M. le président. L’amendement n° 31, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Nous ne souhaitons pas, par cet amendement, discuter le bien-fondé du principe même des mesures de sûreté, dont il a déjà été débattu à maintes reprises ; nous souhaitons encore moins remettre en cause tout ce qui peut aller dans le sens d’un renforcement de l’accompagnement médical et psychiatrique.
Nous tenons cependant à marquer notre opposition à certaines des évolutions introduites par le rapporteur. En effet, l’application d’une mesure de sûreté décidée sur le fondement d’un risque de récidive et d’une adhésion persistante à une idéologie incitant au terrorisme apparaît extrêmement délicate, d’autant plus que cette mesure pourrait désormais trouver à s’appliquer en cas de réitération d’une infraction à caractère terroriste, soit sur un champ bien plus large que celui qui était défini par la version initiale de la proposition de loi, laquelle visait la seule récidive. La notion d’infraction à caractère terroriste couvre en effet une multitude d’actes à la dangerosité et à la gravité variables.
Les transformations législatives proposées semblent donc à la fois superflues et dangereuses. Je vous pose la question, monsieur l’auteur de la proposition de loi, monsieur le rapporteur : en quoi une adhésion « avérée » est-elle plus facile ou plus pertinente à caractériser qu’une adhésion « persistante » ? Du propre aveu du rapporteur en réunion de commission, la rédaction qui, dans le texte initial, encadre cette mesure de sûreté serait trop peu « opérationnelle ». Mais ce constat n’est-il pas rassurant ? Il démontre simplement que des mesures aussi exceptionnelles doivent être strictement encadrées et ne sauraient s’appliquer qu’à une fraction infinitésimale de la population, à moins que vous ne considériez que des millions de terroristes sont en liberté dans les rues.
Je le rappelle, notre objectif est vraiment l’efficacité et l’opérationnalité de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Vous venez de le dire à juste titre, ma chère collègue : nous recherchons l’efficacité. À cet égard, notre collègue Szpiner vient de remarquablement dire les choses.
Que constatons-nous ? Le parquet antiterroriste nous dit que la disposition de prévention de la récidive terroriste est une bonne mesure, mais que, compte tenu de la rédaction actuellement en vigueur, il ne parvient pas à caractériser la « dangerosité » visée par la loi.
J’ai tout simplement demandé au procureur national antiterroriste quelle meilleure formulation nous pourrions trouver, et il m’a répondu que la loi pourrait viser une probabilité « élevée » plutôt que « très élevée » de récidive et une adhésion « avérée » plutôt que « persistante » aux idéologies incitant à la commission d’actes de terrorisme.
Mon idée n’est pas de réinventer les choses : avec une telle formulation, nous gagnerons en efficacité et il sera plus facile de condamner : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En l’état du droit, la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste, créée par la loi du 30 juillet 2021, peut être prononcée à l’égard de personnes qui présentent, à l’issue de l’exécution de leur peine, « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ».
Ces critères reprennent ceux qui sont applicables aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas). C’est la raison pour laquelle – je suis d’accord avec l’auteur de l’amendement – il convient de ne pas multiplier les rédactions permettant d’appréhender la radicalisation : avis favorable.
Mme Audrey Linkenheld. Très bien.
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Les deuxième et troisième alinéas et la seconde phrase du quatrième alinéa du I sont supprimés ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 742, après la référence : « 739 », sont insérés les mots : « ou en cas d’inconduite notoire » ;
2° Au premier alinéa de l’article 763-5, après le mot : « soins », sont insérés les mots : « ou en cas d’inconduite notoire ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 28 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 32 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 12.
M. Guy Benarroche. Les discussions qui ont eu lieu en commission – ainsi que le bon sens – ont conduit le rapporteur à renoncer à la notion d’« inconduite notoire », dont il a été question en discussion générale. Cela dit, sa proposition consiste à remplacer cette notion par les mots : « lorsque son comportement manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ».
Or un tel critère apparaît flou et serait source d’arbitraire. De surcroît, la constatation d’un tel manquement suffirait à révoquer un sursis probatoire ; or le sursis probatoire s’assortit d’obligations prononcées par le juge telles que l’obligation de travailler ou de suivre une formation, l’obligation de soins, l’interdiction de se rendre dans certains lieux, etc. Le non-respect de ces obligations est un critère beaucoup plus objectif que celui qui est ici proposé.
Je rappelle également que le contrôle du suivi des obligations est effectué par le juge de l’application des peines, assisté par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP). Or ceux-ci restent en attente d’une profonde revalorisation de leurs carrières – et je profite de l’examen de ce texte pour rappeler qu’il est indispensable de réarmer ces services essentiels.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 28.
M. Ian Brossat. Comme vient de le dire Guy Benarroche, cet article ajouté en commission la semaine dernière complète les motifs de retrait d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire définis dans le code de procédure pénale par la notion d’« inconduite notoire ».
Tout d’abord, sur la forme, il fait partie des articles de cette proposition de loi qui dépassent le strict cadre de la législation antiterroriste, ce qui ne saurait nous convenir.
Sur le fond, ensuite, si nous pouvons souscrire à l’objectif de lutte contre le terrorisme, cela suppose de légiférer avec le plus de précautions possible, comme nous y invitent les multiples censures du Conseil constitutionnel. Bien que déjà présente dans le code de procédure pénale, la notion d’« inconduite notoire » est à la fois source d’insécurité juridique et contraire à l’objectif de lisibilité de notre droit.
C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 32.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons eu ce débat sur la notion d’« inconduite notoire » en commission des lois. J’entends que vous fassiez référence au procureur national antiterroriste – ce n’est pas la première fois, cher collègue Daubresse : tout cela est formidable –, mais, que je sache, ce n’est pas lui qui rédige la loi. Je pense que nous devrions éviter d’écrire les articles des textes dont nous débattons sous la dictée d’un procureur.
Toujours est-il que les mots « inconduite notoire » ne veulent rien dire. D’ailleurs, en commission, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas su éclairer ce que concrètement cela signifiait.
Quelles sont nos objections ?
Le critère de lisibilité de la loi est un motif de censure constitutionnelle : si cette proposition de loi était déférée devant le Conseil constitutionnel, les dispositions qui visent l’inconduite notoire seraient censurées. Pour ce qui est des questions d’inconstitutionnalité, je le sais bien, la majorité sénatoriale comme le Gouvernement se montrent assez peu farouches, mais il est temps de se reprendre.
Un autre argument peut être invoqué, mais notre collègue Szpiner le fera sans doute – je ne veux pas l’en priver.
La proposition du rapporteur Daubresse, dont nous allons débattre en examinant l’amendement suivant, n’est pas plus efficace. S’agissant d’une sanction radicale, il faut que les critères soient précis. La matière pénale étant ce qu’elle est, nous ne pouvons rester dans le flou au seul motif qu’un procureur antiterroriste se serait prononcé dans le sens que vous avez indiqué – « c’est embêtant » ; « dans certains cas, on ne sait pas… » ; « cependant… » ; « on a l’impression que… » ; « ça ne va pas », etc.
Telle n’est pas la façon dont nous devons travailler !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais d’un même mouvement donner l’avis de la commission sur ces amendements et présenter mon amendement n° 48 : ils relèvent du même débat.
Je vais redire, pour les collègues qui n’en sont pas membres, ce que j’ai expliqué en commission des lois.
Madame de La Gontrie, je n’écris aucun amendement sous la dictée d’untel ou untel.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ne faites pas référence au procureur national antiterroriste, alors !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Si vous avez lu mon rapport – et je ne doute pas que vous l’ayez fait –, vous y aurez vu que j’ai tenu compte d’observations formulées par les juges de l’application des peines, par le procureur antiterroriste, par les tribunaux pour enfants – pour ce qui a trait aux mineurs – et par des tas de professionnels du droit. Nous sommes confrontés à de nouvelles formes, endogènes, de terrorisme. La question est donc de savoir comment nous pouvons être plus opérationnels, plus efficaces, dans le respect des libertés.
Voici ce que l’on nous dit, et qui est vrai : un certain nombre de condamnés satisfont certes « facialement », quand ils sont en prison, aux critères de prévention de la récidive, mais on peut démontrer qu’ils ont par ailleurs des comportements, notamment sur les réseaux sociaux, qui ne sont pas forcément exemplaires – c’est le moins que l’on puisse dire. On m’a donc parlé de la notion d’« inconduite notoire ». J’ai vérifié : elle figure déjà dans le code de procédure pénale, comme l’a souligné M. Bonnecarrère, mais il est vrai que la définition en est quelque peu sibylline.
Rouvrant le débat aujourd’hui même en commission, j’ai dit que les termes d’« inconduite notoire » étaient une mauvaise formulation : je la retire donc. De fait, persévérer dans cette direction nous exposerait à des risques juridiques certains.
Nous proposons de leur substituer les mots : « lorsque son comportement manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ». Cette formulation, mes chers collègues, nous l’avons en effet votée dans le récent projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Nous verrons bien dans quelques jours, d’ailleurs, ce qu’en dit le Conseil constitutionnel…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voilà rassurés !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Au moins, nous fondons notre rédaction sur une notion que l’on peut caractériser : « avoir des comportements manifestement irrespectueux des principes de la République ».
J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 12, 28 et 32 au profit de l’amendement n° 48 de la commission, même si, évidemment – je l’ai déjà dit –, je suis ouvert à ce que nous retenions une nouvelle formulation dans le cadre de la navette, à supposer que le texte soit rapidement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sur les amendements nos 12, 28 et 32, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Je veux rassurer Mme de La Gontrie : ce n’est pas le procureur national antiterroriste qui dicte quoi que ce soit. Il applique la loi, comme tous les magistrats de ce pays, qui sont, selon la formule consacrée, « la bouche de la loi ».
En revanche, il n’est pas inutile de prendre attache avec le procureur national antiterroriste, qui répond aux questions qui lui sont posées et dont l’expérience est extrêmement précieuse pour éclairer nos débats – voilà tout ce que je me permets de dire. Rassurez-vous, madame la sénatrice : chacun est à sa place et le procureur national antiterroriste n’a pas violé la sacro-sainte règle de la séparation des pouvoirs.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous défendez le rapporteur ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je défends le procureur national antiterroriste ! Et j’entends bien que l’on puisse l’auditionner et s’inspirer des réponses qui sont les siennes. Je ne vois pas là que le parquet national antiterroriste, le Pnat, soit celui qui dicte la loi au législateur.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12, 28 et 32.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 48, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
en cas d’inconduite notoire
par les mots :
lorsque son comportement manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République
II. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
ou en cas d’inconduite notoire
par les mots :
ou lorsque le comportement du condamné manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République
Cet amendement a été précédemment présenté par M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est dommage !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Le rapporteur Daubresse propose de remplacer les mots : « en cas d’inconduite notoire » par les mots « lorsque le comportement du condamné manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ».
Nous avions déjà signalé, lors du débat sur le projet de loi Immigration, quels risques d’inconstitutionnalité emporte une telle rédaction, étant donné le flou, c’est-à-dire la menace d’arbitraire, qui entoure pareille expression. Encore ne s’agissait-il alors que de la délivrance de titres de séjour, ce qui est déjà en soi un sujet très sérieux. En l’espèce, il s’agit de renvoyer des gens en prison : en la matière, la présente proposition n’est pas plus acceptable que la notion d’« inconduite notoire », raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter (nouveau)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 723-35, après le mot : « imposées », sont insérés les mots : « ou de nouvelle condamnation » ;
2° Au premier alinéa de l’article 763-5, après le mot : « soins », sont insérés les mots : « ou de nouvelle condamnation ».
M. le président. L’amendement n° 46, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Cet amendement vise à supprimer l’ajout par le rapporteur d’un nouveau motif de révocation d’une mesure de surveillance judiciaire ou d’un suivi sociojudiciaire, à savoir la commission d’une nouvelle infraction.
Premièrement, nous souhaitons rappeler que cette proposition de loi est censée être motivée par la lutte antiterroriste et par conséquent être ciblée sur les condamnés terroristes. Or cet article 1er ter aurait des effets bien plus larges.
Deuxièmement, pourquoi toute nouvelle condamnation devrait-elle entraîner la révocation d’un suivi sociojudiciaire ? Devrait-on révoquer ce type de mesure à l’aveugle, de manière automatique, sans aucune prise en compte du contexte, de la personnalité ou, tout bêtement, du type d’infraction auquel se rapporte cette nouvelle condamnation ? La révocation dont il est question s’appliquera-t-elle, par exemple, aux infractions routières ?
L’article 723-35 du code de procédure pénale dispose d’ailleurs d’ores et déjà que la juridiction de jugement qui décide de prononcer une nouvelle peine à l’encontre d’une personne placée sous surveillance judiciaire peut – après avis du juge de l’application des peines – révoquer ladite surveillance en cas de condamnation pour tout crime ou délit pour lequel le suivi sociojudiciaire est encouru, disposition tout à fait équilibrée et fonctionnelle.
Cet article 1er ter nous paraît donc superflu et dangereux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. S’agissant d’un amendement de suppression, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er ter.
(L’article 1er ter est adopté.)
Article 2
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 706-53-13 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ou pour les crimes à caractère terroriste » ;
b) Au deuxième alinéa, après la troisième occurrence du mot : « aggravé », sont insérés les mots : « ou pour les crimes à caractère terroriste » ;
c) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d’une durée supérieure ou égale à quinze ans pour un ou plusieurs crimes à caractère terroriste, ou d’une durée supérieure ou égale à dix ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive légale, et qu’il est établi, à l’issue d’un réexamen de sa situation intervenant à la fin de l’exécution de sa peine, que cette personne présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, faisant ainsi obstacle à sa réinsertion. » ;
d) (nouveau) Le dernier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Cette prise en charge est adaptée au profil des personnes placées en application du troisième alinéa du présent article afin de leur permettre l’acquisition des valeurs de la citoyenneté. Elle peut, le cas échéant, intervenir, de façon permanente, au sein d’un établissement d’accueil adapté. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 706-53-14, le mot : « à » est remplacé par les mots : « aux premier et deuxième alinéas de » ;
3° Après le même article 706-53-14, il est inséré un article 706-53-14-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-53-14-1. – La situation des personnes mentionnées à l’article 706-53-13 est examinée, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10, afin d’évaluer leur dangerosité.
« À cette fin, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté demande le placement de la personne concernée, pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues, aux fins notamment d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité.
« À l’issue de cette période, la commission adresse à la juridiction régionale de la rétention de sûreté et à la personne concernée un avis motivé sur l’opportunité de prononcer la mesure mentionnée à l’article 706-25-16 au regard des critères définis au deuxième alinéa du I du même article 706-25-16.
« Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle peut proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l’objet d’une rétention de sûreté lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :
« 1° Les obligations imposées dans le cadre de l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes et la mesure prévue audit article 706-25-16 apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des infractions criminelles à caractère terroriste ;
« 2° La mesure apparaît strictement nécessaire pour prévenir la récidive.
« La commission vérifie également que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge adaptée à sa radicalisation et de mesures de nature à favoriser sa réinsertion.
« Si la commission estime que les conditions de la rétention de sûreté ne sont pas remplies mais que le condamné paraît néanmoins dangereux, elle renvoie le dossier au tribunal de l’application des peines de Paris pour qu’il apprécie l’éventualité d’un placement sous surveillance judiciaire. »
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Mme Corinne Narassiguin. Le droit en vigueur autorise, à titre exceptionnel, à continuer d’enfermer une personne bien qu’elle ait fini d’exécuter sa peine lorsqu’elle présente « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’ell[e] souffr[e] d’un trouble grave de la personnalité ».
La disposition que je viens de citer se compose d’une conjonction de subordination, qui marque une relation causale, et de la mention d’un « trouble grave de la personnalité », qui renvoie à une pratique psychiatrique longue, connue, et à une évaluation d’ordre médical.
Il est proposé, dans cette proposition de loi, d’ajouter dans le code de procédure pénale une nouvelle possibilité d’enfermer quelqu’un sans qu’il y ait été condamné, s’il « présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ».
Monsieur le rapporteur, ce que vous écriviez à propos du suivi judiciaire dans le rapport d’information que vous consacriez en février 2020 au bilan de la loi Silt peut être aujourd’hui répété : « Les conditions d’appréciation de la dangerosité et du risque de récidive reposent exclusivement sur un examen clinique confié à des experts psychiatres. Or, comme l’ont indiqué les représentants du parquet national antiterroriste à la mission, une telle procédure, initialement conçue pour des auteurs d’infractions à caractère sexuel, ne permet que difficilement d’apprécier la dangerosité, d’un point de vue criminologique, des condamnés terroristes, qui ne présentent pas, dans leur grande majorité, de troubles mentaux. Dans la pratique, les experts sollicités peinent à se prononcer sur les cas de condamnés pour des faits de terrorisme, rendant parfois complexe, pour le magistrat, le prononcé d’une telle mesure, y compris dans les cas où la dangerosité apparaît évidente. »
De quelle « évidence » parliez-vous alors ? Il semble que vous ayez la prescience dont manquent tous les praticiens… Avez-vous bien réfléchi aux conséquences qu’emporterait l’application de la disposition qui nous est ici soumise ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Ma chère collègue, vous avez raison de relire ce que j’écrivais à l’époque.
Cette fois, vous ne souhaitez pas supprimer l’article dans son ensemble : vous êtes donc d’accord sur le principe. Reste qu’en proposant la suppression des alinéas 5 et 6 vous ne retenez pour ainsi dire que les critères qui s’appliquent actuellement à la mesure de prévention de la récidive terroriste ; or ceux-ci sont à ce point restrictifs qu’ils seraient plutôt constitutifs d’une nouvelle infraction, à savoir l’infraction d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Vous allez donc très loin !
Quant à moi, j’essaie de définir des critères qui permettent de prendre en charge de façon permanente dans une structure spécialisée, aux fins de déradicalisation, les personnes condamnées pour crime terroriste sortant de plus de quinze années de détention, qui présentent une probabilité de récidive très élevée. La mesure que je propose obéit à une procédure pluridisciplinaire, incluant des expertises médicales, et ne peut être appliquée qu’aux seuls criminels terroristes condamnés – je l’ai dit – à des peines supérieures à quinze ans d’emprisonnement, à condition, de surcroît, qu’il n’existe aucune autre mesure moins stricte permettant d’éviter la récidive.
Je considère donc que cette disposition présente toutes les garanties de proportionnalité nécessaires : avis défavorable.