Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, Fernique, Dossus, Dantec et G. Blanc, Mmes M. Vogel et Senée, M. Salmon, Mme Poncet Monge, MM. Mellouli et Jadot, Mme Guhl et M. Gontard, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° La même première phrase du 2° de l’article L. 111-2 est ainsi modifiée :
a) Après les mots : « du cinéma », sont insérés les mots : « et de ses auteurs, » ;
b) Après les mots : « de l’image animée », sont insérés les mots : « sur l’ensemble du territoire » ;
c) Les mots : « des marchés et » sont supprimés ;
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. « Le cinéma est un art ; et par ailleurs, c’est aussi une industrie. » Cette conception duale du cinéma que résumait si bien André Malraux est au fondement des politiques françaises de soutien à ce secteur.
Aujourd’hui, cette dualité s’est toutefois transformée en une asymétrie totale en faveur de la recherche d’une rentabilité économique, au détriment de l’exception culturelle qu’incarne pourtant le cinéma français.
Cet amendement vise à réorienter la politique du CNC vers le soutien au cinéma d’auteur. Recevant la palme d’or du Festival de Cannes en 2023 pour son film Anatomie d’une chute, Justine Triet indiquait en effet que « la marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française ».
Au cœur de ce mécanisme, le CNC se doit d’accomplir sa mission culturelle, et partant, d’attribuer des aides au financement de films dits d’économie fragile, c’est-à-dire aux films fortement dépendants d’aides publiques, tels que les premiers films ou les films dont la distribution et la diffusion ne sont pas garanties, par exemple parce qu’ils ne sont pas produits par des plateformes sur lesquelles ils seront automatiquement diffusés.
L’amendement s’inscrit également dans une logique d’attribution d’aides aux distributeurs et aux exploitants sur l’ensemble du territoire, en écho à l’article 4 de la présente proposition de loi.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de modifier ainsi l’article 6, mes chers collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérémy Bacchi, rapporteur. Sur le fond, cet amendement ne vise à rien de moins qu’à provoquer une révolution dans l’attribution des aides du CNC, en renonçant à l’adaptation au marché des œuvres. Vous revendiquez d’ailleurs pleinement, ma chère collègue, la volonté que le CNC soutienne exclusivement le cinéma dit d’auteur, tout en laissant la possibilité, via d’autres instruments, par exemple portés par le ministère des finances, que d’autres financements s’inscrivent dans une logique plus économique.
Une telle logique pose toutefois plusieurs difficultés.
Depuis sa création en 1946, le CNC soutient tout d’abord avec efficacité tous les types de cinéma et tire justement sa force de la centralisation de l’expertise et de la vision globale qui président à l’attribution de ses aides.
Il n’y a pas, ensuite, d’opposition juridiquement fondée et pertinente entre un cinéma dit d’auteur et un cinéma qui n’en serait pas. Chaque film est bien le fruit du travail d’un réalisateur et de son équipe.
Le CNC dispose d’ailleurs déjà d’outils spécifiques pour aider les premiers films et les films dits de la diversité. Les données relatives à la création, exposées dans le rapport de la mission d’information, tendent du reste à montrer que la France produit de plus en plus de films à petit budget, au détriment des films dits du milieu.
Je reviendrai sur les auteurs et la thématique de l’intelligence artificielle lorsque nous examinerons un amendement ultérieur dont c’est spécifiquement l’objet.
Pour ce qui est enfin de la dimension territoriale, toute la politique du cinéma en France repose justement sur le souci constant d’une large diffusion territoriale, dont témoigne d’ailleurs l’article 4 de la présente proposition de loi. L’objectif n° 3 du document stratégique de performances du CNC est d’ailleurs déjà de « diffuser le cinéma sur l’ensemble du territoire ».
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Votre amendement tend à restreindre le champ d’intervention du CNC, quand la mission de cette instance revêt depuis l’origine une dimension qui est à la fois culturelle et économique, comme vous l’avez d’ailleurs rappelé, madame la sénatrice.
Le CNC a ainsi vocation à soutenir non seulement la diversité et l’originalité des créations artistiques, mais également une industrie qui est créatrice d’emplois et qui évolue dans un environnement concurrentiel.
Je rappelle d’ailleurs que les œuvres les plus fragiles bénéficient aujourd’hui d’un taux de soutien plus élevé, à raison d’une majoration de 20 %, les aides publiques pouvant s’élever jusqu’à 70 % du budget total lorsque les œuvres sont considérées comme fragiles.
En ce qui concerne le premier point, j’estime qu’il n’y a rien de choquant dans le fait que le CNC adapte ses aides en fonction de l’évolution du marché. Elles sont ainsi plus pertinentes, et cela ne veut pas dire que le CNC serait guidé par le marché. De fait, dans un monde en constante évolution, il ne me paraît pas approprié de figer des aides dans le temps.
Pour ce qui est du second point, et comme cela a été rappelé, le CNC aide déjà très largement le cinéma d’auteur.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable, madame la sénatrice.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes de Marco, Ollivier, Billon et Corbière Naminzo, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le g du 2° de l’article L. 111-2 est complété par les mots : « tenant compte des objectifs de promotion de la parité et de la diversité » ;
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Malgré les progrès observés depuis 2018, la parité et la diversité sont encore insuffisantes dans le cinéma. Le présent amendement, qui vise à faire de la parité et de la diversité deux objectifs guidant l’action des instances de pouvoir que sont les comités d’attribution d’aide du CNC, les comités de sélection des festivals, les organes directeurs des festivals, des écoles du cinéma, etc. avait été déclaré irrecevable. Pour des raisons mystérieuses, il n’a toutefois pas été écarté.
Par cet amendement, mes chers collègues, je vous propose donc de contribuer à améliorer la valorisation de l’héritage cinématographique laissé par les femmes cinéastes – que l’on appelle le matrimoine – dans le cadre des missions de conservation et de restauration des films du CNC.
Les réalisations féminines restent encore aujourd’hui marginales et délaissées des yeux du grand public.
Si la parité est impossible dès lors que, pendant des décennies, les films réalisés par des femmes sont restés ultraminoritaires, il importe de s’assurer que les œuvres qui existent ne disparaissent pas dans les limbes de l’histoire et de faire en sorte que, dès lors que la parité augmente parmi les réalisateurs et les réalisatrices, la part des films de femmes restaurés augmente également.
Selon une étude menée par le collectif 50/50 sur la parité derrière la caméra, entre 2013 et 2022, seulement 591 femmes ont réalisé un ou plusieurs films, contre 1 605 hommes.
Par cet amendement, il s’agit donc d’inscrire dans la mission de conservation des œuvres l’objectif de parité, étendu à celui de diversité, qui recouvre également la diversité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. Par cet amendement, ma chère collègue, vous souhaitez au fond vous assurer que le patrimoine cinématographique issu de la parité et de la diversité ne soit pas ignoré.
On peut le regretter, mais l’essentiel des grandes œuvres patrimoniales du passé ont été réalisées par des hommes. Depuis, les femmes et les représentants de la diversité ont fort heureusement trouvé une place plus grande et tournent aujourd’hui des œuvres qui sont le patrimoine de demain, même si, comme cela a été souligné lors de la discussion générale, un long chemin reste à parcourir.
Le CNC s’efforce de mettre à l’honneur les œuvres dites du matrimoine. En 2020, il a par exemple proposé une projection d’œuvres de la grande réalisatrice française des années 1920 Germaine Dulac. L’attribution des aides à la restauration et à la numérisation du patrimoine dépend déjà de critères prenant en compte la diversité et la parité, tels que l’incidence des œuvres sur la société ou encore les talents et collaborations artistiques convoqués par chacune.
Pour toutes ces raisons, ma chère collègue, l’ajout que vous proposez par cet amendement ne présente pas un intérêt évident. Il pourrait même se révéler redondant, car le patrimoine étant avant tout ce qui est entré dans la conscience collective, il ne dépend pas de l’identité du réalisateur. Espérons toutefois que, à l’avenir, la meilleure représentation de la diversité se traduira dans notre patrimoine.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Je vous remercie tout d’abord, madame la sénatrice de Marco, de porter dans le débat la question de la parité, qui m’est également très chère.
Le CNC est doublement impliqué en faveur du patrimoine cinématographique, au titre de sa mission propre de conservation, mais également au titre de sa mission de soutien financier aux initiatives en faveur du patrimoine.
Il a par ailleurs vocation à appréhender notre patrimoine cinématographique dans sa globalité et dans toute sa diversité. Comme Mme la rapporteure l’a rappelé, le CNC se penche notamment sur l’incidence des œuvres sur la société, ainsi que sur les talents et collaborations artistiques convoqués par chacune.
La précision que vous souhaitez apporter pourrait de ce fait contribuer à restreindre le champ d’action du CNC en la matière, madame la sénatrice.
Telle est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le 6° de l’article L. 111-2 est complété par les mots : « , et de prévenir la fragilisation du droit d’auteur par le recours à l’intelligence artificielle » ;
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. L’intelligence artificielle (IA) étant appelée à jouer un rôle de plus en plus prépondérant dans le cinéma français, et cela dans toutes les phases de la création et de la production, cet amendement vise à étendre la mission du CNC en matière de protection des droits d’auteur en anticipant le recours à l’intelligence artificielle.
Je rappelle que, en octobre 2023, les scénaristes américains sont parvenus à obtenir plusieurs garanties pour protéger leurs copyrights. J’en indiquerai quatre.
Ils ont tout d’abord obtenu que l’intelligence artificielle ne puisse pas se voir reconnaître la qualité d’auteur d’un texte, et que les droits d’un scénariste ne puissent pas être restreints par le contenu généré par l’intelligence artificielle.
Ils ont ensuite établi que, si un scénariste peut choisir d’utiliser l’intelligence artificielle sous réserve que le producteur y consente, ce producteur ne peut pas exiger que le scénariste utilise l’IA.
Les scénaristes américains ont également obtenu que dans le cas où les documents fournis au scénariste ont été générés par l’intelligence artificielle, celui-ci en soit informé par le producteur.
Les auteurs se sont enfin réservé le droit d’interdire que, leurs textes soient exploités pour former l’intelligence artificielle.
L’accord politique trouvé sur le règlement européen sur l’intelligence artificielle n’apporte pas de garantie comparable. Bien que l’Union européenne légifère régulièrement dans le domaine du droit d’auteur, les États membres restent compétents en matière de politique culturelle, les traités ne prévoyant qu’une compétence européenne d’appui en la matière. Qu’attendons-nous donc pour agir, mes chers collègues ?
Par cet amendement, je vous propose de confier cette mission au CNC.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérémy Bacchi, rapporteur. Je partage la préoccupation que vous exprimez, madame la sénatrice de Marco, car j’estime que la montée en puissance de l’intelligence artificielle pourrait effectivement déséquilibrer le régime des droits d’auteur.
Cet amendement vise à prévenir une telle fragilisation du droit d’auteur, mais sa rédaction relève en réalité d’une déclaration d’intention, qui, bien que bienveillante, n’en demeure pas moins une simple déclaration d’intention.
Le sujet que vous pointez est de plus très vaste, et il ne saurait se limiter aux auteurs de cinéma, à l’exclusion d’autres formes de création. J’estime qu’il inclut également les acteurs, et même les doubleurs.
Comme cela a été indiqué par plusieurs collègues lors de la discussion générale, ce sujet commence toutefois à faire l’objet d’un encadrement européen, le règlement récemment adopté ayant été âprement discuté. Il mérite donc selon nous de faire l’objet d’une réflexion globale qui permettra de bien peser les risques, mais aussi les opportunités ou potentialités futures dans un contexte mondial qui tâtonne encore très largement.
Telles sont les raisons pour lesquelles l’avis de la commission est défavorable, ma chère collègue.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Comme Mme la sénatrice Morin-Desailly l’a rappelé lors de la discussion générale, le règlement adopté par l’Union européenne le 2 février dernier, dit AI Act, prévoit d’ores et déjà des obligations en matière de droit d’auteur.
Les fournisseurs de modèles d’intelligence artificielle devront notamment mettre en place une politique interne de respect des droits d’auteur. Un office européen de l’intelligence artificielle rattaché à la Commission sera chargé de la bonne mise en œuvre de cette obligation, des sanctions pouvant être appliquées en cas de manquement.
Comme M. le rapporteur l’a rappelé, la prise en compte du droit d’auteur par les systèmes d’intelligence artificielle est une problématique transverse qui, bien au-delà du simple champ de l’image animée, concerne l’intégralité du champ de la création.
Le CNC porte déjà les préoccupations du secteur, qu’il soutient dans les discussions qui sont en lien avec le développement de l’intelligence artificielle.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mmes de Marco, S. Robert, Ollivier et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mmes Billon et Corbière Naminzo, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 311-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque des faits constitutifs d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la personne mentionnée aux articles 222-22 à 222-33-1 du code pénal se sont déroulés lors de la production d’une œuvre cinématographique, audiovisuelle ou multimédia et ont fait l’objet d’une condamnation pénale, le Centre national du cinéma et de l’image animée retire l’aide dont a bénéficié l’entreprise de production qui assume les fonctions d’entreprise de production déléguée pour la production de cette œuvre, dès lors que cette entreprise n’a pas respecté ses obligations résultant des articles L. 1153-1 à L. 1153-6 du code du travail. » ;
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Depuis 2018, de l’ensemble des témoignages de violences sexuelles et sexistes ou de harcèlement intervenus sur les plateaux, il ressort que les victimes rencontrent des difficultés à obtenir le soutien des témoins présents.
Or les lieux de tournage sont des lieux professionnels, les équipes étant placées sous la responsabilité de l’entreprise de production déléguée.
Sur le plateau, l’entreprise est représentée par un directeur de production et un producteur exécutif.
Conformément au droit du travail, le chef d’entreprise a la responsabilité de garantir la sécurité des salariés lors du temps professionnel. Selon les branches, les conventions particulières adaptent ces règles de sécurité aux risques spécifiques du métier.
Dans le cas du cinéma, cette responsabilité incombe au producteur. Sans déresponsabiliser pénalement les auteurs de violences ou de harcèlement, notre volonté, par cet amendement, est de renforcer la responsabilité administrative des producteurs.
Dans une première version de celui-ci, nous avions proposé que les entreprises de production négligentes, qui ont produit des films lors desquels des faits commis ont par la suite été qualifiés de violences ou de harcèlement et ont été condamnés par un juge, se verraient à l’avenir privées du droit d’obtenir l’aide du CNC.
Cet amendement était encadré par l’absence de mesures de prévention mises en place par l’entreprise et l’absence de diligence au moment de la révélation des faits.
À la suite d’échanges avec les rapporteurs, cet amendement a été rectifié pour permettre le retrait d’une aide à une entreprise de production déléguée après la condamnation pénale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. Cette proposition s’inscrit dans un contexte, hélas ! une nouvelle fois lourdement marqué par un témoignage, celui de Judith Godrèche. Elle est le résultat d’un travail commun réalisé par l’auteur de l’amendement, Mme Monique de Marco, et les rapporteurs, afin d’apporter une réponse rapide et ferme aux violences sexuelles lors des tournages.
Le dispositif proposé revient à sanctionner par un remboursement des aides perçues le producteur délégué qui aurait cumulé deux circonstances : une condamnation pénale pour des faits qui se seraient produits – je le souligne – durant le tournage, et l’absence de respect de ses obligations de prévention figurant dans le code du travail.
Le CNC a déjà la faculté de pratiquer le retrait d’une partie ou de la totalité des aides si ces conditions sont remplies, ce qui s’est déjà produit. Avec ce dispositif, la sanction est alourdie et automatique, puisque c’est la totalité de l’aide qui sera retirée, pour le film en question.
La sanction prévue paraît donc bien proportionnée et circonscrite.
Dès lors, et face encore une fois à la très légitime émotion suscitée par les récents témoignages de victimes, l’avis est favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Je n’apporterai qu’une précision aux propos très exhaustifs de Mme la rapporteure, pour vous indiquer, madame la sénatrice de Marco, que le Centre national du cinéma étendra prochainement à l’ensemble des équipes de tournage l’obligation de formation conditionnant l’accès aux plateaux. Cette mesure devrait être effective dès cet été.
Encore une fois, je vous remercie de porter le sujet des violences sexistes et sexuelles, hélas ! d’actualité ces derniers temps.
L’avis est favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Le groupe SER s’est associé à cet amendement pour deux raisons.
La première est que le monde du cinéma – la rapporteure l’a indiqué – est aujourd’hui secoué par beaucoup d’affaires. Dans ce contexte préoccupant, il est de notre responsabilité d’être au rendez-vous.
La seconde raison est que, par cet amendement, nous octroyons une base légale au retrait des aides et à la suspension des versements auxquels le CNC a déjà pu procéder par le passé. J’estime qu’une telle disposition est d’une grande importance.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.
(L’amendement est adopté à l’unanimité.)
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« L’attribution des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée est également subordonnée au respect, par les entreprises de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, de la formation des équipes aux pratiques destinées à protéger l’environnement et à réduire l’empreinte carbone lors de la production, de la post-production, de la distribution, de la diffusion et des opérations de communication qui s’y attachent. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Le budget carbone moyen de la production d’un film en France est de 750 tonnes de CO2. Une réflexion est déjà en cours chez les professionnels, comme en témoignent des travaux déjà bien aboutis d’Ecoprod ou encore de la Fédération nationale des cinémas français, qui a élaboré un plan de sobriété énergétique en septembre 2022. Le référentiel d’Ecoprod prévoit par exemple un malus en cas d’utilisation d’un jet privé sur un tournage.
Par cet amendement, mes chers collègues, il vous est proposé de renforcer l’objectif de préservation de l’environnement que partagent les auteurs de la présente proposition de loi par l’instauration d’une obligation de formation aux pratiques respectueuses de l’environnement pour tous les métiers de la filière.
Il s’agit, à côté du référentiel AFNOR Spec, actuellement en écriture, de mettre en place des formations par profession pour permettre un partage de connaissances et de bonnes pratiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. Le présent amendement vise à créer une nouvelle obligation pour les entreprises de production. Celles-ci devraient en effet assurer la formation des équipes aux pratiques destinées à protéger l’environnement lors de la production, de la post-production, de la distribution, de la diffusion et des opérations de communication.
La formation des équipes à la protection de l’environnement et aux outils qui peuvent être mis en œuvre dans ce cadre est un sujet fondamental. Une telle proposition pose toutefois deux difficultés, ma chère collègue.
La première a trait au coût d’une telle disposition, qui revient à créer une charge pour les producteurs dont le montant, qu’il n’est pour l’heure pas possible d’évaluer, car certains dispositifs continuent d’évoluer et de s’améliorer et que d’autres n’existent pas encore, pourrait être significatif. De nombreuses sociétés de production de petite taille ne seraient pas en mesure d’absorber de telles dépenses.
La seconde difficulté porte sur l’organisation du travail. Par cet amendement, ma chère collègue, vous faites en effet peser sur les producteurs la charge des actions de formation, y compris dans des domaines qui ne relèvent pas de leurs compétences et au bénéfice d’intervenants dont ils ne sont pas les employeurs. C’est notamment le cas de la distribution, de la diffusion et des opérations de communication qui sont menées par les distributeurs et les exploitants.
Le dispositif mis en place par l’article 6 de la proposition de loi s’inscrit dans une logique incitative, qui repose sur la modulation des aides du CNC en fonction des efforts de préservation de l’environnement réalisés sur les tournages.
Je vous propose d’en rester à ce mécanisme qui, en tout état de cause, se traduira logiquement par des actions de formation, d’autant que, encore une fois, de nombreuses évolutions ne manqueront pas d’intervenir à l’avenir.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État. Tout comme vous, madame la sénatrice de Marco, le Gouvernement est convaincu que les secteurs de la production cinématographique et audiovisuelle doivent se montrer exemplaires pour réduire leur empreinte environnementale. La présente proposition de loi s’inscrit du reste dans une telle logique.
Comme vous le savez, le CNC a déjà conditionné l’octroi de ses aides à la production de bilans carbone qui incluent le spectre entier des activités qu’emporte la production, notamment les trajets et toutes les activités liées aux différents professionnels qui interviennent.
J’estime donc que votre amendement est satisfait, et c’est pourquoi l’avis est défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes de Marco, Ollivier, Billon et Corbière Naminzo, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :
Compéter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« L’attribution des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée est également subordonnée à la mise en place, par les entreprises de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, d’une formation des équipes à la prévention et au signalement de violences sexuelles et sexistes et de harcèlement. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Depuis 2018, de légers progrès sont intervenus pour prévenir les risques de violences sexistes et sexuelles sur les tournages.
La formation de sensibilisation que le CNC a notamment instaurée nous paraît toutefois insuffisante. Celle-ci est en effet réservée aux gérants des entreprises de production qui ne sont pas, en temps normal, les producteurs sur les plateaux de tournage. Selon nos informations, il ne s’agit de plus que de rappels à la loi sous forme de modules de trois heures.
Il importe que les personnes exposées à des violences sexuelles et sexistes ou de harcèlement qui sont difficiles à qualifier puissent être informées des situations illégales.
Un référent pour l’ensemble du territoire a été mis en place, ce qui nous semble insuffisant pour aider simultanément toutes les équipes en tournage.
Cet amendement tend donc à renforcer ces mesures en conditionnant l’attribution d’aides du CNC à la mise à place d’une formation obligatoire pour l’ensemble de l’équipe à la charge de l’entreprise de production.
Nous aurions naturellement préféré que ces formations soient financées par le CNC, mais si nous l’avions proposé, nous nous serions heurtés aux règles de recevabilité financière.
Cette proposition est complémentaire de celle que nous avons portée par l’amendement n° 2 rectifié bis. La prévention nous semble en effet préférable aux sanctions.