M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 014, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Bruno Belin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, on parle souvent de modernisation de la vie publique et politique. À vingt-sept mois des prochaines élections municipales – vingt-sept mois, déjà ! –, nous devrions travailler certaines pistes afin d’améliorer les choses en la matière pour les communes, échelon préféré des Français, d’autant que le calendrier le permet.
Je pense tout d’abord au panachage, qui s’applique dans les communes de moins de 1 000 habitants : est-il bien utile de maintenir ce système archaïque datant de la IIIe République, qui a parfois des conséquences délétères ? Sa suppression aurait l’avantage de généraliser le scrutin de liste, donc de faire progresser la parité dans les exécutifs municipaux et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Ce n’est là que l’une des pistes de cette modernisation dont on parle tant. On pourrait aussi réfléchir, au cas par cas, à diminuer le nombre de conseillers communaux, notamment dans les communes les plus rurales, là où des difficultés ne manqueront pas de se poser.
C’est un principe de réalité, madame la secrétaire d’État : il est certain que nous ferons face à une crise des vocations lors du renouvellement des communes en 2026. Comment susciter de nouveau des vocations ?
Nous sommes par exemple en train d’inventer des solutions permettant de comptabiliser des trimestres pour la retraite en cas de volontariat – nous avons d’ailleurs tous salué le volontariat dans le corps des sapeurs-pompiers à l’occasion de la Sainte-Barbe.
Quelles pourraient être les pistes pour inciter nos concitoyens à siéger dans les conseils municipaux ? La revalorisation des indemnités est une bonne idée, mais elle doit être financée par l’État, car les budgets communaux sont aujourd’hui à sec et ne peuvent aller au-delà, faute de quoi les élus seront les premiers à se restreindre.
Oui à la modernisation, mais quand allons-nous sérieusement nous pencher sur le statut de l’élu ? C’est un débat que je souhaiterais que nous ayons dans les mois à venir, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Belin, en matière de parité, des progrès importants ont été accomplis ces dernières années au sein des assemblées des collectivités locales.
En effet, la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 a introduit deux mesures majeures : d’une part, elle crée un scrutin majoritaire binominal paritaire pour l’élection des conseillers départementaux ; d’autre part, elle abaisse le seuil du scrutin de liste paritaire pour l’élection des conseillers municipaux, permettant d’étendre ce mode de scrutin aux communes comprises entre 1 000 et 3 500 habitants.
Au lendemain des élections municipales de 2020, la proportion des femmes siégeant dans les conseils municipaux est ainsi passée à 42,4 %, contre 39,9 % lors du renouvellement général de 2014.
La proportion des maires femmes a elle aussi progressé, passant de 16,9 % en 2014 à 19,8 % en 2020. En obligeant au dépôt de listes de candidats paritaires, le scrutin de liste a fortement contribué à la féminisation des conseils municipaux.
Je pense sincèrement que l’attention que vous portez aux communes de moins de 1 000 habitants est pertinente,…
M. Bruno Belin. Merci !
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. … puisque celles-ci représentent 71 % des communes en France. Toutefois, une extension complète du scrutin de liste à ces communes ne va pas de soi et pose de réelles interrogations d’ordre constitutionnel.
En effet, le mode de scrutin uninominal majoritaire qui s’applique aux communes de moins de 1 000 habitants répond avant tout à un autre objectif, celui de l’expression pluraliste des opinions politiques. Si l’exigence de stricte parité n’a pas été étendue aux communes de moins de 1 000 habitants, c’est pour garantir la liberté de candidatures dans les communes dans lesquelles le nombre de candidats potentiels se trouve réduit.
Sachez que le Gouvernement poursuit avec beaucoup d’engagement sa réflexion sur l’évolution de la parité en matière électorale, en gardant à l’esprit la nécessité de préserver l’équilibre entre cet objectif de parité et le principe de pluralisme politique.
transparence sur la délinquance et la hausse des attaques au couteau
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 744, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Valérie Boyer. D’après l’Insee, 44 000 personnes ont été victimes d’agressions à l’arme blanche entre 2015 et 2017, soit 120 personnes par jour en moyenne. Depuis, plus aucune donnée n’a été transmise, et pour cause : les chiffres d’agressions étaient récoltés par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), supprimé en 2020 pour être remplacé par un autre observatoire au sein du ministère de l’intérieur.
Aujourd’hui, le Gouvernement prononce toujours les mêmes mots – « rixe », « déséquilibré », « acte isolé » –, comme s’il niait la réalité ; jusqu’au garde des sceaux, qui nous a répété plusieurs fois que « la France n’est pas un coupe-gorge ».
Aussi, comme je le demande depuis 2021, aux côtés notamment de plusieurs criminologues, je souhaite connaître précisément la cartographie, les chiffres et les profils de cette violence, pour en tirer les enseignements.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Boyer, puisque nous sommes toutes deux élues de Marseille, je tiens à avoir une pensée émue pour Alban Gervaise, tué à l’arme blanche devant l’établissement Sévigné, ainsi que pour sa famille et ses enfants. Je me souviens que vous aviez largement évoqué ces faits à l’époque ; je veux aujourd’hui rendre mémoire à la victime.
Je connais votre engagement pour la sécurité des Marseillaises et des Marseillais. J’en ai fait, moi aussi, un combat de chaque instant.
Les attaques commises à l’arme blanche ou par toute autre arme sont un fléau pour notre société et sa cohésion. Au-delà des attaques dues au terrorisme ou liées à des pathologies psychiatriques, le phénomène est réel et ne doit pas être sous-estimé. Les attaques particulièrement barbares commises ces derniers mois, notamment à Annecy, Arras, Crépol ou Paris, nous ont rappelé cette terrible évidence.
Cette violence a aussi rappelé la réactivité et l’engagement de nos forces de l’ordre et de nos services publics – police nationale, police municipale, pompiers, soignants –, que je tiens à remercier pour leur dévouement au quotidien et à qui j’exprime mon soutien le plus sincère.
Même si les réponses à la violence ne sont pas toutes à chercher dans l’action de la police nationale ni même dans celle de l’État, notre détermination est totale. La politique menée par le Gouvernement en matière de sécurité, qui vise à accroître la présence visible, rassurante et dissuasive des forces de l’ordre sur la voie publique, constitue l’une des réponses à ce phénomène. Cette présence sur la voie publique et dans les transports en commun sera d’ailleurs doublée d’ici à 2030.
Lutter contre les violences à l’arme blanche passe aussi par une réponse pénale efficace, effective et sévère. Depuis 2017, nous renforçons, dans des proportions exceptionnelles, les moyens alloués à la justice.
Quant aux chiffres, madame la sénatrice, le phénomène n’est pas simple à quantifier : les statistiques institutionnelles, agrégées et analysées par les services de sécurité intérieure, ne recensent pas, en tant que telles, les attaques à l’arme blanche. En effet, la qualification des infractions, telle qu’elle résulte du code pénal, ne permet pas de distinguer l’usage des armes blanches du recours à d’autres armes.
Madame la sénatrice, je puis vous assurer que nos policiers et nos gendarmes continueront à agir sans relâche sur le terrain pour garantir la sécurité de tous les Français.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.
Mme Valérie Boyer. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais ce phénomène était quantifiable par le passé et les chiffres étaient officiels. Pourquoi n’en dispose-t-on plus aujourd’hui ?
Si je vous pose cette question de vive voix, c’est parce que je n’ai obtenu aucune réponse à mes nombreuses questions écrites, alors même qu’il est absolument indispensable que nous ayons ces données.
Notre volonté de lutter contre la délinquance n’est pas à démontrer et les chiffres ne devraient pas être cachés. Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous le redemande : pourquoi de telles données, qui étaient disponibles autrefois, ne le sont-elles plus aujourd’hui ?
Je souhaiterais vraiment que vous apportiez des précisions sur ces attaques à l’arme blanche. Les homicides et les tentatives d’homicide explosent en France. Pourquoi ne donnez-vous plus ces informations ? Les cachez-vous ? Pour quelle raison ? Je n’arrive pas à comprendre…
Je veux bien croire en votre engagement, mais aujourd’hui, seule la presse quotidienne régionale relate ces violences. Il ne s’agit pourtant pas de faits divers, mais d’un véritable phénomène de société.
Aujourd’hui, la moindre des choses serait de pouvoir disposer de données précises. Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous le demande encore une fois : pourquoi ces données précises ne sont-elles plus collectées et transmises à la représentation nationale ?
Je le rappelle, je suis obligée de vous poser ma question dans cet hémicycle, ce matin, pour obtenir une réponse, dans la mesure où toutes mes questions écrites sont restées lettre morte. Il est anormal que l’on cache ces statistiques aux Français ! (Mme Sylviane Noël applaudit.)
obligation d’information préventive des maires à la population
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 871, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Elsa Schalck. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur le décret du 15 septembre 2023, qui précise qu’il revient au maire de communiquer à la population les caractéristiques des risques majeurs, les mesures de prévention ou encore les modalités d’alerte et d’organisation des secours.
Si nous comprenons le principe de l’information préventive, laquelle est nécessaire pour informer la population, encore faut-il, avant de faire paraître un tel décret, s’assurer que les élus disposent des outils leur permettant de l’appliquer.
Je tiens à rappeler que les maires ne disposent même pas, à l’heure actuelle, d’une connaissance actualisée de la population résidant dans leur commune. Dans ces conditions, comment pourraient-ils lui faire parvenir des informations ?
J’interpelle régulièrement votre gouvernement ici, au Sénat, sur la nécessité pour les maires de pouvoir tenir un registre domiciliaire actualisé. Très concrètement, les nouveaux arrivants dans une commune auraient l’obligation de se déclarer en mairie.
Connaître les habitants de sa commune est indispensable pour un maire, d’autant que le nombre de personnes qui déménagent est en hausse constante.
Cette mesure est d’ailleurs en vigueur dans de nombreux États européens – où cela ne pose aucun problème –, notamment en Allemagne, en Italie, en Belgique et en Espagne, pour ne citer que ces pays.
Cette mesure de bon sens serait non seulement nécessaire dans le cadre de cette nouvelle obligation d’information, mais également indispensable aux maires si l’on veut qu’ils puissent exercer leurs missions au quotidien, anticiper les besoins de la population et les investissements à engager.
Madame la secrétaire d’État, vous rappelez constamment la nécessité d’un lien de confiance entre l’État et les élus locaux. Permettez donc aux maires de connaître leur population : ils le demandent pour exercer au mieux leurs missions et pour pouvoir mettre en application les décrets que vous publiez.
Ma question est donc simple : quand allez-vous enfin permettre aux maires de France de disposer d’un outil efficace pour connaître la population qui réside dans leur commune et, ainsi, mieux les informer ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Schalck, vous interrogez le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence et qui m’a chargé de vous répondre, sur le besoin qu’expriment les maires de connaître l’état actualisé de la population dans leur commune et les outils adaptés pour y répondre.
L’information préventive sur les risques majeurs auxquels peut être exposée la population constitue un enjeu important de la politique de prévention des risques. Cette obligation d’information de la population est aujourd’hui assez souple, puisque le maire est libre de choisir les moyens de communication les plus appropriés pour diffuser ces informations. Cette démarche peut prendre la forme de panneaux d’affichage, de réunions publiques, de sites web municipaux, de messages sur les réseaux sociaux, etc.
Je comprends le souhait que formulent les communes exposées à un risque majeur de pouvoir disposer d’un état des lieux détaillé de leur population, de telle sorte qu’elles puissent communiquer à leurs habitants les caractéristiques du ou des risques majeurs, les mesures de prévention, ainsi que les modalités d’alerte et d’organisation des secours.
Cependant, le Gouvernement n’est pas favorable à l’instauration d’une déclaration domiciliaire qui obligerait tout nouvel habitant d’une commune à déclarer son domicile à la mairie de ladite commune. Cette obligation générale de déclaration domiciliaire se traduirait par la constitution d’un fichier de données à caractère personnel, dont la conformité vis-à-vis des exigences constitutionnelles en matière de protection des libertés individuelles, notamment les principes constitutionnels de liberté d’aller et venir et de respect de la vie privée, devrait être établie.
Comme l’a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 mars 2014, la création d’un traitement de données à caractère personnel doit être justifiée par un motif d’intérêt général précis et d’une importance suffisante ; elle doit de surcroît aboutir à la conciliation équilibrée du principe d’obligation de résultat et de la nécessaire protection des libertés individuelles.
Enfin, une telle obligation ferait peser une charge très lourde sur les communes, problématique à laquelle le Sénat est, je le sais, particulièrement sensible. Les communes seraient en effet contraintes de s’organiser pour recueillir les déclarations de domicile, délivrer des récépissés et tenir un registre de la population communale.
Il existe aujourd’hui un certain nombre d’outils permettant au maire de disposer des informations nécessaires sur la population de sa commune, dont les opérations de recensement réalisées par l’Insee.
augmentation des campements de sans-abri à paris
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 880, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Catherine Dumas. Madame la secrétaire d’État, les Parisiens ont pu constater ces derniers mois une augmentation du nombre des campements de sans-abri dans les rues de la capitale.
Ce phénomène s’explique en partie par la fin de la convention entre les hôtels parisiens et l’État en vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, une convention qui permettait jusqu’alors la mise à disposition de places d’hébergement d’urgence au profit des sans-abri.
Malheureusement, cette situation conduit à une pénurie d’hébergements d’urgence, à laquelle s’ajoute un manque de rotation des places. Actuellement, 4 358 personnes sont sur liste d’attente, rien qu’à Paris.
Dans la capitale, cette pénurie se cumule à l’engorgement du 115, seul numéro d’urgence pour les personnes à la rue, toutes conditions confondues.
Les sans-abri vivent dans des conditions indignes et inacceptables. Les Parisiens déplorent, quant à eux, les nuisances occasionnées par les campements.
À Paris, pour expulser légalement une personne de sa tente, le secrétariat général de la ville doit lui demander son accord préalable et établir une liste de « motifs aggravants ». Or les critères sont flous et les campements dans les arrondissements parisiens sont traités de manière inéquitable.
Les maires d’arrondissement, qui sont en première ligne pour prendre en charge les sans-abri, se trouvent ainsi dépourvus de moyens.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement entend-il définir une procédure plus rapide et plus efficace pour lutter contre ce phénomène, en faisant notamment en sorte de mettre les maires d’arrondissement au cœur des procédures de décision ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Dumas, depuis le début de l’année 2023, les services de la préfecture de police ont recensé 276 implantations à Paris, allant de la tente isolée à des campements plus importants comprenant des abris précaires regroupant des migrants ou des personnes de la communauté rom. Sur ces sites, occupés par 1 167 personnes, on a recensé 602 tentes et 180 abris.
Le dispositif d’hébergement d’urgence mis en place en région parisienne relève de la compétence de la préfecture de Paris, conformément à l’article L. 121-7 du code de l’action sociale et des familles. La préfecture de police intervient à la demande de l’autorité judiciaire, afin de prêter le concours de la force publique dans le cadre d’opérations d’évacuation de campements illicites.
Il convient de noter que les services de police restent systématiquement mobilisés et assurent la surveillance quotidienne des lieux évacués pour détecter toute nouvelle implantation.
Nous constatons aujourd’hui des situations dégradées, tant au regard des conditions de vie que des troubles à l’ordre public occasionnés dans le voisinage, ce qui a conduit les services de l’État à organiser des opérations de mise à l’abri. Ainsi, depuis le début de l’année 2023, 5 973 personnes, dont 4 251 hommes isolés et 1 271 personnes en famille, ont été prises en charge par les services de l’État lors de trente-deux opérations de mise à l’abri.
Le 20 juin dernier, le Gouvernement a lancé le deuxième plan Logement d’abord, qui vise à créer et à mettre à disposition des logements adaptés et abordables pour les ménages en grande précarité. Dans ce cadre, 25 000 nouveaux logements en résidence sociale et en foyer de jeunes travailleurs seront agréés. Par ailleurs, 30 000 nouvelles places louées par des associations ou des organismes agréés d’intermédiation locative et 10 000 nouvelles places en pension de famille seront ouvertes.
Le deuxième plan Logement d’abord a également pour but de conforter le maintien dans le logement, de prévenir les ruptures et d’éviter la dégradation des situations.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Merci pour cette réponse chiffrée et détaillée, madame la secrétaire d’État. Je tiens à avoir une pensée particulière pour les habitants de la rue Fructidor et de l’avenue de la Porte-de-Clichy, dans le XVIIe arrondissement de Paris, qui subissent des nuisances depuis de nombreux mois et qui attendent avec impatience une réaction de l’État.
Je vous le redis, madame la secrétaire d’État : appuyez-vous sur les maires d’arrondissement pour lutter contre ce phénomène.
reconnaissance des cancers comme maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, auteure de la question n° 960, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Émilienne Poumirol. Une équipe de journalistes d’investigation vient de démontrer, dans la série documentaire Vert de Rage, que tous les sapeurs-pompiers français étaient exposés aux retardateurs de flammes, ces substances reconnues comme reprotoxiques et cancérigènes, et ce à des niveaux tels qu’il est indispensable d’étudier le lien entre l’exposition professionnelle à ces substances et les maladies recensées.
Dès 2003, l’alerte avait pourtant été donnée. En effet, un rapport remis au ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, concluait à la nécessité de mettre en place une véritable veille sanitaire des sapeurs-pompiers, en vue d’élaborer une politique de prévention efficace. Mais, vingt ans plus tard, aucune étude épidémiologique, aucun effort de suivi médical coordonné n’a été mis en œuvre.
En juin 2022, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé a publié une étude précisant qu’il existait suffisamment de preuves chez l’homme pour établir la cancérogénicité de l’exposition professionnelle des pompiers. Cette étude a ainsi établi un lien entre l’exposition professionnelle des pompiers et le mésothéliome ou le cancer de la vessie.
Comme vous le voyez, les études et les alertes ne manquent pas.
Cela étant, aujourd’hui en France, seul un type de cancer, le carcinome du nasopharynx, est reconnu comme étant lié à l’exposition à la fumée des incendies. Aux États-Unis, jusqu’à vingt-huit cancers sont reconnus comme maladie professionnelle. Au Canada, il y en a dix-neuf, en Australie douze.
Comment expliquer une telle différence ? Les pompiers français ne sont-ils pas exposés aux mêmes risques ? Les considère-t-on dans notre pays comme des surhommes ?
Agnès Buzyn, ancienne ministre de la santé, avait annoncé la révision du tableau des maladies professionnelles. Qui plus est, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) est chroniquement excédentaire – j’imagine que, pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), il en est de même.
Alors, madame la secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous adopter pour, enfin, favoriser la reconnaissance des maladies professionnelles, la prévention et le suivi de la santé de nos sapeurs-pompiers professionnels comme volontaires ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville. Madame la sénatrice Poumirol, dans le cadre de leur mission, les sapeurs-pompiers sont en effet exposés à de nombreux risques. S’agissant de la toxicité des fumées, composées à la fois de gaz et de particules, cette exposition est bien identifiée et prise en compte au travers de plusieurs dispositifs.
Les sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, sont soumis à des conditions d’aptitude physique et médicale particulières et suivis par une médecine d’aptitude lors de leur entrée en fonction et tout au long de leur carrière ou engagement.
Le contrôle de l’aptitude des sapeurs-pompiers est défini par l’arrêté du 6 mai 2000, dont la refonte fait actuellement l’objet d’une réflexion. L’enjeu est que la pratique s’adapte aux évolutions de la médecine, notamment pour tenir compte, au travers de dépistages, des risques de cancer.
En fin de carrière, le décret n° 2015-1438 du 5 novembre 2015 ouvre droit à un suivi médical post-professionnel pour les agents de la fonction publique territoriale, incluant les sapeurs-pompiers professionnels, qui en bénéficient après la cessation définitive de leurs fonctions. Ce suivi est pris en charge par les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis).
Par ailleurs, les Sdis ont mis en place différentes mesures de prévention collective et individuelle : d’une part, chaque procédure d’intervention peut donner lieu à un soutien en matière de santé ; d’autre part, les sapeurs-pompiers disposent d’équipements de protection individuelle, comme l’appareil respiratoire isolant pour la protection des voies respiratoires.
Au-delà des études menées par le Centre international de recherche sur le cancer, de nombreux travaux de recherche sont effectués à l’échelle nationale, notamment par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l’intérieur. Ces travaux devraient permettre d’établir plus précisément le lien éventuel entre les risques professionnels auxquels sont exposés les sapeurs-pompiers et l’apparition des maladies.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. Merci, madame la secrétaire d’État. Je sais bien qu’il existe un suivi des sapeurs-pompiers par la médecine d’aptitude, qui se poursuit même à l’issue de leur carrière. Mais, en l’occurrence, je m’étonne qu’en France il n’y ait jamais eu de reconnaissance des maladies professionnelles des sapeurs-pompiers en raison de leur exposition professionnelle – c’est ce que nous demandons.
Vous avez évoqué les études du Centre international de recherche sur le cancer : celles-ci ont démontré qu’il existe un lien étroit entre les fumées et les maladies des pompiers ; pourquoi ce lien serait-il reconnu aux États-Unis, au Canada ou en Australie, mais pas en France ?
Il n’est plus temps de tergiverser : il faut désormais mettre en place cette reconnaissance pour les plus de 2 000 sapeurs-pompiers qui seraient concernés en France.
J’ai été moi-même confrontée, en tant que présidente de Sdis, mais aussi en tant que médecin, à un certain nombre de cas, dans lesquels il est impossible de faire jouer cette reconnaissance, parce que les pathologies ne sont pas inscrites au tableau des maladies professionnelles.
recrudescence d’occupations illicites de membres se revendiquant de la communauté des gens du voyage en haute-savoie
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 884, transmise à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Sylviane Noël. La localisation stratégique de la Haute-Savoie au carrefour de la Suisse et de l’Italie attire chaque année de nombreux groupes de la communauté des gens du voyage, dont une part non négligeable s’installe sur des terrains, privés comme publics, en toute illégalité.
Ces implantations entraînent systématiquement leur lot de nuisances et de dégradations à répétition et grèvent lourdement le budget des communes concernées. Les conséquences sont également catastrophiques pour de nombreuses entreprises, dont l’activité est entravée par l’occupation de leurs terrains et l’immobilisation de leur outil de travail.
Si la Haute-Savoie attire autant, c’est aussi parce qu’il semblerait que les membres de ces communautés parviennent facilement à se faire délivrer des patentes helvètes par les autorités genevoises, ce qui leur permet d’exercer leur activité sur le territoire suisse. En outre, il semblerait que ces autorisations leur permettent d’obtenir des plaques d’immatriculation suisses, qui rendent leur verbalisation et leur expulsion beaucoup plus difficiles.
L’étrange facilité avec laquelle les patentes leur sont délivrées crée un véritable appel d’air pour ces communautés, fortement attirées par l’eldorado suisse.
Le canton de Genève n’ayant aucune obligation légale de construire des aires d’accueil ou de grand passage, au contraire des communes de Haute-Savoie, ces communautés repassent chaque soir la frontière pour élire domicile, de façon régulière ou irrégulière, dans mon département.
Nous ne sommes évidemment pas contre le fait que le canton de Genève les autorise à travailler sur son territoire, mais nous appelons nos amis suisses à loger ces communautés en mettant à leur disposition des aires d’accueil, comme en France.
La pression exercée par cet afflux de gens du voyage devenant totalement ingérable en Haute-Savoie, je souhaiterais connaître les actions que le gouvernement français entend engager, en lien avec son homologue suisse, pour mettre un terme à ces pratiques.