compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin,
M. Philippe Tabarot.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du Bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
crise agricole (i)
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – M. Philippe Mouiller applaudit également.)
M. Franck Menonville. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Elle porte sur la colère des agriculteurs, qui se propage de façon très inquiétante dans notre pays. Avant de la poser, je voudrais toutefois avoir une pensée émue pour Alexandra Sonac et sa fille, qui ont tragiquement perdu la vie dans l’Ariège.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, la colère des agriculteurs ne tombe pas du ciel. Elle sanctionne une longue évolution. Au fil des années, les attentes écologiques et sociétales pesant sur le monde agricole n’ont fait que croître, tandis que les charges administratives et financières de ces professionnels n’ont cessé d’exploser. À tout cela s’ajoutent des politiques publiques françaises et européennes inadaptées aux réalités quotidiennes de leur métier.
De moins en moins compétitive, notre agriculture subit un véritable déclassement. Résultat, nos importations sont 2,2 fois plus importantes qu’en 2000. À l’horizon de 2027, nous pourrions même perdre notre indépendance laitière…
Pour enrayer cette évolution, il faut agir vite et fort ! Pour ce faire, vous devez prendre des mesures de court terme aux effets immédiats : défiscalisation du gazole non routier (GNR) ; octroi d’une année blanche pour les agriculteurs les plus fragilisés ; allégements de charges fiscales et sociales ; suppression des surfaces non productives.
Vous devez aussi vous attacher à veiller à la stricte application des lois dites Égalim : la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, et la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs.
Quant aux mesures de long terme, il faut un alignement des réglementations françaises sur les standards européens et un choc de simplification.
Monsieur le ministre, vous disposez d’un véhicule législatif, la loi d’orientation agricole (LOA). Comptez-vous y intégrer des mesures fortes pour restaurer la compétitivité de notre agriculture et soutenir cette profession aujourd’hui désespérée, et en quête de sens depuis tant d’années ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains. – M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Menonville, je vous remercie de votre question.
Je voudrais tout d’abord m’associer à l’émotion qui est la vôtre et celle de toute la profession en ayant une pensée pour cette jeune femme et sa très jeune fille, ainsi que pour son époux et sa famille.
Cette jeune femme et cette jeune fille ont été victimes, hier, d’un accident terrible dans l’Ariège. Je sais que l’émotion est très grande dans ce département et dans la communauté agricole, comme dans l’ensemble de la communauté nationale. Je souhaite me joindre à cet hommage.
Cette jeune femme défendait la fierté de son métier et la nécessité d’un revenu. Elle protestait contre ce qui est vécu par de nombreux agriculteurs comme des incohérences. Nous allons travailler, afin d’apporter des réponses, de court terme, mais aussi de moyen terme et de long terme.
Le premier sujet que je veux aborder concerne la rémunération. Il faut que la loi Égalim de 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous soit respectée dans son entièreté. Je veux parler du respect des matières premières agricoles, des clauses – sachant que des opérateurs détournent celles-ci ici ou là – et de la nécessité de contractualiser, ainsi que de la responsabilité que doivent assumer les distributeurs et un certain nombre d’opérateurs.
Le deuxième sujet porte sur les mesures à prendre pour répondre aux crises déclenchées par les questions fiscales, ainsi qu’à des crises auxquelles nous avons commencé à apporter des réponses, comme la crise viticole et celle de la maladie hémorragique épizootique (MHE). Pour ce qui concerne la crise viticole, les périodes de gel et la grippe aviaire, des réponses ont été apportées de façon continue depuis des années.
Enfin, nous devons parvenir à nous projeter dans l’avenir.
Premièrement, nous devons retrouver au niveau européen la cohérence entre une transition qui est nécessaire et une souveraineté qui l’est tout autant et qu’il nous faut réaffirmer en tant qu’Européens, alors même que l’Europe aura, en 2023, importé 40 millions de tonnes de céréales. Il convient d’ailleurs de s’interroger : répond-on bien aux objectifs de souveraineté au niveau européen, comme on le fait dans d’autres domaines, notamment dans ceux de l’énergie, des médicaments et des technologies ? Pour l’agriculture, la réponse doit être du même niveau.
Deuxièmement, il s’agit de dégager au niveau national plus d’un milliard d’euros de fonds supplémentaires consacrés à la transition, car nos agriculteurs ont besoin d’être accompagnés à cet égard, y compris pour faire face aux défis climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation agricole
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde agricole est endeuillé, et je m’associe pleinement à la peine des proches de l’agricultrice et de sa fille décédées hier.
L’agriculture française est en crise. Le malaise est palpable depuis des décennies. Il se cristallise aujourd’hui, car la coupe est pleine : le revenu agricole chute inexorablement, alors que les prix alimentaires augmentent. Jamais la question du partage de la valeur n’a été aussi cruciale. Les marges de l’agro-industrie ont atteint 48 % en 2023 ! La problématique n° 1 est bien la faiblesse du revenu agricole, qui épuise les agriculteurs.
Le Gouvernement et le syndicat majoritaire font de la diversion en réduisant la contestation à celle des normes environnementales, à la question des jachères.
Le syndicat majoritaire agite l’écologie comme un épouvantail, pour mieux masquer les échecs sinistres des politiques menées depuis des décennies : organisation d’une concurrence déloyale, confiscation de la politique agricole commune (PAC) par une minorité et dérégulation des marchés.
Vous avez fait du budget alimentaire la variable d’ajustement pour les plus modestes. Le résultat en est la malnutrition pour les uns, le désespoir pour les autres. Ce système craque de tous les côtés.
Quand ferez-vous œuvre de justice sociale et agirez-vous pour que les paysans et les paysannes soient rétribués à la hauteur de leur travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, à l’instar de votre collègue Menonville, vous connaissez bien ces sujets.
Premièrement, pour ce qui concerne la rémunération, il faut que les lois Égalim – des textes votés à une large majorité sur ces travées – soient respectées. Ce sera l’objet des prochaines réunions auxquelles je participerai avec le Premier ministre et le ministre de l’économie et des finances.
Nous devons également lancer un appel, auquel vous pourrez vous associer, à la responsabilité de l’ensemble des opérateurs.
Deuxièmement, vous dites que nous avons fait de l’écologie un épouvantail… Mais cela a été une œuvre collective, monsieur Salmon ! En effet, lorsque l’on accumule les normes et les contraintes, comment voulez-vous que les agriculteurs perçoivent cela ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. C’est vous qui êtes au pouvoir. Assumez !
M. Marc Fesneau, ministre. Nous avons besoin collectivement, monsieur Salmon, de réconciliation ! Or les agriculteurs vivent en permanence leur situation comme une punition ou une mise en accusation.
M. Yannick Jadot. Nous n’accusons personne !
M. Marc Fesneau, ministre. Même si ce n’est pas vous qui les accusez, la question est posée comme cela ! Mais je sais, monsieur Salmon, que vous êtes sans doute l’un de ceux qui essaient de l’exprimer avec le plus de pondération. (Mme Laurence Rossignol s’exclame.)
Il y a, enfin, un sujet en termes d’image. Il faut cesser de dire du mal de l’agriculture française dans les médias, à longueur d’émissions, en en donnant une image qui ne correspond pas à la réalité.
L’agriculture française est vertueuse, performante, de qualité et plutôt fondée sur un modèle familial ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Et ce n’est pas le cas partout en Europe !
M. Marc Fesneau, ministre. Oui, les transitions sont nécessaires, et vous ne m’avez jamais entendu dire le contraire. Je ne me défausserai pas à cet égard, pas plus que le Gouvernement. Mais il faut considérer celles-ci à l’aune de notre souveraineté et de la capacité des agriculteurs à les prendre en charge. Sinon, la situation sera complètement bloquée, et nous n’aurons avancé sur aucun de ces deux sujets ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Vous oubliez quelque peu, monsieur le ministre, que cela fait sept années que vous êtes au pouvoir ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Qu’avez-vous fait sur les clauses miroirs, dont on entend parler en permanence ?
Qu’avez-vous fait pour assurer une autre répartition de la PAC et pour tous les oubliés de cette politique ?
Qu’avez-vous fait pour accompagner massivement la transition agroécologique, dont on a besoin absolument ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Guillaume Gontard. Très bien !
M. Daniel Salmon. Les agriculteurs sont en première ligne. Ils savent parfaitement que nous devons agir sans tarder pour limiter le réchauffement climatique et pour nous adapter, mais il faut les accompagner. Voilà ce qui manque aujourd’hui dans votre politique, qui est insignifiante à ce niveau-là. On comprend donc bien l’émoi de toute la profession.
Sept ans ont déjà passé, il vous reste quelques années : agissez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, entendez-vous le cri de colère de nos agriculteurs ? Ce cri, je vais le faire mien, car je partage tous les jours les mêmes angoisses, les mêmes incompréhensions, les mêmes révoltes. Ce qu’ils nous disent, c’est qu’ils ne comprennent plus ce que la France et son gouvernement veulent : nourrir sans produire, cultiver sans cultures, élever sans élevage.
Ils n’acceptent plus les messages de condamnation de tous ces pseudo-experts – Caron, Clément, Rousseau – qui leur donnent des leçons dans les médias !
Ils n’acceptent plus d’être verbalisés pour écobuage alors que, durant les émeutes, des milliers d’incendies criminels sont restés impunis ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. Yannick Jadot. Cela reste à voir !
M. Laurent Duplomb. Ils n’acceptent plus ces interdictions qui les empêchent de faire leur travail, comme celle des néonicotinoïdes, alors que l’on importe des milliers de tonnes d’aliments qui en contiennent !
Ils n’acceptent plus les contrôles acharnés lorsqu’ils traitent pour protéger leurs vergers ou leurs cultures, alors que sont signés toujours plus d’accords de libre-échange, sans contrôle à nos frontières ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Qui les a signés ?
Mme Raymonde Poncet Monge. C’est l’œuvre de la droite !
M. Laurent Duplomb. Ils n’acceptent plus qu’on les bassine avec ces soi-disant mégabassines. C’est le fruit de la stigmatisation par une minorité de la majorité qu’elle terrorise ! (M. André Reichardt opine.) En un mot, ils n’acceptent plus le poids de cette folie administrative et de cette technocratie abrutissante qui empêchent tout, qui interdisent tout, qui tuent peu à peu les paysans.
Monsieur le Premier ministre, je n’ai pas de question à vous poser, car l’accumulation des problèmes que l’agriculture rencontre résume à elle seule le mal français. Les mots ne suffisent plus à calmer ce mal ; il faut des actes !
Faites rentrer et retenez vos tigres, qu’ils soient de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), de la direction départementale des territoires (DDT), de l’Office français de la biodiversité (OFB) de la direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP), de l’inspection du travail ou de la police de l’eau, afin qu’ils mettent fin à cette pression insupportable ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
Faites taire, par des arbitrages favorables à l’agriculture, tous ces soldats verts du ministère de l’écologie punitive !
Faites cesser ce « en même temps » dans votre propre majorité, avec un Canfin promoteur de la décroissance et du Green Deal ! Car le « en même temps » ne peut se conjuguer en agriculture. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yannick Jadot proteste.)
Faites confiance au bon sens, plutôt qu’à cette gauche bobo, qui n’a de cesse de donner des leçons et de produire des interdits ! (Marques d’impatience sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Inscrivez dans la prochaine loi d’orientation des mesures qui détendent la situation normative ! (Protestations et claquements de pupitres sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Arrêtez les surtranspositions et redonnez les moyens de produire !
M. le président. Il faut conclure !
M. Laurent Duplomb. Libérez les paysans de toutes ces contraintes et laissez-les travailler ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Veuillez conclure !
M. Laurent Duplomb. Ils ne vous demandent pas de travailler moins, mais au contraire de pouvoir, sans entraves, continuer de travailler plus ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Duplomb, ce n’est pas la première fois que nous discutons de sujets agricoles, tant vous êtes engagé sur ces sujets au sein de votre groupe, comme plusieurs de vos collègues qui siègent dans cet hémicycle.
Vous le dites avec vos mots ; ce ne sont pas les miens, mais il y a bien un ras-le-bol qui s’exprime, et il faut l’entendre.
Vous l’aviez très bien dit dans votre rapport, rédigé avec d’autres sénateurs, ce ras-le-bol résulte de la sédimentation de dizaines d’années de réglementations superposées. Chacun doit en prendre sa part, et je n’ai pas de difficulté à reconnaître la mienne.
Pour autant, je ne suis pas d’accord, monsieur Duplomb, avec la façon dont vous jetez à la vindicte populaire, ou agricole, les administrations de l’État, de niveau national comme territorial. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Faisons attention et prenons nos responsabilités ! Peut-être le législateur devrait-il donner des outils pour appréhender les réglementations ? J’entends parfois des contrôleurs dire qu’eux-mêmes ne comprennent pas ces textes… Il faut l’entendre !
Je tiens à saluer le travail réalisé au Sénat sur la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France. On nous dit parfois que nous n’écoutons pas assez le Sénat – le président Larcher est vigilant à cet égard. En l’occurrence, nous avons repris les dispositions de ce texte relatives à la compétitivité, que nous avons intégrées dans le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes.
Je pense aussi aux dispositions, inscrites dans un autre texte, sur les groupements fonciers agricoles (GFA), ou celles qui sont relatives aux garanties sur le foncier ou aux garanties d’emprunt. Toutes ces mesures rejoignent la dynamique que vous avez évoquée et qui a été portée au Sénat.
Nous devons aller plus loin. Pour compléter ma réponse à M. Menonville, j’ajouterai que nous devons prévoir des dispositions en faveur de la souveraineté alimentaire et portant sur la question des normes dans la loi d’orientation agricole,…
M. Jean-François Husson. Et dans le budget !
M. Marc Fesneau, ministre. … ainsi que dans la loi de finances, comme m’y invite M. le rapporteur général de la commission des finances.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024 le Sénat a voté 1,2 milliard d’euros supplémentaires de crédits pour l’agriculture, en faveur de la transition, de la souveraineté protéique et de la modernisation des appareils de production.
Ce sont toutes ces mesures qui permettront de répondre, à court, moyen et long termes, aux problèmes que vous avez évoqués. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
situation à mayotte
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Saïd Omar Oili. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Avec mon collègue Thani Mohamed Soilihi, j’ai déjà eu l’occasion dans cet hémicycle d’alerter le Gouvernement sur le climat social fortement dégradé de Mayotte. Nous voulons aujourd’hui, solennellement, tirer la sonnette d’alarme sur ce qui se passe dans notre île.
À Mayotte, nous subissons depuis plusieurs années des vagues d’immigration venant des pays voisins, les Comores et Madagascar, dans un territoire de 374 kilomètres carrés qui connaît une augmentation de près de 5 % de la population par an et dont la densité est de 2 500 habitants au kilomètre carré.
Un nouveau flux de migrants venant de l’Afrique des Grands Lacs et de la Somalie est venu s’y ajouter ces dernières années. Un camp s’est installé dans le stade de la capitale, Mamoudzou, où séjournent plus de 700 personnes, dont des familles avec des enfants.
Ce camp, où vivent des Africains dans des conditions indignes, cristallise le désarroi de la population mahoraise, qui subit crise sur crise : crise de la ressource en eau, crise de l’insécurité, crise liée aux intempéries ces derniers jours… Sur les réseaux sociaux, certains évoquent des risques de guerre civile et d’affrontements entre la population et les migrants.
Nous ne faisons pas partie des gens qui soufflent sur les braises, mais il est de notre responsabilité de vous alerter sur une situation dramatique qui peut dégénérer.
Depuis lundi dernier, les services publics sont fermés, des barrages sur les routes bloquent l’accès au travail des Mahorais et perturbent les établissements scolaires. Mayotte sera au bord du chaos si des initiatives fortes ne sont pas prises très rapidement.
Monsieur le Premier ministre, face à cette situation explosive au cœur d’un territoire de la République, quelles actions concrètes le Gouvernement entend-il mener pour évacuer le camp qui s’est formé au cœur de Mamoudzou et enrayer ces flux migratoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le sénateur, Mayotte est une terre de défis, où la jeunesse a envie de prendre son destin en main et où la biodiversité est exceptionnelle. Elle rencontre aussi des difficultés immenses en termes de sécurité, d’accès à l’eau, de services publics, d’école et d’immigration.
Je vous le dis de manière extrêmement claire et forte, mon gouvernement et moi-même sommes déterminés à continuer à agir pour Mayotte, à œuvrer avec vous, avec l’ensemble des élus et avec les Mahorais pour l’avenir de cette île.
Mayotte connaît une immigration forte, source de tensions très graves ; nous avons régulièrement eu l’occasion d’en parler dans cet hémicycle.
Notre premier objectif reste de prévenir les arrivées irrégulières à Mayotte en luttant contre les filières de l’immigration illégale. Vous le savez, une antenne de l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim) y a été créée au début de l’année dernière, afin de renforcer la lutte contre les filières de passeurs, et en priorité les filières africaines. Les premiers résultats sont là. En 2023, six filières ont été démantelées et de lourdes condamnations, allant jusqu’à sept ans d’emprisonnement, ont été prononcées.
Notre deuxième objectif est de traiter beaucoup plus rapidement les demandes d’asile des migrants qui arrivent à Mayotte. En effet, on le sait, durant le délai nécessaire pour obtenir une réponse, des installations ont lieu. Nous avons renforcé les moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui dispose désormais d’une antenne à Mayotte. Nous avons également accru les capacités d’hébergement des demandeurs d’asile.
Notre troisième objectif est d’expulser plus rapidement ceux qui n’obtiennent pas le statut de réfugié et qui n’ont plus rien à faire sur notre sol. Les déboutés de l’asile font systématiquement l’objet d’une décision d’éloignement, qu’il faut exécuter dans les meilleurs délais. Nous savons que l’enjeu est là.
Pleinement mobilisés sur ce sujet, nous obtenons, là aussi, de premiers résultats encourageants, mais il faut aller plus loin. Les échanges internationaux que nous avons nous permettent d’être plus efficaces en la matière.
L’ensemble de ces mesures seront renforcées dans le cadre du plan interministériel Shikandra de lutte contre l’immigration irrégulière, qui est en cours de refonte.
Vous avez décrit, monsieur le sénateur, une situation spécifique : le campement informel de migrants dans le stade de Cavani, à Mamoudzou. Là encore, je vous le dis de manière très claire, l’État est déterminé à évacuer ce camp, en lien étroit avec les élus concernés. Les premières démolitions, qui commenceront dès demain, se poursuivront les jours suivants, jusqu’à la disparition complète de ce campement.
Nous apporterons une réponse adaptée à chacune des personnes présentes sur le campement. J’ai bien conscience que des mouvements sont nés en réaction à l’installation de celui-ci, sous forme de manifestations, de blocages de route et de services publics.
Je le dis clairement, le démantèlement de ce camp doit permettre le retour à un fonctionnement normal de l’ensemble des activités ; c’est une attente forte des Mahorais, et nous le leur devons.
Je tiens aussi à dire que les violences à l’encontre des migrants ne sont pas acceptables. Onze auteurs de violences ont été interpellés et seront jugés.
Monsieur le sénateur, Mayotte, c’est la République. Avec mon gouvernement, avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer, je suis déterminé à agir pour les Mahorais et pour Mayotte, et j’aurai l’occasion de me rendre prochainement sur place. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
filière de la pêche
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Pierre Médevielle. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Tout d’abord, mes pensées vont bien sûr vers la famille Sonac, si durement éprouvée.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les crises concomitantes de l’agriculture et de la pêche.
Comme prévu, le blocage routier de l’A64 dans mon département, sur l’initiative d’éleveurs victimes de la crise bovine liée à la maladie hémorragique épizootique (MHE), est en train de se généraliser à l’ensemble du pays.
Nos agriculteurs et nos éleveurs ne peuvent plus vivre de leur métier. Devant tant de désespérance, des mesures concrètes et immédiates sont aujourd’hui indispensables. Le gel du prix du gazole non routier (GNR) à un niveau acceptable pendant trois ans permettrait aux exploitants les plus durement touchés de se refaire une trésorerie. Envisagez-vous cette option ?
Aujourd’hui, le bashing agricole et l’inflation normative ne sont plus supportables. L’agriculture doit devenir grande cause nationale pour 2024.
Maintenant, que dire de la décision ahurissante du Conseil d’État revenant sur l’arrêté dérogatoire du Gouvernement, qui se résume à une interdiction de la pêche pendant trente jours dans le golfe de Gascogne ? Les pêcheurs ont subi cet hiver de nombreuses tempêtes les obligeant à rester à quai. Cette nouvelle punition les met dans une situation tout à fait insupportable.
Alors que la gestion des quotas de pêche et de la ressource halieutique a été déléguée à Bruxelles, le Conseil d’État est-il vraiment compétent pour prendre ce type de décisions ?
La réalité des faits, c’est qu’il n’y a jamais eu autant de dauphins, dont personne évidemment ne souhaite la mort, dans le golfe de Gascogne. Doit-on sacrifier toute une filière pour satisfaire les associations comme Sea Shepherd, France Nature Environnement (FNE) ou la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ?
Où les mareyeurs s’approvisionneront-ils ? L’écologie punitive a fait suffisamment de dégâts dans notre pays. Tournons vite cette page !
Monsieur le ministre, nos territoires et nos ports sont en détresse absolue. Ne pensez-vous pas qu’il faut en urgence se pencher au chevet de ces filières, sous peine d’abandonner toute ambition en matière de souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)