ? C’est une bonne question.

Est-ce le parent qui n’exerce pas son droit de visite et d’hébergement, celui qui est supposé prendre l’enfant un week-end sur deux et qui ne vient pas, sans prévenir la mère, en général, pour être sûr de lui gâcher son week-end, au cas où elle aurait eu des projets ? Et l’enfant attend ! Celui-là n’est exposé à aucune sanction. J’ai plusieurs fois déposé des amendements pour prévoir une amende civile pour le parent qui ne respecte pas son obligation de droit de visite et d’hébergement, que j’aimerais, pour aller au bout de ma logique, requalifier en devoir.

D’un autre côté, il y a la mère, dont les enfants ne veulent pas aller chez le père, celle dont les enfants reviennent de chez leur père en disant qu’ils y sont malheureux, maltraités. Elle porte parfois plainte au pénal, mais elle n’arrive pas à faire traduire cette plainte par le juge aux affaires familiales en une révision de la convention, parce qu’elle met du temps à être jugée. En revanche, cette mère-là peut être jugée pour délit de non-représentation d’enfant, parce qu’elle ne garantit pas la régularité. Elle peut même aller en prison pour ce motif.

Nous avons travaillé avec le cabinet du garde des sceaux sur ce sujet. Je suis intervenue maintes fois dans cet hémicycle pour demander soit la suppression, soit, a minima, une modification de ce cadre juridique. Il y a bien eu une circulaire du garde des sceaux, mais nous ne sommes pas encore allés assez loin sur le sujet.

Pour conclure, je ne vois pas l’intérêt d’introduire la notion de régularité. Au contraire, j’identifie derrière cette disposition d’autres risques, qui, bien entendu, pèseront sur les mères. Aussi, je voterai l’amendement d’Annick Billon.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 6

Article 2

Le troisième alinéa de l’article 373-2-9 du code civil est ainsi modifié :

1° Après le mot : « visite », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « et d’hébergement de l’autre parent en prenant en considération les obligations de celui-ci mentionnées au deuxième alinéa de l’article 373-2. » ;

2° Au début de la seconde phrase, le mot : « Ce » est remplacé par le mot : « Le ». – (Adopté.)

Après l’article 2

Article 2
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Article 3

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l’autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision du jugement ou de l’arrêt pénal.

« L’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l’un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Cet amendement d’appel fait écho à la proposition de loi de la députée Isabelle Santiago. S’il convient de protéger le parent victime, il faut aussi protéger l’enfant.

Certains enfants victimes de violences par l’un de leurs parents sont contraints par l’exercice de l’autorité parentale ou par le DVH de côtoyer leur bourreau. Pour mettre fin à ces situations, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a émis des préconisations que je reprends dans cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Notre collègue propose le retrait de l’autorité parentale en cas de poursuites, mise en examen ou condamnation d’un parent pour violences intrafamiliales.

Nous avons bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. C’est la raison pour laquelle je vous demande de le retirer, parce qu’il ne faudrait pas mélanger les débats, bien que ce soit un sujet capital. En effet, nous ne pouvons pas anticiper sur une discussion qui va avoir lieu bientôt à la faveur de l’examen de la proposition de loi de Mme Santiago. À défaut de retrait, je donnerai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis pour les mêmes raisons.

Mme Annick Billon. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 6
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Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 1

Article 3

À la fin du 6° de l’article 373-2-11 du code civil, les mots : « l’autre » sont remplacés par les mots : « de l’enfant ou de l’autre parent ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.

Mme Laurence Rossignol. J’ai été inattentive au moment de la mise aux voix de l’article 2 et j’ai laissé passer l’occasion de m’exprimer à son sujet.

Chère Élisabeth Doineau, je suis désolée, mais je dois être la seule dans cet hémicycle à ne pas m’être réjouie de ce texte.

La proposition de loi sur la garde alternée systématique à la demande d’un seul parent est en quelque sorte un marronnier. Cela fait dix ans qu’on la voit arriver et dix ans qu’elle est repoussée.

Dans un monde idéal, les gens se sépareraient en bonne entente. Ils s’assureraient que les enfants n’aient pas à souffrir et il n’y aurait pas de violences ni au moment de la séparation ni après. Par ailleurs, les pères s’occuperaient de leurs enfants à mi-temps, quand c’est possible.

Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Je veux bien que l’on dise que les pères sont systématiquement demandeurs de la résidence alternée. Encore faut-il vérifier qu’ils la demandent pour s’occuper de leurs enfants et non pas simplement pour ne pas devoir payer de pension alimentaire. Par parenthèse, j’entends souvent des pères dire qu’ils versent de l’argent à la mère : non, ils versent de l’argent pour les enfants !

Pour revenir à ce monde idéal, les hommes s’occuperaient des enfants avant la séparation. Or tous les chiffres que nous connaissons sont terribles : 43 % des hommes pensent encore que les femmes sont plus douées pour s’occuper des enfants ; quatre hommes sur dix pensent que les femmes sont naturellement beaucoup plus compétentes dans les tâches domestiques. Si les hommes veulent s’occuper des enfants après la séparation, qu’ils commencent à le faire avant ! Dès lors, tout se passera beaucoup mieux au moment où ils demanderont la résidence alternée.

Mme Laure Darcos. La jeune génération est différente !

Mme Laurence Rossignol. Certes, il y a des progrès, mais c’est beaucoup moins rapide qu’on pourrait l’espérer. Surtout, on verra sur la durée, car je me souviens aussi de ceux que l’on a appelés les nouveaux pères. Les nouveaux pères, quand ils sont devenus grands, ils se sont mis à ressembler furieusement à leurs propres pères… (Mme Laure Darcos sexclame.)

Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article 373-2-11 du code civil, après les mots : « de l’autorité parentale » sont insérés les mots : « et de droit de visite et d’hébergement » ;

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Dans un souci de bon sens, je propose que, pour statuer sur les modalités d’exercice du DVH, le juge aux affaires familiales prenne en considération les mêmes critères que ceux qui permettent de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement paraît entièrement satisfait par le droit existant, puisque le juge s’appuie déjà sur les critères de l’article 373-2-11 du code civil pour se prononcer sur les demandes de DVH.

En distinguant artificiellement les modalités d’exercice de l’autorité parentale et le DVH, il me semble qu’une telle disposition pourrait, par une lecture a contrario, complexifier le droit existant. Il pourrait ainsi être nécessaire de préciser, dès lors qu’il est question des modalités de l’exercice de l’autorité parentale, que l’on vise également le DVH. L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

Mme Annick Billon. Je le retire !

Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.

L’amendement n° 8, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :

1° Remplacer les mots :

À la fin du

par le mot :

Au

2° Après le mot :

civil,

insérer les mots :

après le mot : « physique », est inséré le mot : « , sexuelle » et

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. L’article 373-2-11 du code civil dresse la liste des critères sur lesquels le JAF doit s’appuyer pour se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Le sixième et dernier critère a été renforcé par un amendement de la rapporteure pour viser « les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’enfant ou de l’autre parent ».

Les récentes conclusions rendues par la Ciivise font état d’un constat très alarmant. Le plus souvent, les violences sexuelles sont incestueuses. Dans 81 % des cas, l’agresseur est un membre de la famille. En moyenne, les victimes ont 7 ans et demi au moment des premiers passages à l’acte. Pour une victime sur quatre, les violences ont duré plus de cinq ans.

Nous devons pleinement prendre conscience de cette réalité. Avec cet amendement, je vous propose d’ajouter les violences sexuelles à la rédaction de la commission.

J’entends l’argument qui consiste à m’opposer le fait que, dans l’article 373-11-2 du code civil, le terme « violences » permettrait de prendre en compte les violences sexuelles. Cependant, ces dernières, notamment l’inceste, demeurent un tabou dans notre société. Nous devons les « visibiliser » en les inscrivant noir sur blanc dans la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Notre collègue demande la prise en compte des violences sexuelles par le JAF dans la détermination des modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Cette proposition est naturellement déjà satisfaite. Par le droit, d’abord : les violences sexuelles étant à la fois physiques et psychologiques, elles sont évidemment couvertes par la rédaction actuelle du code civil.

Par la pratique, ensuite : les JAF tiennent compte évidemment et fort heureusement d’éventuelles violences sexuelles, dès lors qu’ils en ont connaissance.

De surcroît, il n’est pas acquis que l’insertion de cette précision dans le droit existant ne cause aucun effet de bord. C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l’article 3.

Mme Laurence Rossignol. Je suis un peu embêtée par cet article 3, qui, si j’ai bien compris, introduit les pressions exercées par un parent sur l’enfant.

Il s’agit d’un sujet qui a un arrière-plan préoccupant. Voilà plusieurs années que nous luttons contre un faux concept importé des États-Unis, qui n’a aucun fondement scientifique : le syndrome d’aliénation parentale. Ce syndrome, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une circulaire du garde des sceaux invitant les JAF à ne pas l’utiliser, consiste à dire que l’enfant ment quand il est entendu par le juge, parce qu’il est manipulé par l’autre parent. Bien entendu, le plus souvent, c’est la mère qui est visée.

Je le répète, il n’a aucun fondement scientifique, et s’il a disparu des jugements de divorce, on en retrouve souvent l’esprit, c’est-à-dire que les juges sont tentés de voir des manipulations, en général de la part des mères souhaitant éloigner l’enfant de son père. Cet arrière-plan est très embêtant, car il joue un rôle significatif dans les violences post-séparation, et ce contre les mères. Je vois que Dominique Vérien hoche la tête : elle connaît fort bien ce sujet.

Je crains que cet article 3, plein de bonnes intentions, ne renforce en réalité la possibilité de mettre en doute la parole de l’enfant en le voyant comme un sujet de pression par l’autre parent. Pour ma part, je ne voterai pas l’article 3, qui me paraît avoir des effets de bord, comme dirait Mme la rapporteure, assez préoccupants.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 4 rectifié bis

Après l’article 3

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article 373-2-12 du code civil, après le mot : « juge », sont insérés les mots : « doit auditionner le mineur capable de discernement, sauf décision contraire spécialement motivée, et ».

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Nous souhaitons ériger en principe l’audition systématique des enfants capables de discernement par les JAF ayant à statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement est en partie satisfait.

Le juge a déjà la faculté d’entendre le mineur, et il en a l’obligation lorsque le mineur le demande. Il faut préciser que c’est souvent pour les enfants une épreuve à laquelle ils ne sont pas préparés et votre dispositif ne servirait qu’à contraindre des enfants qui ne souhaitent pas être entendus.

L’adoption de votre amendement serait, à mon sens, contre-productive, raison pour laquelle j’y suis défavorable, même si je comprends vos motivations.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 1
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Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 2

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Fouassin et Chasseing, Mmes Jacquemet et Nadille, M. Sautarel, Mme Schillinger et M. Rohfritsch, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 373-3 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une résidence alternée est mise en place, en cas de décès d’un des deux parents, le juge peut, à la demande d’un membre de la famille du parent décédé et lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, décider que la résidence alternée sera poursuivie avec un membre de la famille du parent décédé qu’il désigne. »

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à ajouter au code civil une disposition spécifique conçue pour guider et soutenir les enfants dans les moments d’une délicatesse incommensurable : la perte d’un parent lorsque la résidence alternée a déjà été établie.

Cet amendement exprime une conviction profonde : il est essentiel de préserver la stabilité et le bien-être de nos enfants dans ces circonstances délicates et complexes. En résumé, cette proposition d’ajout à l’article 373-3 du code civil vise à permettre une solution flexible dans l’intérêt supérieur de l’enfant en cas de décès d’un parent lorsque la résidence alternée est déjà en place. Son objectif est clair : garantir la continuité et la stabilité dans la vie de nos enfants, même dans des moments particulièrement délicats et souvent bouleversants.

Vous l’aurez compris, je veux parler naturellement des grands-parents. En adoptant cet amendement, nous exprimerions notre engagement indéfectible envers nos enfants, notre volonté de leur offrir un environnement stable, aimant et continu, même au milieu des tourments.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Notre collègue propose d’envisager la possibilité d’une résidence alternée, en cas de décès du parent, avec un membre de la famille de celui-ci.

Sur le plan juridique, la résidence alternée a vocation à être exercée entre parents. Étendre un tel dispositif à des personnes qui ne disposent pas de l’autorité parentale irait donc à l’encontre du principe de la résidence alternée tel qu’il existe aujourd’hui.

Par ailleurs, je note que les membres de la famille concernés ne sont pas énumérés, ce qui pourrait conduire à une résidence alternée avec des personnes qui entretiennent des liens insuffisamment solides, voire aucun lien avec les parents encore en vie. Les enfants pourraient ainsi être en difficulté.

Enfin, sur le plan pratique, certains des membres de la famille du parent décédé – nouveau conjoint ou grands-parents – ont déjà pu se voir reconnaître un DVH. Le droit permet déjà le maintien d’une stabilité affective. C’est une demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je comprends évidemment le sens de cet amendement. D’ailleurs, quand on le lit, on pense immédiatement aux grands-parents, c’est-à-dire aux parents du parent décédé.

Cependant, la rédaction de l’amendement ne permet pas de préciser jusqu’où s’étend cette transmission de l’autorité parentale, qui n’est pas transmissible en réalité.

Néanmoins, je veux vous rassurer complètement, madame la sénatrice : les grands-parents, par exemple, ont toujours la possibilité de saisir le juge pour continuer à avoir des relations avec leurs petits-enfants. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Patricia Schillinger. Je le retire, madame la présidente.

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 4 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'entretien régulier de relations personnelles entre l'enfant et ses parents en cas de séparation de ces derniers
Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 2, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard six mois après l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le recours aux différentes modalités de garde des enfants de parents séparés, indiquant notamment le taux de recours à la garde alternée.

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Il s’agit d’une demande de rapport, six mois après la mise en application de la loi, sur le recours aux différentes modalités de garde des enfants de parents séparés. Il devra notamment indiquer le taux de recours à la garde alternée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Vous connaissez la position habituelle du Sénat en matière de demandes de rapport : avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

Intitulé de la proposition de loi

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'entretien régulier de relations personnelles entre l'enfant et ses parents en cas de séparation de ces derniers
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :

Supprimer le mot :

régulier

La parole est à Mme Annick billon.

Mme Annick Billon. L’article 1er n’ayant pas été supprimé, cet amendement n’a plus lieu d’être : je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 9 est retiré.

Vote sur l’ensemble

Intitulé de la proposition de loi
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'entretien régulier de relations personnelles entre l'enfant et ses parents en cas de séparation de ces derniers
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Grâce au travail qui a été effectué, notamment par Dominique Vérien et la députée Émilie Chandler, grâce à la mobilisation des associations, grâce à l’expertise qui s’est développée, par l’implication de magistrats, que ce soit les procureurs ou les présidents de chambre, nous en savons plus aujourd’hui qu’il y a dix ans sur la manière dont se développent et se déploient les violences intrafamiliales, et particulièrement les violences faites aux femmes.

Nous savons notamment que les violences post-séparation doivent mobiliser toute notre attention. En effet, les enfants deviennent alors le vecteur par lequel se poursuit le conflit parental.

Je rappelle que les violences intrafamiliales sont le plus souvent commises par des hommes sur des femmes. Certes, en cas de séparation, tout le monde souffre, mais les hommes tuent les femmes et les femmes tuent rarement les hommes en ces circonstances. !

Dans ce qui fait suite à la séparation, la garde des enfants peut être un enjeu non pas dans l’intérêt de l’enfant, mais dans l’intérêt du parent qui continue de refuser d’avoir été quitté par la mère ou par l’autre parent. C’est pour cette raison que nous sommes nombreux à considérer que la résidence alternée est avant tout une revendication des associations de pères qui s’estiment maltraités par la justice, ce qui est faux. Ce n’est pas parce que les juges sont majoritairement des femmes que, pour autant, les juges exercent une justice favorable aux femmes. C’est une légende urbaine ! C’est même parfois l’inverse, mais les femmes n’en tirent pas argument.

Pour ma part, je ne voterai pas ce texte et je souhaite que sa vie parlementaire s’arrête là, de crainte qu’il soit perçu comme un pied mis dans la porte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Je veux remercier l’ensemble de mes collègues, qu’ils aient ou non apporté leur soutien à cette proposition de loi. Le débat a été de qualité.

J’entends bien qu’il faille être vigilant sur ce type de texte, tant le sujet de la séparation est sensible. Je tiens tout de même à préciser que je n’ai pris l’attache d’aucune association de pères, parce que je voulais justement travailler en toute objectivité. J’ai eu la chance d’avoir à mes côtés Me Barbara Régent ou la sociologue Christine Castelain Meunier, qui m’ont beaucoup apporté pour la rédaction initiale. J’ai enfin pu compter sur l’aide de Marie Mercie, qui m’a orientée sur une nouvelle rédaction.

C’est un petit pas que nous faisons aujourd’hui, mais c’est un pas important. Je ne veux pas croire que tous nos fils soient des assassins ou des gens violents. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – Mme Laurence Rossignol proteste.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi relative aux droits de l’enfant à entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses parents en cas de séparation de ces derniers.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 103 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l’adoption 279
Contre 35

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'entretien régulier de relations personnelles entre l'enfant et ses parents en cas de séparation de ces derniers
 

8

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre reçue ce jour, le Gouvernement demande à déplacer du jeudi 21 décembre au mardi 19 décembre après-midi l’examen de la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2024.

Acte est donné de cette demande.

En conséquence, nous pourrions examiner ce texte le mardi 19 décembre après-midi, après l’examen, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

Le délai limite de dépôt des amendements serait fixé au début de la discussion générale.

Le délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes serait quant à lui fixé au lundi 18 décembre, à quinze heures.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

9

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 18 décembre 2023 :

À seize heures et le soir :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains (texte de la commission n° 86, 2023-2024) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP (texte de la commission, n° 185 2023-2024) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques (texte de la commission n° 182, 2023-2024) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie (texte de la commission n° 204, 2023-2024) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (texte de la commission n° 187, 2023-2024) ;

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à prolonger en 2024 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables (texte de la commission n° 173, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

nomination de membres dune commission denquête

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.

Commission denquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par létat pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France (dix-neuf membres)

M. Pierre Barros, Mme Catherine Belrhiti, MM. Yves Bleunven, Bernard Buis, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Brigitte Devésa, MM. Gilbert Favreau, Philippe Folliot, Philippe Grosvalet, Yannick Jadot, Roger Karoutchi, Dominique de Legge, Didier Mandelli, Pierre Médevielle, Mme Sophie Primas, MM. Pierre-Alain Roiron, Jean-Claude Tissot, Jean-Marc Vayssouze-Faure et Michaël Weber.

 

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER