M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui est déjà pointée du doigt pour ses lacunes par les parlementaires et les professionnels des secteurs concernés par le vieillissement de la population, n’est malheureusement pas à la hauteur de la promesse, faite par le Gouvernement, d’un texte sur le grand âge et l’autonomie.
Elle aurait dû répondre à une double urgence démographique, dont les chiffres nous inquiètent : en 2030, près du quart de la population française aura 65 ans ou plus et 6 millions de Français seront dans la tranche d’âge de 75 à 84 ans ; en 2050, un tiers des Français aura plus de 60 ans. Il faut répondre à cette situation de toute urgence, car le vieillissement de la population et la perte d’autonomie constituent deux des principales préoccupations des Français.
L’une des améliorations que cette proposition de loi devait apporter concernait l’aide à domicile. Il n’en est rien, puisqu’aucun volet financier ne comble les carences actuelles.
Prenons un exemple. La présente proposition de loi impose aux Ssiad de se doter d’une activité d’aide à domicile, soit par un regroupement avec un ou plusieurs services d’aide existants, soit en intégrant une nouvelle activité. Il conviendrait d’en faire une faculté plutôt qu’une obligation, car une telle contrainte risque de déstabiliser les territoires dans lesquels les Ssiad fonctionnent parfaitement avec les Saad.
Parce que 80 % des Français veulent pouvoir rester chez eux et parce que la question du libre choix de résidence est centrale pour arriver à une véritable société du bien-vieillir, nous devons amplifier les mesures en faveur d’un véritable virage domiciliaire. Cela suppose de lever un certain nombre de difficultés dans l’exercice des métiers à domicile.
Il est donc nécessaire d’organiser mieux encore la coordination entre les soignants et les auxiliaires de vie auprès des personnes âgées. Pour ce faire, il est impératif que soit prévue la nomination d’un référent, responsable du planning et de l’accompagnement, dans le même esprit que la mise en place d’une carte professionnelle de l’aide à domicile. Il n’est pas moins urgent de conférer un vrai statut aux auxiliaires de vie : alors que les soignants intervenant à domicile ne peuvent se consacrer, pour des raisons d’effectifs, qu’aux soins de la personne, les auxiliaires de vie doivent être mieux formés et mieux reconnus comme aidants professionnels.
Il devient urgent, eu égard au fort turnover, d’établir une véritable reconnaissance de ce métier, afin d’apporter de la stabilité à ceux qui en font leur profession au sein de notre société, en leur accordant la considération et la juste rémunération qu’ils méritent.
Par ailleurs, l’idée de créer dans chaque département un institut de formation diplômante, sur le modèle des écoles d’aides-soignants, devrait être envisagée et considérée comme une mesure susceptible d’engendrer de réelles économies, car le manque de personnel oblige aujourd’hui des personnes âgées à résider en Ehpad, où le coût de la journée est bien plus élevé qu’avec une aide à domicile. Alors que notre population vieillit, l’enjeu est celui d’un accompagnement plus professionnel et plus humain de la personne âgée, qui sera ainsi maintenue plus longtemps à son domicile, si tel est son souhait.
Bien vieillir en France, c’est garantir à chacun des prestations de qualité, grâce au recours à des professionnels accompagnés et soutenus dans leur pratique. Ne nous voilons pas la face, madame la ministre : les services d’aide à domicile sont en train de mourir ? Ne regardons pas ailleurs !
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. La faible portée et le manque d’ambition de cette proposition de loi nous amènent à demander l’examen, dans les meilleurs délais, d’un véritable projet de loi sur le grand âge et l’autonomie. On nous promettait, avec ce texte attendu depuis longtemps, une révolution du vieillissement ; le compte n’y est pas ! (M. le président de la commission applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Khalifé Khalifé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettre de bien vieillir est un choix politique stratégique qui doit tenir compte de notre capacité à assumer une prise en charge adaptée qualitativement et financièrement.
Mon intervention sera celle d’un élu impliqué, qui espérait voir enfin arriver un texte traitant du grand âge, texte très attendu. Nous devrons nous contenter de cette proposition de loi…
Le texte qui nous est proposé ne tient malheureusement pas compte des expériences, pourtant nombreuses, de nos collectivités, des communes et, surtout, des départements. Il est d’ampleur modeste et répond si peu à son intitulé initial qu’il a été rebaptisé…
Sur les soixante-cinq dispositions transmises, presque la moitié ont été jugées inutiles, parce que satisfaites par le droit en vigueur, et d’autres ont été réécrites par la commission pour les rendre plus applicables sur le terrain. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour rendre hommage au travail colossal abattu par les rapporteurs de la commission des affaires sociales.
Je salue néanmoins la création du service public départemental de l’autonomie, piloté par le département, acteur historique dont la légitimité, malheureusement contestée, ne doit plus être remise en cause. À cet égard, madame la ministre, vos propos sont plutôt rassurants.
Je ne peux pas résister à la tentation de rappeler que, en 1982 déjà, feu Jean-Marie Rausch, fervent défenseur de la décentralisation, appelait, dans cet hémicycle même, le Gouvernement à préciser les compétences du département et à donner à ce dernier les moyens nécessaires pour accomplir sa mission. Il est vrai qu’entre-temps la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe, est passée par là… (Sourires sur diverses travées.)
L’idée consistant à confier le pilotage de ce service public au département est pertinente, mais on peut craindre, à la lecture du texte, que cette mission ne soit étouffée par des instances complexes de coordination et de régulation, qui risquent de bloquer les initiatives et de décourager les acteurs.
Par ailleurs, je n’ai pas vu dans la proposition de loi de précisions quant à l’intégration de ce service aux instances existantes. Madame la ministre, pitié, appliquons enfin le « choc de simplification » !
Quand on parle de qualité, on pense d’abord au parcours des seniors qui, dans leur majorité, souhaitent rester à domicile. Pourtant, nombre d’entre eux ne peuvent le faire, pour une raison ou une autre. Il faut donc que les capacités d’accueil en Ehpad soient adaptées. Certains départements en manquent cruellement quand d’autres disposent de places inoccupées. Ce texte aurait pu prévoir l’expérimentation de transferts de places disponibles d’un département à l’autre, sur la base du volontariat.
On pense aussi aux soins ; conforter le rôle du médecin coordinateur ne suffit pas. Il faut encourager et favoriser les soins médicaux et, surtout, dentaires en recourant à la méthode de l’« aller vers », afin d’éviter des déplacements longs et difficiles, sources de découragement et d’abandon des soins. Les normes en matière de personnel requis devraient être adaptées aux besoins des résidents, de plus en plus fragiles et dépendants.
On pense également aux métiers qui cumulent plusieurs facteurs de pénibilité et une rémunération faible, malgré le Ségur de la santé. Ce texte ne propose aucune solution pour améliorer les conditions de travail et pour valoriser cette profession, en Ehpad ou à domicile, même s’il comporte certaines avancées.
On pense encore aux établissements et à leurs contraintes multiples.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Khalifé Khalifé. En matière de lutte contre l’isolement, il est difficile d’enrichir les registres canicule des mairies, car ces documents ne comptent que 8 % des bénéficiaires potentiels, sans parler des contraintes imposées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
Nous aurions préféré un texte global et cohérent, mais je suis certain, madame la ministre, que vous aurez à cœur d’accomplir cette mission et que ce texte ne sera que le préambule du grand texte d’orientation que nous attendons tant… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre. Monsieur le président, j’ai gardé l’habitude de répondre aux orateurs s’exprimant à l’occasion d’une discussion générale. Par conséquent, si vous me le permettez, je commencerai par remercier l’ensemble des intervenants de leurs commentaires, notamment les rapporteurs, dans l’ordre de leur intervention.
Monsieur le rapporteur Sol, je vous remercie d’avoir souligné que le futur SPDA concernera aussi le handicap. Il s’agit de consacrer une logique de parcours et de guichet unique.
Madame la rapporteure Guidez, ainsi que mesdames Romagny, Pantel et Bonfanti-Dossat, vous avez évoqué trois points.
Le premier point porte sur la création d’une carte professionnelle. Il s’agit d’exprimer notre reconnaissance envers les personnes qui bénéficient de deux années d’expérience professionnelle ; c’est donc le début d’une validation des acquis de l’expérience.
Le deuxième point a trait à la convention collective nationale unique, qui est importante, puisqu’il s’agit d’un pas vers une meilleure reconnaissance, y compris en espèces sonnantes et trébuchantes.
Le troisième point concerne l’attractivité des métiers de l’humain. En effet, on peut se fixer un objectif de recrutement de 20 000, 30 000 ou 50 000 personnes, mais la question est : où seront les candidats ? Notre responsabilité réside donc également dans l’évolution de ces métiers, dans la valorisation des parcours professionnels, afin que des femmes et des hommes s’engagent dans cette activité.
Monsieur le sénateur Vanlerenberghe, je partage votre préoccupation relative à l’enjeu démographique majeur, qui est parfaitement connu. Nous devons construire ensemble les réponses à y apporter.
Madame la rapporteure Schalck, j’ai bien compris votre critique relative au travail « en silo ». En ce qui concerne le mandat de protection de droit commun et le mandat de protection future, un registre national unique sera créé. J’ai bien noté vos propos sur l’urgence et les astreintes du Conseil d’État. Des amendements ont été déposés sur cette question. Le sujet concernant les services du ministre de la justice, je ne puis prendre moi-même d’engagements à cet égard, malgré les diverses réunions interministérielles que nous avons eues. Ce registre doit être créé ; il y a probablement des enjeux informatiques, mais je mesure l’urgence.
Mesdames Brulin, Féret et Souyris, je veux vous lire mot pour mot un extrait de la déclaration de politique générale du Premier ministre de cet après-midi : « Nous continuerons à bâtir une société où chacun peut vieillir dignement et comme il l’entend, en facilitant le maintien à domicile de ceux qui le souhaitent, et en améliorant le quotidien dans les Ehpad. Le défi humain et financier est immense. » Le sujet a donc bien été évoqué, c’est le moins que l’on puisse dire…
J’ai eu l’occasion de m’exprimer en commission sur l’article 34 de la Constitution, mais je répète volontiers mes propos dans l’hémicycle. En tant que sénateurs, vous connaissez parfaitement notre Loi fondamentale et celle-ci ne prévoit pas la notion de loi de programmation pour le secteur médico-social. D’où ma réponse à votre question : je renvoie le sujet non pas aux calendes grecques, mais au 8 février prochain, date à laquelle le Conseil d’État doit nous rendre son avis. Ma position s’explique bien par la lecture de la Constitution.
En ce qui concerne le lien avec les départements, sachez que, pas plus tard que ce matin, j’ai parlé de l’ensemble de ces questions avec le président de Départements de France, François Sauvadet. Cela me permet de répondre à M. le sénateur Chasseing que la question de la ligne téléphonique est d’ordre réglementaire. Je doute que les présidents de conseil départemental – je me tourne en disant cela vers les anciens présidents présents ici – apprécient qu’on les oblige, par la loi, à mettre en place des lignes téléphoniques disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour une fois que le Gouvernement n’émet pas d’injonction, n’en ajoutons pas…
Quant à la fusion entre les Ssiad et les Saad, elle est en cours.
Pour ce qui a trait au financement des Ehpad par les ARS, il y a une nouveauté : des actions de prévention peuvent dorénavant être financées dans le cadre de la dotation de soins.
Monsieur Ravier, l’isolement est clairement une difficulté liée au vieillissement dans notre pays.
Madame Nadille, je vous remercie d’avoir joliment résumé les enjeux de ce texte en indiquant qu’il s’agissait d’une brique supplémentaire d’un édifice à compléter ; vous avez tout dit. Je prends également bonne note de votre préoccupation pour l’Hexagone comme pour l’outre-mer.
Monsieur Khalifé, je vous remercie de votre plaidoyer pour le département et la proximité territoriale. En cette matière, la notion de territoire est en effet centrale.
Je me permets de conclure avec vous, monsieur le président de la commission. Vous avez expliqué avoir souhaité recentrer ce texte et c’est en effet ainsi que je trouve celui-ci.
Je suis d’accord avec vous, le programme Icope, qui met l’accent sur la prévention, est important. Les nouveaux régimes de tarification sont également des points d’intérêt, de même que la notion du groupement, qui comprend des enjeux de mutualisation et de structuration de l’offre, ce qu’a également souligné Mme Romagny.
Bref, si je devais résumer en trois questions les enjeux que vous avez tous soulignés, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirais : quel modèle ? quel financement ? quelle gouvernance ? (Mmes Élisabeth Doineau et Solanges Nadille applaudissent.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie
TITRE Ier
RENFORCER LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DE LA PERTE D’AUTONOMIE ET LUTTER CONTRE L’ISOLEMENT SOCIAL
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 89 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Fialaire, Grosvalet et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les contours de l’instauration d’une prestation universelle d’autonomie. Cette prestation serait un droit ouvert à toute personne, quels que soient son âge ou sa situation de handicap, prenant en compte la nature et l’importance des besoins de compensation au regard des projets de vie des personnes. Le rapport précise les conditions d’éligibilité, ainsi que le périmètre de cette nouvelle prestation et les besoins de financements y afférents, afin de répondre à l’objectif d’une prestation individualisée, intégrale, universelle et sans restes à charge pour les personnes concernées.
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Les dispositifs actuels de soutien à l’autonomie sont insuffisants et trop parcellaires. Ils instaurent en outre des barrières empêchant l’accès au droit, notamment en raison de l’âge.
Aussi cet amendement tend-il à demander un rapport gouvernemental sur l’instauration d’une prestation universelle d’autonomie, garantissant aux personnes concernées, quels que soient leur âge, leur état de santé ou l’origine de leur handicap, une compensation intégrale, personnalisée, effective et sans reste à charge.
La création d’une telle prestation permettrait de lever les obstacles à l’effectivité du droit à la compensation du handicap, dénoncés depuis longtemps par les associations de personnes en situation de handicap, de leurs familles et de leurs proches aidants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Les barrières liées à l’âge constituent une préoccupation de longue date de notre commission. Le rapport d’information de nos anciens collègues Bernard Bonne et Michelle Meunier sur la prévention de la perte d’autonomie a ainsi préconisé de confier à la CNSA la conception d’une prestation universelle d’autonomie sans barrière d’âge et s’appuyant sur un outil unifié d’évaluation.
Pour autant, la commission est, par principe, opposée à l’inscription dans la loi d’une demande de rapport. Le Sénat peut mener ses propres travaux de contrôle et d’évaluation. Qui plus est, les rapports du Gouvernement sont rarement remis au Parlement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Je reviens sur la discussion de fond opposant, d’une part, l’APA, qui intègre l’entretien du logement ou qui, dans son volet « établissement », est destinée à solvabiliser le résident pour la part dépendance de son tarif d’hébergement, à, d’autre part, la prestation de compensation du handicap (PCH), laquelle a pour objectif de compenser le handicap dès le plus jeune âge.
À nos yeux, les besoins tout au long de la vie d’une personne lourdement handicapée et sa capacité à y subvenir diffèrent de ceux d’une personne dont la perte d’autonomie a commencé à 60 ans. Tel est le sens de la coexistence de deux prestations différentes, matérialisées notamment par la limite d’âge.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 89 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
Après l’article L. 223-7 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 223-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 223-7-1. – Un centre national de ressources probantes, intégré au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, est chargé :
« 1° De recenser et de diffuser les actions de prévention de la perte d’autonomie ;
« 2° D’élaborer des référentiels d’actions et de bonnes pratiques. »
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, sur l’article.
M. Stéphane Demilly. La population française vieillit, c’est inéluctable ; les personnes âgées de plus de 60 ans, qui sont 15 millions aujourd’hui, seront 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060. Le mode de vie de notre société doit donc changer.
Nous sommes tous responsables dans la grande lutte contre la solitude qui s’engage, notamment à l’âge où s’accentue le risque de se retrouver seul.
Les personnes en perte d’autonomie sont confrontées à un réel parcours du combattant pour faire valoir leurs droits et les élus sont en première ligne face à la détresse des familles et des aidants. Il est donc important d’agir en bonne coordination avec l’échelon local.
Nous savons que les attentes sont fortes, du côté tant des personnes âgées et de leurs familles que des professionnels, notamment le personnel des Ehpad, dont le dévouement ne suffit parfois plus. Tous se débattent au quotidien, dans des situations inextricables causées par le manque de moyens, de personnel et souvent de temps.
Au travers du texte que nous examinons aujourd’hui, il nous est proposé comme solution que les Ehpad se regroupent pour mieux s’en sortir, mais, dans certains territoires, cela fait déjà plus de cinq ans que ces établissements ont fusionné et cela n’a absolument rien résolu ! Les budgets sont toujours en déficit et les services sont sans cesse réorganisés, avec des diminutions d’effectifs.
Certes, le Gouvernement a revalorisé ces professionnels – points d’indice supplémentaires, prime de pouvoir d’achat, passage des aides-soignants en catégorie B –, mais sans donner aux établissements les moyens financiers adéquats. Or les charges de personnel représentent près de 80 % des dépenses, qui sont accentuées par le fort absentéisme, puisque les établissements, qui sont leur propre assureur chômage, doivent à la fois rémunérer l’agent absent et son remplaçant, sans parler du recours à l’intérim.
Le chantier n’est pas simple et loin de moi l’idée de me lancer dans un discours du « Y a qu’à, faut qu’on ». Reste qu’une chose est sûre : il faut remettre la personne au centre des dispositifs d’aide en développant et en renforçant l’aide à domicile et l’habitat inclusif.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, sur l’article.
Mme Laurence Harribey. En amont de la discussion de cet article et des suivants, je tiens à souligner qu’il est logique de faire du service public de l’autonomie une compétence départementale ; les départements se sont battus pour que ce soit le cas, pour que cela figure dans cette proposition de loi.
Toutefois, je formulerai trois remarques préliminaires.
La première remarque a trait au financement de l’autonomie et à sa répartition entre les différents acteurs. En effet, les départements n’obtiennent que les miettes des crédits de la CNSA, qui bénéficient essentiellement aux ARS.
La deuxième remarque porte sur la création des groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux. Il faudra être vigilant sur ce point : quel en sera l’impact financier pour les départements ? Ces derniers sont cofinanceurs des Ehpad et doivent donc savoir ce qui s’y passe.
La troisième remarque est relative à un aspect assez logiquement absent de ce texte, à savoir la rupture d’égalité devant l’impôt entre les Ehpad territoriaux, exonérés de taxe sur les salaires, et les Ehpad autonomes, qui ne le sont pas. Cela aura un impact important sur les équilibres budgétaires et risque de mettre en péril l’existence de nombre d’Ehpad autonomes, qui rendent pourtant le même service.
J’espère donc que la discussion de ce soir, puis le projet de loi Grand Âge en préparation, permettront d’apporter des réponses à ces questions.
En effet, les enjeux sont bien ceux que vous avez rappelés, madame la ministre : quel modèle ? quel financement ? quelle gouvernance ? Malheureusement, ce texte ne répond pas vraiment à ce triptyque de questions fondamentales…
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 226 rectifié est présenté par Mme Bourcier, M. Chasseing, Mme L. Darcos, MM. Brault, Verzelen et Capus, Mme Lermytte et M. Chevalier.
L’amendement n° 307 est présenté par Mme Nadille, MM. Patriat, Iacovelli, Théophile, Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Mohamed Soilihi, Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre III du titre III du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
I. – Au début, il est inséré une section 1 ainsi rédigée :
« Section 1
« Conférence nationale de l’autonomie
« Art. L. 233-1 A. – Une conférence nationale de l’autonomie assure le pilotage national de la politique de prévention de la perte d’autonomie et sensibilise notamment à la prévention primaire pour le bien-vieillir. Elle est présidée par le ministre chargé de la politique de prévention de la perte d’autonomie et sa composition est définie par décret. Elle se réunit au moins une fois par an.
« Dans le cadre d’un plan pluriannuel, elle fixe les priorités de la politique de prévention et d’accompagnement de la perte d’autonomie et les indicateurs permettant de l’évaluer.
« Elle coordonne les acteurs impliqués dans la politique de prévention et d’accompagnement de la perte d’autonomie et les stratégies de communication des politiques publiques en faveur de l’autonomie et contre l’âgisme.
« Elle s’appuie notamment sur la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour la déclinaison de cette politique.
« À cet effet, elle s’appuie sur l’expertise d’un centre national de ressources probantes intégré au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Il est chargé :
« 1° De capitaliser et de diffuser les actions de prévention de la perte d’autonomie ;
« 2° D’élaborer des référentiels d’actions et de bonnes pratiques ;
« 3° D’évaluer et de labelliser les équipements et les aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile ou la prévention de la perte d’autonomie en établissement.
« La conférence nationale de l’autonomie assure également le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du plan pluriannuel dans les conférences des financeurs mentionnées à l’article L. 233-1. »
II. – Avant l’article L. 2331, il est inséré une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Conférence des financeurs »
III. – L’article L. 233-1 est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « définit », sont insérés les mots : « , en lien, le cas échéant, avec le gérontopôle compétent, » et sont ajoutés les mots : « dans le respect des priorités définies dans le plan pluriannuel établi par la conférence nationale de l’autonomie mentionnée à l’article L. 233-1 A » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le développement d’actions de lutte contre l’isolement des personnes âgées. »
La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour présenter l’amendement n° 226 rectifié.
Mme Corinne Bourcier. Cet amendement tend à rétablir l’article 1er dans la version adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale. Ainsi rédigé, cet article crée la conférence nationale de l’autonomie, qui pilote la politique de prévention de la perte d’autonomie, au travers de la rédaction d’une nouvelle section du code de l’action sociale et des familles.
Cette conférence pilotera la politique de prévention et détaillera ses missions. Elle définira les orientations prioritaires pour les actions mises en œuvre par les conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie et de l’habitat inclusif, dans le cadre d’un plan pluriannuel. Les conférences des financeurs devront respecter les axes prioritaires fixés dans le plan pluriannuel par cette conférence.
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour présenter l’amendement n° 307.
Mme Solanges Nadille. Depuis de nombreuses années, tous les acteurs du grand âge et de l’autonomie nous font part d’une difficulté importante rencontrée par bien des Français : les politiques en faveur de l’autonomie existent, mais personne ne sait vraiment qui tient la barre et fixe le cap. En un mot, il manque un organe de pilotage national pour coordonner les actions menées sur l’ensemble des territoires.
C’est pourquoi les auteurs de cette proposition de loi ont proposé la création d’une conférence nationale de l’autonomie, inspirée de la réussite des conférences nationales sur le handicap, afin de définir les priorités sur les années à venir et de dégager un plan clair, avec des objectifs clairs.
Ce « mimétisme » appliqué aux politiques de l’autonomie nous paraissait constituer une bonne idée. Ce pilotage national, plusieurs élus de tous les groupes politiques la promeuvent et sa suppression par la commission des affaires sociales nous a étonnés. C’est parce que nous pensons que nous avons besoin d’une telle impulsion nationale, réunissant l’ensemble des acteurs sans pour autant remettre en cause la place des départements, que nous demandons, via cet amendement, le rétablissement de cette conférence.